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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 18 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 10 décembre 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères, auquel a été renvoyé le projet de loi C-61, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Israël, se réunit aujourd'hui à 15 h 35 pour étudier le projet de loi et pour examiner, pour en faire rapport, l'importance croissante de la région Asie-Pacifique pour le Canada, en prévision de la prochaine Conférence sur la coopération économique en Asie-Pacifique qui doit se tenir à Vancouver à l'automne 1997, l'Année canadienne de l'Asie-Pacifique.

Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, deux questions sont à l'ordre du jour cet après-midi. La première concerne notre mandat relatif à la région Asie-Pacifique, et la deuxième, nos travaux sur le projet de loi C-61. Nous commencerons avec la région Asie-Pacifique.

Nous accueillons aujourd'hui le président de la Chambre de commerce du Canada, M. Timothy Reid. Je n'ai pas besoin de vous dire que la Chambre de commerce du Canada est le plus important regroupement de gens d'affaires au pays. Avec ses 170 000 membres environ, elle est également des plus représentatives de ce milieu.

M. Reid est président à temps plein. Il est diplômé en économie et en sciences politiques de trois universités: l'Université de Toronto, l'Université de Yale et l'Université d'Oxford. Il a suivi le Programme de perfectionnement des cadres à Harvard. Il a travaillé à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et a été doyen de la faculté d'administration à Ryerson.

Je vous rappelle qu'il a été joueur de football professionnel avec les Tiger Cats de Hamilton. Il a également été député à l'Assemblée législative de l'Ontario avant d'aller travailler à Paris comme administrateur principal à l'OCDE. À son retour au Canada, il a travaillé au Conseil du Trésor, au Bureau du contrôleur général au ministère de l'Expansion industrielle régionale et à Tourisme Canada.

Il est accompagné aujourd'hui de M. David Hecnar, analyste principal des politiques. M. Hecnar a fait ses études de deuxième cycle en affaires internationales à la Norman Paterson School of International Affairs à l'Université Carleton, où il s'est spécialisé dans la politique canadienne en matière de commerce et d'investissement. Il est entré à la Chambre de commerce du Canada en 1987 à titre de coordonnateur de projets. En 1993, la Chambre lui a confié la responsabilité des dossiers internationaux relatifs aux politiques et, à la suite d'une alliance entre la Chambre de commerce et le Conseil canadien pour le commerce international, il s'est chargé des dossiers de politiques de cette dernière organisation en juin 1995.

[Français]

M. Tim Reid, président de la Chambre du commerce du Canada: Au nom de la Chambre du commerce du Canada, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de discuter des priorités d'affaires du Canada, dans la région de l'Asie-Pacifique.

À titre de président de la Chambre du commerce du Canada, je suis fier de représenter une organisation qui offre au gouvernement canadien, en temps opportun, des conseils d'affaires d'importance cruciale, sur une vaste gamme d'enjeux autant nationaux que mondiaux.

[Traduction]

Avant de donner un aperçu de certains des domaines prioritaires pour la Chambre de commerce du Canada et nos membres dans la région Asie-Pacifique, j'aimerais céder la parole à David Hecnar, qui fournira un contexte aux remarques plus précises que je ferai. Il importe que les sénateurs connaissent l'étendue de nos activités dans la région et sachent que nous travaillons très étroitement avec un certain nombre d'autres organisations de gens d'affaires en Asie-Pacifique.

M. David Hecnar, analyste principal des politiques, Chambre de commerce du Canada: Comme vient tout juste de le mentionner le président du comité, la Chambre de commerce du Canada est le plus important regroupement de gens d'affaires au pays. Grâce à notre réseau national de 500 chambres de commerce communautaires, nous représentons une force de plus de 170 000 entreprises disséminées aux quatre coins du Canada.

Nous estimons que votre examen des relations entre le Canada et l'Asie-Pacifique tombe à point nommé étant donné que nous approchons à grands pas de 1997, qui a été décrétée Année de l'Asie-Pacifique par le Canada. La Chambre de commerce ne saurait trop insister sur l'importance que revêt cette région pour le Canada et les milieux d'affaires canadiens. Nous sommes témoins de l'intérêt et de l'enthousiasme de plus en plus grands des entreprises canadiennes de tout le pays, petites et grandes, pour les marchés de l'Asie-Pacifique.

Fait incroyablement encourageant, les entreprises canadiennes se trouvent à posséder du savoir-faire dans les secteurs actuellement recherchés, ou qui le deviendront, dans les pays de l'Asie-Pacifique. Les Canadiens sont des leaders mondiaux dans des secteurs liés aux transports, aux télécommunications, aux produits forestiers, à l'énergie et à l'environnement, pour n'en nommer que quelques-uns.

De plus en plus, nous reconnaissons l'incroyable potentiel de l'Asie-Pacifique. À la Chambre, notre travail a évolué au fil des ans pour tenir compte de l'importance croissante de ce marché pour les milieux d'affaires canadiens et des possibilités qu'il leur offre. Si les tendances actuelles se poursuivent, on prévoit que d'ici l'an 2000 l'Asie-Pacifique comptera pour 60 p. 100 de la population mondiale, 50 p. 100 du PIB mondial et 40 p. 100 de la consommation mondiale. On prévoit que d'ici l'an 2020, c'est en Asie-Pacifique qu'on trouvera sept des dix principales économies de la planète.

L'Année canadienne de l'Asie-Pacifique sera, pour le gouvernement fédéral et la communauté des gens d'affaires, l'occasion rêvée de sensibiliser les entreprises canadiennes à ces nouveaux débouchés. En 1997, nous entendons participer directement, entre autres, à un colloque de l'APEC sur les barrières douanières au commerce qui se tiendra à Montréal les 7 et 9 mai. Nous participerons à l'organisation d'une tribune commerciale de petites et moyennes entreprises qui aura lieu à Ottawa en septembre. Ces deux événements permettront de réunir des entreprises des 18 nations membres de l'APEC pour discuter de questions d'intérêt commun intéressant le commerce au sein de l'APEC.

Outre ces événements spéciaux, la Chambre de commerce du Canada organisera également des réunions des différents conseils de commerce dont elle assure la gestion. Comme certains d'entre vous le savent peut-être, la chambre gère un certain nombre de ces conseils bilatéraux, et l'an prochain, se tiendront des réunions avec le Conseil du commerce ANASE-Canada, l'Association des gens d'affaires Canada-Taïwan et le Conseil canado-coréen des gens d'affaires.

M. Reid: Comme certains d'entre vous le savent peut-être, j'ai été particulièrement actif ces dernières années auprès de ce qui a été appelé le Forum des gens d'affaires de l'APEC puisque le premier ministre m'y avait détaché spécialement. Ce forum et l'organisme qui lui a succédé, le Conseil consultatif des gens d'affaires de l'APEC, nous ont permis de commencer à conseiller le gouvernement du Canada et ses partenaires de l'APEC sur les objectifs et besoins précis en matière de commerce dans toute la région. C'est grâce à la collaboration des gens d'affaires de l'APEC que l'on a pu formuler des recommandations précises axées sur les résultats pour concrétiser l'ambitieux objectif de l'APEC. Cette participation directe des gens d'affaires est absolument essentielle parce que c'est à ce niveau que tout se jouera au cours des dix prochaines années environ.

Malgré le potentiel croissant offert par les occasions de commerce et d'investissement dans la région, il existe également toute une série d'obstacles qui empêchent une libéralisation du commerce et de l'investissement entre les membres de l'APEC et empêchent l'interaction entre les gens d'affaires. De nombreuses entreprises canadiennes se plaignent du cauchemar réglementaire auquel ils se heurtent dans leurs tentatives de commercer et d'investir dans certaines des économies membres de l'APEC. Cela est particulièrement vrai pour les petites et moyennes entreprises canadiennes. Souvent, elles sont nouvelles dans la région et ne disposent pas des ressources qui leur permettraient de surmonter de tels obstacles. C'est pourquoi la participation directe des entreprises dans toute la région de l'APEC est si importante; à savoir, s'assurer que l'APEC est une tribune pragmatique, vouée à aplanir les obstacles au commerce dans la région, et pas simplement un exercice politique entre les dirigeants des pays de l'APEC ou un exercice bureaucratique entre les bureaucrates de ces pays.

J'aimerais prendre quelques minutes aujourd'hui pour passer en revue un certain nombre des principaux obstacles de l'APEC auxquels se heurtent en particulier les gens d'affaires canadiens. Nous avons pris connaissance de ces préoccupations grâce à un certain nombre de sondages, de contacts directs avec certains présidents et entrepreneurs, et de données fournies par des compagnies canadiennes.

Nous estimons important de maintenir l'attention des gouvernements de l'APEC, tant au niveau politique qu'au niveau bureaucratique, braquée sur ce genre de barrières. Chose plus importante encore, les gouvernements de l'APEC doivent collaborer à la suppression de ces barrières dans un délai facilitant un passage rapide vers une libéralisation du commerce et des investissements dans la région.

Il existe un excellent document de référence qui expose les buts à court et à long terme des gens d'affaires de l'APEC. Ce rapport a été rédigé l'an dernier -- des exemplaires ont été mis à la disposition des membres du comité. Il représente vraiment l'avis des gens d'affaires, par opposition au niveau politique ou bureaucratique. Le rapport a été rédigé à l'instigation des gens d'affaires dont les noms figurent au début, et j'ai été très heureux de pouvoir participer et contribuer à cet effort. Je crois qu'il fournit des recommandations et des conseils concrets pour réaliser le programme de travail de l'APEC. Ce rapport insiste notamment sur la nécessité de définir des délais clairs et acceptés par tous pour mettre en oeuvre des mesures précises à partir de maintenant jusqu'à l'an 2020, année où la libéralisation du commerce et des investissements dans la région devrait être chose faite.

En 1997, le premier ministre du Canada accueillera les dirigeants de ces économies. En prévision de cet événement auquel se prépare le gouvernement du Canada, qui devrait y assumer un rôle de chef de file, nous vous demandons d'insister en particulier sur les huit éléments suivants quand vous donnerez votre avis au premier ministre, au ministre du Commerce et aux fonctionnaires du gouvernement du Canada. Les voici: le respect des engagements pris aux termes de l'Uruguay Round, l'investissement, la protection de la propriété intellectuelle et la réglementation; les questions pratiques au titre des douanes, des voyages d'affaires, de l'infrastructure commerciale et toute la question des petites et moyennes entreprises.

Permettez-moi de vous parler de l'importance de respecter les engagements pris aux termes de l'Uruguay Round dans le contexte de l'APEC et de la rencontre des dirigeants qui se tiendra au Canada en 1997. Nous avons constaté que nos membres dans tout le pays appuient l'objectif à long terme de l'APEC qui consiste en une libéralisation du commerce régional d'ici l'an 2020. Cela comprend ouvrir le marché canadien. Cependant, dans l'intervalle, des objectifs à court et à moyen terme favoriseront ce processus. Il est de la plus haute importance que le Canada et ses partenaires de l'Asie-Pacifique poursuivent le travail entrepris dans le cadre de l'Uruguay Round au titre, par exemple, de l'accès aux marchés, de la protection de la propriété intellectuelle, des marchés publics, de l'agriculture, des textiles, et pour le Canada, notamment, du secteur des services. Si l'on accomplissait entre-temps des progrès sur ces questions, cela contribuerait grandement à libéraliser le commerce dans la région, en offrant de nombreux nouveaux débouchés aux entreprises en Asie et au Canada. L'accession à l'OMC des membres de l'APEC qui n'en sont pas encore membres devrait également être une priorité.

Nous incluons dans ce processus l'investissement au nombre des domaines clés et nous sommes déçus que les propositions soumises aux dirigeants dans le rapport aux dirigeants n'insistent pas fermement sur une plus grande ouverte de l'investissement étranger. Nous avons souligné à maintes reprises que le code d'investissement de l'APEC non exécutoire est déficient et plein d'échappatoires. La Chambre de commerce du Canada estime qu'une libéralisation des règles d'investissement devrait être une priorité absolue. À plus long terme, les entreprises canadiennes visent un régime d'investissement consensuel et prévisible garantissant une protection rigoureuse et des droits incorporés dans un code d'investissement tout à fait transparent.

