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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 2 - Témoignages


Ottawa, le mardi 28 mai 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui, à 16 heures, pour rencontrer une délégation de parlementaires cubains.

Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous accueillons cet après-midi une délégation de parlementaires cubains. Nos invités sont MM. Luiz Ignacio Gomez Gutiérrez, ministre de l'Éducation; Antonio De la Liera Herrera, député; et Sergio Pastrana Valera, député. Cette délégation est accompagnée de Son Excellence Bienvenido Garcia Negrin, ambassadeur de Cuba au Canada, et de M. Jorge Lamadrid, conseiller de l'ambassadeur.

L'honorable ministre fera une brève déclaration par l'entremise de son interprète puis répondra à nos questions.

M. Luiz Ignacio Gomez Gutiérrez, ministre de l'Éducation: Je vous remercie du chaleureux accueil que vous avez réservé à l'ensemble de la délégation cubaine. Nous faisons partie d'une délégation qui représente le Groupe d'amitié Canada-Cuba. Notre visite fait suite à celle qu'une délégation canadienne a faite à Cuba il y a un an et demi.

Les liens qu'ont noués le Canada et Cuba sont très importants parce que les deux pays appartiennent au même hémisphère. Nous entretenons ces liens depuis 50 ans. Les relations commerciales entre nos deux pays n'ont fait que croître durant cette période. Nos échanges commerciaux ont augmenté d'environ 500 millions de dollars cette année dans les secteurs des mines de cuivre, du pétrole et du tourisme. Nous nous attendons à ce que cette hausse se poursuive.

Nous cherchons de plus en plus à acheter des marchandises canadiennes et à exporter nos produits au Canada. Cuba a modifié son économie dans le but de l'améliorer. L'ACDI a ainsi accepté de nous aider à réformer nos systèmes bancaire et financier, et nous nous attaquerons bientôt aux programmes sociaux comme l'éducation et la santé.

La perte de certains de nos marchés a engendré des difficultés économiques pour les Cubains. Nos difficultés sont également attribuables au blocus instauré par les États-Unis et qui vient d'ailleurs tout juste d'être renforcé. Ce blocus va beaucoup plus loin qu'un simple embargo commercial, car il a aussi une portée extraterritoriale. Il a une incidence sur tous les aspects de la vie quotidienne, par exemple l'approvisionnement en nourriture et en médicaments, et non uniquement sur les échanges commerciaux.

Ce blocus empêche également l'arrivée d'investissements étrangers à Cuba. L'embargo le plus récent, et le plus absurde, est la loi Helms-Burton qui vient d'être adoptée aux États-Unis. Le gouvernement canadien s'est d'ailleurs très fermement opposé à cette loi, car elle touche des intérêts canadiens et porte atteinte à la souveraineté canadienne. L'obligation de respecter une loi adoptée par un autre pays nuit à la liberté de commerce et aux investissements. C'est le principal obstacle qui empêche notre pays de se développer et, pour cette raison, nous pouvons dire que le peuple cubain est héroïque.

Sans ce blocus, tout serait beaucoup plus facile et notre économie pourrait se développer plus rapidement. Elle a d'ailleurs connu une hausse de 7 p. 100 en dépit de ce blocus. En 1995, cette hausse a été de 2,5 p. 100.

Nous avons réussi à assurer la reprise de notre production de sucre et nous avons atteint des sommets pour ce qui est de la production du nickel et du cobalt gråce à l'importante aide que nous ont fournie des entreprises canadiennes. Nous avons également augmenté notre production de pétrole et de tabac. L'industrie du tourisme a quant à elle connu une hausse de 47 p. 100 au cours du premier trimestre de 1996 par rapport à 1995. Cette augmentation est notamment attribuable à l'arrivée de Canadiens sur notre marché.

