Aller au contenu
AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 19 - Témoignages - Séance de l'après-midi


VANCOUVER, le mercredi 5 février 1997

Reprise de la séance.

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui, à 14 heures, pour examiner, afin d'en faire rapport, l'importance croissante de la région Asie-Pacifique pour le Canada, en prévision de la prochaine conférence sur la coopération économique en Asie-Pacifique qui doit se tenir à Vancouver à l'automne 1997, l'Année canadienne de l'Asie-Pacifique.

Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Cet après-midi, nous allons commencer par une table ronde sur les relations nippo-canadiennes. Nous recevons trois éminents invités. Je vais vous les présenter dans l'ordre où ils doivent faire leur déclaration liminaire. Nous commençons par Arthur S. Hara, président de Mitsubishi Canada Limited, qui est également président émérite de la Fondation Asie-Pacifique du Canada. Il y a aussi M. Yozo Yamagata, président de Yamagata Consulting Limited. Troisièmement, nous recevons Tamako Yagai Copithorne. Je crois que Mme Copithorne a longtemps résidé au Japon et qu'elle sera, à ce qu'on m'a dit, très utile au comité.

Monsieur Hara, voulez-vous commencer, s'il vous plaît.

M. Arthur Hara, président de Mitsubishi Canada Limited: Monsieur le président, bienvenue dans notre ville ensoleillée, la porte d'accès du Canada vers l'Asie-Pacifique et le site de la conférence des leaders économiques de l'APEC, en novembre prochain. Je commencerai par un bref aperçu général de la stratégie. Mon collègue à ma droite, M. Yamagata, donnera ensuite des explications plus détaillées. Ma collègue à ma gauche, Mme Copithorne, terminera en abordant les aspects culturels et éducatifs et soulignera que, sans compréhension mutuelle, rien de tout cela ne pourra fonctionner.

Le monde évolue rapidement, vers une économie sans frontières et un marché mondial dans lequel le savoir devient essentiel. La question qui se pose pour le Canada qui, en raison de sa faible population, doit exporter le tiers de son PIB et dépend du commerce international, est de savoir quelles sont les stratégies à adopter pour assurer sa compétitivité internationale. C'est dans ce contexte que je soulignerai que les liens entre le Canada et le Japon ne devraient plus être considérés dans une optique bilatérale étroite. Le défi est plutôt de voir comment les deux pays peuvent coopérer pour conquérir le marché mondial, surtout la région de l'Asie-Pacifique.

L'Asie-Pacifique devient la région économique la plus dynamique au monde et le Canada ne doit pas passer à côté des débouchés qu'elle lui offre. Du point de vue tactique, nous devons accroître nos exportations, mais dans un certain sens, cela revient à fournir du poisson au lieu d'apprendre à pêcher. Je signalerai, à cet égard, que la plupart des investissements directs japonais au Canada ne sont pas dans l'immobilier, mais dans des activités industrielles et manufacturières créatrices de prospérité et d'emplois. Ces investissements sont orientés vers l'exportation plutôt que le marché intérieur, et une proportion de plus en plus forte de la production est exportée vers des pays autres que le Japon.

La composition de ces exportations change également, les ressources naturelles cédant la place à des produits à valeur ajoutée, l'ingénierie et la technologie, et même à l'exportation d'usines. Si je puis apporter une note personnelle, notre société, qui compte 16 coentreprises au Canada, exporte 1,5 p. 100 des exportations mondiales totales du Canada. C'est une des raisons pour lesquelles il faudrait intensifier les efforts afin d'attirer encore davantage l'investissement japonais direct au Canada. Du point de vue stratégique, le Canada devrait contribuer à la prospérité de ces pays, car lorsqu'ils deviennent plus riches, la demande de biens et services augmente et cela stimule un marché d'exportation dynamique à long terme. Nous devrions exploiter la bonne réputation du Canada. Pour favoriser cette prospérité, le Canada devrait investir dans la croissance économique d'un pays, son infrastructure, ses usines, sa technologie et son éducation. Autrement dit, il faut leur montrer à pêcher. Si c'est fait, il est naturel que, lorsque de grands projets ou des débouchés commerciaux se présenteront à l'avenir, le premier pays auquel ils penseront est le Canada.

Un moyen d'y parvenir est peut-être de profiter du programme d'aide publique au développement du Japon. Avec un budget de 12 milliards de dollars US, ce programme fait du Japon le plus important donateur au monde. Quatre-vingt p. 100 de cet argent est réservé à l'Asie-Pacifique et, la plupart du temps, sans lien. Les entreprises canadiennes du secteur de l'ingénierie ou de l'énergie, qui jouissent d'une excellente réputation, ont là une bonne occasion de s'associer à des partenaires japonais pour se prévaloir de ce programme et participer à d'importants projets en Asie-Pacifique. Cela ouvre un marché considérable au Canada.

Le monde se dirige vers une économie mondiale sans frontières et le savoir jouera un rôle de plus en plus primordial dans la compétitivité internationale d'un pays. Pour stimuler le secteur du savoir canadien, je me demande s'il ne serait pas dans l'intérêt du Canada d'établir un «fonds de cerveaux immigrants», dans lequel les immigrants possédant les qualités requises apporteraient, non pas de l'argent, mais leur cerveau et leur savoir, des ingrédients essentiels à la compétitivité à long terme du Canada.

Même si on a souvent tendance à oublier le Japon, ce pays est un facteur crucial dans la formulation de la stratégie du Canada à l'égard de l'Asie-Pacifique. Une étude indique que, si le PIB d'un certain pays d'Asie enregistre une croissance de 10 p. 100, 2 à 3 p. 100 de cette croissance est attribuable à l'investissement japonais. L'économie et la présence nippone dans cette région représentent 75 p. 100 de l'économie totale et l'économie japonaise est également huit fois celle de la Chine. Les dix principaux bénéficiaires de l'aide publique au développement japonaise sont, par ordre d'importance, la Chine, avec 13 p. 100; l'Indonésie, la Thaïlande, l'Inde, les Philippines, le Mexique, le Sri Lanka, le Bangladesh, l'Égypte et le Pakistan.

Le Japon est également le deuxième partenaire commercial du Canada, étant donné que le Canada y exporte autant que vers ses cinq plus grands marchés européens mis ensemble. Voilà pourquoi un partenariat Canada-Japon sera bénéfique pour la stratégie globale du Canada et sa prospérité économique à long terme. Une stratégie Asie-Pacifique sans le Japon serait comme une stratégie nord-américaine sans les États-Unis.

M. Yozo Yamagata, membre, Conseil consultatif canadien, Marsh & McLennan Ltd.: Monsieur le président, honorables sénateurs, je parlerai aujourd'hui de la région de l'Asie, y compris le Japon, un secteur qui a connu une croissance économique importante et qui a ainsi attiré l'attention du reste du monde. Je diviserai mon exposé en deux parties avant d'en arriver à mon résumé final. Premièrement, nous examinerons les caractéristiques du développement économique récent en Asie; deuxièmement, nous examinerons les relations du Canada avec le Japon sur le plan du commerce et de l'investissement. Enfin, nous explorerons quelques solutions pour élargir les débouchés du Canada.

Plusieurs indicateurs économiques montrent pourquoi l'Asie attire actuellement l'attention du monde entier. Ses taux de croissance économique sont exceptionnellement élevés comparés à ceux de l'Europe, des États-Unis et du Japon, la moyenne se situant entre 6 et 10 p. 100, ce qui est très élevé par rapport aux autres pays industrialisés. Il y a également la taille énorme des réserves en devises étrangères de l'Asie.

À la fin de 1996, les réserves totales de devises des pays asiatiques se chiffraient à 666 milliards de dollars US, ce qui représente 43 p. 100 des réserves mondiales totales de 1,560 milliard de dollars. La plus grande part, 209 milliards, revient au Japon, et 89 milliards à la Chine. Notre population compte pour plus de 50 p. 100 du total mondial.

Selon certaines études, d'ici dix ans, le PIB asiatique représentera 27 p. 100 de l'économie mondiale, soit près de 30 p. 100, ce qui fera de l'Asie le plus gros bloc économique au monde, qui surpassera l'Amérique du Nord et l'Europe.

Quelles sont les caractéristiques de la croissance économique asiatique? Quand nous parlons de l'Asie, il ne faut pas perdre de vue son hétérogénéité. L'Asie est assez différente de l'Europe. Chaque pays d'Asie est différent, pratiquement sur tous les plans, que ce soit la langue, la religion, la géographie, le climat, la structure sociale économique, la culture et l'histoire. Nous devons établir des stratégies distinctes pour chaque pays lorsque nous pensons à la commercialisation et à l'investissement.

Même si l'Asie présente des caractéristiques hétérogènes, une chose remarquable qui s'observe dans les économies asiatiques est la croissance du commerce international et de l'investissement international. Le commerce international en Asie, y compris le Japon, se situe actuellement à un niveau de 46 p. 100, soit près de 50 p. 100, ce qui est assez élevé. À titre de comparaison, le commerce asiatique avec les États-Unis est de 23 p. 100. Il y a dix ans, ce chiffre était de 32 p. 100 et le commerce international en Asie n'était que de 33 p. 100. La même tendance peut s'observer en ce qui concerne l'investissement étranger direct. Près de 80 p. 100 de la totalité de l'investissement étranger direct en Chine provient de pays de cette région.

Voyons maintenant le rôle particulier que joue le Japon dans le développement économique de l'Asie. Prenons l'investissement étranger direct japonais, qui totalisait 50,7 milliards de dollars en 1995. Sa ventilation est décrite au Tableau 1. Les États-Unis occupent toujours la première place avec 44 p. 100, mais l'Asie, la deuxième place avec 24 p. 100. Le ratio asiatique a augmenté énormément ces dernières années, comme le montre le Tableau 2.

On remarquera que la période à laquelle les investisseurs étrangers se sont intéressés à l'Asie coïncidait avec celle où les fabricants japonais se sont empressés de transférer leurs activités à l'étranger, et surtout dans des pays d'Asie. L'implantation outre-mer des installations de fabrication avait été déclenchée par une forte montée du yen, à la fin des années 80. Ce transfert visait à profiter des faibles coûts de main-d'oeuvre et des autres facteurs économiques nécessaires pour survivre à la concurrence internationale.

Les industries de fabrication couvraient une vaste gamme de secteurs allant du textile à l'électronique en passant par l'outillage électrique. À la suite de ce mouvement, il y a actuellement un bon nombre de produits japonais pour lesquels le ratio de fabrication à l'étranger est très élevé; par exemple, pour des produits comme les téléviseurs couleur, les machines à laver électriques et les ventilateurs électriques, ce ratio peut atteindre 70 à 80 p. 100.

Le Tableau 3 porte sur les secteurs de la fabrication et autres et, pour le secteur de la fabrication, le ratio de l'Asie surpasse actuellement celui de l'Amérique du Nord avec 43 p. 100 contre 40 p. 100. Pendant des années, c'était l'inverse.

Cette tendance à l'implantation étrangère des usines japonaises a suscité des inquiétudes au Japon. Cette implantation étrangère qu'on appelle en japonais sangyo kuudooka, permettait aux fabricants japonais d'accroître leur propre compétitivité et de préserver leur part du marché en Asie et dans d'autres pays comme les États-Unis. En même temps, elle contribuait au développement économique des pays d'Asie, qui ont adopté une politique de libre marché et ont favorisé l'investissement étranger. Cette croissance de l'investissement étranger direct en Asie a également modifié les échanges commerciaux dans la région, comme on peut le voir au Tableau 4.

Les exportations du Japon vers l'Asie ont connu une expansion phénoménale à compter de 1990. Elles se sont accrues chaque année jusqu'en 1996, surtout sous la forme de biens d'équipement. En conséquence, l'Asie du Sud-Est a surpassé les États-Unis en tant que principal marché d'exportation du Japon depuis 1991. En 1995, l'Asie du Sud-Est représentait près de 40 p. 100 de ce marché, contre 27 p. 100 pour les États-Unis. Pendant de nombreuses années, les États-Unis ont été le principal marché, mais la situation a changé.

La balance commerciale excédentaire du Japon a beaucoup progressé en Asie, surpassant celle des États-Unis depuis 1992, année à compter de laquelle la balance commerciale excédentaire du Japon a commencé à diminuer, ce qui a atténué les pressions des États-Unis. Les tensions commerciales se sont relâchées, si vous voulez.

Les exportations de biens d'équipement vers les pays asiatiques ont augmenté davantage que les importations de produits finis au Japon dont la balance commerciale est donc favorable par rapport à l'Asie.

Pour conclure, nous pouvons dire qu'en transférant leurs usines à l'étranger, les fabricants japonais ont, accessoirement, fait correspondre le besoin de développement économique rapide de leur secteur avec la croissance du commerce dans la région.

Jusqu'ici, nous avons vu combien le développement économique de l'Asie avait été exceptionnel. On dit que l'Asie poursuivra sa croissance à un rythme beaucoup plus rapide que les autres blocs commerciaux et que le XXIe siècle est le siècle de l'Asie. Même si personne ne doute que l'Asie est une région économique qui continuera à connaître un essor rapide au cours des prochaines décennies, il serait trop optimiste de s'attendre à ce que les économies asiatiques continuent de croître au même rythme exceptionnellement élevé que ces dernières années. Plusieurs indicateurs défavorables se manifestent déjà dans pratiquement tous les pays asiatiques. Les exportations ont commencé à décroître, la balance commerciale s'est dégradée et les prévisions de croissance ont fléchi de 2 p. 100.

D'un autre côté, il ne faut pas perdre de vue les problèmes structurels inhérents aux pays asiatiques, notamment sur le plan de l'infrastructure, de la formation inadéquate de la main-d'oeuvre, du bas niveau de technologie, des marchés des capitaux, de la hausse des coûts, surtout des salaires qui augmentent constamment, de la capacité excédentaire de certaines usines, des écarts régionaux dans les niveaux de revenu du développement économique et de la corruption.

J'en arrive maintenant à la deuxième partie des relations du Canada et du Japon sur le plan du commerce et de l'investissement. Si j'ai choisi le Japon, c'est en raison du rôle crucial qu'il joue dans le développement économique de l'Asie et parce que le Japon est déjà le deuxième partenaire commercial du Canada.

Le volume des échanges commerciaux entre le Canada et les pays asiatiques reste relativement faible. Il est de 5 p. 100 pour les exportations et de 8 p. 100 pour les importations, pour l'ensemble des pays d'Asie, sauf le Japon. Parmi les pays d'Asie, le Japon représente environ 5 p. 100 de la totalité des exportations et des importations canadiennes. Cela le place au deuxième rang, derrière les États-Unis. La part du Japon est relativement limitée par rapport à celle des États-Unis, mais le Japon est quand même un partenaire commercial important pour le Canada étant donné qu'en plus de se classer au deuxième rang, il est un acheteur important de ressources naturelles stratégiques du Canada comme le charbon, le bois d'oeuvre, la pâte à papier, les céréales et oléagineux, le poisson et les denrées alimentaires. Le ratio commercial du Japon est beaucoup plus élevé dans certaines provinces, comme la Colombie-Britannique, où il atteint 25 à 30 p. 100.

Où se situe l'investissement étranger direct japonais au Canada par rapport à celui des États-Unis? En 1995, près de 45 p. 100 de l'investissement étranger direct japonais est allé aux États-Unis, mais seulement 1,1 p. 100 au Canada, comme on peut le voir au Tableau 2. Si nous comparons la taille de l'économie des deux pays, l'économie canadienne étant environ dix fois plus petite que l'économie américaine, le Canada devrait recevoir 4 à 5 p. 100 de l'investissement étranger japonais total. Cette part de 1,1 p. 100 est donc beaucoup plus faible qu'elle ne devrait l'être. La part du Canada a constamment diminué, tombant de 1,6 p. 100 en 1993, à 1,2 p. 100 en 1994 et à 1,1 p. 100 en 1995, tandis que celle des États-Unis a constamment augmenté au cours de la même période, passant de 40,8 p. 100, à 42,1 p. 100, puis à 44,1 p. 100.

Pourquoi l'investissement japonais au Canada diminue-t-il alors qu'il reste stable à l'échelle de l'Amérique du Nord? Comment les Japonais considèrent-ils le Canada comme destination pour leurs investissements? À mon avis, plusieurs raisons peuvent expliquer cette disparité. Il y a d'abord le marché. Le Canada compte près de 30 millions d'habitants, ce qui n'est pas nécessairement un petit marché. Cependant, la population est éparpillée sur le plus grand territoire au monde, ce qui signifie une inefficience économique pour le regroupement de l'investissement.

La deuxième raison est le facteur coût. Le Canada possède d'abondantes ressources naturelles sous la forme de matières premières industrielles assez économiques et l'infrastructure est adéquate, mais les coûts de main-d'oeuvre ne sont pas faibles par rapport aux normes internationales, même si la qualité est très élevée.

La troisième raison se situe sur le plan environnemental. L'image du Canada est celle d'un lieu de vacances offrant de beaux paysages naturels, au coeur duquel se trouvent les Montagnes rocheuses et les chutes du Niagara. Le Canada, qui est considéré comme un lieu de tourisme où l'on cherche surtout à protéger l'environnement, n'est pas vu comme un bon emplacement pour le développement industriel et commercial.

La quatrième raison est une politique et une législation manquant de continuité. Le Canada est considéré comme un pays démocratique occidental avancé et bien discipliné, ainsi qu'un pays stable sur le plan politique. Cependant, la politique et la législation industrielles peuvent changer du jour au lendemain lorsqu'il y a un changement de gouvernement au niveau provincial, surtout en ce qui concerne la protection de l'environnement et la législation du travail. Les investisseurs sont naturellement assez sensibles à la législation du travail et aux lois sur la protection de l'environnement. Ces dernières années, par exemple, il y a eu l'annulation du projet de mine de cuivre de Windy Craggy, du projet Kemess et du projet Alcan de centrale hydro-électrique à Kemano.

Compte tenu de ce qui précède, j'aborderai en dernier lieu la façon d'accroître la présence canadienne dans ce marché potentiel et d'élargir nos débouchés. Il peut y avoir plusieurs solutions différentes et mes suggestions concernant les cibles commerciales en Asie consistent à profiter des atouts du Canada, notamment sur le plan de l'infrastructure. L'un des gros problèmes que connaissent les économies asiatiques est l'état sous-développé de leur infrastructure par rapport à la modernisation économique rapide que l'industrialisation récente a entraînée.