Les principaux obstacles auxquels se heurtent actuellement les entreprises canadiennes en Asie-Pacifique en matière d'investissement comprennent l'octroi de permis à certains secteurs et marchés; des concessions et monopoles privés et publics; des pratiques qui découragent indirectement l'investissement comme des taxes élevées et des subventions discriminatoires; des pratiques privées écartant les nouveaux arrivants sur le marché, à savoir des cartels et des systèmes de distribution fermée; un manque d'engagement total envers le traitement national; un manque d'information lié à la transparence; des exigences sur le plan du rendement et du contenu local.

Dans l'ensemble, les principes de non-discrimination et la suppression des barrières à l'investissement étranger dans toute la région de l'Asie-Pacifique profiteraient grandement aux entreprises canadiennes et au commerce bilatéral avec la région. Ces 20 dernières années, il s'est produit un changement majeur qui a fait que l'investissement précède le commerce plutôt que le contraire. Il importe de souligner qu'il est dans le meilleur intérêt des pays hôtes de l'Asie-Pacifique de fournir un milieu réceptif à l'investissement étranger direct. Une libéralisation unilatérale des régimes d'investissement devrait être encouragée par le biais du travail accompli par le Canada à l'APEC également.

J'arrive maintenant à la protection de la propriété intellectuelle. Je crois que votre comité a étudié dans un certain nombre de tribunes cette question qui demeure très préoccupante pour les entreprises canadiennes qui essaient de travailler en partenariat dans bon nombre de pays de l'Asie-Pacifique. Les produits de marque, la musique et les techniques de fabrication, à moins d'être protégés, entravent et empêchent même le progrès technique et l'investissement dans le pays hôte, tout en privant les entreprises de milliards de dollars de ventes et de recettes. Bien que se produisent encore des abus en Asie-Pacifique, les décideurs, dans certains pays, commencent à se rendre compte des avantages que présente pour un pays le fait de souscrire à des droits plus rigoureux de propriété intellectuelle. Par exemple, une telle protection est souvent essentielle pour attirer un investissement étranger direct à valeur ajoutée avantageux. Comme cette denrée se fera très rare au cours des 20 prochaines années, les pays qui procéderont les premiers unilatéralement et rapidement obtiendront une plus grande part de cette source rare de croissance économique. Le Canada devrait saisir toutes les occasions possibles d'encourager un tel état de chose et surveiller les progrès de pays précis.

Parlons maintenant de la réglementation; encore une fois, je suis certain que vous en avez discuté dans le contexte d'autres pays avec lesquels le Canada désire accroître ses échanges. Cependant, les entreprises canadiennes, petites, moyennes et grandes, continuent de se heurter à des restrictions en raison d'un manque de transparence administrative relativement à divers règles et règlements appliqués dans les pays membres de l'APEC. Souvent, en raison de leur application inégale et trop bureaucratique, des normes gouvernementales dans des domaines comme la santé et la sécurité et l'environnement sont très restrictives et découragent un accroissement du commerce, dans le vrai sens des barrières non tarifaires. Les milieux d'affaires canadiens devraient chercher à promouvoir des normes communes et la reconnaissance de ces normes. Une harmonisation de celles-ci en vue d'en arriver à des repères précis et acceptés, de haut niveau, pas le plus bas dénominateur commun, est désirable.

Les droits de douane sont un domaine où le Canada a joué un rôle de chef de file exceptionnel en Asie-Pacifique, de même qu'ailleurs, mais l'absence de codes douaniers communs demeure encore un grave problème. Des initiatives destinées à une plus grande simplification des bases de données tarifaires électroniques, une harmonisation des classifications tarifaires, et l'adoption du Système Carnet, le passeport d'exportation des marchandises de la Chambre internationale de commerce, de même que l'éducation et la formation des fonctionnaires des douanes sont tous des objectifs valables à poursuivre et qui permettront aux entreprises canadiennes de commercer davantage dans la région.

Le Colloque sur les douanes de l'APEC étant organisé l'an prochain au Canada, il sera important qu'un partenariat s'établisse entre le ministre du Revenu national et la Chambre de commerce du Canada pour souligner les entraves qui se posent à ce chapitre et essayer d'en arriver à un règlement d'une façon concertée, pratique, pragmatique et rapide.

Les voyages d'affaires constituent un autre problème. S'il est une question qui a vraiment irrité les gens d'affaires qui ont participé pendant deux ans au Forum des gens d'affaires du Pacifique, c'est bien celle-là. Le commerce serait grandement facilité si on accélérait les formalités d'entrée des passagers, si l'on utilisait des cartes à puce peut-être, si l'on supprimait temporairement les exigences relatives aux visas et que l'on accordait davantage de permis de travail temporaires. Une telle rationalisation faciliterait grandement le commerce et fournirait également un nouvel encouragement à l'investissement. Nous appuyons à cet égard la demande formulée par le Conseil des gens d'affaires au titre de la création d'un visa d'affaires de l'APEC et de l'établissement de lignes d'immigration réservées dans les points d'entrée de l'APEC.

Monsieur le président, le problème suivant est l'infrastructure. Les besoins à ce titre sont énormes, et pour ceux d'entre vous qui vous êtes rendus dans la région, ce qui se passe dans des villes comme Shanghai et Djakarta et dans toute la région, est à couper le souffle. Le développement de l'infrastructure devrait demeurer une priorité tant pour les pays de l'Asie-Pacifique que pour des pays comme le Canada, les États-Unis et le Chili. Ce genre de développement offre des occasions de profits aux entreprises canadiennes qui comptent parmi les leaders mondiaux en télécommunications, en transports et dans d'autres services d'infrastructure. La mise au point additionnelle de systèmes de communications régionaux/globaux devrait être entreprise de manière ouverte et harmonisée. Nous appuyons le Conseil des gens d'affaires qui demande aux pays de l'APEC de déployer de plus grands efforts pour étudier les besoins d'infrastructure des diverses économies hôtes en vue d'identifier et de recommander des correctifs pour supprimer les entraves à une participation du secteur privé au développement de nouvelles infrastructures.

Ce qui m'a fasciné quand j'ai assisté à ces réunions en Asie, c'était l'importance placée par les pays de la région du Pacifique aux petites et moyennes entreprises, ce qui m'amène à mon dernier sujet. J'aimerais souligner le fait que les petites et moyennes entreprises, les PME, ont des occasions inégalées à saisir dans cette région, dans l'intérêt du Canada. Toutefois, ces PME sont souvent désavantagées sur le plan commercial en ce qui a trait aux finances, à la technologie, au développement des ressources humaines et aux réseaux. Le Forum des affaires de l'APEC pour la petite et moyenne entreprise qui sera parrainé et par la Chambre de commerce du Canada et par le ministère de l'Industrie en septembre prochain permettra de fournir des conseils pratiques aux PME canadiennes sur la façon de nouer des relations commerciales avec d'éventuels partenaires en Asie. Dans le cadre de ce forum, on identifiera aussi les questions de politique gouvernementale qui empêchent les petites et moyennes entreprises d'étendre leurs activités à l'échelon international.

Monsieur le président, j'espère que ces commentaires formulés par M. Hecnar et moi-même vous auront fourni un aperçu utile des principaux problèmes d'ordre commercial auxquels sont confrontées les entreprises canadiennes dans la zone Asie-Pacifique. Nous serions heureux de tenter de répondre à vos questions, quelles qu'elles soient.

Le sénateur Whelan: Monsieur le président, j'aimerais demander à M. Reid à quel moment il était à l'OCDE.

M. Reid: De 1972 à 1974.

Le sénateur Whelan: Étiez-vous là-bas quand j'y étais?

M. Reid: Je me souviens que vous y étiez, monsieur.

Le sénateur Whelan: Le ministre français de l'Agriculture à cette époque était un homme du nom de Chirac. Ce dont je me souviens à propos de l'OCDE, c'est que le communiqué de presse qui devait sortir le troisième jour était déjà prêt lorsque nous sommes arrivés le premier jour, fait qui ne m'a pas beaucoup impressionné. Je les ai retardés d'une journée environ, si vous vous souvenez bien. Ils ont raté leurs trains et leurs avions, car je n'étais pas d'accord pour que le Canada donne son approbation automatique à tout ce que pouvait proposer l'OCDE. Tout était organisé à l'avance et nous n'avions qu'à l'avaliser. Je leur ai dit qu'il aurait été beaucoup moins cher d'envoyer un tampon du Canada plutôt que de nous envoyer, moi et trois hauts fonctionnaires.

J'aimerais vous poser une ou deux questions. Je suis allé au Moyen-Orient, en Asie et dans différentes parties du globe pendant ma carrière. Vous avez mentionné Jakarta et Shanghai que je connais pour m'y être rendu. Toutefois, je m'intéresse plus particulièrement à l'Indonésie et à ce que nous avons lu à propos de l'exploitation des mines d'or là-bas. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de ces tactiques? Est-ce le genre de commerce mondial où nous allons devoir frayer à l'avenir? Pour moi, cela ressemble à une opération de la mafia. Peut-être est-ce un peu sévère, mais les sommes d'argent en cause sont en fait plus importantes que certaines transactions de la mafia. Il est assez facile de voir comment les familles s'organisent dans ce contexte; vous devez faire telle ou telle chose sinon rien ne se fera.

M. Reid: Monsieur le président, je ne veux pas me poser en expert car je n'ai pas de connaissance approfondie des transactions qui nous intéressent. Toutefois, suite à mes rencontres avec ces chefs d'entreprise, y compris certains Indonésiens, j'ai pu constater que ces pays comprennent qu'ils doivent être transparents, que les règles doivent être claires et que chacun doit jouer selon les mêmes règles; en d'autres termes, les règles ne peuvent changer au beau milieu d'une négociation. Je suis absolument convaincu que la vaste majorité des gens d'affaires que j'ai côtoyés dans ces 18 pays pensent réellement que ces régimes d'investissement fondés sur des règles précises et sur la transparence constituent la seule façon de créer des entreprises privées de ce côté de la côte du Pacifique au cours des 20 prochaines années. Cette orientation est expliquée très clairement dans le rapport de cette année et de l'année précédente et c'est précisément pourquoi je pense que le président Clinton a dit en 1993 qu'il voulait que les dirigeants d'entreprise nomment un groupe de gens d'affaires qui se réuniraient pour raffermir ce point de vue.

Le sénateur Whelan: Je ne sais pas si M. Reid a répondu à ma question, mais on a investi beaucoup de capitaux canadiens dans ce projet qui intéresse un grand nombre de sociétés canadiennes et il semble que les affaires se traitent différemment en Asie qu'au Canada.

M. Reid: Sénateur, si vous regardez les deux rapports préparés par les dirigeants d'entreprise, qui sont avalisés par certains des dirigeants d'entreprise les plus éminents en Asie, vous verrez qu'ils disent expressément que la meilleure façon d'encourager le développement et l'investissement dans leurs pays, c'est en adoptant des codes d'investissement transparents, de règles connues appliqués de façon égale. Donc, qu'il s'agisse d'un appel d'offres pour un projet d'infrastructure important, ou, en l'occurrence, d'un projet minier, le consensus veut que ce soit la seule façon d'assurer un développement économique efficace au cours des quelque 20 années à venir dans cette région.

Le président: Serait-il déraisonnable de conclure que s'ils ont fait cette observation, c'est qu'ils jugeaient qu'elle devait absolument être faite?

M. Reid: Cela ne fait aucun doute. Ces gens essayent de faire des affaires, ils se font concurrence. Ils essayent de faire ce qui servira les intérêts de leurs actionnaires et augmentera la valeur des actions. Ils disent de diverses façons -- peut-être est-ce un manque de compréhension des codes de l'investissement convenus lors de l'Uruguay Round, je ne sais pas -- qu'ils veulent faire des affaires, des affaires régies par la transparence et les codes d'investissement. Il y a là un désaccord essentiel avec la position des dirigeants de l'APEC sur un code d'investissement non exécutoire. Ces dirigeants d'entreprise veulent un code d'investissement exécutoire et le disent sans équivoque. Ils veulent que ce code soit rendu exécutoire par les lois de chacun des pays en cause, qu'il s'agisse de l'Indonésie ou de tout autre pays.

Les experts industriels qui ont été nommés par les dirigeants et les premiers ministres pour les conseiller ont une position très claire. Il s'agit d'un document qui a fait l'objet d'un consensus et c'est là la voie qu'on y trace pour ce qui est du type de développement souhaité pour les projets d'infrastructure et autres projets dans la région de l'Asie-Pacifique.

