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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 31 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 15 avril 1997

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères, auquel a été renvoyé le projet de loi C-81, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Chili et d'autres accords connexes, se réunit aujourd'hui à 15 h 20 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, le jeudi 10 avril 1997, le Sénat a adopté en deuxième lecture le projet de loi portant sur l'entrée en vigueur au Canada de l'Accord de libre-échange Canada-Chili et d'autres accords connexes. Le Sénat a ensuite adopté une motion renvoyant ce projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Nous sommes réunis aujourd'hui pour étudier ce projet de loi.

Nous recevons l'honorable Art Eggleton, ministre du Commerce international. Je crois savoir que M. Eggleton doit se rendre à l'extérieur du Canada et qu'il ne pourra pas rester tout l'après-midi. Nous l'avons donc devant nous et, comme on dit, il va bientôt disparaître. Je lui ai dit que, par conséquent, nous allions lui poser toutes les questions difficiles avant son départ, et que nous réserverions les questions de moindre importance pour ses fonctionnaires après qu'il aura disparu.

Monsieur le ministre, nous vous écoutons.

L'honorable Art Eggleton, ministre du Commerce international: Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie d'avoir accepté de m'entendre aujourd'hui au sujet du projet de loi C-81. J'ai la chance d'être accompagné de Keith Christie, qui a négocié cet accord et qui connaît le projet de loi par coeur. J'ai la certitude qu'il pourra répondre aux questions auxquelles je ne pourrais pas répondre ou que vous poserez après mon départ.

Je suis ici aujourd'hui pour réitérer le ferme appui que le gouvernement apporte au projet de loi C-81, qui met à exécution l'engagement pris par le Canada de mettre en oeuvre l'Accord de libre-échange avec le Chili. Nous avons apprécié les nombreuses interventions constructives des membres de tous les partis.

Notre gouvernement croit que cet accord de libre-échange est un important moyen de développer nos marchés mondiaux, et d'assurer au Canada sa place dans un régime commercial international compétitif et passionnant. J'engage par conséquent le comité à faire en sorte que ce texte législatif empreint de prévoyance soit approuvé et mis en oeuvre en juin, comme le Canada l'a promis. Faute de respecter nos échéances, nous retarderions le jour où les deux pays pourront bénéficier de ces dispositions et nous risquerions de causer des problèmes aux industries canadiennes.

Je crois savoir que vous avez reçu des lettres d'un certain nombre d'entreprises qui comptent sur la mise en oeuvre de l'accord, à la date prévue. Bon nombre d'entre elles ont obtenu des contrats en vertu desquels, à la condition qu'elles livrent leurs marchandises après le 2 juin 1997, elles bénéficieront d'un meilleur taux par suite de l'élimination du droit à l'importation de 11 p. 100. Nous espérons que ces entreprises pourront exécuter leurs contrats à temps.

Et j'en connais d'autres, dans l'industrie des télécommunications, les technologies de l'environnement, l'industrie automobile, l'industrie de l'équipement industriel et l'industrie manufacturière, pour n'en nommer que quelques-uns, qui ont hâte que l'accord entre en vigueur, parce qu'il leur donnera un atout pour disputer à la concurrence les débouchés commerciaux qui existent ou qui émergent au Chili.

[Français]

Ce sont les exportations qui nous ont sortis de la récession en 1982. Ce sont encore les exportations qui nous ont sortis de la récession du début des années 1990. Ce sont les exportations qui sont le moteur de la croissance actuelle de l'économie canadienne.

[Traduction]

Au Canada, un emploi sur trois dépend du commerce extérieur. Les échanges commerciaux assurent plus de 40 p. 100 de notre PIB, et chaque augmentation d'un milliard de dollars de nos exportations crée ou maintient 11 000 emplois au Canada. En fait, le Canada dépend davantage des échanges extérieurs pour la création d'emplois et la croissance économique que n'importe quel autre pays développé au monde. Il est difficile d'exagérer l'importance du commerce extérieur pour le Canada. Nous devons être en mesure de conserver notre niveau de vie et la qualité de notre vie. Nous exportons trois fois plus que les Américains per capita et deux fois plus que les Japonais per capita, ce qui vous montre à quel point notre pays dépend des exportations.

Or, il ne faut pas craindre cette dépendance, il faut la comprendre. Notre gouvernement a suivi une politique globale et cohérente en ce qui concerne le commerce international. En fait, j'ai récemment publié une description fort détaillée de notre politique commerciale sous la forme d'un rapport intitulé «Priorités du Canada en matière d'accès aux marchés internationaux 1997». Le commerce international est donc au centre de notre politique économique. L'accent y est mis sur la croissance et sur la création d'emplois.