Selon les prévisions de la Banque mondiale, l'Asie a besoin d'un investissement de 1 500 milliards de dollars dans l'infrastructure entre 1995 et 2004. Il faut notamment construire des routes, des chemins de fer, des centrales électriques, des barrages et des installations portuaires, des domaines dans lesquels le Canada possède énormément d'expérience, de compétence et de technologie. La collaboration avec les organisations financières est indispensable à cet égard. Il y a là un très grand potentiel pour les entreprises canadiennes.

Deuxièmement, il faut considérer les industries pour lesquelles le Canada possède une technologie supérieure à celle de la concurrence, notamment dans les secteurs de l'ingénierie des pâtes et papiers, de la technologie environnementale, des logiciels micro-électroniques, de la biotechnologie et du tourisme.

Troisièmement, il faut se servir des ressources humaines du Canada. Le Canada possède des ressources humaines d'origines ethniques différentes, particulièrement des orientaux qui ont une connaissance parlée et écrite de leur langue maternelle. Le gouvernement canadien devrait mettre en place des systèmes pour recruter ces ressources humaines et les mobiliser pour des projets asiatiques spécialisés à grande échelle, d'une façon ou d'une autre.

Quatrièmement, il faut renforcer le système de prêts gouvernementaux. Comme je l'ai déjà mentionné, le financement est la clé du commerce des infrastructures. À cet égard, un prêt de la SEE pourrait contribuer de façon cruciale à promouvoir ce commerce si l'on élargissait l'importance des prêts et les conditions d'admissibilité.

Cinquièmement, il faut travailler en collaboration avec des partenaires du Japon ou d'autres pays d'Asie. Le Canada devrait, pour les projets auxquels il peut apporter sa technologie et son savoir-faire, collaborer avec des partenaires asiatiques connaissant bien les entreprises locales telles que les grandes maisons de commerce japonaises qui possèdent une expérience considérable des affaires ainsi que des réseaux opérationnels dans ce secteur.

Enfin, il faut favoriser l'investissement étranger direct. Il est nécessaire de corriger l'image négative ou erronée que de nombreux investisseurs étrangers, tels que les Japonais, se font peut-être du Canada. Par exemple, une des images négatives qu'un bon nombre d'entreprises étrangères se font du Canada est que c'est un pays où les impôts sont élevés par rapport aux États-Unis. Néanmoins, ce n'est pas le cas d'après une étude comparative que Peat Marwick a faite du climat d'investissement aux États-Unis et au Canada. Il y a aussi d'autres facteurs de coûts qui sont plus économiques au Canada qu'aux États-Unis. Il faudrait le faire savoir davantage. Le gouvernement devrait prendre davantage d'initiatives pour favoriser ou soutenir l'investissement étranger.

Mme Tamako Yagai Copithorne, membre, Forum Canada-Japon 2000: Monsieur le président, honorables sénateurs, merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous. Je commencerai par vous présenter un bref résumé des recommandations faites par le Forum Canada-Japon 2000, après quoi j'aborderai certaines des questions que soulève un échange culturel entre le Canada et le Japon.

En mai 1995, le Forum Canada-Japon 2000, composé de membres des deux pays, a formulé 18 recommandations aux deux gouvernements, en vue d'assurer une coopération politique et économique, environnementale et culturelle. Ces recommandations ont été publiées dans le rapport du comité de suivi du Forum Canada-Japon 2000, à temps pour la réunion de Halifax du G-7, en 1995. Ces recommandations prévoient six domaines prioritaires. Comme je n'ai pas le temps de passer en revue la totalité des 18 recommandations, je vous parlerai seulement de ces six domaines prioritaires.

Nous avons d'abord recommandé que les deux gouvernements coordonnent les priorités et prises de position japonaises et canadiennes pour le sommet de Halifax du G-7, en juin 1995, ainsi que pour le forum de l'APEC et le renforcement du rôle de maintien de la paix des Nations Unies.

La deuxième recommandation faite par Forum 2000 portait sur la coopération économique. Nous avons recommandé d'explorer un mécanisme bilatéral de gestion des différends complétant le mécanisme de l'OMC; d'éliminer les irritants au commerce et à l'investissement en ce qui concerne l'accès au marché de l'autre pays; de mieux faire connaître aux exportateurs canadiens les débouchés qui s'offrent à eux sur le marché japonais. Nous avons également recommandé que les deux gouvernements favorisent la participation active du secteur privé au processus de l'APEC tant au Japon qu'au Canada.

Troisièmement, à la suite des progrès du projet bilatéral mixte sur la protection du Pacifique nord, le forum a recommandé que ces projets soient élargis afin de permettre au Japon et au Canada de travailler ensemble dans des pays tiers.

Quatrièmement, dans le domaine culturel, pour intensifier les échanges et élargir la coopération et la collaboration à long terme entre les étudiants, les chercheurs, les éducateurs et les artistes japonais et canadiens, le forum a recommandé que les deux gouvernements s'efforcent de mobiliser les ressources des secteurs public et privé des deux pays en vue de l'établissement d'un fonds de dotation appelé le Fonds Japon-Canada pour la compréhension mutuelle. Le comité du forum a fait là une recommandation importante, pour les raisons que j'énoncerai plus tard.

Cinquièmement, le forum a recommandé de favoriser les échanges par les voies non gouvernementales.

Sixièmement, le forum a recommandé d'établir un mécanisme de dialogue continu appelé Forum Canada-Japon et constitué de dix personnes du secteur privé, cinq du Canada et cinq du Japon, qui seront nommées par les premiers ministres. Le Japon a choisi ses membres, qui sont placés sous la direction de M. Kitamura, ancien ambassadeur au Canada. Les Canadiens seront dirigés par M. Ed Lumley. Les autres membres n'ont pas encore été choisis. Voilà où nous en sommes.

Nous attendons impatiemment la poursuite des travaux du comité Canada-Japon. Cette nouvelle tribune doit se réunir chaque année, au Canada et au Japon, en alternance, pour consolider le partenariat bilatéral entre les deux pays sur le plan de la politique, de la sécurité, de l'économie, de l'environnement et de la culture.

Je recommanderais vivement que ce nouveau forum consulte d'abord, afin de profiter de leur expérience, des forums binationaux semblables qui existent déjà depuis un certain temps. Il s'agit par exemple de la Société d'amitié du XXIe siècle, Japon-Chine, qui a été constituée en 1984, du Forum Japon-Grande-Bretagne 2000, établi en 1984, du Forum Japon-Corée, établi en 1993, du Forum de dialogue Japon-Allemagne, établi en 1992 et du Forum de personnalités éminentes Japon-France, établi en 1995.

J'attirerais maintenant votre attention sur l'importance des échanges culturels entre le Canada et le Japon. Comme l'a souligné M. Hara, nous considérons que la culture est l'élément fondamental qui permet aux deux pays de se développer dans divers domaines et pourtant c'est des politiques économiques, commerciales et touristiques du Canada dont on discute le plus souvent. Il est décevant de voir que le plan d'action du Canada à l'égard du Japon ne couvre que le commerce, l'investissement, le développement de la technologie, mais non pas la culture. J'estime que nous ne prêtons pas suffisamment attention à nos relations culturelles avec le Japon.

Notre gouvernement a déclaré que notre commerce avec le Japon nous permet de créer davantage d'emplois pour les Canadiens, mais pour élargir le nombre d'emplois, nous devons réfléchir plus sérieusement à ce qu'il faut faire. Nous disons que le Canada doit devenir plus concurrentiel sur le marché international, mais formons-nous et éduquons-nous les gens en fonction de cet objectif? Les Canadiens doivent en apprendre plus sur ceux avec qui ils commercent, que ce soit leurs langues, leurs valeurs et leurs cultures, afin de comprendre et d'apprécier les différences. Nous devons commencer par enseigner les langues et les cultures à l'école primaire. Il ne faut pas attendre que les élèves soient âgés de 15 ans. Il faut commencer le plus tôt possible.

Nous devons offrir non seulement une formation spécialisée, mais des débouchés aux diverses catégories de travailleurs, dans divers domaines. Nous devons assurer une formation en milieu de carrière à tous les niveaux. Il faut considérer que l'apprentissage d'une langue et d'une culture font partie intégrante de l'infrastructure, tout comme l'éducation fait partie de l'infrastructure qui assure le fonctionnement d'une société. Nous devons considérer la culture, d'abord comme le fondement d'une relation et pas seulement comme un produit commercial. Pour nouer des relations à long terme, il faut certainement les baser sur la culture.

N'oublions pas les effets importants que la culture a eus sur ceux qui font maintenant des affaires avec le Japon. Un bon nombre de ces personnes -- pas toutes, mais beaucoup -- ont commencé par étudier la langue et la culture du pays et c'est seulement alors qu'elles se sont intéressées de très près au Japon et qu'elles ont commercé avec lui. Dans les relations du Canada avec les régions économiques de l'Asie-Pacifique, la culture est maintenant considérée davantage comme le moyen de parvenir à une fin, et cette fin est le commerce et la croissance économique. Autrement dit, nous nous servons de la culture pour renforcer nos débouchés commerciaux et nos liens économiques.

En 1995, le Vancouver Chamber Choir, l'un des deux choeurs professionnels du Canada et l'un des meilleurs choeurs au monde, a été invité à participer à un grand concours musical au Japon. Je l'ai accompagné et j'ai été ravie de le voir recevoir trois médailles d'or. Cependant, pour que cette organisation obtienne le financement dont elle avait besoin pour se rendre au Japon, le gouvernement a dû rationaliser le système en place. Comme le Japon est une nation commerciale favorisée, c'est la seule raison pour laquelle nous avons pu obtenir un financement du gouvernement fédéral.

Il y a des domaines dans lesquels la culture et le commerce sont bien reliés ensemble. Il ne s'agit pas toujours de choisir entre le commerce ou la culture. Nous n'avons pas toujours à nous demander ce qui doit passer en premier. Il y a des domaines dans lesquels la culture et le commerce s'harmonisent très bien ensemble. Par exemple, l'art commercial et le design commercial sont particulièrement importants pour le commerce. Comme nous le disons lorsque nous expliquons la culture japonaise, une des choses importantes pour les Japonais est que «la forme est la substance». Ce n'est pas seulement la marchandise comme telle qui compte, mais sa présentation et sa décoration. Le design commercial joue un rôle très important dans l'exportation de produits vers le Japon. C'est un des éléments culturels fondamentaux dont il faut tenir compte.

Par exemple, nous devons offrir des produits à valeur ajoutée pour le logement dont la conception est attrayante et qui ne sont pas seulement efficaces et économiques, car nous devons comprendre le sens de l'esthétique des Japonais et ce qu'ils trouvent beau. C'est un aspect très important de la culture sur lequel nous devrions centrer notre attention. Il y a divers biens culturels que nous devrions examiner, tels que les livres d'images pour enfants. Dans les foires internationales du livre d'enfant, on voit que le Canada produit de très beaux livres d'images. Il y a aussi la mode canadienne qui présente des motifs et des dessins d'art autochtone. Il y a plusieurs domaines dans lesquels les expressions artistiques de notre pays et le commerce peuvent très bien s'harmoniser.

Nous devons accroître la visibilité du Canada au Japon par l'entremise d'activités culturelles canadiennes. Le Canada doit être davantage connu du Japonais moyen. Pour les activités culturelles de cette année, l'Année canadienne de l'Asie-Pacifique s'intéresse à l'Asie, mais uniquement au Canada. Cela m'a un peu déçue. Nous aurions dû essayer d'intéresser davantage les Japonais au Canada en trouvant des façons plus novatrices de les rejoindre et pas seulement les adultes, mais aussi les enfants.

Le Japon est une société orientée vers les enfants. En rejoignant les enfants, nous pouvons certainement rejoindre leur famille et les adultes en général alors qu'en centrant nos efforts uniquement sur les adultes, nous constatons que bien des choses s'arrêtent à leur niveau. Par exemple, les Japonais recherchent activement de bons outils d'apprentissage de l'anglais et un certain nombre d'organismes du Canada sont désireux de produire des outils d'apprentissage de l'anglais pour les enfants japonais.

Il faudrait également songer à exporter la culture enfantine qui comprend la musique, le théâtre et les sports. Une foire commerciale n'est pas la seule façon de faire connaître le Canada aux Japonais. Il y a diverses façons novatrices de familiariser les Japonais avec la culture canadienne. Les journalistes et écrivains des deux pays devraient écrire et nous devrions lire. Nous devrions certainement envoyer davantage d'artistes et d'expositions là-bas.

Le multiculturalisme du Canada est certainement très attrayant pour les Japonais. Le 29 novembre 1996, pendant la visite du premier ministre au Japon, un grand journal japonais, Asahi, a publié un article de fond sur le multiculturalisme canadien. Il en a peint une image très positive et très admirative en se demandant ce que les Japonais pouvaient apprendre du Canada. Cet article s'intitulait: «Que devons-nous apprendre du Canada?» Les Japonais prêtent donc attention à ce que nous faisons. Il est intéressant de constater que, dans ce cas, il n'a pas été question des relations commerciales; le Japon s'intéresse certainement au Canada, mais surtout sur le plan humain, culturel et éducatif.

Nous avons absolument besoin de plus d'activités culturelles entre le Canada et le Japon, de plus de coproductions dans le domaine du cinéma, de plus d'efforts sur le plan de l'édition, des traductions et des manuels scolaires. Nous devons promouvoir les domaines où une collaboration binationale et biculturelle existe déjà, comme à l'égard des trésors de l'art japonais qui se trouvent au Canada. Par exemple, je connais particulièrement les cartes du XVIIe, XVIIIe et du début du XIXe siècles dessinées par des cartographes et artistes japonais et asiatiques, parce qu'il y a au Canada environ 450 merveilleuses cartes du Japon, tracées par des Japonais de cette période. On considère que c'est là une des meilleures collections du genre au monde et elle se trouve au Canada.

Nous devrions organiser une foire au Japon, n'importe quoi pour attirer l'attention et la participation des Japonais. Il y a bien des domaines dans lesquels cela existe déjà. Un autre exemple dans le domaine des arts est celui des compositions musicales et des compositeurs. Par exemple, R. Murray Schafer et le regretté Toru Takemitsu, qui a reçu le prix Glenn Gould l'année dernière, ont collaboré à un certain nombre d'oeuvres musicales. C'est là un merveilleux exemple de collaboration entre le Canada et le Japon, mais les gens ne seront pas au courant de ces faits, tant que nous n'aurons pas vraiment cherché à les faire connaître dans les deux pays.

Une dernière chose importante que je voudrais dire est que, lorsque nous invitons les Japonais à venir au Canada, il ne faut pas centrer ses efforts uniquement sur les grandes villes. Nous avons remarqué que, lorsque nous nous livrons à des activités culturelles, il est beaucoup plus facile de dépenser un montant x d'argent dans un secteur au lieu de le répartir dans l'ensemble du pays, mais à long terme, une diffusion plus large est beaucoup plus efficace. Pour vous donner un exemple, «Today's Japan» est un grand événement culturel qui a eu lieu à Toronto, en 1995; c'était une importante manifestation, mais elle ne nous a pas touchés à Vancouver ou dans les autres villes du pays. En tant que pays hôte, le Canada doit faire comprendre aux Japonais qu'il a une forte autonomie régionale et qu'un grand événement organisé à Toronto n'aura pas vraiment de répercussions dans le reste du pays. Toronto vis-à-vis du reste du Canada n'est pas comme Tokyo vis-à-vis du reste du Japon; par conséquent, lorsque nous organisons des activités culturelles, nous sommes très conscients de cette autonomie régionale et cela n'a pas beaucoup de répercussions dans le reste du pays.

Par conséquent, comme dans d'autres domaines, il faut que les organismes publics et privés des deux pays assurent une plus grande coordination entre les diverses régions du Canada, surtout pour nos échanges culturels.

Le président: Avant de passer à ma liste, j'ai une question à vous poser, madame Copithorne. J'ai été élevé en Nouvelle-Écosse où il y avait beaucoup d'échanges entre cette région du pays et les États-Unis. Je le précise afin que vous compreniez le contexte de ma question.

J'ai l'impression qu'un des problèmes qui empêchent l'appréciation culturelle que vous souhaitez voir entre le Canada et le Japon est que de nombreux Canadiens se laissent séduire par ce que j'appellerais le magnétisme culturel des États-Unis. Quelle que soit la qualité de cette culture, elle attire énormément les jeunes Canadiens. Je vous vois hocher la tête. Je me demande comment nous pouvons établir d'autres pôles d'attraction pour contrebalancer ce puissant magnétisme en provenance du sud de la frontière.

Mme Copithorne: Vous voulez dire par rapport au Japon?

Le président: Oui, par rapport au Japon.

Mme Copithorne: Cette attirance est inévitable au Japon. Combien de fois entendons-nous parler de l'Amérique ou des États-Unis? Le mot «Amérique» désigne les États-Unis. C'est un phénomène mondial et international. Davantage de gens vont étudier aux États-Unis. Il y a là-bas davantage d'occasions de faire de la recherche et d'étudier.

Le Canada doit accroître les possibilités qui sont offertes aux Japonais. Nous devons multiplier les occasions de parler du Japon, de l'expliquer et de le présenter aux Canadiens. Nous en sommes encore à un stade très élémentaire. Nous n'avons pas fait suffisamment d'efforts pour attirer l'attention sur le Japon et nous n'avons pas suffisamment de débouchés au Japon.

Le sénateur Carney: Mes questions s'adressent à M. Hara et M. Yamagata. Comme bien des gens s'intéressent au domaine culturel et qu'ils reviendront sur ce sujet, je voudrais parler du fait que la part du marché des États-Unis augmente tandis que celle du Canada diminue au Japon.

Quand j'étais ministre du Commerce international, j'ai fait plusieurs voyages au Japon pour essayer de faire valoir qu'en vertu de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, le Canada était un lieu au moins aussi bon et sans doute meilleur que les États-Unis pour investir, en soulignant nos frais de main-d'oeuvre et certains des facteurs que vous avez mentionnés, monsieur Yamagata. L'accès au marché était le même avec l'ALÉ. À bien des égards, nos frais de main-d'oeuvre étaient plus bas du fait que notre productivité était plus élevée.

Je sais que Anne de Green Gables, les Montagnes rocheuses et les chutes du Niagara sont les trois principales images que l'on se fait du Canada au Japon. Whistler figure maintenant sur cette liste. J'ai eu droit à beaucoup de courtoisie, de nombreux sourires et très peu de succès, comme ces chiffres l'indiquent. Je trouve très décourageant qu'on ne nous reconnaisse pas à notre juste valeur. Nous sommes plus intéressants que les États-Unis pour l'investissement japonais et je ne vois pas pourquoi nous n'arrivons pas à le faire comprendre. Vous nous avez cité certains facteurs, mais ils s'appliquent autant aux États-Unis qu'à nous.