Le sénateur Whelan: Monsieur Reid, est-ce que vous approuvez le genre d'opération qui a lieu à l'heure actuelle en Indonésie? Je pense que vous avez dit non, mais vous n'avez pas vraiment dit oui ni non expressément. Nous pouvons lire des articles à ce sujet dans les journaux quotidiennement et la situation devient de plus en plus alarmante. S'il s'agit là de la nouvelle façon de faire des affaires à l'échelle du globe, je pense que très peu de gens d'affaires canadiens seraient d'accord.

M. Reid: Tout ce que je peux dire, monsieur le président, c'est que si vous voulez une perspective commerciale canadienne et internationale sur les économies en Asie, y compris tout lien avec le Canada, qu'il s'agisse d'investissements, d'exportations ou d'importations, c'est l'approche qu'il faut prendre et c'est le genre d'approche que désire le monde des affaires du Canada. On ne peut vraiment pas me demander de commenter un cas précis que je ne connais pas directement.

Le sénateur Whelan: Puis-je vous demander d'en commenter le principe?

M. Reid: Quant au principe, sénateur, je vous répondrai d'office que ces deux documents qui représentent les points de vue de gens d'affaires du Canada et de l'Asie-Pacifique énoncent les principes nécessaires à la réalisation de la vision de l'APEC, c'est-à-dire l'instauration d'une zone de libre-échange au sein de l'APEC.

Le sénateur Whelan: De quelle façon le Canada tire-t-il profit du transfert de technologie vers les pays de l'Asie orientale, disons, si ces connaissances sont ensuite utilisées pour rivaliser avec le Canada ou les sociétés canadiennes qui fabriquent le même genre de produits?

M. Reid: C'est l'une des premières recommandations des gens d'affaires qui représentaient le Canada et le Forum des affaires du Pacifique. Selon eux, il faut vraiment protéger les droits de propriété intellectuelle car c'est la façon d'encourager les compagnies technologiques canadiennes à investir et à participer à des coentreprises avec ces pays. Ces sociétés canadiennes n'investiront tout simplement pas leur argent si elles craignent qu'on leur vole leurs droits de propriété intellectuelle.

Un certain nombre de gens d'affaires asiatiques siégeant au Forum des affaires du Pacifique ont dit la même chose que moi, mais peut-être ai-je été trop subtil dans mes observations; il s'agit du fait que le problème sera causé par le manque de capitaux. D'après certaines des études à plus long terme réalisées sur les taux de l'épargne de par le monde, au cours des 20 années à venir, il y aura une baisse du taux de l'épargne pour toutes sortes de raisons et une augmentation énorme de la demande pour cette épargne, surtout pour l'investissement direct. Dans notre premier rapport en 1994 nous avons dit très franchement qu'il serait de l'intérêt de chaque pays, qui en cela serait encouragé par leurs gens d'affaires, d'être les premiers à se doter de régimes d'investissement transparents car ce sont ces pays qui attireront le plus de capitaux. Nous avons pu voir au cours des trois dernières années que ce sont les pays où les barrières non tarifaires ont été éliminées et où les codes d'investissement et les dispositions sur la transparence ont été renforcées qui ont attiré les investisseurs, plus que les autres pays.

Les gouvernements, d'une façon très réelle, suivent ce qui se passe sur les marchés et essayent désespérément de se tenir à jour. Peut-être avez-vous vu certaines des études de la Deutsche Bank sur la question de l'épargne et de l'investissement dans les quelques années à venir. Nous disons que sur le plan des affaires il est temps que les gouvernements se mettent au fait de ce qui se passe sur les marchés et s'assurent que les règlements gouvernementaux, les codes d'investissement et ainsi de suite sont mis en place pour que le processus soit mieux ordonné.

Le sénateur Whelan: En ce qui a trait au code déontologique au Nigeria, par exemple, nous avons pratiquement dit: «Nous n'allons pas faire affaire avec vous, il n'en est pas question». Par contre, le code d'éthique qu'on applique en ce qui a trait à l'Indonésie ne semble pas aussi strict que pour le Nigeria.

M. Reid: Sénateur, je suis heureux de pouvoir vous dire que la Chambre de commerce internationale possède assurément un code d'éthique, et la collectivité des gens d'affaires est très préoccupée par le sujet pour les raisons précises que vous avez énoncées.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit que l'harmonisation des règlements douaniers et l'élimination de toutes les barrières étaient nécessaires au commerce et vous avez dit que du côté du Canada, le gouvernement devrait exercer de plus grandes pressions, ou du moins consacrer plus d'énergie à ces pays pour que l'élimination des barrières, l'harmonisation et la transparence deviennent prioritaires. Qu'y a-t-il chez les compagnies que vous représentez qui puisse vous rendre optimiste et vous faire penser que les gouvernements de ces pays, surtout ceux peut-être de la Chine et de l'Indonésie, réagiront à ces pressions exercées par le gouvernement canadien ou américain alors qu'en fait nous voyons plutôt des mesures de dernière minute prises in extremis quand nous continuons d'insister? La Chine a continué d'insister pour avoir ses propres règles, par exemple, lors de la première ronde de discussion portant sur l'OMC. Il ne s'agissait pas d'un compromis où l'on aurait tenté d'accommoder diverses cultures de diverses façons, plutôt, la Chine a dit: «Voici nos conditions, sans quoi nous ne participerons pas.» Maintenant nous sommes un peu pris de panique. «Nous avons besoin de leur participation», disons-nous. Nous aimerions qu'elle accepte les règles que vous avez identifiées et pourtant elle semble ne pas céder. D'où tirez-vous votre optimisme que les pressions que nous exerçons donneront des résultats et nous permettront d'en arriver aux objectifs que nous souhaitons, selon vous? Vous êtes même allé plus loin; vous prétendez que leurs entreprises veulent les mêmes résultats.

M. Hecnar: Il ne faut pas non plus oublier que le commerce intrarégional au sein de l'APEC augmente de façon phénoménale. Non seulement la Chine fait-elle des échanges commerciaux avec le Canada et les États-Unis, mais aussi avec ses partenaires en Asie. Par conséquent, ces pays se rendent de plus en plus compte que les procédures douanières, l'absence de transparence et la paperasserie administrative peuvent véritablement faire obstacle aux échanges mutuels et cette compréhension suscite une volonté politique grandissante. La question n'est pas nécessairement considérée comme en étant une opposant les pays développés à la Chine, mais plutôt comme étant une question commerciale pratique; grâce à une meilleure coopération, grâce à des groupes comme l'Organisation mondiale des douanes, ces pays peuvent en fait se rencontrer et se délester de problèmes dont un grand nombre ne sont pas de nature politique, mais découlent simplement d'un manque d'efficacité administrative, et cetera. Grâce à l'augmentation de ces échanges commerciaux, je crois que les pays commencent à comprendre qu'ils ont intérêt à éliminer ces obstacles. On ne peut pas dire qu'ils cèdent nécessairement quoi que ce soit au Canada ou aux États-Unis.

Le sénateur Andreychuk: La question que je veux poser est la suivante: Dans toutes les négociations ou dans toutes les tribunes auxquelles participent vos sociétés, y a-t-il un exemple concret que vous pouvez donner comme preuve positive de changement? Je ne veux pas parler simplement d'une prise de conscience ou d'un consensus qui pourrait se dégager. En d'autres termes, nous entendons ces discours depuis pas mal de temps, mais pouvez-vous nous donner un exemple concret pour me rassurer?

M. Hecnar: Je pourrais citer l'exemple de la Chambre de commerce internationale à laquelle nous sommes affiliés et qui comprend un groupe de travail sur les douanes. En fait, la CCI qui entretient des relations avec l'Organisation mondiale des douanes, a récemment convenu d'un modèle douanier universel pour essayer d'assurer la coordination et l'harmonisation douanières et pour obtenir l'accord des pays à ce sujet. Le fait que la CCI, qui est un groupe très vaste représentant des entreprises du monde entier, y compris celles de l'APEC, ait produit ce modèle, montre que les pays ont la volonté de progresser dans ce domaine.

Je ne nie pas que nous avons beaucoup de chemin à parcourir. Nous en sommes véritablement aux premiers stades de l'harmonisation internationale des tarifs douaniers, mais je pense que nous avons fait le travail préparatoire qui s'impose pour sensibiliser ces pays à la question.

M. Reid: La Chambre de commerce du Canada et d'importants groupements d'entreprises au Canada appuient fortement la position du ministre du Commerce international au sujet de la question de l'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce. Nous tenons certainement à ce que les «deux Chine» y adhèrent, mais seulement en fonction de critères pertinents et, tant que la Chine ne répondra pas à ces critères, elle ne pourra pas devenir membre de l'Organisation mondiale du commerce.

Le sénateur Andreychuk: Je ne crois pas que quiconque soit en désaccord avec vous. Je pense que si le Canada pouvait convaincre ces pays de respecter les règles, il n'y aurait pas de problème. Vous avez dit que selon vous, les deux Chines devraient devenir membres. La Chine a déjà indiqué clairement que cette idée est vouée à l'échec et je crois que ceux qui travaillent sur le terrain savent que c'est effectivement le cas pour l'instant. Que faire dans ces conditions? De plus en plus, on se rend compte que tous les pays doivent respecter certaines règles internationales; nous espérons que la Chine fera partie de ce processus, mais rien n'indique qu'elle est prête à changer de position. En d'autres termes, l'adhésion à l'OMC entraîne des compromis de part et d'autre.

Vous pensez qu'un changement va se produire; comment expliquez-vous un tel optimisme? Personnellement, je dirais qu'il n'y aura de changement que lorsque la Chine aura de nouveaux leaders et ne sera plus soumise aux dirigeants actuels. Pensez-vous qu'il faudrait qu'un changement politique s'opère avant que la Chine ne soit prête à céder du terrain? Si vous examinez ce qui s'est passé aux Nations Unies, ces cinq dernières années notamment, vous vous apercevrez que la Chine n'a pas cédé sur quelque point que ce soit, contrairement à tous les autres pays. En d'autres termes, nous ne pouvons pas parler de la place Tienanmen, ni de Taïwan, ni du Tibet. Même si nous disons que nous allons le faire, nous ne le faisons pas. Ces négociations ont été unilatérales. Comment expliquez-vous votre optimisme en l'absence de tout changement politique?

M. Reid: J'imagine que cet optimisme découle du premier rapport du Forum des gens d'affaires du Pacifique, publié en octobre 1994. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il s'agit d'un point de vue commercial. Je cite un court paragraphe de la page ii.

Au moment où l'APEC entame sa 6e année, elle doit prouver son utilité en progressant de façon importante et pratique vers un environnement prévisible d'échanges et d'investissements dans la région Asie-Pacifique. Les entreprises de la région Asie-Pacifique se développent plus rapidement que les règles relatives aux relations économiques internationales et suscitent une accélération du mouvement induit du marché vers une libéralisation des échanges. Par conséquent, les entreprises n'attendront pas les gouvernements et elles ne peuvent les attendre. Les entreprises iront là où la bureaucratie est minime et les procédures directes et transparentes. Par conséquent, l'APEC doit obtenir des résultats pragmatiques.

Je reviens à ce que j'essayais de dire plus tôt; il s'agit véritablement d'une proposition commerciale ou économique; en d'autres termes, les pays qui assurent la transparence de leurs régimes d'investissements et qui facilitent leurs procédures douanières sont ceux qui obtiendront les investissements et, dans un certain sens, le marché sera le moteur de bien des points dont vous parlez. Il est difficile de s'implanter dans certains pays à cause de ce manque de transparence; il est plus facile de le faire dans d'autres pays avoisinants et c'est là que se feront les investissements.

Je viens juste de parler à deux journalistes coréens à propos de notre Équipe Canada qui va se rendre en Corée le mois prochain. La création de coentreprises avec des sociétés canadiennes intéresse beaucoup ce pays, puisque cela lui permettra de s'implanter dans d'autres pays. La concurrence parmi ces pays est extrêmement forte, tous voulant devenir la plaque tournante de l'investissement nord-américain. Peut-on dire qu'il s'agit là d'optimisme? Dans un certain sens, oui, mais je crois aussi qu'une réaction dure du marché entraînera bien des décisions politiques; dans le cas contraire, la situation de ces pays ne pourra qu'empirer.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit que vous appuyez les initiatives du gouvernement et je crois qu'elles ont été bonnes au départ. Que pouvons-nous faire, mis à part demander? Insister? Suggérer? Etant donné que le Canada va jouer un rôle de leader au cours des prochains entretiens APEC, que pourrions-nous faire pour obtenir des résultats plus productifs que ceux que nous avons obtenu ces six dernières années? Comme vous le dites, les entreprises recherchent la prévisibilité, laquelle ne peut découler que de la stabilité. Alors que nous avons demandé avec insistance pareils changements, nos efforts n'ont rien donné de concret. Que pouvons-nous recommander, en tant que comité, qui soit différent de ce qui s'est fait jusqu'à présent?