Malgré le blocus, Cuba a le taux d'alphabétisation le plus élevé des pays latino-américains. Dans le reste de l'Amérique latine, ce taux est d'environ 16 p. 100. À Cuba, on compte un enseignant pour 45 habitants. Tout le monde travaille. Aucune école, aucune université n'a été fermée. Nous consacrons 11 p. 100 de notre budget national à l'éducation. Notre taux de mortalité infantile est comparable à celui des pays développés, à savoir moins de 10 décès pour 1000 naissances.

Il y a un médecin pour 200 habitants. Les services de santé et l'éducation sont gratuits. La plus grande partie du budget national est consacrée à la sécurité sociale. Environ 1,5 million de Cubains ont accès au programme de sécurité sociale. Notre pays ne renoncera pas à ces réalisations.

Nous devons toutefois assurer la reprise de l'économie. Nous avons prévu que le déficit serait inférieur à 4 p. 100. Cette décision a été prise avec l'accord du peuple cubain. Lors des dernières élections, les candidats devaient recueillir au moins 50 p. 100 des votes pour être élus. Ce sont d'ailleurs les Cubains qui proposent les candidats à ces élections.

J'aimerais encore une fois remercier les honorables sénateurs de l'accueil qu'ils nous ont réservé. Nous avons été bien reçus tant au Sénat qu'à la Chambre des communes. J'aimerais également remercier le Canada pour les liens qu'il entretient avec Cuba et pour le respect qu'il accorde à son autonomie et à sa souveraineté.

Le président: Sénateur Stollery.

Le sénateur Stollery: Nous nous sommes rendus en Europe au mois d'avril et, durant cette visite, nous avons été témoins de très fortes réactions au sujet du blocus dont vous avez parlé. Que pense Cuba de la situation dans laquelle se retrouvent le Canada et les pays européens, parce que le Canada n'est pas le seul à être touché par ce blocus? Quelle est la réaction des Cubains?

M. Gutiérrez: Nous savons qu'à quatre reprises, les Nations Unies ont réagi contre le blocus instauré à Cuba. Seuls les États-Unis et un ou deux autres pays ont voté en faveur du blocus. En outre, aucun pays au monde n'a appuyé la nouvelle loi adoptée par les États-Unis. L'Union européenne a condamné cette loi, et elle examine les différentes sanctions qu'elle pourrait suggérer à l'Organisation mondiale du commerce.

De nombreux autres pays entretiennent des relations commerciales avec Cuba, tout particulièrement le Mexique, qui est également partie à l'Accord de libre-échange nord-américain. Le Mexique s'est énergiquement opposé à la loi Helms-Burton. La plupart des autres pays se retrouvent dans la même situation que le Canada, en tant que pays ou à l'intérieur des différents blocs qui ont été constitués.

Le président: Je devrais vous signaler que deux partis politiques sont représentés au Sénat. Il y a le Parti conservateur, dont la plupart des membres sont assis à ma droite, et le Parti libéral, dont les membres sont comme il convient à ma gauche.

Le sénateur Atkins: Nous connaîtrons peut-être mieux un peu plus tard aujourd'hui les intentions des Américains, après la rencontre qui a lieu aux États-Unis entre notre ministre, les Mexicains et le secrétaire américain au commerce. Nous croyons qu'il est fort peu probable que les Américains modifient leur position d'un iota. L'autre point qu'il importe de souligner, c'est que le 11 juin approche à grands pas. Cela semble être la date que les Américains ont choisi pour donner leur interprétation de la loi Helms-Burton.

Si les Canadiens et les Mexicains ont l'occasion d'intercéder auprès des Américains dans le cadre de l'ALÉNA, croyez-vous que ceux-ci pourraient radoucir leur position?

M. Gutiérrez: Nous savons que le Mexique et le Canada s'opposent fermement à cette loi, mais nous savons également que le président des États-Unis dispose d'un droit de veto. Il semble que cette situation soit sans précédent aux États-Unis ou, de fait, dans le reste du monde.