Monsieur Hara, il y a des années, vous avez dit une chose qui m'a paru très juste. Vous avez dit qu'une des raisons du peu de succès des Canadiens au Japon est que nous pensions toujours: «Voilà ce que nous fabriquons, à vous de l'acheter».

M. Hara: «Voilà ce que nous fabriquons, c'est à prendre ou à laisser».

Le sénateur Carney: Vous l'avez dit mieux que moi. Le fait est que d'autres pays demandent au Japon: «Que voulez-vous que nous fabriquions pour vous?» Est-ce toujours vrai? Nous avons réalisé d'énormes progrès en ce qui concerne la transformation des aliments. Nous avons diversifié notre marché au Japon. Je me souviens d'avoir entendu notre ambassadeur dire que les Japonais se servaient d'huile de canola pour faire la cuisine. Nos ventes de logiciels ont augmenté énormément. Nous nous sommes diversifiés. Je ne comprends toujours pas pourquoi la part du marché américain croît tandis que la nôtre rétrécit alors que les obstacles que vous énumérez s'appliquent autant aux États-Unis qu'au Canada. Pourriez-vous nous en dire plus? C'est un gros problème pour nous.

M. Hara: Sénateur, je répondrai d'abord à votre dernière question: pourquoi la part du marché du Canada diminue-t-elle au Japon?

Nous comptons, au nombre de nos entreprises, 16 entreprises en participation et nous exportons 1,65 p. 100 des exportations totales du Canada. Souvent, un fabricant va dire: «Voilà ce que nous fabriquons; c'est ce qui se vend aux États-Unis et c'est ce qu'on doit nous acheter». Nous essayons de lui expliquer qu'il doit modifier ses produits pour le marché japonais, car le consommateur japonais, et surtout la ménagère, est l'acheteur le plus exigeant et le mieux informé au monde. Même s'il y a un petit défaut caché sous l'emballage, la Japonaise n'achètera pas. Il faut prêter attention à ce souci du détail. Nous devons lutter contre cette mentalité et apprendre aux fabricants qu'une fois qu'ils se taillent une place sur le marché japonais et qu'ils font connaître leur marque, la demande est énorme, mais qu'il y a cette étape initiale à franchir. L'une des raisons est que nous avons un énorme marché au sud de la frontière, mais que si vous voulez prendre de l'expansion sur le marché japonais, vous devez faire en sorte que votre produit corresponde aux goûts japonais.

Le deuxième obstacle que nous avons constaté est que, si les fabricants veulent élargir leur ligne de produits, il leur est souvent difficile d'obtenir des capitaux. Si nous jugeons que le produit est bon, notre entreprise le finance. Je ne pense pas que ce soit la bonne chose à faire, car si notre entreprise le finance, le fabricant n'est pas indépendant. Il doit être indépendant, mais nous le faisons parfois.

Le sénateur Carney: L'industrie forestière a changé ses normes et produits pour le marché japonais. Qu'est-ce que les Américains font de plus que nous? Pourquoi leur part du marché grossit-elle tandis que la nôtre rétrécit?

M. Hara: Pour ce qui est du bois d'oeuvre, nous avions, dans l'île de Vancouver, une scierie en participation, qui a été la première à obtenir la normalisation JAS. Grâce à ce sceau d'harmonisation, le produit n'avait pas à être inspecté au Japon, mais il pouvait être inspecté en Colombie-Britannique et avoir quand même accès au Japon. Si nous l'avons obtenu, c'est parce que nous ne vendions pas des «deux par quatre», la dimension nord-américaine. Les dimensions doivent être adaptées au marché japonais. Également, s'il y a des noeuds dans le bois, le produit n'est pas acceptable.

Le sénateur Carney: Il y a de plus gros noeuds dans le bois d'oeuvre américain, car ce bois n'est pas aussi bon que le nôtre. C'est un fait, comme le sénateur Perrault vous le dira.

Le sénateur Perrault: Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Carney: Pourriez-vous nous dire ce que les Américains font de plus que nous? Leur part du marché grossit tandis que la nôtre rétrécit, et pourtant les facteurs dont vous parlez s'appliquent autant à eux qu'à nous. Pourquoi obtenons-nous des marques de politesse, mais moins de commandes?

M. Hara: Ma propre entreprise exporte à la fois des États-Unis et du Canada et nous exportons autant à partir de la Colombie-Britannique que de l'État de Washington.

Le sénateur Perrault: Le pacte de l'automobile entre le Japon et les États-Unis y est-il pour quelque chose?

M. Hara: Non.

Le sénateur Perrault: Cela n'a aucun effet sensible?

M. Hara: Non, il n'y a aucun lien, car au Japon ces industries sont distinctes et il n'y a pas beaucoup de coopération entre les deux.

Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question quant à l'investissement japonais au Canada, 36 États américains ont des bureaux à Tokyo qui essaient constamment d'attirer l'investissement japonais. Ils le font quoi que puisse dire le gouvernement fédéral à Washington; les efforts se font donc à deux niveaux. Le Canada en fait-il autant pour attirer l'investissement japonais? Ces 36 États qui ont des bureaux à Tokyo font venir des investisseurs japonais chez eux et les conduisent dans les dédales de la réglementation pour que toutes les portes leur soient ouvertes. La plupart du temps, quand des investisseurs japonais sont invités au Canada ou dans les provinces, on les laisse trouver seuls leur chemin dans les dédales de la bureaucratie. C'est arrivé plus d'une fois.

Je me souviens d'un investisseur japonais qui est venu à Vancouver et qui est reparti en levant les bras au ciel parce qu'on lui a dit qu'il devait obtenir l'autorisation de 26 bureaux différents au niveau fédéral, provincial et municipal.

Le sénateur Grafstein: Dans quelle province?

M. Hara: La Colombie-Britannique. Une solution serait de mettre en place un mécanisme qui guiderait l'investisseur jusqu'à ce que les portes lui soient ouvertes.

Le sénateur Perrault: Ou de supprimer le dédale.

Le sénateur Carney: La fermeture de B.C. Trade Corporation ou sa limitation irait à l'encontre de cette tendance.

M. Hara: Je ne veux pas me montrer négatif à ce sujet, car le Canada est un bon pays où investir. Nous avons 16 coentreprises au Canada et elles obtiennent de très bons résultats.

Le sénateur Carney: La part des États-Unis augmente tandis que la nôtre diminue.

M. Hara: Comme mon collègue l'a mentionné, vous devez vous adresser à la fois à des ministères fédéraux et provinciaux et si un ministère vous dit: «D'accord, vous pouvez le faire ainsi» l'autre vous dira: Non, vous devez procéder à notre façon». Il y a plus d'un ministère et cela suscite la confusion.

Le sénateur De Bané: Aux États-Unis, la main-d'oeuvre est moins syndiquée qu'au Canada, le taux d'imposition est plus bas que le nôtre et le réseau de transport est plus efficace. Ces trois faits pourraient-ils expliquer pourquoi, tout le reste étant équivalent, les entreprises préfèrent investir aux États-Unis plutôt qu'au Canada?

Comme le sénateur Carney l'a dit, les chiffres sont sidérants. Notre pourcentage de l'investissement japonais au Canada est sans rapport avec notre taille par rapport aux États-Unis.

M. Hara: Vous parlez du ratio de 10 à 1?

Le sénateur De Bané: Ou peut-être de 12 à 1. L'écart est certainement très important. Je me demande s'il n'est pas attribuable au fait qu'un grand nombre d'États américains, comme la Caroline, par exemple, n'ont que 5 p. 100 de travailleurs syndiqués tandis qu'en Ontario et au Québec, le pourcentage est beaucoup plus élevé. Le fait que notre taux d'imposition est plus haut et que notre réseau de transport est moins efficace et plus coûteux explique-t-il également les choses dans une certaine mesure?

M. Hara: Vous avez mentionné les frais de transport. Oui, c'est un facteur, mais c'est déjà un fait établi. On en tient compte lorsqu'on fait une étude de faisabilité. Pour ce qui est des frais de main-d'oeuvre, cela entre dans les frais généraux. Nous avons au Canada 16 coentreprises qui obtiennent de bons résultats.

Le sénateur De Bané: Quand vous tenez compte du taux de change entre les deux devises, l'américaine et la canadienne, et que vous l'ajoutez au facteur de productivité, vous constatez que le travailleur canadien coûte environ 40 p. 100 de plus que l'Américain. S'il coûte moins cher de faire des affaires aux États-Unis, il est bien entendu que vous irez là-bas.

M. Hara: Mais il y a plusieurs facteurs compensatoires. Par exemple, le Canada a une main-d'oeuvre mieux instruite. Si vous vous lancez dans une coentreprise qui est assez complexe, vous allez là où la main-d'oeuvre est bien instruite et c'est le Canada. Je ne pense pas que le Canada soit désavantagé par rapport aux États-Unis sur ce plan.

Le sénateur De Bané: Quelle explication pouvez-vous donner au sénateur Carney?

M. Hara: La population est plus importante et le marché y est plus gros.

Le sénateur De Bané: Les taux d'imposition?

M. Hara: Les taux d'imposition diffèrent d'une province à l'autre, mais on a l'impression qu'ils sont plus élevés au Canada, selon la province. Néanmoins, je considère personnellement que cela entre dans les frais généraux. Il y a d'autres pays où nous pourrions aller, mais nous préférerions être au Canada. Vous devez tenir compte de tous ces facteurs. Chaque pays a ses hauts et ses bas. Si vous voulez faire des affaires dans un pays, vous acceptez ce pays pour ce qu'il est. C'est très simple.

L'autre perception -- et je dis bien «perception» parce que ce n'est pas une réalité -- c'est qu'il y a de graves conflits de travail. C'est là une fausse impression. D'après les chiffres de Statistique Canada, on peut voir que le nombre de grèves n'est pas aussi important que les gens l'imaginent. Mais pour certains, une perception est la réalité. Comment la surmonter?

Le président: Sénateur Carney, puis-je attirer votre attention sur un article de Keith Head et John Ries, de la faculté de commerce et d'administration des affaires de l'Université de Colombie-Britannique qui s'intitule «Rivalry for Japanese Investment in North America». C'est dans un volume publié par Richard G. Harris, The Asia Pacific Region in the Global Economy: A Canadian Perspective. Cela porte sur les conditions du marché du travail et l'accès au marché.

À la page 104 se trouve un tableau très intéressant sur la compétitivité des États et des provinces et la probabilité d'attirer de nouveaux investissements dans l'ensemble du secteur de la fabrication et dans les industries des pièces de véhicules à moteur et des pâtes et papiers. Commençons par les pâtes et papiers. La première province canadienne figure en dixième place et c'est le Québec.

Le sénateur Carney: Sur le plan de la compétitivité?

Le président: Oui, la compétitivité pour ce qui est d'attirer l'investissement. C'est la dixième place à partir du haut. Washington est en première place.

Pour les pièces d'automobile, l'Indiana se classe premier, puis le Michigan, l'Ohio, l'Illinois, le Kentucky, le Tennessee et l'Ontario figure en septième place. Pour passer à l'ensemble de la fabrication, la première province sur la liste est l'Ontario, en 13e place.

Le sénateur Carney: Qui est en tête?

Le président: La Californie. C'est un chapitre très intéressant. Ce n'est peut-être pas tout à fait exact, mais c'est une autre question. Les membres du comité devraient peut-être y jeter un coup d'oeil. J'aurais aimé que nous lisions cela avant la comparution des témoins.

Le sénateur Carney: La Nouvelle-Écosse, votre province, figure-t-elle sur la liste?

Le président: Pour ce qui est des pâtes et papiers, les provinces canadiennes sont d'abord, le Québec, la Colombie-Britannique et ensuite l'Ontario. Nous tombons ensuite au 34e rang, avec Terre-Neuve, qui est suivie de l'Alberta à la 39e place et du Manitoba, à la 48e place. Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse arrivent en 56e place et la Saskatchewan, à la 58e place.

Le sénateur De Bané: Monsieur le président, les trois facteurs que j'ai mentionnés au sujet de la productivité, de la main-d'oeuvre syndiquée et du transport sont cités dans cet article.

Le président: Mais vous remarquerez ce qu'on dit ici. Après avoir mentionné la syndicalisation, on dit: «L'importance de ces facteurs pour les investisseurs japonais est toutefois discutable».

Le sénateur De Bané: Les choses leur ont été plus faciles aux États-Unis en ce sens qu'aucune usine d'automobile japonaise des États-Unis n'est syndiquée. Elles sont toutes non syndiquées.

M. Yamagata: Il y a quand même de très bons investissements japonais au Canada. Il y a notamment le secteur de l'automobile en Ontario. Honda et Toyota ont là-bas de grosses usines et désirent prendre de l'expansion. Honda va passer à une production de 240 000 véhicules environ et Toyota, à peu près 120 000.

L'autre secteur est celui de la pâte à papier. Ce sont deux exemples de succès. Il y a 400 entreprises japonaises qui ont des bureaux un peu partout au Canada, mais la fabrication représente un nombre limité par rapport aux États-Unis. Je pense toujours à 1,1 p. 100 sur 42 ou 45 p. 100. La perception du Canada que se font les Japonais comme destination de l'investissement n'est peut-être pas basée sur la réalité, mais ils considèrent que le Canada est un pays où la fabrication revient très cher. C'est vrai à bien des égards. La qualité est peut-être un des facteurs et les frais de main-d'oeuvre en sont peut-être un autre.

Un rapport récent de KPMG comparait 15 villes de l'Amérique et du Canada, sept ou huit villes dans chaque pays. Dans le cas de la Colombie-Britannique, c'était Langley. Sept facteurs, comme les frais de main-d'oeuvre, le coût de l'électricité, le coût des terrains et la fiscalité ont été comparés. Sur ces sept facteurs, six étaient moins coûteux au Canada qu'aux États-Unis. La comparaison fiscale est très technique et professionnelle et il est difficile de dire où l'impôt est le plus élevé, selon la technique employée. J'ignore si le rapport KPMG est fiable ou non, mais cette étude a été faite.

Pour ce qui est de la fiscalité, les impôts peuvent inclure les avantages sociaux qui constituent les charges sociales de l'entreprise. La conclusion est que la fiscalité est moins lourde au Canada. Il faudrait le faire savoir davantage. Les Japonais se représentent le Canada comme un pays plus coûteux que les États-Unis. Nous avons l'ALÉNA et nous sommes à une époque plus libres et avec moins de frontières. Si tout est moins cher au Canada, pourquoi ne pas implanter une usine au Canada? Les Japonais devraient le faire, mais ils ne le font pas. C'est parce qu'ils ont une fausse perception qui ne correspond pas à la réalité. Il faut corriger cette fausse impression des Japonais.

J'ai mentionné l'uniformité entre la politique industrielle et la législation. C'est un facteur très négatif pour les Japonais. Leur idée générale est que le Canada manque de suite dans les idées. On peut venir ici et obtenir une autorisation, mais cette dernière peut être annulée en tout temps. C'est ce qui se passe, mais les deux parties ont leur propre logique.

Le président: J'allais vous poser la question quand vous avez parlé tout à l'heure des changements dans la politique. Voulez-vous dire surtout au niveau fédéral ou provincial?

M. Yamagata: J'ai mentionné trois cas, les mines Windy Craggy, le projet Kemess et le projet Kemano. Ces projets se situent au niveau provincial. Il y a aussi B.C. Trade. Il y a quatre ou cinq ans, B.C. Trade a ouvert un bureau à Tokyo et un autre dans la région d'Osaka, mais ils sont maintenant fermés. Bien entendu, il y a le problème du déficit qui est très important pour le Canada, mais l'ouverture de ces bureaux a créé une certaine impression puis, au bout de trois ou quatre ans, quand le gouvernement a changé et qu'il a fermé les bureaux, cela a créé une autre impression. Il y a un manque de suite. Nous devons combler cet écart entre la réalité et les impressions.

Le sénateur Perrault: Monsieur le président, sur la première page, j'ai inscrit la mention «Suggestions et idées constructives». On nous a présenté là d'excellentes idées et j'apprécie la comparution de ces témoins. M. Hara a largement contribué à développer les relations entre le Japon et le Canada. Ses efforts ont été héroïques et couronnés de succès.

Je voudrais poser une question à Mme Copithorne. Vous avez parlé de l'importance de connaître un peu la langue et la culture des pays en bordure du Pacifique et je suis entièrement d'accord. Quelles initiatives sont prises en ce sens dans le réseau scolaire japonais? Le Japon a-t-il des leçons à nous apprendre? Y a-t-il beaucoup d'élèves qui apprennent les diverses langues comme le thaï et le malais?

Mme Copithorne: Pour ce qui est de la méthode d'enseignement des langues, je ne recommande pas la façon dont les écoles japonaises enseignent les langues.

Le sénateur Perrault: Il n'y a pas de classes distinctes?

Mme Copithorne: Il y a des écoles privées et des classes spéciales après les heures d'école.

Le sénateur Perrault: Avez-vous un modèle à nous suggérer?

Mme Copithorne: Les classes pendant le week-end? Les Japonais apprennent davantage de la façon dont nous enseignons, ce que nous appelons la communication interculturelle. Il ne suffit pas d'apprendre la langue pour pouvoir communiquer, car vous devez connaître aussi les éléments culturels si vous voulez pouvoir utiliser la langue pour communiquer. Sur le plan de la communication, le Japon apprend beaucoup des modèles nord-américains.

Le sénateur Perrault: Mais vous équipez les jeunes pour qu'ils puissent aller explorer les marchés du Japon à un moment donné?

Mme Copithorne: Oui, et les Japonais viennent en Amérique du Nord étudier comment on se sert de la langue. C'est la meilleure méthode. Nous devrions envoyer davantage de jeunes de chez nous au Japon.

Le sénateur Perrault: Vous parlez d'échanges culturels. Permettez-moi de vous informer que ce n'est pas l'Orchestre symphonique de Vancouver, celui de Toronto ou même le Winnipeg Ballet, mais les Canucks de Vancouver qui iront en camp d'entraînement à Tokyo l'année prochaine. J'espère qu'ils en ramèneront un joueur de défense.