M. Reid: Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président, vous devriez inviter le ministre du Commerce international et lui demander d'énumérer ce que l'on appelle les résultats prévus et ensuite décider si la somme de tous ces résultats prévus -- dont certains sont unilatéraux -- répond à 2 p. 10 ou à 50 p. 100 de vos préoccupations, par exemple. Il y a vraiment des choses qui se passent et notre pays joue un rôle important par l'entremise de notre gouvernement.

Les douanes représentent un domaine particulier. La formation des douaniers dans certains de ces pays où, si vous voulez, les procédures douanières sont transparentes, est absolument essentielle; en effet, les douaniers ne pourront pas appliquer ces procédures s'ils n'ont pas la formation voulue. Autant que je sache, les gouvernements et les gens d'affaires des pays de l'autre côte du Pacifique sont d'avis que la contribution du Canada à cet égard est très pragmatique et pratique. On doit se demander si, ajoutés les uns aux autres, tous ces éléments sont important ou ne le sont pas.

Le sénateur Grafstein: J'aimerais aborder la question du sénateur Whelan sous un autre angle. Il ne fait aucun doute que dans certains de ces pays en développement, on a intérêt à entretenir des relations particulières avec les classes dominantes si l'on veut faciliter certains projets commerciaux, comme les grands projets d'infrastructure en particulier. La question que nous devrions peut-être examiner est la suivante: dans quelle mesure pouvons-nous avec l'APEC favoriser la création d'un environnement commercial démocratique plus transparent par l'entremise d'entreprises autonomes? Par «autonomes», je veux dire que même chapeautées par le gouvernement, ces entreprises tendent à agir de façon autonome. C'est une question générale et j'aimerais l'examiner d'un peu plus près, si possible.

Je connais deux modèles de bureaux ou de chambres de commerce. Le modèle européen exige que toute entreprise, grande ou petite, adhère à la chambre de commerce. À l'opposé, nous avons le modèle nord-américain qui est un genre de «club Rotary» auquel l'adhésion est volontaire et non obligatoire. Le modèle canadien se situe entre les deux, en quelque sorte.

Ma question est la suivante: mettons de côté Hong Kong, Singapour, Taïwan et le Japon où les entreprises sont relativement autonomes; dans quelle mesure les entreprises dans des pays comme l'Indonésie, la Corée, la Malaisie sont-elles autonomes en ce qui concerne des groupements comme le vôtre? Par ailleurs, votre organisation travaille-t-elle bilatéralement avec ces groupes ou travaillez-vous dans le cadre du groupe général de l'APEC? J'aimerais entendre votre point de vue à ce sujet.

M. Reid: Il a été intéressant d'apprendre qui étaient les gens d'affaires nommés par les dirigeants de ces pays de l'APEC, de connaître leurs relations d'affaires, et cetera. Ayant rencontré certains des membres de 1995 -- j'ai fait du jogging et j'ai joué au tennis avec eux --, il ne fait aucun doute que les liens entre ces gens d'affaires et les dirigeants de leurs pays varient considérablement d'un pays à l'autre. Chacun d'entre eux représentait davantage des sociétés d'État, à la canadienne. Toutefois, au-delà de tout ceci, il s'agissait certainement de gens d'affaires. Je me suis retrouvé à côté de deux représentants de la Chine, car le Canada et la Chine vont ensemble en quelque sorte, juste avant que le représentant chilien ne se joigne à nous; ils se sont exprimés dans le jargon des affaires. Ils représentaient d'importantes sociétés d'investissement, et cetera. Ils avaient certainement un sens des affaires par opposition à un sens politique ou de fonctionnaire; par conséquent, il s'agissait de véritables gens d'affaires.

Beaucoup d'entre eux étaient actifs au sein de leur chambre de commerce, essentiellement comme bénévoles, et avaient présidé le conseil d'administration de leur chambre nationale de commerce. Dans beaucoup de ces pays, les chambres nationales de commerce ne sont peut-être pas des chambres de droit public comme en Europe, mais elles sont certainement des endroits de pouvoir où les gens d'affaires se réunissent; certains d'entre eux sont très présents dans les collectivités locales.

Pour ce qui est du réseau des chambres de commerce, la Chambre de commerce internationale comprend plus de 100 chambres nationales. Le Canada en est membre par l'entremise du Conseil canadien pour le commerce international avec lequel nous avons une alliance stratégique.

Vous êtes allé dans plusieurs pays et je sais que vous voulez que l'on s'attarde sur certains points. À Hong Kong, par exemple, on retrouve une chambre nationale en plus de toute une série de chambres. Il y a également la Chambre de commerce Canada-Hong Kong qui est très active. Nous avons également l'Association commerciale Canada-Chine avec Taïwan qui est également active. À Tokyo, au Japon, nous avons une Chambre de commerce du Canada dirigée par des gens d'affaires canadiens vivant au Japon.

Vous m'avez dit de mettre ces pays de côté et de parler de certains autres. Je vais commencer par la Corée. Le dirigeant de la Corée est venu au Canada il y a 15 mois pour signer un accord entre la Chambre de commerce du Canada, la Chambre de commerce du Canada en Corée et la Chambre de commerce de Corée. Pour ce qui est du programme commercial prévu pour Équipe Canada qui doit se rendre en Corée les 10 et 11 janvier, on peut dire qu'il s'agit d'une coentreprise avec plusieurs associations commerciales en Corée.

Dans le cas de la Malaisie et des autres pays, les choses sont probablement bien différentes. Il n'y a pas de chambre nationale, mais diverses associations commerciales, certaines très locales, d'autres nationales. Prenez le Vietnam, par exemple. L'an prochain, nous allons travailler avec une chambre nationale du commerce au Vietnam pour voir le genre d'ententes que nous pouvons conclure dans ce pays pour les gens d'affaires canadiens.

Je ne me sens pas vraiment compétent en la matière, monsieur le sénateur. Le mouvement des chambres de commerce varie d'un pays à l'autre. Toutefois, au plan du génie et de la culture, il est très axé sur les affaires et il ne s'agit absolument pas d'une culture politique ou bureaucratique.

Le président: D'après la question et la réponse qui a été donnée, j'ai l'impression que ce que nous appelons le secteur privé est difficile à détecter dans certains de ces pays. Par conséquent, beaucoup de ce que vous préconisez, monsieur Reid, comme la transparence, une série de règles fondamentales en matière d'investissement, et cetera, ne risque pas de se produire, compte tenu de la réalité des politiciens.

Peut-on généraliser et dire que mis à part des exceptions évidentes que représentent des pays comme Hong Kong et Singapour, le secteur privé est véritablement très limité et pas très indépendant?

M. Reid: Monsieur le président, je dois dire que je n'ai pas la compétence que vous-même et certains des autres sénateurs recherchez. Vous devriez, je crois, poser la question à des analystes politiques.

Le président: Très bien.

M. Reid: Je le répète, je n'ai pas travaillé et je ne suis pas allé dans ces pays ces cinq dernières années, contrairement à certains gens d'affaires canadiens, mais en écoutant ces derniers, en participant aux missions d'Équipe Canada et en ayant ces liens avec certaines des chambres nationales, je suis convaincu -- et je ne cesse de redonner une réponse qui, je le sais, est peut-être inadéquate, compte tenu des perspectives des taux d'épargne et de la dynamique du marché des 20 prochaines années -- que la demande en matière d'investissement sera un facteur décisif. Je ne suis pas économiste, mais je dois vous dire que les forces du marché sont tout simplement incroyables.

Si les politiciens du pays X et de l'un des pays dont vous faites mention souhaitent construire un nouveau port, un aéroport, un chemin de fer ou une infrastructure routière, ils doivent former un consortium ou réunir beaucoup de partenaires pour financer le projet. Cela représente à la fois des fonds publics et des fonds privés et suscite des questions comme celle-ci: faut-il simplement faire payer un loyer ou des droits pour un projet qui, au bout de 20 ans, reviendra à une entreprise privée du pays hôte? Ils ne pourront simplement pas trouver les fonds nécessaires pour cette infrastructure à moins qu'ils ne tiennent compte du marché, à moins qu'ils ne se rendent compte que beaucoup de gens d'affaires n'y participeront pas si les questions financières ne sont pas transparentes ni claires. Nous ne sommes plus dans les années 60 et 70, lorsque les taux d'épargne étaient élevés et la demande d'investissement faible dans le monde entier. Aujourd'hui, il faut faire des pieds et des mains pour obtenir ces fonds.

Le sénateur Grafstein: J'essaie de savoir s'il existe un genre de modèle commercial qui permettrait la création d'incubateurs commerciaux qui seraient à l'avantage commercial du Canada. Je crois que la chambre de commerce est une bonne chose, tout comme les relations entre gouvernements et les jumelages entre provinces. J'essaie simplement de savoir ce que nous pourrions faire qui soit efficace, par exemple, au Vietnam ou en Malaisie, où nous savons que le marché est riche et prometteur. Comment allons-nous percer ce marché de façon concurrentielle?

Je sais que l'Allemagne, par exemple, par l'entremise de la chambre de commerce habituellement, implante l'Institut Goethe et fait connaître ainsi ses institutions culturelles. La France tend à faire de même. Hong Kong dispose d'une banque de données ultra-perfectionnée, accessible aux entreprises et qui est donc très rentable.

Avez-vous un conseil à donner au comité que nous pourrions ensuite transmettre à nos gouvernements ou à d'autres sur la façon dont nous pourrions créer de manière rentable des modèles commerciaux susceptibles d'aider les entreprises canadiennes, petites et grandes, surtout dans les régions où la culture, le style de gouvernement, et cetera sont différents. Avez-vous réfléchi à la question?

M. Reid: Ce que je peux faire, monsieur le président, c'est de vous parler de deux programmes pour lesquels nous avons vraiment ouvert la marche en quelque sorte. Leur efficacité reste encore à prouver. Il y a environ trois ans, dans le cadre de discussions avec des représentants de trois ministères -- Développement des ressources humaines, comme on l'appelle à l'heure actuelle, Affaires étrangères et Industrie Canada -- il est devenu évident que beaucoup de moyennes entreprises et quelques petites entreprises étaient en mesure de soutenir la concurrence outremer, c'est-à-dire à l'extérieur de l'Amérique du Nord. Soit qu'elles n'avaient pas les compétences, soit qu'elles ne comprenaient pas vraiment le commerce international ou ne disposaient pas parmi leur personnel de personnes versées en la matière.

Nous avons mis sur pied le Forum pour la formation en commerce international dont vous voudrez peut-être inviter le directeur administratif à comparaître. Nous voulions préparer les gens d'affaires qui voulaient se rendre à l'étranger pour participer à une mission commerciale ou pour se lancer dans de nouvelles entreprises. Le programme a été couronné de succès et constitue un partenariat unique avec le secteur privé. La Chambre de commerce du Canada a signé le contrat de quelque cinq ou six millions de dollars avec le ministère du Développement des ressources humaines. Il se trouve que j'en préside le comité de direction qui est représenté par cinq associations différentes, y compris la Fédération canadienne du travail et l'Association des collèges communautaires. Il s'agit là d'une nouvelle façon de travailler dans ce pays, en plus étroite collaboration, si vous voulez, avec une chambre de droit public par l'entremise toutefois d'une sorte de négociation et d'un contrat d'association. Il s'agit, selon moi, d'une réussite extraordinaire. Cette initiative avait été prévue dans le Livre rouge. Par exemple, si je signe un contrat d'association, les choses ne seraient plus faites à l'interne mais à l'extérieur et nous les privatiserions, ce qui est le véritable test de marché.

