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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 28 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 8 avril 1997

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 16 heures pour examiner, pour en faire rapport, l'importance croissante de la région Asie-Pacifique pour le Canada, en prévision de la prochaine Conférence pour la coopération économique en Asie-Pacifique qui doit se tenir à Vancouver à l'automne 1997, l'Année canadienne de l'Asie-Pacifique.

Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, cet après-midi nous faisons concurrence non seulement au Sénat, mais également à plusieurs autres comités saisis de questions législatives urgentes.

Cet après-midi, nous reprenons nos travaux sur les relations entre le Canada et la région Asie-Pacifique, et pour nous aider dans nos travaux, nous avons des témoins de la Conference of Ocean Carriers, une conférence maritime. Nous avons avec nous la directrice de cet organisme, Mme Brenda Johnston.

Mme Brenda Johnston, gestionnaire, Canada Westbound Rate Agreement; vice-présidente, Secrétariat des conférences associées; Conference of Ocean Carriers: Je suis accompagnée de M. Barry Olsen, président de Maersk Line Canada, de M. Albert Pierce, président de CWRA, de M. Henry Munz, gérant des ventes pour K-Line, et, enfin, de M. Klaus Schenede, gestionnaire des prix, K-Line.

Honorables sénateurs, je comparais aujourd'hui au nom de Canada Westbound Rate Agreement. CWRA regroupe huit entreprises de transport maritime océaniques et intermodales qui, conformément à la Loi dérogatoire sur les conférences maritimes de 1987, sont autorisées à se consulter, à échanger des informations sur le marché et à prendre des décisions en commun en matière de prix en ce qui concerne les couloirs commerciaux entre le Canada et l'Asie, vaste territoire qui comprend des destinations comme le Japon, l'Extrême-Orient russe, la Corée, la Chine et l'Asie du Sud-Est.

Mes observations aujourd'hui porteront sur trois domaines. Premièrement, je vais expliquer la raison d'être de la LDCM et du système de conférences maritimes que cette loi établit. Deuxièmement, je vais brosser un tableau du marché des conférences de lignes entre le Canada et l'Asie, et également parler des tendances en ce qui concerne les tarifs du fret. En fait, je tenterai de donner des précisions sur les questions soulevées par le Conseil des expéditeurs canadiens en novembre 1996 lors des audiences du comité sénatorial des affaires étrangères.

Les conférences maritimes, comme CWRA, existent à l'heure actuelle dans la plupart des couloirs maritimes du monde. Ces conférences remontent à un système britannique établi aux environs de 1870 et destinées à régulariser un système de transport qui était à l'époque extrêmement cyclique et instable mais dont les Britanniques dépendaient pour leur commerce. À l'époque, les voiliers qui transportaient le fret étaient des biens entièrement mobiles, et leurs propriétaires n'étaient responsables devant aucune autorité, à l'exception de celle du marché. La plupart du temps, lorsque les navires faisaient escale dans des ports, c'est parce que leurs agents avaient déterminé que suffisamment de fret les y attendait, et que cela méritait une modification de leur itinéraire.

Lorsque les conditions étaient favorables dans un couloir commercial, d'innombrables navires s'y rendaient en hâte, abandonnant les itinéraires où le volume de fret n'était pas suffisant pour justifier le coût du service. Les importateurs et les exportateurs pouvaient donc trouver un grand nombre de navires à un tarif très bas pendant quelques semaines, et le mois suivant, des tarifs très élevés, des horaires incertains et des départs irréguliers. À l'époque, on avait donc considéré que les conférences étaient un bon moyen de régulariser ces cycles, de régulariser les services de transport et, en même temps, de donner aux armateurs des revenus plus prévisibles, leur permettant ainsi de planifier plus efficacement leurs coûts et leurs tarifs.

En conséquence, bien qu'à l'époque les prix aient été plus élevés que dans un système fondé uniquement sur les aléas du marché, le service était plus fiable et les gens gardaient le choix entre plusieurs armateurs dans un secteur où les conditions étaient souvent difficiles pour cause de surcapacité, de taux de change défavorables, de politiques commerciales restrictives, et cetera. La même situation existe toujours au Canada à l'heure actuelle.

Permettez-moi de commencer par une distinction que les gens ne feraient peut-être pas d'eux-mêmes. Lorsque nous parlons de conférence de lignes, nous parlons des services de transport océanique réguliers, c'est-à-dire principalement des navires porte-conteneurs transportant des produits semi-finis, des produits manufacturés ainsi que des produits bruts qui peuvent être transportés par conteneur. Cela exclut donc les navires qui sont affrétés par le client par une tierce partie pour un trajet unique ou plusieurs trajets et qui, la plupart du temps, transportent des produits bruts comme du charbon, des céréales et du pétrole.

Il s'agit donc de navires qui mouillent dans des ports canadiens à date fixe, et cela, que du fret les y attende ou pas, et que les tarifs applicables soient élevés ou pas. Ce sont donc des transporteurs qui acceptent le fret de n'importe qui, sur la base du «premier arrivé, premier servi». Cela représente un engagement considérable, considérable en termes d'équipage, de carburant, de terminaux, de transferts avec les moyens de transport terrestres, et de personnel dans diverses succursales. En moyenne, environ 85 p. 100 du coût total d'un voyage est attribuable à des coûts fixes, ce qui représente des millions de dollars par navire, par trajet.

Pour son commerce, le Canada se repose entièrement sur des transporteurs qui battent pavillon étranger et qui représentent une infrastructure privée. À juste raison, le Canada s'est détourné d'un système de subsides et d'enregistrement pour constituer une flotte battant pavillon national. Cela n'a pas été nécessaire. En effet, les exportateurs et les importateurs canadiens disposent d'un vaste choix de lignes de transport à des prix dont la plupart des gens vous diront qu'ils sont extrêmement avantageux étant donné les niveaux de services actuels. Cela est possible en partie parce que les lignes maritimes peuvent rationaliser leurs opérations, échanger de l'information et également négocier des tarifs collectifs avec des clients au titre de la LDCM.

Ce ne sont pas seulement les lignes maritimes qui s'exposent à des coûts fixes considérables. Les ports canadiens, pour rester concurrentiels dans leur planification à long terme, doivent envisager des investissements considérables au titre d'une nouvelle infrastructure, comme des grues à haute vélocité, des entrepôts beaucoup plus vastes aux terminaux, ou encore des zones d'entreposage des conteneurs, des systèmes d'organisation du matériel et des entrepôts spécialisés. Avant de faire ce type d'investissement, on doit être assuré d'avoir des locataires et des usagers sûrs, et cela, pour une longue période d'amortissement.

En fin de compte, c'est le client qui profite de tout cela, car il a besoin de savoir que lorsqu'il a du fret à transporter, il a à sa disposition un choix de transporteurs et de dates, de savoir que le matériel et la manutention spécialisée sont disponibles, et que les livraisons seront effectuées dans les délais prévus. Cela devient de plus en plus vrai car de plus en plus, les compagnies canadiennes s'approvisionnent à l'étranger, et vendent et distribuent leur production à l'étranger également en même temps qu'elles adoptent des stratégies de gestion des stocks «juste à temps».

Sous leur forme actuelle, les conférences contribuent à la stabilité du service sans dissocier le prix du transport des forces extérieures du marché. L'image de cartes dictant les prix et étouffant la concurrence ne s'applique tout simplement pas dans l'environnement actuel.

Comme vous le savez peut-être, CWRA est constitué d'un grand nombre de transporteurs importants pour le commerce canadien, mais il ne s'agit pas de tous les transporteurs. Cela représente seulement une fraction des services de conférences de lignes qui existent sur le marché. Les transporteurs de CWRA n'ont pas le poids nécessaire pour limiter l'accès à un couloir commercial ou écarter les concurrents d'un couloir commercial. Au sein de la conférence, une compagnie membre reste libre de fixer des prix sans tenir compte de la position du groupe, pour faire face à la concurrence de l'extérieur, pour attirer un client particulier ou encore pour servir une enclave particulière du marché. Les membres de la conférence se concurrencent souvent mutuellement ou aussi agressivement que les compagnies indépendantes.

Par exemple, en 1996, les membres de CWRA ont déposé 700 demandes indépendantes pour abaisser les tarifs, ajuster les termes d'un service, ajouter des points d'origine ou de destination ou s'aligner sur la position indépendante d'un autre transporteur.

Pour comprendre comment ce système influe sur les tarifs et les services dans la réalité, il suffit d'examiner le marché actuel à destination de l'Asie. Pendant toute cette décennie, on a assisté à une expansion sans précédent du commerce avec les nations de l'Asie-Pacifique, en particulier sur le plan des exportations. Cela peut être attribué à plusieurs facteurs: taux de change favorables, niveaux de vie plus élevés à mesure que l'Asie confirme son rôle de centre de fabrication, attrait des investissements directs et augmentation du prix des actions; mesures d'ouverture des marchés; enfin, le fait que les compagnies canadiennes cherchent de plus en plus à élargir leurs marchés à l'extérieur de l'Amérique du Nord.

Les transporteurs maritimes ont suivi cette croissance en mettant en service des navires plus grands et plus rentables, en améliorant leurs flottes (conteneurs spécialisés coûteux pour transporter des biens périssables à une température contrôlée, vêtements sur cintres, automobiles non assemblées sur support plat, produits chimiques liquides en vrac et pétrole en réservoir), en offrant un vaste choix de départs à date fixe compatibles avec les arrivées et les départs des trains de marchandises et enfin, en participant à la conception de terminaux qui permettent de charger et de décharger les navires plus rapidement, de transférer les conteneurs des trains ou des camions plus facilement et d'effectuer plus vite les vérifications de documentation et autres.

Au cours des dix années qui se sont écoulées depuis l'adoption de la LDCM, le choix des services, le ramassage et la livraison du fret directement à l'usine, à l'entrepôt ou chez le détaillant, tout cela s'est amélioré considérablement au Canada. Les délais de transit entre l'Amérique du Nord et l'Asie, le choix de transporteurs offrant des itinéraires express et directs à destination de plusieurs marchés asiatiques, tout cela s'est amélioré également. Dans le domaine des ordinateurs, des pièces d'automobiles et d'autres produits, le système «juste à temps» a permis de réduire les stocks, de raccourcir les cycles de fabrication, ce qui constitue une économie d'argent.