Nous voulons voir un plus grand nombre de compagnies canadiennes vendre leurs produits et leurs services à l'étranger. C'est pourquoi nous travaillons ferme en faveur de la libéralisation des échanges sur tous les fronts: bilatéral, par des accords de libre-échange comme celui que nous avons conclu avec Israël plus tôt cette année; multilatéral, par notre action au sein de l'Organisation mondiale du commerce, et régional, à des tribunes comme la Coopération économique Asie-Pacifique, qui prévoit le libre-échange d'ici 2010-2020; et, bien sûr, la zone de libre-échange des Amériques en vertu duquel tout l'hémisphère sera régi par le libre-échange d'ici l'an 2005.

Voici les objectifs de ma politique commerciale. Pour augmenter nos exportations, il faut faire appel à un plus grand nombre d'entreprises canadiennes. Nous avons environ 5 000 exportateurs actifs, et j'aimerais doubler ce nombre d'ici l'an 2000. Pour y parvenir nous devons attirer un plus grand nombre d'entreprises petites et moyennes. C'est pourquoi nous devons nous rééquiper et recibler notre aide et nos activités. C'est mon premier objectif.

Mon deuxième objectif, c'est la diversité. Plus de 80 p. 100 de nos échanges se font avec les États-Unis, ce qui représente au total plus d'un milliard de dollars par jour. Cependant, il y a d'autres marchés dynamiques en pleine expansion où nous devons intensifier notre présence. Le marché latino-américain et la zone Asie-Pacifique sont les deux débouchés les plus prometteurs.

En autre priorité, je compte aussi gérer efficacement nos relations commerciales avec les États-Unis. Je vous dirai avec satisfaction que 95 p. 100 de nos activités progressent sans le moindre accroc, même si ce sont les 5 p. 100 qui restent qui font les manchettes des journaux. Autre priorité: promouvoir un système encadré par des règles dans l'ensemble de l'Organisation mondiale du commerce et poursuivre les initiatives régionales qui appuient ces objectifs multilatéraux.

Voilà les principes qui structurent notre politique commerciale. Dans les semaines et mois à venir, je parlerai plus longuement de l'orientation future de la politique commerciale du Canada.

J'aimerais maintenant vous expliquer comment l'accord de libre-échange avec le Chili s'intègre dans tout cela, et comment nous avons atteint les quatre objectifs que nous nous étions fixés lorsque nous avions négocié l'accord de libre-échange avec le Chili.

Notre premier objectif, c'était d'obtenir l'accès sans entrave au marché chilien; deuxièmement, protéger l'investissement canadien dans ce pays; troisièmement, rendre le Canada plus attrayant pour l'investissement chilien; et quatrièmement, jeter un pont en vue de l'accession du Chili à l'Accord de libre-échange nord-américain. Monsieur le président, nous avons atteint ces quatre objectifs.

Sous le régime de l'Accord de libre-échange Canada-Chili, des produits fort divers, exportés par l'un ou l'autre pays, bénéficieront immédiatement de l'admission en franchise ou moyennant des droits de douanes très faibles sur leurs marchés réciproques à compter du 2 juin. Cet accord donne, dès le départ, un avantage aux entreprises canadiennes sur le marché chilien. Les exportateurs et les investisseurs canadiens auront désormais un accès global plus large au marché chilien que la plupart de leurs concurrents.

D'ailleurs, l'Accord de libre-échange avec le Chili s'inscrit dans un effort beaucoup plus vaste pour renforcer nos liens économiques avec les marchés dynamiques d'Amérique du Sud. En mai, j'assisterai à une importante réunion où sera déterminée l'évolution du processus concernant la zone de libre-échange des Amériques, qui consiste à libéraliser les échanges dans tout l'hémisphère occidental. La semaine prochaine, le président du Brésil viendra en visite au Canada et la libéralisation des échanges et la ZLEA figureront en bonne place à son ordre du jour.

J'exhorte les membres du comité, par conséquent, à considérer le contexte général de l'ALÉ Canada-Chili. Cet accord est une bonne affaire pour le Canada, et il va nous aider à atteindre notre objectif qui consiste à trouver des débouchés dans les Amériques. La mise en oeuvre de l'ALÉ Canada-Chili envoie un message clair: le Canada est prêt à aller de l'avant dans ce domaine.

Cet accord est aussi d'une importance vitale dans un contexte plus restreint -- dans la mesure où il profite au Canada et au Chili. Il assure une protection appréciable aux investisseurs canadiens au Chili, en leur donnant des garanties qui sont sans précédent à l'extérieur de l'Accord de libre-échange nord-américain.

Le Canada s'est fait l'ardent promoteur de l'accession du Chili à l'ALÉNA. Pour le moment, les négociations sur l'ALÉNA sont en veilleuse parce que l'administration américaine n'a pas pu obtenir du Congrès le pouvoir de négocier selon la procédure accélérée. Le Congrès étudie la question de près, cependant, et nous avons bon espoir qu'un accord est possible sur la procédure accélérée. En tout cas, c'est ce que nous a dit le président des États-Unis lors de notre visite à Washington la semaine dernière.