Nous appelons l'autre programme le réseau des PME. Il s'agit d'un autre programme très innovateur. Une fois de plus, le gouvernement en avait parlé dans ce qu'on appelle le Livre rouge. Nous sommes parvenus à le convaincre de s'associer avec nous dans cette entreprise. Le réseau s'inspire d'un programme en provenance du nord de l'Italie, du Danemark et de la Norvège. Il consiste à travailler avec un groupe de petits entrepreneurs -- tout à fait indépendants et très concurrentiels -- en vue de mettre au point un plan qui leur permettrait de mettre la main sur un contrat international, par exemple. Nous travaillons en très étroite collaboration avec l'honorable John Manley et ses hauts fonctionnaires sur ce projet. Il s'agit d'un partenariat qui met en cause 20 ou 25 différentes associations de gens d'affaires et des chambres de commerce locales. Il s'agit de partenariats qui doivent évoluer. C'est un modèle très intéressant qui permet à une association de gens d'affaires comme la Chambre de commerce du Canada de conclure un contrat d'association. Soit dit en passant, tout se fait par recouvrement des frais, il n'y a aucune subvention. C'est la façon de faire. Il s'agit là de deux exemples concrets.

Pour avoir participé à la première mission de l'Équipe Canada en Chine, mission à laquelle le sénateur Jack Austin et le Conseil commercial Canada-Chine ont apporté une forte contribution, je dois vous dire que ces missions sont une merveille d'innovation. Comme certains d'entre vous le savent, à cause de la mission de l'Équipe Canada en Inde et au Pakistan de même que dans d'autres pays, la Chambre de commerce du Canada s'est vu confier la tâche de communiquer, au nom du gouvernement, avec les gens d'affaires pour les inviter à se joindre à participer à la mission avec le premier ministre et les premiers ministres provinciaux. Encore une fois, il s'agit là d'une première au Canada.

La mission de janvier est aussi un contrat d'association. Il va sans dire que nous avons pris certains risques en ce qui a trait à notre image, si vous voulez, mais nous nous sommes simplement présentés et avons dit que nous aiderions le gouvernement à faire de cette mission une réussite. Nous nous chargeons donc de mettre au point le programme pour les entreprises en Corée, aux Philippines et en Thaïlande. Nous avons des commandites du secteur privé pour ces missions qui semblent très bien fonctionner. Je crois qu'elles sont rentables.

Quelle en est l'efficacité quant à l'impact réel? Il y a, selon moi, deux aspects. En ce qui concerne Équipe Canada, j'ai le sentiment que nous avons franchi une barrière psychologique chez de nombreux dirigeants de petites et moyennes entreprises à Toronto et à Montréal, où la question de la sensibilisation est plus importante. À Vancouver, voire même à Calgary, tous les gens d'affaires sont conscients des débouchés qu'offre la région Asie-Pacifique. Il n'en va vraiment pas de même dans cette partie-ci du Canada.

Je termine avec la Fondation Asie-Pacifique et le programme à l'intention des étudiants étrangers que celle-ci est en train de mettre au point. Je sais que cela peut sembler discutable pour certaines personnes. Il y a un an, j'accompagnais à Osaka le premier ministre à la conférence des dirigeants des pays du G-7. J'y ai participé en tant que membre de ce Forum des gens d'affaires du Pacifique. J'ai rencontré quatre jeunes gens qui étudiaient et enseignaient le japonais. Ils avaient mis sur pied une entreprise d'experts-conseils et avaient conclu une entente avec le Bureau commercial de la Colombie-Britannique à Osaka qui leur avait donné des bureaux. Ils s'occupent de décrocher des contrats de 5 000 $ pour de petites entreprises de la Colombie-Britannique. Ils ne privent en rien les grandes entreprises canadiennes vu que celles-ci n'accepteraient pas ces petits contrats.

Ces exemples peuvent sembler non pertinents, mais il s'agit des modèles d'innovation qui s'imposent. Nous connaissons tous les statistiques: 100 entreprises au Canada se partagent à l'heure actuelle plus de 75 p. 100 de nos exportations. Je suis très inquiet du fait que les statistiques ne reflètent pas très bien le secteur tertiaire. Nous devons vraiment pénétrer ce marché moyen et nous rendre compte que différents programmes -- différents efforts pour différentes personnes, si vous voulez -- constituent la route à suivre et nous devons ensuite définir ces programmes.

Le sénateur Grafstein: Comme vous siégez au sein du Forum des gens d'affaires du Pacifique, vous savez qu'il s'y passe bien des choses. Estimez-vous qu'il revient à la chambre de commerce de procéder en quelque sorte au jumelage des entreprises du bassin du Pacifique et de nos sociétés privées dont nous avons un riche éventail, par exemple l'Association Holstein du Canada, les producteurs de blé, les fabricants de plats cuisinés et l'Association du Barreau canadien? Ces dernières éprouvent beaucoup de difficulté à s'imaginer, à partir d'ici, ce qui se passe en Malaisie par exemple. Y a-t-il quelqu'un qui apporte ce grand talent à l'organisation pour qu'elle puisse à son tour tenir ses membres au curant des débouchés qui s'offrent. Est-ce que cela se fait de façon cohérente ou à vue de nez?

Si je pose la question, c'est que, en Chine, j'ai rencontré des représentants d'une association d'éleveurs de chevaux du Canada. Je me suis demandé ce qu'ils faisaient là-bas. Je suis aussi tombé par hasard sur des gens associés à l'Office de commercialisation du lait. Ce que je veux savoir, c'est si nous le faisons d'une façon plus cohérente et si la chambre de commerce peut lancer une initiative de ce genre?

M. Reid: Si vous considérez les sept ou huit dernières années, vous remarquez qu'il y a davantage de ce réseautage, de ce partage d'information. Quant à savoir si tout est organisé ou si cela se produit simplement lorsque l'occasion se présente, je crois qu'il faut retenir beaucoup plus la deuxième hypothèse. Le gouvernement fédéral se reprend enfin en main. Je veux dire par là que le ministre du Commerce international et le ministre de l'Industrie ont décidé qu'ils sont vraiment sur le même terrain et que les sous-ministres actuels le croient également. Je suis plein d'espoir et en même temps je m'inquiète beaucoup du fait qu'à l'heure actuelle, la personnalité entre en quelque sorte en ligne de compte. Cependant, dans l'ensemble, j'ai bon espoir que ces quatre personnes au sein du gouvernement fédéral et les 16 ministères associés au commerce international sauront poser des gestes cohérents.

Les GCSCE fonctionnent très bien et ils sont beaucoup plus spécifiques, comme vous le savez. Je siège au sein du CCCE, qui est beaucoup plus orienté vers la politique. Le CCCE dispose d'un comité de la politique de même que d'un comité des programmes et un certain nombre de personnes provenant de ces associations d'affaires spécialisées y siègent. Les GCSCE ont été créés, comme vous le savez, dans la foulée de l'accord de libre échange et cela fonctionne toujours. L'ancien ministre du Commerce international et le ministre actuel y ont apporté des améliorations et tout fonctionne très bien.

La Chambre de commerce du Canada regroupe environ 75 associations membres qui n'ont pas droit de vote. Elles reçoivent nos communiqués, les notes d'information sur les missions d'Équipe Canada auxquelles nous participons, et je dois dire aussi, en toute sincérité, que nous nous servons d'elles pour promouvoir nos politiques. Par exemple, si nous élaborons un énoncé de principe sur la dette et le déficit, nous leur demandons de l'appuyer.

Encore une fois, nous sommes soumis aux aléas du marché et si nous offrons un service efficace, ou un service pour lequel il existe un besoin perçu, à d'autres associations en invitant certaines d'entre elles à participer au Forum pour la formation en commerce international par le biais, par exemple, du réseau de PME, et elles sont très ouvertes, la confiance s'accroît et les gens apprennent à se connaître. En effet, nous sommes en train d'essayer de mettre sur pied notre propre réseau de PME. Cela prend du temps et il faut que les diverses associations s'y intéressent, mais aussi, au bout du compte, qu'elles aient la volonté de faire exactement ce que vous dites, soit de collaborer ensemble. Il ne faut jamais sous-estimer l'importance d'une association qui regroupe des entreprises qui se considèrent comme des membres à part entière de celle-ci, et qui estiment que l'association sert bien leurs intérêts.

À la fin des années 60, j'avais un ami agriculteur en Ontario qui vendait du sperme de taureau partout dans le monde. Son produit était considéré comme le meilleur au monde. Il y a peut-être une cinquantaine d'agriculteurs qui se livrent à cette activité et il est important pour eux d'avoir leur propre association pour pouvoir pénétrer un marché aussi vaste que celui de la Chine et faire concurrence à d'autres grandes entreprises. C'est un des rôles que remplit le réseau de PME.

Le sénateur Corbin: Est-ce que le plan d'action a été approuvé à l'unanimité par tous les intervenants, y compris les représentants des États-Unis?

M. Reid: Oui. C'était absolument fascinant. Je peux dire que ni le représentant canadien, ni les représentants américains ne prétendaient être là en tant que porte-parole de leur gouvernement. Il était intéressant de nous entendre répéter que, oui, nous connaissons sans doute la position de notre gouvernement sur bon nombre de ces questions, mais cela importe peu. Ce qui importe par contre, c'est que devons être plus actifs dans cette région. C'est là-dessus qu'il y avait consensus.

Le sénateur Corbin: Vous avez parlé des obstacles au commerce. Il me semble que, pendant des années, ce sont les Américains qui ont été les véritables joueurs sur le plan commercial. Ils n'ont pas vraiment besoin qu'on lève ces obstacles pour continuer de commercer comme ils le font depuis des années. Le Canada demeure un joueur secondaire dans la région du Pacifique. Nous savons que, dans une certaine mesure, les États-Unis peuvent s'entendre sur les règles du jeu et qu'ils peuvent également trouver des moyens de les contourner quand cela les arrange, ou du moins, ils vont essayer de le faire. C'est ce qui s'est produit avec l'accord canado-américain de libre-échange.

Je me pose des questions au sujet des Australiens. Ils ont accaparé le marché de l'Asie du Sud-Est. Les Canadiens peuvent, eux aussi, tirer partie des débouchés qu'il offre. Vous dites que les entreprises bénéficient d'un potentiel de croissance énorme. Comment pouvons-nous améliorer nos échanges dans ce nouveau cadre? La croissance n'est pas sans limites. Est-ce que nous fixons des objectifs précis en ce qui concerne les échanges que nous voulons, ou que nous pouvons, effectuer avec les pays du Pacifique? Ou sommes-nous tout simplement dépassés par le potentiel qui existe? Avons-nous ciblé les débouchés réels qui existent pour nos entreprises?

M. Hecnar: Si l'on jette un coup d'oeil sur les statistiques commerciales pour la région Asie-Pacifique, on constate qu'au cours des cinq dernières années, les échanges ont augmenté de 87 p. 100. Les débouchés existent donc. Si l'on jette un coup d'oeil sur les statistiques qui font état des échanges du Canada avec ce groupe de pays, on note que notre part diminue. Les échanges du Canada dans cette région augmentent en termes absolus, mais notre part de marché diminue. Les entreprises canadiennes ne pourront tirer partie de ces débouchés que si elles acceptent d'unir leurs efforts. Le Canada doit accroître sa présence dans cette région. Je crois que notre participation active au sein de l'APEC est importante à cet égard.

Il est possible d'accroître nos échanges, mais nous ne pouvons pas nous contenter d'attendre que les débouchés viennent à nous. Tim Reid a mentionné quelques-uns des programmes que la Chambre a mis sur pied pour aider les entreprises canadiennes à pénétrer ces marchés. Sinon, nous risquons de perdre notre part de marché au profit de nos concurrents.

M. Reid: Je suis certain qu'on a effectué des études et rédigé des articles savants sur la question, mais les entreprises canadiennes semblent jouir d'une très bonne réputation là-bas. Le Canada n'a pas été une puissance coloniale comme le Royaume-Uni, ou encore une puissance d'occupation comme le Japon. Ils n'ont pas de préoccupations au sujet de notre culture, mais s'inquiètent plutôt de l'influence de la culture américaine. Donc, l'occasion est excellente pour les entreprises canadiennes d'établir des liens avec un pays comme le Japon, qui connaît très bien la technologie nord-américaine, qui possède un très bon système d'éducation et qui est en mesure, je crois, de réunir des fonds d'investissement partout dans le monde. Il est utile, aussi, d'encourager les filiales de multinationales qui détiennent une participation majoritaire étrangère, par exemple américaine, à établir des contacts avec les pays de la région Asie-Pacifique. Nous avons vraiment un rôle à jouer là-bas, mais pour cela, il faut agir.

