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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 21 - Témoignages - Séance de l'après-midi


VANCOUVER, le vendredi 7 février 1997

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 14 h 10 afin d'examiner, pour en faire rapport, l'importance croissante pour le Canada de la région Asie-Pacifique, en mettant l'accent sur la prochaine Conférence pour la coopération économique en Asie-Pacifique qui aura lieu à Vancouver à l'automne 1997, l'année canadienne de l'Asie- Pacifique.

Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, pour la dernière séance que nous tiendrons ici à Vancouver, nous entendrons d'abord cet après-midi les représentants de la municipalité. Notre premier témoin sera Son Honneur le Maire, M. Philip Owen. C'est le quarante-deuxième maire de la ville de Vancouver. Il a une longue expérience du monde des affaires et il est né ici, à Vancouver. Son père, feu Walter Owen, a été lieutenant-gouverneur de la province. M. Owen a débuté dans les affaires chez Eaton, dans le domaine de la vente au détail, et il est ensuite devenu gérant de magasin chez Park Royal. Il a passé quelque temps à Toronto et à New York avant de revenir à Vancouver au début des années 70; il a alors participé aux activités de diverses organisations municipales et est devenu maire de Vancouver en 1993.

Avant de demander à monsieur le maire de nous présenter les gens qui l'accompagnent, je tiens à lui dire que le comité apprécie beaucoup l'accueil qui nous a été réservé ici. J'allais même vous remercier pour la merveilleuse température, mais on m'a dit que c'était normal pour votre ville et qu'il n'était donc pas nécessaire de vous en remercier. Nous en avons bien profité même si le beau temps n'était pas prévu expressément pour nous. Le soleil et le temps doux sont particulièrement agréables à ce temps-ci de l'année pour ceux d'entre nous qui doivent endurer les rues glacées et les vents mordants qui sévissent à Ottawa.

Nous avons le privilège d'avoir avec nous le sénateur Bacon, qui est présidente du comité sénatorial permanent des transports et des communications. Vous aurez peut-être certaines choses à dire qui intéresseront tout particulièrement son comité, tout comme vous en aurez d'autres qui se rattachent plus directement à nos travaux à nous.

Sur ce, Votre Honneur, je vous laisse la parole et je vous invite à procéder comme bon vous semblera.

M. Philip Owen, maire de Vancouver: Je suis très heureux d'être ici et je vous remercie de m'avoir invité à vous parler de cette question importante. Je suis accompagné aujourd'hui du capitaine Norman Stark, qui est président et directeur général de la Société du port de Vancouver et membre de la Vancouver Economic Development Commission. M. Bob Thompson est directeur chez MTR Consultants Limited et est également membre de la commission de développement économique. M. John Hansen, qui était ici ce matin, est membre du Vancouver Board of Trade, et M. Kuzmick, qui est comptable agréé, est haut fonctionnaire au Service des finances de la ville de Vancouver.

Permettez-moi de commencer par un petit effet visuel. Le capitaine Norman Stark et moi sommes venus directement du terminus de Vanterm, dans le port de Vancouver, où nous avons souhaité la bienvenue au Lu He, le plus gros porte-conteneurs qui soit jamais venu à Vancouver. Il appartient à la société Costco. On nous a donné ces petits chapeaux pour promouvoir la société portuaire.

Le trafic de conteneurs à Vancouver a augmenté de 24 p. 100 l'an dernier par rapport à l'année précédente. Le Lu He peut contenir 5 200 UEC, une UEC étant l'équivalent d'un conteneur de 20 pieds. Costco est en train de construire six navires du même genre qui viendront régulièrement à Vancouver. Celui-là fait 1 000 pieds de long et atteint une vitesse de 25 noeuds. Il est difficile d'imaginer un navire pouvant recevoir 5 200 conteneurs et se déplacer à 25 noeuds, avec un équipage de 24 personnes. C'est incroyable. Ces navires coûtent plus de 200 millions de dollars chacun. Ils sont construits au Japon en six mois et demi à sept mois. La quille est montée et le bateau peut partir. C'est incroyable de voir la taille de ce navire.

Par comparaison, le plus grand porte-conteneurs que Montréal puisse accueillir est moitié moins gros: sa capacité ne dépasse pas 2 700 UEC, à cause du fleuve. Il serait possible de draguer le fleuve, mais cela coûterait très cher.

On m'a dit qu'on construisait maintenant des navires ayant une capacité de 6 000 à 8 000 UEC. Le capitaine Stark vous confirmera que nous pourrions recevoir des navires contenant jusqu'à 8 000 UEC dans le port de Vancouver. Voilà ce qui se passe du côté de l'Asie-Pacifique. C'est incroyable.

Il y a deux grues qui assurent le chargement et le déchargement de ce navire. Elles ont été toutes les deux construites en Chine et assemblées ici. Chacune a coûté 9 millions de dollars. Quant aux navires, ils ont été construits au Japon pour plus de 200 millions de dollars chacun. La tendance va vers des navires de plus en plus grands, des équipages de plus en plus réduits et un fonctionnement de plus en plus automatisé à plus grande vitesse. Le port de Vancouver est bien équipé pour accueillir ces nouveaux navires.

Nous avons aussi l'aéroport. Nous sommes bien placés ici, grâce à notre port et à notre aéroport, pour soutenir la croissance des échanges commerciaux bien après le début du XXIe siècle. Il y a très peu de ports dans le monde qui ont déjà cette capacité. Mais nous l'avons et nous pouvons soutenir ce trafic sans dépenser beaucoup d'argent. J'espère que vous allez en tenir compte en écoutant la suite de notre présentation.

Dans la perspective de la ville de Vancouver, il y a trois grandes questions à régler. Premièrement, il faut reconnaître que Vancouver est une ville-porte pour le transport des produits canadiens vers l'Asie-Pacifique. Deuxièmement, il faut instaurer un climat susceptible d'attirer les investisseurs. Et troisièmement, il faut assurer le développement de Vancouver en tant que ville internationale.

Nous n'avons pas besoin de changer grand-chose pour répondre à ces trois critères. Vancouver est déjà une ville internationale, qui attire beaucoup d'investissements de l'étranger. Nous sommes déjà un point d'accès vers le Pacifique et nous avons une immense capacité; nous sommes donc prêts à suivre l'évolution du marché. La première chose dont je voudrais vous parler, c'est la nécessité de reconnaître que Vancouver constitue une ville-porte pour le transport des produits canadiens vers l'Asie-Pacifique.

Les ports et l'infrastructure de transports du Grand Vancouver fournissent environ 28 000 années-personnes de travail, paient 850 millions de dollars en taxes chaque année et présentent un énorme potentiel de croissance. Le capitaine Stark pourra vous donner plus de détails à ce sujet-là.

Vancouver est la principale plaque tournante du commerce entre le Canada et les pays de l'Asie-Pacifique. Le gouvernement fédéral est un intervenant important à cet égard, d'autant plus que la compétitivité de notre ville-porte, sur le plan des coûts, a une incidence directe sur les prix et, par conséquent, sur la compétitivité d'une bonne partie des exportations canadiennes sur les marchés internationaux. La ville de Vancouver estime que le gouvernement fédéral doit reconnaître l'importance de ce point d'accès et aligner sa politique sur les initiatives du secteur privé pour veiller à ce que le secteur des transports soit en mesure d'innover et de soutenir la concurrence. Le climat d'investissement à Vancouver doit être attirant pour les entrepreneurs de l'Asie-Pacifique.

Les nouvelles exigences relatives à la divulgation des éléments d'actif ont suscité une réaction négative très marquée chez les nouveaux immigrants et les investisseurs éventuels, ce qui a entraîné une baisse du prix des propriétés, une fuite des capitaux et une diminution des investissements. Cette mesure risque de limiter sérieusement l'intérêt des étrangers pour le Canada -- si ce n'est pas déjà fait -- et d'avoir des répercussions particulièrement graves pour Vancouver, où s'établissent de nombreux immigrants investisseurs. Les gouvernements des niveaux supérieurs doivent peser soigneusement leurs décisions parce que les conséquences involontaires de ces décisions peuvent envoyer un message négatif à nos partenaires potentiels en Asie-Pacifique. Maintenant, pour ce qui est de développer l'aspect international de Vancouver, le commerce et le tourisme sont les deux activités essentielles de notre ville.

Il y a cinq ans, les croisières aller-retour entre Vancouver et l'Alaska, d'avril à octobre, attiraient environ 200 000 personnes par année. Ce nombre a augmenté substantiellement et atteint aujourd'hui presque 700 000 par année. La croissance a été phénoménale. Ces gens-là viennent de partout dans le monde; ils arrivent ici, ils passent quelque temps ailleurs et ils reviennent ensuite à Vancouver. C'est un circuit d'une semaine. Il est impératif que le gouvernement fédéral nous aide à développer la masse critique des activités et des institutions internationales qui permettront à Vancouver de se classer en bonne place parmi les villes de la ceinture du Pacifique. En implantant ici des institutions fédérales liées à l'Asie-Pacifique et en s'assurant ainsi qu'il restera quelque chose à Vancouver après la fin de la Conférence pour la coopération économique en Asie-Pacifique, le gouvernement fédéral pourrait aider à atteindre cet objectif. Nous fondons beaucoup d'espoir sur cette conférence et nous tenons à remercier sincèrement Ottawa, ainsi que les élus et tous les fonctionnaires qui ont travaillé très fort pour qu'elle ait lieu ici. Nous avons hâte et nous travaillons fort nous aussi pour en faire un grand succès, qui non seulement rejaillira sur Vancouver, sur la région et sur la province, mais qui mettra le Canada tout entier en évidence. Nous voulons être certains d'être fiers de ce que nous aurons fait.

Dans l'ensemble, le fait que Vancouver soit la porte d'accès du Canada vers la région de l'Asie-Pacifique a des avantages et des inconvénients. Puisque tout le monde profite de ces avantages, il est normal que tout le monde partage aussi les efforts et les coûts liés au développement et au maintien de la présence de Vancouver dans l'Asie-Pacifique. Voilà qui met fin à mes remarques.

Le capitaine Norman Stark, président, Greater Vancouver Gateway Council; président et directeur général, Société du port de Vancouver; membre, Vancouver Economic Development Commission: Monsieur le président, je m'adresse à vous en tant que président du Greater Vancouver Gateway Council. Ce conseil, qui s'intéresse au rôle de Vancouver en tant que ville-porte, se compose de représentants des grandes lignes aériennes, à savoir Air Canada et les Lignes aériennes Canadien International, de la B.C. Maritime Employers Association, de B.C. Rail, de CP Rail, du CN, de la Chamber of Shipping, de la Fraser River Harbour Commission, de l'autorité aéroportuaire de Vancouver et de la Société du port de Vancouver. Nous avons des membres experts qui viennent des provinces de l'Ouest -- Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique -- et du gouvernement fédéral, c'est-à-dire du ministère des Transports. Ce que nous visons, c'est de faire du Grand Vancouver la principale ville-porte d'Amérique du Nord. Notre conseil a été fondé en 1994. Le ministre des Transports de l'époque en avait fait l'annonce conjointement avec les membres du conseil. Je dois ajouter que notre organisme compte aussi des représentants du monde syndical.

Le mémoire que je vais vous présenter comprend un certain nombre de recommandations du Greater Vancouver Gateway Council au gouvernement; ces recommandations visent à relever les défis et à profiter des possibilités qui s'offrent à notre ville-porte afin d'améliorer la compétitivité du Canada sur les marchés internationaux, de resserrer les liens avec les économies de l'Asie-Pacifique et d'intensifier le tourisme.

Comme l'a souligné monsieur le maire, le Greater Vancouver Gateway Council fournit environ 28 000 années-personnes de travail et paie plus de 850 millions de dollars de taxes.

Détail intéressant, chaque fois qu'un porte-conteneurs arrive dans le port de Vancouver, il crée quatre années-personnes de travail; et chaque 747 qui atterrit à l'aéroport de Vancouver en crée une.

Grâce à l'expansion du commerce avec l'Asie-Pacifique, notre ville-porte possède le potentiel suffisant, en termes d'emplois et de croissance, pour augmenter sa contribution à l'économie nationale, régionale et locale en créant au moins 5 000 emplois directs et en versant 150 millions de dollars de taxes supplémentaires au cours de la prochaine décennie.

Pour réaliser cette croissance, nous devons continuer d'améliorer notre compétitivité, particulièrement par rapport aux villes-portes américaines comme Seattle-Tacoma et Los Angeles. Les taxes sur les transports et les coûts de recouvrement du capital, au Canada, de même que la congestion croissante de l'infrastructure en place, constituent les principaux obstacles à l'amélioration de notre compétitivité.

Le secteur privé fait tout ce qu'il peut pour surmonter ces obstacles. Il a injecté 1,3 milliard de dollars dans de nouveaux équipements d'infrastructure depuis le début des années 90; il a amélioré sans cesse sa productivité; il a accru les sommes qu'il investit dans la nouvelle technologie et dans la formation qu'il dispense dans ce domaine; il a mis en place des programmes de marketing international concertés et efficaces, et il a élaboré une vision commune de l'avenir de la ville-porte du Grand Vancouver et du resserrement des liens avec les économies de l'Asie- Pacifique. Ces mesures devraient aider notre ville-porte à réaliser son plein potentiel de croissance et de création d'emplois, et réduire la vulnérabilité des produits d'exportation canadiens face à la concurrence étrangère.

Je voudrais parcourir avec vous nos six recommandations. La première porte sur les investissements en matière d'infrastructure. Nous aimerions qu'il y ait des investissements dans un certain nombre de domaines précis, notamment l'amélioration des routes et de l'infrastructure ferroviaire dans notre région, pour réduire la congestion actuelle et future dans nos ports et nos aéroports.

Pour assurer le financement de cette infrastructure, notre conseil a recommandé que les ports soient autorisés à financer les améliorations générales apportées à la nouvelle infrastructure et aux terminaux en émettant certains types d'obligations non imposables. Dans les ports de Seattle et de Tacoma, et dans tous les autres ports américains qui nous font concurrence, les autorités portuaires peuvent émettre des obligations exemptes d'impôt, ce qui leur permet d'obtenir les revenus nécessaires pour améliorer leur infrastructure.

En ce qui concerne notre troisième recommandation, au sujet des zones franches, nous aimerions que la réglementation fasse l'objet d'un certain nombre de changements qui encourageraient les entreprises étrangères à établir des centres de logistique et de réapprovisionnement pour desservir les économies nord-américaines en vertu des dispositions de la nouvelle Loi canadienne sur les douanes. Nous avons dressé la liste des dispositions qui devraient être modifiées à notre avis. J'ai des exemplaires de cette liste à votre disposition; je ne vais donc pas vous énumérer un par un les changements que nous recommandons.