La politique étrangère des États-Unis peut en règle générale être modifiée par le gouvernement en place. Toutefois, cette loi interdit au secrétaire d'État de modifier quoi que ce soit. Nous savons plus ou moins ce que seront ou devraient être les positions du Canada et du Mexique, mais il est difficile de savoir comment les Américains réagiront. Les pays importants comme le Canada, le Mexique, les communautés européennes et le Japon seront sans doute d'avis qu'on ne peut porter atteinte à leur souveraineté et que le gouvernement américain ne pourrait appliquer cette loi. Les différents gouvernements ne peuvent permettre à un seul pays de contrôler les autres.

Le sénateur Atkins: Le consensus semble être que le président n'adoucira pas sa position tant que les élections n'auront pas eu lieu. Je ne crois pas que des changements soient apportés avant au moins décembre prochain.

M. Gutiérrez: C'est difficile à dire.

Le sénateur Atkins: Croyez-vous que les Américains traiteraient les Mexicains comme les Canadiens en ce qui concerne la façon dont ces deux pays font des affaires avec Cuba?

M. Gutiérrez: Le Mexique a beaucoup investi à Cuba, notamment dans le réseau téléphonique. Les Mexicains ont déclaré qu'ils continueront à investir dans notre pays. Aucun des investisseurs ne s'est retiré.

Le sénateur Atkins: Certains indices laissent-ils croire que les Américains exercent une forte pression sur le Mexique au sujet des liens que ce pays entretient avec Cuba?

M. Gutiérrez: Nous ne le savons pas encore. Il nous faudra attendre. Les Américains parlent de publier une liste noire qu'ils mettront constamment à jour et à partir de laquelle ils imposeront certaines mesures aux pays qui n'ont pas adopté les politiques appropriées, notamment dans le secteur de l'immigration et de l'émigration. Comment les Américains pourront-ils dire au Canada et aux Canadiens qui peut aller à Cuba et qui ne le peut pas? Ils seraient alors obligés de violer des ententes en matière d'émigration.

Le sénateur Atkins: Nous avons l'impression qu'ils sont prêts à le faire et à courir ce risque.

M. Gutiérrez: Ils s'attireraient alors bien des ennuis.

Le sénateur Grafstein: J'aimerais souhaiter la bienvenue à la délégation cubaine. Je fume le cigare depuis de nombreuses années. Malheureusement, monsieur le ministre, le Parlement m'interdit maintenant ce plaisir, et je ne peux plus fumer dans cette salle, dans mon bureau, à la maison, ni dans mon bureau à la maison. Ma femme m'a toutefois réservé un petit coin de la cour arrière où je peux fumer mes cigares avec délices. L'un de mes collègues ici présent m'a d'ailleurs rapporté un cigare cubain de sa dernière visite dans votre pays.

Non seulement je fume des cigares cubains, mais je bois du café cubain. Comme vous pouvez le constater, nous tentons d'aider votre économie. Je vous dis tout cela en guise de préliminaires.

Je viens de revenir de l'Alaska et du Territoire du Yukon, où je coprésidais le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Lors des réunions qui ont eu lieu en Alaska et au Canada, 14 sénateurs américains et près de 20 membres du Congrès américain se sont joints à nous. Ce comité se réunit chaque année -- une année au Canada, l'année suivante aux États-Unis -- pour discuter de tous les sujets de controverse entre nos deux pays.

L'une des questions que nous avons abordées cette année concernait les relations du Canada avec Cuba et la loi Helms-Burton. Je puis vous assurer que les Canadiens ont présenté de nombreux arguments contre cette loi et l'incidence qu'elle aurait au niveau extraterritorial; nous avons aussi souligné qu'elle portait atteinte à la souveraineté canadienne. J'ai été surpris -- et cela vous surprendra peut-être ainsi que l'ambassadeur -- de constater que les sénateurs et les membres du Congrès américain n'étaient pas nécessairement en désaccord avec notre position. Un sénateur a fait une déclaration qui ressemblait beaucoup à la vôtre, affirmant que cette loi avait des répercussions extraterritoriales, qu'elle était contraire aux lois commerciales et qu'elle portait atteinte à la souveraineté des pays. Il a présenté tous les mêmes arguments que nous avons entendus aujourd'hui et que nous avions nous-mêmes invoqués. Des membres du Congrès représentant la Floride ainsi qu'un sénateur de cet État participaient également à la réunion. Comme deux des membres du Congrès ne se représentaient pas aux élections, ils pouvaient parler plus librement. Le sénateur républicain a pour sa part été très silencieux et n'a guère défendu cette position.