Il y a un autre facteur dont il faut tenir compte, soit l'approche traditionnelle canadienne. Vous avez parlé des États-Unis et de leur unilatéralisme dans le domaine commercial, que ce soit dans le cadre d'un accord de libre-échange ou d'un accord bilatéral avec, par exemple, le Japon, et la façon dont ils manipulent les règles du jeu lorsque vient le temps d'opposer des biens et services canadiens à des biens et services américains. Nous avons toujours essayé de bâtir des alliances avec des puissances plus petites pour faire en sorte que les grandes puissances, dans ce cas-ci les États-Unis et le Japon, respectent les règles du jeu. Nous créons des partenariats afin d'aider nos gens d'affaires. J'en ai eu la preuve lors du Forum des gens d'affaires du Pacifique.

On pourrait assimiler cela à une affirmation à caractère politique. Des gens d'affaires mexicains et des représentants de certains pays asiatiques, par exemple, sont venus me voir et m'ont demandé: «Ne pouvons-nous pas ajouter cette mesure antidumping dans cet accord?» Cette mesure visait les États-Unis. On y retrouve des mesures antidumping parce que certains pays plus petits ont décidé de les inclure dans le rapport. Des gens d'affaires américains ont convenu que les États-Unis constituaient un problème.

Est-ce que nos objectifs sont irréalistes? Est-ce qu'on fait preuve d'un trop grand optimisme? Je ne le sais pas. Je me souviens de la mission commerciale qui s'est rendue à Taïwan, il y a quatre ans; elle était présidée par le directeur général de Dofasco. Nous avons sélectionné 13 entreprises pour les associer au plan quinquennal de Taïwan. Elles représentaient des entreprises moyennes, sauf deux, et elles ont toutes obtenues des contrats. Nous avions pris une bonne longueur d'avance. Cette initiative visait à associer des entreprises canadiennes au plan quinquennal de Taïwan. Donc, les débouchés existent, mais comment pouvons-nous faire passer le message? Je ne le sais pas, mais nous essayons.

Je crois que, tout comme son prédécesseur, le gouvernement actuel essaie de convaincre les Canadiens de ne pas commercer uniquement avec les entreprises au sud de la frontière. Nous avons accru notre part de marché aux États-Unis en vertu de L'ALÉNA. Nous avons prouvé que nous pouvons faire concurrence aux meilleurs dans le monde. Certaines entreprises ont échoué dans leur effort, mais celles qui ont réussi peuvent répéter leur exploit en Asie, si elles estiment que les résultats qu'elles peuvent obtenir sur une période raisonnable sont aussi intéressants que ceux qu'elles obtiendraient en investissant au Canada, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde.

Le sénateur Corbin: Vous représentez un organisme national, la Chambre de commerce du Canada. Il est évident que les provinces de l'Ouest détiennent un avantage naturel pour ce qui est des débouchés commerciaux. Est-ce que la Chambre a pris des mesures pour permettre aux provinces de l'Atlantique, au Québec et à l'Ontario d'avoir accès à ces débouchés?

M. Reid: Oui. Le Québec était bien représenté au sein des missions d'Équipe Canada. En ce qui concerne la mission commerciale qui doit avoir lieu en janvier, un grand nombre de représentants du Québec y participeront. Je sais aussi que le vice-président de notre conseil au Nouveau-Brunswick, qui est également le président-directeur général de New Brunswick Tel, doit accompagner le premier ministre.

Le sénateur Bacon: À la page 11 du document intitulé «The Osaka Action Plan: Roadmap to Realizing the APEC Vision», on dit que les mesures restrictives ne devraient pas constituer une forme de protectionnisme. On cite l'exemple de la Nouvelle-Zélande, qui a adopté, il y a une dizaine d'années, un important programme de libéralisation des échanges. Le programme a touché tous les secteurs et, grâce à lui, l'économie néo-zélandaise a connu une forte croissance. Elle a fait un bond de 17 p. 100 depuis 1991. Croyez-vous que le Canada devrait mettre en place un programme identique, ou est-ce qu'un programme de ce genre nous permettrait de pénétrer les marchés de la région Asie-Pacifique?

M. Reid: En ce qui concerne les règlements, nous déplorons l'attitude du gouvernement. Nous menons des sondages auprès de nos membres et, en fait, nous sommes en train d'en effectuer un où nous posons une question très simple: qu'est-ce qui vous empêche d'embaucher une personne de plus l'année prochaine? Des changements ont été notés au cours des trois dernières années. J'ai jeté un coup d'oeil sur les résultats préliminaires et j'ai constaté que, il y a trois ans, la dette, les taux d'intérêt et l'assainissement des finances publiques constituaient indubitablement les principaux sujets de préoccupation de nos membres. Elles viennent toujours en tête de liste, mais c'est la dette, et non pas le déficit, qui demeure la principale préoccupation. Toutefois, on remarque de plus en plus que la réduction des effectifs au sein du gouvernement s'accompagne d'une réglementation plus lourde et de frais plus élevés. On estime que, sur le plan de la réglementation, les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux font fausse route. Il ne fait aucun doute que des règlements s'imposent, mais nous sommes très inquiets de voir que, lorsque le gouvernement dit à ses fonctionnaires: «Nous réduisons votre budget, mais si vous réussissez à récupérer certains coûts en augmentant les droits, vous pourrrez garder votre emploi», ils choisissent cette option au lieu de trouver des moyens de devenir plus efficients et efficaces. Il s'agit pour nous d'une véritable préoccupation.

La mise en place de règlements coûte très cher. Il est donc important de s'interroger sur le nombre et le genre de règlements que nous voulons, de se demander s'il faut dire aux entreprises comment faire les choses, ou s'il est préférable de leur expliquer les objectifs qui ont été fixés sur le plan environnemental, les comparer aux leurs, et ensuite les laisser décider des mesures qu'il convient de prendre pour les atteindre.

Nous avons beaucoup à faire dans ce pays. Nous avons trop de politiciens, trop de fonctionnaires et trop de règlements. Ils doivent se rendre compte que, ce qui convenait dans les années 60 et 70 ne convient plus aujourd'hui. Lorsqu'on aborde la question de la baisse de productivité de l'économie nord-américaine, le gouvernement ne doit pas tourner le dos aux entreprises, mais faire un effort pour les écouter lorsqu'elles affirment que les règlements les empêchent de prendre de l'expansion, de recruter plus de travailleurs.

Le sénateur Bacon: C'est le genre de recommandation que vous feriez au gouvernement pour ce qui est des pays de l'APEC?

M. Reid: Oui.

Le sénateur Bolduc: Vous dites que les petites et moyennes entreprises devraient exporter directement des biens et services, et qu'elles devraient sous-traiter avec les grandes entreprises. À votre avis, est-ce que la Société pour l'expansion des exportations, en tant qu'organisme gouvernemental, rempli bien son rôle? Ces entreprises ont, entre autres, des problèmes de financement.

M. Reid: Oui. La société m'a mise au courant de son nouveau programme pour les PME. J'aimerais en connaître les résultats. C'était un programme bien conçu, et j'ai été fortement impressionné par le professionnalisme du personnel qui a donné l'exposé. Je pense qu'il est important de voir les résultats. Je crois comprendre que la société offre une aide mieux structurée aux petites et aux moyennes entreprises. Je ne sais pas quel a été l'impact du programme jusqu'ici.

Le sénateur Bolduc: Diriez-vous que lorsqu'elles font du travail en sous-traitance pour les grandes entreprises, elles n'ont pas de problèmes, mais que lorsqu'elles ne le font pas, la situation pour elles devient plus corsée?

M. Reid: Il y a toujours deux côtés à une médaille. Par exemple, est-ce que l'entreprise dispose d'un bon plan d'action? Sinon, est-ce que quelqu'un va l'aider à en préparer un? Par ailleurs, est-ce qu'on tient compte de la situation de l'entrepreneur par opposition à celle du dirigeant d'une grande entreprise? Les entrepreneurs sont très différents des dirigeants.

Le sénateur Bolduc: Est-ce que vos membres vous ont fait part de leurs vues à ce sujet?

M. Reid: Pas encore, mais je pense qu'il serait bon d'inclure cette question dans notre prochain sondage.

Le sénateur Bolduc: Je crois que vous devriez le faire, parce que cela fait partie des modèles qu'a mentionnés le sénateur Grafstein, et c'est très important. J'ai déjà travaillé pour des entreprises, et quand on décrochait un contrat à l'échelle internationale, on avait toujours de la difficulté à obtenir suffisamment de fonds pour la période initiale.

M. Reid: Au cours des premières réunions du Forum des gens d'affaires du Pacifique, il y a deux ans, plusieurs pays de la région du Pacifique ont abordé la question des PME, ce qui m'a surpris. J'ai trouvé cela extraordinaire; je me suis dit que la Chambre de commerce du Canada était essentiellement une PME, et qu'elle bénéficiait de l'aide des grandes entreprises. Toutefois, dans ces pays, les rapports entre les grandes entreprises et les PME sont très différents. Ils présentent des avantages et des inconvénients, mais on s'intéresse beaucoup à l'efficacité des PME et de leurs fournisseurs. Le meilleur modèle, à mon avis, est celui où les grandes entreprises participent aux programmes de formation des gestionnaires. Les contrats de ce genre existent. Je sais que lorsque SNC Lavalin, par exemple, signe un contrat international, elle s'associe souvent à des petites entreprises au Canada, mais cette approche semble être beaucoup plus prédominante dans certains de ces pays.

Le sénateur Whelan: Lorsque je suis allé en Indonésie dans le cadre d'une visite officielle, nous avons visité une station de recherches qui, paraît-il, s'occupait de faire des recherches sur des moutons et des chèvres. Elle était dirigée par une entreprise australienne qui en avait financé la construction. Au cours de notre visite, nous sommes passés rapidement devant trois grandes stalles, et le guide ne voulait pas que je regarde à l'intérieur. J'ai dit: «Arrêtez, d'où viennent ces animaux?» Il y avait à l'intérieur trois magnifiques taureaux de race Holstein. J'ai demandé ce qu'ils faisaient dans cette station. On m'a dit que l'Allemagne de l'Ouest les avait offerts en cadeau au président du pays. Ces taureaux étaient tout à fait magnifiques, mais est-ce que le Canada songerait à faire une telle chose? Êtes-vous d'accord avec ce genre de troc? Imaginez la réponse du représentant ouest-allemand lorsqu'il est allé vendre quelque chose là-bas: «Oh oui, je me souviens de lui, ou de son pays. Il nous a aidés à améliorer nos troupeaux laitiers grâce aux trois taureaux que nous lui avons donnés en cadeau.» Êtes-vous en faveur de cela? Est-ce que la Chambre approuve ce genre de troc?

Le président: Est-ce que cela fait partie de votre politique?

M. Reid: En fait, vous voulez savoir si des restrictions s'appliquent aux échanges. Certains d'entre vous savent qu'un organisme international est en train d'être créé pour se pencher sur les questions que soulève le sénateur Whelan.

Le sénateur Whelan: Il est très difficile pour nous de faire concurrence dans les situations de ce genre, parce que nous sommes assujettis à des règles très strictes qui nous empêchent de nous livrer à ce genre d'activités. Nous ne participerions absolument pas à ce genre de troc.

M. Reid: J'étais en Indonésie avec Raymond Chan lorsque M. Bata a ouvert une nouvelle fabrique de chaussures à l'extérieur de Jakarta. J'étais très fier d'assister à la cérémonie d'ouverture. Cette usine représentait pour le peuple indonésien quelque chose de plus important que le don de trois taureaux. Bata a construit une usine bien ventilée, propre, ainsi de suite. C'est le genre de chose que fait Tommy Bata et j'étais très fier d'être associé à l'ouverture de cette petite usine.

Le sénateur Whelan: Je sais très bien ce que M. Bata a fait là-bas, qu'il payait très bien ses employés et qu'il leur offrait d'excellentes conditions de travail. J'applaudis à son initiative, mais je ne vois pas le rapport entre cette situation et l'octroi de tels cadeaux.