Les services de transport qui étaient la norme en 1987 sont devenus une pleine capacité logistique à la disposition des clients. Qu'est-ce que cela signifie? En régularisant la circulation des produits et de l'information entre les fournisseurs, les usines, les entrepôts et les points de vente dans un grand nombre de pays, les transporteurs peuvent aujourd'hui travailler en collaboration avec leurs clients en vue d'améliorer la productivité et d'obtenir une valeur ajoutée.

M. Charles Barrett, du Conference Board of Canada, a indiqué en novembre dernier au comité des affaires étrangères chargé d'étudier l'importance nouvelle de l'Asie en tant que centre manufacturier, que les compagnies canadiennes recherchent aujourd'hui de nouvelles possibilités d'investissement direct sur ce marché, pour servir ainsi un nombre croissant de clients, mais également pour fabriquer en Asie des produits qui seront ensuite réexpédiés vers l'Amérique du Nord. Très souvent, les produits de base qui servent à la production vendue en Asie et aux biens destinés au marché canadien sont au départ des exportations canadiennes, si bien que le commerce se fait dans les deux sens.

Les mesures prises pour libéraliser les marchés, en particulier les mesures de l'Uruguay Round du GATT, ont permis de réduire les tarifs, les quotas, de réduire les exigences en matière d'accréditation et d'autres barrières commerciales avec l'Asie et, enfin, de simplifier les règles applicables aux investissements étrangers. Cela a permis la libre circulation des biens sur le plan des opérations et sur le plan des coûts.

Dans tout cela, il importe de ne pas oublier l'importance des investissements dans le secteur des transports. Les lignes maritimes travaillent en étroite collaboration avec les autorités portuaires et les administrations locales pour construire des terminaux portuaires et des sites d'entreposage, établir des correspondances avec les chemins de fer et des systèmes de gestion du fret qui permettent de supprimer les goulots d'étranglement et d'ouvrir de nouveaux marchés en Chine, en Thaïlande, en Indonésie, dans le sous-continent indien, au Vietnam et ailleurs en Asie.

Les approvisionnements et les usines étrangères, le passage de frontières multiples dans des délais très courts, tout cela exige un niveau de service très élevé dans le domaine des transports. Le prix restera toujours un facteur important, bien sûr, mais dans le marché actuel, il est également important d'avoir des services rapides et sûrs, des services rentables qui donnent une certaine marge sur le plan des prix.

Il serait logique de penser que plus les niveaux de service sont élevés, plus les tarifs exigés le sont. Or, dans le secteur des conférences de lignes, depuis cinq ou dix ans, cela n'a pas été le cas. La concurrence, encouragée en partie par la LDCM, a provoqué des investissements à long terme sans précédent dans les couloirs commerciaux Amérique du Nord-Asie. Une bonne partie de ces investissements a servi à augmenter la capacité de transport car on prévoit que cette expansion du commerce va continuer.

Par le passé, chaque fois qu'on a mis en service de nouveaux navires, augmentant ainsi la capacité, cela a fait baisser les tarifs. En ce moment, nous sommes dans cette partie-là du cycle, puisqu'on livre actuellement de nouveaux navires qui avaient été commandés pendant une période de deux ans, à partir de la fin de 1992, une période où la croissance dépassait 10 p. 100. Aujourd'hui, ces navires font leur apparition dans un marché relativement stagnant.

De leur côté, les transporteurs ont réagi en essayant de contrôler les coûts. Ils ont simplifié leurs opérations dans toute la mesure du possible, ils ont contracté des alliances pour partager les navires, les terminaux, le matériel et l'espace, maximisant ainsi l'utilisation de leur matériel, ce qui permet de compenser en partie l'augmentation des coûts externes lorsque c'est possible en imposant des droits accessoires.

Je m'arrête ici pour discuter de certaines allégations que vous avez entendues de la part du Conseil des expéditeurs canadiens et qui sont à l'origine de ces audiences. Une bonne partie de ces allégations étaient dirigées contre CWRA.

Pour commencer, je tiens à dire que l'époque actuelle n'est pas une bonne période pour les conférences de lignes. D'après des études récentes portant sur la situation dans le monde entier, le rendement dans notre industrie est inférieur à 3 p. 100 par année. C'est également une période difficile pour les conseils d'expéditeurs.

Il est difficile d'appliquer une valeur ajoutée pour les membres qui profitent d'excellents services à des tarifs intéressants grâce à des négociations directes avec les transporteurs. Il est difficile d'attaquer une conférence et de prétendre qu'elle n'écoute pas ses clients quand elle offre des contrats et des tarifs adaptés aux besoins individuels de ses clients, quand l'écart entre les tarifs des conférences et des transporteurs indépendants est pratiquement inexistant et quand les compagnies membres de la conférence prennent des mesures aussi agressives, en groupe, ou indépendamment, que les concurrents qui n'appartiennent pas à la conférence au nom des expéditeurs individuellement.

Permettez-moi de mentionner les trois principaux arguments du conseil pour éliminer la LDCM.

Premièrement, les conférences ne consultent pas suffisamment le conseil avant d'annoncer les augmentations générales de tarifs.

Deuxièmement, les tarifs n'augmentent pas forcément, mais les frais accessoires et les surcharges augmentent, et dans certains cas elles dépassent les tarifs de base, ce qui ajoute un pourcentage important au prix de vente total d'un produit importé ou exporté. Ces frais et surcharges devraient faire partie des tarifs et, à ce titre, être négociables.

Enfin, les conférences ajoutent une «prime» au coût de transport à destination et en provenance du Canada, ce qui constitue un obstacle commercial potentiel.

Il est facile de répondre à ces trois arguments. L'idée d'une consultation préalable est à notre avis un faux argument. Le processus est très simple. Les transporteurs se réunissent selon les termes autorisés par le système actuel, se mettent d'accord sur un ajustement du prix pour un produit particulier et annoncent cet objectif, la plupart du temps 90 jours avant sa date d'entrée en vigueur, ce qui donne aux expéditeurs le temps de planifier et de réagir.

Le Conseil des expéditeurs et les clients individuels contactent CWRA pour demander des ajustements, soit dans les tarifs proprement dits, soit dans la date d'entrée en vigueur ou dans les termes et conditions, comme les points d'origine ou la destination, les frais de camionnage ou de transit, et cetera. Nous négocions et nous finissons par nous mettre d'accord sur un tarif adapté aux circonstances du marché. Les membres sont libres de contester les tarifs indépendamment au nom d'un client particulier ou pour un produit donné qui les intéresse particulièrement.

La seule différence nette entre la situation actuelle et ce que le conseil voudrait, c'est que nous annonçons le prix que nous voulons obtenir à l'ensemble des intéressés, et non seulement au conseil. Ce que le conseil voudrait, c'est être prévenu d'avance en exclusivité des prix et des ajustements pour être le seul à négocier au nom de tous les expéditeurs.

À notre avis, une telle démarche dépasserait le mandat du conseil qui, d'une façon générale, est chargé de défendre les intérêts des expéditeurs aux termes de la LDCM. De plus, un tel système ne sert pas forcément les intérêts des expéditeurs qui pourraient vouloir négocier eux-mêmes parce qu'ils comprennent mieux que quiconque les conditions de leur marché ou de leur industrie, parce qu'ils ont des relations d'affaires avec un transporteur ou plusieurs, ou encore, parce qu'ils contrôlent un certain volume de fret.

De la même façon, des tierces parties, comme les transitaires et les courtiers en douane gagnent leur commission en partie parce qu'ils disent être en mesure de négocier des tarifs favorables. En cédant cette responsabilité au conseil, ils diminueraient la valeur du service qu'ils offrent à leurs clients.

En réalité, un grand nombre d'expéditeurs choisissent de discuter et de négocier directement avec CWRA. À cause de la façon dont le marché fonctionne, beaucoup d'expéditeurs répugnent à voir le conseil jouer le rôle d'agent négociateur. Ce n'est pas la marque d'une lacune législative, et cela ne devrait pas servir d'excuse pour modifier ou éliminer la LDCM.

Quant au second argument, je prie instamment le président et les distingués sénateurs d'écouter attentivement les arguments du conseil au sujet des frais accessoires. En novembre dernier, au nom du conseil, M. Hackett a déclaré dans son témoignage que ces frais avaient tendance depuis quelque temps à augmenter plus rapidement que les tarifs et que, dans certains cas, le total des frais dépassait le tarif de base et pouvait même représenter jusqu'à 50 p. 100 du coût total de livraison d'un produit comme le nickel, que sa compagnie vend à l'étranger.

Ce qu'il ne vous a pas dit, c'est que les frais totaux auxquels il fait allusion, y compris les frais accessoires, sont probablement inférieurs aujourd'hui à ce qu'ils étaient au début de la décennie, à cause d'une baisse en flèche des tarifs dans tous les secteurs.

Je vais vous donner un exemple typique, celui de la volaille congelée et refroidie qui est expédiée de Montréal au Japon. En 1991, un conteneur de 40 pieds de volaille coûtait au total, y compris le taux de change, le carburant et la manutention au terminal d'expédition, 7 684 $. Aujourd'hui, ce même conteneur est expédié à un prix total, de 6 375 $, ce prix comprenant un taux de change plus élevé et des surcharges pour le carburant ainsi que des frais de manutention au terminal de destination qui n'existaient pas il y a six ans.

L'écart de prix ne tient pas compte des investissements du transporteur dans des flottes élargies de conteneurs réfrigérés qui coûtent entre 35 000 $ et 50 000 $ chacun, pour transporter ce genre de cargaison; d'un investissement équivalent pour assurer l'entretien de ces conteneurs pendant leur durée utile; ni du coût d'embauche et de formation du personnel nécessaire pour entretenir et utiliser l'équipement. Au lieu de cela, les facteurs contribuant à ces réductions sont la surcapacité et une diminution progressive des écarts de taux entre les transporteurs membres de conférence ou non à mesure que les niveaux de service sont devenus presque équivalents. Toutefois, égaler le prix le plus bas des transporteurs indépendants ne permet pas de tenir compte de la véritable valeur du service fourni. On ne tient pas compte non plus ainsi des questions importantes que sont le maintien du choix et les hauts niveaux de service.