L'accord Canada-Chili a été conçu comme une mesure transitoire qui faciliterait l'accession à part-entière du Chili à l'ALÉNA. Il pourra être intégré à celui-ci, lorsque le Chili en sera devenu membre, mais peut se défendre en soi, si jamais l'accession à l'ALÉNA est retardée ou empêchée.

L'accord Canada-Chili n'est pas le sosie de l'ALÉNA, mais il s'en inspire largement et il comporte des avantages semblables. L'aspect le plus important de l'accord, bien sûr, c'est l'élimination des droits de douane. L'accord Canada-Chili entraînera l'admission en franchise immédiate de la plupart des produits industriels, qui constitue 80 p. 100 des exportations canadiennes, et l'élimination sur cinq ans du droit à l'importation de 11 p. 100 actuellement appliqué par le Chili sur la plupart des autres produits.

L'accord énonce en outre des règles d'origine claires et simples. Elles sont inspirées de celles qui figurent dans l'ALÉNA, mais elles sont plus souples, particulièrement en ce qui concerne les produits de fabrication. L'Accord de libre-échange Canada-Chili exige un pourcentage plus faible du contenu des produits de fabrication devant être réalisé dans les deux pays que celui qui est prescrit sous le régime de l'ALÉNA. Les règles applicables aux produits agricoles et forestiers, cependant, sont les mêmes que celles de l'ALÉNA.

L'accord Canada-Chili -- et c'est l'un des aspects saillants de ce projet de loi -- interdit à chaque pays le recours aux mesures antidumping contre les exportations de l'autre dès l'élimination des droits de douane sur le produit visé, ou au plus tard dans un délai de six ans. C'était là un objectif que le gouvernement canadien recherche depuis longtemps.

Cette période de transition de six ans nous donnera le temps d'évaluer l'effet de l'exemption sur divers secteurs et d'en revoir l'application. Les producteurs auront encore accès à des mesures de sauvegarde pour réagir rapidement et de la manière appropriée à toute augmentation subite des importations d'un produit quelconque. C'est une question importante pour nous. Depuis le début de l'ALÉNA, le Canada essaie d'amener les États-Unis et le Mexique à convenir que les partenaires de l'ALÉNA ne devraient pas imposer de droits antidumping sur leurs exportations réciproques. Notre pacte avec le Chili constituera un bon exemple. J'essaie de conclure le même genre d'accord avec le Mexique aussi. Le Canada et le Chili s'accordent à penser que les mesures antidumping n'ont rien à faire dans un accord de libre-échange.

Le pacte institue également un comité sur les recours commerciaux, investis d'un double mandat: servir de tribune pour les consultations sur les disciplines relatives aux subventions qui sont inscrites dans l'accord et travailler à limiter pour l'avenir la nécessité de droits compensateurs.

Pour résoudre les différends qui pourraient survenir sous le régime de l'accord, les deux parties ont convenu de se soumettre à un mécanisme de règlement des différends inspiré de celui qui figure dans l'ALÉNA. Nous nous attendons à ce que nos nouvelles relations commerciales entraînent également des améliorations des niveaux de vie et des conditions de travail dans nos deux pays. Le gouvernement chilien s'emploie à adapter ses lois sur le travail et l'environnement et ses modalités d'application de la loi afin de mieux répondre aux besoins d'une société industrialisée moderne.

Pour compléter l'accord de libre-échange, nous avons négocié des accords de coopération dans les domaines du travail et de l'environnement qui s'inspirent fidèlement des accords nord-américains correspondants, les premiers en leur genre.

Le Chili s'est engagé à promouvoir une série de 11 principes importants dans les domaines de relations de travail, des normes d'emploi et de la santé et de la sécurité au travail. Pour la première fois, les Canadiens pourront s'adresser à une instance officielle pour exprimer leurs préoccupations éventuelles concernant la législation du travail au Chili, alors que celui-ci n'a cette obligation envers aucun autre partenaire commercial.

Nous allons aussi mener une série d'activités de coopération avec les gens d'affaires et les syndicats pour mieux comprendre le droit du travail, son application et les marchés du travail au Chili.

L'accord Canada-Chili de coopération dans le domaine de l'environnement, favorise l'ouverture, la transparence, la responsabilité et une coopération accrue dans le domaine de l'environnement. Il contribuera aussi à assurer des règles du jeu équitables et prévisibles dans l'arène commerciale du fait des engagements qui y sont pris d'appliquer efficacement les lois relatives à l'environnement. Qui plus est, il comporte des recours précis que peuvent exercer les citoyens, les organisations non gouvernementales et les gouvernements du Canada et du Chili pour assurer l'application efficace des lois sur l'environnement.