M. Hara: Sénateur Perrault, si vous me permettez une observation, il y a au Canada un programme appelé Co-op Japan. Il a envoyé au départ une douzaine -- maintenant il y en a 20 ou 30 -- étudiants en sciences et en ingénierie de troisième année d'université travailler pendant un an, dans de grandes entreprises du Japon. Ce stage leur sera crédité pour leur troisième année d'études et ils reviendront ici obtenir leur diplôme. Au départ, ces sociétés japonaises hésitaient à accepter ces étudiants, parce qu'elles ignoraient ce qu'elles recevraient. Ce programme a commencé en 1990, mais actuellement la demande dépasse l'offre. Il y a plus d'entreprises japonaises qui veulent ces merveilleux étudiants canadiens en troisième année d'ingénierie et de sciences dans leurs laboratoires et leurs installations qu'il n'y a d'étudiants. Je dis aux gestionnaires de ne pas abaisser leurs normes pour atteindre le quota. Si les normes sont maintenues, ils continueront d'obtenir de merveilleux étudiants. Une étudiante de l'Université Simon Fraser a si bien travaillé au Japon que l'entreprise -- et je peux me vanter que c'est l'une des nôtres -- lui a écrit pour lui dire qu'elle la citerait comme co-auteur d'un document de recherche sur une nouvelle découverte. Ce genre de programme conférera au Canada une excellente réputation.

Le sénateur Perrault: Monsieur Yamagata, vous avez apporté des documents avec vous. Avez-vous des copies supplémentaires de ces statistiques? Je sais que vous avez cité le rapport, mais vous avez également présenté d'autres documents.

M. Yamagata: Oui. Les voudriez-vous?

Le sénateur Perrault: Cela nous serait très utile, car c'étaient d'excellents renseignements.

Le sénateur Grafstein: Les témoins ont souligné en détail les lacunes de notre politique et les impressions que nous donnons. Si je prends la série de problèmes qui existent entre le Canada et le Japon et si j'examine la comparaison des salaires et de la fiscalité, puis les initiatives plus dynamiques que le gouvernement prend par l'entremise des forums privés, du forum japonais et de notre propre plan d'action, je me dis que si nous voulons surmonter ces obstacles perceptuels et politiques, nous devrions négocier activement un accord de libre-échange entre le Canada et le Japon.

Nous sommes en train de négocier un accord de libre-échange avec le Chili. Le libre-échange avec le Japon serait certainement beaucoup plus logique, compte tenu de notre déséquilibre commercial chronique et des structures de coûts au Japon et au Canada. Ce serait là quelque chose de très utile qui réglerait un tas de ces problèmes.

J'ai été intéressé d'entendre un des groupes, le forum, parler d'un mécanisme bilatéral de règlement des différends commerciaux. La raison d'être du premier accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis était précisément d'établir un mécanisme pour le règlement des différends commerciaux sur des bases rationnelles. À part l'OMC qui, comme chacun sait, présente d'énormes lacunes et difficultés, nous n'avons pas de mécanisme de ce genre.

Cela ne porterait-il pas en tête de liste des priorités politiques toutes les questions qui se posent dans les deux pays? S'il s'agissait d'une initiative canadienne, comment serait-elle perçue et acceptée du côté japonais?

M. Hara: Il est très difficile de répondre à cette question. Néanmoins, sénateur, il n'y a pas de problèmes, seulement des défis. Je ne peux pas parler pour le gouvernement japonais. Je suis Canadien.

Le sénateur Grafstein: Je comprends. Je vous demande de répondre en fonction de vos impressions.

M. Hara: D'après l'impression que j'ai du Japon, je ne pense pas que le gouvernement japonais serait prêt à conclure un accord de libre-échange global. Il a pour politique de maintenir une approche multilatérale. Si c'était mieux défini, si vous aviez un mécanisme de règlement des différents binational ou bilatéral ou quelque chose de précis, je sais que cela poserait deux sérieux défis, mais cela pourrait être une solution. Je ne peux pas parler non plus pour le secteur de l'automobile.

Si vous me permettez un retour en arrière, après la Seconde Guerre mondiale, le Japon a traversé trois phases distinctes. La première s'est située au lendemain de la guerre. Les Japonais ont choisi de laisser tomber les industries travaillistiques comme le textile, et elles ont été déménagées à l'étranger. Ils ont décidé de se concentrer sur les industries capitalistiques comme l'industrie sidérurgique et l'industrie automobile. Cette phase prend de moins en moins d'importance et vous remarquerez que les usines d'automobile sont déplacées à l'étranger. Les Japonais en sont maintenant à une phase qu'on peut caractériser comme celle de l'industrie basée sur le savoir.

L'autre problème que connaît le Japon est le vieillissement rapide de sa population. Si je me souviens bien, la population japonaise doit atteindre son apogée en l'an 2007, après quoi elle déclinera graduellement, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de relève. Le taux de natalité au Japon n'est que de 1,4 et c'est encore moins qu'au Canada. Dans ces conditions, où les fabricants d'automobile vont-ils trouver des jeunes travailleurs pour assurer la relève? Cela les incitera-t-il à implanter davantage leurs usines à l'étranger? Si c'est le cas, pourquoi pas au Canada? Le Canada doit attirer les fabricants d'automobile japonais en Ontario, par exemple, pour qu'ils élargissent leurs usines ou en établissent de nouvelles. Tout cela, sans oublier qu'il y a l'ALÉNA ou que nous avons un accord de libre-échange avec les États-Unis.

Le sénateur Grafstein: Monsieur Hara, j'ai commencé par le niveau stratégique, soit l'accord de libre-échange, et j'apprécie que vous soyez passé au niveau suivant, le commerce sectoriel administré. Un secteur à considérer est celui de l'automobile. Le deuxième, pour lequel je pense que le Canada a une affinité naturelle et qui aurait des répercussions positives pour les deux pays, serait le secteur des télécommunications. Le Canada est bien placé dans ce domaine. Il y a aussi le secteur du commerce extérieur. Les produits pharmaceutiques et les produits chimiques représentent un secteur énorme, entièrement à valeur ajoutée, qui peut apporter énormément aux deux pays. Vos groupes pourraient peut-être y songer.

J'espère que, lorsque nous examinerons nos recommandations, nous y réfléchirons sérieusement. Je constate que nous abordons le sujet en simples amateurs. J'espère que d'ici le moment où le président en aura terminé avec nous, nous serons plus que des amateurs.

Nous devons aborder ce domaine en «pensant intelligemment» parce que nous ne pouvons pas satisfaire tout le monde au Canada. Je suis frappé de voir qu'il y a, entre le Japon et le Canada, une affinité naturelle que nous n'avons pas entièrement exploitée, ce que chacun de vous a fait valoir éloquemment à sa façon. Nous n'avons pas encore établi le contact; nos chiffres sont pitoyables; il faut donc faire preuve de volonté politique pour résoudre certains de ces problèmes.

Telles sont les questions tactiques qui me viennent à l'esprit. S'il y en a d'autres que vous pouvez nous suggérer, cela nous serait utile; si cette idée d'un «secteur commercial géré» n'est pas souhaitable, peut-être pourriez-vous nous proposer d'autres solutions. C'est ce que nous recherchons. Nous recherchons des solutions.

M. Yamagata: Je suis d'accord avec M. Hara pour dire que le gouvernement japonais n'a pas pour politique de conclure un accord de libre-échange bilatéral. Pour le moment, il cherche davantage à s'aligner sur le GATT. La présence japonaise est assez élevée dans le commerce et l'investissement asiatiques, mais même si l'on discute actuellement de la possibilité d'un accord de libre-échange asiatique, il ne serait pas réaliste de l'envisager avant dix ou 20 ans. Ce n'est pas que je crois impossible ou peu rentable de conclure ce genre d'accord de libre-échange régional, mais cela prendra du temps.

L'image que les Japonais se font du Canada est que ce n'est pas un bon endroit pour implanter des usines. C'est l'impression générale qu'ont les Japonais. Ce n'est pas justifié. Il y a de nombreuses entreprises japonaises au Canada. Les fabricants japonais d'automobiles et de pièces d'automobile réussissent bien. En Colombie-Britannique, il y a des fabricants de pâte à papier et des producteurs de bois d'oeuvre.

Néanmoins, la fabrication de produits pétrochimiques ou chimiques est très peu compatible avec l'environnement. Nous devons donc nous tourner vers les produits à valeur ajoutée comme les produits pharmaceutiques, la biotechnologie et les logiciels. Nous devrions centrer nos efforts sur quelques bonnes industries et le Canada devrait inviter des entreprises japonaises ou asiatiques à s'établir dans ces secteurs.

J'ajouterais que l'investissement présente deux facettes dont l'une est orientée vers le marché et l'autre vers les coûts. Lorsqu'il y a un marché, l'investissement se fait. S'il y a un endroit où les coûts sont bas, l'investissement s'y rend. À l'heure actuelle, les Japonais s'intéressent surtout à l'aspect coût, mais également à l'aspect marché. Le marché en Amérique du Nord avec l'ALÉNA. Le Canada a une population clairsemée distribuée sur une grande superficie; par conséquent, s'il n'y a pas de frontière entre les États-Unis et le Canada, les Japonais préféreront peut-être le marché plus populeux, et c'est celui des États-Unis. C'est logique.

M. Hara: Monsieur le président, j'ajouterais à ce qu'a dit mon collègue que, tout d'abord, l'expression «commerce administré» n'a pas une connotation très positive au Japon. Il faudrait trouver une autre terminologie. L'expression «échanges sectoriels» serait peut-être préférable.

Pratiquement tout l'investissement japonais direct au Canada, ou dans n'importe quel autre pays, est orienté vers l'exportation. Le premier critère est le marché d'exportation. Le marché intérieur du Canada est accessoire en raison de sa petitesse.

Il y a deux grandes catégories d'activités de fabrication. Il y a d'abord les économies d'échelle, qui tentent d'obtenir le plus bas coût unitaire. Il y a ensuite les économies de gamme où vous avez des lignes de production beaucoup plus limitées, en raison de l'évolution de la technologie. La souplesse que cela vous confère vous permet, quand votre produit, qui est assez perfectionné, devient périmé ou semble devenir périmé, d'être prêt à sortir un nouveau produit.

Il y a des différences entre l'investissement dans les économies d'échelle et l'investissement dans les économies de gamme. Étant donné la population limitée du Canada, nous devrions peut-être concentrer nos efforts sur le deuxième type, la fabrication de produits pour lesquels le consommateur se préoccupe pas tant du coût que de la qualité.

Le sénateur St. Germain: Je tiens à féliciter nos trois témoins de leurs excellents exposés. Je n'en suis évidemment pas surpris, car je connais M. Hara depuis des années et j'ai déjà eu la chance d'entendre M. Yamagata et Mme Copithorne, qui ont clairement fait ressortir les difficultés que le Canada éprouve à se faire valoir.

Il est clair que les Américains ont fait mieux que nous. Trente-six de leurs États ont des bureaux à Tokyo alors que nous n'en avons plus un seul. Il est évident que nous avons été évincés du marché. Néanmoins, M. Yamagata a clairement énoncé ce que nous devons faire pour pénétrer ce marché.

Ma question concerne la culture. Je me trompe peut-être, madame Copithorne, car je ne suis pas expert en la matière, mais n'est-il pas certain que la culture japonaise est définie plus clairement que la culture canadienne? C'est une civilisation plus ancienne. Elle est plus facile à définir. Nous avons plusieurs cultures dans notre pays compte tenu des régions dont on a parlé tout à l'heure. Nous avons notre culture autochtone. Nous avons certainement une culture québécoise et canadienne-française. Les autres cultures sont assez variées. Je suis originaire de l'Ouest, de Winnipeg, mais maintenant que je vis ici, je constate combien il y a de différences d'une région à l'autre.

Dans votre exposé, vous avez dit que l'échange de valeurs culturelles était indispensable pour faire davantage de commerce et établir de meilleures relations avec le Japon. Les Américains se débrouillent très bien alors qu'ils ont également une culture diversifiée. Que devrions-nous faire? Connaissant notre culture, pouvez-vous nous aider à formuler une recommandation quant à la façon dont nous pourrions mieux présenter les choses? La culture japonaise est clairement définie. D'après vous, sachant ce que vous savez de notre pays, comment définissons-nous la nôtre?

Mme Copithorne: J'ai mentionné qu'une des principales recommandations du Forum Canada-Japon 2000 était d'établir un fonds de dotation pour la compréhension mutuelle. Cela exigerait davantage de planification à long terme. Je ne songe pas à des cultures exotiques, mais plutôt au développement des relations culturelles entre le Canada et le Japon sur le plan des échanges éducatifs et culturels. Bien sûr, tout coûte cher, mais il est important d'avoir un fonds pour établir notre planification à long terme. C'est un aspect très important des relations culturelles à l'heure actuelle.

Si vous prenez les relations entre les États-Unis et le Japon, il y a certainement un fonds de dotation États-Unis-Japon des relations académiques et culturelles, qui prévoit un montant considérable sur une longue période, et les relations sont donc en train de se développer. Chez nous, c'est toujours sur une base très ponctuelle et sans planification.

Les gens du secteur culturel et les établissements d'enseignement doivent se réunir pour en discuter. Vous avez dit que la culture japonaise était plus définie, plus ancienne et traditionnelle -- elle distingue clairement ce qui est japonais et ce qui ne l'est pas -- et la situation est effectivement différente de ce qu'elle est actuellement au Canada. Il est très important d'envoyer au Japon l'image de gens ayant des antécédents différents, qui coexistent dans la société au lieu d'envoyer simplement une exposition d'art autochtone, l'Orchestre symphonique de Toronto ou même Murray Schafer. Il faut envoyer l'image du vrai Canada d'aujourd'hui.

Permettez-moi de donner un exemple. Nous comptons présenter une exposition de littérature enfantine canadienne au Japon, à la fin de l'année. Nous voulons montrer aux Japonais comment vivent des gens différents, quelle sorte d'histoires nous racontons et quelles valeurs nous enseignons à nos enfants. Qu'enseignons-nous à nos enfants au sujet des problèmes environnementaux et de la vie en société? C'est très important. C'est ce que les Japonais veulent entendre des Canadiens. Une chose que nous devons faire, c'est demander aux Japonais ce qu'ils veulent savoir sur le Canada.

Un domaine sur lequel les journaux ont mis l'accent était non pas le commerce, mais l'élément humain et multiculturel. Le Japon est une société très monoculturelle et monoethnique. Nous voulons montrer aux Japonais, à partir de notre point de vue multiculturel, un exemple de gens qui vivent ensemble.

M. Hara: Comme vous le savez, le Canada a déjà une merveilleuse institution qui a été établie par le Parlement canadien le 14 juin 1984. Il s'agit de la Fondation Asie-Pacifique du Canada qui a pour mission de promouvoir une meilleure compréhension entre le Canada et les pays d'Asie-Pacifique et d'assurer le dialogue avec la participation du secteur privé et du milieu culturel et éducatif. Si nous sommes vraiment sérieux quant au rôle que le Canada doit jouer en Asie-Pacifique, il faudrait soutenir cette fondation.

Le président: Le sénateur St. Germain est prêt à le faire.

Le sénateur Lawson: M. Hara nous a parlé des problèmes que les dédales de la bureaucratie gouvernementale posaient aux investisseurs. M. Yamagata nous a parlé de l'impression que cela donnait. Je ne sais pas combien de vous ont appris cette nouvelle diffusée il y a deux semaines, mais c'est tout à fait en rapport avec notre sujet. Lundi, à Londres, les Anglais ont annoncé qu'ils avaient inventé un nouveau laser à effet thermique qui allait révolutionner l'industrie. Mardi, à Moscou, la Russie annonçait que le nouveau laser à effet thermique, dont l'invention avait été annoncée hier par l'Angleterre, avait déjà été inventé par les Russes deux ans plus tôt. Mercredi, à Washington, les États-Unis ont annoncé qu'ils avaient obtenu les brevets de l'Angleterre et qu'ils mettraient ces nouveaux lasers en marché d'ici 60 jours. Jeudi, à Tokyo, les Japonais ont annoncé qu'ils avaient perfectionné une nouvelle imitation du laser à effet thermique et qu'ils en inonderaient le marché nord-américain dans 30 les jours. Vendredi, à Ottawa, le premier ministre a annoncé qu'il convoquerait une session d'urgence du Parlement pour déterminer si les lasers à effet thermique entreraient dans le champ de compétence du gouvernement fédéral ou des provinces.

Le sénateur Stollery: Monsieur le président, c'était une discussion très intéressante. J'ai suivi plus tôt les propos selon lesquels le Canada semble attirer moins l'investissement en général, et il a surtout été question du Japon. Avant que nous ne quittions Ottawa, un de nos témoins m'a dit que nous n'avons pas beaucoup de problèmes commerciaux avec le Japon. On a abordé la question des accords de libre-échange. En entendant parler de la concurrence entre le Canada et les États-Unis pour l'investissement japonais, je trouve sidérant que le gouvernement ne se soit pas penché sur toute la question de l'investissement mondial. Les États-Unis comptent 50 États. Ils ont certainement tous des régimes fiscaux différents. Nous avons dix provinces. Cela fait 60 sphères de compétence, ayant des régimes fiscaux différents, qui se concurrencent vis-à-vis des investissements.

Le président: Plus les municipalités.

Le sénateur Stollery: La complexité des régimes fiscaux n'est pas unique au Canada. Quiconque connaît l'État de New York sait que la population est en baisse et que l'investissement va vers le New Jersey et d'autres régions des États-Unis. Je ne suis pas vraiment surpris de la concurrence dans ce milieu financier mondial non réglementé, de cette compétitivité financière mondiale non réglementée vis-à-vis de l'investissement.

En même temps, nous entendons dire que notre part du marché diminue, mais pas par rapport à celle des autres pays industrialisés. En fait, c'est en Asie, dans les pays d'Extrême Orient, que le marché s'est développé. La part du marché des pays industrialisés plus anciens est maintenant reprise par les fabricants locaux et les commerçants d'Extrême-Orient. Je ne pense pas qu'on se soit penché sur la question et je crois que le gouvernement va devoir s'en occuper. Néanmoins, il ne faut pas qu'un seul gouvernement s'en charge, car cela entraînerait une fuite de capitaux. Il faudra toutefois s'en occuper, car les travailleurs ne peuvent pas se déplacer; c'est le capital qui se déplace. Le gouvernement du Tennessee va au Japon ou ailleurs et il concurrence le gouvernement de la Californie, de Washington ou de l'Ontario pour obtenir l'argent qui lui permettra de donner de l'emploi à ses citoyens. Cela se fait de façon assez désordonnée, d'après ce que je peux voir.