Comme je vous le disais, le transport par navires de ligne est un secteur capitalistique où les coûts de voyage sont très élevés. Il est donc particulièrement important que les transporteurs recouvrent les coûts variables et fixes qu'ils ne peuvent pas contrôler. Mentionnons notamment le carburant, les taux de change, le traitement de la documentation sur les marchés de nombreux pays différents, les coûts de plus en plus élevés pour la manutention de la cargaison qui sont fixés par les exploitants de ports et de ports terminus.

Ces coûts augmentent de façon continue sur la plupart des marchés que nous desservons, y compris ici au Canada et aux États-Unis par lesquels passe une partie du trafic transfrontalier canadien. Compte tenu des taux actuellement en vigueur, ne pas indiquer séparément et récupérer au moins une partie de ces coûts à mesure que les taux diminuent ou demeurent stables équivaut à une double réduction de taux eu égard aux frais généraux d'exploitation des transporteurs.

Nous avons d'abord ventilé les frais en majorations de frais exigés à la demande des expéditeurs qui voulaient que les choses soient transparentes afin de mieux comprendre ce qu'ils payaient. Maintenant, ils veulent que les frais accessoires soient inclus dans les tarifs, croyant ainsi qu'ils auront de meilleures possibilités de négocier le prix total à la baisse. Les transporteurs veulent maintenir une distinction entre la part des frais totaux qui reflète la hausse des coûts et la part qui reflète la valeur du service fourni.

Il a beaucoup été question des droits de services maritimes quand on a discuté des frais. En somme, le gouvernement canadien a annoncé qu'il se déchargerait du fardeau des coûts d'entretien des ports et des voies navigables sur les utilisateurs, une part exagérée devant être assumée par les transporteurs de lignes par conteneur.

Nous estimions que le coût devait être partagé entre tous les bénéficiaires des services de transport océanique, consommateurs compris. Nous avons annoncé que nous le refilerions en partie. Les expéditeurs, individuellement et par l'intermédiaire du conseil, s'y sont fortement opposés. Nous avons eu des discussions, nous avons vu que le marché n'accepterait pas le droit en question, et nous l'avons retiré. Je dirais que le processus de consultation a dans ce cas bien fonctionné pour les expéditeurs.

Quant au transport qui représenterait la moitié du coût total de fabrication et de vente d'une denrée à l'étranger, c'est le cas depuis des années pour différentes matières premières à faible marge bénéficiaire. Les transporteurs ne pourront jamais réduire les tarifs dans le cas des métaux, des minéraux, des matières recyclables et d'autres produits de base au point que la marge bénéficiaire se compare à celle du coût total de produits débarqués, comme les ordinateurs.

Le transport a toujours représenté une forte proportion du coût total de ces marchandises. Il en sera toujours ainsi. Les acheteurs le comprennent et les prix à l'exportation sont fixés en conséquence. Le CSC le sait bien. Sinon, il devrait le savoir.

Enfin, j'aimerais dire un mot au sujet de la «prime» additionnelle de 18 p. 100 que M. Hackett doit payer pour utiliser des services de transporteurs de lignes qui sont membres d'une conférence. Encore là, il faut bien prendre note du témoignage du CSC. M. Hackett a parlé d'une récente étude américaine qui montre que les cartels ont pour effet de hausser les coûts de 18 p. 100. Il a alors estimé que pour sa propre entreprise, qui exporte du nickel, cela représenterait des coûts accrus de 7 à 10 millions de dollars par année.

L'étude qu'il cite a été publiée en 1993 par le Département de l'agriculture des États-Unis. Elle portait sur des produits agricoles seulement. Elle n'a jamais été entièrement financée ni terminée. Elle reposait sur un sondage non scientifique mené auprès de 31 expéditeurs seulement. Elle portait à dessein sur une période de deux ans pendant laquelle les tarifs étaient relativement élevés et on n'a utilisé que des tarifs de groupe publiés des conférences maritimes pour établir une comparaison avec des transporteurs indépendants, et non pas les tarifs de transporteurs indépendants qui sont nettement moindres et qui sont ceux qu'appliquent les transporteurs de lignes membres de conférences pour transporter ces produits.

L'étude a été mal discréditée dans l'industrie et les médias. On n'a jamais publié de rapport de deuxième étape, et on peut penser que c'est parce que les conclusions vont à l'encontre de celles du rapport de la première étape. Entre temps, le CSC n'a fourni aucune information concrète qui montrerait qu'il est contraint de payer des tarifs nettement plus élevés s'il recourt à des transporteurs membres d'une conférence. Ce que l'on nous soumet comme preuve, c'est une étude américaine incomplète qui ne portait que sur des expéditions de produits agricoles, et à partir de laquelle on a fait une extrapolation pour donner à entendre qu'un exportateur canadien de nickel perdrait annuellement de 7 à 10 millions de dollars, et cela sans fournir d'autres renseignements précis concernant ce cas, ni celui d'autres compagnies canadiennes.

Il n'y a pas de «prime» de conférence. C'est une fiction. Les écarts de tarif entre les transporteurs de conférence et les navires de ligne indépendants ont commencé à diminuer au début des années 90 à mesure que les écarts entre les niveaux de service étaient réduits. L'écart est de 5 p. 100 au moins dans presque tous les cas. Pour la plupart, il est de 2 p. 100 au moins. Bon nombre des tarifs sont les mêmes et pour certains, les tarifs de conférence sont encore moindres.

Malgré la très grande diversité de services offerts au Canada et les écarts de tarifs qui peuvent exister, les expéditeurs canadiens continuent de choisir d'utiliser les services des transporteurs de conférence, ce qui donne clairement à entendre que le prix n'est qu'une considération parmi tant d'autres à intervenir dans la décision d'acheter des services à tel ou tel transporteur.

Permettez-moi de dire en terminant que le système actuel régi par la LDCM, même s'il n'est peut-être pas parfait, fonctionne plutôt bien. Personne au cours de ces délibérations n'a encore nié que les niveaux de service offerts par le transport océanique s'est amélioré tout au long des années 90, tandis que les tarifs augmentaient légèrement pour certaines cargaisons, demeuraient stables pour d'autres et diminuaient pour bon nombre au cours de cette période.

En outre, la LDCM est conforme à une législation similaire adoptée par les principaux partenaires commerciaux du Canada. Si l'on modifiait unilatéralement la LDCM ou si on l'abrogeait tout simplement, on pourrait rompre le délicat équilibre réglementaire qui existe aujourd'hui, au détriment des expéditeurs et des ports canadiens.

Ce que nous tenons à faire comprendre aujourd'hui, c'est que les expéditeurs s'en tirent très bien sur le marché actuel, quels que soient les critères qu'on emploie pour en juger, et cela sans aucune aide du Conseil. En somme, il n'y a sur le marché aucun problème à régler dont le Conseil pourrait se charger.

Il ne fait aucun doute qu'une petite poignée de gros expéditeurs pourraient négocier de meilleures ententes avec des transporteurs qui ne peuvent pas se regrouper pour former des conférences de navires de ligne, mais les tarifs sont déjà peu élevés, et ces rabais seraient très probablement compensés par des tarifs élevés exigés des petits et moyens expéditeurs sur lesquels un transporteur individuel peut exercer plus de pouvoir.

L'objectif de la LDCM est de maintenir le choix en matière de services et de transport en commun et non pas de créer un milieu où les gros mangent les petits. Je vous demande instamment d'y réfléchir attentivement avant de prendre des mesures pour changer un système réglementaire qui parvient très bien à orienter les forces du marché de manière à servir au mieux les intérêts des entreprises et des consommateurs de tout le Canada.

Au nom de CWRA, je vous remercie, honorables sénateurs, de m'avoir écoutée.

Le président: Pour que tout soit bien clair, vous avez parlé de navigation de ligne et aussi de navires de ligne. Dans ce contexte, que doit-on entendre par «ligne»? Qu'est-ce que cela veut dire?

Mme Johnston: La navigation de ligne, par opposition à l'affrètement de navires, comme nous l'avons indiqué dans notre exposé, est un service régulier fixe offert par les transporteurs, tandis que si l'on affrète un navire, on transporte une cargaison donnée en une fois et non pas de façon régulière.

Le président: Si ce sujet nous intéresse c'est principalement en raison du commerce du Canada avec certains pays asiatiques dans la région du Pacifique. Quelle proportion des exportations canadiennes vers ces pays asiatiques sont transportées par des navires de ligne dans le cadre de contrats négociés avec des conférences maritimes, par rapport aux exportations confiées à des transporteurs indépendants?

Mme Johnston: Nous ne pouvons vous donner que les renseignements concernant CWRA. Pour ce qui est du total des conteneurs, nous parlons d'environ 300 000 conteneurs de 40 pieds. Les données statistiques ne nous sont pas facilement accessibles. Ce ne sont que des estimations.

Le sénateur Andreychuk: Est-ce que votre part du marché augmente ou diminue depuis les cinq dernières années par rapport aux autres? Vous devez sûrement surveiller ce qui se passe dans tout le secteur.

M. Albert Pierce, directeur-gérant, Canadian Westbound Rate Agreement: C'est une excellente question. J'aimerais que nous puissions y répondre de façon scientifique. Malheureusement, au Canada, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, on ne peut pas acheter ces renseignements. Statistique Canada accuse un retard d'environ trois ans, et il nous est donc très difficile de vous répondre.

Nous avons huit transporteurs sur une possibilité de 15 qui desservent le Canada dans le cadre de la conférence. Je dirais que tout au plus, nous accaparons de 45 à 55 p. 100 du marché à tout moment. C'est une estimation puisque je ne peux pas fournir de données quantifiées plus précises. Je ne pense pas que nous soyons en plus mauvaise posture qu'il y a cinq ans, et je ne pense pas que nous soyons non plus dans une situation beaucoup plus avantageuse, en tant que conférence.

