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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 15 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 3 décembre 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères, à qui a été renvoyé le projet de loi C-61 portant mise en oeuvre l'Accord de libre-échange Canada-Israël, se réunit aujourd'hui à 15 h 26 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, le 28 novembre, le Sénat a adopté en deuxième lecture le projet de loi C-61 portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Israël et l'a renvoyé à notre comité. Nous entreprenons donc aujourd'hui notre examen de ce projet de loi.

Je propose que nous entendions pour commencer le témoin principal du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, M. Moroz.

Le sénateur Lynch-Staunton: Avant que nous donnions la parole au témoin, monsieur le président, je tiens à dire que j'espérais que le Ministre ou un des ministres, ou encore un secrétaire parlementaire serait avec nous aujourd'hui pour nous donner un exposé sur l'aspect politique de cet accord.

Le président: Nous avons reçu une lettre du ministre du Commerce international, M. Eggleton, dans laquelle il dit notamment:

[...] Je quitte le Canada pour le Chili le 3 décembre à midi afin d'assister à la signature officielle de l'Accord de libre-échange Canada-Chili et à l'inauguration d'une importante exposition commerciale. Veuillez transmettre mes sincères excuses aux membres de votre comité.

Comme vous le savez, j'ai demandé à mon secrétaire parlementaire, le député Ron MacDonald, de témoigner en mon nom devant votre comité. Je suis convaincu qu'il pourra vous présenter un témoignage des plus utiles puisqu'il vient de rentrer d'un long périple dans cinq pays du Moyen-Orient, dont Israël, la Cisjordanie et Gaza, où il a discuté des dispositions de l'Accord de libre-échange Canada-Israël.

Sénateur, nous avons convenu de commencer par les fonctionnaires du Ministère, qui vont nous présenter l'aspect commercial du projet de loi. Nous entendrons ensuite quelques témoins qui ont demandé à venir nous exposer leur opinion sur le projet de loi. Quand tout cela sera terminé, nous recevrons le secrétaire parlementaire, M. MacDonald.

Monsieur Moroz, pourriez-vous commencer s'il vous plaît?

M. Andrew R. Moroz, négociateur adjoint, Règles d'origine, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Je suis directeur adjoint de la Direction des droits de douanes et de l'accès aux marchés, au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. J'ai participé aux négociations avec Israël à titre de négociateur adjoint dans le dossier des règles d'origine.

Comme l'indique la lettre que vous venez de lire, M. Eggleton regrette de ne pas pouvoir être ici aujourd'hui pour vous parler de l'Accord de libre-échange Canada-Israël. Il avait espéré que vos séances à ce sujet auraient lieu à un moment où il pourrait comparaître.

Au nom du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ainsi que des autres ministères concernés, je voudrais profiter de l'occasion pour vous résumer les principales raisons pour lesquelles nous avons négocié l'Accord de libre-échange Canada-Israël, pour vous en décrire les principales dispositions et pour vous expliquer les éléments clés du projet de loi qui en assure la mise en oeuvre, le projet de loi C-61.

Monsieur le président, le Canada est une nation commerçante. Plus du tiers du produit national brut de notre pays est lié aux exportations, et un emploi sur trois également. Pour chaque milliard de dollars d'exportations, 11 000 emplois sont créés ou protégés au Canada. En même temps, monsieur le président, les Canadiens bénéficient de la libéralisation du commerce, tant comme consommateurs de biens et de services produits à l'étranger que comme producteurs qui se servent d'intrants et de matériaux importés pour produire les biens et les services qu'ils vendent au Canada ou qu'ils exportent.

Le libre-échange encourage également les divers pays à augmenter leur compétitivité internationale, ce qui en fait un meilleur endroit pour croître et prospérer dans l'économie mondialisée. Pour ces raisons fondamentales, le Canada a cherché activement à favoriser la libéralisation des échanges commerciaux, que ce soit sur le plan multilatéral par l'entremise de l'Organisation mondiale du commerce, ou directement avec d'autres pays par la voie d'ententes de libre-échange comme l'Accord de libre-échange nord-américain, mieux connu sous le nom d'ALÉNA.

L'Accord de libre-échange Canada-Israël est un autre exemple des efforts déployés par le gouvernement pour trouver de nouveaux débouchés commerciaux et pour permettre ainsi aux Canadiens de profiter des avantages d'un commerce plus intense. Les échanges de marchandises entre le Canada et Israël sont pour le moment assez modestes -- les échanges bilatéraux s'élevaient à tout juste un peu plus de 450 millions de dollars en 1995 -- , mais ils augmentent rapidement. En 1995, les échanges entre les deux pays ont augmenté de 37 p. 100, tandis que les exportations canadiennes vers Israël ont connu une hausse de 49 p. 100.

Pour ce qui est de l'accord de libre-échange lui-même, il vise avant tout la suppression des obstacles au commerce des marchandises. En vertu de cet accord, les barrières tarifaires nuisant au commerce entre les deux pays seraient supprimées dès sa mise en oeuvre sur à peu près tous les produits industriels. Les seules exceptions, dans le cas des produits industriels, sont les droits imposés par le Canada sur les maillots de bain pour dames et les droits perçus par Israël sur certains tissus de coton. Ces droits seront éliminés graduellement sur une période de deux ans et demi. Dans le cas des maillots de bain, le Canada a négocié cette suppression graduelle en raison des préoccupations soulevées par les producteurs canadiens. Pour le domaine de l'agriculture, par ailleurs, les droits de douanes seront supprimés ou abaissés sur toute une gamme de produits agricoles, de produits agroalimentaires ou de produits de la pêche qui ont une incidence directe sur les exportations des deux pays.

La suppression ou la réduction des barrières tarifaires permettront d'intensifier encore davantage notre commerce avec Israël. Les entreprises canadiennes de fabrication devraient en bénéficier, notamment dans les secteurs du matériel de lutte contre la pollution, des produits de haute technologie, de l'énergie, du pétrole et du gaz, et des produits forestiers. Dans le domaine de l'agriculture, les secteurs les mieux placés pour profiter de ce nouvel accès au marché israélien sont notamment ceux des céréales et des produits céréaliers, des graines oléagineuses, des légumineuses alimentaires et de divers aliments transformés.

Monsieur le président, l'accord permet également de résoudre un problème important soulevé par les producteurs canadiens. Il leur permettra de bénéficier du même traitement que leurs concurrents européens et américains. Israël a en effet conclu des accords de libre-échange avec l'Union européenne et les États-Unis il y a déjà un certain temps, et a en outre négocié récemment des ententes avec d'autres pays. Par conséquent, les exportateurs canadiens doivent verser à Israël des droits de douanes de 10 à 25 p. 100 sur une bonne partie de leurs produits, alors que leurs principaux concurrents peuvent exporter leurs produits en franchise.

Le secteur des télécommunications est un bon exemple de cette situation. Nos principaux producteurs, comme Newbridge, exportaient jusqu'ici leurs produits en Israël à partir d'usines établies aux États-Unis afin d'éviter de payer les droits de 15 p. 100 imposés par Israël. En vertu de l'Accord de libre-échange Canada-Israël, ils pourront maintenant exporter des produits fabriqués dans leurs usines canadiennes.

Les règles d'origine constituent un élément fondamental de tout accord de libre-échange puisqu'elles déterminent dans quelle mesure les produits doivent être fabriqués à l'intérieur de la zone de libre-échange, à partir de matières premières provenant de cette zone, pour pouvoir bénéficier du tarif préférentiel prévu dans l'accord. Les règles d'origine établies en vertu de l'Accord de libre-échange Canada-Israël sont très simples. Elles tiennent compte du fait que les économies du Canada et d'Israël sont des économies libérales, axées sur le commerce. Elles visent à permettre aux producteurs canadiens de profiter des avantages du libre-échange avec Israël sans avoir à effectuer des changements importants dans la liste de leurs fournisseurs actuels de matières premières et de facteurs de production.

En vertu de l'accord, les producteurs pourraient être protégés par des mesures de sauvegarde bilatérales si la suppression des barrières tarifaires entraînait au cours des 30 premiers mois d'application de l'accord des augmentations subites des importations qui causeraient un dommage grave. En même temps, monsieur le président, l'accord prévoit que chacune des parties soustraira les importations de l'autre aux mesures globales d'urgence, sauf dans certaines conditions très précises, par exemple si les importations de l'autre partie représentent une part substantielle du total des importations et si elles contribuent directement à causer un dommage grave.

L'accord porte également création d'une commission composée des ministres du Commerce des deux pays et chargée de surveiller l'application de l'accord de libre-échange, de même que la tenue de consultations et l'application obligatoire d'un mécanisme de règlement des différends en cas de problèmes. Par ailleurs, les domaines qui ne sont pas couverts par l'accord, par exemple les services, les investissements et les achats gouvernementaux, continueront d'être régis conformément aux droits et obligations conférés par l'OMC aux deux parties.

Monsieur le président, le gouvernement a choisi de déposer maintenant le projet de loi C-61 visant à mettre en vigueur l'accord de libre-échange parce qu'il s'est engagé envers les entreprises israéliennes et canadiennes, en signant l'accord, à le mettre en oeuvre le 1er janvier 1997. Les producteurs canadiens s'attendent donc à ce que l'accord soit en vigueur dès le 1er janvier et se préparent en conséquence; ils attendent avec impatience la suppression des obstacles qu'ils doivent surmonter actuellement, contrairement à leurs concurrents américains et européens.

À propos de la mise en oeuvre de l'accord, le projet de loi C-61 a pour effet d'apporter aux lois canadiennes les modifications nécessaires à cette fin. Il commence par un certain nombre de dispositions générales visant à en définir la portée et l'interprétation, et à mettre en vigueur les dispositions administratives et institutionnelles de l'accord, par exemple celles qui se rattachent au mécanisme de règlement des différends et à la création de la Commission du commerce chargée de l'application de l'accord. Il prévoit également que nous pourrons bénéficier des avantages de l'accord, comme je l'ai dit tout à l'heure, dès le 1er janvier 1997.

La majeure partie du projet de loi porte toutefois, monsieur le président, sur les modifications qui doivent être apportées à un certain nombre de lois existantes. En particulier, le projet de loi modifie le Tarif des douanes afin de supprimer ou de réduire les droits de douanes sur les importations de marchandises provenant d'Israël et de permettre l'application, au cours des 30 premiers mois, de mesures de sauvegarde bilatérales visant ces marchandises. Il modifie également le Tarif des douanes, la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur et la Loi sur les licences d'exportation et d'importation afin de soustraire les importations en provenance d'Israël aux mesures globales d'urgence à moins qu'elles ne répondent pas aux conditions strictes dont j'ai déjà parlé.

Pour finir, monsieur le président, le projet de loi modifie la Loi sur les douanes afin de mettre en oeuvre les obligations et les mécanismes douaniers prévus dans l'accord, y compris en ce qui concerne le certificat d'origine des produits d'exportation, les vérifications de l'origine et les décisions anticipées. Le projet de loi C-61 permet également aux deux parties d'adopter leurs propres règlements, notamment au sujet des règles d'origine et des pratiques douanières connexes.

Monsieur le président, vous vous souviendrez peut-être que, quand le gouvernement a annoncé la conclusion des négociations sur le libre-échange le 12 janvier dernier, il a également annoncé qu'il souhaitait étendre officiellement les avantages de l'accord aux marchandises produites en Cisjordanie et à Gaza, en collaboration avec l'Autorité palestinienne. Il a réitéré cette offre lorsque nous avons signé l'accord de libre-échange le 31 juillet dernier.

Monsieur le président, comme vous l'avez fait remarquer plus tôt, le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, l'honorable Ron MacDonald, comparaîtra demain devant le comité. Il vient de rentrer du Moyen-Orient, où il a rencontré les ministres de l'Autorité palestinienne. Il a eu avec eux des discussions fructueuses, qui ont porté notamment sur les avantages du libre-échange pour la Cisjordanie et Gaza, et il a l'intention de vous en parler demain.

Mes collègues et moi sommes maintenant prêts à répondre à toutes vos questions au sujet de l'accord et du projet de loi qui en assure la mise en oeuvre.

Le président: Si je comprends bien, Israël et les États-Unis ont conclu un accord de libre-échange depuis plus de 10 ans. Comment se fait-il qu'il ait fallu 10 ans au Canada pour suivre l'exemple des Américains? Était-ce une question de principe, ou y avait-il des obstacles particuliers qui ont retardé le Canada pendant tout ce temps-là?

M. Moroz: Monsieur le président, les États-Unis ont négocié un accord de libre-échange avec Israël en 1985. Vous vous souviendrez qu'au Canada, à ce moment-là, nous nous occupions surtout des négociations qui portaient sur un éventuel accord de libre-échange avec les États-Unis; il s'agissait en l'occurrence d'un accord bilatéral. Ensuite, au début des années 90, nous nous sommes concentrés surtout sur deux grandes rondes de négociations: premièrement l'Uruguay Round, dans le cadre des négociations du GATT, qui a mené à la création de l'Organisation mondiale du commerce; et deuxièmement nos négociations avec les États-Unis et le Mexique en vue de la signature de l'Accord de libre-échange nord-américain.

Le président: J'imagine que, pendant cette période, certains exportateurs américains ont réussi à s'implanter solidement sur le marché israélien et qu'ils sont maintenant, en un sens, des concurrents privilégiés par rapport aux entreprises canadiennes qui chercheront à percer ce marché en vertu de ce nouvel accord de libre-échange.

M. Moroz: Il est vrai que, jusqu'à la signature de cet accord, les Américains et les Européens occupaient une position privilégiée sur le marché israélien. L'accord vise à s'attaquer directement à ce problème.

Le président: Vous savez quelles sont les industries canadiennes qui espèrent pénétrer le marché israélien. Avez-vous une idée réaliste de leur capacité de surmonter le fait que leurs concurrents américains, par exemple, y sont déjà bien installés?

M. Moroz: Monsieur le président, nos entreprises ont réussi à soutenir la concurrence des Américains sur leur propre marché, dans le cadre de l'ALÉNA. Les producteurs canadiens ont fait d'importantes percées sur de nombreux marchés étrangers; le secteur du matériel de télécommunications en est un bon exemple. Ils nous ont dit que, si les barrières tarifaires étaient supprimées, ils seraient capables de faire concurrence aux entreprises américaines.

J'ajouterai qu'au cours de nos consultations, beaucoup d'entreprises -- par exemple des producteurs de verrous de sécurité, d'équipement de télécommunications ou de matériel de protection de l'environnement --, nous ont dit qu'elles se sentaient capables de soutenir la concurrence si les règles du jeu étaient les mêmes pour tout le monde. Vous avez absolument raison de dire qu'elles ont du rattrapage à faire. Les Américains ont 10 ans d'avance. Cet accord vise à supprimer cet obstacle, et c'est la raison pour laquelle les gens d'affaires voudraient qu'il soit mis en oeuvre le plus tôt possible.

Le président: Voulez-vous dire par là que les exportateurs canadiens ne rencontreront en Israël absolument aucun obstacle de plus que les exportateurs américains?

M. Moroz: Précisément. Le principal obstacle, en ce moment, ce sont les barrières tarifaires, qui vont de 4 à 30 p. 100 en Israël. Pour la plupart des produits canadiens, les droits de douanes varient entre 10 et 25 p. 100. Dans le cas du matériel de télécommunications, pour garder le même exemple, ils sont de 15 p. 100. Mais les producteurs américains n'ont pas à payer de droits pour s'implanter sur le marché israélien. Des droits de 15 p. 100 représentent donc un obstacle important quand on essaie de faire concurrence à une entreprise américaine ou européenne. La suppression de ces droits, qui représentent le principal obstacle que nos producteurs devaient surmonter jusqu'ici, permettra d'appliquer les mêmes règles pour tout le monde.

Le sénateur Grafstein: Pourquoi les services, les investissements et les achats gouvernementaux sont-ils exclus de l'accord de libre-échange?