Dans cet environnement financier assez désordonné, quelles sont les conséquences sur les obligations du fait que les États-Unis, avec un taux d'épargne de 5 p. 100, le taux le plus bas au monde, ne peuvent pas financer leurs propres investissements? Leurs investissements sont financés en grande partie au Japon et cela depuis un certain temps. Les détenteurs d'obligations japonaises représentent un facteur financier énorme dans le monde actuel. Ils doivent être des milliers. Nous savons tous que les Japonais possèdent beaucoup d'actions et d'obligations. Les femmes et les ménagères jouent un rôle très actif dans ce phénomène. Je me demande si le fait de posséder déjà une si grande partie de l'investissement américain sous la forme d'obligations les incite à continuer d'investir leur argent aux États-Unis.

M. Hara: Je ne pense pas qu'il y ait de lien. En ce qui nous concerne, peu nous importe si une institution financière détient un nombre x de dollars au Canada sous la forme d'obligations ou de bons du Trésor. Cela n'aura aucune conséquence sur notre décision. Absolument aucune.

Le président: Honorables sénateurs, je suis certain que nous voudrons tous remercier les témoins pour cette discussion très intéressante.

Certaines questions restent sans réponse, mais vous avez largement contribué à définir les questions et à suggérer des solutions. Nous vous sommes très reconnaissants.

Nos témoins suivants traiteront des questions relatives aux investisseurs. M. Danny Gaw est de M.K. Wong & Associates Ltd. Comme je n'ai pas de biographie de M. Gaw, je ne peux pas dire toutes les bonnes choses qu'il faudrait dire à son sujet.

Le deuxième témoin est M. Michael Johnson, le président de la Bourse de Vancouver. M. Johnson a derrière lui une longue et brillante carrière dans le domaine financier. Il a déjà été administrateur de l'Association des compagnies de fiducie du Canada, fiduciaire de l'Institut des compagnies de fiducie, commandant du 78e Fraser Highlanders et membre du conseil consultatif du Temple de la renommée du hockey.

Comme je n'ai pas de biographie à citer, je demanderais à M. Gaw de nous mentionner un ou deux faits saillants de sa carrière.

M. Dan Gaw, membre du conseil, Laurier Institution: Monsieur le président, j'ai émigré dans ce pays en 1982, à partir de la Thaïlande. J'ai travaillé dans quelques pays d'Asie, Hong Kong, Singapour de même qu'aux États-Unis. Depuis 1982, je vis à Vancouver où j'ai travaillé dans le secteur de la fabrication, une boulangerie qui fabrique du pain et des beignes. Je siège au conseil d'administration de Laurier Institution et je vais représenter M. Milton Wong, de M.K. Wong & Associates Ltd., qui est désolé de n'avoir pas pu venir.

Le président: Vous représentez Laurier Institution plutôt que M.K. Wong?

M. Gaw: C'est exact.

M. Michael Johnson, président, Bourse de Vancouver: Monsieur le président, je voudrais vous présenter une mise à jour de nos initiatives asiatiques. La Bourse de Vancouver est la bourse du Canada en bordure du Pacifique. L'année dernière, nous avons transigé des actions d'une valeur de plus de 12 milliards de dollars, mais pour ce qui est du volume d'actions et du nombre de transactions nous nous classons au quatrième rang en Amérique du Nord, après New York, NASDAQ et Toronto. La valeur moyenne de nos actions est généralement de moins de 2 $ et c'est pourquoi l'activité est beaucoup plus intense, mais il y a beaucoup de petites actions. Nous avons actuellement 1 500 sociétés inscrites à la cote dont les activités couvrent chaque continent. L'année dernière, nous avons recueilli plus de 2 milliards de dollars pour de nouvelles entreprises. Nos investisseurs sont au Canada, aux États-Unis, au Moyen-Orient, en Europe, en Afrique et en Asie-Pacifique. La Bourse de Vancouver ne concurrence pas les autres marchés boursiers; nous sommes plutôt une bourse de capital de risque et les entreprises font leurs débuts à la Bourse de Vancouver et progressent plus tard vers des marchés plus importants comme Toronto et NASDAQ. Au cours des cinq dernières années, 20 p. 100 des nouvelles inscriptions à la Bourse de Toronto étaient des entreprises qui avaient fait leurs débuts à la Bourse de Vancouver.

Pour les entreprises asiatiques, nous sommes particulièrement bien placés en tant que porte d'accès au marché des capitaux nord-américains. Nous nous spécialisons dans le capital de risque et voilà pourquoi notre bourse a pour slogan «La bourse où démarrent les entreprises». C'est chez nous que naissent de nouvelles idées et de nouveaux débouchés. Nos conditions d'inscription à la cote sont spécialement conçues pour attirer les nouvelles entreprises qui se lancent et répondre à leurs besoins.

Nous avons fait nos débuts en 1907 comme bourse régionale spécialisée dans les ressources naturelles. Nous financions surtout les compagnies minières qui exploraient les richesses minérales de la Colombie-Britannique et qui avaient peu d'autres possibilités de trouver les capitaux dont elles avaient besoin. Quatre-vingt-dix ans plus tard, Vancouver se spécialise dans le capital de risque pour l'activité minière, non seulement à la bourse et dans nos entreprises membres, mais dans l'infrastructure professionnelle de la ville et l'industrie minière. Le financement de l'exploration et de l'exploitation minières, nous a conféré un sens du risque et de la récompense qui demeure aujourd'hui au centre de nos activités.

Nous nous sommes servis de cette compétence vis-à-vis du secteur minier pour pénétrer également les domaines de la haute technologie et de la biotechnologie. Les points communs que nous avons constatés est une orientation du risque vers les projets au stade du développement et de l'exploration scientifiques, ainsi que l'attente d'un rendement supérieur en échange d'un risque proportionnellement plus élevé. À partir de cette tradition, nous nous sommes taillés un créneau qui n'est pas bien desservi ailleurs.

La Bourse de Vancouver présente un avantage pour les marchés financiers canadiens en ce sens que nous offrons le seul marché de capital de risque organisé et établi au monde. Notre rôle sur les marchés mondiaux consiste à utiliser nos compétences sur les marchés internationaux et nous croyons que d'importants débouchés s'offrent à la Bourse de Vancouver, au Canada et dans le monde entier. On a grand besoin, sur la scène internationale, d'une bourse dont la mission est de lever des capitaux de risque pour de nouvelles entreprises et de nouveaux projets, et nous faisons figure de chef de file mondial à cet égard.

Nous sommes la seule bourse à nous spécialiser de cette façon et à inscrire à la cote des sociétés qui débutent. En élargissant nos relations avec l'Asie-Pacifique, nous comptons profiter davantage du rôle unique que nous jouons dans la formulation du capital mondial. Nos initiatives en Asie reposent sur de solides liens culturels et commerciaux.

Comme vous le comprendrez, Vancouver est la principale porte d'accès au Pacifique. Nous complétons la diversité asiatique avec la diversité de Vancouver. La communauté locale connaît les langues, les coutumes et les besoins des entreprises des grands centres d'Asie-Pacifique comme Hong Kong, Singapour, l'Indonésie, Taïwan et la Chine. La Bourse de Vancouver a fait des progrès importants dans cette région grâce à des efforts de commercialisation exploratoire qui remontent à 1987. La Bourse de Vancouver et ses sociétés membres ont commencé par établir notre premier bureau à Hong Kong et, graduellement, cette initiative a commencé à générer des inscriptions au début des années 90.

En 1996, alors que je venais moi-même de faire mes débuts à la bourse, nous avons commencé à évaluer une grande partie de nos initiatives et de nos fonctions afin de comprendre leur raison d'être et d'établir si elles étaient fructueuses et efficaces. Nous avons déterminé qu'en échange d'un investissement modeste sur le plan de la commercialisation, nous avions recruté 33 entreprises qui avaient recueilli des capitaux de plus de 209 millions de dollars et cela représente aujourd'hui une valeur boursière approchant les 700 millions de dollars.

À partir de cette analyse, nous avons établi un modèle de commercialisation internationale. Au départ, pour déterminer si nous voulons faire des affaires dans un pays donné, nous devons faire des recherches préliminaires. Ensuite, nous faisons des voyages de commercialisation exploratoire pour lesquels nous faisons appel aux consulats et aux missions commerciales canadiennes. J'ajouterais que, dans le monde entier, ils nous ont beaucoup aidés et nous ont toujours donné de bons services. Nous croyons que le contact personnel est essentiel, car il est important de comprendre l'environnement culturel, les différences dans les méthodes commerciales, de rencontrer les représentants des commissions des valeurs mobilières, des bourses, les courtiers de ces pays et même les sociétés que nous pourrions inscrire, afin d'évaluer quels sont les débouchés. À partir de cela, nous établissons un plan d'affaires qui nous permette de déterminer quelles sont les initiatives de commercialisation à prendre et leur potentiel. Ensuite, nous suscitons l'intérêt de nos sociétés membres et nous cherchons à obtenir leur participation.

Nos initiatives récentes comprennent deux visites de courtiers à Hong Kong, Taïwan et en Chine, en 1993 et 1995 et, en 1996, une nouvelle visite en Australie. Nous avons établi des relations avec des organismes de réglementation étrangers à Hong Kong, Taïwan et en Chine et, plus récemment, en Australie. Les dirigeants de la bourse doivent faire, trois ou quatre fois par an, des voyages de commercialisation dans ces marchés pour entretenir nos relations, en nouer de nouvelles et nous permettre de constater, sur place, le niveau d'activité et l'intérêt local.

Nos voyages exploratoires dans les nouveaux marchés asiatiques visant à évaluer d'autres possibilités d'affaires se poursuivent. Nous avons également accueilli, à Vancouver, des dizaines de délégations d'entreprises privées, de même que des représentants du milieu des affaires et du gouvernement de pays d'Asie-Pacifique. Nous avons fait des présentations et des expositions dans plusieurs foires commerciales et conférences asiatiques très en vue, devant des Chambres de commerce internationales, y compris un discours prononcé, l'automne dernier, à Money World Asia, à Singapour.

Nous avons également lancé la première commission des valeurs mobilières pour les entreprises de la région Asie-Pacifique. Je vous ai cité quelques chiffres. En ce qui concerne ce que nous appelons maintenant la Commission Asie-Pacifique, en 1992, nous ne travaillions qu'en Chine, avec la Banque de Chine et la Bourse de Shenzhen où nous nous intéressions aux inscriptions secondaires d'actions chinoises de la classe B. Néanmoins, les changements de la réglementation en Chine ont entraîné des restrictions à l'égard des inscriptions sur les marchés étrangers. Nous avons dû réexaminer nos stratégies et nous sommes toujours sur ce marché. Nous avons élaboré de nouvelles stratégies en 1995 et établi la Commission asiatique avec un premier groupe de petites sociétés industrielles chinoises. Nos maisons de courtage ont commencé à former des syndicats, ce qui n'est pas habituels pour des petites sociétés, même si c'est assez fréquent dans le cas des entreprises nationales. C'était pour financer les premiers contrats asiatiques.

Par exemple, un contrat qui a été signé, l'année dernière, avec Sinorank a permis de lever 5 millions de dollars. Il y a quatre ou cinq maisons de courtage dans ce marché; le contrat a été largement souscrit et a eu beaucoup de succès. Les mêmes entreprises et d'autres se réunissent régulièrement pour échanger des renseignements sur les contrats étrangers et s'intéressent toujours à des contrats en Asie-Pacifique, surtout en Australie, comme nous l'avons appris lors de notre voyage, en août dernier. Nous cherchons maintenant à développer et à recibler notre programme.

En 1996, nous avons élargi la commission pour y inclure des sociétés minières australiennes et indonésiennes, de même que des entreprises d'autres secteurs. Nous l'avons rebaptisé «Asia Pacific Board» afin de refléter les diverses entreprises qu'elle représente dans toute la région d'Asie-Pacifique. L'année dernière, cette commission s'est élargie de 24 entreprises supplémentaires d'Indonésie et nous avons levé 76 millions de dollars, ce qui donne actuellement une valeur boursière de 282 millions de dollars. Il y a eu 38 entreprises d'Australie. Le financement se chiffre à 234 millions de dollars et la valeur boursière à 1 682 milliard. Si vous ajoutez à ces chiffres ceux que je vous ai déjà cités, cela donne près de 2 milliards de dollars, soit environ 20 p. 100 de notre valeur boursière totale.

Cela représente une part importante de nos activités. Ces entreprises se livrent à des activités d'exploration et d'exploitation minières dans le sud-est asiatique, et surtout en Indonésie et aux Philippines. De plus en plus d'entreprises extractives lancent des projets d'exploitation en Chine continentale. Il y a notamment 12 sociétés inscrites à la Commission Asie-Pacifique, qui sont nouvellement cotées à notre bourse à partir de la bourse australienne. Nous avons constaté que les petites entreprises ont du mal à lever des capitaux en Australie depuis que les bourses ont été centralisées à la fin des années 80. Nous avons également remarqué qu'il était difficile de trouver des fonds publics en Australie pour des entreprises à l'étranger. C'est confirmé par le fait que seulement une des sociétés australiennes inscrites à notre bourse a une propriété australienne comme actif principal. Tout le reste est de l'exploration dans le sud-est asiatique, comme c'est le cas pour les compagnies minières canadiennes.

Si cela peut vous être utile, je peux vous donner quelques exemples d'entreprises asiatiques. Notre commission a eu affaire à un certain nombre de gens d'affaires éminents des deux côtés du Pacifique, à certaines des meilleures sociétés privées de Chine, comme le groupe Stone, à certaines des familles les plus connues et les mieux établies de Hong Kong, Fung et Li Ka Shing, ainsi qu'à des chefs de file de notre propre communauté comme David Lam. Les entreprises d'ici montrent que les générations actuelles de Fung, Li et Hui, dont la fortune familiale a été bâtie en Extrême-Orient, occupent une place importante au sein des entreprises canadiennes de Vancouver et nous les incitons à négocier à la Bourse de Vancouver.

Parmi nos premières entreprises inscrites à la Commission de l'Asie-Pacifique figure Fairchild Investments, qui exploite une fabrique de vitamine C en Chine, en association avec Stone Corporation, l'une des plus grandes entreprises privées de technologie de Chine, qui possède des intérêts nationaux et internationaux dans l'électronique, l'outillage, les télécommunications, l'aéronautique et l'industrie pharmaceutique. La branche canadienne de cette entreprise en participation est soutenue par Thomas Fung, de Vancouver, un membre de la famille Fung, de Hong Kong, qui est bien connue pour ses activités bancaires. Les Fung sont principaux actionnaires du Fairchild Media Group, au Canada, qui comprend: Fairchild TV, le seul réseau de télévision nationale en langue chinoise; quatre stations de radio en langue chinoise au Canada; un périodique et un centre commercial qui forme le centre d'un complexe «Asiatown» de 150 millions de dollars à Richmond.

L'un des premiers investisseurs à fonder la coentreprise chinoise est l'ancien lieutenant gouverneur de la Colombie-Britannique, David Lam. Une autre entreprise est Burcon Developments Ltd., qui était au départ une petite maison de courtage immobilier locale, soutenue par des intérêts asiatiques, sous la direction d'Aaron Ip, de Vancouver. En 1996, elle a fait un certain nombre d'acquisitions, en association avec un groupe de Hong Kong qui en a fait l'un des plus gros promoteurs immobiliers du Canada. Le principal actionnaire est maintenant International Tak Cheung Holdings Limited, une entreprise cotée à la bourse de Hong Kong. L'année dernière, elle a racheté une entreprise en faillite, Oxford Properties, cotée à la bourse de Toronto et par son entremise, elle a fait l'acquisition du portefeuille immobilier de Marathon Realty, en association avec GE Capital. Plus récemment, elle a annoncé l'acquisition du site de l'exposition de Vancouver à Concord Pacific Development, dont les principaux propriétaires sont Li Ka Shing ainsi que les familles Hui et Lin, de Hong Kong et de Taïwan, qui ont acheté le site au gouvernement de Colombie-Britannique en 1988. Une fois ce marché conclu, les principaux actionnaires bénéficiaires de Burcon comprendront également Huey Tai International et sa filiale, Asean Resources, ainsi que le groupe Adex basé à Vancouver, appartenant à la famille Hui.

Au cours des années, le gouvernement fédéral et la province nous ont bien soutenus lorsque nous avons travaillé avec de nombreux consulats canadiens, y compris ceux d'Asie, à des études de marché, l'organisation d'événements, l'accueil de groupes et les communications avec les médias. Ces appuis se sont révélés très précieux pour nous en nous faisant bénéficier de leurs connaissances, ressources et installations locales. Nous avons également travaillé en collaboration étroite avec les missions commerciales de la Colombie-Britannique en Asie, surtout à Hong Kong, où l'agent commercial est également le représentant de la Bourse de Vancouver. Cela permet aux entreprises ou aux médias d'avoir facilement accès à l'information requise.

La Bourse de Vancouver faisait partie de l'Équipe Canada 95 qui a voyagé avec le premier ministre, M. Chrétien; elle a participé également à la dernière mission commerciale de Michael Harcourt en Asie, où nous avons constaté d'importantes possibilités de croissance. Nous sommes rentrés avec un enthousiasme renouvelé vis-à-vis de notre expansion en Asie ainsi qu'un certain nombre de nouveaux contrats, dont certains ont été conclus et d'autres sont en préparation.

En février et mars 1997, nous comptons participer, avec le ministère fédéral des Ressources naturelles, à une série de colloques sur l'activité minière au Canada qui auront lieu à Taipei, à Singapour et à Hong Kong, ainsi qu'à Sydney, à Melbourne et à Perth, en Australie. En novembre 1997, nous avons l'intention de participer à la conférence de l'APEC à Vancouver, de la façon qui conviendra à l'APEC, et nous espérons pouvoir être très utiles.

Voici maintenant quelques problèmes généraux qui ont été mentionnés dans les conversations que nous avons eues avec les gens d'affaires que nous avons rencontrés au cours des années.

Le niveau d'imposition au Canada nous est souvent cité comme un problème. Les conditions d'application de l'impôt sont également importantes pour les investisseurs étrangers. Par exemple, le fait que l'impôt s'applique à un actionnaire qui possède plus de 25 p. 100 des actions d'une société publique canadienne a incité les investisseurs à déployer beaucoup d'efforts pour maintenir les sociétés à l'étranger et éviter de recourir à des sociétés cotées au Canada. Les impôts qui peuvent s'appliquer à des actionnaires majoritaires non résidents simplement parce que la société canadienne cherche à avoir accès à des capitaux canadiens sont considérés comme une véritable confiscation.

D'autres pays ont leurs propres barrières qui s'opposent à la libre circulation des capitaux entre les marchés boursiers, telles que la Stamp Tax d'Australie, qui s'applique aux sociétés australiennes inscrites dans les bourses canadiennes et les restrictions imposées par la Chine à l'égard de l'inscription d'actions de la classe B dans les bourses étrangères. Ces obstacles à la circulation des capitaux représentent des difficultés.