Au sujet des services de commercialisation, le Greater Vancouver Gateway Council recommande l'adoption d'un certain nombre de critères précis pour le recouvrement des coûts des services gouvernementaux en fonction des principes selon lesquels les utilisateurs doivent payer et doivent également avoir leur mot à dire; nous recommandons aussi qu'un coût minimum soit fixé pour assurer des services sûrs afin de tenir compte de l'effet cumulatif que les mesures de recouvrement des coûts prévues par divers ministères et services pourraient avoir sur le transport actuel et futur des marchandises et des voyageurs, et sur la compétitivité de notre ville-porte.

Nous aimerions que les priorités des différents ministères fédéraux soient harmonisées de manière à ce que les ministères chargés des finances, du revenu, du commerce, du tourisme, et des approvisionnements et services accordent une plus grande priorité aux transports dans leur propre planification; cela permettrait d'améliorer notre compétitivité. Nous aimerions que la politique et les priorités des gouvernements fédéraux et provinciaux et des administrations municipales favorisent davantage la compétitivité dans les domaines du commerce et des transports. Dans l'intérêt de la compétitivité commerciale du Canada, la politique et les programmes gouvernementaux doivent encourager les gouvernements provinciaux et les administrations municipales à accorder plus d'importance au transport des marchandises et au transport international des voyageurs, et à établir leur politique et leurs priorités en tenant compte des taxes sur les transports et sur les biens fonciers et l'infrastructure nécessaires pour appuyer le commerce international, et non seulement en fonction de leurs plans d'aménagement du territoire.

Nous croyons que ces initiatives permettraient à notre ville-porte de soutenir efficacement la concurrence sur les nouveaux marchés et de contribuer encore davantage à l'économie en créant de l'emploi et en favorisant la croissance. Ces mesures réduiraient la vulnérabilité des exportations en vrac en provenance de l'Ouest canadien face à la concurrence étrangère et protégeraient des emplois au Canada. En outre, elles limiteraient la possibilité que les marchandises qui passent actuellement par notre ville-porte soient détournées vers les villes du nord-ouest américain, à savoir Seattle, Tacoma et Portland; elles aideraient aussi à maintenir notre contribution vitale à l'emploi et à la croissance économique au Canada.

Le sénateur Stollery: Quel est le tonnage de ces navires? Vous avez parlé d'une longueur de 1 000 pieds. Mais je suis vieux jeu et je ne peux penser qu'en termes de tonnage.

Le capitaine Stark: Le Lu He fait 70 000 tonnes de port en lourd. Nous avons des charbonniers de 250 000 tonnes, avec un tirant d'eau de 67 pieds, qui viennent à Vancouver.

M. John Hansen, directeur général adjoint et économiste en chef, Vancouver Board of Trade: Monsieur le président, je suis heureux d'être ici pour une deuxième fois aujourd'hui et de vous rencontrer à nouveau, vous et vos collègues. Nous avons examiné ce matin un certain nombre des questions relatives au climat d'investissement; j'aimerais vous résumer rapidement quelques-uns des points dont nous avons parlé.

La création d'un climat favorable à l'investissement résulte dans une large mesure de ce que font les gouvernements provinciaux, les administrations municipales et les districts régionaux. En Colombie-Britannique, au niveau provincial, nous avons le taux marginal d'impôt sur le revenu le plus élevé de toutes les provinces canadiennes, et peut-être de toute l'Amérique du Nord. Nous pensons que c'est un problème qu'il faut régler au niveau provincial. Le taux d'imposition est extrêmement élevé ici, et ce n'est pas bon pour le climat d'investissement.

Au niveau national, nous aimerions avoir votre appui pour résoudre un problème. Les règlements proposés au sujet de la divulgation des éléments d'actif à l'étranger envoient un message négatif au sujet de l'investissement au Canada. C'est déplorable, puisque cette mesure équivaut en quelque sorte à lancer un immense filet sur bien des Canadiens qui sont des contribuables honnêtes et qui vont devoir maintenant remplir des formulaires complexes, ce qui va ajouter au coût de leurs opérations et constituer encore une autre incursion dans ce que les gens considèrent comme étant leurs affaires personnelles, leur propriété personnelle. Ce n'est pas le bon signal à envoyer, non seulement aux investisseurs, mais également au sujet de la politique fiscale de notre pays.

Comme quelqu'un l'a mentionné rapidement ce matin, si on établit une base de données de ce genre au sujet des biens que les gens possèdent à l'extérieur du Canada, un gouvernement futur qui trouverait l'idée intéressante pourrait facilement appliquer plus tard une taxe sur le capital. Certaines provinces appliquent déjà une taxe sur le capital à l'intérieur du Canada. Nous pensons que ce n'est pas une bonne politique fiscale d'adopter une mesure de ce genre; donc, nous vous demandons de nous aider à la faire rejeter.

M. Bob Thompson, vice-président, Vancouver Economic Development Commission; directeur, MTR Consultants Ltd.: Monsieur le président, je suis très heureux d'être ici. Je suis flatté d'avoir été invité à vous parler du développement de Vancouver en tant que ville internationale. Je vais d'abord vous expliquer un peu pourquoi nous sommes ici et pourquoi nous disons cela. Quand je dis «nous», je veux parler de la Vancouver Economic Development Commission, la commission de développement économique de Vancouver, une nouvelle entité qui a été créée l'an dernier. Notre commission se compose de 15 gens d'affaires qui siègent bénévolement au conseil d'administration et qui cherchent à mettre sur pied un organisme qui aidera à rendre notre ville plus intéressante comme place d'affaires.

Notre premier contrat avec la ville, pour ces services, a commencé le 1er janvier; notre commission est donc un tout nouveau venu dans ce dossier. Mais s'il y a une chose que tous les membres de la commission ont en commun, si je peux parler en leur nom -- et Norman Stark siège lui aussi à la commission --, c'est que nous croyons que Vancouver peut devenir une excellente place d'affaires. C'est déjà une ville commerçante, et nous pensons qu'elle peut devenir une grande ville internationale; en tout cas, la commission appuie tout ce qui peut l'aider à atteindre cet objectif.

Vancouver est déjà un centre régional majeur; le capitaine Stark vous a parlé de son rôle de ville-porte. C'est une ville très importante pour le Canada. Et nous pensons qu'elle peut aussi devenir très importante pour le monde entier. Je vais vous lire ce qu'on dit dans le document portant création de la commission: «Vancouver est au carrefour du commerce intérieur et extérieur. C'est une porte d'entrée vers l'arrière-pays nord-américain. C'est une fenêtre sur l'Asie, une Mecque culturelle, un maillon important d'un réseau naissant de grandes villes mondiales.»

Permettez-moi de vous parler un peu des atouts dont nous bénéficions ici à Vancouver. Nous savons tous que notre emplacement présente des avantages sur le plan géographique. Nous sommes également très sensibles à notre orientation multiculturelle. Nous avons de très nombreux contacts culturels dans toute la région de l'Asie-Pacifique. Comme on vous l'a déjà dit, monsieur le président, nous avons ici des gens qui viennent de toutes les régions de l'Asie-Pacifique et d'autres régions du monde également.

Vancouver est une ville neuve. Il n'y a pas beaucoup de gens ici qui peuvent se vanter d'y être nés, comme notre maire. Nous sommes en pleine croissance. Nous sommes fiers, et nous sommes heureux d'être ici. Nous avons un réseau de transport bien développé et un excellent réseau de communications. Toutes les unités d'habitation de notre nouveau quartier du centre-ville sont reliées par câble à fibres optiques, ce qui est un énorme avantage pour les communications. Il y a aussi un certain nombre de câbles à fibres optiques qui sortent du centre-ville; c'est le mode de communications de l'avenir. Nous sommes une ville commerçante, comme vous l'a dit le capitaine Stark.

Nous avons aussi un secteur des services en pleine expansion. Vancouver et l'agglomération urbaine abritent de nombreuses industries fondées sur le savoir. À notre avis, il s'agit d'un secteur dans lequel la ville pourrait croître considérablement, et nous vous demandons votre appui à cet égard. La plupart de nos industries fondées sur le savoir se sont développées tout d'abord dans le secteur des ressources, et nous exportons maintenant à l'échelle mondiale notre savoir-faire dans les domaines des mines, du génie, de l'aménagement de l'environnement et de l'exploitation forestière; nous avons bien l'intention d'augmenter les investissements dans ce secteur.

Notre industrie touristique en plein essor est un autre de nos atouts. Depuis Expo 86, qui a mis la ville de Vancouver sur la carte sur le plan touristique, les taux d'occupation des hôtels et le nombre de passagers des navires de croisière ont connu une véritable explosion dans notre ville. Ce qui est étonnant, c'est que nos touristes ne viennent pas seulement de l'Asie-Pacifique. Ils viennent aussi d'Europe, d'Amérique du Sud et d'autres régions du monde. Vancouver est maintenant perçue comme un magnifique endroit à visiter.

Mais il y aussi des désavantages, et c'est sur ces points-là que notre commission veut se pencher. Nous sommes une petite ville de la côte ouest et, en ce qui concerne l'Asie-Pacifique, nous sommes en concurrence avec d'autres villes de la Côte Ouest qui sont beaucoup plus grandes; donc, notre marché naturel est limité. Nos liens avec l'arrière-pays sont un autre de nos désavantages.

La politique des Ciels ouverts a aidé considérablement notre industrie touristique. De mon point de vue d'homme d'affaires, je pense qu'elle a également eu d'énormes conséquences sur notre capacité de faire des affaires ailleurs et d'exporter notre savoir-faire à l'extérieur de Vancouver. Ce que nous recherchons maintenant, c'est un engagement à faire de Vancouver une ville mondiale, même si ce n'est peut-être pas une chose que les gens jugent essentielle, à part les membres de la commission et les autorités de la ville.

Qu'est-ce que le gouvernement fédéral peut faire en ce sens? Nous avons déjà parlé de plusieurs choses. Des modifications de politique encourageraient les entreprises et aideraient Vancouver à confirmer son statut de ville mondiale. Nous appuyons la venue d'institutions fédérales. Nous en avons déjà quelques-unes et il est certain que les initiatives comme l'année canadienne de l'Asie-Pacifique, en conjonction avec la Conférence pour la coopération économique en Asie-Pacifique qui va avoir lieu ici, représentent des occasions exceptionnelles. Nous encourageons donc le gouvernement fédéral à appuyer plus d'initiatives de ce genre.

Nous avons également demandé au gouvernement fédéral de manifester la volonté nécessaire pour modifier ce qui doit être modifié; mes collègues le capitaine Stark et John Hansen vous ont parlé de certaines de ces choses. Je ne vais pas vous les énumérer toutes, mais ce que nous demandons d'abord et avant tout au gouvernement fédéral, c'est de penser dans une optique mondiale, de tenir compte des répercussions de ses décisions sur le plan international et de nous aider à déterminer la meilleure façon de nous imposer ailleurs dans le monde. Nous pensons que votre politique devrait viser cet objectif.

Nous vous avons parlé brièvement de l'infrastructure, de l'environnement et des taxes que doivent payer les entreprises. Le tourisme est un autre domaine dans lequel vous pourriez nous aider.

Pour terminer, je voudrais vous parler du dénominateur commun qu'on retrouve dans tous les articles et les ouvrages récents qui portent sur le rôle des villes dans une société mondiale. En gros, c'est que la décision de devenir une ville mondiale est une décision réfléchie; c'est une question de vision d'ensemble et d'initiative. Je peux vous assurer que Vancouver a pris cette décision; nous avons certainement au niveau local la vision nécessaire pour devenir une ville mondiale et nous invitons le gouvernement fédéral à se joindre à nos efforts pour réaliser cet objectif.

Le président: Merci, Votre Honneur. Nous vous remercions beaucoup de vos commentaires et de ceux de vos collègues.

Je voudrais vous mentionner un ouvrage publié récemment sous la direction de M. Richard G. Harris, de l'Université Simon Fraser; il s'intitule The Asia Pacific Region in the Global Economy: A Canadian Perspective. Je ne l'ai pas encore lu en entier, mais je suis certain que ce sera passionnant. Ce livre couvre divers sujets qui intéresseront tout particulièrement les gens de Vancouver, et toute la question de la place du Canada dans l'économie mondiale. Sur ce dernier point, par exemple, il y a un chapitre sur la concurrence pour attirer les investissements japonais en Amérique du Nord, avec une cote attribuée aux diverses provinces en fonction de la possibilité d'y implanter de nouvelles entreprises.

Je voudrais poser une question qui découle du commentaire que nous avons entendu tout à l'heure au sujet de la taille des navires que votre port peut accueillir, par rapport aux autres ports. Je viens de Nouvelle-Écosse. Les gens de Halifax sont très inquiets de l'avenir de leur port. L'accès est un de nos problèmes. Halifax est loin à l'extrémité d'une longue ligne de chemin de fer. Personnellement, chaque fois que je viens à Vancouver, je suis impressionné par vos montagnes, qui forment une véritable barrière juste à l'est de la ville. Comment se passe l'accès à l'autre côté de cette barrière de montagnes? Est-ce que tout le monde fait ce qu'il faut faire? Par exemple, est-ce que les sociétés ferroviaires assurent une bonne liaison vers l'est de la ville?

M. Owen: Il y a bien sûr un important trafic de céréales et de charbon des Prairies. Il y a aussi le port de Roberts Bank. Norman Stark pourra peut-être répondre à cette question un peu mieux que moi. Il s'occupe de ce genre de choses tous les jours.

Le président: Je sais que ces artères existent. Ce que je veux savoir, c'est si elles sont engorgées.

Le capitaine Stark: Je ne pense pas. Les sociétés ferroviaires dépensent des millions de dollars. Elles ont fait beaucoup de travail dans les tunnels. Elles ont dépensé récemment des sommes énormes pour rehausser les tunnels afin que les wagons à deux niveaux puissent y passer. Votre question découle probablement en partie de ce qui se passe dans le domaine des céréales. Nous avons eu un hiver très dur ici, avec beaucoup d'avalanches. Une fois que les choses commencent à prendre du retard, ce n'est pas facile à rattraper. Nous avons beaucoup de navires céréaliers qui attendent. Il y en a 25 à l'ancre, trois à quai et neuf autres qui doivent arriver.

Il faut un certain temps pour reprendre le transport des céréales une fois que nous commençons à prendre du retard. Beaucoup de contrats ont déjà été accordés. Il y a aussi beaucoup de trafic de charbon. L'année dernière a été exceptionnelle pour le charbon et pour beaucoup de nos matières premières. Nous avons eu une année record, ou presque, dans le port; je n'ai pas vu les chiffres définitifs, mais nous avons probablement eu près de 72 millions de tonnes de marchandises, ce qui représente environ 23 p. 100 de toutes les exportations canadiennes expédiées par voie maritime dans le monde entier.