M. Moroz: Quand nous avons rencontré les Israéliens avant le début des négociations, à la fin de 1994, pour examiner ce que nous pourrions faire, les deux parties étaient d'accord pour dire qu'à la suite des négociations de l'Uruguay Round, qui venaient de se terminer, ces secteurs étaient suffisamment bien couverts pour les besoins du commerce entre le Canada et Israël. Par conséquent, nous avons jugé que nous devions nous concentrer sur la suppression des obstacles au commerce des marchandises. C'est pourquoi les négociations ont porté surtout sur la suppression des barrières tarifaires et des autres obstacles non tarifaires. Pour le moment, les échanges de services, d'investissements, de propriété intellectuelle et les autres échanges de ce genre restent régis par les règles de l'OMC. Il en est d'ailleurs question directement dans l'accord, qui fait référence aux obligations fixées par l'OMC dans ces domaines.

Le sénateur Grafstein: L'Accord de libre-échange conclu par les États-Unis avec Israël exclut-il lui aussi les services, les investissements et les achats gouvernementaux?

M. Moroz: Je pense que l'accord américain ne couvre pas les secteurs comme la propriété intellectuelle, les services et les investissements; il fait référence à la coopération et, dans un cas, aux obligations fixées par l'OMC. Je crois que cet accord contient maintenant une clause sur les achats gouvernementaux, mais elle ne faisait pas partie de l'entente originale. Elle a été ajoutée à la suite de négociations subséquentes, il me semble.

Le sénateur Grafstein: Donc, les règles du jeu sont à peu près les mêmes pour le Canada et pour les États-Unis, sauf en ce qui concerne ce projet de loi?

M. Moroz: Oui. J'ajoute, pour que vous ayez tous les faits en main, que les Américains viennent de conclure avec Israël une nouvelle entente sur l'agriculture. Par conséquent, ils ont une longueur d'avance sur nous en ce qui concerne certains produits. Ils ont négocié pendant nos propres négociations, que nous avons terminées avant eux. Mais nous avons inclus dans notre accord une disposition selon laquelle nous reparlerons de l'agriculture d'ici deux ans. Nous avons insisté pour inclure cette disposition parce que nous savions qu'Israël était engagé dans des négociations avec les Américains et que nous voulions pouvoir rouvrir ce dossier une fois ces négociations terminées.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ma première question sur le projet de loi lui-même porte sur l'article 6, à la page 3. Le libellé est-il le même que dans le cas de l'accord de l'ALÉNA, et sinon, pourquoi? Le paragraphe 6(2) m'intéresse particulièrement:

Le droit de poursuite, relativement aux droits et obligations fondés uniquement sur l'Accord, ne peut être exercé qu'avec le consentement du procureur général du Canada.

Est-ce particulier à ce projet de loi?

Mme Ellen Stensholt, avocate générale principale, ministère de la Justice: Non, sénateur. C'est une disposition courante. Vous la trouverez dans l'ALÉNA, et elle figurait également dans l'Accord de libre-échange canado-américain. Elle vise à préciser que nous ne créons pas de nouveaux droits individuels pour les citoyens. Il s'agit d'une entente entre pays. Dans le cas de l'ALÉNA, il y a eu un conflit au sujet des permis de pêche en Colombie-Britannique; quelqu'un a essayé d'invoquer les dispositions de l'ALÉNA pour faire valoir une revendication privée, à savoir que le gouvernement canadien devait lui accorder un permis en vertu de l'ALÉNA. Nous avons donc précisé expressément que l'ALECI est un accord visant le commerce international, qui ne donne donc pas de nouveaux motifs de poursuite aux citoyens, sur le plan individuel.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je comprends, mais cela m'amène à ma question suivante. Quand un producteur du pays a une plainte à formuler, cela tombe sous le coup de l'accord, n'est-ce pas?

Mme Stensholt: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Les citoyens peuvent donc prendre certaines initiatives à titre individuel en vertu de l'accord.

Mme Stensholt: Il y a un chapitre sur le règlement des différends. Si un producteur a un motif de plainte, il doit en saisir d'abord son gouvernement, qui soulèvera à son tour la question avec l'autre partie. Dans le premier cas, la question devrait être résolue au niveau de la Commission du commerce, qui se compose des ministres du Commerce des deux pays. Si la commission ne réussit pas à régler le problème à son niveau, un groupe spécial chargé du règlement du différend est alors mis sur pied; l'accord prévoit un mécanisme de règlement des différends très semblable à celui de l'Accord de libre-échange original entre le Canada et les États-Unis, plutôt qu'à celui de l'ALÉNA. Vous vous souviendrez que le dispositif de règlement des différends de pays à pays, prévu dans l'ALÉNA, est beaucoup plus complexe que le mécanisme qui était inclus dans l'Accord de libre-échange canado-américain. Le mécanisme de l'accord canado-israélien ressemble beaucoup à celui de ce dernier accord.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourriez-vous me rappeler les différences entre l'ALÉNA et l'Accord canado-américain au sujet du règlement des différends?

Mme Stensholt: Pour la sélection des groupes spéciaux, par exemple, l'ALÉNA prévoit que chaque pays doit établir une liste. Il y a aussi la question des mécanismes de gestion de l'offre. Il vient d'en être question; le moment est donc bien choisi pour en parler. Le Canada choisit pour le groupe spécial deux membres américains inscrits sur sa liste, et les États-Unis choisissent deux membres canadiens figurant sur la liste fournie par le Canada. Et la présidence est confiée à un ressortissant d'une tierce partie.

Les Israéliens m'ont signalé, lorsque j'ai négocié ce chapitre avec eux, qu'ils avaient eu très exactement un différend avec les Américains pendant les 10 années écoulées depuis la signature de l'Accord de libre-échange entre les deux pays. Par conséquent, ils ne jugeaient pas utile d'adopter un mécanisme aussi complexe pour le règlement des différends. Donc, même si nous avions commencé par parler du mécanisme contenu dans l'ALÉNA, nous nous sommes entendus pour dire qu'effectivement, étant donné le volume modeste de nos échanges commerciaux et la faible probabilité qu'il se produise des différends, un mécanisme plus simple serait approprié.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais est-ce que le mécanisme prévu dans l'ALÉNA fonctionne bien malgré sa complexité?

Mme Stensholt: Il semble que oui. Je pense que les dispositions relatives à la gestion de l'offre excédentaire satisfont pleinement les Canadiens.

Le sénateur Lynch-Staunton: À l'article 15, on peut lire:

Le gouverneur en conseil peut, par règlement,

b) [...] prendre toute mesure d'application du paragraphe 1 de l'annexe 8.9 de l'Accord.

Je serais curieux de savoir ce qui se trouve au paragraphe 1 de l'annexe 8.9 de l'accord.

Mme Stensholt: Je pense que c'est la disposition qui crée la Commission canado-américaine de libre-échange. Le chapitre 8 porte sur le règlement des différends. L'Annexe 8.9 prévoit que la commission établit et tient à jour une liste de personnes qui sont prêtes à faire partie de groupes spéciaux et qui sont en mesure de le faire.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est simplement pour enclencher le processus?

Mme Stensholt: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il y a aussi le fait que le gouverneur en conseil peut étendre les avantages de l'Accord de libre-échange à ce qu'on appelle, je pense, la zone ALECI.

Mme Stensholt: Il est question d'un autre bénéficiaire de l'ALECI.

Le sénateur Lynch-Staunton: Cela revient sous diverses formes à plusieurs reprises. Pourriez-vous m'expliquer exactement ce que cela signifie?

D'ailleurs, je vais répondre en partie à ma question. D'après nos notes d'information, le gouvernement a annoncé son intention d'étendre les avantages de l'accord à la Cisjordanie et à Gaza; je suppose donc que c'est de cela qu'il est question. Mais pourquoi ne pas avoir inclus la Cisjordanie et Gaza dans le projet de loi pour préciser que, quand nous parlons d'une zone élargie ou d'un autre bénéficiaire, nous voulons parler de ces deux territoires?

Mme Stensholt: Comme vous le savez peut-être, Israël et l'OLP, au nom de l'Autorité palestinienne, ont formé une union douanière visant la bande de Gaza et la Cisjordanie; les biens circulent donc librement dans cette zone. Quand nous avons négocié l'accord, nous avons établi qu'il s'appliquerait dans la zone soumise aux lois douanières israéliennes. Or, en vertu de cette union douanière, les lois douanières israéliennes s'appliquent en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Les droits dont jouissent les Israéliens à cet égard sont énoncés de façon très précise dans l'annexe du Protocole de coopération économique entre l'OLP et Israël, et c'est pourquoi le projet de loi parle de bénéficiaire de l'accord, plutôt que de nommer expressément la Cisjordanie et la bande de Gaza.

Mais nous sommes encore en train de négocier, et les choses pourraient changer. Pour le moment, nous avons décidé de nous fonder sur ce qui était certain, c'est-à-dire le Protocole de coopération économique.

Le président: Pourriez-vous préciser, pour notre compte rendu, ce que signifie le sigle ALECI?

Mme Stensholt: Il s'agit de l'Accord de libre-échange Canada-Israël.

Le sénateur Lynch-Staunton: Cela signifie que l'accord lui-même précise qui en sont les bénéficiaires, ou dans quel cadre le terme «bénéficiaire» peut s'appliquer?

Mme Stensholt: Non, l'accord s'applique aux zones visées par les lois douanières israéliennes. Le projet de loi que vous avez sous les yeux prévoit un pouvoir de réglementation qui permet au gouverneur en conseil de définir quels sont les bénéficiaires de cet accord de libre-échange; ce sera la zone assujettie à ce Protocole de coopération économique.

M. Moroz: Monsieur le président, permettez-moi d'ajouter que nous avons inclus cette clause, conformément à la volonté que nous avons exprimée quand nous avons annoncé la conclusion des négociations et quand nous avons signé l'accord, pour étendre les bénéfices de cet accord à la Cisjordanie et à Gaza. Comme vous le savez probablement, il y a eu depuis ce moment-là des négociations avec l'Autorité palestinienne; le secrétaire parlementaire, M. MacDonald, a participé aux discussions les plus récentes. Il a rencontré les ministres la semaine dernière. La forme que prendra la réglementation dépendra en partie du résultat de nos négociations avec l'Autorité palestinienne. Quand nous avons offert d'étendre les avantages de l'accord, nous voulions qu'il s'applique aux marchandises produites en Cisjordanie et à Gaza simplement parce qu'elles seraient produites en Cisjordanie et à Gaza, que les lois douanières israéliennes s'y appliquent ou non. Quand nous avons présenté cette proposition, nous avons dit aussi que cela devrait se faire en collaboration avec l'Autorité palestinienne. En un sens, le projet de loi prévoit l'application de cette option si les événements futurs le justifient.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais «nous», c'est l'exécutif. Le projet de loi prévoit que nous allons appliquer un accord de libre-échange avec Israël, dont le territoire est bien défini. Mais on nous demande d'approuver aussi l'application de l'accord à une zone qui n'est pas définie, du moins dans le projet de loi, et à une zone qui l'est à demi, d'après ce que je comprends, qui reste à négocier, et ainsi de suite. On nous demande de laisser à l'exécutif la possibilité d'étendre l'application d'un accord de libre-échange au-delà de ce que nous avons sous les yeux aujourd'hui. Je me demande jusqu'à quel point l'exécutif pourra modifier dans les années à venir une décision qui a été prise en réalité par le Cabinet, sans même en avertir le Parlement, alors que nous avons approuvé le projet de loi dans une forme que nous croyions assez précise. À mes yeux, le projet de loi prévoit une extension dans des régions où la situation est en pleine évolution.

Mme Stensholt: Comme vous le savez, les règlements sont des mesures de législation subordonnée et sont par conséquent surveillés de très près. Vous pourriez bien regarder ce projet de loi et décider que l'expression «bénéficiaire de l'ALECI», au sens du Tarif des douanes, s'applique à l'Afrique du Sud, pour pousser votre raisonnement à l'absurde. Eh bien, il est clair qu'il ne s'étendra pas à l'Afrique du Sud. Donc, quelles limites faudrait-il imposer quant à la possibilité que l'exécutif adopte un règlement pour déterminer quels sont les bénéficiaires de l'ALECI? Je vous renvoie tout d'abord au préambule du projet de loi, dans lequel on peut lire, au bas de la première page:

Que le gouvernement du Canada a manifesté la volonté d'offrir à un autre bénéficiaire les avantages de l'Accord;

Voilà la première restriction. Il est question d'un autre bénéficiaire déjà annoncé. Or, le seul bénéficiaire déjà annoncé, celui dont il est question depuis le tout début des négociations, c'est bien sûr la Cisjordanie et Gaza. Dès que le début des négociations avec Israël a été annoncé à Ottawa, quand Yitzhak Rabin était ici, nous avons annoncé que nous comptions également étendre l'accord à la Cisjordanie et à la bande de Gaza.

Ensuite, si vous regardez l'article 4 du projet de loi, intitulé «Objet», vous verrez qu'il dit clairement:

La présente loi a pour objet la mise en oeuvre de l'Accord, dont l'objectif, défini de façon plus précise dans ses principes et ses règles, consiste à éliminer les obstacles au commerce et à faciliter le mouvement des marchandises à l'intérieur de la zone de libre-échange, de manière à favoriser une concurrence équitable et à augmenter substantiellement les possibilités d'investissement.

Si je devais me présenter devant le gouverneur en conseil, en tant qu'avocate, après avoir rédigé un règlement qui chercherait à étendre les avantages de l'ALECI à un autre bénéficiaire que ceux de la zone visée par cet accord, c'est-à-dire Israël, la Cisjordanie et Gaza, ce règlement n'aurait sur aucun fondement législatif. Je ne pourrais donc même pas le proposer. Le projet de loi laisse très peu de latitude à cet égard.

Le sénateur Lynch-Staunton: Eh bien, je crains fort que ce ne soit pas l'interprétation que j'en fais. Je vais tenter encore une fois de me faire comprendre, en essayant d'être plus clair.

À l'article 41, la définition du mot «pays», dans le Tarif des douanes, est remplacée par ce qui suit:

«pays» sauf indication contraire du contexte, y est assimilé tout territoire d'un pays situé à l'extérieur des limites de celui-ci, de même que tout territoire désigné par règlement.

Pourquoi avoir mis cela dans le projet de loi si c'est tellement limité?

Mme Patricia M. Close, directrice, Direction des tarifs, ministère des Finances: Il s'agit d'une modification portant sur l'ensemble du Tarif des douanes. Par conséquent, quel que soit le pays précisé, n'importe où, dans n'importe quel accord de libre-échange, c'est cette définition du terme «pays» qui s'applique. Ce changement a été apporté pour qu'il soit possible de définir le territoire par règlement et, par conséquent, d'y appliquer l'Accord de libre-échange Canada-Israël; nous pourrons ainsi adopter un règlement pour inclure la Cisjordanie et Gaza.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui, vous modifiez l'ensemble d'une loi pour qu'elle corresponde à ce projet de loi. Mais cette disposition pourrait également s'appliquer à l'avenir à des cas similaires; en fait, le projet de loi apporte des modifications majeures à d'autres lois, comme cela s'est déjà fait dans d'autres projets de loi de cette nature. Il n'y a pas d'autres situations de ce genre qui me viennent à l'esprit parce que mes connaissances politiques et géographiques sont limitées.

Mais je ne suis pas sûr que le gouverneur en conseil doive se limiter à la Cisjordanie et à Gaza s'il veut étendre l'application de cet accord; qu'y a-t-il dans le texte du projet de loi ou dans celui de l'accord qui limite expressément l'application de ces mesures à ces deux territoires, qui sont apparemment les seuls dont nous devons nous préoccuper?

Mme Close: Quand il est question de «pays» et d'autres accords de libre-échange ailleurs dans le Tarif, il est précisé expressément qu'il s'agit du «pays», par exemple les États-Unis ou le Mexique. Par conséquent, chaque fois que nous concluons un accord de libre-échange, nous devons définir le territoire; il est défini dans la partie de la loi qui porte sur l'Accord de libre-échange en question.

Il s'agit simplement d'une disposition générale, qui constitue une définition et qui nous permet de définir correctement le pays dans les autres articles du Tarif des douanes ou de la loi de mise en oeuvre.

Les autres accords de libre-échange que nous avons signés ne contiennent pas de disposition permettant l'ajout de nouveaux pays par règlement, même si l'article 12 du Tarif des douanes prévoit que nous pouvons le faire. Il est possible d'étendre un accord de libre-échange ou de le modifier si c'est en vertu d'un accord signé par l'exécutif. Il y a une clause modificatrice mineure dans le texte. Mais ailleurs, il n'y a rien à cet effet.