L'actif étranger pose un autre problème. L'obligation de déclarer l'actif de plus de 100 000 $ détenus à l'étranger, pour toutes les entreprises canadiennes internationales, a des conséquences qui outrepassent la simple perspective du marché des capitaux de risque. On considère généralement que c'est un premier pas vers une augmentation des impôts et cela nuit à la réputation du Canada en tant que destination souhaitable de l'investissement étranger. C'est d'autant plus négatif que cela fait suite à la campagne d'immigration très accrocheuse que le Canada a lancée en employant des techniques que copient maintenant les États-Unis et l'Australie pour attirer des immigrants investisseurs.

Récemment, nous avons eu un certain nombre de discussions, notamment avec des courtiers canadiens qui ont des entreprises au Canada, dans d'autres secteurs. Ils ont leur résidence ici, à Vancouver-Ouest. J'ai également parlé à quelques hommes d'affaires indonésiens. Ils s'entendent à dire que la fiscalité ne leur permet pas de faire des affaires ici comme dans leur propre région du monde où les marchés sont plus vastes et le fardeau fiscal beaucoup moins lourd. Un homme d'affaires indonésien m'a dit qu'il compte doubler son argent en trois ans environ ce qui, étant donné notre fiscalité, est pratiquement impossible ici. Par conséquent, il ne se sent pas incité à le faire. Vous avez également de la réticence de la part d'autres gens. Ils veulent établir ici une tête de pont; ils veulent pouvoir faire des affaires, mais ils veulent surtout s'installer ici juste assez pour pouvoir exploiter leurs propres possibilités commerciales dans le Pacifique, plutôt qu'à plus grande échelle. Ils ont fait des commentaires au sujet de la Commission nationale des valeurs mobilières.

Je parle ici uniquement à titre d'observateur qui traite avec des investisseurs et a des entreprises de l'étranger.

Notre système, qui exige des inscriptions multiples pour avoir accès à un marché des capitaux relativement limité, est jugé négatif. L'accord récemment conclu entre la Colombie-Britannique et l'Alberta pour coopérer dans le domaine de la réglementation des valeurs mobilières est un pas dans la bonne direction, mais il faut un système unifié et cohérent qui intégrera à la fois les principaux marchés de l'Est et les marchés de capital-risque de l'Ouest.

La législation actuelle établit Montréal et Vancouver comme des centres bancaires internationaux, mais limite l'accessibilité des institutions financières aux institutions de dépôt. Il serait avantageux pour le Canada et pour Vancouver que la définition soit élargie pour inclure d'autres types de services financiers étrangers en favorisant les liens commerciaux avec d'autres pays, notamment les pays de l'APEC. Nous envisageons simplement une mesure stratégique compte tenu de l'importance de la spécialisation. Nous exploitons un créneau et nous voulons continuer à le dominer.

Si nous examinons la répartition de nos investisseurs, 75 p. 100 sont des détaillants et 25 p. 100, des institutions, pratiquement l'inverse de ce que l'on constate dans les principaux marchés comme celui de Toronto. Aujourd'hui, les compagnies inscrites à la Bourse de Vancouver sont nationales à 70 p. 100 et internationales à 30 p. 100; pour les entreprises extractives, ces taux sont de 80 p. 100 et 20 p. 100. Au cours des quelques années à venir, je compte passer à un ratio de 50-50. Je ne parle pas de rétrécir le nombre le plus élevé, mais plutôt de chercher des occasions de poursuivre notre croissance sur les deux fronts, mais surtout pour ce qui est des pourcentages les plus bas.

Le marché asiatique jouera un rôle important dans notre avenir. Nous allons continuer à rechercher des débouchés en Asie-Pacifique. Notre position géographique nous situe entre les fuseaux horaires de l'Europe et de l'Asie. De concert avec nos sociétés membres, nous allons chercher de nouvelles façons d'élargir nos marchés, d'attirer des entreprises asiatiques de qualité qui ont besoin de capitaux de risque. Nous allons faire une commercialisation très dynamique pour amener ces entreprises étrangères à Vancouver afin de faire de la Bourse de Vancouver la plaque tournante du marché international du capital de risque.

Pour nous faciliter davantage les choses, nous avons entrepris, en 1996, de nouveaux projets pilotes pour améliorer nos liens internationaux avec l'Asie-Pacifique. Le premier est un programme d'associés internationaux, une nouvelle forme de participation à la Bourse de Vancouver qui permettra à des maisons de courtage étrangères de négocier des valeurs chez nous. Ce programme donne accès à notre système de négociation entièrement informatisé, tout à fait unique, et permet aux entreprises de participer à des syndicats de prise ferme et de placement. Le coût d'accès est bas. Nous nous attendons à ce que nos premiers participants soient de Hong Kong et, plus tard, d'Australie.

Un autre programme que nous avons mis sur pied est le Vancouver International Securities Trading Access ou VISTA. Il offre une nouvelle session de négociation, le soir, à Vancouver. Cela permet de transiger des actions à la Bourse de Vancouver, à un moment de la soirée qui coïncide avec le matin suivant, à Hong Kong et en Australie. C'est une session de deux heures qui porte sur un groupe précis d'actions cotées à la Bourse de Vancouver, qui sont maintenant au nombre de 75 et qui font toutes l'objet d'opérations importantes dans la région de la l'Asie-Pacifique.

En résumé, notre mission consiste à offrir un marché honnête, juste et efficace pour le capital de risque. Nous exploitons nos compétences dans ce domaine et nous continuerons à offrir, à de nouvelles entreprises, tant nationales qu'internationales, l'accès à des capitaux. C'est à la Bourse de Vancouver que démarrent les entreprises et nous sommes déterminés à être la bourse du Canada en bordure du Pacifique qui dessert la région de l'Asie-Pacifique.

M. Gaw: Je parlerai aujourd'hui de l'importance de l'Asie-Pacifique pour l'économie canadienne. Après les États-Unis, la région de l'Asie-Pacifique est celle qui reçoit le plus de biens et services canadiens.

Les exportations du Canada vers l'Asie-Pacifique ont augmenté de 32 p. 100 entre 1994 et 1995 et leur valeur se chiffre à 27 milliards de dollars environ. Le chiffre pour 1993 n'était que de 16,6 milliards de dollars. Par conséquent, sur quelques années, il y a eu une augmentation assez importante.

Le Japon absorbe environ 40 p. 100 des exportations vers l'Asie. En 1995, ces exportations avaient augmenté de 24 p. 100 par rapport à l'année précédente. L'année d'avant, elles valaient 12 milliards de dollars.

Les exportations canadiennes vers Singapour, la Malaisie, la Thaïlande et l'Indonésie se sont accrues de 47 p. 100. Leur taux de croissance est beaucoup plus rapide, mais leur valeur reste beaucoup plus faible que dans le cas du Japon. Elle atteignait seulement 2,3 milliards de dollars en 1995.

Il y a quelques problèmes à résoudre. Le Canada est dans une position commerciale déficitaire avec l'Asie-Pacifique. En 1995, le Canada a importé pour 6,1 millions de dollars de plus en biens et services qu'il n'en a vendu à l'Asie-Pacifique. Deuxièmement, depuis quelques années, la part canadienne du commerce dans cette région a diminué par rapport à celle des autres pays.

En 1987, le Canada a fourni 2,4 p. 100 des importations asiatiques. En 1995, ce chiffre est tombé à 1,6 p. 100, ce qui représente une diminution de 33 p. 100. Ce sont des chiffres fournis par Canada Asia Review. Le Canada doit rectifier la situation. Depuis deux ans, les missions Équipe Canada ont certainement été très utiles pour remédier à ce déficit.

Je vais maintenant décrire les relations économiques du Canada avec l'Asie-Pacifique en les divisant en trois secteurs: le commerce des biens; le secteur des services et les avantages économiques de l'immigration asiatique au Canada.

Traditionnellement, les exportations canadiennes vers l'Asie-Pacifique se composaient surtout de matières semi-transformées comme le bois d'oeuvre, la pâte de bois et le papier, les céréales, les engrais et les minéraux. Avec le temps, nos exportations de produits manufacturés tels que l'outillage, les matières plastiques, l'équipement aéronautique et le matériel de précision se sont accrues. Mais pour redresser notre déséquilibre commercial, les Canadiens doivent promouvoir davantage leurs ventes de produits à valeur ajoutée en Asie-Pacifique. C'est vrai pour les secteurs comme l'agro-alimentaire, de même que les secteurs mieux connus et plus technologiques comme l'aéronautique. L'avionnerie canadienne progresse très rapidement.

Le Japon, le pays qui a le plus de liens commerciaux avec le Canada, est également le plus grand marché pour les produits de poisson importés. Pour surmonter la hausse du coût de la production au Japon, les entreprises nippones ont investi dans des installations de transformation du poisson et des fruits de mer au Canada. Elles ont également établi ici des usines d'automobile.

La République populaire de Chine était le cinquième partenaire commercial du Canada, par ordre d'importance, au milieu de 1996. Nous sommes tous conscients des débouchés qui s'offrent dans le pays le plus peuplé au monde, qui continue à améliorer ses conditions de vie.

En 1995, les principales exportations canadiennes étaient les engrais, l'outillage électrique, l'équipement, les céréales et la pâte de bois. Il y a également d'énormes débouchés pour les régions céréalières du Canada, étant donné que la demande chinoise, surtout d'aliments fourragers, augmente rapidement. Business Week indiquait que les Chinois sont maintenant suffisamment riches pour commencer à manger plus de viande ou de boeuf; ils vont donc importer beaucoup d'aliments fourragers.

L'Inde est également un nouveau marché sous-développé pour les produits canadiens. Contrairement aux années 70 où les exportations de blé canadien vers l'Inde représentaient une part importante de nos relations commerciales bilatérales, chaque pays ne représente plus actuellement qu'environ 1 p. 100 des exportations totales de l'autre. La visite d'Équipe Canada en Inde l'année dernière va également contribuer à améliorer la situation.

Il y a aussi la question du commerce des services. Le secteur des services a toujours été négligé, même s'il constitue une proportion importante des exportations canadiennes vers l'Asie-Pacifique. Selon des chiffres conservateurs, nous avons vendu pour 4 milliards de dollars de services à l'Asie-Pacifique en 1995. L'un des secteurs les plus nouveaux dans lesquels les entreprises canadiennes connaissent du succès est celui des services environnementaux. C'est un domaine dans lequel le Canada peut faire plus. Les foires commerciales Globe que nous tenons à Vancouver nous aident à cet égard.

Les banques et les compagnies d'assurances canadiennes sont aussi assez bien établies dans le sud de l'Asie-Pacifique. Sun Life est présente aux Philippines depuis plus d'un siècle et la plupart des grandes banques, surtout la Banque de Nouvelle-Écosse, sont également bien établies dans les Philippines.

Par ailleurs, les services d'éducation pour les étudiants étrangers asiatiques au Canada commencent à être reconnus comme une stratégie lucrative. L'ouverture de centres d'éducation canadiens dans toute l'Asie du Pacifique fait connaître nos universités et nos collèges comme des centres d'excellence académique et mécanique.

Enfin, le tourisme en provenance des pays d'Asie est en hausse, ce qui apporte de précieuses devises étrangères ainsi que des emplois dans de nombreux secteurs comme ceux des services et du transport.

En dernier lieu, je voudrais souligner les avantages économiques de l'immigration asiatique au Canada. Depuis la fin des années 80, le Canada a reçu un grand nombre d'immigrants d'Asie-Pacifique. Cela comprend les immigrants investisseurs et ceux de la catégorie de la famille. Une proportion de plus en plus importante d'immigrants asiatiques arrivent avec des visas de la catégorie des entrepreneurs et des investisseurs.

Une étude réalisée par Roslyn Kunin & Associates a constaté une forte corrélation entre le nombre de touristes et d'étudiants arrivant d'un certain pays et le nombre d'immigrants investisseurs qui arrivent de ce même pays l'année suivante. La politique gouvernementale devrait donc inciter des touristes et des étudiants d'Asie-Pacifique à venir chez nous de façon à favoriser l'investissement à long terme en provenance de cette région.

L'immigration de gens d'affaires d'Asie-Pacifique représente un avantage économique important pour le Canada. Entre 1986 et 1990, un investissement total de 3 milliards de dollars a été apporté au Canada par des immigrants dont la majorité venait d'Asie-Pacifique, comme l'indique l'étude réalisée par Roslyn Kunin & Associates en 1993. La Colombie-Britannique est la province qui a reçu le plus d'immigrants de la région du Pacifique au cours des dix dernières années.

De 1986 à 1992, la proportion de l'immigration totale en Colombie-Britannique que représentaient les Asiatiques a augmenté de 26 p. 100, passant de 37 p. 100 en 1986 à 63 p. 100 en 1992. Les chiffres pour le reste du Canada donnent une proportion d'immigrants asiatiques de 63 p. 100 en 1994 et un chiffre estimatif de 61 p. 100 pour 1995.

Même si le programme d'immigrants investisseurs a été un succès en ce sens qu'il a stimulé l'économie de la Colombie-Britannique, les immigrants de la catégorie de la famille en provenance de nombreuses régions d'Asie sont également devenus des gens d'affaires prospères, ce qui a entraîné la création d'emplois et l'investissement de capitaux. Les secteurs qui bénéficient le plus de l'apport des entrepreneurs immigrants sont ceux des services, de la vente en gros et de la vente au détail ainsi que le secteur de la fabrication.

Une question qui concerne l'économie canadienne en général et surtout celle de la Colombie-Britannique, étant donné ses liens étroits avec l'Asie-Pacifique, est le ralentissement économique que connaissent, depuis quelques années, le Japon et les «tigres économiques» de la Corée du Sud, de Hong Kong, de Taïwan et de plusieurs pays du sud-est asiatique. La croissance du PIB de ces économies était supérieure à 10 p. 100, surtout jusqu'à la fin des années 80 et le début des années 90. Les chiffres commencent à baisser; ils sont souvent en dessous de 10 p. 100. Bien des gens voudraient voir là le cycle normal de la croissance économique, mais d'autres s'alarment devant la perspective très probable que ces pays ont dépassé les limites de leur infrastructure et de leur environnement. Un programme de développement durable pour toute l'Asie-Pacifique, y compris l'Amérique du Nord, devrait être considéré comme d'une importance économique stratégique pour la politique et la planification futures.

Le sénateur Grafstein: Votre exposé concernant l'accès à l'Asie m'a paru très intéressant et stimulant. J'aimerais que la Bourse de Toronto diversifie ses sources de capitaux avec autant de dynamisme que vous.

Pourriez-vous nous dire comment la Bourse de Vancouver obtient ses investissements à l'heure actuelle? L'un des problèmes qui se posent à nous est la dégradation de l'investissement asiatique au Canada. La Bourse de Vancouver me paraît le véhicule idéal pour stimuler l'investissement direct dans les entreprises canadiennes ou du moins les entreprises à prédominance canadienne. Pourriez-vous me dire quel est le pourcentage des actions cotées à la Bourse de Vancouver qui sont détenues à l'étranger? Dans quelle mesure avez-vous réussi à attirer l'investissement étranger?

M. Johnson: C'est assez varié. Il y a beaucoup d'argent en provenance des États-Unis et d'Europe. Il disparaît en même temps que la confiance dans l'économie canadienne. L'année dernière, l'industrie minière a entraîné des fluctuations sans précédent sur le marché. L'argent vient d'Asie et continuera d'arriver. Ce que nous essayons de mettre maintenant sur pied avec VISTA, par exemple, incitera de nombreux investisseurs asiatiques à investir dans ces entreprises. Nous comptons leur donner bientôt plein accès à l'ensemble de nos actions. À Taïwan, l'investisseur participe plus activement au marché que ce qu'on constate en Amérique du Nord. Si vous visitez la bourse ou les maisons de courtage du pays, vous constaterez le niveau d'activité. Quelqu'un arrive, c'est peut-être la fille de la famille, avec la liste des placements que veulent faire tous les membres de la famille. Cette personne consulte un écran où elle trouve des renseignements sur une entreprise. Là-bas, les courtiers disposent de bases de données très complexes sur les entreprises, beaucoup plus avancées que celles d'Amérique du Nord, car ils sont partis de zéro il y a quelques années et ils ont progressé à pas de géant depuis. Le marché boursier est très actif là-bas.

Pour nous, le défi consistait à mettre en place ce système et à régler tous les problèmes techniques. Nous avons maintenant des courtiers étrangers qui commencent à venir et à emmener leurs clients avec eux. Cela va inciter davantage d'entreprises à s'inscrire à la bourse et à profiter du marché.

Le sénateur Grafstein: Savez-vous quelle a été la croissance de l'investissement étranger dans les entreprises inscrites à la Bourse de Vancouver au cours de ces trois dernières années? Dans l'affirmative, quel serait le pourcentage de chaque source?

M. Johnson: Je suppose que la participation étrangère peut avoir augmenté encore de 10 p. 100. Elle est peut-être de 20 p. 100 ou même maintenant aux alentours de 30 p. 100. Mais ce n'est qu'une supposition de ma part.

Le sénateur Grafstein: Elle augmente?

M. Johnson: Elle augmente.

Le sénateur Grafstein: Pour en revenir au principal obstacle qui s'oppose à ce que les entreprises étrangères s'inscrivent ici ou cherchent des capitaux chez nous, est-ce essentiellement la fiscalité ou la divulgation? Je veux parler de la divulgation des 100 000 $.

M. Johnson: Ce sont là deux obstacles. Je vous ai fait part de ce que m'ont dit un certain nombre d'hommes d'affaires qui envisagent d'investir ici et non pas de s'inscrire à la bourse.

Pour ce qui est de s'inscrire à la bourse, il s'agit généralement d'entreprises de Hong Kong ou de Taïwan. C'est ce que nous préférons, car ces sociétés connaissent mieux les politiques et la façon de faire des affaires en Amérique du Nord. Il est important qu'elles le comprennent, car il faut concilier les différences entre notre législation régissant les valeurs mobilières et la leur.

À l'heure actuelle, avec l'informatique, il est possible de conclure un protocole d'entente avec la bourse d'un pays avec lequel nous voulons faire des affaires. Nous favorisons également ce genre de chose entre les deux commissions des valeurs mobilières. Nous pouvons ensuite échanger des renseignements au sujet des clients et des gens afin que l'on sache à qui on a affaire. C'est essentiel pour que cela fonctionne. L'obstacle se situe davantage au niveau de leur familiarisation avec les normes en vigueur dans notre marché.

Le sénateur Grafstein: Les normes de divulgation?