Au Chili, cet engagement a créé la dynamique politique nécessaire à la modernisation des lois en question. Le Chili s'est engagé à achever cette tâche dans les deux ans à compter de l'entrée en vigueur de l'accord.

[Français]

Monsieur le président, l'économie chilienne est la plus stable de la région et elle connaît l'essor le plus rapide. Au cours de la dernière décennie, la croissance économique annuelle enregistrait près de 7 p. 100.

[Traduction]

Des politiques axées sur le marché ont encouragé l'esprit d'entreprise et renforcé le secteur privé. En 1995, le Chili a affiché un excédent budgétaire de 2,6 p. 100 du PIB, et sa dette extérieure n'était que de 10 p. 100 du PIB. Avec son faible taux de chômage, son inflation décroissante et ses salaires en progression, le Chili a tous les attributs d'un partenaire commercial et financier de choix.

J'exhorte donc les membres du comité à soutenir l'Accord de libre-échange Canada-Chili. C'est une bonne affaire pour les deux pays, et il est conforme aux grands objectifs de la politique étrangère et économique canadienne. Tous les partis peuvent l'appuyer avec fierté, parce qu'il bénéficie à toutes les régions du Canada. Et il nous donne d'importants avantages face à la concurrence mondiale.

Merci, monsieur le président.

Le sénateur Carney: Monsieur le ministre, nous vous remercions de prendre le temps de participer à notre discussion sur cette importante mesure légale.

Vous dites que cet accord bilatéral diffère de l'ALÉNA. C'est un accord bilatéral mais vous dites qu'il n'est pas le sosie de l'ALÉNA. Pourriez-vous nous dire, d'après votre discussion de la semaine dernière, quand les États-Unis seront prêts à négocier un accord avec le Chili, étant donné les problèmes actuels et l'hostilité du Congrès?

Si les États-Unis réussissent à négocier un meilleur accès au marché chilien, le Canada profitera-t-il automatiquement de ces améliorations, puisque vous dites qu'il n'est pas calqué sur l'ALÉNA? Par exemple, l'exemption de l'application des droits antidumping sera-t-elle maintenue après l'accession du Chili à l'ALÉNA, étant donné les réticences des Américains à adopter cette disposition?

Je vous demande de nous expliquer comment l'Accord de libre-échange bilatéral s'intégrera dans l'accord cadre de l'ALÉNA, ainsi que son élargissement en principe à d'autres pays de l'hémisphère.

M. Eggleton: L'accord prévoit que si le Chili obtient quelque avantage des États-Unis, nous l'obtiendrons aussi. Nous ne serons pas désavantagés lorsque le Chili négociera enfin avec les États-Unis.

Quand cela se fera-t-il? Le président et son cabinet souhaitent ardemment négocier dès que possible en vertu de la procédure accélérée. Malheureusement, en ce moment, on se préoccupe surtout de questions budgétaires, aux États-Unis. Il faudra peut-être des semaines ou des mois avant qu'ils puissent s'y consacrer pleinement. Entre-temps, mes entretiens avec les leaders au Congrès des partis démocratique et républicain me laissent croire qu'ils attendent des renseignements supplémentaires de la Maison Blanche au sujet de la procédure accélérée de négociation souhaitée. Ils ne prendront position qu'après avoir obtenu ces renseignements.

Des discussions sont en cours au sujet des accords parallèles concernant la main d'oeuvre et l'environnement. Il semble que ce soit les sujets brûlants de discussion au Congrès et entre ce dernier et la Maison Blanche.

On laisse aussi entendre, aux États-Unis, qu'une fois la procédure accélérée en marche, on pourrait commencer à négocier un accord bilatéral avec le Chili. Nous allons suivre cette situation de près. Tout avantage négocié bilatéralement sera intégré à notre accord. Nous veillerons à ce que cela se fasse selon les conditions de l'accession à l'ALÉNA, puisque c'est là notre objectif.

Lorsque les chefs des quatre pays se sont rencontrés au sommet de Miami en 1994 -- on les appelait les quatre amigos --, ils ont convenu d'intégrer le Chili à l'ALÉNA. Lorsque les États-Unis ont été empêchés de négocier, nous sommes allés de l'avant et avons entrepris des négociations. Nous l'avons fait en prévision d'une accession éventuelle à l'ALÉNA. L'accord bilatéral et la suppression des obstacles au commerce sont avantageux pour nous mais nous voulons que le Chili devienne membre de l'ALÉNA, et nous l'avons dit clairement à l'administration.

Les dispositions antidumping seraient maintenues. L'accord bilatéral demeure. Nous garderions tout ce que nous avons obtenu dans le cadre de cet accord.