Le président: Le pouvoir de définir le pays ou la zone d'application par réglementation doit bien être conféré quelque part. Si je comprends bien, il est conféré et défini dans l'accord, auquel ce projet de loi donne force de loi. Est-ce exact? Est-ce que c'est de cette façon qu'on donne un sens précis au terme «réglementation», qui figurera dans la loi révisée sur les douanes?

Mme Stensholt: L'accord prévoit qu'il s'applique là où les lois douanières israéliennes sont en vigueur. Mais le douanier qui reçoit quelque chose provenant du Canada, au poste frontière, a besoin d'une meilleure définition. Il faut qu'il applique la loi, à la frontière. Nous devons faire quelque chose pour passer de cette définition générale à quelque chose que le douanier puisse appliquer. Nous avons donc précisé dans le projet de loi que cela serait défini par réglementation. Dans une certaine mesure, c'est parce que les négociations étaient encore en cours. Comme vous l'a expliqué mon collègue M. Moroz -- et je suis certaine que M. MacDonald vous l'expliquera plus précisément demain --, nous avons offert aux Palestiniens de la Cisjordanie et de la bande de Gaza de les désigner nommément, mais nous avons besoin de leur collaboration en retour. Encore une fois, jusqu'à ce que cela se fasse, nous avons adopté une définition permettant aux douaniers de savoir que, si un produit vient de la Cisjordanie ou de la bande de Gaza, il doit entrer au Canada en franchise. Mais les mots «Cisjordanie» et «Gaza» ne se trouvent pas dans la définition; on dit simplement que c'est là où les lois douanières israéliennes s'appliquent. Il ne serait pas possible d'inclure un autre pays dans l'accord.

Je travaille comme avocate au ministère de la Justice. Mes clients viennent me voir et me disent: «Nous voulons ajouter quelque chose à ceci. Nous ne voulons pas retourner devant le Parlement; c'est trop compliqué.» Je l'ai entendu dire plus d'une fois, honorables sénateurs, si vous voulez que je vous le dise honnêtement. Il est très difficile de faire adopter une loi; cela prend du temps.

Donc, est-ce qu'il serait possible d'ajouter un pays par réglementation? Il faudrait regarder le préambule; il faudrait regarder aussi l'article intitulé «Objet», que je viens de vous lire; il faudrait tenir compte du fait que ce projet de loi vise à appliquer l'Accord de libre-échange dans la zone visée d'application des lois -- et c'est ce qui est expliqué dans le projet de loi -- et je dirais que c'est impossible. Cela déborderait le cadre du projet de loi; ce serait inconstitutionnel. Un règlement de ce genre ne pourrait pas être adopté, et nous n'en présenterions même pas.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si les territoires dont il est question formaient un jour un pays indépendant, ou un groupe de pays indépendants, est-ce que ces pays continueraient de bénéficier des avantages de cet accord de libre-échange tout comme ils en bénéficieront par réglementation, en tant que territoires?

M. Moroz: Tout dépendrait de l'entente à laquelle nous en arriverions avec l'Autorité palestinienne.

Le sénateur Lynch-Staunton: Qui, «nous»?

M. Moroz: Le gouvernement du Canada. Quand nous avons annoncé la conclusion des négociations commerciales avec Israël, nous avons également dit que le gouvernement du Canada était prêt à étendre les avantages de cet accord aux marchandises produites en Cisjordanie et à Gaza. Ce que nous entendions par là, c'est que nous voulions étendre les avantages de l'accord à ces marchandises simplement parce qu'elles étaient produites en Cisjordanie et à Gaza, et nous avons dit aussi que nous voulions que cela se fasse en collaboration avec l'Autorité palestinienne.

Pour ce qui est du projet de loi, il fait mention à un autre bénéficiaire de l'ALECI pour permettre cette extension très précise étant donné qu'il y a actuellement une entente provisoire entre l'OLP, au nom de l'Autorité palestinienne, et Israël et que cette entente risque d'évoluer avec le temps. S'il y avait un jour une entente avec l'Autorité palestinienne -- et selon la façon dont les ententes mutuelles entre Israël et l'Autorité palestinienne évolueront --, la réponse à votre question serait que, oui, les avantages de l'accord continueraient de s'appliquer à la Cisjordanie et à Gaza, que les lois douanières israéliennes s'y appliquent ou non à ce moment-là. Mais cela suppose que le gouvernement du Canada étendrait les avantages de l'accord à ces deux territoires, de façon distincte et indépendante. Pour le moment, en vertu des ententes provisoires, l'accord s'appliquerait à ces territoires puisque les lois douanières israéliennes y sont en vigueur en ce moment.

Le sénateur Carney: Dans les circonstances qu'a décrites le sénateur Lynch-Staunton, est-ce que le principe de réciprocité s'appliquerait?

M. Moroz: Dans la lettre que nous avons envoyée à l'Autorité palestinienne, il était entendu que nous accorderions le libre-échange à ces territoires à condition qu'ils fassent de même pour nous. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, sénatrice, le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, M. MacDonald, vient de rentrer du Moyen-Orient où il a discuté de cette question avec les ministres de l'Autorité palestinienne. Il va comparaître devant vous demain. Il est beaucoup mieux placé que moi pour vous parler de ce dont il a été question au sujet de l'offre canadienne et de ce qui pourrait se passer maintenant.

Le sénateur Kinsella: Ma première question porte elle aussi sur le paragraphe 41(1). Quand on lit le texte de ce paragraphe très attentivement, en supposant que chaque mot est censé vouloir dire ce qu'il dit, avez-vous l'impression que le texte français et le texte anglais disent la même chose? Il y est question de «territoire d'un pays situé à l'extérieur des limites de celui-ci». Ce paragraphe se lit en partie comme ceci:

[...] «pays» Sauf indication contraire du contexte, y est assimilé tout territoire d'un pays situé à l'extérieur des limites de celui-ci [...]

Est-ce que cela inclut également un territoire situé à l'intérieur des limites du pays?

Mme Close: Avant ce changement, le Tarif des douanes faisait mention d'un territoire dépendant d'un pays. On a jugé que cette formule n'était pas appropriée dans cette situation et c'est pourquoi le Tarif a été modifié de cette façon. En plus, la notion de territoire dépendant ne semblait pas très pertinente, et nous ne l'avions jamais appliquée comme telle. Donc, il est vraiment question de territoires situés à l'extérieur d'un pays; par exemple, dans le cas de la France, la Guadeloupe serait un territoire situé à l'extérieur des limites du pays.

Le sénateur Kinsella: Cette définition ne semble pas reposer sur des bases très solides parce que la réserve exprimée par les mots «sauf indication contraire du contexte» rend la chose relative. Pourriez-vous me donner un exemple de contexte pour que nous sachions de quoi il est question exactement ici? Pourquoi avoir inclus les mots «sauf indication contraire du contexte, y est assimilé tout territoire d'un pays situé à l'extérieur...»? Ce n'est pas très précis.

Mme Close: Ce n'est là qu'une hypothèse, mais on peut supposer qu'un pays pourrait avoir un territoire dépendant et qu'un accord de libre-échange ou une autre mesure se rattachant aux tarifs douaniers s'appliquerait au pays lui-même, mais pas à ce territoire dépendant ou extérieur. Je peux vous donner l'exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est un territoire français auquel le Canada a accordé pendant quelque temps le Tarif de préférence générale. Mais cela a changé. C'était un territoire français qui bénéficiait d'un tarif différent de celui que nous appliquions au pays lui-même. Par conséquent, si nous devions conclure un accord de libre-échange avec un pays qui aurait un territoire comme celui de Saint-Pierre-et-Miquelon, nous pourrions choisir de l'exclure ou pas. Si nous procédions de cette façon-là dans l'accord, cette disposition s'appliquerait à ce moment-là.

Le sénateur Kinsella: Ma question suivante porte sur un paragraphe du préambule auquel quelqu'un a fait allusion tout à l'heure. Il s'agit du paragraphe qui se lit comme suit:

Que le gouvernement du Canada a manifesté la volonté d'offrir à un autre bénéficiaire les avantages de l'Accord;

Ce paragraphe se trouve dans le préambule. Est-ce qu'il se concrétise explicitement dans le corps du projet de loi?

Mme Stensholt: Oui, dans la mesure où nous parlons de l'objectif du projet de loi. Dans l'autre disposition que je vous ai lue, on dit que le projet de loi vise à faciliter la circulation des marchandises à l'intérieur de la zone de libre-échange établie par l'accord. Or, la zone de libre-échange établie par l'accord inclut la zone visée actuellement par l'union douanière entre le territoire d'Israël, le territoire de la Cisjordanie et le territoire de Gaza. Tous ces territoires font partie d'une union douanière, définie dans le protocole régissant les relations économiques entre l'OLP, au nom de l'Autorité palestinienne, et Israël.

Le sénateur Kinsella: Si vous deviez défendre votre point de vue devant les tribunaux, vous ne vous fonderiez pas sur ce paragraphe du préambule?

Mme Stensholt: Non, j'invoquerais l'article 4.

Le sénateur Kinsella: Ma dernière question porte sur le paragraphe 7(1), à la page 3 du projet de loi; il s'agit de la définition des «eaux». Pourquoi cet accord ne s'applique-t-il pas aux eaux? Quelle est la raison de cette décision?

Mme Stensholt: Vous vous souviendrez peut-être que la question de l'eau était un des points litigieux quand nous avons négocié l'Accord de libre-échange canada-américain; c'est la raison pour laquelle cette disposition est incluse ici. Tout au long des audiences en comité, la question des eaux continentales, par exemple, avait suscité de vives discussions. Quand nous avons préparé le projet de loi portant création de l'Organisation mondiale du commerce, nous y avons inclus une disposition sur la question pour que tout le monde comprenne bien que nos propres ressources en eau, nos eaux continentales, étaient protégées. C'est peut-être simplement ce que les avocats appellent un excès de prudence; en fait, il est peu probable que quiconque puisse considérer que les eaux continentales canadiennes constituent une marchandise au sens de l'Accord de libre-échange Canada-Israël. Mais, pour que ce soit parfaitement clair, nous avons précisé que l'accord visait seulement l'eau embouteillée, et non les eaux continentales.

M. Moroz: J'aimerais ajouter encore une petite chose, sénateur. Il existe une disposition du même genre dans la loi de mise en oeuvre de l'ALÉNA, et il y en aura probablement une aussi dans toutes les lois portant sur de futurs accords de libre-échange à cause de ce qui s'est déjà passé. Comme l'a indiqué ma collègue, cette disposition vise à préciser très clairement que l'accord ne nous oblige pas à construire un tunnel, un pipeline ou je ne sais quoi d'autre entre les deux pays pour y acheminer de l'eau; c'est absolument tout.

Le sénateur Carney: J'espère bien que la question est enfin réglée pour de bon dans cet accord, parce qu'elle nous hante depuis dix ans.

Mme Stensholt: Nous l'espérons nous aussi.

Le sénateur De Bané: Pourriez-vous me dire si la politique du gouvernement canadien a changé sur le point suivant? Je vous cite le Secrétaire d'État aux Affaires extérieures, qui a exprimé sa position à ce sujet devant le comité sénatorial lorsque celui-ci s'est penché sur la question du Moyen-Orient en 1983. Je vous cite la page 10 des procès-verbaux et témoignages du comité:

Le Canada a fait clairement comprendre à Israël qu'il ne peut lui reconnaître le droit [qu'il] s'est arrogé de garder une mainmise sur les territoires occupés. Nous nous inquiétons beaucoup des activités d'Israël sur le terrain en vue d'élargir cette mainmise: son annexion de la Cisjordanie et des Hauteurs du Golan et l'établissement de colonies dans les territoires occupés. À nos yeux ces opérations sont contraires au droit international et ne favorisent nullement le processus de paix... Le fait que les porte-parole israéliens répètent sans cesse qu'Israël ne se retirera jamais de ces territoires, ajouté à la volonté déclarée d'augmenter le nombre des colonies israéliennes et de rejeter toute suggestion sur leur retrait dans le cadre d'un arrangement de paix, compromet sérieusement les chances de succès de négociations qui ouvriraient la voie à une paix durable et sûre.

Le très honorable Joe Clark, dans un discours à l'ONU en 1984, a affirmé par ailleurs que le Canada appuyait la reconnaissance des droits légitimes des Palestiniens, y compris le droit de vivre dans une patrie dont le territoire serait clairement défini, à savoir la Cisjordanie et la bande de Gaza.

Pour citer encore une fois M. MacEachen, voici ce qu'il a dit au sujet des colonies de peuplement quand il a comparu devant le comité:

Nous aimerions voir la fin et non seulement le gel de ces activités.

Pouvez-vous me dire comment ce projet de loi, tel qu'il se présente actuellement -- tout particulièrement sur les points qui se rattachent aux questions soulevées par le sénateur Lynch-Staunton et d'autres membres du comité -- est favorable à la paix, compte tenu des récentes déclarations du premier ministre Nétanyahu?

Le président: Je ne conteste pas la pertinence de votre question, mais je ne suis pas sûr que les témoins qui sont ici aujourd'hui soient les mieux placés pour y répondre. C'est une question de politique, n'est-ce pas, qui ne porte pas vraiment sur les détails du projet de loi?

Le sénateur De Bané: Je respecte votre décision, monsieur le président.

Le président: Voyons un peu si les témoins se jugent capables de répondre à cette question ou si elle devrait plutôt être posée à un autre niveau.

M. Moroz: Monsieur le président, nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une question de politique qu'il vaudrait mieux poser demain lorsqu'un témoin plus compétent sera ici.

Le sénateur De Bané: Monsieur le président, je vais reformuler ma question. Plutôt que de vous demander si le projet de loi est favorable à la paix, à la lumière des déclarations récentes du premier ministre Nétanyahu, je vais me contenter de vous poser la question suivante. J'ai cité plusieurs déclarations d'anciens ministres des Affaires étrangères. Est-ce que notre politique est différente aujourd'hui de celle que reflètent les déclarations que je viens de vous lire?

Mme Barbara Gibson, directrice, Direction des relations avec le Moyen-Orient, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Je pourrais peut-être répondre à votre question, sénateur. Les grandes lignes de notre politique n'ont pas changé. Nous maintenant la politique qu'ont appliquée tous les gouvernements canadiens successifs. Ce qui a changé, c'est qu'il s'est produit dans la région, au cours des dernières années, des événements qui ont mené à des accords de paix entre Israël et la Jordanie, et entre Israël et les Palestiniens; il y a eu deux accords successifs et je pense que la situation dans la région a changé.

Le sénateur De Bané: À mon avis, ce projet de loi n'a aucune raison d'être, sauf du point de vue politique; c'est le moyen que le Canada a trouvé pour encourager le processus de paix au Moyen-Orient. Mon interprétation de l'accord conclu entre M. Chrétien et M. Rabin il y a deux ans, c'est qu'il s'agissait d'un cadeau du Canada au Moyen-Orient pour favoriser le processus de paix. Est-ce que j'ai raison?

Mme Gibson: Je pense que c'était plusieurs choses à la fois. Il s'agit certainement d'une entente économique qui vise à permettre aux exportateurs canadiens de bénéficier des mêmes règles du jeu que les entreprises européennes et américaines qui leur livraient jusqu'ici une concurrence injuste. L'accord a été conclu pour des raisons propres au Canada.

Le sénateur De Bané: Quelles sont ces raisons? Nous avons tout intérêt à ce que la paix règne dans la région.

M. Moroz: La raison pour laquelle nous avons conclu cet accord de libre-échange -- si vous me permettez de répondre à cette question-là en premier --, c'est précisément pour que les règles du jeu soient les mêmes pour nos producteurs aux prises avec la concurrence des producteurs américains et européens, qui bénéficient déjà d'accords de libre-échange avec Israël. C'est la raison économique pour laquelle nous avons voulu conclure un accord de libre-échange.