Les sociétés ferroviaires continuent d'apporter des améliorations; elles sont de plus en plus compétitives. Elles font certainement de leur mieux pour mettre en place une nouvelle infrastructure, tout comme beaucoup d'autres intervenants du secteur privé, dans notre ville-porte et aux alentours.

Le sénateur St. Germain: Je vous remercie de vos excellentes présentations. Votre Honneur, vous et M. Hansen avez fait des commentaires sur la question de la divulgation des investissements à l'étranger. Que faut-il faire à ce sujet? La chose a causé beaucoup de dommages, ou du moins la déclaration qui a été faite au sujet de la possibilité qu'il devienne obligatoire de déclarer ses biens à l'étranger. Puisque cette mesure aura des conséquences sérieuses sur l'économie de notre région, y a-t-il quelque chose que notre comité pourrait recommander au gouvernement fédéral?

Nous avons entendu des présentations de gens d'affaires qui investissent à l'étranger, de la même manière que nous voulons attirer les investissements ici. Je suis certain que si je voulais investir à l'étranger et si j'avais à choisir entre un pays où cette menace n'existe pas et un autre où elle existe, le choix serait très facile. J'irais là où je n'aurais pas à m'y retrouver dans un véritable labyrinthe bureaucratique, à préparer une foule de rapports et à risquer d'avoir à payer des taxes un de ces jours. Je pense que c'est Gerald Ford qui a dit qu'un gouvernement qui est assez grand pour tout donner à ses citoyens est assez grand aussi pour prendre tout ce qu'ils ont. Je ne le dis pas de façon partisane; c'est simplement la façon de gouverner à Ottawa, quel que soit le parti au pouvoir.

Avez-vous des recommandations à nous soumettre sur ce que nous pourrions faire à ce sujet-là pour éviter des effets aussi négatifs?

M. Owen: M. Hansen voudra peut-être répondre à cette question. Je peux comprendre les raisons de cette mesure: les gens s'inquiétaient de l'évitement fiscal et du blanchiment de fonds, et ils tenaient à ce que le gouvernement fasse quelque chose à ce sujet-là. Au niveau international, d'après ce que je connais du commerce des stupéfiants, nous étions peut-être vulnérables; c'était donc la motivation du gouvernement, et c'est très louable. Je pense que personne n'avait prévu que cela soulèverait autant de passions et qu'autant de gens seraient insultés par cette mesure. Il doit bien y avoir une solution qui permette de s'occuper des deux aspects de la question parce que c'est devenu un problème sérieux. Les gens qui avaient de l'argent dans des fiducies familiales depuis 50 ou 100 ans sont horrifiés quand ils viennent ici et qu'ils doivent révéler tout cela. C'est un extrême. La motivation était bonne et je suis de ceux qui disent qu'il faut une certaine protection. Nous ne voulons pas devenir un dépôt international pour l'argent gagné par des moyens illicites ou blâmables. Si les gens font la belle vie au Canada et participent à toutes sortes d'autres activités, le gouvernement devrait le savoir. Mais encore une fois, c'est un empiétement sur les droits individuels. Je n'ai pas de solution, mais il doit bien y avoir quelque chose à faire pour trouver un compromis.

M. Hansen aura peut-être une idée là-dessus parce que le Vancouver Board of Trade a examiné longuement la question et a des opinions très arrêtées.

M. Hansen: J'ai effectivement mon idée là-dessus, sénateur. La solution est très simple. Elle comporte deux volets: il faut d'abord abandonner ce projet de divulgation générale. C'est la première partie de la solution. La deuxième, c'est de se servir des dispositions que contiennent déjà les lois fiscales pour effectuer des vérifications au hasard; si des gens sont soupçonnés de blanchir de l'argent ou de cacher des revenus imposables, il est évident que le ministère du Revenu devrait les poursuivre énergiquement. Mais il n'est pas nécessaire d'aller à la pêche avec un aussi grand filet. Les lois fiscales contiennent déjà les dispositions nécessaires pour faire les vérifications détaillées qui s'imposent.

Si quelqu'un est soupçonné de posséder à l'extérieur du pays des biens qui lui procurent un revenu sur lequel il devrait payer de l'impôt, il est possible de mettre la main sur lui sans imposer le même régime à tout le monde.

Le sénateur St. Germain: Je tiens à insister sur l'importance de cette question pour notre économie à Langley, où j'habite. Je me souviens d'un agent immobilier qui voulait vendre des propriétés à d'honnêtes gens d'affaires taïwanais intéressés à investir au Canada de l'argent obtenu par des moyens tout à fait légitimes. Il avait vendu six propriétés à diverses personnes et avait d'excellents contacts. Il connaissait bien ses clients. Il avait quatre transactions en route quand cette mesure a été annoncée, et les quatre ont été suspendues immédiatement; il n'a plus jamais revu le bout du nez de ses clients depuis ce temps-là. Je suis sûr que M. Hansen pourrait nous raconter plusieurs autres incidents de ce genre.

Le comité devrait savoir que, quand on fait une déclaration comme celle-là, même si on en est encore à l'étape de la réflexion, cela terrifie les investisseurs, qui sont les gens les plus nerveux du monde. Si vous pouviez pousser un peu plus fort en ce sens, monsieur, cela aiderait beaucoup. J'aimerais certainement que les gens d'Ottawa, ou ceux qui ont fait cette annonce, se rendent compte des répercussions qu'elle a eues sur notre économie.

M. Hansen: Monsieur le président, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les chambres de commerce de Montréal, de Toronto et d'autres endroits au sujet de cette question; tous ces gens-là partagent notre inquiétude. Ce n'est donc pas seulement une question qui touche la Colombie-Britannique.

Le sénateur Carney: Je tiens à signaler à mes collègues sénateurs que cette mesure recueille beaucoup d'appuis dans certains milieux parce qu'on s'attend à ce que les Canadiens déclarent leurs revenus et qu'ils paient de l'impôt sur ces revenus. Les gens de Vancouver jugent que ceux qui ont des biens à l'étranger, ou encore ceux qui habitent ou qui travaillent à l'étranger, devraient être traités de la même façon. Certaines personnes ont peur de se retrouver avec un régime fiscal à deux niveaux, un pour les gens qui vivent et qui travaillent au Canada, et qui paient de l'impôt, et l'autre pour ceux qui ont acquis la citoyenneté canadienne, mais qui travaillent à l'étranger, dont l'actif se trouve à l'étranger et qui ne paient pas d'impôt au Canada, même s'ils consomment des services au Canada, des services sociaux, des services municipaux et des services d'éducation.

Il y a peut-être une meilleure façon de s'y prendre. Je comprends tout à fait la métaphore de John Hansen au sujet de la pêche aux filets dérivants, parce que le problème avec ces filets, c'est qu'ils ramassent beaucoup d'autres espèces de poisson à part celles qu'on veut pêcher. Ce qu'il faut se demander, c'est comment appliquer la notion d'équité fiscale sans avoir à obliger les gens à divulguer l'ensemble de leurs biens.

Mais beaucoup de gens appuient l'idée selon laquelle, quand on consomme des services canadiens en tant que citoyen canadien, on devrait payer sa part d'impôt, qu'elle soit de 59 ou de 17 p. 100. Je suis personnellement dans une tranche relativement élevée, et je sais qu'il y a beaucoup de gens en faveur de cette idée. Il s'agit donc de déterminer comment atteindre cet objectif. La mesure proposée n'est peut-être pas la meilleure qui soit parce qu'elle pourrait déboucher sur un impôt sur la richesse. Il y a déjà assez de tensions dans notre ville au sujet de l'immigration et des habitudes de conduite, par exemple; l'ajout d'un système fiscal à deux niveaux n'aiderait certainement pas.

Le président: Je suis sûr que M. Hansen a réfléchi à votre argument et qu'il a une réponse à vous donner.

Le sénateur Carney: Il est tellement bon économiste qu'il a sûrement une réponse.

M. Hansen: Les dispositions de nos lois fiscales exigent déjà que tous les résidents du Canada qui réalisent des bénéfices ou qui gagnent un revenu au Canada et à l'étranger paient de l'impôt sur ces sommes. Les dispositions sont là; il s'agit de les appliquer. Voilà ma réponse.

Le sénateur Andreychuk: Je ne comprends pas très bien l'intervention du sénateur Carney. Cette recommandation vise-t-elle à contrer le blanchiment d'argent ou si elle a été proposée par des gens qui voudraient un régime fiscal plus équitable? Qui a fait des pressions en ce sens? En ce qui concerne le blanchiment de fonds, il y a bien des façons de s'attaquer à ce problème. Nous faisons déjà certaines choses au niveau international; cela peut se faire par des recours aux tribunaux pénaux ou par voie de taxation, si c'est l'objectif visé. Mais est-ce que c'est pour contourner la question dont le sénateur Carney a parlé?

M. Hansen: Je pense que ce qui a déclenché toute cette affaire, ce sont les préoccupations soulevées dans certains milieux par le fait que certains résidents canadiens ne payaient pas d'impôt sur les revenus provenant du capital investi à l'étranger.

Le sénateur Andreychuk: Mais il ne s'agit pas de blanchiment d'argent?

M. Hansen: C'est une façon, pour le ministère du Revenu, d'avoir une idée de ce que les gens gagnent et de ce qu'ils peuvent avoir à l'extérieur du pays comme argent susceptible de générer des revenus sur lesquels ils devraient payer des taxes.

M. Kuzmick, C.A., haut fonctionnaire, Service des finances, ville de Vancouver: Monsieur le président, John Hansen a tout à fait raison. La Loi de l'impôt vise déjà les revenus gagnés dans le monde entier. Tous les résidents du Canada doivent déclarer ces revenus. C'est obligatoire en vertu de la Loi de l'impôt. Mais s'ils ne déclarent pas leurs revenus provenant de l'étranger, pourquoi est-ce qu'ils déclareraient leur actif à l'étranger? À mon avis, c'est une disposition inutile.

Le sénateur St. Germain: Bien des gens pensent que ces revenus ne sont pas déclarés, mais ils doivent l'être selon la loi, et ce sont strictement les éléments d'actif qui sont en cause ici, les éléments d'actif détenus à l'étranger, et non les revenus provenant de l'étranger. Il est déjà obligatoire de déclarer ses revenus provenant de l'étranger, et c'est cela qui est trompeur. C'est une autre façon pour que «Big Brother» sache exactement ce que les gens possèdent partout, et les gens sont terrifiés. Certains d'entre nous -- et je ne dis pas que c'est le cas de tout le monde --, mais certains d'entre nous croient que cela peut nuire à l'emploi et à l'investissement dans notre pays, et c'est ce qui compte.

Le sénateur Carney: Le président est très discret; il ne vous a pas parlé de certains chiffres qui figurent dans l'ouvrage de M. Harris et qui montrent que nous ne réussissons pas très bien à soutenir la concurrence de certaines autres régions.

Pour en revenir à notre étude, qui porte sur les relations du Canada avec le Pacifique, est-il réaliste de croire que Vancouver -- et je vous en prie, ne me fusillez pas trop vite parce que vous connaissez mon sentiment à ce sujet -- peut vraiment concurrencer Seattle, Portland, San Francisco et Los Angeles comme porte d'accès vers le Pacifique? Où est la menace la plus grave qui pèse sur nous? Voyons un peu. Nous voulons être une porte sur le Pacifique, et nous le sommes déjà dans une certaine mesure; c'est par Vancouver que le Canada s'ouvre sur le Pacifique. Mais quel est le principal obstacle qui nous empêche d'atteindre cet objectif?

M. Owen: La menace vient surtout de Seattle et de Portland, et aussi des autres ports de la côte du Pacifique. Il y a toutes sortes d'obstacles: la possibilité que des grèves interrompent le transport des marchandises ailleurs au pays, le coût du transport de ces marchandises à travers le pays, depuis le midwest et l'est des États-Unis jusqu'à Vancouver, en passant par Seattle et Portland. Il y a toute une série de choses que nous faisions il y a quelques années, par exemple le dépotage des conteneurs, qui étaient obligatoires ici, mais pas à Seattle. Les gens d'ici ont travaillé fort pour surmonter cet obstacle. Je ne sais pas ce qui se passe actuellement, mais la menace est constante et les gens craignent toujours de perdre leur clientèle au profit des ports du nord-ouest du Pacifique, et en particulier de Seattle-Tacoma.

Le capitaine Stark pourra peut-être nous dire si j'ai raison.

Le capitaine Stark: C'est la fiscalité qui est un de nos principaux problèmes. Quand je parle de fiscalité, je veux parler de tous les niveaux d'imposition. Je vais fournir au comité l'étude de notre conseil dans laquelle ces chiffres sont indiqués. Le port de Seattle a le droit de lever des taxes, et il a perçu l'an dernier 40 millions de dollars américains en taxes. Et quand on paie des taxes foncières dans le comté de Kings, le port en reçoit 300 $. Il y a là-bas des programmes pour les sociétés ferroviaires, qui bénéficient d'encouragements fiscaux.

Quand on paie des taxes foncières dans le port de Seattle, ce sont des taxes sur des propriétés à bail. Si les coûts du bail sont de 100 000 $, les taxes sont fondées sur ces 100 000 $. Mais au Canada, les taxes sont fixées en fonction de la valeur de l'actif. L'Alberta Wheat Pool, par exemple, dont l'actif s'élève à 300 millions de dollars, paie des taxes sur ce montant. Nous avons aussi en Colombie-Britannique une taxe sur le capital. Il y a beaucoup de niveaux d'imposition. Les provinces perçoivent des taxes sur le carburant, et le gouvernement fédéral, sur les chemins de fer. Quand on additionne toutes ces taxes, on se rend compte qu'il y a une différence d'environ 45 $ par conteneur entre le port de Vancouver et celui de Seattle, soit 2,50 $ la tonne de marchandises en vrac.

Pour transporter du fret en vrac par le port de Vancouver, par exemple de la potasse, du soufre ou du charbon, il en coûte environ 7,50 $ la tonne; il faut donc payer la différence de 2,50 $. Pour transporter un conteneur par le port de Vancouver, cela coûte environ 200 $, ce qui inclut les frais de pilotage, de remorquage, de port et de tête de ligne. Il y a une différence de 45 $ par conteneur.