Le sénateur Carney: Vous dites que cela serait maintenu, mais si le Chili fait partie de l'ALÉNA, l'ALÉNA supplanterait l'accord bilatéral, n'est-ce pas?

M. Eggleton: Cela ne signifie pas que nous aurions automatiquement un régime antidumping avec les États-Unis. Il faudra attendre.

Le sénateur Carney: C'est un point important. Dans le cadre de l'accord de libre-échange, nous devions négocier l'élimination des mesures antidumping et des droits compensateurs, ou un nouveau régime à leur sujet, dans un certain délai. Je crois qu'il s'agissait de sept ans. Nous n'y sommes pas parvenus.

Vous avez maintenant atteint l'objectif avec le Chili et j'aimerais savoir ce qui se produira lorsque celui-ci fera partie de l'ALÉNA. Cela a certainement fait l'objet de discussions.

M. Eggleton: Comme je viens de le dire, l'accord bilatéral entre le Canada et le Chili l'emportera.

Le sénateur Carney: Mais cela ne cadre pas avec l'ALÉNA.

M. Eggleton: Nous aimerions bien que cela fasse partie aussi de l'ALÉNA. C'est d'ailleurs notre objectif à long terme.

Le sénateur Carney: On ne doit pas avoir d'accords bilatéraux avec des pays parties à un accord cadre comme l'ALÉNA. Vous avez des règles pour le Chili, en tant que partenaire commercial dans le cadre de l'ALÉNA et d'autres règles, en vertu d'un accord bilatéral. Lesquelles l'emporteront? C'est important pour l'industrie canadienne.

M. Keith Christie, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: J'aimerais faire un parallèle avec le résultat des négociations sur les tarifs. En vertu de l'ALÉNA, en fait, il y a trois résultats différents, soit les résultats des trois négociations bilatérales découlant de l'accord cadre trilatéral. L'élimination graduelle des droits sur divers produits en vertu de l'ALÉNA diffère un peu, selon les deux partenaires dont il s'agit: les États-Unis et le Mexique, le Mexique et le Canada et, bien entendu, le Canada et les États-Unis. Dans ce dernier cas, l'élimination des droits ne s'est pas produite dans le cadre de l'ALÉNA, mais plutôt en vertu de l'accord de libre-échange initial, puis poursuivi dans le cadre de l'ALÉNA.

On s'attend à quelque chose de semblable pour les recours commerciaux, particulièrement les mesures antidumping. Pour l'ALÉNA, les négociations avec le Chili porteront surtout sur l'accès au mécanisme de règlement des différends en vertu du chapitre 19, qui provient de l'accord initial entre le Canada et les États-Unis, et qui a été reporté, avec quelques modifications et clarifications, dans l'ALÉNA.

Le Canada et le Chili décideront entre eux des règles antidumping qui s'appliqueront à eux deux. Quelques gouvernements déjà ont adopté la politique suivante: si les États-Unis acceptent une exclusion mutuelle des mesures antidumping, le gouvernement en place trouverait cela très intéressant, en présumant qu'ils ne sont pas prêts, ce qui me semble probable.

Le Chili voudrait obtenir des États-Unis des conditions semblables à celles prévues au chapitre 19. Pour nous, bien entendu, le chapitre 19 continuerait de s'appliquer à nos relations avec les États-Unis. Entre le Canada et le Chili, nous maintiendrions l'exemption des droits antidumping parce que c'est l'objectif que nous cherchons à atteindre.

Le président: Pour les besoins de notre compte rendu, pourriez-vous nous expliquer pourquoi les règles antidumping ne devraient pas s'appliquer à un accord de libre-échange comme celui que nous négocions actuellement? Quelle est l'analyse économique qui le justifie?

M. Christie: Monsieur le président, traditionnellement ou historiquement, le dumping se produit lorsqu'il y a deux marchés segmentés, dont la segmentation est causée en grande partie par l'imposition d'un régime tarifaire, qui permet qu'un prix plus élevé soit exigé dans un marché ou que deux prix différents, pour le même produit, soit exigé dans les deux marchés. Les entreprises peuvent profiter de cet écart.

Une fois le tarif éliminé, comme en vertu de l'accord de libre-échange, il serait insensé qu'une entreprise présente dans le marché A fasse du dumping dans le marché B. En effet, une fois la vente conclue, l'acheteur du marché B pourrait immédiatement revendre le produit dans le marché A. Rien ne l'en empêcherait mais cela irait à l'encontre des intentions du premier vendeur.

Dans une zone de libre-échange sans entrave à l'accès au marché, les mesures antidumping sont inutiles.

Le président: Pour leurs partisans, les règles antidumping servent à camoufler au sein de l'accord de libre-échange une forme de protectionnisme pour leur industrie, que ce soit l'acier ou le charbon, par exemple. Voilà qui est sournois. Il ne s'agit pas d'un argument économique ordinaire et défendable, mais plutôt d'une tentative protectionniste de certaines industries.