Notre attitude générale -- et notre principal objectif -- au sujet de la politique commerciale consiste à essayer de supprimer les barrières tarifaires dans la mesure du possible et de mettre nos producteurs sur le même pied que les autres sur les marchés extérieurs. Nous avons entrepris ces négociations sur l'accord de libre-échange précisément pour supprimer ces barrières tarifaires, de manière à ce que nos producteurs n'aient plus à assumer des tarifs plus élevés que les autres un peu partout dans le monde. C'est la principale raison pour laquelle nous avons entrepris des négociations en vue de conclure un accord de libre-échange.

Le sénateur De Bané: Je m'excuse, mais je ne suis pas d'accord avec vous. Nous savons tous quel est le volume de notre commerce avec Israël et, si nous voulions vraiment que tout le monde soit traité de la même façon, je pourrais vous nommer beaucoup d'autres marchés où les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous, parce que d'autres pays ont conclu des ententes avec l'Union européenne.

La raison, dans ce cas-ci, tout le monde la connaît. En tant que Canadien, j'ai applaudi à l'annonce de cet accord de principe parce que c'était notre cadeau à la région. Nous voulions y favoriser le processus de paix. Voilà.

Vous avez votre propre point de vue sur la façon de présenter cet accord, mais laissez-moi vous dire qu'il s'agit essentiellement d'un geste politique de la part du Canada et que vous ne pouvez pas, avec tout le respect que je vous dois, dissimuler cette réalité en invoquant une raison économique. Nous savons tous quelle est la taille des échanges économiques entre nos deux régions.

À mon avis, nous avons ici un projet de loi qui, objectivement -- je dis bien «objectivement» --, s'éloigne de façon significative de la politique que nous avons toujours maintenue, à savoir que ces colonies de peuplement sont contraires au droit international; en ce sens, nous sommes d'ailleurs sur la même longueur d'ondes que la Grande-Bretagne et la France, qui ont toujours dit la même chose. Mais si le projet de loi permet d'étendre la zone de libre-échange aux territoires occupés, j'aimerais qu'on m'explique comment le Canada va pouvoir exercer une influence pacificatrice sur les deux parties, comme le suggérait le rapport produit par notre comité il y a quelques années. Je dis bien «sur les deux parties». À mon avis, en permettant l'application de l'accord de libre-échange dans ces territoires, nous n'aidons pas la cause de la paix.

Vous êtes au courant des subventions particulières que le gouvernement d'Israël verse aux industries et aux gens qui s'installent en territoires occupés?

Mme Gibson: Nous connaissons la politique du gouvernement israélien.

Le sénateur De Bané: Et vous pensez qu'il serait juste, du point de vue canadien, d'avoir à faire concurrence à des industries qui sont lourdement subventionnées parce qu'elles se sont implantées en territoires occupés?

Mme Gibson: Comme je l'ai dit, sénateur, il s'agit d'un processus en cours entre les deux parties en cause, Israël et l'Autorité palestinienne; c'est à elles de poursuivre les négociations.

Le sénateur De Bané: Non, non. Je parle du point de vue canadien, en me mettant dans la peau d'un fabricant canadien. Vous avez parlé d'uniformiser les règles du jeu. Vous savez pourtant que le gouvernement d'Israël verse des subventions très généreuses aux gens qui acceptent de vivre dans les colonies de peuplement juives ou d'y implanter des entreprises. Ce que je vous demande, c'est s'il est juste que des entreprises canadiennes doivent faire concurrence à des entreprises qui ont été largement subventionnées pour s'établir dans les colonies juives en territoires arabes?

M. Moroz: Sénateur, pour uniformiser les règles du jeu, je pense qu'il faut y aller étape par étape. Dans le cas de cet accord, la première étape -- du moins dans le contexte de l'accord -- consiste à supprimer les barrières tarifaires qui sont imposées aux producteurs canadiens, mais pas aux producteurs américains et européens.

C'est précisément ce que fait cet accord, et c'est l'objectif qu'il visait sur le plan économique; autrement dit, en accordant des avantages économiques aux deux parties, l'accord contribuera au processus de paix, ce que nous espérons et que nous voulons encourager.

Le sénateur De Bané: Je n'ai peut-être pas été assez clair. Il y a en Israël des entreprises qui reçoivent une aide gouvernementale préférentielle si elles s'établissent dans les colonies juives. Je me demande comment les entreprises implantées dans ces colonies peuvent faire concurrence aux entreprises canadiennes, avec en plus les mêmes privilèges que celles d'Israël même.

M. Moroz: Si votre question porte sur les exportations vers le Canada, nous maintenons dans cet accord notre politique commerciale générale en matière de droits compensateurs, en vertu des règles de l'OMC. Ce mécanisme reste en place.

En ce qui concerne nos exportations vers Israël, la question que nous voulions régler grâce à cet accord de libre-échange était celle des barrières tarifaires. L'accord lui-même, tout comme l'ALÉNA, ne porte pas uniquement sur les subventions intérieures.

Le sénateur De Bané: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais conclure par un dernier commentaire. Jusqu'ici, j'ai posé toutes mes questions en tant que Canadien, comme c'est mon devoir de le faire, selon le point de vue du Canada et en fonction de l'intérêt qu'il a toujours porté à la paix dans cette région.

Mais si vous me le permettez, j'aimerais ajouter un petit commentaire. Je suis né en Palestine, et je voudrais vous dire une chose: si vous voulez vraiment aider les Palestiniens, ce n'est pas en leur ouvrant le marché canadien que vous y arriverez. Vous savez, tout comme moi, qu'ils ne sont pas en position actuellement de percer notre marché. Si vous voulez vraiment les aider, donnez-leur accès au marché israélien.

Le sénateur Prud'homme: J'ai bien peur que vous deviez répéter ce que vous avez déjà dit, pour que je puisse moi-même vous comprendre. Vous parlez des douaniers canadiens, des bons fonctionnaires du Canada, qui doivent connaître l'origine des marchandises qui entrent au pays. Et si ces marchandises viennent d'Israël, il faut que ce soit indiqué. Bien sûr, il s'agit ici de libre-échange avec Israël, n'est-ce pas? Jusqu'ici, vous êtes d'accord.

Alors, pourquoi est-ce que nous ne mentionnons pas seulement Israël? Le témoin qui est à côté de vous a parlé de la Communauté européenne. Pour nous, pour que nous puissions bien comprendre, c'est très bien, vous savez... si c'est bon pour les États-Unis, c'est sûrement bon pour le Canada; si c'est bon pour la Communauté économique européenne, c'est bon pour le Canada.

J'ai lu l'accord de libre-échange, et Israël y est mentionné partout. Mais il n'y est question nulle part d'étendre l'accord à un voisin, c'est-à-dire à l'Autorité palestinienne. Il y est question d'Israël.

Ce qui est intéressant également, c'est que l'article 1 dit:

[Français]

Les relations entre les parties, de même que toutes les prédispositions du présent accord se fondent d'abord et avant tout sur le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques qui inspirent leur politique interne et internationale et qui constituent un élément essentiel du présent accord.

Pourquoi dans cette définition étrange de "country" à l'alinéa 41.1, pourquoi toujours revenir avec ce mot?

[Traduction]

... vous dites que vous êtes prêts à étendre l'accord. J'ai vérifié avec l'Autorité palestinienne, puisque le projet de loi a été étudié plutôt rapidement à la Chambre des communes; les Palestiniens m'ont dit que, contrairement à ce qu'ont affirmé tous les gens qui ont pris la parole à la Chambre des communes, cet accord n'était pas particulièrement enthousiasmant pour eux. Premièrement, ils s'opposent au mot «extension». Ils ne se considèrent pas comme un appendice de l'État d'Israël. Ils aimeraient probablement beaucoup avoir un accord de libre-échange avec le Canada, mais ils aimeraient que ce soit entre le Canada et l'Autorité palestinienne, puisqu'il est interdit pour le moment de parler de Palestine.

Est-ce que le douanier canadien, au poste frontière, sera en mesure de savoir si les marchandises viennent d'Israël même, ou si elles ont été fabriquées par des entreprises gérées par des colons dans les territoires occupés? Est-ce que nous sommes en mesure de le savoir?

M. Moroz: Sénateur, cet accord s'applique aux territoires visés par les lois douanières israéliennes; c'est ce dont il a toujours été question dans les accords provisoires conclus jusqu'ici.

Je voudrais faire deux commentaires. Dans la mesure où un producteur implanté dans la région où s'appliquent aujourd'hui les lois douanières israéliennes signe un certificat déclarant que ses marchandises respectent les règles d'origine, le douanier devra les laisser entrer en franchise ou leur appliquer le tarif préférentiel si c'est ce qu'affirme le fabricant.

La façon dont fonctionnent nos accords de libre-échange -- non seulement dans le cas de ce qui est proposé pour le Canada et Israël, mais aussi dans le cas de l'ALÉNA et de l'accord que nous allons conclure avec le Chili, s'il est approuvé --, c'est que tous ces accords reposent sur le fait que les producteurs des territoires visés doivent signer un certificat d'origine. Nous incluons ensuite dans nos accords -- au chapitre 5, dans le cas de l'accord Canada-Israël -- une série de mécanismes relatifs à l'application des règles douanières.

Le sénateur Prud'homme: Vous m'aidez dans ma réflexion. Si le pays d'origine est le Chili, nous savons que le produit vient du Chili.

M. Moroz: Exactement.

Le sénateur Prud'homme: S'il vient d'Israël, qu'est-ce que nous en savons?

M. Moroz: Dans la situation actuelle -- et je sépare cela intentionnellement de l'offre qu'a faite le gouvernement d'étendre les avantages de l'accord à la Cisjordanie et à Gaza, simplement pour faire la distinction -- dans la situation actuelle, donc, le territoire dans lequel s'appliquent les lois israéliennes est visé par les accords provisoires conclus entre les Israéliens et les Palestiniens.

Pour le moment, à l'intérieur de cette zone, qui inclura la Cisjordanie et Gaza, un producteur pourrait signer un certificat d'origine et ses marchandises seraient autorisées, si elles respectaient effectivement les règles d'origine, à entrer au Canada en franchise. Le producteur des marchandises pourrait signer le certificat. Il n'aurait pas besoin d'un fonctionnaire du gouvernement ou de qui que ce soit d'autre pour le signer. La personne qui exporte un produit peut signer le certificat d'origine.

En vertu de nos accords commerciaux, nous effectuons ensuite des échantillonnages ou des vérifications. Nous envoyons des questionnaires pour nous assurer que les producteurs se servent de facteurs de production qui répondent aux critères, et ainsi de suite. De façon générale, c'est ainsi que s'appliquent nos accords commerciaux.

Quant à la possibilité d'étendre les avantages de cet accord à la Cisjordanie et à Gaza, l'offre du gouvernement était fondée sur son désir, en collaboration avec l'Autorité palestinienne, d'inclure les marchandises produites en Cisjordanie et à Gaza, que les lois douanières israéliennes s'y appliquent ou pas.

C'est semblable à ce que les Américains ont déjà fait, et c'est le modèle que nous avons suivi. Comme vous l'avez dit, l'Autorité palestinienne a indiqué qu'elle aimerait discuter d'autres possibilités. L'honorable Ron MacDonald est allé récemment au Moyen-Orient, et c'est la question dont il a discuté avec les Palestiniens, c'est-à-dire l'extension des avantages de l'accord ou les autres solutions possibles. Il sera ici demain et il pourra vous rapporter ses discussions avec les ministres palestiniens.

Le sénateur Carney: Je remarque que cet accord commercial ne comprend pas d'accords parallèles sur l'environnement et le travail, contrairement à l'accord de libre-échange Canada-Chili.

On nous dit dans nos notes d'information que c'est parce qu'Israël applique des normes satisfaisantes en matière d'environnement. Il me semble que vous auriez pu vouloir conclure des accords parallèles justement pour cette raison-là, parce qu'ils auraient été relativement peu controversés.

Pourriez-vous nous dire pourquoi ces accords parallèles ne sont pas inclus dans l'accord canado-israélien, alors qu'ils le sont dans l'accord canado-chilien?

M. Moroz: Dans le cas du Chili, sénateur, étant donné que l'accord que nous avons négocié avec ce pays constitue explicitement un accord provisoire visant à faire le pont avec l'ALÉNA, nous avons voulu y inclure des accords parallèles sur le travail et l'environnement. Quant à Israël, il est vrai qu'un certain nombre d'autres pays ont des normes plus strictes dans ces deux domaines.

Quand nous avons commencé à négocier avec Israël, les deux parties se sont entendues dès le départ pour se concentrer sur la principale question, qui était à cette époque la question des barrières tarifaires faisant obstacle au commerce entre les deux pays. Israël n'a laissé entendre à aucun moment qu'il voulait devenir signataire de l'ALÉNA. Donc, nous nous sommes contentés de discuter des questions de barrières tarifaires et d'obstacles au commerce des marchandises, pour la même raison que nous n'avons pas inclus les services, les investissements, la propriété intellectuelle, et ainsi de suite.

Le sénateur Carney: C'était ma deuxième question. On nous a dit que si nous avions conclu un accord commercial avec un aussi petit client, un pays avec lequel nos échanges bilatéraux sont tellement réduits -- puisqu'ils n'ont qu'une valeur de 500 millions de dollars --, c'est surtout parce que nous jugions que le Canada et les exportateurs canadiens devaient avoir le même accès que leurs concurrents au marché israélien, et vice-versa.

Mais il y a toute une liste d'éléments qui ont été laissés de côté, y compris les investissements, les achats gouvernementaux, la propriété intellectuelle, l'agriculture, et ainsi de suite. Certains de ces éléments figurent dans l'accord américano-israélien. On nous dit que c'est parce que ces questions sont déjà visées par les règles de l'OMC.

Le Canada est-il encore désavantagé par rapport à ses concurrents des États-Unis et de l'Union européenne, malgré la signature de cette entente, ou si les règles du jeu sont vraiment uniformes pour tout le monde?

M. Moroz: Sénateur, pour ce qui est des éléments dont vous avez parlé, permettez-moi de mettre l'agriculture de côté pour le moment puisqu'il s'agit d'un cas légèrement différent. Mais pour ce qui est des domaines comme la propriété intellectuelle, les services et les autres domaines exclus, ils ont été inclus dans l'accord américano-israélien avant la conclusion de l'Uruguay Round; il s'agit donc en fait de clauses du meilleur effort, alors que les résultats de l'Uruguay Round entraînent des obligations concrètes dans ces domaines-là. Et comme Israël a contracté ces obligations vis-à-vis de nous, les États-Unis et tous les autres pays sont sur le même pied.

En ce qui concerne les achats gouvernementaux, comme je l'ai dit tout à l'heure, je pense que les États-Unis ont obtenu un avantage sur nous dans le cadre de l'Uruguay Round, pour ce qui est de l'équipement de télécommunications utilisé par le service étatique. Il faudrait que je vérifie; les détails m'échappent pour le moment. Mais nous comptons poursuivre les négociations à ce sujet-là parce que nous avons conservé vis-à-vis d'Israël les droits que nous accorde l'OMC au sujet des achats gouvernementaux.

Dans le cas de l'agriculture, Israël vient de terminer des négociations avec les États-Unis, qui débordent le cadre de cet accord. Nous savions que ces négociations étaient en cours lorsque nous avons terminé les nôtres. Par conséquent, l'accord prévoit que nous allons reprendre nos négociations sur l'agriculture d'ici deux ans. Nous avons insisté pour inclure cette disposition précisément parce que nous savions que les Américains et les Israéliens étaient en train de négocier quelque chose sur l'agriculture.

Le sénateur Carney: Donc, pour le moment, les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tout le monde -- c'est ce que je voulais savoir --, mais il y a des dispositions qui permettront d'en arriver là si nous sommes prêts à en payer le prix?

M. Moroz: Oui, tout le monde sera sur le même pied. À la fin de nos négociations avec Israël, en janvier, il restait certaines choses pour lesquelles nous n'avions pas réussi à ouvrir le marché israélien. Nous comptons retourner à la table des négociations au cours des deux prochaines années précisément pour en discuter. Quant aux États-Unis, ils ont gagné certains avantages récemment dans le domaine de l'agriculture. Les négociations viennent de se terminer, il y a environ un mois.

Le sénateur Carney: Ma dernière question est la suivante: étant donné le faible volume de nos échanges avec Israël et les efforts intensifs qu'exigent ces négociations, est-ce qu'il s'agit d'une priorité comparativement à nos relations commerciales avec l'Asie-Pacifique et certaines autres régions de l'hémisphère? Est-ce que vous considérez que cet accord est une priorité?