M. Reid: Si vous parlez de l'impact que de tels cadeaux peut avoir sur les technocrates, je peux vous dire que le fait d'avoir des gens comme Tommy Bata qui créent des usines de ce genre et qui écoutent ce que disent les habitants qui vivent en dehors de Jakarta a un impact beaucoup plus grand que le don de trois taureaux.

Le sénateur Whelan: Si vous vendiez des Mercedes ou un autre produit, cela pourrait aussi avoir un gros impact.

Le président: Cet échange a été fort utile. Il est possible qu'après avoir assimilé ce que vous nous avez dit et étudié la question plus à fond, nous vous reconvoquions devant le comité.

Nous allons maintenant passer au deuxième point à l'ordre du jour, soit le projet de loi C-61, qui porte sur la mise en oeuvre de l'accord de libre-échange Canada-Israël. Voici comment je propose que nous procédions. Le projet de loi compte 62 articles, en plus d'une annexe. Je vais suivre la procédure habituelle et laisser de côté le titre, le préambule et le titre abrégé. Nous allons passer directement à l'article 2. On m'a dit qu'il est possible qu'on propose des amendements; le premier viserait l'article 7, et le deuxième concernerait l'ajout du nouvel article 41.1. Je vais mettre en délibération les articles 2 à 6 avant de passer à l'article 7. Je mettrai en délibération les articles suivant, jusqu'à ce qu'on arrive au nouvel article 41.1 qui est proposé et qui, s'il est adopté, figurera à la page 21.

Est-ce que cela vous convient? Dans l'affirmative, est-ce que les articles 2 à 6 sont adoptés?

Des voix: Oui.

Le président: Adopté. Est-ce que l'article 7 est adopté?

Sénateur De Bané?

Le sénateur De Bané: Monsieur le président, j'ai l'honneur de proposer que l'article 7 soit modifié comme suit:

a) par substitution, à la ligne 23, page 3, de ce qui suit:

7.(1) Il demeure entendu que ni la présente loi ni l'Accord ne s'appliquent aux territoires qui n'étaient pas dans les limites de l'État d'Israël le 4 juin 1967.

(2) Il demeure entendu que ni la présente; et

b) par le changement de désignation numérique du paragraphe (2) à celle de paragraphe (3).

Monsieur le président, le ministre des Affaires étrangères a déclaré que le gouvernement du Canada juge que les colonies juives implantées dans les territoires arabes sont illégales, et nous maintenons cette position. Le ministre a dit que notre politique n'a pas changé, et qu'elle est identique à celle de tous les autres pays, sauf un. Le projet de loi, en étendant les avantages de l'accord à tous les territoires sous contrôle israélien -- et, franchement, «l'union douanière israélienne» signifie tout ce qui se trouve sous contrôle israélien -- crée trois difficultés. D'abord, le projet de loi va à l'encontre de la politique du Canada, qui considère ces colonies juives comme étant illégales; deuxièmement, il ne favorise pas la paix parce que rien n'empêchera le premier ministre Netanyahou de créer d'autres colonies si le Canada y donne son assentiment et, enfin, il pénalise les entreprises canadiennes parce que les entreprises implantées dans les territoires occupés reçoivent une aide financière du gouvernement israélien. Elles sont fortement subventionnées, ce qui fait que les entreprises canadiennes sont soumises à une concurrence déloyale.

Le sénateur Grafstein: Je ne partage pas l'avis de mon éminent collègue. Les témoins que nous avons entendus appuient vigoureusement le projet de loi, tel que rédigé. Le ministre et son secrétaire parlementaire nous ont dit que, parmi les 22 pays arabes, aucun ne s'était opposé à l'accord. Ils ont eu des entretiens directs avec l'Autorité palestinienne, et aucune objection n'a été formulée. Aucune objection ou réserve n'a été émise. Il n'y a eu qu'un échange bilatéral de lettres. Les témoins étaient très favorables à l'accord, tel que rédigé.

Je ne sais pas si cet amendement changera l'accord ou retardera sa mise en oeuvre. Nous savons que l'échéance est fixée au 1er janvier. La Chambre des communes doit être de nouveau saisie de ce projet de loi, alors que les députés partent en congé de Noël cette semaine ou la semaine suivante. Cet amendement enlèverait toute valeur à l'accord.

Enfin, je pense que le ministre a souligné un élément important auquel je n'avais pas pensé, à savoir que dans l'accord lui-même, des mécanismes juridiques sont prévus pour le règlement des différends commerciaux entre les territoires et Israël. Avant ce projet de loi, il était possible de soulever des objections, sans appui juridique toutefois. L'accord prévoit pour les entreprises canadiennes un mécanisme de règlement de différends à propos des subventions ou des pratiques commerciales déloyales au sein des territoires ou entre les territoires et Israël. Elles disposeront d'un appui juridique grâce aux règles et structures commerciales bien établies. Monsieur le président, je ne suis pas d'accord avec ce que dit mon collègue.

Le président: J'aimerais que le rédacteur du ministère vienne nous aider dans nos délibérations.

Le projet de loi renferme-t-il une définition du territoire auquel l'accord doit s'appliquer?

Mme Ellen Stensholt, conseillère juridique principale, ministère de la Justice: Monsieur le président, non. L'accord indique qu'il s'applique là où s'applique la législation douanière d'Israël et le projet de loi permet, je crois à l'article 28, la définition, par règlement, de bénéficiaire de l'ALÉCI.

Le président: Vous dites que le projet de loi ne renferme pas de définition, mais que l'accord renferme une spécification. Je me demande quel est l'effet de l'article 4, la première phrase:

La présente loi a pour objet la mise en oeuvre de l'Accord.

Cela semblerait donner à l'accord un genre de statut législatif indirect. Le projet de loi a pour objet la mise en oeuvre de l'accord; par conséquent, j'imagine que tout article du projet de loi doit respecter toute définition de l'accord.

Mme Stensholt: Comme vous le savez, monsieur le président, lorsqu'il met en oeuvre un accord de libre-échange, le Canada ne donne pas à l'accord lui-même le statut de loi. Tout ce que cela veut dire, c'est que nous avons approuvé l'entente conclue avec un autre pays.

Le président: Oui, je suis entièrement d'accord, mais l'article en question indique que la présente loi a pour objet la mise en oeuvre de l'accord.

Mme Stensholt: Oui.

Le président: Par conséquent, en vertu du critère de compatibilité, toute définition du projet de loi doit être compatible avec la définition de l'accord.

Mme Stensholt: Vous avez parfaitement raison, et c'est ce qui explique que le champ d'application lié à la prise de règlement est manifestement limité par cet article relatif à l'objet.

Le président: Ce qui me gêne dans l'amendement du sénateur De Bané, c'est qu'il ne semble pas être compatible avec la définition de «territoire» de l'accord.

Mme Stensholt: Vous avez parfaitement raison. Il est incompatible, car il est prévu dans l'accord lui-même qu'il s'applique là où s'applique la législation douanière d'Israël. Conformément à l'accord entre Israël et l'Autorité palestinienne, ou l'OLP au nom de l'Autorité palestinienne, la législation douanière d'Israël s'applique à la Cisjordanie et à la Bande de Gaza. L'amendement proposé par le sénateur irait en fait à l'encontre de la définition et modifierait l'accord que nous avons négocié.

Le sénateur Andreychuk: En d'autres termes, vous dites que nous ne pouvons qu'accepter ou rejeter ce projet de loi, mais que nous ne pouvons pas renégocier l'accord en proposant un amendement.

Mme Stensholt: C'est exact.

Le sénateur De Bané: Monsieur le président, nous avons ici deux documents, un accord signé par le pouvoir exécutif et un projet de loi. L'amendement que je propose indique: «...ni la présente loi ni l'Accord...» La négation signifie nonobstant l'Accord ou la loi. Dans la même veine, vous avez à l'article 7 les mots: «Il demeure entendu que ni la présente loi ni l'Accord [...] ne s'appliquent aux eaux» et cetera. Si je me fais dire que je ne peux pas proposer un amendement pour que le Parlement du Canada restreigne cet accord de libre-échange au territoire d'Israël proprement dit, sous prétexte que l'accord a été signé par le pouvoir exécutif, lequel ne peut être limité par une loi fédérale, j'en conclus alors que le pouvoir exécutif est souverain par rapport au Parlement. Sommes-nous en train de dire que le Parlement du Canada ne peut pas modifier un accord que le pouvoir exécutif lui demande d'examiner? Je prétends que le Parlement du Canada est souverain et que nous pouvons toujours modifier ce que nous propose le pouvoir exécutif.

Le sénateur Bolduc: Accepter ou rejeter l'accord et décider de le modifier sont, à mon avis, deux choses différentes. Toutefois, nous pouvons rejeter l'accord, si nous le souhaitons.

Le sénateur De Bané: Le gouvernement du Canada déclare: «J'ai signé un accord avec le gouvernement d'Israël et vous devez l'approuver.» À mon avis, nous devrions dire au gouvernement: «Entendu, nous approuvons l'accord que vous avez signé avec le gouvernement d'Israël, mais il ne devrait s'appliquer qu'à Israël proprement dit et non à ces régions que le gouvernement du Canada, par l'entremise du ministre des Affaires étrangères, et le Parlement, considèrent illégales.»

Le sénateur Bolduc: Cela entraîne des changements au libellé.

Le sénateur De Bané: Qu'est-ce que cela change?

Le sénateur Bolduc: L'accord.

Le sénateur Andreychuk: L'accord avec Israël.

Le sénateur De Bané: Oui, bien entendu.

Le sénateur Bolduc: C'est le problème.

Le sénateur Andreychuk: On ne peut pas le faire unilatéralement.

Le sénateur De Bané: Monsieur le président, la question est fort simple: sommes-nous ici pour entériner automatiquement les projets de loi du gouvernement du Canada dans les cas où, d'une part, il nous dit que les colonies sont illégales et où, d'autre part, il nous dit: «Les avantages du libre-échange s'appliqueront également aux colonies et, comme l'a dit l'un des témoins, il suffit de fermer les yeux.»

Le président: Je ne vois pas l'avantage que nous pourrions avoir à prolonger cette discussion constitutionnelle. Je suis un peu au courant des ressemblances et des différences entre un projet de loi et un accord et on est tenté d'en débattre, mais je ne vois pas ce que l'on gagnerait à le faire.

Honorables sénateurs, je suis prêt à mettre l'amendement du sénateur De Bané aux voix.

Le sénateur Andreychuk: Vous déclarez alors que l'amendement est recevable.

Le président: Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un amendement recevable. La question en est une de fond. D'après ce que je comprends, il propose un amendement au projet de loi qui changerait l'accord. Si le Sénat souhaite adopter un tel amendement, il peut le faire, mais cela aura pour effet de mettre l'accord de côté.

Je déclare l'amendement recevable et le mets aux voix.

Le sénateur Andreychuk: Avant de passer au vote, je trouve assez curieux qu'on nous demande de voter sur quelque chose qui semble incompatible avec le résultat que nous essayons d'obtenir. Je comprends que nous pouvons amender des articles qui ne visent pas la teneur de l'accord, mais si nous présentons des amendements qui visent la teneur de l'accord, nous devrions indiquer que nous acceptons l'accord ou que nous le rejetons, sans passer par le moyen détourné d'un amendement. La question que je vous pose en matière de procédure est la suivante: avons-nous le droit, en tant que membres de ce comité, de nous abstenir de voter?

Le sénateur Grafstein: Bien sûr.

Le sénateur Andreychuk: Je n'en suis pas si sûre.

Le président: Si, vous en avez le droit.

Le sénateur Andreychuk: Il me semble que ce n'est pas un amendement recevable. Nous sommes régis jusqu'à un certain point par des ententes et des règles internationales. Par conséquent, nous avons le droit, en tant que Parlement, de dire que nous ne sommes pas d'accord avec cet accord, mais je ne pense pas que nous ayons le droit d'adopter un amendement qui, essentiellement, rouvre les négociations sur l'accord. C'est le rôle du pouvoir exécutif; par conséquent je m'abstiens de voter, parce que je ne pense pas que nous ayons eu un débat complet et honnête sur le sens de l'amendement. Je comprends un peu ce que dit le sénateur De Bané, et nous avons dit qu'il s'agit d'une anomalie, mais il ne faut pas oublier que le fait de prendre une décision à cet égard signifierait la renégociation de l'accord. Par conséquent, je préfère avertir le gouvernement qu'il a intérêt à faire très attention à la mise en oeuvre de cet accord, ainsi qu'à toutes les questions politiques que cela suppose. J'irais jusqu'à dire que le fait qu'aucune stratégie globale à propos des échanges avec le Moyen-Orient n'ait été proposée me préoccupe beaucoup et que je conteste la solution retenue, soit le choix d'un seul pays. Après de tels avertissements, je ne rejetterais pas l'accord pour l'instant.