M. Christie: Je ne voudrais pas faire de procès d'intention à certains producteurs. Historiquement, les règles antidumping visaient à apaiser les craintes de prix abusifs par les entreprises d'un autre marché. Ces dernières années, on a fait des études approfondies dans le contexte de l'OCDE et on a conclu que dans la plupart des pays étudiés, la grande majorité des opérations de dumping se sont produites dans des cas où ce genre de comportement abusif était peu probable. Certains en ont conclu que les mesures antidumping adoptées ces dernières années s'écartaient de beaucoup de l'intention initiale, soit la protection des entreprises contre les prix abusifs, une protection maintenant accordée par une politique de concurrence au marché national.

Nous n'avons pas de mesures antidumping pour les biens expédiés de l'Ontario au Manitoba ou de la Colombie-Britannique à Alberta. Si une entreprise essaie d'éliminer de son marché une entreprise concurrente, les mesures régissant la concurrence pourront contrer ses efforts.

M. Eggleton: Nous sommes souvent les victimes de procès intentés contre nous aux États-Unis. Ces attaques contre des entreprises canadiennes créent de l'instabilité et de l'incertitude et il en résulte assez souvent des décisions injustes.

Avec un cadre de libre-échange approprié, nous pouvons espérer les éliminer un jour. Ce n'est pas une chose que le gouvernement américain est prêt à envisager à court terme; mais en ayant des règles antidumping avec le Chili et, peut-être, avec le Mexique, nous nous rapprochons de notre but.

Le sénateur Carney: Ce serait là un sujet d'étude intéressant pour le comité. Au sujet du Mexique, récemment, des élèves américains ont contracté l'hépatite A en mangeant des fraises importées du Mexique; les États-Unis pourraient invoquer cet incident pour justifier leur réticence à adopter ce genre de mesures.

Quelles garanties avons-nous dans cet accord que les consommateurs canadiens sont adéquatement protégés contre des problèmes semblables attribuables à des produits alimentaires importés du Chili? Je sais que des dispositions seront prises pour établir des normes, mais nous achetons beaucoup de produits alimentaires du Chili et on s'inquiète des risques qui pourraient y être associés. Vous éliminerez progressivement, sur une période de six ans, les tarifs douaniers sur les produits horticoles. Comment serons-nous protégés en vertu de ces accords?

M. Christie: Les produits auxquels on songe quand cette question est soulevée entrent déjà dans notre marché sans droits de douanes, ou presque. Pour les importations au Canada, l'accord de libre-échange aura un effet minime. Il n'y aura pas une invasion subite de raisins importés du Chili. Ces raisins arrivent déjà au Canada en franchise.

C'est le gouvernement du Canada qui a en fin de compte la responsabilité d'assurer la sécurité et la santé des Canadiens. Rien dans cet accord, pas plus que dans l'ALÉNA, n'empêche le gouvernement du Canada, par l'entremise de ses organismes, de prendre les mesures jugées nécessaires pour protéger la santé et le bien-être des Canadiens. Il peut s'agir d'inspections sanitaires aux frontières, si on le juge nécessaire.

Le sénateur Carney: Est-ce qu'on prévoit l'harmonisation des ces normes par les deux parties à l'accord?

M. Christie: Cet accord bilatéral ne crée pas de nouvelles mesures sanitaires. Nous avons tous deux signé récemment, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, un accord très moderne sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires. Le Canada et le Chili en sont signataires. Les normes prévues à l'accord entre le Canada et le Chili, seront celles qui existent actuellement.

Le sénateur Grafstein: Monsieur le ministre, à la suite des rencontres à Washington la semaine dernière, je constate avec satisfaction que grâce à vos efforts et à ceux du gouvernement, nous touchons pour la première fois la corde sensible des Américains. Vous êtes allé au-devant de l'administration américaine au sujet de l'accord de libre-échange. Je vous en félicite.

Je crois que l'administration aimerait faire avancer les choses mais que le Congrès lui met des bâtons dans les roues. En parlant à des personnages influents au Congrès, je me suis bien rendu compte du désaccord entre l'administration et le Congrès. L'administration veut avancer, mais elle est paralysée. Ceci donne aux producteurs canadiens la possibilité d'agir. Pour cela, félicitations.

J'ai une question d'ordre stratégique puis une question d'ordre tactique. Voici la question d'ordre stratégique:

Le marché le plus important en Amérique du Sud est le MERCOSUR. C'est un marché gigantesque qui englobe le Brésil et ses collaborateurs. Si j'ai bien compris, le Chili a décidé de ne pas faire partie du MERCOSUR. MERCOSUR est une union douanière. Comment les conditions de notre accord nous aideront-elles à pénétrer le marché du MERCOSUR, si c'est possible?