M. Moroz: Comme je l'ai dit au début, la principale raison pour laquelle nous avons cherché à conclure cet accord, c'est pour que nos producteurs soient sur le même pied que ceux des États-Unis et de l'Union économique. Nous avons maintenant terminé ces négociations. Il s'agit d'un marché important pour un certain nombre de producteurs canadiens, mais évidemment, nous attachons beaucoup d'importance aux efforts de l'OMC et de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique; c'est certain.

Le sénateur Carney: Il y a 36 pays avec lesquels nous entretenons des relations commerciales plus importantes qu'avec Israël. Je vous souhaite beaucoup de succès avec tous ces pays-là.

M. Moroz: Comme vous le savez fort bien, nous négocions activement en ce moment un accord qui devrait entraîner la libéralisation des échanges commerciaux dans l'ensemble de l'hémisphère d'ici 10 ou 15 ans. Nous sommes également membres de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique, qui travaille à plus longue échéance; et à l'OMC, nous faisons des pressions chaque fois que c'est possible dans le sens de la libéralisation des échanges commerciaux.

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce qu'Israël a ratifié l'accord?

M. Moroz: Le processus de ratification y est un peu différent du nôtre. En fait, l'accord est adopté automatiquement. Il doit d'abord être approuvé par le Cabinet; il est ensuite déposé à la Knesset pendant deux semaines au moins, après quoi le Cabinet peut mettre l'accord en vigueur.

Il a été déposé à la Knesset dimanche dernier, le 1er décembre; le compte à rebours des deux semaines est donc commencé. Je pense que le Cabinet pourra ratifier l'accord dès le 14 décembre.

Le sénateur Lynch-Staunton: L'accord prévoit un certain nombre de contingents tarifaires imposés pour les marchandises exportées en franchise par les deux pays, et ces contingents sont tous précisés. Est-ce que ce genre de contingents est typique des accords de libre-échange?

M. Moroz: Il y en a dans certains accords conclus par Israël.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais au Canada, c'est la première fois?

M. Moroz: Dans notre cas, il y a des produits faisant l'objet de programmes de gestion de l'offre qui sont assujettis à des contingents tarifaires. Je veux parler des discussions qui se sont terminées récemment.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais les secteurs soumis à la gestion de l'offre sont exclus de l'accord.

M. Moroz: Ils sont exclus de l'accord, parce que nous avons demandé qu'ils le soient.

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce qu'ils sont soumis aux règles de l'OMC? J'ai été étonné de trouver des contingents dans un accord de libre-échange. Est-ce que c'est courant? Avons-nous déjà conclu des accords de libre-échange qui prévoient que nous pouvons imposer des contingents au-delà desquels il y aura, je suppose, des barrières tarifaires ou des droits de douanes?

Mme Close: S'il y a un produit particulier qui est sensible aux importations -- il s'agit généralement des produits agricoles -- et que le pays ne veut rien faire à leur sujet, il acceptera souvent d'en permettre une circulation limitée en franchise. Donc, c'est en fait une libéralisation, et non une restriction. Sans contingent, rien n'entrerait en franchise, ou alors les droits de douanes seraient beaucoup plus élevés. Et, oui, il y avait des dispositions de ce genre dans l'ALÉNA au sujet des produits agricoles.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous voulez parler de l'Accord de libre-échange?

Mme Close: De l'ALÉNA.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est dans l'ALÉNA?

Mme Close: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Au sujet des produits agricoles?

Mme Close: Dans le secteur de l'agriculture.

Le sénateur Carney: Et du bois d'oeuvre?

Mme Close: Et du bois d'oeuvre.

Le sénateur Carney: Et des produits horticoles?

Mme Close: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: De l'horticulture aussi, d'accord. Ma dernière question pour aujourd'hui -- et je vous remercie de votre patience -- est la suivante: il est fait mention à plus d'une reprise, dans l'accord et dans les notes explicatives, de nos obligations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce; on nous a dit que c'est notamment en raison de ces obligations que ces questions ne sont pas incluses dans l'accord, parce qu'elles sont déjà visées par un accord multilatéral, n'est-ce pas?

M. Moroz: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quand nous reprendrons cet exercice, si ce n'est pas trop vous demander, j'aimerais savoir si vous pourriez nous résumer quelles sont les obligations qui sont exclues de l'accord, mais auxquelles nous sommes assujettis dans le cadre de l'OMC. Nous avons appuyé la création de l'OMC et nous avons adopté une loi à ce sujet, mais nous avons parfois tendance à l'oublier.

Le sénateur Corbin: Le témoin a mentionné le dépôt de l'accord à la Knesset. Qu'est-ce que vous entendez par «dépôt»? Est-ce sous forme de projet de loi, ou quoi? Vous avez parlé d'une limite de deux semaines, après quoi l'accord va au Cabinet. Est-ce qu'il s'agit d'un processus législatif?

M. Moroz: Il n'y a pas de projet de loi. C'est l'accord lui-même qui est déposé officiellement à la Knesset, pour que ses membres puissent le commenter. Il y reste deux semaines, après quoi il est renvoyé au Cabinet, avec les commentaires de la Knesset le cas échéant.

Le sénateur Whelan: Je n'insisterai pas sur cette question aujourd'hui si les témoins doivent revenir, mais j'aimerais qu'ils nous apportent des renseignements, par exemple, sur les sondages qu'ils ont effectués en Israël avant de négocier cet accord. Est-ce qu'ils ont toute cette information sous la main? Est-ce que ces renseignements sont disponibles, par exemple sur les types de subventions et d'opérations?

Le président: Je vais maintenant demander à nos témoins suivants de prendre place.

Monsieur Skalli, je pense que vous êtes dans la pièce depuis tout à l'heure; vous aurez sûrement remarqué que notre discussion porte sur deux grands axes, d'une part les détails de l'accord et du projet de loi, et d'autre part ce qu'on pourrait appeler l'à-propos politique du projet de loi.

Le comité vous serait très reconnaissant de bien vouloir essayer de défricher un terrain nouveau, plutôt que -- pour employer un langage que le sénateur Whelan comprendrait bien -- de labourer encore une fois le terrain que nous avons déjà parcouru. Si vous pouviez témoigner dans ce sens-là, ce serait très utile au comité.

[Français]

M. Jawad Skalli, président du Centre d'études arabes pour le développement: Je vous remercie, monsieur le président. Je n'avais pas l'intention de parler à la suite du débat qui vient d'avoir lieu, mais d'approfondir la question de cet accord du libre-échange entre le Canada et Israël.

Je venais ici, avant même d'avoir écouté la conversation, pour souligner à quel point cet accord avait une signification éminemment politique. Le niveau du commerce entre Canada et Israël pouvait peut-être justifier un accord du libre-échange, mais qui viendrait en 70e ou 76e position par rapport aux différents pays partenaires commerciaux du Canada avec lesquels il aurait été possible de penser à des accords similaires.

La signification était très politique à un moment précis où un processus de paix, que peut-être un peu vite, avec un peu de précipitation, nous avons confondu avec la paix elle-même. Il y avait un processus, mais il n'y avait pas encore véritablement la paix.

Avec de très bonnes intentions, le Canada est arrivé pour donner à M. Rabin et à M. Péres des arguments pour vendre le processus de paix au peuple israélien et leur dire: vous voyez qu'avec la paix, nous gagnons!

M. Péres a basé sa campagne électorale, en Israël, sur le fait que depuis le début du processus de paix, les investissements étrangers en Israël, le commerce extérieur d'Israël, la production du produit intérieur brut israélien ont connu des augmentations très importantes et que c'était les dividendes de la paix.

À cette époque, le Canada venait dire: oui, vous avez raison, nous voulons appuyer cette nouvelle vision israélienne du rapport à la paix. Simplement, les faits ont changé, la situation a changé radicalement. En face de M. Péres pendant les élections, il y avait M. Netanyahu qui disait: je peux obtenir les mêmes accords commerciaux que vous, la même croissance que vous, les mêmes investissements étrangers que vous, sans faire une seule concession et sans faire un seul pas dans le chemin de la paix, au contraire, en réaffirmant les positions les plus dures.

Notre message du début, qui était «Nous favorisons la paix» -- juste parce que nous ne tenons pas compte de l'évolution de la situation devient exactement le message contraire: «Nous appuyons l'intransigeance». Nous étions prêts, hier, à récompenser l'attitude pacifique. Aujourd'hui, objectivement, nous disons: le monde comprend, peu importe ce que nous nous voulons dire, les partenaires au Moyen-Orient comprennent. Le Canada est prêt à récompenser l'attitude fermée et négative par rapport à tout avancé du processus de paix.

Je ne pense pas que ce soit le message que notre gouvernement ni notre peuple ait voulu adressé à la région. Je donne le crédit entier à notre gouvernement que ce n'est pas du tout dans ses intentions d'envoyer un message pareil, mais entre les intentions et les actes réels, il y quand même cette réalité que c'est le message perçu ici.

L'accord du libre-échange en novembre 1996 a une signification radicalement opposée à celle du même accord du libre-échange deux ans auparavant. Voilà pour ce premier aspect.

Le deuxième aspect que je voulais souligner est que le Canada a des principes de politiques étrangères et des positions précises sur le conflit israélo-palestinien.

Comment se fait-il qu'un accord commercial dans ses préambules, dans ses attendus, vienne en contradiction avec tout un ensemble de positions officielles sur lesquelles l'on s'appuie depuis 20 ans.

Je vous donne un exemple. On dit que l'on ne reconnaît pas la légalité de la Cisjordanie, du Golan, de Jérusalem Est et de tous les territoires acquis par la force. D'un autre côté, au moment de parler de cette réalité de l'occupation, on vient dans l'accord du libre-échange et l'on parle d'unions douanières.

Est-ce que l'on peut parler d'unions douanières? C'est absolument sidérant. Si, dans les faits, Israël, effectivement, a le contrôle douanier du Golan, est-ce que l'on peut dire pour autant que le Golan fait partie d'Israël alors que pendant 25 ans, maintenant, nous avons répété à toutes les tribunes internationales: nous ne reconnaissons pas l'acquisition de territoires par la force. Nous ne reconnaissons pas la légalité de la présence israélienne dans des territoires comme cela.

On vient parler d'accords douaniers parce que dans une étape intérimaire -- il faut souligner le terme intérimaire -- les Palestiniens et les Israéliens pendant le processus de paix ont négocié une phase transitoire au cours de laquelle certains éléments passeraient dans l'autonomie palestinienne et d'autres resteraient contrôlés par les Israéliens. Il est vrai que les Israéliens ont été absolument intraitables sur tout ce qui touchait l'extérieur, notamment les douanes. Ils ont tenu que, dans la phase transitoire, ils gardent le contrôle des aspects douaniers.

Immédiatement après, aujourd'hui, au moment où l'on se parle normalement, depuis six mois, les négociations sur les arrangements définitifs et sur le statut définitif auraient dû commencer, ce qui ne veut absolument pas que dire les Palestiniens et Israéliens ont signé un quelconque accord douanier qui les lie.

Nous dire aujourd'hui que nous ne faisons pas de politique, que nous faisons un accord commercial et que l'on traite ce qui est réellement dans une union douanière israélo-palestienne revient à mon avis à nous dire que si, demain matin, au cours d'une guerre, que personne ne souhaite, mais que si les choses restent comme elles le sont, cela va certainement se produire. Si demain Israël occupe encore la moitié du Liban, on considérera que la moitié du Liban fait partie de l'union douanière israélienne et que, par conséquent, l'on peut traiter avec Israël également de cette région puisque, de facto, elle y est là et que la loi douanière qui s'y applique est la sienne.

Je ne crois pas que ce soit le message politique que nous voulons envoyer et que personne dans ce pays ne veuille l'envoyer. Nous devons envoyer des messages qui reflètent exactement ce que nous voulons dire et je ne pense pas qu'on l'a fait.

La question des colonies de peuplement, la question des réfugiés est absolument incontournable du point de vue de l'accord du libre-échange. La question des colonies de peuplement, pour plusieurs raisons, d'abord parce que c'est illégal, et le Canada le dit et l'affirme. Ce sont des terres qui ont été volées à leurs propriétaires légitimes, c'est de l'eau qui est volée à ses propriétaires légitimes. Allons-nous acheter les produits de cette terre et de cette eau à des gens dont on dit qu'ils l'ont volée? En droit, cela s'appelle du recel.

Nous ne pouvons adopter une loi qui dise, en même temps, de la même voix, par le porte-parole à l'Organisation des Nations Unies, par l'opposition officielle: c'est du vol; et par une autre voix qui dit: nous sommes prêts à faciliter la transaction des produits du vol entre nous. C'est impossible, c'est l'un ou l'autre. Cela ne peut pas être les deux.

Deuxième élément: les réfugiés palestiniens, c'est extrêmement important. Je trouverais assez comique, si ce n'était pas aussi dramatique, que Israël soit le seul pays qui ait officiellement appuyé les États-Unis à propos de la loi Helms-Burton, qui s'appuie sur le fait que l'on ne peut pas faire affaire avec des entreprises qui sont construites sur des biens volés ou confisqués à des compagnies américaines. Je pense qu'il faut avoir drôlement du culot.

Tant et aussi longtemps que la question des réfugiés palestiniens n'est pas résolue et jusqu'à aujourd'hui la position officielle du Canada à propos des réfugiés palestiniens, c'est l'appui à la résolution 181, qui estime logique leur retour ou leur dédommagement. Tant que ce retour ou ce dédommagement n'auront lieu, il demeure que l'essentiel de l'économie israélienne repose sur des choses volées à d'autres qui sont vivants, qui sont dans des camps de réfugiés aujourd'hui.

Nous ne pouvons pas tenir un langage double et dire que nous appuyons les résolutions de l'ONU et le droit de retour des réfugiés palestiniens, et être responsables du groupe multilatéral de travail sur les réfugiés qui doit trouver des solutions concrètes; et de l'autre côté reconnaître que la terre, les entreprises, les biens appartiennent aux Israéliens et travailler avec les Israéliens, sans tenir compte de la question des réfugiés palestiniens.

Dernier élément extrêmement important, à côté duquel on ne peut pas passer, c'est qu'il y a beaucoup de parlotte -- et je m'excuse du terme -- autour de la généralisation du profit du libre-échange aux populations palestiniennes, l'extension à la population palestinienne. Il est absolument ridicule, dans le contexte actuel de parler de cela.

Aujourd'hui, le Palestinien n'a pas de libre-échange avec son voisin. À ce moment-ci, avec le bouclage des territoires, le paysan palestinien n'a pas la possibilité d'aller cultiver son champ. L'ouvrier palestinien, dont l'usine se trouve à quelques dizaines de mètres du village où il habite, n'a pas le droit de se rendre à son usine. Le camion rempli de fraises, d'oranges ou de tomates produites à Gaza, pourrit, au sens littéral du terme, au «check point» entre Gaza et Israël, parce qu'il n'a pas le droit de l'amener en Cisjordanie, avant qu'ils ne soient pourris. Cela passe 36 heures, 40 heures à attendre l'autorisation de passer en Cisjordanie, à l'intérieur même du territoire palestinien, entre Gaza et la Cisjordanie. Trente-six heures à attendre et une fois que c'est pourri, à ce moment on l'autorise à partir. Parler, dans ces conditions, de libre-échange avec le Canada, relève du surréalisme le plus total. Je ne parle même pas de l'accès des produits israéliens au marché israélien. Je parle que l'on autorise, que l'on crée les conditions pour que le Palestinien puisse commercer avec le Palestinien, minimalement.

Aujourd'hui, on parlait de bouclage, bien avant l'arrivée de M. Nétanyahu au pouvoir, mais il y a quelque chose de radicalement changé et de radicalement nouveau. Auparavant, l'armée israélienne, lorsqu'elle bouclait les territoires occupés, empêchait les Palestiniens de traverser la ligne verte, de se rendre de Cisjordanie en Israël ou de se rendre de Gaza en Israël. Avec l'accord d'Oslo et les accords suivants, le territoire palestinien est divisé en zones A, B, C. Les seules zones dominées par les Palestiniens sont les zones A: les zones autonomes des Palestiniens, c'est-à-dire strictement les grandes villes. Lorsqu'il y a un bouclage, cela ne veut plus dire que vous n'avez plus le droit de traverser la ligne verte, mais cela veut dire que vous n'avez pas le droit de sortir de votre ville. La grande majorité des enseignants de l'université Birzeit habitent Ramallah à 15 kilomètres de là, pendant les bouclages ils ne peuvent pas se rendre à l'université. Les paysans, qui habitent dans les faubourgs des villes, ne peuvent pas aller cultiver leurs champs; par autorité militaire et droit militaire.