Je vous dis tout cela pour vous situer le contexte, parce que nous sommes ensuite passés à la prochaine étape des discussions, et le sénateur Atkins en a déjà parlé. Les Américains étaient tous d'accord pour dire que la position des États-Unis ne changerait pas avant les élections.

Nous avons discuté de la façon dont on pourrait utiliser les règlements d'application pour atténuer l'incidence de la loi. J'ai notamment suggéré aux sénateurs américains de prévoir une date limite, qui serait après les élections, pour qu'ils puissent réexaminer cette question. Je crois, quoique je le dise avec circonspection, que même si la loi n'est pas modifiée, elle sera à tout le moins grandement limitée au chapitre de son incidence extraterritoriale -- mais pas cette année. Il nous faudra attendre l'année suivant les élections.

Cela étant dit, laissez-moi maintenant vous poser une question très délicate. Ne croyez surtout pas que je ne suis pas diplomate, mais il s'agit d'une question à laquelle, en tant que Canadiens, nous n'avons pu répondre lors des discussions que nous avons eues en privé avec les sénateurs et les membres du Congrès. Les Américains sont d'avis -- avis que nous ne partageons pas, mais passons là-dessus -- que Cuba a provoqué les États-Unis en réagissant de façon outrancière aux vols des avions américains au-dessus du territoire cubain. Ils laissent entendre que Cuba disposait d'autres moyens, autres que la force, pour obliger ces avions à quitter l'espace aérien cubain, si ces appareils avaient réellement envahi cet espace.

Au Canada, nous étions habitués à ce genre de discours durant la guerre froide. Les Russes avaient envahi notre espace, tout comme les Américains, et nous tentions de mettre tous ces gens dehors le plus gentiment possible.

J'ai fait un prologue assez long à une question très courte. Nous espérons que le nombre de conflits soit limité le plus possible d'ici l'an prochain, moment où nous croyons être en mesure d'atténuer l'incidence de cette terrible loi. Qu'en pensez-vous?

Le sénateur Andreychuk: J'ai une question supplémentaire. Quelle réaction le gouvernement cubain s'attendait-il à recevoir après avoir détruit ces avions?

M. Gutiérrez: Il faudrait tout d'abord poser la question aux Américains. Ils agissent ainsi avec nous depuis 36 ans. Il y a eu des invasions. Une brigade entraînée et armée par les États-Unis nous a même envahis. Les actes de terrorisme ont entraîné la mort de milliers de Cubains. Les Américains ont entrepris une guerre bactérienne. Des centaines d'enfants sont morts de la fièvre rouge introduite à Cuba. Depuis 35 ans, le blocus a pour but de tuer des Cubains en les faisant mourir de faim ou en les rendant malades.

De nombreux actes d'agression comme celui-ci ont été posés par des petits appareils de ce genre. Il ne s'agit pas d'avions civils. Nous avons des preuves que ces appareils sont destinés à un usage militaire. Nous avons des preuves que les pilotes sont des paramilitaires. Le commandant de ce groupe portait le numéro 2506, soit celui de la brigade qui avait envahi la Baie des cochons. Cette personne est membre de la CIA depuis plus de 30 ans. Il s'agit d'un terroriste reconnu.