M. Eggleton: Le Chili ne fait pas partie de l'union douanière mais a conclu un accord bilatéral qui en fait un membre affilié, plutôt qu'un membre à part entière du MERCOSUR.

Notre accord bilatéral montre certainement le désir du Canada de faire des échanges dans cette région et d'améliorer les possibilités de le faire. Nous manifestons notre intérêt. Pendant de nombreuses années, nous ne regardions pas plus au sud que les États-Unis, pour ce qui est de nos principaux efforts commerciaux. Il n'y avait que peu d'échanges avec l'Amérique latine. Ce nouvel accord montre certainement le sérieux des efforts canadiens pour trouver des débouchés sur le marché latino-américain.

En Amérique du Sud, le Brésil est encore notre principal partenaire commercial. J'ai hâte de m'entretenir avec le président Cardosa et le ministre des Affaires étrangères et du Commerce, M. Lampraya, de ce que nous pouvons faire pour améliorer les relations entre le Canada et le MERCOSUR, et plus particulièrement de la zone de libre-échange des Amériques. Nous faisons partie de cet accord et nous discuterons le mois prochain avec le Brésil des progrès que nous pouvons faire d'ici l'an 2005.

Le MERCOSUR est une entité de plus en plus forte et de plus en plus importante dans le cône sud de l'Amérique latine. Le moment est bien choisi pour engager une discussion entre les pays membres de l'ALÉNA et du MERCOSUR au sujet de mesures qui favoriseront le commerce.

Le sénateur Grafstein: La question d'ordre tactique porte sur les règles d'origine. Pourriez-vous nous expliquer ce que doit faire un producteur canadien qui utilise un mélange de produits américains et canadiens et qui veut maintenant exporter ces mêmes produits au Chili. Que doit-il faire, comment cela fonctionne-t-il?

M. Christie: Cette question était l'une des principales préoccupations des négociateurs canadiens lors de nos discussions avec le Chili. Ce n'est pas un problème pour les produits à base de matières premières, ni pour les produits agricoles, puisque le Chili et le Canada respectent les règles d'origine de l'ALÉNA, parce que dans une large mesure, leur économie dépend des ressources naturelles et de l'agriculture.

Dans certains secteurs manufacturiers, toutefois, nous dépendons des intrants importés dans une plus large mesure que la moyenne de l'OCDE. C'est certainement le cas pour la machinerie et l'équipement, des secteurs où nous dépendons beaucoup de la production en provenance des États-Unis.

Les règles d'origine de l'ALÉNA pour ces secteurs sont fondées sur un contenu régional de 50 p. 100 ou 60 p. 100, en général, selon les modes de calcul. Dans certains cas, ces pourcentages seront un jour portés à 62,5 p. 100. Ils seront négociés en fonction des caractéristiques de l'économie des trois pays membres de l'ALÉNA et de leur évolution à moyen terme, d'après les négociateurs.

Comme l'industrie manufacturière canadienne dépend beaucoup des intrants importés, la simple application de ces pourcentages dans le cadre de l'accord Canada-Chili ferait en sorte qu'après l'élimination des droits de 11 p. 100 pour la machinerie destinée à l'exploitation minière, par exemple, cette machinerie n'aurait pu avoir accès au marché chilien en franchise à cause du pourcentage relativement élevé de contenu régional. Dans les négociations relatives à ces produits, nous avons fait baisser de moitié environ le pourcentage de contenu régional.

Le Chili aurait pu accepter le contenu mexicain et américain comme s'il s'agissait de contenu canadien mais ils auraient alors pu dire qu'étant donné leurs accords de libre-échange avec MERCOSUR, ils voudraient que l'on considère les intrants argentins et brésiliens comme s'ils étaient chiliens. Pour deux raisons, nous avons décidé de refuser cette solution. Tout d'abord, nous estimions que cela compliquerait énormément l'accession éventuelle du Chili à l'ALÉNA, lorsqu'il s'agirait de déterminer dans un contexte nord-américain ce qu'on ferait du contenu en provenance du MERCOSUR, pour ce qui est du respect des règles d'origine. En outre, lorsque nous avons consulté les industries concernées, il était clair que cette option n'avait pas leur faveur. Elles préféraient nettement que l'on baisse le pourcentage de contenu régional. Elles ont des mécanismes pour retracer l'origine des produits qui pourront s'adapter assez facilement lorsque les plages de pourcentage passeront de 50-60 p. 100 à 25-30 p. 100. Voilà comment nous avons réglé le problème lors de ces négociations.

Le sénateur Grafstein: Pour les producteurs canadiens, sera-t-il très difficile d'adapter au marché chilien ces procédés de fabrication de produits à valeur ajoutée?