Comment peut-on, dans un contexte pareil, faire une quelconque confiance à des Israéliens qui garantiraient que le bénéfice du libre-échange soit étendu aux Palestiniens? Je ne pense pas que cela soit acceptable. Il est pénible d'avoir à confronter des gens que l'on a considéré comme des amis ou des alliés. Il est légitime de vouloir s'asseoir au banquet de la paix et participer. Mais, je pense que pour s'asseoir à ce banquet, il faut se souiller un peu devant les fourneaux de la cuisine de la paix et cela suppose quelques affrontements avec ceux que nous considérons comme des alliés. Et cela suppose que nous mettions quelques points sur quelques «i» et à ce moment-là, peut-être, nous pourrons parler de libre-échange.

[Traduction]

Le sénateur Grafstein: Je ne connais pas le travail de ce centre; le témoin pourrait peut-être nous parler rapidement de ce que fait ce centre et dans quels pays.

Monsieur le président, nous n'avons pas précisé d'où vient ce témoin, mais ce serait utile pour le compte rendu. J'aimerais qu'il nous décrive rapidement ce que fait le centre et dans quels pays il travaille.

[Français]

M. Skalli: Le Centre d'études arabe est un organisme canadien, installé au Québec à Montréal, dont 80 à 85 p. 100 du «membership» n'est pas de descendance arabe, qui s'est donné comme mission de travailler au développement de la démocratie dans le monde arabe. Avec l'appui de l'ACDI et du gouvernement canadien, d'universités et de toutes sortes de partenaires, nous avons des programmes de développement dans les territoires occupés, en Égypte, au Liban, au Maroc et ici au Québec et au Canada, pour sensibiliser la population autour de ces réalités. Si vous avez besoin de plus de détails, je peux vous en donner plus.

Le sénateur De Bané: M. Skalli, pouvez-vous nous donner votre compréhension du texte tel qu'il est rédigé dans ce projet de loi, au sujet des territoires auxquels va s'appliquer cette union de libre-échange entre le Canada et Israël. Cela peut s'étendre à quoi?

M. Skalli: Nous avons deux soucis contradictoires. D'abord, il y a danger à étendre cela en dehors des frontières internationalement reconnues d'Israël. Il est clair que d'un côté, nous avons le souci que ce soit plus précis, que le Canada puisse être conforme à ses prises de positions internationales et dire à ses partenaires israéliens qu'ils signent l'accord, oui mais que ce soit clair que cela s'applique sur le territoire israélien et seulement sur ce territoire. Cela ne doit pas s'appliquer, à notre avis, au territoire occupé illégalement.

D'un autre coté, nous avons le souci inverse, en termes de territoire et aussi de population. Nous voudrions que les populations palestiniennes puissent bénéficier des avantages éventuels de cet accord. Il est évident que dans une situation où, du fait de l'obstination israélienne, l'on ne puisse pas parler avec un partenaire palestinien qui a le pouvoir réellement de décider chez lui, il n'y a pas de solution acceptable qui tienne compte à la fois des deux.

Je vous ai parlé d'une certaine précipitation avec laquelle nous avons tiré la conclusion que, du processus de paix allait naître la paix et que nous pensions déjà à après la paix. L'histoire actuelle nous démontre que nous étions au tout début d'un processus et qu'il ne fallait pas se précipiter. Maintenant, c'est fait on est allé de l'avant.

Ce qui est important maintenant qu'on est allé de l'avant, c'est de souligner le principe sur lequel nous basons nos politiques étrangères et commerciales; puis à la fois, d'envoyer un autre message, par exemple d'engager des négociations directes avec les autorités palestiniennes ou avec des représentants palestiniens, pour discuter avec eux, et non pas avec les Israéliens, de ce qui concerne les territoires occupés et les populations qui relèvent d'eux.

Il y a un grave problème même à discuter avec les Israéliens de la manière dont cela va être étendu aux Palestiniens.

Ce n'est pas à eux de parler de notre point de vue, d'après nos positions en tant que gouvernement canadien et peuple canadien. Ce n'est pas avec les Israéliens que l'on définit les relations avec les Palestiniens, mais bien avec les Palestiniens eux-mêmes. Qu'on le fasse!

Le sénateur De Bané: J'aurais une dernière question, monsieur le président. Êtes-vous d'accord M. Skalli que si réellement le Canada veut faire oeuvre utile pour les Palestiniens, ce serait de se servir de ses bons offices pour faire pression sur le gouvernement israélien afin que les entreprises palestiniennes puissent commercer entre elles, particulièrement entre les deux territoires et également avec le pays voisin qu'est Israël et que ces deux priorités viennent bien avant celles de leur donner accès au marché canadien?

M. Skalli: Si je peux me permettre, l'apport principal du Canada pour le peuple palestinien et pour le peuple israélien serait de véritablement favoriser une paix juste et durable dans cette région.

Je ne suis pas pessimiste de nature, très loin de là. Je peux vous affirmer avec certitude, que du face à face Israélo-palestinien, il ne peut pas sortir de paix. Il ne peut pas sortir de paix, pour une raison très simple. Le rapport de force entre les deux est tellement défavorable aux Palestiniens qu'un face à face entre eux revient à une série de diktats par la partie plus forte sur la partie la plus faible et qu'aucune paix ne s'est jamais construite sur de pareilles bases. Une paix se construit dans une certaine justice où les rapports de force sont favorisés par la médiation justement, par l'intervention d'amis et d'alliés des deux parties qui contribuent à donner un fond juridique et un fond de principe à des négociations. Il ne faut pas que ces négociations soient simplement le reflet d'un rapport de force militaire concret sur le terrain où il y a un fort et un faible.

Que veut le fort? Le faible.

Du face à face Israël-Palestine, il ne peut pas y avoir de paix durable, absolument pas. Il faut absolument l'intervention d'une force médiatrice, températrice qui essaie de contrebalancer leurs rapports. De la solitude, États-Unis, Israël, Palestine, il ne peut pas sortir de paix, parce que loin de jouer leur rôle de rééquilibrer le rapport de force, les États-unis interviennent dans le sens de renforcer la partie la plus forte et d'affaiblir la partie la plus faible et de faire pression sur la partie la plus faible au lieu de faire pression sur la partie la plus forte.

La paix dans la région ne peut être que le résultat d'implication de force comme celle du Canada, comme celle de certains pays d'Europe, comme celle de certains autres pays d'Asie et cetera, pour réussir réellement à sortir du cercle vicieux du rapport de force, des positions américaines, des diktats israéliens et de Palestiniens sur lesquels il faut toujours faire pression pour qu'ils renoncent de plus en plus à tout ce qui est significatif dans leur cas.

Si le Canada devait s'engager, comme il a déjà manifesté son intention de le faire -- sauf qu'il n'a pas dépassé l'intention -- c'est d'essayer de faire pression sur Israël, sur la partie la plus forte pour arriver à un processus de paix. À partir du moment où la paix est instaurée dans la région, il serait très difficile de vous dire aujourd'hui qu'il s'agit là d'un accord de libre-échange ou d'un accord avec les Israéliens ou d'un programme renforcé par l'ACDI ou d'autres types d'aide et qui sera la chose la plus utile à ce moment-là. Je pense que nous ne sommes pas rendus encore à un point où la paix est une éventualité suffisamment proche et suffisamment palpable pour que l'on puisse déjà commencer à construire dessus.

Quelle paix va-t-il y avoir? Dans quelles conditions?

Nous en sommes encore à travailler sur cela. Le Canada a un très grand rôle à jouer comme puissance moyenne, comme puissance qui n'est pas considérée par un ennemi par aucun partenaire de la région. J'ai peur qu'avec des attitudes comme celles d'un accord de libre-échange signé en plein moment où le gouvernement israélien est en train de dire: je poursuivrai la colonisation; j'annexerai la Cisjordanie; je n'autoriserai pas le retour des réfugiés; je ne relâcherai pas les prisonniers. J'ai peur qu'à ce moment-là, un geste pareil ne soit interprété par des gens ou des groupes dans la région comme étant: tiens, le Canada vient de nous déclarer la guerre lui aussi. Après les États-Unis, le Canada vient de nous déclarer la guerre.

Je veux dire que nous n'avons rien à y gagner. Cela ne correspond même pas à ce que nous sommes réellement. Nous n'avons pas déclaré la guerre à personne. Notre peuple et notre gouvernement ne veulent pas.

Pourquoi envoyer un message qui peut être interprété comme cela?

Le sénateur De Bané: Je vous remercie vivement.

[Traduction]

Le président: Nous entendrons maintenant M. Mohamed Mahmoud, de la Fédération canado-arabe. Monsieur Mahmoud, il serait utile que vous commenciez par nous parler un peu de votre organisation.

[Français]

M. Mohamed Mahmoud, Fédération Canado-Arabe: Je suis un bon Canadien comme dit le sénateur Prud'homme.

[Traduction]

Monsieur le président, honorables sénateurs, j'ai 35 ans et je suis d'origine syrienne. Je suis ici comme porte-parole de la Fédération canado-arabe, qui est la seule organisation-cadre regroupant les organisations arabes du Canada. Notre fédération représente environ 20 organisations de toutes les régions du Canada.

Quand j'ai quitté l'endroit où j'ai passé ma petite enfance, j'étais tout jeune -- j'avais six ans -- et c'est parce que j'en avais été chassé par les forces armées israéliennes. J'ai été chassé du plateau du Golan en 1967 par l'armée israélienne. Quand des forces comme celles-là, des forces militaires, attaquent un pays étranger et en expulsent la population, cela veut dire quelque chose pour moi -- et pour vous aussi, peut-être.

Je voudrais vous distribuer une copie d'un article publié dans le journal La Presse. D'après le titre, Israël est très préoccupé de son image internationale. Or, un sous-titre, plus loin dans l'article, précise qu'il y a trois nouvelles colonies de peuplement sur le plateau du Golan. C'est là que j'habitais, et c'est de là que l'armée israélienne m'a chassé. Ces trois nouvelles colonies visent à augmenter la population israélienne sur le plateau du Golan, qui est occupé depuis 1967 et qui a été annexé par le gouvernement israélien en 1981, alors qu'il est reconnu au niveau international que ce territoire fait partie de la Syrie.

Je ne suis pas le seul enfant à avoir été chassé de sa patrie. C'est le cas aussi de milliers de Palestiniens. L'été dernier, mes trois enfants sont allés en Syrie avec leur mère. Avant de partir, ils m'ont demandé: «Papa, est-ce que nous pouvons visiter l'endroit où tu habitais?» Et j'ai répondu: «Non, ce n'est pas possible, parce que cet endroit est occupé.» Ma fille, qui a 11 ans, m'a demandé: «Est-ce qu'il est possible d'y aller avec un visa?» Et j'ai répondu: «Non, ce n'est pas possible parce que c'est un territoire occupé.» Il ne s'agit pas d'un autre pays. Il s'agit d'un État étranger qui occupe mon territoire, mon pays.

Donc, s'il vous plaît, quand vous voterez sur le projet de loi, n'oubliez pas que cet État est un État agressif. Si vous en donnez plus à un agresseur, il deviendra encore plus agressif. Ne l'oubliez surtout pas.

Je comprends les mesures que notre gouvernement prend, ici au Canada, pour promouvoir ses relations avec les autres pays dans les domaines économique, politique et culturel. Je comprends que les missions d'Équipe Canada peuvent être utiles à l'économie de notre pays. Mais quand il s'agit d'un accord de libre-échange entre le Canada et Israël, je dois demander pourquoi maintenant, et pourquoi avec Israël? Est-ce que nous cherchons des marchés d'exportation? Il y a 22 pays arabes, ce qui représente environ 300 millions de consommateurs, alors qu'Israël compte seulement 5 millions d'habitants. Donc, pourquoi Israël, à moins que cet accord de libre-échange n'ait une signification politique?

[Français]

Je vais maintenant parler en français pour répondre au sénateur Corbin qui a protesté contre le fait que le français soit un moyen de communication. Sénateur, j'ai le plaisir de parler en français.

Le sénateur Corbin: Je n'ai pas protesté.

M. Mahmoud: D'accord. Israël est très inquiet de son image négative dans le monde. S'il est très inquiet, c'est que son image se ternit de plus en plus. Et si son image se ternit, c'est parce qu'il est «reluctant» aux efforts de paix consentis par les pays arabes, par les Palestiniens en premier lieu. Les Palestiniens ont tout fait pour arriver à la paix. Avant, les Israéliens et leur lobby par le monde, disaient: «Les Arabes veulent nous jeter à la mer». Les Arabes ne veulent plus maintenant les jeter à la mer. Les Arabes ont accepté le principe: paix contre les territoires. Israël leur dit maintenant qu'il faut changer de principe: la terre contre la sécurité. Et qui sait, peut-être demain, les Israéliens vont demander aux pays arabes de déménager un peu, pousser un peu plus, parce qu'ils vont recevoir encore des immigrants, des immigrants juifs dans les pays arabes. Poussez-vous un peu plus, éloignez-vous un peu, ce sera mieux.

Donc, si je comprends bien, quand le traité de libre-échange entre Israël et le Canada a été initié, c'était pour récompenser les efforts de paix de l'État de Israël, entre guillemets «efforts de paix». Il ne pas oublier que l'État d'Israël occupait les territoires de trois pays arabes à l'époque. Il continue à occuper les deux pays arabes: la Syrie et le Liban et les territoires occupés palestiniens. Donc, il ne faut pas oublier tout cela.

Mais quand même, cela a été initié pour encourager les efforts de paix des deux parties. Mais, avec le départ de feu M. Rabin, toute la situation a changé. M. Rabin était un général, c'était loin d'être une colombe de la paix, il ne faut pas l'oublier. C'était un militaire qui a fait la guerre, deux ou trois guerres, mais qui s'est rendu compte qu'avec la guerre, on n'arrivera pas à un résultat dans la région. Il s'est rendu compte de cela et sur ce principe, il est parti vers la paix. Et tous les gens ont applaudi, de partout dans le monde, y compris dans les pays arabes.

On voulait arriver à cette paix, mais avec le départ de M. Rabin et l'arrivée de la droite au pouvoir de M. Nétanyahu, tout a changé, tout a basculé. Le gouvernement actuel israélien refuse de continuer les efforts de paix, refuse de retirer, refuse le redéploiement de ses forces de Hébron, refuse beaucoup de choses. Qu'est-ce qu'il demande alors? Qu'est-ce qu'il accepte le gouvernement israélien? Tout simplement qu'on lui donne de l'argent, qu'on lui donne des traités de libre-échange comme celui-ci, qu'on lui facilite la chose pour asseoir son image comme un dur, pour rester en place, pour probablement conquérir de nouveaux territoires. Là, nous avons une responsabilité. Là, il ne faut pas laisser la chance. C'est pourquoi je vous demande, honorables sénateurs, de penser deux fois avant de signer un tel acte.

Je voudrais terminer sur une note d'humour. Le 29 octobre, je me suis adressé à vos collègues du Parlement. À l'heure du vote, la surprise était grande, aucun des membres du comité n'était présent, le comité était parti en voyage au Pôle nord. Alors, je vous en prie, si le gouvernement vous propose un voyage, n'y allez pas; je vous en prie. Je suis prêt à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le sénateur Lynch-Staunton: Votre présentation repose sur le fait que vous considérez Israël comme un agresseur et que nous ne devrions pas signer d'accord de libre-échange avec un agresseur. C'est ce que vous nous dites, en gros?