Si nous sommes concurrentiels, à mon avis, c'est parce que nos coûts de main-d'oeuvre sont beaucoup moins élevés. Quand on compare les coûts de main-d'oeuvre au Canada, dans le port de Vancouver, avec les coûts à Seattle ou à Tacoma, le tarif de sortie est d'environ 66 $ américains l'heure à Seattle pour les débardeurs. Dans le port de Vancouver, il est de 37 $ l'heure. Notre dollar canadien est très favorable. Mais quand on parle du transport du fret à 200 $ par conteneur, un changement de 10 p. 100 dans la valeur du dollar canadien nous rend tout de suite moins compétitifs. La situation change constamment.

Toutes les taxes, à tous les niveaux, sont un des principaux obstacles auxquels nous devons faire face aujourd'hui. Nous avons essayé d'en faire prendre conscience à tous les paliers de gouvernement. Nous allons perdre un million de tonnes de potasse cette année au profit du port de Portland. La potasse de la Saskatchewan va s'en aller à Portland. Quand on compare les divers avantages fiscaux accordés pour la construction d'installations là-bas, et la question de la compétitivité, les Américains ont réussi à faire pencher la balance en leur faveur, de sorte qu'il y aura un million de tonnes de potasse canadienne qui passera par Portland cette année.

M. Owen: Au Royaume-Uni, le taux d'imposition se situait autour de 80 p. 100 il y a 15 ans. Après avoir été élue, Margaret Thatcher l'a réduit à 37 p. 100, et l'économie a pris un nouvel essor. Aux États-Unis, je me souviens du jour où le président Clinton a fait passer le taux d'imposition maximum de 34 p. 100, ou quelque chose du genre, à 37 p. 100; tout le monde a protesté. Je veux parler des impôts des entreprises. Pour ce qui est des particuliers, le taux est de 54 ou 56 p. 100.

Quand nous encourageons les entreprises à installer leur siège social chez nous, les gens déménagent ici avec leur famille et cela s'ajoute au problème. Nous avons le problème des entreprises et le problème des particuliers, et c'est difficile.

M. Thompson: Nous avons parlé du transport des marchandises et du trafic qui passe par notre ville-porte. Vancouver est une ville internationale où plusieurs entreprises mondiales ont leurs sièges sociaux ou leurs bureaux régionaux. Les coûts du logement sont très élevés ici quand on les compare aux endroits comme Calgary ou d'autres villes canadiennes, ou encore à d'autres villes nord-américaines de la côte ouest. Ce qui attire les gens ici, c'est la qualité de la vie et la beauté des paysages. Mais pour en attirer plus, nous devons faire quelque chose au sujet du coût de la vie très élevé à Vancouver.

Le sénateur Carney: Une des raisons pour lesquelles il y a autant de sièges sociaux à Calgary, Toronto mise à part, c'est que les taux d'imposition sont nettement plus bas en Alberta qu'en Colombie-Britannique.

M. Owen: Il n'y a pas de taxe de vente en Alberta. Mais nous avons ici une taxe de vente provinciale de 7 p. 100, en plus de la TPS de 7 p. 100, ce qui équivaut à 14 p. 100.

Le président: Cela a quelque chose à voir avec les revenus du pétrole et du gaz.

Le sénateur Carney: Cela a beaucoup à voir avec les Albertains.

Le sénateur Perrault: Je voudrais vous poser une question au sujet de notre port, qui est un des plus grands au monde. Même s'il y a plus de latitude et plus d'options offertes aux expéditeurs de produits agricoles de l'Ouest canadien, est-ce que nous risquons toujours de perdre une partie de ce trafic au profit de Seattle, Tacoma et Portland? J'ai entendu des commentaires très inquiétants récemment.

Le capitaine Stark: Nous perdons déjà environ 100 000 conteneurs canadiens au profit de Seattle et Tacoma. Comme chaque conteneur rapporte 1 000 $ à l'économie canadienne, nous perdons donc 100 millions de dollars, pour le transport seulement. Mais nous récupérons aussi beaucoup de trafic. L'an dernier, nous avons attiré ici six nouvelles lignes de conteneurs, et les travailleurs et les exploitants des terminaux ont travaillé très fort. Mais maintenant que la Loi sur le transport du grain de l'Ouest est disparue, ou du moins que le gouvernement y a apporté des changements majeurs qui font que les céréales canadiennes ne doivent plus nécessairement passer par les ports canadiens, nous pourrions effectivement perdre ce trafic au profit des ports situés au sud de la frontière.

Le sénateur Perrault: Qu'est-ce qui pourrait convaincre un producteur d'orge de la Saskatchewan d'expédier ses céréales à partir d'un port américain?

Le sénateur Andreychuk: Le coût et le temps.

Le capitaine Stark: Le coût et le service.

Le sénateur Perrault: J'aimerais savoir à quel point nous sommes concurrentiels et pourquoi nous serions désavantagés.

Le capitaine Stark: Ceux qui ont des coûts concurrentiels vont l'emporter. J'ai mentionné tout à l'heure que la fiscalité était un de nos principaux problèmes. Prenez l'exemple des coûts du transport ferroviaire. Pour les taxes sur le carburant seulement, il en coûte 10 000 $ de plus pour transporter des conteneurs au Canada, de Vancouver à Toronto, plutôt que de Tacoma à Toronto. Cela équivaut à environ 40 $ par conteneur.

Nos coûts de main-d'oeuvre sont concurrentiels à l'heure actuelle, mais comme l'a mentionné le sénateur, le service est certainement une de nos grandes faiblesses. Si nous ne donnons pas un bon service, nous pouvons perdre des clients parce qu'il est tout aussi facile de transporter les marchandises par le sud.

Le sénateur Perrault: Croyez-vous que notre industrie des croisières soit en danger? Il y a un lobby très actif à Washington, D.C., pour attirer cette clientèle vers l'État de Washington.

Le capitaine Stark: Je pense que ce sera toujours un risque parce que les Américains constatent que nous réussissons bien depuis des années dans le secteur des croisières; et comme cela représente un chiffre d'affaires de 200 millions de dollars pour Vancouver et la région, les Américains vont certainement continuer année après année à essayer de nous l'enlever. Ils ont essayé l'an dernier avec le projet de loi Unsoeld, et je suis sûr qu'ils vont essayer de nouveau. Notre position, ici à Vancouver, c'est que nous ne pouvons pas y faire grand-chose. Comme on dit, quand deux chiens se battent pour un os, c'est le troisième qui l'emporte. Nous gardons l'oeil sur l'os; nous offrons un bon service; nous sommes concurrentiels. Les grandes compagnies de navigation disent qu'elles aiment bien Vancouver.

Le sénateur Perrault: Nous sommes d'accord avec tout cela. Comme vous le savez, nous avons l'occasion de rencontrer de temps en temps nos homologues américains. Pour nous qui siégeons au Parlement national, une de nos responsabilités consiste à aider notre pays dans ses relations avec les autres. Si vous avez besoin de notre aide, je suis sûr que tous les partis seront d'accord pour vous l'accorder. Nous sommes prêts à vous appuyer.

Le capitaine Stark: Je peux vous garantir qu'ils vont faire une nouvelle tentative.

Le sénateur Perrault: Vous n'avez rien vu de précis à ce sujet-là au cours des dernières semaines?

Le capitaine Stark: Non, je n'ai rien vu, mais l'American Association of Port Authorities a le vent dans les voiles.

Le sénateur Perrault: Nous vous serions reconnaissants de nous transmettre toute l'information que vous pourriez obtenir au sujet de mesures possibles visant cette industrie. Je suis sûr que nous allons tous travailler ensemble pour empêcher cela.

M. Owen: La politique des Ciels ouverts nous a beaucoup aidés. Elle a fait toute une différence.

Le sénateur Perrault: Si je comprends bien, les nouveaux plans prévoient la construction de 14 nouveaux quais à l'aéroport de Vancouver. C'est incroyable.

Le sénateur Andreychuk: Je viens de la Saskatchewan et j'aimerais vous dire que vous devriez changer un peu votre attitude, ou votre état d'esprit, si vous me permettez de vous donner un conseil. Quelqu'un a parlé de «l'arrière-pays». Cela me hérisse quand je vous entends parler de nous comme d'un arrière-pays, plutôt que comme des partenaires ou des participants à une entreprise commune. Je ne me souviens pas d'avoir entendu quelqu'un, dans une conférence, un séminaire ou une rencontre, parler publiquement de «coentreprise» ou dire que nous avons des intérêts «communs», à l'exception -- je dois dire -- des autorités aéroportuaires. Les lignes aériennes font un excellent travail pour expliquer pourquoi nous devrions voyager par Vancouver. Il faut en faire plus dans ce sens-là pour que les gens aient envie de surmonter les obstacles et de passer par la Colombie-Britannique plutôt qu'ailleurs sur la côte. Il y a encore du travail à faire.

Le capitaine Stark: Permettez-moi de vous signaler, sénateur, que nous allons amener des représentants du port de Vancouver à Regina au mois d'avril. Les membres de notre conseil d'administration, de même que les représentants des syndicats, des terminaux et des sociétés ferroviaires vont tous se rendre à Regina en avril pour une importante conférence.

Le sénateur Andreychuk: J'espère que cela permettra de sensibiliser la population. Il y a quelques initiatives, secteur par secteur et profession par profession, mais ce n'est peut-être pas suffisant parce que, même si cela a des répercussions dans l'opinion publique, les petites entreprises, les petites économies, la plupart des gens d'affaires à qui je parle disent que, quand ils doivent faire transporter quelque chose, ils choisissent la voie la moins coûteuse. J'espère qu'ils seront encouragés à venir vous voir d'abord avant d'examiner les autres options; je suppose qu'il faut faire un petit effort de relations publiques dans la presse.

Le président: Votre Honneur, vous nous avez amenés par monts et par vaux. À moins que j'aie oublié quelque chose, je pense qu'il est temps d'inviter un nouveau groupe de témoins. Avons-nous oublié quelque chose?

M. Owen: Je ne pense pas. La discussion a été très fructueuse. C'était très intéressant; vous nous avez donné une heure entière et nous vous en remercions. Nous avons appris des choses, et ce que vous faites est productif. J'espère que nous avons réussi à répondre à vos questions correctement et à alimenter votre réflexion. On pointe souvent les autres gouvernements du doigt et on parle de «pelletage» dans la cour des voisins. Mais nous sommes tous Canadiens et nous devons tous travailler ensemble de façon non partisane si nous voulons progresser ensemble.

Le président: Merci beaucoup, non seulement de votre présentation, mais aussi de l'attitude constructive dont vous faites preuve. Nous l'apprécions beaucoup.

M. Owen: Nous vous remercions de nous avoir confié la tenue de la Conférence pour la coopération économique en Asie-Pacifique. Vous allez être fiers de nous. Nous allons donner une bonne image du Canada.

Le président: Honorables sénateurs, nous en arrivons maintenant au dernier de nos groupes de discussion. Nous allons entendre trois témoins, M. Ralph W. Huenemann, qui est directeur du Centre of Asia-Pacific Initiatives à l'Université de la Colombie-Britannique. M. Huenemann enseigne les relations économiques avec la Chine. Il détient un diplôme en économie de l'Université de Harvard. Nous avons également avec nous Mme Peggy Falkenheim Meyer, qui est professeure agrégée et présidente des études supérieures au département des sciences politiques de l'Université Simon Fraser. Elle est elle-même diplômée d'une université reconnue, l'Université Columbia, à New York. Notre troisième témoin est M. Scott MacLeod, qui possède un doctorat de l'Université de la Colombie-Britannique. Il a travaillé en Afrique de l'Est, au Moyen-Orient, en Inde, en Asie du Sud-Est et en Chine. Il a enseigné la géographie économique et les études asiatiques appliquées à l'Université de la Colombie-Britannique et au collège Capilano. Il a aussi été agrégé de recherche à l'Institute for Asia Research de l'Université de la Colombie-Britannique.

J'ai peut-être omis certains détails du curriculum vitae de l'un ou l'autre de nos témoins; s'il s'agit de points importants pour vous, n'hésitez pas à compléter ou à corriger ce que je viens de dire.

Je pense que M. Huenemann prendra la parole en premier.

M. Ralph W. Huenemann, professeur, école d'administration publique, Université de Victoria: Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis très heureux d'être ici aujourd'hui et je vous remercie de votre invitation. J'ai pu assister à la séance de ce matin et j'en suis ressorti, comme toujours quand j'écoute Pitman Potter et d'autres personnes de ce calibre, très stimulé moi-même; je suis également très heureux de la complexité et des nuances des questions posées par les sénateurs présents.

Je voudrais vous permettre de passer à la période des questions assez rapidement; je vais donc essayer d'être bref et peut-être même de vous provoquer un peu, après quoi je suis prêt à encaisser pendant la période des questions.

Comme c'est aujourd'hui le premier jour de la nouvelle année, permettez-moi de vous souhaiter une bonne année, gongxi facai, xinnian kuaile, wanshi ruyi; bienvenue dans l'année du Buffle.

J'aimerais tout d'abord faire une petite observation: même si j'ai fait partie du corps professoral de l'Université de la Colombie-Britannique et si j'aime beaucoup cette université, je travaille en fait à l'Université de Victoria. Cela ne me dérange pas tellement, mais je dois vous dire que mon patron y tient beaucoup. J'enseigne à l'école d'administration publique de l'Université de Victoria. Les gens de l'Ouest trouvent parfois que le centre du Canada semble ignorer l'existence de la Colombie-Britannique. Et les gens de l'île ont quelquefois l'impression d'être invisibles du continent. Comme le dit une phrase célèbre prononcée devant la Cour suprême des États-Unis: «C'est un petit collège, monsieur, mais il y a des gens qui l'aiment.» L'orateur faisait allusion à Dartmouth, mais je dois dire la même chose au sujet de l'Université de Victoria.

Je voudrais vous faire six observations, en deux séries de trois. J'ai préparé un document à distribuer et j'ai aussi trois tableaux, mais ils sont également dans le document; vous pouvez donc les annoter, les regarder et poser des questions à leur sujet.

Permettez-moi de faire tout d'abord trois commentaires très brefs au sujet de la croissance globale de la Chine, qui est importante à mon avis pour comprendre les relations économiques du Canada avec la Chine, après quoi je vais vous parler rapidement de trois autres questions liées plus précisément aux échanges commerciaux bilatéraux entre nos deux pays. Nous pourrons ensuite passer aux questions.

Premièrement, voyons quels sont ces trois points sur la croissance globale de la Chine, ce qui me permettra d'insister sur certaines choses qui ont été dites ce matin, et probablement aussi au cours des trois derniers jours. Je dois dire qu'il est admirable de constater que vous avez encore l'oeil clair et l'oreille attentive à la fin de ces trois jours d'audiences intensives. C'est merveilleux.