Le sénateur Andreychuk: Le commerce a augmenté avec la région de l'Asie-Pacifique. Du moins c'est ce que nous disent diverses sources. Pourtant, vous dites que votre part du marché demeure stable comparativement au reste du secteur. Ce qui m'amène à demander qui s'accapare le transport découlant de cette intensification du commerce? Est-il assuré par des transporteurs aériens ou par les indépendants? Recourt-on à des navires qui passent par les États-Unis?

M. Pierce: Je parlais de la part que détient le cartel face au marché total des exportations et des importations canadiennes. Elles ont beaucoup augmenté. Le marché s'est élargi, mais notre pourcentage est demeuré le même. Pendant ce temps, les indépendants ont augmenté leur capacité de transport maritime pour desservir le marché canadien. Toutefois, en termes relatifs, même si en 1994-1995 le marché a augmenté de 11 p. 100 par rapport à 1993, nous avons maintenu le pourcentage que nous accaparons en matière de transport.

Le sénateur Andreychuk: Comment en arrivez-vous à cette conclusion? Sur quoi vous fondez-vous? Vous dites ne pas avoir les données statistiques voulues, pourtant vous nous présentez cette conclusion. Sort-elle du néant ou repose-t-elle sur quelque chose d'un peu plus concret?

M. Pierce: Nous nous réunissons deux fois par semaine pour traiter de questions concernant le Canada. Les réunions ont lieu ici et à San Francisco, mais les premières réunions ont lieu à Toronto. C'est une des raisons pour lesquelles nous nous rencontrons, pour avoir de l'information sur le marché. Nous disposons des meilleures estimations que peuvent faire les gens les plus aguerris du secteur du transport maritime compte tenu de ce que leur disent leurs représentants des services à la clientèle et leurs représentants des ventes qui, eux, savent qu'un marché donné s'est élargi, qu'il y a tant de boîtes de conifères là, et cetera. C'est une estimation.

Nous nous appuyons aussi sur ce que nous disent les clients. Des clients nous disent qu'ils auront besoin d'une capacité accrue l'an prochain parce qu'ils vont intensifier leur production de volailles pour exporter en Chine ou à Hong Kong et nous demandent si nous pourrons les servir. Nous procédons ensuite à cette longue analyse pour nous assurer que nous avons l'équipement réfrigéré voulu pour pouvoir expédier les produits quand il le faudra.

Heureusement pour les transporteurs, le Canada n'a que très peu de produits saisonniers. Les affaires se poursuivent à longueur d'année en raison des types de produits que nous exportons vers l'Asie et le Pacifique. Nous sommes en mesure de procéder à cette analyse quand nous nous réunissons.

Le président: Quel pourcentage du transport maritime, des marchandises expédiées à partir du Canada vers la région du Pacifique, se fait depuis des ports de la Colombie-Britannique?

M. Pierce: Quatre-vingt-dix pour cent de la marchandise part de ports canadiens, mais je vais demander à M. Olsen de parler de la répartition entre la côte ouest et la côte est.

M. Barry Olsen, président de Maersk, Conference of Ocean Carriers: Je ne peux pas vous fournir de données statistiques précises à ce sujet, mais nos navires de ligne desservent les deux côtes canadiennes. Nous avons un service hebdomadaire à partir du port de Vancouver. Nous avons aussi deux navires chaque semaine qui partent du port de Halifax. Dans notre cas, ce que nous transportons à partir de la côte ouest équivaut plus ou moins à ce que nous expédions à partir de la côte est du Canada, et je répète que nous avons deux navires chaque semaine qui quittent le port de Halifax alors qu'il y en a un qui part de la côte ouest.

Certes, pour ce qui est de la totalité du volume de marchandises pour le Canada, une part très supérieure revient à la côte ouest parce qu'il y a les provinces des Prairies avec leurs produits agricoles et leurs produits pétroliers. On expédie aussi à partir de la Colombie-Britannique la pâte et le papier et les produits forestiers que nous connaissons si bien.

Pour la plupart, les produits manufacturés partant du Canada central, soit le Québec et l'Ontario, sont des denrées de prix élevés qu'il faut transporter très rapidement. Les importateurs d'Extrême-Orient en ont besoin rapidement parce qu'il s'agit de marchandises coûteuses. Pour cette raison, la plupart d'entre elles passent par la côte ouest plutôt que par Halifax car les liaisons ferroviaires entre Toronto, Montréal et Vancouver et le très court délai de transport dans le Pacifique permettent de réduire considérablement le temps de parcours.

Le président: À propos des marchandises qui passent par les ports de Colombie-Britannique, y a-t-il une différence entre les types de marchandises qui sont confiés à une organisation comme la vôtre et ceux que transportent des transporteurs indépendants?

M. Olsen: Non, le marché est le même pour nous tous. Quand nous parlons de navires de conteneurs, qu'on soit membre d'une conférence ou non, on vise tous le même marché.

Le président: Est-il strictement question de conteneurs ici?

M. Olsen: Il n'est question que de cela puisque notre conférence ne s'occupe que de services de navires de ligne. Une autre définition de navire de ligne c'est service de conteneurs.

Le président: Cela nous aide.

Le sénateur De Bané: Donc les gens qui expédient des marchandises en vrac, comme le blé, ne font pas affaire avec votre conférence?

M. Olsen: Non.

Le sénateur De Bané: Ils font affaire avec des vraquiers qui sont soumis à la concurrence?

M. Pierce: Dans le cas du vrac, presque tout se fait dans le cadre de contrats d'affrètement à long terme ou moyennant une mesure d'incitation. Le marché canadien est un partenaire auquel la région du Pacifique tient beaucoup en raison des produits agricoles, surtout ceux des Prairies. Ces contrats d'affrètement ont une durée de 30, de 60, de 90, de 120 ou de 180 jours. On peut consulter le Journal of Commerce à New York pour voir lesquels ont été conclus. Il existe plusieurs publications canadiennes aussi, que je ne connais pas bien. Ces contrats d'affrètement concernent d'importants volumes et on n'utilise pas de conteneurs sauf dans de rares circonstances.

Le sénateur De Bané: Ces marchandises qu'on expédie en vrac, comme les grains, le charbon, les produits chimiques, sont expédiées dans un régime assujetti à la concurrence du marché?

M. Pierce: Il y a des appels d'offres, si c'est ce que vous voulez dire. Il n'y a pas de tarifs en place, c'est juste.

Le sénateur De Bané: Comment expliquer alors qu'une partie du système soit assujettie à la concurrence et l'autre pas? Je comprends que tout dépend du point de vue où l'on se place. Pour vous, organiser un cartel pour tous les membres de votre association et décider du prix, c'est bien, mais je suis sûr que vous comprendrez aussi le point de vue de vos consommateurs. Ils préféreraient un marché assujetti à la concurrence.

M. Pierce: Peut-être que oui, peut-être que non. D'abord, pour ce qui est de l'infrastructure, cela coûte beaucoup moins cher d'exploiter une entreprise de vrac qu'un service de navires de ligne ou de conteneurs. Ils ne sont pas assujettis à un barème fixe. Les installations des ports terminus sont essentiellement construites par les exploitants de ces ports pour déposer le grain et le charbon et les autres produits en vrac dans les soutes des navires. C'est la même chose à l'autre bout.

Prenons l'exemple de Lagos, au Nigeria. Il arrive qu'on ait à attendre de 30 à 120 jours pour décharger son navire à certains ports de vrac.

De même, l'élément concurrentiel tient au fait que d'importants volumes de marchandises peuvent être transportés très facilement sans qu'il y ait la moindre manutention au départ ni à l'arrivée, mis à part le chargement et le pompage une fois à destination. Les navires n'ont aucune responsabilité ou plutôt les lettres de transport ne stipulent aucune responsabilité, mises à part celles qui concernent l'outillage de chargement pour ce type de cargaison.

Certains de nos clients sont membres du Canadian Shippers' Council ou sont représentés par lui; d'autres ne le sont pas. Ils préféreraient un marché ouvert où ils obtiendraient des tarifs justes et équitables. C'est un fait bien établi. CWRA ne pourrait maintenir aucune stabilité si on n'était pas concurrentiel sur le marché. C'est pourquoi nos tarifs ont baissé en même temps que ceux des indépendants. Nous proposons peut-être de meilleurs services, et c'est pourquoi nous pouvons prendre une petite marge sur certaines marchandises que nous transportons.

Le sénateur De Bané: Vous dites que vous devez investir des sommes considérables; prenons un autre moyen de transport comme les transports aériens. Aujourd'hui, un réacté coûte plus de 100 millions de dollars. Nous sommes tous les deux assez vieux pour avoir connu le précédent régime de réglementation des tarifs. Depuis la déréglementation, il y a eu une diminution importante des tarifs et un élargissement encore plus important de la clientèle.

Aujourd'hui, sur cette planète, on compte plus d'un milliard de personnes qui peuvent se permettre d'acheter un billet d'avion. Ce n'était pas le cas il y a 15 ans. La déréglementation a donc étendu le marché.

Votre argument sur les immobilisations plus lourdes n'est pas très pertinent, car il s'applique également à d'autres modes de transport. On peut aussi parler des télécommunications, qui ont connu la réglementation et qui sont désormais déréglementées, ce qui a stimulé la demande et fait apparaître de nouveaux acteurs.

M. Pierce: Votre argument est intéressant. Si vous regardez les transports aériens, les tarifs à bon marché ne concernent que les voyageurs occasionnels, du moins aux États-Unis. Je ne peux pas me prononcer en ce qui concerne les vols canadiens. Comme je ne peux pas m'y prendre 15 jours à l'avance pour acheter mon billet d'avion, je subventionne les voyageurs occasionnels en payant le plein tarif.

De nos jours, nos navires coûtent eux aussi 100 millions de dollars. Depuis la déréglementation, le secteur des transports aériens est moins stable qu'avant. Je ne devrais peut-être pas le dire, puisque nos propos sont enregistrés, mais la nouvelle est parue dans les journaux. Un grand transporteur américain, une figure emblématique, à savoir TWA, risque de ne pas s'en sortir pour différentes raisons.