M. Mahmoud: Ce n'est pas tout.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais c'est votre principal argument.

[Français]

M. Mahmoud: Je ne peux pas dire cela tout à fait. Je ne veux pas dire que c'est mon seul argument. Je ne peux pas dire que c'est un argument. C'est un argument parmi d'autres.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non mais vous nous avez dit que, suite au décès de M. Rabin et à l'élection du nouveau gouvernement, il y a eu des changements dans la situation géopolitique, dans le secteur, qui rendraient Israël maintenant plus menaçant qu'il y a quelques années.

M. Mahmoud: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et que les accords de paix n'étaient plus rencontrés ou que certaines conditions n'étaient plus rencontrées. Vous nous avez cité cet article et vous vous servez de cela comme argument. Je ne m'élève pas contre l'argument, j'essaie de comprendre. Étant donné qu'Israël devient, d'après votre définition, agresseur ou très agressif, le Canada serait vu comme appuyant sa position, dans le Moyen-Orient, en signant un traité de libre-échange?

M. Mahmoud: Oui, sénateur.

Le sénateur Lynch-Staunton: Donc, nous serions mieux de ne pas adopter ce projet de loi?

M. Mahmoud: Oui, sans hésitation, je dirais cela.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais, vous l'avez dit?

M. Mahmoud: Pardon?

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous l'avez dit. C'est que j'essaie de...

[Traduction]

J'essaie d'appliquer cet argument à d'autres pays avec lesquels nous n'avons pas d'accord de libre-échange, mais avec qui nous commerçons et qui pourraient également être considérés comme des agresseurs. Vous pensez que le Canada ne devrait commercer avec aucun pays pouvant être identifié clairement comme un agresseur?

M. Mahmoud: J'aimerais bien que mon pays agisse de cette façon.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

M. Mahmoud: C'est ce que je dis. J'aimerais bien que ce soit le cas.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous voulez dire que les Américains et les membres de l'Union européenne devraient abroger leurs accords de libre-échange avec Israël?

M. Mahmoud: Non. Ce que je dis, c'est qu'un vote en faveur du libre-échange entre Israël et le Canada sera interprété comme un geste hostile, au Moyen-Orient et dans les pays arabes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce que le maintien des accords de libre-échange entre les États-Unis et Israël, entre l'Union européenne et Israël, entre la Turquie et Israël, et entre la République slovaque et Israël serait jugé de la même façon?

M. Mahmoud: J'exclurais l'accord conclu par les Américains avec Israël parce que -- les États-Unis le savent très bien, et tout le monde le sait aussi -- les États-Unis sont considérés comme un pays ennemi au Moyen-Orient. Ce n'est pas le cas du Canada. Le Canada a beaucoup à perdre s'il essaie de se poser lui aussi en ennemi du monde arabe.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quelle est la différence entre la signature d'un accord de libre-échange et la libéralisation des échanges avec un pays qui est déjà un de nos partenaires commerciaux? Pourquoi la signature d'un accord de libre-échange serait-elle un geste aussi hostile, alors que le maintien du commerce avec Israël ne le serait pas?

M. Mahmoud: Parce que vous allez donner à Israël la possibilité de commercer de plus en plus avec le Canada; par conséquent, les Israéliens vont faire beaucoup d'argent par suite de cet accord.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est vous qui le dites. Il me semble voir une contradiction dans votre présentation. Si vous voulez soutenir la théorie selon laquelle nous ne devrions pas commercer avec un pays agresseur, vous devriez aller jusqu'au bout.

M. Mahmoud: Je ne comprends pas votre question.

[Français]

Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne veux pas prolonger la discussion si vous pensez qu'en signant le traité de libre-échange avec Israël, le Canada va être considéré hostile, c'est le mot.

M. Mahmoud: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il serait considéré comme allié à Israël qui est l'ennemi de nombreux pays. Pourquoi ne pas aller plus loin et dire qu'il faut arrêter d'avoir des relations commerciales avec Israël. On est déjà rendu à un certain point où l'on prend un peu d'expansion. Je ne comprends pas l'argument qu'en signant un traité comme celui-ci, tout d'un coup, on devient un ennemi mortel.

M. Mahmoud: Je ne dirais pas que du jour au lendemain le Canada changera mais cela sera un début de changement de l'image du Canada au Moyen-Orient. J'ai appelé hier quelqu'un en Syrie, un homme d'affaires. Je lui ai parlé de préparation en vue de venir ici.

Je lui ai parlé de l'état de la question ici. Il m'a dit qu'il avait vu le drapeau canadien en 1974 quand les Canadiens sont arrivés comme gardiens de la paix au Moyen-Orient. C'était la première fois que l'on voyait le drapeau canadien. Pourquoi le Canada appuierait-il les Israéliens en leur accordant de telles facilités d'accès au marché israélien et en important les biens israéliens au Canada. C'est quelqu'un qui ne comprenait pas pourquoi et c'est quelqu'un qui est sur le terrain.

C'est ce que je ne comprends pas. Pourquoi maintenant? Si les efforts de paix ont été accomplis et disons, arrivés jusqu'au bout, d'accord, cela sera un accord de libre-échange qui profitera à tout le monde. Mais dans les circonstances, je ne vois pas pourquoi.

Les gens sur place, je ne vois pas comment ils seraient capables de comprendre le pourquoi de ce geste.

Le sénateur Prud'homme: Si j'ai bien compris, l'offre de M. Chrétien à M. Rabin était un signe d'encouragement dans la voie tracée par M. Rabin. C'est à la demande du premier ministre. Cela aide le processus. Si je vous comprends bien, vous n'êtes pas en soi contre le libre-échange avec Israël. En ce moment, c'est envoyer le mauvais signal qui pourrait être considéré par M. Nétanyahu dans son agressive politique dans les implantations, dans son refus de remplir ses obligations à Oslo, c'est un encouragement en disant qu'indépendamment de ce que nous faisons en Israël, tout se continue comme si tout était normal.

Regardez un pays aussi équilibré que le Canada qui vient de signer avec nous un traité. C'est une preuve. Est-ce que c'est dans ce sens que vous nous parlez?

M. Mahmoud: Vous avez tout à fait raison. Ce que je voulais dire, c'est qu'au départ, tout le monde encourageait les efforts de paix. On parlait de 300 millions de dollars d'aide aux Palestiniens pour le développement. De plus en plus, on avance et on ne voit pas l'argent.

À l'époque tout le monde partout voulait aider et encourager les efforts de paix. Il y avait une réelle et sincère volonté des deux parties d'aller vers la paix. Avec la disparition de M. Rabin, malheureusement, le coté israélien a non seulement freiné mais il s'est rétracté. Je suis pour le traité de libre-échange, pas seulement avec Israël, mais avec tous les autres pays, y compris les pays arabes, mais pas en ce moment.

Le sénateur Prud'homme: En un mot, si M. Rabin était vivant et si l'honorable Jean Chrétien avait continué avec les fonctionnaires et tout, vous ne seriez pas ici aujourd'hui.

M. Mahmoud: Malheureusement, non, c'est tout.

[Traduction]

Le sénateur Grafstein: Quand la Turquie a-t-elle conclu un accord de libre-échange avec Israël?

M. Mahmoud: Il y a plusieurs mois.

Le sénateur Grafstein: Pouvez-vous nous donner la date? Pouvons-nous obtenir ce renseignement, monsieur le président?

Une autre question, monsieur Mahmoud: vous venez de la Syrie. Est-ce que la Syrie est un pays démocratique?

M. Mahmoud: Je ne comprends pas, sénateur. Est-ce qu'Israël est un pays démocratique?

Le sénateur Grafstein: Si le comité me demande de témoigner, je suis prêt à le faire. Je pense que c'est au témoin de répondre; s'il ne peut pas, je comprends cela. Est-ce que la Syrie est une démocratie?

Le président: Sénateur Grafstein, je vois mal comment votre question se rattache aux dispositions du projet de loi.

Le sénateur Grafstein: Elle se rattache au rôle du plateau du Golan dans le cadre de l'accord. C'est le témoin qui en a parlé. C'est une question simple. Est-ce que la Syrie est un pays démocratique?

M. Mahmoud: Je vais répondre à votre question. Quand un haut tribunal d'Israël permet à ses services secrets d'utiliser la contrainte physique pour arracher des «aveux» à un prisonnier palestinien, c'est signe que ce n'est pas une société démocratique. Quant à savoir si la Syrie est démocratique, peut-être que oui, et peut-être que non. Tout dépend de votre point de vue, honorable sénateur. Si vous considérez qu'une démocratie se caractérise par la tenue d'élections et l'existence d'un Parlement, eh bien, il y a des élections et un Parlement en Syrie. Si la démocratie passe par la représentativité, oui, la Syrie est un pays démocratique. Si la démocratie équivaut à la torture, oui, la Syrie est un pays démocratique, et Israël aussi d'ailleurs.

[Français]

Le sénateur Corbin: J'ai fait un commentaire au début. Vous vous excusiez de n'avoir le texte qu'en français. Habituellement, c'est l'inverse en comité. Nous avons beaucoup de témoins qui s'excusent de ne pas pouvoir parler français. Vous n'aviez pas d'excuse à nous offrir pour nous présenter un texte en français.

Les Palestiniens vivants en territoires occupés pas les Israéliens vont-ils bénéficier de cet accord?

M. Mahmoud: Je ne crois pas, pour la simple raison que les territoires... il faut s'y rendre pour savoir. Ils sont encerclés par des colonies et les colonies sont à l'intérieur des frontières internationales. Pour pouvoir se rendre des territoires occupés vers l'intérieur d'Israël, vous allez traverser les frontières.

Et moi, j'étais en France, entre 1986 et 1991. Tous les produits, à l'époque, qui venaient de Gaza, étaient marqués «made in Israël». J'ai posé la question plusieurs fois au marché central de Paris. Cela m'intéressait de le savoir. On m'a dit et répété plusieurs fois que les produits de Gaza arriveraient en France avec l'étiquette «Made in Gaza». Gaza n'est pas un état, mais tant pis. À aucun moment, pendant presque trois mois et demi de recherche sur le marché principal de Paris, il y a eu l'étiquette «Made in Gaza». C'était en 1991.

On nous a dit depuis 1992 que cela serait local. Je suis un fin observateur du marché ici et en France, depuis l992 jusqu'à maintenant, je n'ai jamais vu une étiquette «Made in Gaza» ou des territoires occupés ou administrés comme on le dit en Israël. Ils sont administrés par les Israéliens, pas occupés. Non, je ne crois pas d'une manière directe pour répondre à votre question.

Le sénateur Corbin: Il faudrait être plus spécifique. Dans le secteur du textile où travaillent de nombreux Palestiniens, en territoire d'Israël proprement dit, chaque jour, ils traversent la ligne pour aller travailler en territoire d'Israël. C'est un fait?

M. Mahmoud: Ils travaillent surtout dans la construction.

Le sénateur Corbin: D'après mes informations, ils travaillent dans les textiles. La situation actuelle ne leur est-elle pas défavorable?

M. Mahmoud: Est-ce que vous croyez dans ce cas que leur salaire va être augmenté?

Le sénateur Corbin: Ils sont empêchés d'y aller en nombre usuel à cause de la situation développée depuis l'accession au pouvoir du gouvernement israélien actuel.

Ils ne peuvent pas y aller aussi facilement et en aussi grand nombre. Dois-je conclure que les Palestiniens sont défavorisés par le contexte politique actuel et qu'ils continueront à l'être si nous allons de l'avant avec cet accord?

M. Mahmoud: Sans hésitation, je dirais oui, ils continueront d'être défavorisés. Du moment où vous n'avez pas uns structure étatique qui vous permette de défendre vos droits, vous êtes défavorisés. Pour gagner votre salaire, vous êtes obligés d'aller de l'autre côté des frontières des États-Unis pour travailler et revenir le soir chez vous. Où se situe le traitement de faveur dans ce cas? Il n'y a pas d'intérêt à ce que les Palestiniens l'essaient et, avec l'ancien gouvernement, ce n'était pas meilleur. Les frontières étaient bloquées, pendant des semaines.

Le sénateur Corbin: Sans pour autant vous dire quelle est ma position, et je ne prends jamais position tant que le vote final n'est pas appelé, seriez-vous disposé à nous dire d'attendre six mois ou un an avant de donner notre aval à ce projet de loi pour voir ce qui va vraiment se passer dans le processus de paix, si vraiment il y aura du progrès ou non, pour suivre votre ligne d'argumentation.

M. Mahmoud: D'habitude, je n'applaudis personne. Je vous applaudirai dans ce cas.

Le sénateur Corbin: Il ne s'agit pas de m'applaudir ou non.

M. Mahmoud: Pas vous personnellement, tout le Sénat.

Le sénateur Corbin: Est-ce que ce serait contribuer au processus de paix que de suspendre notre aval de ce projet de loi?

M. Mahmoud: Oui, sans hésitation, suspendre cela pour un an, six mois, tout d'abord mettra de la pression sur le gouvernement de Nétanyahu pour lui faire savoir qu'il y a des gens intéressés d'avoir la paix dans cette région, pour lui dire qu'il arrête d'emmerder les gens là-bas parce que c'est fort ce qu'il fait et qu'il doit se joindre aux efforts de paix qui ont été entrepris par son prédécesseur.

[Traduction]

Le président: Nous entendrons maintenant M. John Sigler, qui est professeur de sciences politiques et d'affaires internationales à l'Université Carleton et professeur adjoint de sciences politiques à l'Université d'Ottawa. Il a écrit de très nombreux ouvrages sur la politique étrangère américaine et canadienne, et sur la question du Moyen-Orient. Il a été conseiller du ministère canadien des Affaires étrangères et du Commerce international au sujet du contrôle des armements et de la paix au Moyen-Orient, de même que de la délégation canadienne à l'Assemblée générale des Nations Unies et du Centre de recherches pour le développement international. Il a siégé à de nombreux conseils d'administration, notamment ceux de l'Institut canadien pour la paix et la sécurité internationales, du Centre canadien pour la sécurité mondiale et de l'Association canadienne pour les Nations Unies.

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Sigler.

M. John Sigler, professeur de sciences politiques et d'affaires internationales, Université Carleton: J'ai écouté très attentivement la discussion de cet après-midi et je suis favorablement impressionné par l'intelligence et la pertinence des questions posées. En fait, elles m'ont beaucoup appris. Je n'en suis d'ailleurs pas surpris. J'ai été en contact avec votre comité il y a plus de 10 ans, à l'époque où le Sénat avait réalisé une étude très importante sur le Canada et le Moyen-Orient. Je dois dire que le rapport de ce comité est un des documents les plus clairvoyants qui ait émané d'Ottawa sur la question et qu'il n'a pas reçu au Canada, à mon avis, toute l'attention qu'il méritait.

Permettez-moi de vous faire quelques observations. Premièrement, au sujet du texte du projet de loi lui-même, les membres du comité se sont attachés tout particulièrement, et avec raison, aux passages qui portent sur la définition du «pays» et de ses frontières, et sur la façon plutôt inusitée de définir un pays comme étant la zone d'application d'une union douanière. C'est tout à fait nouveau sur le plan juridique. C'est l'objection que j'ai soulevée la première fois que j'ai parlé de la question; comme le sénateur De Bané, je m'interroge sur la cohérence de la politique canadienne au sujet de la nature des colonies de peuplement, pas seulement en Cisjordanie et à Gaza, mais aussi dans le Golan.

Donc, la question va au-delà des réponses qui ont été données ici parce qu'un autre pays qui participe au processus de paix est également visé par la question des colonies de peuplement. Le Canada a toujours eu pour politique, comme à peu près toute la communauté internationale, de dire qu'en vertu de la quatrième Convention de Genève sur l'occupation militaire, que les signataires -- ce qui inclut le Canada et Israël -- sont responsables d'appliquer, les colonies de peuplement implantées par la force en territoire occupé sont très clairement illégales. Par conséquent, la façon de considérer ces colonies pose depuis longtemps un problème dans la communauté internationale.

Les témoins du gouvernement ont parlé des territoires palestiniens. Ils vous ont donné l'impression que c'était la même chose que la Cisjordanie et Gaza. Mais comme l'ont indiqué clairement les témoins qui ont comparu ensuite, seulement trois pour cent du territoire de la Cisjordanie et de Gaza est placé sous le contrôle de l'Autorité palestinienne. Les négociations piétinent au sujet des retraits qui doivent avoir lieu et de la question de savoir si l'Autorité palestinienne sera finalement invitée à la table de négociations.