Depuis les réformes de 1978-1979, la Chine s'est fixé des objectifs de croissance très ambitieux. À l'origine, en 1980, elle voulait doubler, puis redoubler son PNB d'ici la fin du siècle, c'est-à-dire le doubler à chaque décennie. Cela se traduit par un taux réel de croissance de 7,2 p. 100 par année, et les Chinois l'ont dépassé. Ils ont annoncé récemment leur objectif pour l'an 2010, et c'est de doubler ce chiffre encore une fois. Sur trois décennies, cela représente une multiplication par huit du PNB.

Ken Courtis, un de mes collègues à la Deutsche Bank de Tokyo, a déjà dit -- et je suis d'accord avec lui -- que les Chinois sont condamnés à maintenir cette croissance rapide. Ils vont réussir. C'est une bonne nouvelle, mais évidemment, c'en est également une mauvaise en ce sens que ce genre de croissance rapide pose des problèmes très sérieux. Je voudrais vous parler en particulier de deux de ces problèmes: d'abord les besoins en énergie et ensuite les approvisionnements en nourriture.

Au sujet des besoins en énergie, toute économie moderne consomme une grande quantité d'électricité. Mais les Chinois ont très bien réussi à faire une chose à laquelle je ne m'attendais pas -- je le dis à ma courte honte. Ils avaient décidé que le PNB augmenterait deux fois plus vite que la consommation d'énergie; par exemple, pour une croissance de 7 p. 100 du PNB, ils voulaient augmenter leur consommation énergétique de 3,5 p. 100 seulement. J'avais dit qu'ils ne pourraient pas le faire, et ils l'ont fait.

S'ils y sont arrivés, c'est en partie parce qu'au départ, leur structure industrielle était tellement inefficace du point de vue énergétique qu'il y avait énormément de place pour l'amélioration. C'est quand même une réalisation remarquable que d'en arriver à une croissance économique deux fois plus rapide que la croissance énergétique, parce que ce n'est pas facile à faire. Mais même à ce rythme-là, les Chinois ont encore d'énormes besoins d'électricité, qui vont bien sûr augmenter. À l'heure actuelle, leur capacité de production d'électricité est de 214 gigawatts. Ils se proposent d'atteindre 490 gigawatts en l'an 2010. Ils devront donc construire beaucoup de centrales, surtout des centrales thermiques. Sur les 490 gigawatts, seulement 20 gigawatts environ proviendront de centrales nucléaires, d'après les plans actuels.

Le sénateur Austin a parlé à juste titre de l'importance des deux réacteurs CANDU. Il faut souligner toutefois que ces deux réacteurs de 700 mégawatts, c'est une goutte d'eau dans la mer. Comparativement à 490 gigawatts, 1,4 gigawatt, ce n'est rien. Donc, en ce sens, la participation du Canada à cet égard est tout à fait mineure.

Du côté des céréales de consommation, les Chinois ont eu une mauvaise récolte il y a deux ans, en 1994. On a donc beaucoup discuté, en partie à cause de cela et en partie pour d'autres raisons, des probabilités que la Chine puisse devenir autosuffisante sur le plan alimentaire. Lester R. Brown a écrit à ce sujet-là un livre dont on a beaucoup parlé il y a un an ou deux. Il y a deux choses qui m'intéressent: la première, c'est la réponse à cette question; la deuxième, c'est la réaction des Chinois au simple fait que la question ait été posée, et c'est presque plus intéressant et plus important que le premier aspect.

La population de la Chine n'augmente plus très vite, et il n'est pas très difficile de maintenir une croissance de un pour cent dans le domaine de l'agriculture. Ce n'est pas facile, mais ce n'est pas impossible; donc, les approvisionnements en céréales de consommation ont plus ou moins réussi à suivre l'accroissement de la population et, à mon avis, cela va continuer. Le problème, c'est qu'à mesure que les revenus de la population augmentent, les céréales sont de moins en moins essentielles à l'alimentation humaine; elles servent plutôt à nourrir les animaux pour donner de la viande aux humains, ce qui entraîne une utilisation des céréales très différente et beaucoup moins efficace en termes de consommation par habitant.

Je me souviens de M. Lin, qui disait qu'il mangeait de la viande une fois par mois. Le régime alimentaire des Chinois s'est amélioré considérablement; ils mangent maintenant beaucoup de porc, de poulet et de canard, que nous aimons aussi, mais cela signifie que la consommation de céréales augmente considérablement.

Un des paradoxes à cet égard, c'est que quand on se demande si la Chine peut atteindre l'autosuffisance alimentaire, on ravive des inquiétudes ancrées depuis très longtemps dans les mentalités chinoises au sujet de la vulnérabilité des sources alimentaires. Je vais revenir là-dessus dans une minute, quand nous allons parler du commerce bilatéral, parce que cela a des implications pour la Commission canadienne du blé. Je vais maintenant vous présenter un transparent. Ces transparents ont été préparés par Statistique Canada et contiennent des données relativement détaillées sur ce que la Chine nous vend et ce que nous vendons à la Chine. Commençons d'abord en haut de l'image, par ce que la Chine nous vend. Le sigle «SH» correspond à ce qu'on appelle le système harmonisé dans le jargon des Nations Unies. C'est une façon normalisée de classifier différents produits pour suivre leurs déplacements.

Dans les catégories à deux chiffres, les produits que la Chine vend au Canada sont presque tous des produits de l'industrie légère dont la production exige beaucoup de main-d'oeuvre. Il s'agit de chaussures de course, de T-shirts, de radiocassettes et d'appareils électroniques grand public, de même que de jouets et d'équipement de sport, sauf pour les catégories 84 et 85, que j'ai intitulées «M&E» parce que je n'avais pas de place pour écrire le titre au long: il s'agit de la machinerie et de l'équipement. Il est très intéressant de voir comment les Chinois ont réussi à devenir des exportateurs de machinerie et d'équipement; il s'agit parfois de machinerie assez perfectionnée, par exemple de grosses turbines pour des projets hydroélectriques. C'est une tendance, et la croissance dans ce domaine-là a été constante; elle est fondée sur des produits de l'industrie légère exigeant beaucoup de main-d'oeuvre, exactement comme on aurait pu le prédire.

Du côté canadien, nos exportations traditionnelles sont là. On voit qu'il y a du blé, des engrais et de la pâte de bois. Ce sont tous des produits primaires, à l'état relativement brut, qui sont sujets à d'importantes fluctuations d'année en année. Nous avons des bonnes années et parfois des moins bonnes, par exemple quand la récolte est mauvaise dans les Prairies ou quand il y a des avalanches dans le col Rogers et que les trains ne peuvent pas passer. Vous avez entendu parler des navires qui attendent au port en ce moment. Il y aura toujours des fluctuations dans les échanges commerciaux. C'est à cause de Mère Nature.

Ce que je trouve intéressant, c'est qu'il y a ici aussi des produits des catégories 84 et 85, c'est-à-dire de la machinerie et de l'équipement. C'est là que les choses ont changé au cours des cinq dernières années. Le Canada vend maintenant à la Chine une quantité substantielle de machinerie et d'équipement, en majeure partie dans le domaine des télécommunications. C'est la grande réussite de Northern Telecom. Les réacteurs CANDU vont également se retrouver dans les catégories 84 et 85. Cela représente des ventes de 4 milliards de dollars sur cinq ans. Et il faudra y ajouter 8 millions de dollars par année.

Ce graphique résume ce qui s'est passé au cours des 10 dernières années environ au chapitre de nos échanges commerciaux avec la Chine. Si nous avions des chiffres remontant à 30 ans plutôt qu'à 10, vous verriez que pendant les 20 premières années de cette période de 30 ans, le Canada vendait du blé, et la Chine ne vendait pas grand-chose; le Canada enregistrait donc un surplus pour ces échanges bilatéraux année après année. Finalement, à partir de 1984, les réformes économiques en Chine ont commencé à faire effet et les Chinois se sont mis à exporter avec succès tous ces produits de leur industrie légère.

Il y a 30 ans, mes chaussures de course Adidas ou Nike venaient d'Allemagne de l'Ouest. Il y a 15 ans, elles venaient de Corée du Sud. Et maintenant, elles viennent de Chine. Voilà ce que représente cette ligne noire ininterrompue qui grimpe d'année en année.

Quand on arrive vers 1992, et pour la première fois en 25 ans, on constate que la Chine a vendu davantage au Canada que le Canada à la Chine. Depuis les cinq dernières années à peu près, la Chine enregistre constamment un surplus. Les fluctuations dans la ligne qui correspond aux ventes du Canada, c'est-à-dire la ligne pointillée, proviennent des variations dans les ventes du blé et des autres produits qui dépendent des phénomènes naturels. Il n'est pas facile d'avoir des ventes de blé stables d'une année à l'autre. Ce n'est pas dans l'ordre des choses. Donc, nous enregistrons inévitablement des fluctuations, mais la dernière hausse que vous constatez sur la ligne pointillée correspond aux ventes d'équipement de télécommunications, auxquelles les réacteurs CANDU vont s'ajouter.

Le gouvernement fédéral a annoncé qu'il visait des échanges de 20 milliards de dollars au total d'ici l'an 2000. Si la tendance actuelle se poursuit, nous allons y arriver. Ce sera peut-être un peu moins, ou peut-être un peu plus, mais ce sera à peu près cela. Ce que je prévois, c'est que les Chinois vont continuer d'enregistrer un surplus tous les ans jusqu'à l'an 2000. Le fossé va se rétrécir, en partie parce que nos ventes de machinerie et d'équipement vont être de plus en plus importantes et en partie parce que les ventes de biens de l'industrie légère chinoise vont commencer à diminuer graduellement. La Chine a détrôné la Corée du Sud pour la fabrication des chaussures de course et ne peut plus progresser à cet égard. Notre marché pour les chaussures de course n'est pas en croissance. Donc, l'expansion chinoise va ralentir. Mais je m'attends à ce que la Chine enregistre un surplus dans les prochaines années.

Pendant des années, nous avons accumulé des surplus parce que nous vendions du blé aux Chinois et que nous n'achetions pas grand-chose en retour; mes collègues chinois disaient que c'était un problème et qu'il fallait nous pencher sur ce déséquilibre commercial. Les Chinois nous achetaient du blé et nous n'achetions pas grand-chose d'eux. À leur avis, il fallait examiner la question sérieusement, en ce sens qu'il fallait la régler. Mais je disais à mes collègues: «Ce n'est pas un problème. Il n'y a rien de cassé et nous n'avons donc rien à réparer. Les échanges bilatéraux ne sont jamais équilibrés.»

Globalement, il est très important de savoir si le Canada est un exportateur ou un importateur sur les marchés mondiaux, mais pays par pays, il est normal que nous ayons un surplus dans certains cas et un déficit dans d'autres. L'autre possibilité, c'est que nous fassions seulement du commerce bilatéral; or, certains des modes d'échange les plus productifs au monde sont triangulaires, rectangulaires, pentagonaux ou quelque chose du genre. Quand on dit qu'il faut équilibrer les échanges pour chaque pays, cela nous force à abandonner toutes les transactions bilatérales avantageuses, ce qui est ridicule.

Pendant toutes ces années, j'ai dit à mes amis chinois que le fait que nous ayons un surplus ne posait pas de problème et qu'il n'était pas nécessaire de corriger la situation. Maintenant, ce sont eux qui ont un surplus, et je commence à entendre des Canadiens dire qu'il faudrait examiner la question. Ces réflexions sont alimentées en partie par le fait qu'au sud de la frontière, les Américains ne sont pas très bien disposés à l'endroit de la Chine et qu'ils disent: «Regardez notre terrible déficit commercial avec la Chine.» Cette attitude découle de leur ancien déficit par rapport aux Japonais, et c'est ce qui explique leur état d'esprit.

La réponse est exactement la même; elle n'a pas changé. Ce n'est pas un problème et il n'est pas nécessaire de le régler. Les Chinois vont avoir un surplus pendant un certain temps. Nous en avons enregistré un pendant très longtemps, et il est un peu indélicat de leur dire après cinq ans: «Que pouvons-nous faire pour corriger ce déséquilibre?»

La balance commerciale du Canada, au chapitre des échanges de marchandises, est excédentaire depuis cinq ans ou plus. C'est cela qu'il faut regarder et si, malgré cet excédent global, nous avons un déficit par rapport à la Chine et un surplus par rapport à quelqu'un d'autre, ce n'est pas un problème.

Mme Peggy Falkenheim Meyer, professeure agrégée et présidente des études supérieures, Département des sciences politiques, Université Simon Fraser: Monsieur le président, plutôt que de m'étendre sur une seule question, je voudrais vous faire de brefs commentaires sur trois points. Je vais d'abord vous parler du rôle du Canada dans la région de l'Asie-Pacifique, ensuite vous faire quelques commentaires sur la Chine et, pour finir, vous parler rapidement de la Russie.

Au sujet du rôle du Canada, il ne faut pas oublier l'importance de deux choses: d'abord les relations publiques et ensuite la nécessité d'établir sur le plan personnel des relations de confiance durables. Le Canada a très bonne réputation dans la région de l'Asie-Pacifique en raison du rôle constructif qu'il y joue depuis longtemps, mais les autres pays de la région ont souvent tendance à oublier le Canada ou à nous mettre dans le même sac que les États-Unis. C'est une des raisons pour lesquelles les relations publiques sont importantes à mon avis. Je veux dire par là qu'il faut prendre des mesures bien visibles qui vont susciter une attention favorable dans d'autres pays de l'Asie-Pacifique. Le sommet de l'APEC, c'est-à-dire la Conférence pour la coopération économique en Asie-Pacifique, et les missions d'Équipe Canada en sont deux bons exemples.

Mais quelle que soit l'utilité de ces relations publiques, il est encore plus important que les Canadiens bâtissent, sur le plan personnel, des relations de confiance à long terme avec des fonctionnaires et des gens d'affaires influents de la région de l'Asie-Pacifique. Il y a des gens qui disent que les rapports personnels sont essentiels dans cette région. Ils le sont dans le monde entier, mais encore plus dans la région de l'Asie-Pacifique à cause de l'importance croissante de cette partie du monde. Un des moyens de bâtir ces liens, c'est de continuer à encourager l'immigration en provenance de cette région et à accueillir les gens qui viennent de là-bas. Après tout, ces immigrants ont déjà des relations personnelles bien établies dans leur pays d'origine, et ces relations peuvent être utiles aux autres Canadiens.

Je vais vous donner un exemple: une de mes anciennes étudiantes chinoises vit maintenant ici avec son mari, qui vient de Chine lui aussi; ils sont tous deux immigrants ayant reçu le droit d'établissement. Ils ont mis sur pied une firme de consultants très prospère qui aide les Canadiens à faire des affaires en Chine.