M. Johnson: Oui.

Le sénateur Grafstein: Quand j'étais en Chine, j'ai vu les efforts rudimentaires déployés pour établir une bourse des valeurs. Les Chinois se sont dirigés dans cette voie. Quand je dis «rudimentaires», c'est parce que l'information disponible est minime comparée à celle qu'on exige de la Bourse de Vancouver. Les Chinois font-ils des progrès dans ce sens?

M. Johnson: Oui.

Le sénateur Grafstein: Voyez-vous le marché chinois établir le genre de bourse que vous avez, je crois, essayé de mettre en place sans succès. Pensez-vous que la situation va changer?

M. Johnson: Je ne suis pas certain que les Chinois soient déjà prêts. J'étais à Hong Kong en novembre, à une assemblée annuelle d'une association mondiale de bourses des valeurs mobilières appelée FIBB. Toute la conférence s'est rendue à Beijing. Nous avons parlé à tous les représentants des marchés boursiers de Chine. Ils ont fait d'énormes progrès depuis trois ans pour ce qui est de se conformer aux normes mondiales. Nous les avons invités à se joindre à cette association dont nous faisons tous partie et où nous sommes soumis à des normes. Les Chinois s'efforcent activement d'apprendre et de comprendre les marchés et de bâtir le leur.

J'ai passé trois ans en Australie dans ma carrière précédente et j'ai eu l'occasion de voyager un peu en Asie à cette époque, comme touriste et aussi à faire un peu ce que nous appelions «le tour des banques», pour nouer des relations bancaires et trouver des capitaux. J'ai toujours été impressionné de voir combien les gens de ces pays étaient industrieux et actifs. J'ai l'impression que les Nord-Américains, en particulier, ne se rendent pas compte du dynamisme de ces économies, de leur niveau de productivité, de leur goût pour le travail. Voilà ce que nous devons concurrencer et nous devons en prendre conscience.

J'ai mentionné que nous exploitions un créneau, ce qui a été très clair pour nous l'année dernière. Pour soutenir efficacement la concurrence dans les marchés mondiaux, il faut penser de cette façon, et cela vaut pour les grandes institutions de ce pays.

Lorsque vous établissez votre stratégie et que vous analysez la concurrence, si vous cherchez à dominer le marché, vous abordez la situation de façon différente. Ce n'est sans doute pas la bonne façon si nous voulons soutenir efficacement la concurrence à l'avenir.

Le sénateur Grafstein: Monsieur Johnson, je tiens à vous féliciter. Je crois que vous faites un merveilleux travail de pionnier dans ce domaine crucial. C'était un excellent exposé.

Le sénateur Perrault: Monsieur le président, c'était un bon exposé. Cela soulève une question. Il y a quelques années, la Bourse de Vancouver a fait l'objet de nombreuses critiques, au Canada et à l'étranger, pour avoir adopté des normes trop laxistes. Quelle est la situation aujourd'hui et qu'avez-vous fait pour rétablir la confiance des investisseurs?

M. Johnson: Il y a quelques années, il y a eu la Commission Makin. Nous nous trouvions alors dans une situation très désuète où l'on n'avait pas encore mis en place la plupart des choses qu'il a fallu établir pour contrôler ce marché. Un des progrès décisifs a été le système de transaction automatisé qui obligeait à transiger de façon très ouverte et très transparente. Un négociant peut voir à l'écran toutes les offres et demandes, appuyer sur le bouton et faire exécuter sa transaction. Avant cela, cela dépendait de votre courtier et du négociant qu'il avait à la bourse. J'ai parlé aux gens, surtout à ceux des fonds institutionnels, qui m'ont raconté que leur commande n'était pas exécutée au prix qu'ils recherchaient simplement parce que leur courtier n'était pas assez rapide. C'est une première étape.

Cela permet également d'appliquer des instruments de surveillance qui permettent de mieux superviser le déroulement des transactions et, par conséquent, de détecter rapidement les problèmes. Je suis relativement nouveau à la bourse; je suis là depuis 16 mois.

Le sénateur Perrault: Êtes-vous satisfait des normes qui ont été établies?

M. Johnson: Nous avons apporté quelques changements. J'ai instauré une application beaucoup plus rigoureuse des normes. Il ne s'agit pas tant de contrôler la qualité des actions transigées à la bourse. Vous appliquez vos normes, mais vous relevez le niveau de votre service. S'il s'agit d'un bon client, vous devez l'aider; si c'en est un mauvais, vous le rejetez.

Notre réputation antérieure était attribuable à des méthodes commerciales et à des abus qu'il fallait dissuader et éliminer de la bourse, ce que nous faisons grâce à l'application des normes. Il faut pouvoir déceler les problèmes et se montrer ferme et résolu. Vous constaterez que nous ne recevons pas autant de publicité aujourd'hui. Nous faisons notre travail.

Le sénateur Perrault: C'est très vrai. Vous avez largement rétabli la confiance des gens.

M. Johnson: Nous devons continuer. Cela exige une vigilance de tous les instants et nous devons continuer à mettre au point les outils nécessaires. Nous avons aujourd'hui un système de transaction automatisé qui représente un progrès réel. Nous avons été les premiers à l'avoir en Amérique du Nord. Nous sommes la seule bourse qui utilise un système de transaction entièrement automatisé, ce qui nous a permis de nous placer en tête du marché. Il s'agit maintenant de mettre au point les autres instruments, et d'avoir le désir de faire appliquer les normes et de faire comprendre à nos sociétés membres que nous voulons des transactions de bonne qualité.

Du côté du financement des sociétés, nos membres doivent parrainer un contrat pendant un an, avoir un service spécialisé dans le financement des sociétés, et leur licence de prise ferme auprès de la commission peut leur être retirée s'ils ne font pas leur travail. Cela relève automatiquement la qualité, car ils comprennent qu'il s'agit d'une structure sérieuse. La Bourse de Vancouver a fait beaucoup de chemin, mais la tâche n'est pas terminée.

Le sénateur Perrault: Êtes-vous présent sur le Web?

M. Johnson: Oui. Nous avons été la première bourse de valeurs à établir un site Web au Canada.

Le sénateur Perrault: Quels résultats cela a-t-il donné?

M. Johnson: D'assez bons résultats. Nous examinons actuellement notre information pour pouvoir fournir davantage de renseignements sur les entreprises inscrites à notre bourse et nous fournissons également ces renseignements par l'entremise des diffuseurs d'information.

Le sénateur Perrault: Pensez-vous qu'un jour les investisseurs pourront transiger des actions à domicile comme on le fait déjà pour les transactions bancaires?

M. Johnson: Cela se fait déjà. Je vous ai parlé de la jeune femme de Taïwan qui avait la liste des placements que voulait faire sa famille et à peu près quatre actions différentes à vérifier. Elle a obtenu ces renseignements sur l'écran et est allée à un autre terminal où elle a exécuté elle-même les transactions. La seule chose qui manquait est qu'elle ne pouvait pas faire le paiement au moyen de sa carte Visa ou de sa carte bancaire. C'est une chose que nous pourrons bientôt faire à partir de notre domicile.

Le sénateur Perrault: C'est peut-être pour bientôt.

M. Johnson: La technologie est presque là. Il faut maintenant trouver un moyen de le faire et de faire payer pour les services.

Le sénateur Perrault: Et d'assurer la sécurité.

M. Johnson: Et d'assurer la sécurité.

Le sénateur Andreychuk: J'aimerais que vous nous en disiez plus quant au fait que vous aimez que les transactions avec la Chine passent par Hong Kong ou Taïwan. Laissons Taïwan de côté, mais en ce qui concerne Hong Kong, pouvez-vous nous dire pourquoi c'est avantageux, selon vous, et si cela va changer. Prévoyez-vous un changement à compter du 1er juillet?

M. Johnson: Je ne prévois pas de changement important avant un certain temps. Nous nous situons du point de vue de l'autre partie. Nous sommes désireux de savoir à quel point le participant qui veut avoir accès au marché comprend la façon nord-américaine de faire des affaires, les normes que nous appliquons et la réglementation qui vise l'inscription d'une entreprise à la cote, les transactions, la diffusion de l'information et la divulgation continue qui fait suite à l'inscription. Les hommes d'affaires de Hong Kong connaissent assez bien la façon nord-américaine de faire des affaires. Cela facilite beaucoup les choses, parce qu'ils comprennent l'autre culture. Nous devons comprendre l'autre culture. Également, les hommes d'affaires de Hong Kong sont mieux en mesure de faire affaire avec un partenaire chinois de la Chine continentale. Je doute que nous puissions acquérir cette compétence avant un certain nombre d'années. Cela arrivera, mais ce ne sera pas à cause de 1997. Ce sera au bout d'un certain temps. Ils étudient très activement. D'après cette réunion, j'ai l'impression que les marchés boursiers vont travailler en collaboration plus étroite à compter de 1997.

Au fur et à mesure que la Chine va s'ouvrir au monde, ce qui se produit déjà, elle s'habitue également beaucoup plus à la façon occidentale de faire des affaires. Les progrès sont visibles. Cela faisait cinq ans que je n'avais pas été à Beijing; j'ai été sidéré par les changements dans tout ce que font les Chinois. Si cette tendance se poursuit, les affaires pourront se faire plus directement. Pour le moment j'aime l'idée d'avoir un tampon.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit également que certains investisseurs étaient habitués aux autres bourses. Vous avez cité l'exemple de l'Indonésie. Il a été question de la divulgation exigée au Canada et de ses effets dissuasifs. Préconisez-vous un changement dans la façon dont vous opérez et dont les bourses canadiennes opèrent?

M. Johnson: Cela ne s'applique pas aux bourses. C'est plutôt pour les gens qui viennent ici investir dans des entreprises canadiennes. Ils considèrent la fiscalité et ce qu'ils doivent déclarer. Pour ce qui est des entreprises qui veulent s'établir ici, le fait qu'elles doivent faire certaines divulgations est un obstacle, parce qu'elles finissent généralement par établir une entreprise à l'étranger. Vous vous retrouvez avec une structure artificielle.

Le sénateur Andreychuk: Préconisez-vous des changements?

M. Johnson: Il faudrait rendre le processus plus simple et plus convivial, le rationaliser et le rendre plus efficace. Des possibilités s'offrent à nous parce que nulle part ailleurs on n'offre des capitaux de risque. En Australie, lorsqu'on a fusionné les marchés boursiers, on a également fusionné les commissions des valeurs mobilières. Elles ont relevé la barre pour le capital de risque en instaurant une évaluation des gains. Quatre-vingt-dix p. 100 des entreprises de risque n'ont pas de résultats antérieurs à montrer, si bien qu'elles n'ont plus accès à ces capitaux.

Nous avons le même problème au Canada en ce qui concerne les prêts aux petites entreprises. Les conditions sont trop exigeantes et la plupart des entreprises auxquelles vous voulez prêter ne sont pas admissibles. Voilà pourquoi les entreprises australiennes sont venues s'inscrire à notre cote. Nous devons en être conscients. Nous devons n'épargner aucun effort pour que les entreprises puissent plus facilement s'établir chez nous. Nous sommes le premier port d'entrée. Nous pouvons lancer leurs projets en leur fournissant des capitaux de risque. Et si elles réussissent, un certain nombre de choix s'offrent à elles. Elles peuvent pénétrer davantage les marchés nord-américains et s'inscrire à la fois à la Bourse de Toronto et à la bourse de leur pays d'origine.

Les marchés canadiens ont la possibilité de maintenir ces relations, ce qui pourrait se faire assez facilement. Nous pouvons soutenir la concurrence mondiale. Si la Bourse de Toronto concurrence celle de New York vis-à-vis d'une entreprise d'Amérique du Sud, où pensez-vous que cette dernière ira? Elle ira aux États-Unis. D'un autre côté, si nous faisons d'abord venir une entreprise au Canada par l'entremise de la Bourse de Vancouver, il se peut qu'elle poursuive sa migration dans les marchés canadiens, car nous pouvons être plus efficaces et plus amicaux. Je crois que les marchés financiers canadiens jouissent d'un avantage par rapport à la concurrence.

Le président: Vous avez fait deux ou trois observations quant à la façon dont les bourses opèrent au Canada et les améliorations. Avez-vous eu l'occasion d'en parler au ministère des Finances, à Ottawa?

M. Johnson: Oui. Nous avons eu des discussions informelles au niveau politique. Nous avons rencontré, en novembre dernier, Paul Martin et John Manley, lorsqu'ils sont venus ici.

Le président: Êtes-vous optimiste?

M. Johnson: Oui. J'ai senti un désir d'écouter. Nous avons au moins mieux fait connaître la Bourse de Vancouver et ce qu'elle fait.

Le président: Est-ce un problème surtout fédéral ou provincial? Ou est-ce à la fois fédéral et provincial?

M. Johnson: La structure fiscale est fédérale.

Le président: Qu'en est-il du fait qu'une entreprise doit s'inscrire à la cote de plusieurs bourses?

M. Johnson: Il faut s'inscrire auprès de plusieurs commissions des valeurs mobilières. Pour l'étape initiale, que l'on ait une commission nationale ou non, si l'Alberta et la Colombie-Britannique -- où se fait pratiquement tout le financement à petite échelle-- adoptaient les mêmes règles, on pourrait tout de suite accroître l'efficacité entre ces deux organismes.

Mes membres comprennent à la fois des entreprises nationales et locales. Les sociétés nationales représentent environ 35 p. 100 de nos transactions et aucune de nos inscriptions. Pour ce qui est des entreprises régionales qui se trouvent à Vancouver, j'obtiens 50 à 60 p. 100 de leurs transactions, plus la totalité de leurs inscriptions à la cote. Les sociétés nationales voudraient donc qu'il y ait une commission nationale. Les entreprises locales sont très inquiètes. Ce n'est pas du tout une question régionale; il s'agit de comprendre que les marchés sont assez différents, qu'il y a celui du financement à petite échelle et celui du financement à grande échelle.

Quand je vois la structure que l'on propose actuellement pour une commission nationale des valeurs mobilières, le problème fondamental est qu'il faut que le marché des capitaux à petite échelle soit préservé et non pas compromis par les changements qui pourraient être imposés. Ce qui manque aujourd'hui c'est la formulation politique des règles s'appliquant aux petits marchés. Selon les propositions qui ont été faites, ces marchés auront seulement la capacité de donner leur avis. Rien ne leur garantit qu'ils ne seront pas dominés par une structure sous le contrôle des grands marchés. Il suffit de voir ce qui se passe en Australie. Ces inquiétudes sont tout à fait valides.

Le sénateur Bacon: Monsieur Gaw, vous avez mentionné les secteurs les plus récents dans lesquels les entreprises canadiennes connaissent du succès, tels que les services environnementaux qui connaissent un essor rapide en Asie. Nous savons que les membres de l'APEC, avec leur taux de croissance phénoménale et une population de plus d'un milliard d'habitants, ont deux grands défis à relever: le réchauffement de la planète et la dégradation de la qualité de l'air.

Les investisseurs canadiens pourraient-ils inclure des conditions environnementales dans les contrats qu'ils signent? Dans l'affirmative, quelles conséquences cela pourrait-il avoir?

M. Gaw: Pour ceux d'entre vous qui ne sont pas allés en Chine, l'air y est très pollué. On se sert surtout de charbon pour chauffer les maisons en hiver. Les cours d'eau sont également très pollués. Si le gouvernement canadien peut financer certaines initiatives, la Chine pourrait profiter d'une aide importante dans ce domaine. Le Canada a une grande réputation dans le domaine de l'ingénierie environnementale et de la dépollution.

Le sénateur Bacon: Si les investisseurs canadiens investissaient en Chine et demandaient à discuter avec leurs homologues de normes environnementales spéciales, quelles en seraient les conséquences? Serait-ce acceptable pour les Chinois?

M. Gaw: Ce serait acceptable, mais le gouvernement n'aurait peut-être pas l'argent voulu.

Le président: Pendant que vous répondez aux questions, monsieur Gaw, j'en ai une à vous poser. Dans votre déclaration, vous avez parlé du ralentissement que le Japon et plusieurs autres économies connaissent depuis quelques années.

M. Gaw: L'économie est nettement en baisse.

Le président: Qu'en pensez-vous? Est-ce seulement cyclique ou le miracle de la croissance asiatique arrive-t-il à son terme?

M. Gaw: Je crois que c'est cyclique. Les États-Unis sont passés par là lors de la faillite des banques d'épargnes et il leur a fallu des années pour remédier à la situation. Le Japon connaît une surchauffe dans le secteur immobilier. Il a besoin de temps pour y remédier. Il le fait lentement et il semble qu'il commence à surmonter le problème.

Le président: Si l'on regarde l'histoire de l'industrialisation en Europe, en Angleterre, par exemple, au départ, la population était relativement limitée; la croissance démographique a correspondu à l'industrialisation. Dans certains pays d'Asie, la situation était assez différente. Certains diront que la population a déjà atteint son maximum. Quelles seront les conséquences des pressions démographiques dans les grandes villes d'industrialisation vers lesquelles les gens se dirigent pour trouver du travail? Quelles seront les conséquences de la médecine moderne? À part la question économique, avons-nous lieu de nous inquiéter de la question sociale?

M. Gaw: Je connais très bien la Thaïlande; j'y ai séjourné pendant dix ans. L'économie thaïlandaise était à 80 p. 100 agricole jusqu'au milieu des années 70, où elle a commencé à démarrer. Le Japon est devenu le plus gros investisseur là-bas parce que les frais de main-d'oeuvre y étaient très faibles. De 1977 à 1985, l'économie a connu un grand essor. Le PIB progressait en moyenne de 10 à 15 p. 100 par an. Le niveau de vie et le revenu des gens ont donc doublé dans un délai très court. Les installations médicales ont été améliorées. On a importé un certain nombre de scanners en Thaïlande.

Le président: Quelles seront les conséquences de la concentration de population dans les centres urbains? Ces villes seront-elles viables? Les gens pourront-ils y vivre?

M. Gaw: À Bangkok, la situation ne cesse d'empirer. Les bouchons de circulation sont terribles.

Le président: La ville s'enfonce, n'est-ce pas?

M. Gaw: La ville s'enfonce à cause de sa situation géographique; Bangkok se compare à Richmond. De plus, comme le gouvernement ne fournissait pas suffisamment d'eau à la population, la moitié des gens pompaient leur eau du sol. Quand la nappe phréatique s'est épuisée, la terre a commencé à s'enfoncer. Pour cette raison, il y a beaucoup de problèmes d'inondation pendant la saison des pluies. On essaie d'améliorer le réseau de transport public. Une entreprise canadienne a joué un rôle dans ce domaine, mais la situation a changé et les Thaïlandais n'ont pas construit de système de transport rapide. Ils ont essayé d'améliorer les choses, mais le problème est toujours là.