Le sénateur De Bané: Pour ma collègue, le sénateur Andreychuk, il ne fait aucun doute que si mon amendement est adopté, cela indique que le Canada est prêt à étendre les avantages du libre-échange à Israël tel qu'il était avant 1967. C'est ce que cela signifie. Ce serait alors au gouvernement d'Israël de dire: «Si l'accord ne s'applique pas également aux territoires arabes et au reste des territoires que nous contrôlons, nous ne tenons pas à avoir un accord de libre-échange avec le Canada.» Si tel est le cas, laissons Israël nous le dire. Nous ne pouvons pas, à mon humble avis, dire que ces colonies sont illégales et ensuite leur donner les avantages du libre-échange, car cela reviendrait à dire: «Multipliez ces colonies tout votre soûl, ne vous gênez pas, car nous savons bien que c'est un processus irréversible». Les droits des Palestiniens ne seraient alors pas pris au sérieux. Bien sûr, Israël doit dire à un moment donné: «Maintenant que le Parlement du Canada a dit que l'accord s'applique à Israël tel qu'il était avant 1967, c'est à nous de décider si nous sommes prêts à ce que les avantages du libre-échange s'appliquent à Israël seulement et non aux territoires, ou si nous les refusons». Ce serait à Israël de le décider.

Le sénateur Grafstein: On nous a dit que les restrictions au commerce entre Israël et les territoires étaient ce qui faisait essentiellement problème. Toutefois, le sénateur De Bané et d'autres ont dit qu'ils aimeraient que l'augmentation des échanges soit l'un des objectifs de cet accord en particulier. Cet amendement enlèverait toute valeur à cet argument. Je ne comprends pas comment, d'une part, il cherche à favoriser les échanges commerciaux entre les territoires et Israël, de manière que les Palestiniens puissent se sortir de leur marasme économique et, d'autre part, il propose des limites qui, en fait, entraveraient le libre-échange entre les territoires et Israël vis-à-vis du Canada. Cela semble incompatible et par conséquent, je suis contre son amendement.

Le sénateur Bacon: Nous ne sommes pas ici pour renégocier l'accord. L'accord a été négocié et accepté. Nous sommes ici pour adopter le projet de loi or, en adoptant l'amendement, nous modifierions l'accord. Je ne peux pas voter pour modifier un accord qui a été accepté par toutes les parties.

Le président: Honorables sénateurs, je propose maintenant de passer au vote.

Le sénateur Bacon: Je suis parfaitement d'accord avec le sénateur Andreychuk, à savoir que le comité devrait donner un avertissement au gouvernement dans le même style que l'amendement proposé par notre collègue, sans toutefois approuver un amendement à l'accord.

Le sénateur De Bané: J'aimerais faire une brève observation à mon honorable collègue, le sénateur Grafstein. Je ne comprends pas la logique de son argument qui se résume essentiellement à ceci: si vous voulez un libre-échange entre les territoires occupés et Israël proprement dit, il suffit que le Canada signe un accord de libre-échange avec Israël. Ainsi exprimé, cela équivaut à un faux raisonnement. J'ai terminé.

Le président: Tous ceux en faveur de l'amendement du sénateur De Bané?

Nous en avons deux.

Tous ceux opposés?

C'est un vote à main levée. Tous ceux en faveur de l'amendement du sénateur De Bané, levez la main.

Deux.

Tous ceux opposés à l'amendement proposé, levez la main.

Trois.

L'amendement est rejeté par trois voix contre deux.

Le sénateur Andreychuk: Je tiens à dire que j'ai du mal à accepter que l'amendement ait été jugé recevable. J'aimerais que l'on m'explique les conséquences de la recevabilité de cet amendement en matière de procédure. Comme aucune explication n'a été donnée, je tiens à ce que l'on prenne note du point que je soulève.

Le sénateur Bacon: Ne devrions-nous pas faire part de ce point?

Le sénateur Andreychuk: Je crois que nous pouvons le faire dans nos discours.

Le président: Oui, vous pouvez le faire à l'étape de la troisième lecture.

La question qui se pose maintenant est la suivante: les articles 7 à 41 du projet de loi sont-ils adoptés? Les articles 7 à 41 doivent-ils faire partie du projet de loi? D'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté. Le sénateur De Bané proposera maintenant d'ajouter un nouvel article après l'article 41.1. Sénateur De Bané?

Le sénateur De Bané: Monsieur le président, je propose:

Que le projet de loi C-61 soit modifié par adjonction, après la ligne 14, page 21, du nouvel article 41.1 qui suit:

«41.1. La même loi est modifiée par adjonction, après l'article 2.2 de ce qui suit:

2.3 Pour l'application de la présente loi, «Israël» s'empare du territoire de l'État d'Israël tel qu'il existait le 4 juin 1967 et ne comprend aucun territoire extérieur.»

Cela dit, je ne répéterai pas les mêmes arguments, mais j'aimerais que le sénateur Andreychuk réfléchisse à ce qui suit. Les États-Unis signent des traités internationaux. Lorsque le Congrès veut renoncer à son pouvoir d'amender un projet d'accord, il doit recourir à une procédure accélérée et l'exécutif doit s'entendre avec lui pour qu'il conclue cet accord avant une certaine date. Autrement, le Congrès a le droit de l'examiner article par article et de le modifier. L'honorable sénateur a déclaré qu'elle a du mal imaginer que le parlement, l'institution suprême d'un pays, puisse modifier un projet d'accord commercial. Nous avons l'exemple de notre voisin du Sud et cela prouve l'inverse. Pour que le parlement renonce d'avance à son droit de modifier un projet d'accord commercial, il faut que la mesure soit exceptionnelle, mais nous ne sommes qu'une simple machine à voter.

Le sénateur Andreychuk: Je n'ai pas dit que nous n'avions pas le droit d'apporter des modifications ni que nous étions une simple machine à voter. Bien au contraire, nous avons le droit de dire non. Nous n'avons pas de mécanisme parlementaire en ce qui a trait à une procédure accélérée, mais nous le devrions peut-être. Nous devrions peut-être aussi nous doter de certains mécanismes étant donné que nous signons de plus en plus de ces accords internationaux. C'est la raison pour laquelle je m'abstiens de voter. Je ne suis pas certaine de la façon dont on s'y prend pour participer à des débats de ce genre, débats auxquels nous devrions peut-être participer. J'en reste là.

Le président: Puis-je suggérer que nous allions tous réfléchir chez nous à la constitution américaine vu qu'elle renferme une disposition spéciale sur les traités. Nous pourrions aussi réfléchir aux travaux du Sénat des États-Unis qui s'y rapportent. La Constitution canadienne ne contient pas de disposition de ce genre.

Le sénateur Whelan: Il m'est arrivé à l'occasion de suivre de très près la procédure accélérée et, aux États-Unis, cela signifie contourner la constitution.

Le sénateur Bolduc: Pas du tout.

Le président: Je ne crois pas que nous devrions consacrer trop de temps à l'étude de la constitution américaine pas plus qu'aux procédures suivies.

Le sénateur Stollery: Je suis d'accord avec vous, monsieur le président. Nous ne voulons pas revenir sans cesse sur Woodrow Wilson et la Ligue des Nations. Cependant, je ne crois pas que ce soit si compliqué. Je veux dire par là que nous avons devant nous le projet de loi. Si vous n'aimez pas l'accord, il faut alors voter en faveur de la motion du sénateur De Bané. Si vous ne voulez pas vous débarrasser de l'accord, votez alors contre la motion. Il n'y a pas de mystère. Vous prenez tout simplement votre décision et vous votez pour ou contre la motion.

Le sénateur De Bané: Avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord avec l'observation qu'a faite mon collègue le sénateur Stollery. Je ne suis pas contre cet accord. Je m'oppose à ce que nous enlevions toute lueur espoir aux Palestiniens. Je ne suis pas contre le libre-échange avec Israël. Cependant, nous devons imposer des limites à un accord de libre-échange avec un pays qui refuse de dire quelles sont ses frontières. En acceptant cet accord, nous donnons notre bénédiction et nous disons que l'accord s'applique à n'importe quel territoire conquis en contravention du droit international. Je ne veux pas nécessairement rejeter le projet de loi ni enlever l'espoir aux Palestiniens et c'est, à mon avis, ce que nous faisons.

Quant à mon collègue, le sénateur Grafstein, qui dit que les pays arabes ne se sont pas opposés officiellement, il a tout à fait raison. De nombreux témoins nous ont dit la même chose et je me souviens avoir entendu M. Ron MacDonald dire que personne ne s'est officiellement opposé. C'est vrai. À cet égard, je ne dirai qu'une chose. Ce n'est pas parce que le peuple juif n'a pas protesté ouvertement pendant plus de 20 siècles que l'on nierait qu'il a été persécuté. Cependant, il y a une différence entre ne pas avoir reçu d'objections officielles et dire que ce projet de loi est juste pour le peuple arabe qui vit dans les territoires arabes. Sa position est à ce point faible qu'il ne peut protester contre cet accord conclu avec le Canada qui a été si généreux à son endroit au fil des ans. Cependant, nous ne devrions pas conclure, parce qu'il ne proteste pas, qu'il souscrit au projet de loi.

Le sénateur Grafstein: Le sénateur De Bané sait peut-être des choses que nous ignorons, mais d'après ce qu'ont dit les témoins, y compris le ministre et le secrétaire parlementaire, les autorités palestiniennes ne se sont pas opposées à l'accord. Après de longues discussions, elles ont plutôt exigé un échange de lettres qui mènerait à une relation bilatérale avec le Canada. C'est l'interprétation que je donne aux propos du ministre, du secrétaire parlementaire de même que des hauts fonctionnaires. Ils ont l'intention de satisfaire cette exigence le plus rapidement possible. Je n'ai certes aucune objection à cette proposition. Je crois que le Canada y trouverait son compte de même que l'Autorité palestinienne et l'État d'Israël.

Monsieur le président, je crois que l'évidence saute aux yeux en ce qui à trait à cette question. Je le répète, si cet amendement est adopté, nous disons en fait que nous nous opposons à cet accord. Si c'est le choix du comité, qu'il en soit ainsi. Ce n'est certes pas le mien. Je ne crois pas que ce soit le choix du Canada pas plus que celui des gens d'affaires du Canada et d'Israël. Ce n'est pas non plus le choix des autorités palestiniennes ni des gens d'affaires en Palestine.

Le sénateur Whelan: Ce qui m'inquiète au sujet du vote sur l'amendement du sénateur De Bané, c'est ce que j'ai entendu dire ici sur l'iniquité de cet accord.

Le président: La question porte sur l'amendement proposé par le sénateur De Bané. En voici le libellé:

Que le projet de loi C-61 soit modifié par adjonction, après la ligne 14, page 21, du nouvel article 41.1 qui suit:

«41.1. La même Loi est modifiée par adjonction, après l'article 2.2, de ce qui suit:

2.3 Pour l'application de la présente loi, «Israël» s'entend du territoire de l'État d'Israël tel qu'il existait le 4 juin 1967 et ne comprend aucun territoire extérieur.»

Que les sénateurs qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien lever la main.

Le sénateur De Bané et le sénateur Whelan.

Que tous ceux qui s'opposent à l'amendement veuillent bien lever la main. Il y en a trois.

L'amendement est rejeté à trois contre deux.

La question est maintenant de savoir si les articles 41 à 62 du projet de loi doivent continuer à en faire partie?

Des voix: D'accord.

Le sénateur De Bané: Avec dissidence.

Le président: Adopté avec dissidence. L'annexe doit-elle continuer à faire partie du projet de loi?

Des voix: D'accord.

Le président: Doit-on adopter le titre?

Des voix: D'accord.

Le président: Doit-on adopter le préambule?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté. Le titre abrégé, l'article 1, doit-il continuer de faire partie du projet de loi?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté. Puis-je faire rapport du projet de loi tel que l'a adopté le comité?

Le sénateur De Bané: Avec dissidence.

Le président: Adopté, avec dissidence?

La séance est levée.


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