Je suis inquiet pour l'avenir des transporteurs maritimes. J'y travaille depuis un quart de siècle. J'ai travaillé pour de grands transporteurs pendant plusieurs années avant d'entrer à la conférence il y a une dizaine d'années. Si le rendement des investissements est insuffisant, il y aura de moins en moins de transporteurs, les expéditeurs auront de moins en moins de choix; le Canada, qui doit s'en remettre aux transporteurs étrangers pour son commerce et pour ses activités d'import-export, aura de moins en moins de compagnies à sa disposition.

Nous avons intérêt à ce que toutes les entreprises actuelles restent en activité et préservent la stabilité des tarifs. Notre conférence est un mécanisme efficace pour protéger les exportateurs et les importateurs canadiens à cet égard.

Le sénateur De Bané: Ne pensez-vous pas que tout fournisseur de biens ou de services pourrait en dire autant?

M. Pierce: Si.

Le sénateur De Bané: N'importe quel groupe souhaiterait la même chose.

M. Pierce: Je n'en disconviens pas.

Le président: Nous allons demander les chiffres concernant les compagnies maritimes indépendantes. Dans quelle mesure un expéditeur de Vancouver ou de Prince Rupert a-t-il des compagnies à sa disposition? Ne serait-ce pas, en fait, une situation de monopole?

M. Pierce: Bien au contraire.

Le président: Comment se fait-il que certains expéditeurs s'adressent aux compagnies indépendantes alors que d'autres sollicitent les services de compagnies qui font partie de votre groupe?

M. Pierce: Nous avons ici deux de nos adhérents; je leur cède donc la parole. Les expéditeurs ont d'excellentes raisons de les choisir.

Le président: Si je comprends bien la situation qui prévaut dans les ports de Colombie-Britannique, vous n'avez pas de monopole.

M. Pierce: Non, monsieur.

Le président: Par conséquent, les forces du marché sont efficaces, du moins dans une certaine mesure. J'aimerais connaître les particularités de votre service et de vos tarifs qui les rendent attrayants à certains expéditeurs et pas à d'autres.

M. Pierce: Commençons par le plus important. Les huit membres de CWRA assurent un service complet. Ils peuvent émettre des connaissements à partir de Montréal, des Prairies, de la côte ouest ou de la côte est. Ils offrent un service au départ de la côte est et passant par le canal de Suez ou le canal de Panama. Ils offrent aussi un service à partir de la côte ouest.

Nos transporteurs sont souvent les plus rapides. Leurs liaisons de neuf ou dix jours à partir de Vancouver sont les plus courtes à destination de l'Asie, de Tokyo ou de Yokohoma. Vancouver est une porte de sortie naturelle pour l'Amérique du Nord.

Nos transporteurs proposent les meilleurs réseaux d'informatique connus dans la marine marchande. En toute franchise, il n'y a que trois choses qui intéressent le client aujourd'hui. Tout d'abord, l'endroit où se trouve sa marchandise. Deuxièmement, le coût du transport et troisièmement, encore une fois, l'endroit où se trouve la marchandise. L'information est donc un élément essentiel aujourd'hui, et nous avons les meilleurs réseaux du transport maritime.

Le client doit payer un peu plus cher pour tout cela. Il paie un peu plus cher pour un temps de transport plus court. Il est prêt à donner un peu plus d'argent pour que sa marchandise soit acheminée le plus rapidement possible. Tous nos transporteurs ont leurs propres terminaux dans de nombreux ports d'Asie, ce qui leur évite les engorgements. Ils sont maîtres de leur destinée, pour ainsi dire.

En outre, les transporteurs représentés par CWRA desservent la plupart des ports du sous-continent indien, du Japon et de la côte est de la Sibérie. C'est un réseau gigantesque. Dans tous les grands ports et dans la plupart des ports moins importants, ils ont leurs propres installations, dont ils sont propriétaires ou locataires. C'est pour cela que certains clients nous préfèrent systématiquement aux compagnies indépendantes, dont le service est plus lent et moins complet, qui fournissent moins d'information, pour une différence de prix de 3, 4 ou 5 p. 100; quant à nous, nous assurons un transport de marchandises plus uniforme, ce qui est particulièrement important pour toutes les entreprises fonctionnant à flux tendus.

Il fut un temps où les matières premières étaient stockées et utilisées selon les besoins. Désormais, elles sont considérées comme un élément essentiel du processus industriel. Elles sont transportées à destination, mais elles ne sont plus stockées en grande quantité. Personne ne peut plus se permettre de constituer des stocks inutiles. C'est pourquoi les marchandises doivent circuler constamment, et c'est pourquoi le client préfère recourir à un transporteur membre de notre conférence.

Le président: Vous défendez la cause de la conférence de façon très convaincante, mais je suppose que pour certains autres expéditeurs, compte tenu de la nature de leurs marchandises, le supplément de qualité que vous offrez n'est pas important.

M. Pierce: Vous avez raison.

Le président: Je me demande ce qu'il en est des gens dont vous avez parlé tout à l'heure dans votre témoignage.

M. Pierce: Je faisais essentiellement référence à l'INCO et à QUAMA, c'est-à-dire aux producteurs d'amiante.

Le président: Est-ce qu'ils expédient en vrac?

M. Pierce: Non. C'est là un point intéressant. Ils expédient par conteneurs.

M. Olsen: Pour commencer, compte tenu de la nature de la marchandise, à savoir l'amiante, qui inquiète désormais le monde entier, il n'y a plus d'expéditions d'amiante en vrac à partir du Canada. Les dockers refuseraient de s'en occuper. L'amiante est toujours transporté par conteneurs. Quant à l'INCO, son nickel est transporté dans le monde entier dans des conteneurs de 20 pieds.

Ces deux sociétés, comme de nombreux autres expéditeurs au Canada, utilisent aussi bien des compagnies membres de la conférence que des compagnies non membres en fonction de leurs besoins, de leurs exigences et de la disponibilité du matériel selon la région considérée, et en particulier dans la région du Pacifique qui nous intéresse actuellement.

Pour certaines expéditions, on peut parfois s'accommoder d'un transport un peu plus lent. Le destinataire peut l'accepter pour économiser un peu d'argent. Néanmoins, les expéditeurs ont toujours le choix entre les compagnies de la conférence et les autres pour toutes les marchandises en provenance ou à destination du Canada.

Le président: J'en déduis que les expéditeurs veulent gagner sur les deux tableaux. Ils voudraient la qualité de service que vous proposez aux tarifs qu'ils peuvent obtenir d'un transporteur indépendant. Mon analyse est-elle juste?

M. Pierce: Elle est excellente, après une discussion aussi courte. Nos prix nous semblent très équitables. Tout le monde est en affaires pour gagner de l'argent. Sept des huit membres de CWRA sont des sociétés cotées en bourse ou des filiales de grosses sociétés. L'un d'entre eux est une société de fonds privés, mais ce transporteur annonce ses résultats, car dans notre secteur d'activité, on ne peut pas fonctionner sans réinvestir, et la seule façon d'y parvenir est d'augmenter le capital.

Les compagnies indépendantes offrent de très bons services du genre «pouding à la vanille». Certaines d'entre elles offrent des services du genre «sundae» avec les noix, la crème fouettée et tout le reste. Nous les respectons énormément. Je pourrais vous en citer quelques-unes, mais je suis ici pour représenter CWRA. Nous connaissons bien nos concurrents. Nous ne pouvons pas proposer tout à tout le monde, mais tous les membres du groupe s'efforcent d'être les meilleurs.

Le sénateur Andreychuk: Plus la discussion avance et plus je suis perplexe. Vous ne tenez certainement pas compte des arguments ni des plaintes des compagnies indépendantes. Vous parlez de la qualité de vos services par rapport à ceux des indépendantes et vous prétendez transporter environ 45 p. 100 du volume total.

J'en déduis que 55 p. 100 de ce volume est transporté par les compagnies indépendantes. Elles doivent bien proposer, elles aussi, une certaine qualité de service. Ce n'est pas toujours du «pouding à la vanille». Il doit bien y avoir des sundaes au chocolat parmi elles.

M. Pierce: En effet.

Le sénateur Andreychuk: Ce qui m'inquiète, c'est que ces compagnies prétendent que vous formez un cartel et parlent d'une augmentation de 18 p. 100. On nous dit que notre étude est inopportune. Néanmoins, même si vous fonctionnez sous forme de cartel, votre service coûte-t-il moins cher ou plus cher à l'expéditeur? Si les cartels disparaissaient avec la suppression de la loi, quelles en seraient les conséquences? Est-ce que vous cesseriez de desservir le Canada? Seriez-vous désavantagés d'une façon ou d'une autre?

Autrement dit, vous avez réfuté leurs arguments, mais vous n'avez pas justifié la nécessité d'un cartel. Vous m'avez simplement convaincue en tant qu'expéditrice éventuelle. Je suis persuadée de la qualité de vos services. Néanmoins, vous ne m'avez pas dit en quoi la formule du cartel peut m'avantager. Vous dites que vos tarifs sont fondés sur les coûts, que vous êtes obligés de facturer à l'expéditeur, mais qu'ils comprennent aussi la valeur du service. Je ne sais pas exactement ce que représente cette valeur du service, à part la qualité. Pourriez-vous offrir la même chose sans le cartel? Quel avantage y a-t-il à fonctionner de cette façon-là, et qu'est-ce qu'il en coûte exactement?

M. Pierce: Est-ce que nous continuerions à desservir le Canada en l'absence de la Loi dérogatoire sur les conférences maritimes et si la législation américaine n'était pas modifiée? Je ne peux pas me prononcer au nom de tous les transporteurs, mais je suppose qu'en l'espace de 18 mois, on assisterait à une réduction importante du service. Les marchandises devraient sans doute passer en transit aux États-Unis par des compagnies d'import-export, à des tarifs beaucoup plus élevés.

Pour moi, il serait inconcevable de fonctionner au Canada avec des revenus inférieurs aux revenus actuels et une telle situation serait inévitable sans la LDCM.