Une autre façon d'établir des relations de confiance durables avec des gens influents de la région de l'Asie-Pacifique, c'est d'attirer des étudiants étrangers de cette région. Ils ne sont peut-être pas très influents pendant leurs années d'études, mais ils le deviennent très souvent plus tard. Encore une fois, je peux vous citer l'exemple d'un de mes anciens étudiants, qui est maintenant membre du corps diplomatique d'un important pays d'Asie du Sud-Est. Les immigrants et les étudiants de la région de l'Asie-Pacifique nous aident non seulement à établir des liens personnels, mais aussi à enrichir l'expérience éducative des autres Canadiens en apportant une perspective nouvelle dans les salles de classe. Ils aident les autres Canadiens à mieux comprendre l'économie et la culture mondiales dans lesquelles ils vont devoir fonctionner plus tard. Et la présence des étudiants étrangers donne à leurs camarades canadiens la possibilité de nouer avec eux des liens d'amitié. J'ai encore des rapports professionnels très utiles avec des Asiatiques avec qui je suis allée à l'école il y a plus de 30 ans. C'est également très important.

Par leur nature même, les efforts visant à bâtir des relations personnelles durables ne rapportent pas toujours des avantages évidents dans l'immédiat, mais ils peuvent avoir une énorme importance à moyen et à long terme. Les membres de votre comité et nos autres dirigeants politiques devraient garder à l'esprit -- et rappeler régulièrement aux Canadiens -- les avantages que les immigrants et les étudiants étrangers apportent à notre pays. Vous devriez dire aux Canadiens que les immigrants asiatiques ne représentent pas une perte sèche pour notre économie.

Les travaux effectués par mon collègue Don Devoretz ont révélé que beaucoup d'immigrants asiatiques paient plus de taxes qu'ils n'utilisent de services, qu'ils créent plus d'emplois qu'ils n'en occupent, et que leur présence n'a pas d'effet sur les salaires des autres Canadiens. J'ai aussi lu ailleurs que les étudiants étrangers représentent un atout pour notre économie. Et en plus de ces retombées économiques, les immigrants et les étudiants étrangers nous apportent beaucoup d'avantages tangibles et intangibles.

Mon deuxième commentaire, qui sera très bref, porte sur la Chine. Comme beaucoup d'autres Canadiens, je trouve tout à fait déplorables les pratiques de la Chine en matière de droits de la personne. Mais ce n'est pas en faisant de grandes déclarations et des pressions insistantes au niveau gouvernemental que nous pourrons influencer efficacement les Chinois. Il serait plus productif de mettre en place des programmes conçus pour avoir des effets positifs à long terme sur le système judiciaire chinois et sur la politique relative aux droits de la personne dans ce pays. Le projet mis en oeuvre par l'Association du Barreau canadien, grâce à des fonds de l'ACDI, pour aider la All China Lawyers' Federation à asseoir son indépendance et à faire adopter des normes déontologiques convenables en est un bon exemple.

Malgré nos divergences et nos différences de valeurs, le Canada doit entretenir des relations coopératives avec la Chine dans de nombreux domaines. La Chine occupe un siège permanent au Conseil de sécurité; elle possède des armes nucléaires, et elle exerce et va continuer d'exercer une influence importante sur l'environnement mondial et sur le commerce international. Elle joue également un rôle dans un certain nombre de grands dossiers régionaux qui nous concernent, par exemple dans la péninsule coréenne. Il serait peu judicieux, et même nuisible, de traiter ouvertement la Chine comme un adversaire réel ou potentiel.

En même temps, il faut se rappeler que l'orientation future de la politique étrangère de la Chine n'est pas très claire. Il est certain que le nationalisme gagne du terrain en Chine, mais on ne sait pas encore très bien si ce nationalisme va évoluer vers ce que certains analystes ont appelé un nationalisme ouvert et inclusif ou s'il prendra une forme plus agressive et plus combative, ce qui pourrait pousser la Chine à adopter une politique contraire à nos intérêts.

Les dirigeants canadiens ne devraient pas dire publiquement que la Chine pourrait constituer une menace à l'avenir parce que les déclarations de ce genre risquent d'accroître cette probabilité, mais ils devraient quand même tenir compte de cette possibilité lorsqu'ils prennent leurs décisions.

Mon dernier commentaire, qui porte sur la Russie, sera le plus court, mais ce n'est pas parce qu'il est moins important que les autres. Je tiens à insister sur le fait que c'est une grave erreur de laisser la Russie de côté ou de l'exclure des organes importants de la région de l'Asie-Pacifique, et en particulier de l'APEC, l'Organisation de coopération Asie-Pacifique. La Russie n'est peut-être pas aussi puissante qu'elle l'a déjà été, mais tout comme la Chine, elle occupe un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, elle possède des armes nucléaires, elle a un vaste territoire et une population très scolarisée -- contrairement à la Chine, en fait -- et elle peut elle aussi avoir une influence sur la résolution de nombreux problèmes liés à la sécurité et à l'économie de la région et du monde.

La Russie souffre également de ce qu'un observateur a appelé un orgueil national meurtri. Certains analystes ont comparé la situation de la Russie d'aujourd'hui avec celle de la République de Weimar, après la défaite de l'Allemagne à l'issue de la Première Guerre mondiale. L'analogie n'est peut-être pas parfaite, mais il ne faut pas oublier quel a été le résultat final des efforts pour isoler ou pour exclure la République de Weimar.

Les Russes sont très conscients de l'importance de l'APEC dans la région et aimeraient bien y participer. Ce n'est pas une bonne idée de bafouer encore davantage leur orgueil national en continuant de les exclure de cette organisation. Lorsqu'il sera question d'élargir la liste des membres de l'APEC, j'espère que vous allez soutenir la candidature de la Russie.

M. Scott MacLeod, directeur de programme, Asia Pacific Management Cooperative Program, collège Capilano: Monsieur le président, même si c'est mon collège Bob Bagshaw qui a mis sur pied le programme que je dirige actuellement, il va se contenter de vous présenter les diapositives; il a toujours préféré travailler en coulisses. Nous avons également remis de la documentation sur notre programme au greffier du comité.

Notre présentation sera assez différente des autres parce qu'elle ne se situe pas sur le plan macro-économique; elle porte sur un tout petit programme que nous administrons ici même, dans la région du North Shore. C'est une belle réussite canadienne en Asie. Et c'est une réussite dont le gouvernement fédéral devrait être fier parce qu'elle a pu se produire grâce à son argent et à l'aide de l'ACDI. Nous sommes ici autant pour vous remercier de cet appui que pour vous demander de réorienter votre politique. Notre deuxième grand thème, en plus de cette histoire qui finit bien, c'est celui de l'importance des ressources humaines.

Nous nous occupons de formation; nous sommes un collège, et nous croyons que c'est en établissant des liens de personne à personne avec l'Asie que nous pourrons réussir dans toutes sortes de domaines, dans l'ensemble de la région. Je vais essayer de vous illustrer cela en replaçant les choses dans une perspective plus vaste, en couvrant l'ensemble de la région.

La troisième chose que nous voulons vous dire aujourd'hui, c'est que nous avons au Canada un très grand nombre de jeunes instruits, intelligents, dynamiques et travailleurs, mais que notre marché du travail ne leur offre pas nécessairement assez de possibilités. En Asie, il y a un déficit du même genre. Notre programme consiste à jeter des ponts entre les jeunes Canadiens et la région de l'Asie-Pacifique pour leur ouvrir des horizons là-bas.

Je vais vous présenter rapidement notre programme. Il s'agit d'un programme national de deux ans destiné aux étudiants diplômés, qui ont généralement entre 25 et 35 ans. Nous leur fournissons la formation et les ressources nécessaires pour réussir en Asie.

Grâce à ce programme, nous avons aujourd'hui un réseau de près de 300 anciens éparpillés dans 14 pays d'Asie, de même qu'en Europe et au Canada. Ce réseau est tissé très serré, à tel point que M. Bagshaw ou moi pourrions vous dire où se trouvent aujourd'hui nos 280 diplômés, s'ils ont des enfants et ce qu'ils font ces temps-ci. Nous essayons de créer un réseau communautaire semblable à ceux des Chinois et des gens du sud-est asiatique qui font des affaires dans la région. C'est notre objectif.

La première année du programme contient des cours très diversifiés. C'est un programme de commerce, mais les cours sur les questions commerciales occupent seulement 34 p. 100 du temps que les étudiants passent chez nous. Il y a aussi des cours sur le contexte, par exemple sur l'histoire de la région, la géographie économique et les régimes juridiques en Asie. Nous avons aussi un module d'histoire de l'art asiatique, dans notre école de commerce, pour aider à sensibiliser les étudiants à la culture. Les cours de langue prennent par ailleurs environ 25 p. 100 du temps des étudiants. Nous enseignons cinq langues asiatiques différentes sur le campus. Pour certains des cours, le ratio professeur/étudiants n'est que de trois pour un. C'est très efficace et c'est la clé de notre succès.

Après la deuxième année de notre programme, les étudiants obtiennent leur diplôme; ils doivent travailler très fort, et ils l'ont bien gagné. Nous travaillons ensuite avec les étudiants pour leur trouver des emplois en Asie, dans un des 14 pays différents où nous avons établi des liens. La diapositive suivante montre où se sont installés les diplômés de l'an dernier. Nous avons réussi à placer tous les étudiants qui ont terminé la première année du programme. Nous avons un taux de placement de 100 p. 100 depuis environ quatre ans, et vous pouvez constater que nos étudiants se retrouvent un peu partout dans la région.

Nous commençons à nous rendre compte que nos diplômés restent sur le terrain pendant environ cinq ans en moyenne. Ils sont de plus en plus nombreux à revenir au Canada; à peu près la moitié d'entre eux sont de retour au pays. Mais nous avons découvert des données intéressantes grâce à un sondage que nous venons d'effectuer: 81 p. 100 de ces étudiants disent que leur expérience en Asie les a beaucoup aidés à trouver le genre d'emploi qu'ils ont déniché à leur retour au Canada. Ils ont également indiqué qu'ils gagnaient probablement environ 28 000 $ de plus que s'ils n'avaient pas bénéficié de cette expérience.

Jusqu'ici, nous avons gagné un prix de l'ACCC, l'Association des collèges communautaires du Canada; nous avons un taux de placement de 100 p. 100 et nous sommes vraiment le programme national de premier choix pour les jeunes Canadiens instruits qui veulent avoir accès au marché du travail asiatique et qui veulent s'y prendre de façon relativement organisée pour y arriver.

Comme vous pouvez le voir, nous avons réussi en nous associant avec différents partenaires. Voici les secteurs dans lesquels nos gens travaillent: les firmes de consultants en gestion, le secteur de la fabrication et l'administration publique, dans les ambassades, par exemple. Nous remercions d'ailleurs le ministère des Affaires étrangères, qui aide nos étudiants à faire des stages dans les ambassades. C'est un élément important de notre succès.

Qui sont nos partenaires? Le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, les employeurs, le collège et les diplômés. Le gouvernement fédéral nous appuie par l'entremise de l'ACDI et du ministère des Affaires étrangères, qui fournit du travail à nos diplômés dans les ambassades. Vous pouvez voir ici les sources de revenus grâce auxquelles notre programme fonctionne: environ 71 p. 100 de nos fonds viennent du secteur privé, sous forme de salaires pour le placement de nos étudiants et d'autres subventions directes pour le programme. L'ACDI nous fournit 12 p. 100 de notre budget total pour ce programme, mais cela nous permet d'obtenir le reste parce que c'est ce qui a amené le gouvernement provincial à participer, et ensuite le secteur privé.

Le collège Capilano nous accorde également un appui important; il essaie d'exploiter ce créneau particulier en mettant sur pied des programmes d'études supérieures que les universités ne semblent pas en mesure d'offrir. Nous répondons aux besoins du marché; nous avons une structure souple et légère; nous modifions notre programme d'études chaque année; nous sommes constamment en rapport avec nos employeurs et nous fonctionnons comme une petite entreprise même si nous sommes en réalité un établissement d'enseignement du secteur public.

Nos diplômés composent le cinquième groupe qui permet à notre programme de fonctionner; ils viennent de tout le Canada. Notre succès vient surtout de la publicité de bouche à oreille; en fait, 98 p. 100 des étudiants qui ont participé à notre sondage ont dit qu'ils recommanderaient le programme à un ami. Vous pouvez voir que la majorité d'entre eux viennent de Colombie- Britannique, parce que c'est ici que se trouve notre collège et que nous sommes le plus connus; mais il y a aussi 11 p. 100 de nos étudiants qui viennent des Prairies, 31 p. 100 de l'Ontario et 18 p. 100 du Québec. Nous avons commencé il y a trois ans seulement à faire de la publicité organisée au Québec.

Je m'excuse auprès des gens des Maritimes. Je compte me rendre à Halifax cette année pour inviter des gens de là-bas à se joindre à nous. Ce sont nos diplômés qui font notre succès. Environ 90 p. 100 d'entre eux disent qu'ils ont réalisé des objectifs personnels en s'inscrivant au programme; ils vivent maintenant à Hô Chi Minh, à Phnom Penh ou à Tokyo. Et ils sont en train d'établir tout un réseau de jeunes Canadiens dans la région; ce sont de très bons amis.

Notre programme est maintenant dans sa 10e année, et nous avons l'intention de prendre un certain nombre d'initiatives qui pourraient vous intéresser. Premièrement, nous allons entreprendre un programme pour l'Amérique latine sur le modèle du programme de l'Asie-Pacifique. Nous croyons que la région de l'Asie-Pacifique est en train de prendre de la maturité et que ce n'est plus nécessairement l'endroit où les gens doivent aller pour entreprendre une carrière. Nous pensons que l'Amérique latine va prendre le relais de l'Asie; c'est pourquoi nous allons mettre en place un programme latino-américain sur le même modèle que le programme de l'Asie-Pacifique. Nous commençons également à accepter des diplômés qui ont obtenu de bons résultats dans les pays asiatiques; l'an prochain, nous allons aussi accepter deux étudiants du Mexique et deux du Chili, et nous allons leur donner une formation axée sur l'Asie.

Notre programme est une bonne exportation pour le Canada. Nous avons de l'expérience en Asie et nous pouvons vendre la formule à d'autres pays de la région de l'Asie-Pacifique.

Nous allons faire un certain nombre de présentations avec le Conference Board du Canada. Nous allons participer à la conférence sur les PME à Ottawa et également à la réunion du Conseil commercial Canada-Chine à Vancouver; nous allons aussi participer à la Conférence pour la coopération économique en Asie-Pacifique à Vancouver et nous entretenons des liens étroits avec la PECC.