Ce n'est pas seulement à Bangkok. La Chine n'avait pas de problème d'automobiles et de circulation, mais elle commence à en avoir.

Le président: Y a-t-il une forte expansion urbaine à Shanghaï?

M. Gaw: Oui.

Le président: C'est ce qu'on appelle le «syndrome de Toronto». La ville s'étend et occupe toute la bonne terre arable.

M. Gaw: Je ne suis jamais allé à Shanghaï. Vous avez demandé si tous ces booms économiques étaient bons pour les grandes villes?

Le président: Si la société peut survivre à la croissance urbaine qui accompagne l'industrialisation.

M. Gaw: Dans le cas de Bangkok, le gouvernement incite l'industrie à s'établir ailleurs. Il lui accorde des avantages tels que des terrains peu coûteux, de bas salaires minimums et d'autres formes d'assistance pour l'inciter à quitter la ville. Autrement, les agriculteurs et les autres veulent aller en ville trouver des emplois.

Le sénateur Stollery: Monsieur le président, les témoignages d'aujourd'hui m'ont paru intéressants, surtout quand M. Blewett nous a raconté ce matin ce que c'était que de faire des affaires avec la Chine. Cela m'amène à poser une question à M. Johnson. J'ai trouvé extrêmement intéressant que les gens ne veulent pas divulguer combien d'argent ils possèdent ou se conformer à ce que nous considérons comme des normes d'imputabilité financière. Nous décrivons également cela comme la responsabilité de fiduciaire. Je sais qu'il n'y a pas de magistrature indépendante en Chine. Il n'y en a probablement pas non plus en Thaïlande et c'est une des raisons des problèmes qu'elle connaît.

Après avoir écouté nos témoins de ce matin, j'ai l'impression qu'il n'y a pas de magistrature indépendante, qu'elle va probablement disparaître à Hong Kong et qu'on n'a pas accès aux tribunaux. Nous parlons du marché boursier. S'il est une critique qu'on adresse aux bourses canadiennes en général, c'est que leurs normes de responsabilité fiduciaire sont beaucoup plus basses que celles des Américains. Certains scandales des fonds communs de placement n'auraient pas pu se produire aux États-Unis.

M. Johnson: Ils ont eu leur part de difficultés.

Le sénateur Stollery: Comment vont-ils établir un marché là où ils peuvent obtenir d'importants capitaux, s'ils ne veulent pas parler de leur argent? Ils ne veulent pas émettre d'états financiers certifiés et tout ce qui est normalement exigé lorsqu'on demande à quelqu'un d'investir de l'argent dans une proposition.

M. Johnson: Il y a des normes de divulgation raisonnables. Néanmoins, pour ce qui est des états financiers, ils devront certainement se rapprocher davantage de nos normes s'ils veulent s'installer dans nos marchés. Dans l'ensemble, leur système fonctionne bien. Les Chinois comprennent assez bien le capitalisme. Ils peuvent le faire fonctionner et je suis convaincu qu'ils le feront progresser. Ils vont s'adapter un peu à nos normes, mais il y a également d'autres facteurs. Notre système s'accompagne d'un taux d'imposition marginal de 56 p. 100. Cela leur paraît inacceptable.

Le sénateur Stollery: Il y a peut-être des entreprises chinoises citées dans le guide mensuel des actions Standard & Poors 500, mais je doute qu'il y en ait beaucoup.

M. Johnson: Je doute qu'il y en ait pour le moment.

Le sénateur Stollery: Comment cela fonctionnera-t-il? Cela va-t-il exercer des pressions en faveur d'une magistrature indépendante? Au Mexique, il y a des fusillades; il y a beaucoup de problèmes à cause de l'absence de magistrature indépendante. Dans dix ans, quand les entreprises chinoises devront lever des capitaux sur les marchés des capitaux mondiaux, comment vont-elles le faire?

M. Johnson: Vous verrez qu'elles seront beaucoup plus près des normes universelles.

Le sénateur Stollery: Qui va les faire appliquer?

M. Johnson: Il ne s'agit pas de les faire appliquer mais plutôt de les faire accepter et, ensuite, de les appliquer mutuellement dans votre propre pays et d'échanger l'information requise d'un pays à l'autre.

J'ai dit tout à l'heure qu'à mon dernier voyage en Chine, j'ai vu que les Chinois avaient progressé énormément, par rapport aux autres bourses mondiales, depuis trois ans. Ils vont continuer à mettre en place l'infrastructure nécessaire pour soutenir une industrie des valeurs mobilières en Chine. S'ils sont incités à se joindre à l'organisation mondiale, ce ne peut être qu'une mesure positive, qui permettra d'échanger des idées, de parler des problèmes, de bâtir l'infrastructure nécessaire et d'adopter des normes plus universelles.

Si vous parcourez le monde en discutant des normes de divulgation ou de régie d'entreprise, la grande question qui se pose en Amérique du Nord n'est presque pas soulevée en Europe et encore moins en Asie. Il suffit d'examiner l'histoire de ces marchés pour comprendre. Vous avez de gros investissements familiaux dans ces deux régions. La régie des sociétés n'est pas le problème qui se pose en ce qui concerne la gestion d'une entreprise. C'est néanmoins une question très importante en Amérique du Nord.

Le sénateur Stollery: Pour emprunter de l'argent?

M. Johnson: Ce que je dis c'est qu'il faut d'abord diagnostiquer la maladie et ensuite employer le remède voulu. Ne nous contentons pas d'un bandage parce que c'est le seul remède que nous avons.

M. Gaw: Sénateur, j'ignore si vous connaissez ou non la Bourse de Hong Kong. Elle est bien réglementée et la Chine a promis de continuer. Il y a un certain nombre d'entreprises chinoises inscrites à Hong Kong. Elles doivent se soumettre aux conditions de la Bourse de Hong Kong et leurs comptes sont vérifiés.

M. Johnson: Ses exigences pour l'inscription à la cote sont plus strictes que celles de la Bourse de Toronto ou de New York.

Le président: Je tiens à remercier M. Gaw et M. Johnson de leur exposé intéressant, parfois compliqué, mais fascinant.

Notre dernier témoin d'aujourd'hui est M. Ian Ogilvie.

Ian Ogilvie, président, Canada Pacific Russia Trade Centre: Monsieur le président, honorables sénateurs, je voudrais profiter de l'occasion pour demander une représentation diplomatique canadienne dans une région de l'Asie-Pacifique que l'on a tendance à oublier aujourd'hui, étant donné que plus de la moitié de la Russie se trouve en Asie. L'association que je représente est une association sans but lucratif de la province, qui a été récemment rebaptisée «Canada Pacific Russia Trade Centre» et qui s'appelait auparavant «Vancouver Vladivostok Trade Association».

Nos membres trouvent difficile de concurrencer les Américains dans cette partie du monde. Les Américains ont un consulat général à Vladivostok depuis 1991. Les affaires, surtout dans le secteur alimentaire, se concentrent à Seattle, Khabarovsk et Vladivostok. Si un entrepreneur canadien désire inviter quelqu'un de la Russie-Pacifique à visiter le Canada, cette personne doit faire une demande à l'ambassade à Moscou, qui se trouve à sept fuseaux horaires et 11 000 kilomètres de distance, plus loin que nous ne sommes de Dublin ou de Paris.

Même si j'ai beaucoup de mal à le croire, on m'a dit que l'ambassade exige que l'intéressé envoie son passeport. Si je demande un visa à l'ambassade de Russie à Ottawa, je dois envoyer une photocopie des deux premières pages. Imaginez les inconvénients pour les gens d'affaires russes qui doivent se passer de leur passeport pendant dix jours ou plus. Même si cette personne reçoit un visa canadien, elle peut avoir à se rendre à Moscou pour une entrevue. Elle doit également obtenir un visa américain pour pouvoir transiter par Anchorage ou Seattle.

Il est également difficile de se rendre ici. Comme il n'y a pas de consulat, les gens doivent prendre un avion américain jusqu'à Seattle. Il arrive toutes sortes d'incidents épouvantables. Récemment, le numéro trois de la plus grande entreprise de transport maritime russe, la Far East Shipping Company, était à Seattle et voulait visiter son bureau de Vancouver. Il avait l'impression qu'il lui suffisait de se rendre au consulat pour obtenir un visa. Il ne l'a pas obtenu, car on lui a dit qu'il devait attendre cinq jours pour en obtenir un.

Un de nos membres a appris qu'une des entreprises forestières russe voulait acheter des débusqueuses. Ses représentants se trouvaient à Seattle. Il voulait qu'ils viennent ici visiter Western Star. Cela n'a pas été possible, car aucun visa ne pouvait être obtenu.

J'aimerais vous parler un peu de notre association commerciale. En 1991-1992, il y a eu la British Columbia Primorye Trade Initiative. Toutes les grandes entreprises y ont participé sur l'invitation du gouverneur de Primorye. Certains de ces représentants témoigneront demain. Primorye est la province dont Vladivostok est la capitale.

Jill Bodkin, une femme d'affaires éminente d'ici, a mis cette mission sur pied. Sur une période de deux ans, on a essayé de faire bouger les choses là-bas, mais cela arrivait un peu trop tôt. Les idées que la mission apportait arrivaient trop tôt pour les Russes et il n'en est rien ressorti.

L'un des premiers hommes d'affaires canadiens qui a visité Vladivostok était un entrepreneur dénommé Ted Pickel, de Fort St. John. En 1989 ou 1990, quand Vladivostok a été ouverte, il a expédié là-bas tout un motel. C'est toujours le meilleur motel en ville. Il vous dira que, pour chaque Canadien qui fréquente cet établissement, il y a 50 Américains. Il est très difficile de soutenir la concurrence, car sans visas, vous n'avez pas de clientèle et, sans clientèle, les lignes aériennes n'ont pas l'appui des banques. Voilà à peu près la situation.

Les gens d'affaires d'ici estiment que c'est parce qu'il n'y a pas de représentation diplomatique et que le pays ne les appuie pas d'une façon ou d'une autre. C'est l'excuse qu'ils invoquent. C'est une excuse valide et les Russes en disent autant. C'est très regrettable, car les relations entre les Canadiens et les Russes ne traînent pas derrière elles le bagage de la guerre froide. Les Russes entretiennent des relations naturelles et confortables avec les Canadiens. Ils peuvent faire des affaires avec les Allemands, les Japonais et les Américains, mais il y a toujours un obstacle psychologique.

Le 20 septembre dernier, j'ai transmis un message du ministre des Affaires étrangères russe, M. Primakov, à M. Axworthy, quelques jours avant qu'il devait le rencontrer à New York, pour l'ouverture de l'assemblée générale. Il y était dit que, si le Canada souhaitait ouvrir un consulat en Russie-Pacifique, la Russie serait désireuse d'en ouvrir un à Vancouver. J'ignore s'ils se sont rencontrés. La réponse des hauts fonctionnaires était qu'il n'y avait pas d'argent pour cela. On a quand même trouvé 30 millions de dollars pour maintenir Radio Canada International en vie pendant un an.

Il y a ici un groupe, Serex ou Irex, de cadres canadiens à la retraite, dont plusieurs possèdent des connaissances en commercialisation, langues et autres, qui seraient très heureux d'aller passer six mois là-bas dans une ambassade temporaire, en assurant un roulement, sans autre dédommagement que leurs frais.

Par rapport aux Américains, nous nous battons les deux mains liées derrière le dos. Depuis l'ouverture du consulat général, les Américains ont une Commission Gore-Chernomyrdin qui se réunit deux fois par an et qui les soutient beaucoup. Ils ont également un réseau de bureaux d'affaires à Sakhalin, Havas et Kamchatka. Je ne pense pas que nous puissions nous offrir cela pour le moment. Nous devrions au moins pouvoir nous offrir un consulat quelconque, ce qui signalerait l'appui du gouvernement.

Le sénateur Grafstein: Pourriez-vous nous donner une idée du commerce bilatéral qu'il pourrait y avoir entre Vladivostok et le Canada. Nous connaissons l'ouest de la Russie, mais pas l'Est. J'ai entendu des histoires terribles à propos de Vladivostok. Ce sont des renseignements purement anecdotiques. Il y a là-bas des problèmes, sur le plan du transport maritime. Mes souvenirs sont imprécis, mais pourriez-vous nous en parler un peu? Il y a de véritables problèmes sur le plan du transport, de la réglementation et du gaspillage de ressources.

Pour que le ministère des Affaires étrangères établisse un consulat, même à temps partiel, cela représente à ses yeux un gros investissement. Il faut qu'il présente une analyse coûts-avantages. Quels coûts-avantages pouvons-nous présenter au ministère pour appuyer votre recommandation?

M. Ogilvie: Cela revient à lancer une entreprise; que vous investissiez dans de l'outillage ou des ordinateurs, vous devez vous convaincre qu'il y a un potentiel économique. Chacun sait que cette partie de la Russie est la plus riche en or, diamant, poisson, bois et même en charbon. Quand on voit que Teck and Fording, ici, ont de gros marchés métallurgiques en Corée et au Japon, on se demande pourquoi on ne courtise pas ces sociétés, qui sont maintenant des sociétés par actions privées, avec lesquelles vous pouvez parler d'actions plutôt que d'argent. Pourquoi ne va-t-on pas prendre contact avec certaines de ces entreprises de charbon métallurgique des provinces de Yakutia et de Khabarovsk?

Ces firmes commencent à pénétrer les marchés coréens, japonais et autres. Elles sont beaucoup plus proches de ces marchés que nous. Je publie un bulletin de nouvelles hebdomadaire et je commence à montrer que les entreprises de cette région du monde sont déjà en Corée où elles commencent à construire des maisons de bois et à implanter des usines pour fabriquer des cadres de porte.

Nous avons reçu d'éminents visiteurs en septembre dernier. Six dirigeants des plus grandes entreprises forestières russes sont venus ici pendant sept jours. C'était un auditoire captif. Jamais six d'entre eux n'avaient fait un tel voyage, même aux États-Unis. Ils ont laissé entendre qu'ils voulaient se sortir de l'emprise japonaise. Leur problème est qu'ils manquent de capitaux de roulement. Ils ont désespérément besoin de capitaux parce que les chemins de fer et les ports ne leur font plus crédit. Les Japonais sont les seuls qui leur donnent de l'argent d'avance pour la coupe de bois. Ils imposent leurs conditions: ils dictent les prix et il faut leur acheter leur outillage.

Ces six personnes sont venues passer une semaine ici et nous avons passé beaucoup de temps à circuler dans le pays. Nos gens d'affaires, les principaux de la région, ont écouté, mais leur décision était prise à l'avance, car ils avaient entendu parler des difficultés de cette région du monde. D'autre part, ils disent ne recevoir aucun appui. De plus, au lieu de prendre l'initiative et d'inviter le gouvernement et les banques à les suivre, les gens d'affaires ont tendance à attendre que le gouvernement se lance dans une mission commerciale et à lui emboîter le pas.

Le sénateur Stollery: Je trouve cela très intéressant, car je songe à me rendre à Vladivostok, précisément pour étudier la question. J'ai été en Extrême-Orient soviétique. C'était l'ancienne province maritime. Quand j'étais à Ulan Ude, il y a des années, au célèbre endroit où se trouvaient les troupes canadiennes en 1918, j'ai remarqué l'énorme trafic-marchandises qui circulait sur ce chemin de fer, du Japon vers l'Europe. C'est une des choses les plus étonnantes que j'aie jamais vues. Je n'ai jamais vu autant de trains de 120 wagons sur une voie ferrée. Vladivostok était alors fermée. Elle a été fermée pendant des années, depuis les années 20, et c'est alors que tous les consulats ont fermé leurs portes, car tous les pays y avaient leur consulat avant cela.

D'après ce trafic considérable et l'usage que les Japonais font de cette ligne, parce qu'il n'y a pas de route qui traverse la Russie, juste une énorme voie ferrée, j'ai supposé qu'il y avait d'énormes installations portuaires à Vladivostok. Quelle est la situation là-bas? Comment y font-ils face?

M. Ogilvie: Il y a un groupe de ports, Nakhodka, Vladivostok et Vostchnyy. Pris ensemble, ces ports acheminent 40 p. 100 de la totalité du commerce extérieur de la Russie. Ce sont les seuls ports entièrement libres de glace et ils sont donc ouverts 12 mois sur 12. Il est question de grands projets d'expansion là-bas. Les membres du comité devraient s'intéresser de près à la personnalité du nouveau premier ministre russe, M. Primakov. C'est un homme âgé et averti qui a récemment participé à des missions de charme dans cette partie du monde. Il est assez clair à ses yeux que la Russie va devoir se tourner largement vers la région de l'Asie-Pacifique et les Russes exercent des pressions sur le Canada et d'autres pays pour qu'ils deviennent membres de l'APEC. C'est crucial pour eux.

Le sénateur Stollery: Les Japonais, malgré les conflits au sujet des îles Kurile et le long différend à propos de Sakhalink -- et même s'ils ne se reconnaissent pas mutuellement et qu'il y a même un traité de paix --, se servent énormément de cette voie ferrée jusqu'à Vladivostok.

M. Ogilvie: Pas seulement les Japonais.

Le sénateur Stollery: J'ai remarqué que 80 p. 100 de ces wagons étaient des wagons japonais en direction de l'Europe. Il y avait des centaines de conteneurs; on ne peut pas imaginer combien de trains cela représente, avec ces bogies très larges.

M. Ogilvie: C'est vrai, mais les chemins de fer ont quand même un tas de problèmes. C'est un monopole qui a profité de sa liberté nouvelle depuis deux ans. Entre 1992 et 1994, les tarifs-marchandises ont augmenté de 2 000 p. 100. Le résultat est que la Russie-Pacifique, qui était une colonie qui envoyait toute sa matière première à la mère patrie, en échange de quoi elle recevait des produits manufacturés, a changé. La Russie-Pacifique ne peut plus se permettre d'importer quoi que ce soit de la Russie européenne. Toutes les automobiles sont japonaises. La nourriture vient d'Australie et de Nouvelle-Zélande. Les pommes viennent de l'État de Washington. L'État de Washington a un représentant là-bas. D'après les dernières statistiques, 97 p. 100 des produits alimentaires de la région sont importés de l'Asie-Pacifique. Il n'est pas logique de faire venir quoi que ce soit du reste de la Russie. Il est très difficile de trouver une Lada ou une voiture russe.

Le président: Nous vous remercions beaucoup de votre comparution devant le comité.

La séance est levée.


Haut de page