Le sénateur Andreychuk: Pourquoi?

M. Pierce: À cause des pressions du marché sur un produit comme celui-ci. Je connais très bien M. Hackett et M. Leblanc, qui sont des personnes respectables. Ils vont négocier des tarifs tels que seuls certains transporteurs pourront travailler, soit grâce aux subventions d'un gouvernement étranger, soit grâce à un conglomérat qui peut se permettre une hémorragie temporaire. Ils vont faire baisser les tarifs à tel point que pour la majorité des transporteurs, il ne sera plus rentable de desservir le Canada.

Ce serait la même chose au Japon ou à Hong Kong. On ne peut desservir que les marchés rentables à long terme. Il faut aussi une certaine rentabilité à court terme.

Si la LDCM est abandonnée, on assistera à un déclin rapide des services offerts aux exportateurs canadiens.

En ce qui concerne la première partie de votre question, vous reconnaissez que vous utilisez une faille de notre argumentation. Je ne vois pas ce que je pourrais vous dire d'autre. D'après le témoignage, nous obtenons une prime sur certaines marchandises, mais pas sur d'autres. Sur certaines marchandises, notre tarif est inférieur à celui des indépendantes. Tout dépend du prix que vous voulez imposer pour vous faire une place sur un marché qui peut vous rapporter de l'argent. C'est notamment pour cela qu'en tant que cartel, nous n'avons pas de position majoritaire uniforme.

C'est le cartel le plus curieux au monde. La loi canadienne nous autorise à fixer collectivement des tarifs. Au Canada, combien d'autres groupes ou organismes peuvent en faire autant? Aux États-Unis, c'est vrai pour le base-ball, le football, les transports maritimes, et c'est tout. Il n'y a personne d'autre. Les fabricants de produits chimiques, par exemple, aimeraient beaucoup se réunir pour fixer les prix.

Le dentifrice coûte 1,99 $, qu'il soit fabriqué par A, B, C ou D. Le prix de l'essence est partout le même à 1c. près, qu'il soit vendu par A, B, C ou D. Ces prix ne sont pas immunisés contre la législation antitrust, mais ils sont tous très proches. Nous ne sommes pas assujettis à la législation antitrust et nous avons 700 tarifs particuliers qui dérogent au tarif collectif.

K-Line peut bouder un tarif collectif que Maersk trouvera satisfaisant; comme les expéditeurs apprécient son service, elle n'éprouve pas le besoin de réduire son tarif. K-Line pourra juger rentable de transporter du papier de récupération au Japon, alors que Maersk verra les choses différemment et préférera hausser son tarif pour gagner un peu plus d'argent. Nous formons un cartel très étrange.

Le sénateur Andreychuk: Les trois avantages de CWRA sont l'emplacement de la marchandise, le coût, l'emplacement de la marchandise. Vous avez bien démontré que vous offrez un service de qualité et que votre service de repérage est sans doute plus efficace, bien que plus petit. Vous êtes certainement amenés à prouver qu'il est également rentable. Si les témoins nous disent qu'à leur avis, votre prix est trop élevé, vous devez réfuter leur argument et me dire que ce n'est pas le cas, mais ce n'est pas ce que j'ai entendu.

J'ai encore entendu parler de 18 p. 100. À un moment donné, l'expéditeur va trouver ce prix trop élevé.

Si 55 p. 100 du trafic maritime dans votre catégorie est assuré par d'autres compagnies, cela signifie qu'un bon nombre d'expéditeurs ont renoncé à certains des avantages que vous proposez. Notre souci est d'assurer la compétitivité dans le secteur maritime.

Vous avez parlé du transport du grain. Je pourrais vous écouter pendant trois heures me parler du coût du grain, de son transport, des coûts cachés et des coûts réels des modifications des installations portuaires et ferroviaires, et des nouvelles formules de transport des marchandises jusqu'aux marchés. Les témoins dont je vous parle n'ont pas nécessairement fait référence au cartel ni au 18 p. 100, mais ils disent la même chose que vous, à savoir qu'il est de plus en plus difficile de rester concurrentiels tout en acquittant vos tarifs.

Cet argument ne vous semble-t-il pas valable? Ce sont certainement des gens d'affaires respectables, mais je n'ai aucune raison de leur faire plus confiance qu'à vous. Je veux obtenir une réponse à ma question.

Mme Johnston: Tous les mardis, sauf aujourd'hui, parce que nous sommes ici, nous siégeons au sein d'un comité tarifaire qui va discuter d'une soixantaine ou d'une centaine d'articles tarifaires destinés aux exportateurs canadiens. Nous ne parlons pas d'augmenter les tarifs sur certaines marchandises. Ces articles tarifaires concernent de nouvelles marchandises expédiées vers l'Asie. Il s'agit de réductions du tarif actuel. Nous procédons ainsi chaque semaine. Les huit compagnies de CWRA ont de très nombreux clients.

Le sénateur Andreychuk: J'aurais pu poser la question à Inco, mais je n'y ai pas pensé à ce moment-là. Je ne comprends pas. J'ai vu leurs conteneurs. L'amiante représente un cas particulier, mais la technologie pour le nickel et les autres marchandises du même genre évolue et la façon de les expédier aussi. Pourquoi ne peut-on pas réduire les coûts? Vous avez dit qu'on ne pouvait pas faire baisser le prix du nickel et que le prix n'est pas assujetti à la concurrence. J'ai peut-être mal compris votre exposé.

M. Pierce: Je pense que oui. En réalité, M. Hackett a réussi à négocier certains des taux les plus faibles pour l'exportation à l'extérieur du Canada par nos membres, des taux très concurrentiels par rapport à ceux des indépendants.

Le sénateur Andreychuk: Je devrais relire votre mémoire.

M. Pierce: C'est peut-être où nous indiquons les prix à forfait, par opposition au tarif de base pour les frais accessoires. Est-ce de cela que vous vouliez parler?

Le sénateur Andreychuk: Peut-être.

M. Pierce: Vous avez peut-être mal lu.

Le sénateur Andreychuk: Je ne m'étendrai pas là-dessus.

Le sénateur Corbin: Je m'excuse d'avoir manqué la première partie de l'exposé, mais j'ai un exemplaire du mémoire, et je le lirai avec intérêt. C'est très instructif.

Sous quels pavillons les navires qui font partie de votre organisme sont-ils inscrits?

M. Pierce: Nos navires sont enregistrés un peu partout dans le monde, mais je peux vous donner une liste des huit transporteurs et vous dire leur nationalité. Americain President Lines, d'Oakland, en Californie, est un transporteur sous pavillon américain, mais ses navires ne naviguent plus tous sous le pavillon américain.

Il y a ensuite Kawasaki ou K-Line, comme on l'appelle d'habitude. C'est un transporteur japonais dont les navires sont enregistrés dans divers pays, comme le Liberia, le Japon, Panama et ailleurs.

Maersk est une compagnie danoise qui a son siège social à Copenhague et qui a des succursales individuelles un peu partout dans le monde. Elle offre probablement plus de services à plus de ports que n'importe quel autre transporteur individuel.

M. Olsen: La plupart de nos navires battent pavillon danois. Il nous arrive de noliser des navires qui battent pavillon étranger, mais la plupart de nos navires naviguent sous pavillon danois.

M. Pierce: Il y a ensuite Mitsui OSK Lines, un transporteur japonais du même genre que K-Line. Ses navires sont enregistrés un peu partout dans le monde.

Neptune Orient Line est un transporteur de Singapour qui a son siège social à Singapour et dont les navires sont enregistrés un peu partout dans le monde. Soit dit en passant, je ne pense pas qu'aucun de ces navires soit enregistré au Canada.

Il y a ensuite Nippon Yusen Kaisha, ou NYK. C'est un autre transporteur japonais qui a son siège social à Tokyo et ses navires sont certainement enregistrés un peu partout dans le monde.

OOCL, Orient Overseas Container Line, a son siège social à Hong Kong, et on l'appelle communément la compagnie des trois Chines. Vous savez sans doute fort bien que Fung Chi Wah, ancien président du conseil d'administration d'OOCL, deviendra le nouvel administrateur à Hong Kong, à compter du 1er juillet. Cette compagnie a des intérêts financiers en Chine continentale et à Taïwan en plus d'avoir son siège social à Hong Kong. Ses navires sont enregistrés un peu partout dans le monde.

Sealand Service Inc. a son siège social à Charlotte, en Caroline du Nord. C'est une compagnie américaine, mais ses navires ne battent pas tous pavillon américain.

Ce sont les huit transporteurs qui font partie de CWRA, mais malheureusement, pas un seul d'entre eux n'est canadien.

Le sénateur Corbin: Quelle est la différence entre un navire battant pavillon américain et un navire enregistré aux États-Unis?

M. Pierce: Cela coûte pas mal plus cher d'avoir un navire enregistré aux États-Unis à cause des syndicats. Certains syndicats ont la priorité sur les navires qui battent pavillon américain ou qui sont enregistrés aux États-Unis. C'est pour cela que l'on s'inquiète aux États-Unis que la marine marchande battant pavillon américain diminue de plus en plus à mesure qu'un nombre croissant de navires sont enregistrés à l'étranger.

Le sénateur Corbin: Les règles d'exploitation à partir des ports américains, sont donc bien différentes de ce qu'elles sont au Canada.

M. Pierce: Sont-elles bien différentes? Non. Les navires peuvent aller n'importe où. Nous avons des ports ouverts, qu'un navire batte pavillon américain ou non. Les navires enregistrés aux États-Unis sont autorisés à transporter les marchandises entre les ports de l'Amérique en vertu de la loi Jones, alors que les navires qui battent un autre pavillon que le pavillon américain ne peuvent pas transporter des marchandises pour le commerce intérieur aux États-Unis. Je ne pense pas qu'il y ait vraiment de distinction entre les règles canadiennes et américaines à cet égard.

Le président: Vous venez de mentionner la loi américaine relative à la navigation côtière. Quelle est la différence entre les lois qui s'appliquent au transport maritime au Canada et aux États-Unis? Quelles sont les principales différences?