Nous fêtons cette année notre 10e anniversaire et c'est également l'année canadienne de l'Asie-Pacifique, qui comportera divers thèmes tournant autour de la jeunesse et de l'Asie. J'ai donc l'impression qu'après le dur travail de tranchées que nous avons réalisé jusqu'ici, le temps est venu de célébrer. Nous allons tenir une conférence à Bali, dans six semaines, avec tous les anciens qui se trouvent encore en Asie; nous nous attendons à ce que 160 personnes se réunissent en Indonésie à ce moment-là pour célébrer le fait que ce sont de jeunes Canadiens qui vivent et qui travaillent en Asie. Nous espérons que cela nous permettra de rapporter des leçons sur les réalités de ces nouveaux expatriés, sur les expériences nouvelles que ces gens vivent sur le terrain. C'est très différent de ce qui se passe dans les écoles de commerce traditionnelles.

Nous allons également monter une Équipe Asie; c'est la deuxième grande activité que nous prévoyons cette année. Cette équipe va effectuer une tournée dans toute une série d'établissements du Canada, notamment à Halifax, Winnipeg et dans d'autres endroits où l'information sur l'Asie-Pacifique ne circule généralement pas très bien. Nous allons amener avec nous six de nos anciens qui ont travaillé avec succès dans cette région et qui vont présenter des séminaires aux jeunes Canadiens à ce sujet-là. Cela fait partie d'un programme de relations publiques auquel nous travaillons actuellement. Il sera financé par le secteur privé, ce qui nous permettra d'envoyer nos diplômés et nos étudiants actuels dans les écoles secondaires pour qu'ils disent aux jeunes, très concrètement, ce qu'ils doivent faire dans un environnement qui est très compétitif, mais qui leur offre des possibilités intéressantes.

En essayant d'accélérer notre présentation, nous avons oublié un graphique qui est assez révélateur et important. Nous venons de terminer une analyse quantitative des résultats de notre programme pour essayer de déterminer quelles sont ses répercussions dans la pratique. Si vous regardez les trois lignes du bas de ce graphique, vous verrez ici le mouvement des investissements entre le Canada et l'Asie. La ligne du dessous porte sur les exportations vers l'Asie, puis vient le développement des entreprises canadiennes par rapport à l'Asie. Et voici quelles sont les entreprises avec lesquelles nos anciens et nos étudiants actuels ont été associés, en ce qui concerne les relations entre l'Asie-Pacifique et le Canada. Vous pouvez voir qu'au total, ces trois secteurs représentent environ 3 milliards de dollars.

Pour produire ces 3 milliards d'activité économique, l'ACDI a fourni 2,5 millions de dollars. Même si on peut dire qu'environ 10 p. 100 seulement de ce chiffre correspond à de nouvelles initiatives résultant de notre programme, il demeure que l'activité économique engendrée par ces jeunes étudiants sur le terrain représente 100 fois les sommes que le gouvernement canadien a investies pour les former et les appuyer.

En résumé, je tiens à remercier le gouvernement du Canada de son appui, ainsi que les gens de l'ACDI. Nous allons poursuivre ce programme et mettre en place notre programme latino- américain. Nous aimerions remercier tout particulièrement le sénateur Perrault, un ardent défenseur de notre programme, qui nous a beaucoup aidés à Ottawa. Nous tenons à vous rappeler que notre programme a fait l'objet de nombreux éloges et que ces nouveaux expatriés, ces jeunes gens, ont un avantage sur la concurrence et profitent de possibilités qui semblent vraiment leur permettre de réussir et de prospérer en Asie.

Le sénateur De Bané: Je voudrais dire à M. Huenemann à quel point j'ai été étonné d'entendre ce qu'il nous a dit au sujet de notre déficit commercial vis-à-vis de la Chine. Je comprends que, théoriquement, ce qui compte, c'est que nous ayons un surplus global. Mais d'un autre côté, le Canada a enregistré des surplus dans cette partie du monde dans les années 60; ensuite, dans les années 70, nos échanges commerciaux avec les Quatre Tigres ont commencé à devenir déficitaires. Au début des années 80, nous avons commencé à enregistrer un déficit vis-à-vis du Japon; c'est maintenant le cas vis-à-vis de la Chine et dans quelques années ce sera la même chose par rapport à tous les autres pays. Nous avons maintenant un déficit dans nos échanges commerciaux avec l'Europe. En fait, nous enregistrons un surplus seulement vis-à-vis des États-Unis. Vous reconnaîtrez qu'il y a certainement autre chose, à part ce que vous avez dit? Collectivement, la richesse est en train de passer de l'Ouest vers l'Est, et le Canada, qui exporte essentiellement des produits fondés sur les ressources naturelles, va en souffrir.

M. Huenemann: Je suis d'accord avec vous. Mon premier commentaire portait simplement sur le fait que, quand on regarde qui commerce avec qui, qui enregistre un surplus et qui est en déficit, et quand on examine l'évolution de la situation, il faut éviter de se montrer protectionniste. Je me bats constamment contre les gens qui pensent que la réponse aux déséquilibres dans les échanges commerciaux, c'est le protectionnisme. Ce n'est pas la solution. En même temps, il faut certainement être aussi concurrentiels que possible dans nos exportations et prendre les mesures stratégiques nécessaires pour ne plus être simplement un pays exportateur de bois, de pâte à papier, de blé et d'engrais, pour commencer à exporter des produits de télécommunications, par exemple de l'équipement de commutation téléphonique. C'est un changement important et souhaitable.

Il est bon que les gouvernements parlent de la nécessité de nous lancer dans la haute technologie. Il est bon qu'ils soient conscients de ce fait. En définitive, ce qui va faire notre succès, ce ne sont pas les slogans de toutes sortes, mais les investissements sérieux dans le genre de ressources qui comptent, et en particulier dans l'éducation.

Si je peux me permettre un commentaire personnel, mon fils occupe un emploi bien payé parce qu'il travaille pour une compagnie appelée Northern Telecom, grâce à l'excellente formation en informatique qu'il a reçue à UBC. C'est ce genre d'investissement à long terme, ce genre de réflexion stratégique qui va alimenter nos exportations futures. J'espère que nous allons faire tout ce qu'il faut faire.

Je ne voulais pas laisser entendre que ce n'était pas important ou qu'il ne fallait pas y penser. Il le faut. Mais la solution, ce n'est pas de nous refermer sur nous-mêmes et de nous montrer protectionnistes en disant par exemple qu'il faut arrêter d'acheter des chaussures de course chinoises. Ce n'est pas du tout la bonne réponse.

Le sénateur De Bané: Qu'est-ce que nous pouvons faire pour empêcher notre déficit de s'aggraver vis-à-vis de ces pays-là, qu'il s'agisse des pays classiques comme le Japon, Singapour et les Quatre Tigres ou des nouveaux concurrents comme le Bangladesh, la Chine ou les Philippines?

M. Huenemann: Il y a deux volets à cela. La diapositive que voici montre la situation dans les différents pays; c'est à cela que je faisais allusion quand j'ai dit que mes chaussures de course venaient autrefois de la Corée du Sud et qu'elles viennent aujourd'hui de la Chine. Je dis à mes collègues chinois de ne pas trop se reposer sur leurs lauriers, parce que dans 10 ans, ces chaussures vont venir du Viêtnam, du Bangladesh ou des Philippines. Les Chinois ne seront pas au sommet de la vague indéfiniment eux non plus. En un sens, c'est un peu ce qui se passe déjà et c'est ce qui leur donne des maux de tête. Que nous achetions nos chaussures de course des Philippines, de la Chine ou de la Corée du Nord, c'est de toute façon une importation pour nous. En ce sens, il n'y a rien qui change de notre point de vue.

Ce qui est vrai -- et c'est également vrai pour Northern Telecom et cela nous ramène à ce que le sénateur Austin a dit ce matin --, c'est que le commerce suivait autrefois le drapeau, mais qu'il suit aujourd'hui l'investissement. Si Northern Telecom vend beaucoup en Chine, c'est en grande partie parce que cette compagnie fabrique des produits là-bas, parce qu'elle était prête à prendre cet engagement. Elle a une usine de microplaquettes ultramoderne en périphérie de Shanghai; je suis allé la visiter au mois de novembre. Il est de plus en plus difficile de savoir qui commerce avec qui. Au sud de la frontière, Northern Telecom prétend être une compagnie américaine, avec beaucoup de succès d'ailleurs, parce qu'il est très difficile de dire à quel pays appartient une multinationale. En ce sens, la vieille idée selon laquelle on pouvait facilement dire qui commerce avec qui est déjà en train de disparaître, mais si nous réagissons assez rapidement, nous allons réussir à nous maintenir à flot.

Je dois dire que le collège Capilano mérite des notes exceptionnelles pour ce qu'il fait à cet égard. J'aimerais bien que l'Université de Victoria ait la moitié de cette souplesse et de cette imagination. Le Canada a besoin de ce genre de flexibilité, et de cette capacité de changer et de dire qu'il faut faire de la formation. Les gens ne devraient pas étudier le mandarin. J'ai passé ma vie à l'étudier et c'est important pour moi, mais nous avons de nombreux Canadiens qui parlent chinois. Ce qu'il faut, c'est enseigner à nos jeunes l'indonésien, le thaï et le tagal. C'est ce que le collège Capilano fait avec beaucoup de succès, et il mérite des félicitations à cet égard.

Je suis optimiste. Nous allons rester souples, et nous allons continuer de trouver des créneaux et de connaître nos propres succès, mais il ne faut pas nous endormir sur nos lauriers ni tenir quoi que ce soit pour acquis.

Le sénateur Perrault: Monsieur le président, bon nombre des témoins que nous avons entendus ces derniers temps ont insisté sur la nécessité d'en apprendre davantage sur les langues, la culture et l'histoire de ces pays de la ceinture du Pacifique. Nous avons entendu toutes sortes d'histoires sur des gens d'affaires pressés de Toronto et de Vancouver qui se sont rendus en Indonésie en espérant conclure une transaction en 48 heures et qui en sont revenus extrêmement déçus et désabusés. Le programme du collège Capilano est offert dans ma région. Je n'ai jamais vu de programme qui suscite autant d'enthousiasme et d'optimisme. C'est très réconfortant de voir ces gens-là à l'oeuvre.

J'ai eu l'occasion de rencontrer quelques-uns des jeunes qui ont participé au programme. Leur enthousiasme et leur engagement personnel étaient fascinants pour un vieux politicien blasé comme moi. Ils apprennent toutes les langues de la région. Ils viennent de tous les coins de notre pays, comme nous l'avons vu sur la diapositive. Il faut appuyer ce programme encore plus et peut-être exporter l'idée ailleurs au pays. Il y a ici des jeunes gens qui ont l'occasion d'apporter une contribution positive à notre pays. La majeure partie du financement dont le programme dispose vient du secteur privé. Il ne dépend pas des gouvernements. Ces jeunes peuvent faire toutes sortes de choses à l'étranger; ils peuvent travailler pour l'entreprise privée, ou dans les consulats et les ambassades du Canada dans les pays de la ceinture du Pacifique.

C'est un programme que j'appuie sans réserve. Monsieur le président, j'espère que l'idée se répandra dans d'autres régions du pays parce qu'elle répond tout à fait aux critères dont nous avons parlé ici ces jours derniers au sujet de l'importance, pour notre compétitivité future, d'avoir des gens qui connaissent la langue et la culture des autres pays. C'est donc un programme que j'appuie de tout coeur.

Le sénateur Corbin: Je n'ai pas posé beaucoup de questions jusqu'ici parce que j'ai surtout appris des choses au cours des trois derniers jours. Nous avons eu la chance d'entendre des témoins de grande qualité, qui nous ont présenté des témoignages très enrichissants. Je pense cependant que nous nous sommes attachés un peu trop -- mais nous aurons peut-être l'occasion de rétablir l'équilibre au cours de nos séances futures à Ottawa ou ailleurs -- au potentiel du commerce entre le Canada et la Chine et des relations en général entre nos deux pays.

M. Paul Lin a fait ce matin un commentaire qui a attiré mon attention; j'aimerais poser une question à M. Huenemann à ce sujet. M. Lin a parlé de la renaissance de l'ancienne route de la soie, en insistant sur le fait qu'elle passe par le Moyen-Orient, les Balkans et l'Europe. Mais nous n'avons pas du tout parlé de la concurrence que nous livre l'Europe sur le riche marché potentiel du Nord-Est asiatique.

D'après des chiffres que j'ai trouvés dans le rapport que le sénateur Austin nous a présenté ce matin, l'Union européenne assure actuellement environ 14,4 p. 100 des échanges commerciaux mondiaux avec la Chine. Les États-Unis ont un pourcentage un peu supérieur, aux alentours de 14,5 p. 100. Et pour le Japon, c'est 20 p. 100. Ces trois blocs comptent donc pour 50 p. 100 du commerce mondial avec la Chine. Le Canada a une toute petite part du gâteau. Il a perdu et continue de perdre certains marchés en Europe par suite de l'unification européenne. Il est d'ailleurs bien naturel que les Européens se protègent entre eux. Et je suppose que, malgré toute notre bonne volonté et toute notre ouverture vis-à-vis du potentiel que ces nouveaux débouchés dans le Pacifique représentent pour nous, nous allons à court terme être devancés par les Européens parce que nous sommes des gens accommodants, et pas très agressifs.

Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez, si vous avez eu l'occasion d'examiner cette question?

M. Huenemann: Je vais essayer de vous répondre à plusieurs niveaux. Premièrement, à mon avis, même si j'ai consacré toute ma vie à l'étude de l'Asie et surtout de la Chine, je n'ai jamais considéré que l'Asie était plus importante que l'Europe. Nous nous spécialisons parce que nous devons approfondir nos connaissances. Mais je n'ai jamais pensé que si nous nous intéressions activement à l'Asie, cela diminuerait l'importance de l'Europe, des États-Unis, de l'Amérique latine ou du Moyen-Orient. J'ai toujours été un peu embarrassé par l'enthousiasme que suscite actuellement l'Asie-Pacifique. Ce qui devrait nous enthousiasmer, c'est le monde entier. C'est un endroit merveilleux et très complexe, et c'est d'ailleurs pour cela que j'ai passé ma lune de miel en Europe, à faire de la randonnée dans les Alpes autrichiennes. Personnellement, mon intérêt pour l'Asie n'a jamais été exclusif. Quand j'ai dit que nous devrions nous intéresser à l'Asie, je n'ai jamais voulu laisser entendre que nous devrions nous désintéresser des autres régions du monde. Je ne l'ai jamais pensé. Et je crois que mes collègues seraient du même avis.