C'est pourquoi le moment ne semble pas très bien choisi pour normaliser nos relations avec Israël en invoquant une définition très vague, à mon avis, qui permet la libéralisation du commerce avec un territoire nouvellement défini sous prétexte que des lois douanières s'y appliquent. Curieusement, les témoins auraient également voulu vous faire croire que cette union douanière fonctionne très efficacement. Mais ce n'est pas le cas depuis février dernier. L'entente douanière ne s'applique pas du tout aux Palestiniens, puisque leurs territoires sont presque complètement bouclés.

En fait, le produit intérieur brut a baissé de 30 p. 100. Le chômage s'élève à 70 p. 100 à Gaza. Je reviens tout juste d'une rencontre de la Middle East Studies Association à Providence, où des habitants des territoires occupés ont présenté toute une série de rapports qui font état de la situation économique catastrophique des Palestiniens.

Donc, c'est vraiment une question de choix du moment. Si cette union douanière était en place et si elle fonctionnait, si les Palestiniens pouvaient importer des matières premières et exporter leurs produits, tout serait parfait. Mais ce n'est pas le cas. C'est vrai seulement pour une petite fraction. C'est dans ce contexte de chômage chronique qu'on nous demande d'adopter une définition à long terme sur la zone d'application de l'accord.

J'ai demandé plus tôt si je pouvais obtenir une opinion de la Direction du droit international, au ministère des Affaires étrangères, pour savoir si la définition du terme «pays» employée dans cet accord était conforme à nos obligations en vertu de la Convention de Genève. Les membres du comité ont raison de soulever cette importante question de droit international.

Mon autre observation, qui découle des questions que le sénateur De Bané a posées tout à l'heure quant à savoir si nous appliquons toujours la même politique, porte sur la cohérence de la politique étrangère du Canada.

Revenu Canada a mis en place récemment des dispositions selon lesquelles il est impossible de bénéficier d'exemptions d'impôt pour des dons envoyés dans les colonies de peuplement parce que le Canada n'appuie pas ces colonies, puisqu'elles sont illégales. Est-ce que Revenu Canada applique une autre politique étrangère que le ministre du Commerce? Il faut clarifier les choses au sujet de ces colonies, pas seulement en ce qui concerne l'Autorité palestinienne, mais aussi le plateau du Golan.

Mais j'aimerais aller au-delà du texte lui-même, pour vous parler du contexte; je voudrais faire à ce sujet deux commentaires qui sont particulièrement appropriés, à mon avis, étant donné ce qui s'est dit plus tôt au sujet du précédent créé par le libre-échange avec les États-Unis, et surtout avec l'Union européenne. Soit dit en passant, ces deux accords ont été conclus avant la reconnaissance mutuelle de l'OLP et d'Israël. Je suis convaincu que ni les pays de l'Union européenne ni les États-Unis n'auraient conclu aujourd'hui des accords de libre-échange comme celui-ci.

Ils essaient de nous convaincre qu'il y a des consultations en cours avec les Palestiniens. Mais il y aura sûrement des témoins qui pourront vous dire officiellement qu'il n'y a pas de véritables consultations. J'ai des preuves abondantes en ce sens. Le gouvernement s'est dépêché d'ajouter cela par suite des critiques selon lesquelles il ne tenait pas suffisamment compte de l'Autorité palestinienne, comme l'exigent les accords d'Oslo.

Il y a des discussions en cours avec les Palestiniens, mais comparativement aux négociations qui ont eu lieu avec les Israéliens, ce sont des entretiens de pure forme; je pense qu'il faut absolument réviser tout cela.

Les pays de l'Union européenne sont ceux qui fournissent le plus d'aide à l'Autorité palestinienne. Ils ont également conclu avec la plupart des pays arabes des accords de libre-échange, de même que d'importants accords d'aide. Ils sont aussi les principaux partenaires commerciaux d'Israël, tout comme de la plupart des pays arabes. Par conséquent, il y a beaucoup plus d'équilibre dans le cas des pays européens qu'ici.

Deuxièmement, si vous examinez l'accord conclu par l'Union européenne, vous constaterez qu'il inclut une disposition sur les droits de la personne, de même que des dispositions que les pays de l'Union européenne appliquent tous au sujet du libre accès et des échanges commerciaux entre les Palestiniens et l'Europe. Les Israéliens s'y sont opposés, mais chaque fois qu'il en est question dans les négociations, l'Union européenne resserre encore davantage ses exigences à cet égard. Le projet de loi que nous avons ici ne contient cependant rien à ce sujet-là; tout ce qu'il y a, c'est une note dans laquelle le ministre du Commerce israélien s'engage à faire quelque chose. C'est insuffisant dans le cadre de négociations commerciales officielles, sans parler des ramifications politiques que cela peut avoir.

Ces négociations sur le libre-échange ont été entreprises dans l'euphorie du processus de paix, mais elles ont été précipitées. Nous n'avons pas attendu de voir comment la communauté internationale allait réagir au nouveau gouvernement israélien. Il faut vraiment que ce soit clarifié. Je pense qu'en ce sens, nous avons envoyé le mauvais signal. Il ne faut pas exagérer l'importance d'un accord de libre-échange conclu par le Canada. Il ne s'agit pas de déménager l'ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, ni de toutes ces histoires déplorables que nous avons déjà vécues. Ce n'est pas aussi important en soi, sauf qu'il faut se demander si cela ne crée pas un précédent pour normaliser nos relations avec Israël avant qu'il signe un accord de paix satisfaisant avec ses voisins. Est-ce que c'est là la véritable raison d'être de cet accord? Je ne l'aurais pas cru si l'ancien ambassadeur, Norman Specter, n'avait pas déclaré publiquement qu'il était le seul responsable de cet accord, appuyé par le lobby pro-israélien.

C'est cela qui est embarrassant pour le Canada, pas le fait que les fonctionnaires de notre pays aient décidé de conclure un accord, pour des raisons de politique commerciale tout à fait valables ou pour encourager les entreprises canadiennes, parce qu'on nous dit maintenant que ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées et qu'en fait, ils étaient contre la signature de cette entente à ce moment-ci.

Le fait que cela ait été rendu public est très embarrassant pour le ministre des Affaires étrangères de notre pays. Il en sera sûrement question là-bas, et à mon avis, c'est cela qui est regrettable dans toute cette histoire.

Le sénateur Prud'homme: Est-ce que tous les membres du comité ont reçu une copie de la lettre envoyée au Globe and Mail par M. Axworthy, puisque nos distingués invités ont mentionné la lettre dans laquelle M. Specter se vantait d'être le grand responsable de l'accord?

Le président: Nous allons voir si nous pouvons la trouver.

Le sénateur Prud'homme: Pour demain.

Le sénateur Corbin: Vous ne vous opposez pas à la signature d'un accord commercial avec Israël, mais vous êtes contre le fait que cela se fasse maintenant, n'est-ce pas?

M. Sigler: Oui.

Le sénateur Moore: Monsieur Sigler, est-ce qu'il y a actuellement un accord entre l'Union européenne et Israël?

M. Sigler: Oui. Il y en a un aussi entre l'Union européenne et les Palestiniens, qui vient d'être signé la semaine dernière. Le déséquilibre a donc été corrigé, dans le cas de l'Union européenne. Mais nous, nous avons enclenché le processus et nous avons ensuite remis cette question à plus tard. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas d'accord. Je ne comprends pas pourquoi nous nous sommes autant dépêchés, pourquoi nous n'avons pas terminé nos discussions avec l'Autorité palestinienne. C'est comme si vous faisiez un chèque en blanc, comme les questions l'ont déjà fait ressortir.

Le sénateur Moore: Vous avez mentionné aussi que, chaque fois que l'Union européenne et Israël discutent de leur accord commercial, l'Union européenne fait des pressions pour que la Palestine y soit incluse?

M. Sigler: Précisément.

Le sénateur Moore: Mais pourquoi, si les Palestiniens ont conclu leur propre entente? Je ne comprends pas.

M. Sigler: Non, puisque l'accord vise à s'assurer que l'armée israélienne, qui contrôle cette zone... et je pense que la question n'est pas de savoir si ce sont des démocraties ou pas; il s'agit de savoir si la zone visée par l'union douanière est sous occupation militaire et si elle est soumise à la loi militaire. Cela crée un précédent sur le plan commercial, par rapport aux autres accords que nous avons déjà conclus.

Cela dit, ce sur quoi insistent les Européens... et je dois dire, sans rien enlever au mérite du témoin qui comparaîtra demain, que la personne qui a fait le plus d'efforts pour faire adopter cette politique, c'est le représentant du Comité central mennonite du Canada à Jérusalem, pour faire en sorte que la production palestinienne, en particulier les agrumes de Gaza, puisse pénétrer sur les marchés européens. Ce qui se passait, c'est que les militaires israéliens ne laissaient pas passer les camions; ils les immobilisaient dans les ports de sortie, et toute la marchandise pourrissait.

C'est donc sur ce point-là qu'il y a un désaccord profond. Les Européens ont dit: «Si vous voulez continuer de bénéficier du libre-échange, vous feriez mieux de vous décider à laisser sortir la production palestinienne.» La menace avait porté jusqu'à tout récemment, mais maintenant, c'est la même chose qu'avant. Les Israéliens empêchent les Palestiniens de sortir de Gaza, que ce soit par l'aéroport, que le Canada a aidé à construire, ou par le port, pour lequel les Européens accordent de l'aide.

La situation actuelle est extrêmement difficile. Bien sûr, il n'est pas toujours possible de lier les négociations commerciales à la situation locale immédiate -- je le comprends bien --, mais c'est la raison pour laquelle les négociations avaient été suspendues jusqu'à ce que la situation se précise. C'est cette hâte soudaine à approuver l'accord que je trouve surprenante.

Le sénateur Lynch-Staunton: D'après le cahier d'information qu'on nous a remis, il y a eu à la fin d'août, et également au début de novembre, des séminaires entre des gens d'affaires palestiniens et des fonctionnaires canadiens à Gaza et en Cisjordanie; le tout était organisé par l'ambassade du Canada à Tel-Aviv et la conclusion qui s'en est dégagée, c'est qu'il était clair, d'après l'accueil que les gens d'affaires de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ont réservé aux fonctionnaires canadiens, qu'ils étaient là pour faire des affaires et qu'ils aimeraient beaucoup transiger directement avec les entreprises canadiennes.

M. Sigler: Je pense que c'est vrai, mais ils espéraient que nous ferions des pressions comme celles qu'exercent les Européens, dans l'espoir de faire ouvrir les territoires bouclés.

Le sénateur Lynch-Staunton: D'après vos sources, savez-vous ce que les participants à ces rencontres pensaient du fait que l'accord s'étendait à leur territoire, ou je ne sais trop... qu'ils en étaient bénéficiaires?

M. Sigler: Vous pourrez poser la question à M. Janzen demain parce qu'il vient de rentrer d'une mission pendant laquelle il a parlé à de nombreux dirigeants palestiniens.

Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a eu beaucoup de consultations avec des gens d'affaires arabes et des gens d'affaires canadiens, tout particulièrement à ce sujet-là, mais qu'elles portaient sur la situation qui existait bien avant que les choses commencent à se détériorer. En fait, le principal homme d'affaires arabes de London, en Ontario, qui appuyait cet accord au début, a affirmé devant le comité de la Chambre qu'il y était maintenant opposé parce que le moment était mal choisi. C'est lui qui était le principal porte-parole du Comité des gens d'affaires arabes du Canada au sujet de cet accord, et c'est le dernier témoin qui a comparu devant le comité de la Chambre. J'ai été étonné d'entendre que cet homme, qui était généralement considéré dans la communauté canado-arabe comme un des plus fervents partisans de l'accord, s'y oppose maintenant à cause du bouclage des territoires occupés.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce que je suggère, c'est qu'en l'absence du ministre du Commerce international, avec tout le respect que je dois à son secrétaire parlementaire -- cet accord a des implications qui vont au-delà des questions commerciales. J'aimerais donc beaucoup que nous envisagions d'inviter le ministre Axworthy, s'il est libre -- même si je sais bien que son horaire est très chargé --, à comparaître devant notre comité pour que nous puissions lui parler de certaines des questions qui ont été soulevées ici, et en particulier de celles auxquelles les fonctionnaires n'ont pas pu donner de réponse politique et auxquelles les gens d'affaires ne peuvent donner que certaines réponses. Je pense que cela compléterait notre discussion.

Le président: Je me ferai un plaisir d'explorer cette possibilité.

Le sénateur Prud'homme: J'ai l'impression qu'on nous encourage à croire que tout va bien au sujet de l'Autorité palestinienne, que nous l'avons consultée et ainsi de suite. Pourtant, à la fin du cahier d'information, à la section 8, on nous dit que le Premier secrétaire, M. Barber, a transmis personnellement l'original d'une lettre datée du 28 octobre 1996. Qu'est-ce que c'est que cette lettre? C'est une lettre envoyée à l'Autorité palestinienne par l'ambassadeur du Canada au nom du ministre du Commerce international, l'honorable Arthur Eggleton. Cette lettre, qui était jugée importante, a été livrée en main propre à l'Autorité palestinienne, après les heures d'ouverture des bureaux, et a été reçue par un jeune Palestinien qui se trouvait là.

Il est malheureux que le comité ne puisse pas entendre des fonctionnaires de l'Autorité palestinienne, parce qu'il n'y a personne pour parler en leur nom.

Voilà le commentaire que je voulais vous faire. Mais je tiens à dire que je suis pour le libre-échange avec Israël.

Le sénateur De Bané: Monsieur Sigler, j'aimerais que vous nous expliquiez plus en détail votre opinion sur l'importance politique que prendrait aujourd'hui l'adoption de ce projet de loi par le Parlement. Quel effet aurait-elle sur la politique que le Canada applique depuis longtemps au sujet de la paix au Moyen-Orient? Depuis 1947/1948, le Canada a toujours appliqué une politique bien précise, que ce soit sous des gouvernements libéraux ou conservateurs. Vous qui observez la façon dont le Canada a énoncé sa position et sa politique envers cette région, pouvez-vous nous dire quelle sera l'importance politique de l'adoption de ce projet de loi à ce moment-ci?

M. Sigler: Je vous ai dit tout d'abord qu'il ne faudrait pas exagérer cette importance. Mais je dois dire que, quand vous avez posé la question tout à l'heure et que nous avons senti l'hésitation des fonctionnaires canadiens responsables du dossier, je me suis inquiété, ce qui n'a fait qu'ajouter du poids à l'argument de M. Specter selon lequel les fonctionnaires considèrent qu'il s'agit d'un changement d'orientation dans la politique canadienne. C'est peut-être pour cette raison politique sous-jacente que cet accord a été négocié, et pas du tout pour son intérêt économique. Je dois dire que je me suis inquiété quand j'ai senti l'hésitation des fonctionnaires à ce sujet-là.

Je pense que les questions sur la définition exacte du terme «pays» sont directement reliées à cela. Israël n'est pas un des principaux partenaires commerciaux du Canada. Il y a 35 pays avant lui sur la liste. Je ne connais pas de gens d'affaires canadiens qui rongent leur frein à ce sujet-là, bien franchement.

Au contraire, notre principal investisseur, Charles Bronfman, de Claridge Israel, attend pour investir en Israël. Il a dit publiquement, et très clairement, qu'étant donné l'arrivée du gouvernement Nétanyahu, le moment n'était pas bien choisi pour investir en Israël. Donc, je ne vois pas très bien pourquoi c'est aussi urgent sur le plan économique.

Mais je m'inquiète de la question que vous posez, à savoir s'il ne s'agirait pas d'une façon très subtile de réorienter la politique canadienne à long terme.

Bien sûr, les Américains l'ont déjà fait, mais ce n'était pas vraiment subtil; c'était très clair. Ils ont effacé toutes les résolutions de l'ONU. Ce n'est pas la politique que nous suivons. Nous avons longtemps défendu les Nations Unies à cet égard, et les Européens sont de plus en plus inquiets du rôle des Américains dans cette affaire. Je pense que le Canada est pris dans un jeu politique international beaucoup plus vaste.

Le président: Monsieur Sigler, je vous remercie beaucoup de nous avoir expliqué votre position de façon claire et explicite.

La séance est levée.


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