J'ai avec moi des documents qui prouvent toutes ces affirmations et qui ont été publiés dans la presse américaine. Nous ne connaissions ni l'objectif ni la destination de ces appareils. En janvier, un avion a survolé La Havane, notre capitale, ainsi que la campagne environnante. Nous possédons des vidéos diffusés par la télévision américaine qui ont été pris par des journalistes qui étaient à bord de ces appareils. Les avions ont volé à basse altitude et ils ont filmé la capitale, mettant en danger la vie de nombreuses personnes et de passagers de vols commerciaux -- dont peut-être certains touristes canadiens. Ils ont également laissé tomber des tracts sur La Havane. L'un des paquets est tombé au centre de la ville sans s'ouvrir. Il aurait pu tuer quelqu'un.

Ces appareils ne sont pas des avions civils. Cela n'a rien à voir avec un vol commercial ou avec un homme d'affaires qui s'est perdu. Ces vols ont pour but de miner le moral du peuple et des forces armées. Le gouvernement des États-Unis le savait. On leur avait demandé de mettre fin à ce genre de manoeuvres. Le gouvernement avait promis que ces vols ne se reproduiraient plus.

En janvier, lorsque ces avions avaient survolé la capitale, un ordre avait été donné à nos forces armées pour qu'elles ne permettent pas que cela se reproduise. Cet ordre était en suspens. Le 24 février, personne n'a expressément ordonné de toucher ces deux avions, mais cet ordre avait été donné auparavant.

À Cuba, l'armée de l'air ne possède que des avions supersoniques russes. Le blocus ne nous permet pas d'acheter d'autres types d'appareils. Les jets supersoniques ne peuvent voler à basse altitude ni à basse vitesse parce qu'ils s'écraseraient. Ils ont donc effectué quelques manoeuvres autour de ces appareils en guise d'avertissement, mais ceux-ci ont continué à se rapprocher de la capitale.

Deux solutions s'offraient alors aux pilotes cubains: ils avaient reçu l'ordre de ne pas permettre aux pilotes de poursuivre leur route -- et cet événement s'est produit un jour de fête nationale. Une partie de base-ball était en cours, ce qui est très important, car le stade contenait plus de 20 000 spectateurs. Des défilés avaient lieu dans les rues -- un carnaval -- et personne ne connaissait les intentions de ces avions. La Havane avait déjà été bombardée à plus d'une reprise par ce type d'appareils.

Le sénateur demande quelle réaction nous avons eue. Nous croyions que ces vols ne se reproduiraient plus, parce que c'est ce que le gouvernement américain nous avait promis. Cet incident nous a donc surpris. Cuba n'avait pas du tout l'intention de provoquer cet incident. Je crois savoir que le pilote n'est plus autorisé à voler. Pourquoi ne lui a-t-on pas retiré son permis plus tôt? Un document du Département d'État énumère les différentes infractions qu'il avait commises auparavant. Le gouvernement américain aurait pu éviter cet incident.

Cuba est un pays tyrannisé. On est parti en guerre contre Cuba. Il nous est très difficile de ne pas prendre de mesure pour protéger notre souveraineté. Toute mesure pourrait provoquer une guerre. Le pilote a déclaré qu'ils ont pu effectuer ces vols sans problème parce que les forces aériennes cubaines étaient démoralisées, qu'elles n'avaient plus de combustible pour faire décoller leurs appareils et que l'équipement électronique ne fonctionnait pas. Dans de telles circonstances, cette situation pouvait s'avérer très dangereuse pour Cuba.

Le sénateur Atkins: Même si ces mesures étaient justifiées, vous avez perdu la bataille des relations publiques. Aviez-vous prévu que les Américains réagiraient aussi fortement à ce qui s'est produit?

M. Gutiérrez: Nous pensons qu'ils auraient tenté d'adopter la loi Helms-Burton quoiqu'il soit arrivé. Ils avaient besoin d'une excuse. Un consensus était déjà intervenu à la Chambre des représentants. Seul le veto du président pouvait empêcher l'entrée en vigueur de cette loi. Il avait l'intention d'appliquer son veto pour l'année des élections, mais il ne s'agit là que d'un prétexte. Les Américains voulaient s'assurer de conserver le pouvoir du président des États-Unis.