J'essaye de voir ce qui arriverait si la loi américaine et la loi canadienne interdisaient toutes deux les cartels?

M. Pierce: Comme vous le savez fort bien, il y a déjà une mesure en ce sens devant le Sénat américain. On n'a pas réussi à faire adopter cette loi au dernier Congrès américain. Ce n'est pas tellement que cette loi interdirait les cartels, mais plutôt qu'elle supprimerait certains aspects réglementaires de la Commission maritime fédérale relativement au dépôt de tarifs et à la tendance à signer des contrats de service confidentiels. En réalité, si cette mesure est adoptée aux États-Unis, la loi américaine se rapprochera davantage de la loi qui existe maintenant au Canada.

Si cette mesure est adoptée aux États-Unis, elle continuera de permettre à des groupes de transporteurs d'être à l'abri de poursuites en tant que coalition s'ils se réunissent pour discuter de marchés, de taux généraux, de tendances, ou autre chose du genre. Ces groupes ne pourraient plus publier ou déposer de tarif commun, ce qui est l'une des choses que font les cartels. Ils déposent un tarif public qui est applicable à tous.

Il y a maintenant une grande différence entre la loi canadienne et la loi américaine. Les transporteurs individuels aux États-Unis doivent aussi déposer un tarif auprès de la Commission maritime fédérale, ils sont régis par la commission, alors qu'au Canada, seuls les cartels déposent un tarif auprès de l'ONT. Les transporteurs individuels ne sont pas obligés de le faire. À ma connaissance, c'est la principale différence.

Si les États-Unis adoptent cette nouvelle mesure, leur loi se rapprochera davantage de la loi canadienne.

Le président: Quelles sont les chances que le Congrès américain adopte ce changement à la loi américaine?

M. Pierce: Je ne peux pas vraiment répondre de façon officielle. Tout ce que je peux faire, c'est vous donner mon avis personnel, et je le ferai volontiers plus tard, mais il semble y avoir plus d'incitation pour le Congrès à adopter cette mesure que la dernière fois. C'est tout ce que je peux vous dire. J'ignore s'il réussira ou non.

Le président: Votre organisme a-t-il pris position à ce sujet à Washington et, dans l'affirmative, quelle est cette position?

M. Pierce: Nous ne sommes pas autorisés à faire du lobbying. TWRA est une conférence parallèle à la nôtre. Notre entente de base nous interdit d'exercer des pressions auprès du Congrès américain parce que nos 11 membres, qui forment la conférence TWRA, sont pour le moins querelleurs, lorsqu'on veut discuter de la loi américaine. Ils n'ont pas d'intérêts en commun.

Le président: La conférence a décidé de ne pas exercer de pressions à cause de ses désaccords internes.

M. Pierce: C'est une décision très pratique parce que nous discuterions indéfiniment avant d'en arriver à un point de vue commun.

Le président: Vous avez mentionné la publication du tarif. Supposons que je veuille expédier des marchandises quelconques. Puis-je me présenter à l'un des bureaux de vos compagnies et dire: «Je voudrais expédier ces marchandises à Hong Kong et j'insiste pour que ce soit vous qui les transportiez», et vous ne pourriez pas me refuser, tout comme on ne pourrait pas me refuser à une gare de chemin de fer.

M. Pierce: Tout à fait. Le principe de transporteur commun est exactement le même aux États-Unis et au Canada. Nous offrons le même service à tous.

Le président: Si j'arrivais chez un de ces transporteurs indépendants, serait-il aussi obligé de transporter mes marchandises?

M. Pierce: Oui, sénateur. Ils y seraient obligés et vous seriez, de votre côté, obligé de payer leur tarif, tout comme vous devriez payer le nôtre. Les mêmes considérations s'appliquent. S'il n'y a pas de conteneurs au port, ou si un navire vient de quitter le port, cela devient un facteur d'ordre pratique.

Le président: Vous nous dites qu'il existe des transporteurs indépendants qui sont eux aussi sur le marché. Ils doivent eux aussi fournir de bons services au prix du marché. À quoi sert la conférence? Pourquoi voulez-vous la conserver dans un monde de libre entreprise?

M. Pierce: C'est une question tout à fait raisonnable et c'en est une qu'on nous pose constamment.

Le sénateur De Bané: Il m'a déjà dit que tous les fournisseurs de biens et de services seraient ravis d'avoir un cartel comme le leur.

Le président: Ce que je veux savoir, c'est pourquoi.

M. Pierce: C'est d'abord une question de stabilité. Si vous en avez le temps avant les prochaines élections, vous pourriez poser la même question aux compagnies indépendantes. Nous nous réunissons et nous avons formé un cartel non monopolistique parce que nous voulons des taux stables, nous voulons que la situation de l'industrie soit le plus stable possible pour que nous puissions continuer à fournir de bons services aux consignataires des expéditeurs canadiens.

Les transporteurs indépendants vous diront la même chose, mais un peu différemment: «Nous espérons que la conférence continuera d'exister parce que, sans elle, il n'y a plus de protection. Nous n'aurions plus de tarif de base et nous ne sommes pas certains que nous pourrions éviter de fixer des prix tellement faibles que nous devrions nous aussi cesser d'offrir le service.»

La conférence ne représente aucun risque pour les expéditeurs ou les consignataires parce que nous sommes toujours très équitables. Nous fixons un tarif minimum pour garantir qu'on peut continuer à assurer le service pour les échanges commerciaux. D'après toutes les études économiques que nous avons faites à propos de la situation aux États-Unis et au Canada, il n'y aucune autre région du monde où nos échanges vont augmenter au même rythme que pour les pays en bordure du Pacifique. Notre commerce avec ces pays dépasse maintenant de beaucoup le commerce entre l'Amérique du Nord et l'Europe et cela va continuer. Sur 10 ans, le volume des échanges augmentera de 5 à 10 p. 100 dans l'ensemble. Le meilleur endroit où investir son argent est dans les pays en bordure du Pacifique, que vous ayez une entreprise à Halifax, à Washington, sur la côte ouest ou n'importe où ailleurs en Amérique du Nord. C'est vers cette région que tous les yeux sont tournés.

Selon nous, s'il n'y a pas suffisamment de transporteurs qui acceptent de servir le Canada parce que c'est rentable pour eux, nous ne pourrons pas participer à la croissance globale.

Le sénateur Corbin: J'ai posé ma question au sujet des navires qui battent le pavillon d'un pays et ceux qui sont enregistrés dans un pays parce que nous n'avons pas de marine marchande au Canada. Nous devons compter entièrement sur une conférence comme la vôtre pour transporter toutes les marchandises de notre grand pays exportateur. Pour des raisons de fierté nationale, je trouve cela tout à fait inusité. Je ne veux pas dire que nous ne pouvons pas collaborer et que les expéditeurs canadiens ne peuvent pas avoir de très bons rapports avec vous. Néanmoins, la situation est assez curieuse, même si elle est rentable pour vous et satisfait à nos besoins d'exportation. D'après ce que vous dites, cela semble bien fonctionner.

Je n'ai pas eu le temps de lire votre mémoire au complet. Quelle proportion des transporteurs votre groupe représente-t-il par rapport aux indépendants?

M. Pierce: Cela varie entre 45 et 55 p. 100. Cela dépend notamment du cycle, mais nous ne pourrions certainement pas être considérés comme un monopole.

Le président: Pouvez-vous nous dire de quels ports il s'agit ou cela représente-t-il tous les ports de l'Amérique du Nord en général?

M. Pierce: Je veux parler des exportations canadiennes et des marchandises conteneurisées.

Le sénateur Corbin: Lorsque vous transportez les marchandises canadiennes vers les marchés extérieurs, vous ne le faites pas exclusivement; vous ne revenez pas à vide de Singapour ou de Hong Kong. Vous prenez des marchandises peu importe où elles se trouvent sur les océans du monde. Un navire vide est une chose déplorable.

M. Pierce: C'est exact.

Le sénateur Corbin: Nous avons parlé surtout d'exportation. Quel pourcentage d'importations étrangères de la région de l'Asie-Pacifique les navires de votre conférence rapportent-ils au Canada?

M. Pierce: C'est une conférence différente. Nous fonctionnons seulement dans un sens. Nous servons les exportateurs canadiens.

Le sénateur Corbin: Vous devez certainement collaborer.

M. Pierce: La conférence pour les importateurs a son siège social au même bureau à San Francisco.

Mme Johnston: Il y a encore un problème de chiffres.

M. Olsen: C'est exact. Les transporteurs qui s'occupent du commerce à partir du Canada et des exportations canadiennes font tous partie de la conférence des transporteurs d'importation au Canada avec quelques autres transporteurs en plus.

Vous voulez savoir ce que cela représente comme volumes et comme pourcentages.

Le sénateur De Bané: Nous voudrions savoir quel pourcentage des marchandises exportées à partir des ports que vous servez en Asie est exporté par vos transporteurs vers le Canada. Notre commerce avec ces ports est déficitaire.

M. Olsen: À l'heure actuelle, les exportations de l'Asie vers le Canada sont pour le moins très faibles par opposition au marché d'exportation. Cela est essentiellement dû à la valeur du dollar canadien. Les importations sont à un niveau très faible à l'heure actuelle. J'ignore ce que cela représente comme pourcentage.

Pour ma propre compagnie, nos importations d'Asie vers le Canada représentent environ 75 p. 100 de nos exportations. J'imagine que c'est probablement la même chose pour les autres transporteurs. Les ports où nous livrons nos marchandises d'exportation sont aussi les ports où nous chargeons nos importations à destination du Canada. C'est ainsi que cela fonctionne.

M. Pierce: Je voudrais apporter une précision importante. Jusqu'à tout récemment, il y avait une conférence appelée ANAERA Canada. Il s'agissait de l'Asia North America Eastbound Rate Agreement Canada. Cette conférence a cessé d'exister il n'y a pas très longtemps à cause de la piètre situation des tarifs et du volume des importations vers le Canada.