Quant à savoir où nous avons le plus de chances de réussir, surtout en concurrence avec les Européens, je dois dire que l'Union européenne, en rassemblant tous ces pays, les a rendus plus forts. Cela ne fait aucun doute. Une économie collective, et donc plus forte, aura inévitablement plus de succès dans le monde entier, y compris en Asie, que plusieurs économies nationales distinctes. C'est inévitable. En un sens, cela leur donne plus de pouvoir. Tant mieux pour eux. C'est certainement ce qui se passe dans le cas de la Chine. J'ai donné un cours il y a trois étés à l'Université de Shanghai; de l'autre côté de la rue, on était en train de construire un gros immeuble moderne: une école de gestion allemande. Les Allemands ont beaucoup plus d'argent que nous ne pouvions en consacrer à l'Université de Shanghai dans le cadre de notre petit projet de l'ACDI. Dans bien des cas, ils vont réussir. Je comprends ce que vous voulez dire.

Mais d'un autre côté, si les États-Unis occupent 20 p. 100 du marché et que nous arrivons au dixième de ces 20 p. 100, soit 2 p. 100, c'est déjà raisonnable. C'est une petite part du gâteau, mais compte tenu de ce que nous sommes et de la taille de notre pays, ce n'est pas si mal. Ce qu'il faut faire maintenant, c'est améliorer la situation et travailler pour réussir dans les domaines que nous occupons déjà.

Tout le monde doit s'intéresser à l'Asie parce que c'est là que va se produire la croissance économique au cours des prochaines décennies; mais cela ne veut pas dire que nous devons négliger l'Europe ou les autres régions. Cela ne veut pas dire non plus que nous devons faire semblant d'ignorer que les Européens vont nous faire concurrence. Le succès même de l'Union européenne devrait nous faire réfléchir sérieusement à la nécessité de maintenir l'unité économique du Canada. Je m'inquiète beaucoup de la possibilité d'une fragmentation du Canada. Le prix à payer serait énorme à bien des égards et personnellement, je serais très triste que cela se produise. Au moment même où l'Europe s'affaire à surmonter ses divergences et à se regrouper, il ne me semble pas très sage de nous diriger résolument dans la direction opposée. Nous ramons à contre-courant. Il faut aussi tenir compte de cet aspect-là de la question. Cette question influe très directement sur notre capacité d'investir en Asie. Les gens nous demandent si nous offrons une certaine stabilité et si nous sommes là pour durer. Pour les Asiatiques, cela veut dire 30, 40 ou 50 ans, pas six mois ou un an. Ces gens-là examinent par exemple nos perspectives de stabilité et de croissance à long terme.

Le sénateur Corbin: Les Européens posent la même question.

M. Huenemann: Oui. Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à vos questions.

M. MacLeod: Votre réponse est très intéressante et la vérité, c'est que la situation est désolante. Les échanges commerciaux du Canada sont extrêmement restreints si on ne tient pas compte du Japon. Nous sommes un tout petit intervenant dans la région, presque insignifiant, et c'est la réalité de la situation au niveau macro-économique. Les Européens sont beaucoup plus présents. Si on soustrait nos échanges avec le Japon, nous ne sommes pas vraiment là du tout.

Si les Européens sont avantagés, c'est peut-être en partie parce qu'ils ont eu des colonies en Asie; ils sont donc là-bas depuis plus longtemps que nous. Mais c'est souvent aussi un inconvénient, puisque beaucoup de pays n'aiment pas leurs anciens maîtres coloniaux; cela pourrait donc représenter un avantage pour nous. Il y a aussi le fait que les Européens ont des produits de marque. C'est un de leurs principaux atouts par rapport à nous. Ils vendent des produits de marque comme le cognac. Nous ne vendons pas des arbres ou du blé de marque. C'est pourquoi le Canada doit rester uni et promouvoir l'image des produits canadiens et des marques canadiennes. Les produits de marque sont extrêmement importants en Asie, et l'Europe en a depuis bien plus longtemps que nous.

La troisième chose à laquelle nous devrions réfléchir si nous voulons réussir en Asie, c'est le fait que beaucoup d'économies européennes ne sont pas fondées sur l'exportation directe de produits à l'extérieur de l'économie nationale, mais sur les services qu'elles offrent dans le monde entier. La compagnie Nestlé en est un exemple classique; elle vend en réalité très peu de chocolat à l'extérieur de la Suisse, mais elle attire beaucoup de richesse en Suisse parce que c'est là que se trouve son siège social. Une des choses que le Canada devrait faire, et que nous essayons de faire, c'est de participer au boom économique en Asie. Cela ne veut pas nécessairement dire que nous devons vendre du bois au Japon, ce que nous faisons déjà à raison de plusieurs centaines de millions de dollars; cela veut dire par exemple que nous pourrions faire office d'intermédiaire entre les gens de Taïwan et ceux de Singapour, et profiter du boom qui se produit dans cette région pour y vendre des services canadiens, et pour y promouvoir la qualité des services et du savoir-faire canadiens.

À bien des égards, le modèle européen consiste à faire de l'argent grâce aux activités des autres. Le Canada ne l'a pas fait autant qu'il aurait pu. C'est un bon créneau pour faire concurrence aux Européens.

Le président: Nous parlons de ce que le Canada devrait faire. Mais nous devrions commencer par dire que ce dont il est vraiment question ici, c'est de ce qui nous reste quand on retranche le temps et l'attention que nous consacrons à nos relations économiques avec les États-Unis. Il est donc question d'environ 20 p. 100 de l'activité du Canada à l'étranger.

Permettez-moi de vous conter une anecdote. J'ai rencontré l'ambassadeur d'un important pays d'Amérique du Sud il n'y a pas très longtemps et il m'a dit: «Le Canada et mon pays sont des alliés naturels. Vous devriez nous accorder plus d'attention.» Et en novembre, je suis allé à Cape Town, en Afrique du Sud, et j'ai entendu exactement la même histoire: «Vous, les Canadiens, vous avez beaucoup d'expérience dans le domaine des mines et des transports; vous devriez nous accorder plus d'attention.» Nous avons aussi entendu la même chose en Europe.

J'en suis arrivé à la conclusion qu'une fois qu'on retranche le temps et l'attention que nous consacrons à nos rapports avec les Américains, tout le monde s'attend à ce qu'on fasse beaucoup avec ce qui reste. La demande, ou les débouchés, semblent dépasser ce que nous pouvons offrir. C'est une observation peut-être un peu simpliste, mais je crois qu'elle est exacte.

Le sénateur Corbin: Si vous me permettez de faire un commentaire plutôt que de poser une question, même s'il appellera peut-être une réponse, vous avez parlé de la Russie et de la situation inquiétante là-bas en faisant une comparaison avec ce qui s'est passé en Allemagne après la Première Guerre mondiale. Je ne suis pas certain que nous puissions en faire beaucoup plus que ce que nous faisons actuellement là-bas étant donné nos engagements sur beaucoup d'autres fronts. Je me demande si vous n'avez pas légèrement déplacé le problème. À mon avis, la crise en Russie est surtout une crise de leadership interne, à commencer par les plus hauts échelons. C'est ce qui est inquiétant, et à moins d'arriver là-bas sur un cheval blanc et d'essayer de remettre un peu d'ordre, nous ne pourrons pas faire grand-chose. Comment voyez-vous l'évolution de la situation politique là-bas? Y a-t-il de l'espoir pour les années qui viennent?

Mme Meyer: Est-ce que nous négligeons le rôle de la Russie dans la sécurité de la région en nous intéressant à la Chine et à l'Asie? Le problème de la Russie est surtout intérieur, et la solution doit venir d'abord de l'intérieur. Les gens de là-bas se disent qu'ils ont déjà appartenu à une grande puissance. J'ai entendu des Russes, pendant des conférences au sujet de l'Asie-Pacifique, se plaindre que la Papouasie et la Nouvelle- Guinée ont été invitées à devenir membres de l'APEC avant la Russie. Ils saisissent bien l'importance et le symbolisme de la chose. Ce sont des intervenants très mineurs dans l'activité économique de la région de l'Asie-Pacifique. Mais je ne crois pas qu'il faudrait nécessairement les exclure de l'APEC, à cause des implications symboliques négatives que cela pourrait avoir et des conséquences que cela aurait pour eux.

En ce qui concerne les questions de sécurité, la puissance militaire russe a probablement toujours été exagérée. Même à l'époque de l'URSS, il y avait d'énormes problèmes entre les officiers, qui étaient russes, et les soldats, qui venaient souvent de l'Asie centrale. Il y avait des problèmes de formation et d'entretien. La puissance militaire russe était surestimée même dans le passé, et elle s'est certainement beaucoup détériorée depuis la chute de l'URSS.

D'un autre côté, les Russes vendent des armes et de la technologie militaire à la Chine. À cet égard, ils ont encore de l'importance dans la région de l'Asie-Pacifique parce que ces activités ont des répercussions qui vont au-delà de ce qu'ils peuvent faire eux-mêmes.

Le président: Vous êtes la deuxième personne, depuis le début de nos séances à Vancouver, à attirer l'attention du comité sur toute la question de la zone d'influence maritime de la Russie et de la région de Vladivostok. C'est un aspect de la question que je ne connaissais pas. Pouvez-vous nous dire en un mot quelle importance cela peut avoir sur le plan économique? Je ne veux pas parler de l'effet symbolique qui pourrait se faire sentir très nettement si les Russes sont exclus de l'APEC. Je veux savoir quelle est l'importance de cette région de la Russie, sur le plan économique, pour la Russie elle-même et pour la région de l'Asie-Pacifique?

Mme Meyer: Dans le passé, les échanges commerciaux entre Vladivostok et les autres régions de l'URSS étaient lourdement subventionnés à cause de l'éloignement. Je ne suis pas économiste, mais il me semble que ces échanges n'étaient absolument pas logiques du point de vue économique ou commercial, mais ils étaient subventionnés. Or, il y a de moins en moins d'argent pour ce genre de choses en Russie. Vladivostok est maintenant forcée de développer des liens économiques, politiques et autres avec ses voisins de l'Asie-Pacifique. En termes de pourcentages, son importance est encore très restreinte. Je ne suis même pas certaine de pouvoir croire les statistiques publiées à ce sujet-là parce que certains économistes qui étudient la question de près m'ont dit que ces statistiques étaient loin de refléter toute l'activité économique dans la région. C'est parce que les gens ne veulent pas tout déclarer, à cause de l'impôt, et c'est aussi lié à ce qu'on appelle la mafia russe. On me dit que l'activité commerciale n'est pas toujours déclarée, mais c'est quand même encore très restreint.

Le président: Et qu'en est-il des ressources naturelles de la région: le bois, le charbon et l'énergie hydroélectrique?

Mme Meyer: Il y a des ressources naturelles. Un des problèmes, pas nécessairement sur la côte du Pacifique, mais en tout cas dans l'est de la Sibérie, c'est que l'infrastructure sociale et matérielle laisse beaucoup à désirer. Il y a des compagnies étrangères qui s'intéressent à ces ressources, mais il ne sera vraiment pas facile de les exploiter.

Le président: Je vous remercie de nous avoir parlé de cet aspect de la question parce que c'est tout nouveau, du moins pour moi.

Le sénateur Andreychuck: À partir de lundi, le sénateur Perrault et moi allons siéger à un autre comité. Nous aurons la chance de voir de quoi parle M. MacLeod; je vais donc laisser cela à l'autre comité.

Vous dites que, même si le Canada est présent sur la scène mondiale, le gros de ses échanges se fait avec les États-Unis, les autres régions se partageant les miettes qui restent. Vous avez dit que nous ne pouvions pas nous isoler. Et le président a fait remarquer ensuite que nous avions des offres de partout. Nous avons toutefois entendu des gens d'affaires dire que, même si nous recevons des offres, les obstacles suivent de près quand nous les acceptons. Qu'est-ce que le Canada pourrait faire différemment? Qu'est-ce que nous devrions faire différemment? Est-ce qu'il s'agit simplement d'être plus constants et plus patients, et d'attendre les récompenses? Est-ce que nos gens d'affaires et nos gouvernements doivent se contenter de persévérer et de faire de leur mieux pour trouver les créneaux qui nous conviennent?

Il y a une chose qui est remarquable, et qui semble être perçue comme une menace dans bien des milieux -- dans le monde des affaires, les milieux universitaires et la fonction publique, à tous les niveaux: c'est que le système d'éducation des jeunes Canadiens doit changer. Tout le monde semble insister beaucoup sur l'éducation. Êtes-vous d'accord pour dire que c'est dans ce domaine-là que nous pouvons et que nous devons faire les choses différemment?

Mme Meyer: Je viens de commencer à réfléchir à cette question hier; je n'ai donc pas encore d'opinion bien arrêtée, mais je me suis demandé ce que nous pourrions faire pour que nos immigrants asiatiques puissent aider davantage les autres Canadiens qui veulent faire des affaires dans la région de l'Asie-Pacifique. Bien sûr, nous avons les deux groupes qui sont ici, mais il faut se demander dans quelle mesure il y a véritablement des interactions et quelle aide les immigrants asiatiques fournissent réellement aux petites et moyennes entreprises canadiennes qui veulent s'implanter là-bas. Pour le moment, il y a probablement très peu d'interactions.

J'en suis encore aux toutes premières étapes de ma réflexion et je n'ai donc pas d'idée très précise sur la question, mais je me suis dit qu'il serait possible d'établir un mécanisme pour encourager les interactions de ce genre. Qu'est-ce que je ferais si j'étais propriétaire d'une entreprise canadienne et que je voulais commercer avec le Viêtnam, mais que je connaissais seulement des Vietnamiens établis au Canada? Il y aurait certainement moyen de nouer des liens personnels étroits avec la communauté vietnamienne d'ici en faisant des choses qui seraient utiles à ses membres, par exemple leur offrir des cours de langue privés. Après avoir bâti des liens solides de confiance et d'amitié avec ces gens, je pourrais partir de là pour nouer des contacts avec leurs parents ou leurs connaissances dans leur pays d'origine.

Je n'y a pas beaucoup réfléchi et je suis sûre que quelqu'un pourrait trouver une variante plus pratique de ce genre de solution.

Le président: Honorables sénateurs, nos témoins nous ont fait profiter très généreusement de leur temps et de leurs réflexions; je suis convaincu que vous voudrez que je leur exprime notre sincère reconnaissance au nom de tous les membres du comité.

Chers collègues, nous avons passé trois merveilleuses journées ici. Nous allons devoir digérer ce que nous avons appris et en tirer les conclusions qui s'imposent. La séance est levée jusqu'à nouvelle convocation du président.

La séance est levée.


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