Le sénateur Kelleher: Monsieur le ministre, le monde entier est au courant du conflit entre Cuba et les États-Unis. Sans blåmer qui que ce soit -- ce n'est pas ce que je cherche --, pourriez-vous nous dire, si tel est le cas, quelles mesures Cuba a prises ou prend actuellement pour résoudre ce différend avec les États-Unis?

M. Gutiérrez: C'est comme si un agresseur demandait à la victime qu'il tient à la gorge ce qu'il doit faire pour ne pas la tuer. Si vous voulez une réponse, il vous faudra poser la question à l'agresseur. Tous les problèmes découlant des nationalisations d'entreprises ont été résolus, même ceux avec le Canada.

Le sénateur Kelleher: Il y a un conflit entre deux pays, à savoir Cuba et les États-Unis. J'ai constaté depuis toujours que, dans un conflit, personne n'a tout à fait raison et personne n'a tout à fait tort. Il incombe à chaque côté de tenter de régler les différends. Je ne fais porter le blåme à aucun des deux, mais je veux savoir quels efforts, si tel est le cas, Cuba est en train de déployer pour résoudre ce différend.

Il y a d'autres façons de résoudre un différend que de parler directement avec la personne avec laquelle vous êtes en conflit. Vous connaissez ce qu'on appelle les initiatives diplomatiques. Vous pouvez passer par des tierces parties; vous pouvez demander à d'autres personnes d'intervenir et de conclure une entente.

J'aimerais savoir ce que Cuba a l'intention de faire pour résoudre ce problème. Si Cuba veut se faire des amis et s'attirer la sympathie d'autres pays, il doit démontrer au reste du monde qu'il est prêt à faire des efforts pour régler ce différend. J'aimerais que le ministre nous dise ce que Cuba fait à cet égard.

M. Gutiérrez: Cuba n'a jamais posé de geste d'agression à l'endroit des États-Unis. C'est Cuba qui fait l'objet d'un blocus. Nous ne pouvons instaurer un blocus des États-Unis. Ce sont les États-Unis qui possèdent une base militaire à Cuba contre la volonté du peuple. Notre pays ne contrôle aucune région des États-Unis. Tous les gestes d'agression ont été posés par les États-Unis et non par Cuba.

Pour résoudre ce conflit, la première chose que les Américains doivent faire, c'est d'annuler le blocus et de s'asseoir avec nous pour aplanir nos différends. Cuba a toujours été prêt à discuter, mais les Américains ne semblent pas le vouloir. Ils préfèrent recourir à la force. Notre pays n'est pas du tout disposé à faire des concessions lorsque la force est employée.

Le problème des États-Unis avec Cuba concerne les élections. Les gens qui habitent la Floride possèdent un énorme pouvoir économique. Ils peuvent financer des campagnes. La politique étrangère des États-Unis en ce qui concerne Cuba a été conçue en fonction de cette situation et va parfois à l'encontre des intérêts américains.

Les Américains ne peuvent venir à Cuba. Ils ne peuvent pas non plus y investir. Leur gouvernement le leur interdit. Ils ne peuvent acheter de marchandises cubaines. Tout ceci est assez ridicule, puisque la guerre froide est terminée. Les Américains exigeaient auparavant que Cuba mette un terme à ses relations avec les Soviétiques avant d'accepter d'améliorer les liens entre nos deux pays. Nous n'avons pas mis un terme à nos relations avec l'Union soviétique, car celle-ci n'existe plus.

Les Cubains ne peuvent aller beaucoup plus loin. Les Américains continuent de demander d'autres compromis, nuisant de cette façon à d'autres pays avec des lois, comme celle-ci, qui ont une portée extraterritoriale.

Le président: Honorables sénateurs, je sais que le ministre et les parlementaires cubains ont d'autres obligations. Nous ne devons donc pas abuser de leur gentillesse.

Au nom du comité, j'aimerais vous dire que nous avons trouvé cette rencontre agréable. Nous apprécions votre franchise et nous espérons que vous reviendrez nous voir.

La séance est levée.


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