Il existe aussi un groupe plus important appelé le Canadian TransPacific Stabilization Agreement, ou CTSA, qui a huit à dix membres, selon la période, et qui a à peu près les mêmes membres que nous, plus certains indépendants. Tout ce que fait ce groupe c'est discuter du commerce et essayer de trouver des méthodes de stabiliser le marché. Quatre-vingt-dix pour cent des marchandises d'importation arrivent directement aux ports canadiens et ne sont pas transportées en passant par les États-Unis. Cela montre bien à quel point l'infrastructure a acquis de l'importance et de la maturité au Canada. Cela n'a pas toujours été le cas, mais c'est ce qui se fait maintenant.

La valeur du dollar canadien est en partie à blâmer. M. Olsen a tout à fait raison. Le commerce d'importation n'est pas seulement mal en point, il est à l'agonie à moins qu'il n'arrive quelque chose de spectaculaire. Cela pourrait nuire aux services d'exportation à partir du Canada si les transporteurs ne peuvent plus offrir un service de transport d'importation vers le Canada. Les navires doivent faire l'aller-retour. On ne peut pas les démonter et les expédier en un colis FedEx vers le Canada. J'ai vu des ports disparaître ailleurs dans le monde parce qu'il n'y avait pas de transport dans les deux sens ou parce que les transporteurs n'ont pas les moyens de faire le voyage seulement dans un sens, sinon l'expéditeur doit payer beaucoup plus cher pour un voyage aller-retour alors qu'il n'a besoin que d'un aller simple.

J'espère bien que la situation du transport vers l'est se stabilisera, sinon ce pourrait être très inquiétant pour le Canada.

Le sénateur Corbin: Toyota a décidé de construire plus d'automobiles en Amérique du Nord et cela a certainement des conséquences pour le transport. D'autres compagnies ont fait la même chose.

M. Pierce: Tout à fait.

Le sénateur Andreychuk: Les membres de votre cartel transportent-ils des marchandises à partir des États-Unis? Transportez-vous des marchandises qui sont d'abord transportées autrement, peut-être par chemin de fer, et qui aboutissent au port de Vancouver, par exemple, ou faites-vous la différence?

M. Pierce: Vous parlez de marchandises à destination ou en provenance de l'Asie?

Le sénateur Andreychuk: Je veux parler de marchandises expédiées vers l'Asie. Les expéditeurs américains se servent-ils parfois des ports canadiens?

M. Pierce: Je ne le crois pas. S'ils le font, cela arrive rarement.

Le sénateur Andreychuk: Et le contraire?

Mme Johnston: Non.

Le sénateur Andreychuk: Il n'y a pas d'expéditeurs qui utilisent un moyen de transport terrestre pour envoyer leurs marchandises vers l'Oregon avant de les expédier par navire?

M. Olsen: Non, sur la côte ouest, nous touchons tous au port de Vancouver, mais nous touchons aussi soit au port de Tacoma, soit au port de Seattle dans le Nord-Ouest pacifique des États-Unis. Sur la côte ouest, il n'y a donc aucune raison de faire ce que vous dites. La plupart de nos transporteurs aux États-Unis ont leurs propres terminaux. Certains d'entre nous ont leurs propres trains aux États-Unis. Nous pouvons le faire à cause du volume que nous transportons.

Pour être franc avec vous, le transport ferroviaire coûte moins cher par mille parcouru aux États-Unis qu'au Canada. Nous savons tous que c'est à cause du prix du carburant, des taxes, et cetera. Nous en avons discuté à maintes reprises. Aujourd'hui, il n'est pas vraiment dans notre intérêt de passer par les ports canadiens, pour transporter les cargaisons américaines.

Cette situation est très différente de celle de Montréal. Nous savons tous que 65 p. 100 des conteneurs au port de Montréal sont soit à destination soit en provenance des États-Unis. Le port de Montréal a cet avantage géographique, mais nous ne l'avons pas dans nos relations avec l'Asie, parce que sur la côte est, on fait escale à Halifax. Ensuite, on fait escale à New York, à Baltimore, à Charleston, aux ports principaux de la côte est des États-Unis, et c'est encore la même chose sur la côte ouest.

Le sénateur Andreychuk: Dans un autre comité, on nous a dit que certaines petites entreprises canadiennes ont trouvé qu'il était plus rapide d'utiliser une combinaison de transports terrestres et maritimes aux États-Unis, plutôt qu'au Canada. Elles ont donc commencé à transporter leurs conteneurs de marchandises par les ports de Tacoma et ceux de l'État de Washington.

M. Olsen: C'est bien cela. C'est le contraire de ce que vous disiez.

Le sénateur Andreychuk: Je parlais des deux sens.

M. Olsen: Il ne fait aucun doute que certaines exportations canadiennes passent par les ports américains. Nous-mêmes nous le faisons. Pour certains produits provenant du centre du Canada, où le temps de parcours est critique, nous pouvons transporter des conteneurs à destination du Moyen-Orient, en passant par Long Beach en Californie, plus rapidement mais à des coûts plus élevés, et nous le faisons.

Il n'y a aucune différence de prix pour procéder ainsi. Le client paye le même prix, peu importe que la marchandise passe par un port américain ou canadien. Nous essayons d'utiliser les ports canadiens autant que possible, surtout lorsque nos navires y font escale.

Le sénateur Andreychuk: Alors si certaines entreprises disent au comité qu'elles peuvent négocier un meilleur taux à un port américain, elles ont tort?

M. Pierce: Je me demande si c'est la combinaison. Tout d'abord, c'est fort peu probable. Je connais très bien la conférence américaine sur les marchandises au départ, et je connais très bien les conférences sur les marchandises à l'arrivée. Je les connais assez bien. Les deux se trouvent dans mon bureau à San Francisco.

Je me demande si les entrepreneurs que votre comité a rencontrés auraient dit qu'il était moins cher de négocier le transport au port.

Le sénateur Andreychuk: C'est ce qu'ils ont dit, mais ils ont ajouté qu'il y avait un avantage de passer par un port.

M. Pierce: Je ne connais aucun tarif américain -- et nous avons 17 000 pages de données sur les tarifs aux États-Unis pour les marchandises au départ -- qui serait moins cher si la marchandise était livrée à partir du Canada pour le même produit provenant du même endroit. Il existe peut-être une ou deux exceptions. Si vous pouviez obtenir plus de renseignements, je serais ravi de faire des recherches plus poussées.

Le sénateur De Bané: Comment vos membres réagiraient-ils si le Canada décidait finalement d'abroger la LDCM?

M. Pierce: Je serais inquiet si vous le faisiez indépendamment d'un autre pays, surtout du géant au Sud, car je crois vraiment que les taux seraient négociés. Malcolm Hackett est un grand négociateur, tout comme Ted Leblanc, mais je crois qu'ils élimineraient certains transporteurs qui font affaire actuellement au Canada, surtout si rien n'était fait au sud de la frontière. Il serait illogique d'attribuer une partie du navire aux marchandises canadiennes, s'il n'y a pas de bénéfice raisonnable. Voilà ce que je craindrais, si le Canada agissait seul.

Il y a une dichotomie dans tout cela. Si les lois américaines s'apparentaient plus aux lois canadiennes actuelles, je vous conseillerais de ne rien changer, car vos lois serviraient d'exemple pour les futurs lois et règlements aux États-Unis. Pour ce qui est de l'Office national des transports, je n'ai jamais eu de leurs nouvelles. Nous déposons toujours nos taux de fret. Ils ne se mêlent pas de nos affaires. Nos frais d'exploitation n'ont jamais augmenté à cause de règlements imposés par le gouvernement canadien. J'aimerais bien pouvoir dire la même chose à propos des États-Unis. Ce n'est pas du tout le cas.

Le sénateur De Bané: Le Canada est un des plus grands exportateurs du monde. Disons qu'un transporteur maritime quelconque, avec ses navires et son équipement, peut pénétrer ce marché canadien ouvert, concurrentiel. Ne pensez-vous pas que le transporteur en question ne tenterait pas de s'accaparer ce marché-là aussi?

M. Pierce: Je suis convaincu que certains transporteurs qui n'ont pas beaucoup investi dans l'infrastructure au Canada partiraient demain si les taux baissaient. Je crois également qu'il y aurait si peu de choix que les taux sur une période de 18 mois augmenteraient tellement rapidement que les produits canadiens, devenus hors de prix, seraient évincés du marché. À mon avis, il faut que les coûts d'exploitation soient reflétés dans les recettes perçues.

Le sénateur De Bané: C'est le genre d'argument présenté par le secteur réglementé. Bell Canada disait autrefois qu'il fallait un certain rendement du capital investi. Aujourd'hui, leur secteur est déréglementé, et Bell Canada ne le dit plus. Elle insiste maintenant pour avoir sa part du marché, car elle doit faire concurrence à MCI, AT&T, Sprint et toutes sortes de compagnies américaines. Elle ne parle plus de profits; elle dit qu'elle doit avoir un produit au bon prix pour maintenir sa part du marché.

M. Pierce: Je suis d'accord. Il doit être au bon prix, mais il doit engendrer des revenus nets.

Le sénateur De Bané: Vous oeuvrez dans le marché le plus concurrentiel au monde. Vous comprenez sans doute la situation. Si vous étiez chef d'un secteur non réglementé, une industrie capitalistique, vous sauriez que c'est habituellement la façon de procéder dans un système concurrentiel, de marché libre.

Le président: Vous avez indiqué, un peu plus tôt, un certain appui pour la situation qui prévaut au Canada. Y a-t-il des changements que vous aimeriez voir dans la Loi dérogatoire sur les conférences maritimes?

Mme Johnston: Non, pas vraiment. La loi actuelle a été bonne pour nous. Elle a été bonne pour nos exportateurs. Aujourd'hui, l'Office national des transports ne reçoit aucune plainte. Les contrats sont confidentiels; ils fonctionnent bien également. La structure des taux, le dépôt, les taux ouverts qui sont disponibles aux clients, ce système-là fonctionne bien.

Le président: Nous vous remercions de nous avoir parlé d'un sujet si compliqué et d'avoir alimenté notre intérêt pour le marché de l'Asie-Pacifique.

La séance est levée.


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