M. Christie: Ils n'auront pas du tout à modifier leur produit. Si vous fabriquez des outils de forage et qu'il fallait 50 p. 100 de contenu canadien selon une formule de l'ALÉNA, le chiffre est maintenant de 25 p. 100. Comme ils savent sans doute quel est le contenu canadien, il n'y a pas de problème. Il ne sera pas nécessaire d'avoir deux chaînes de fabrication.

Le président: J'aimerais poser une question au ministre au sujet des Antilles, avant qu'il nous quitte. Lors des discussions relatives à l'ALÉNA, on nous a dit qu'on risquait de laisser de côté nos vieux amis des Antilles. Nous nous tournions vers le sud sans penser à eux comme il se devait.

Peut-on dire la même chose maintenant? Est-ce qu'on tient suffisamment compte de nos vieux amis de certains pays des Caraïbes?

M. Eggleton: Oui. L'an dernier, j'ai participé à la première rencontre des ministres du Commerce dans le cadre de la zone de libre-échange des Amériques. Nous avons reçu des rapports de divers sous-comités. Je pense qu'il y avait 11 sous-comités à l'époque, et il y en a un peu plus maintenant.

Le Canada a bien manifesté son intention de veiller à ce que les pays des Antilles soient pris en compte plutôt qu'oubliés et qu'ils reçoivent l'aide nécessaire pour faire partie de l'accord, puisque ces pays ont moins de ressources. Pour n'oublier personne, cet accord comprend aussi les pays de l'Amérique centrale.

Nous avons depuis longtemps une relation très cordiale avec les pays des Caraïbes membres du Commonwealth. Nous ne l'oublierons pas. Nous continuerons de traiter avec eux et de nous assurer qu'ils seront intégrés à cet accord.

Le président: Si votre ministère a des statistiques relatives aux importations des vieux pays des Caraïbes membres du Commonwealth, le comité apprécierait que vous les lui fassiez parvenir afin que nous puissions déterminer si des exportations comme les bananes, par exemple, viennent encore de ces îles, plutôt que des continents.

M. Eggleton: Mes commentaires ne se rapportaient pas particulièrement aux importations ou aux exportations. Je parlais de l'accord futur sur la zone de libre-échange des Amériques, dont nous devons nous assurer qu'ils feront partie. Je serai ravi de vous fournir les renseignements voulus.

Le sénateur Stollery: Comme vous le savez, je suis contre l'inclusion du Chili dans l'accord de libre-échange. J'en ai d'ailleurs parlé au Sénat jeudi.

J'estime qu'un libre-échange hémisphérique n'est qu'un projet naïf qui n'aboutira pas. Mais c'est une autre histoire. Il y a beaucoup de raisons à cela dont je ne vous parlerai pas aujourd'hui.

Ce qui m'inquiète au sujet de l'accord de libre-échange avec le Chili, monsieur le ministre, c'est que lorsqu'on parle de niveau de vie de la population, celui qui m'intéresse, c'est le niveau de vie des Canadiens. J'examinais les chiffres pour Toronto et je voyais que les emplois disparaissaient depuis quelques années. D'après le Economics Department de la ville de Toronto, et non de l'agglomération torontoise, on aurait perdu 30 000 emplois. Comparativement au reste de l'Ontario, la ville de Toronto a un faible taux de chômage.

Mes critiques ne s'adressent pas particulièrement au Chili. C'est que les mouvements internationaux de capitaux semblent priver de leur emploi beaucoup de gens des pays industrialisés, dont le Canada. Nous avons d'énormes pertes d'emplois au Canada.

Cet accord facilitera-t-il -- il est possible que non -- le mouvement de capital du Canada vers le Chili, qui n'est pas un pays du tiers monde, mais presque? Cet accord facilitera-t-il la sortie de capitaux du Canada, de telle sorte qu'une entreprise canadienne puisse menacer ses employés de déménager au Chili s'ils n'acceptent pas certaines concessions ou des réductions de salaire, comme on l'a vu dans bien d'autres pays? Cet accord accélérera-t-il ou freinera-t-il le mouvement de capitaux? Comment contribuera-t-il à la situation de l'emploi au Canada?

M. Eggleton: Vous avez d'abord parlé de niveau de vie. Si les Canadiens veulent conserver leur niveau de vie, nous devons exporter; nous ne saurions conserver ce niveau de vie seuls, étant donné la taille de notre économie. Les Canadiens sont de plus en plus nombreux à le comprendre. Nos exportations représentent maintenant 40 p. 100 de notre économie. Plus du tiers des emplois au Canada dépendent des exportations.

Le sénateur Stollery: La demande au Canada a été érodée au point où nous dépendons maintenant des exportations pour soutenir notre économie.

M. Eggleton: Nous pourrions en discuter mais nous avons un niveau de vie élevé dans notre pays et une population peu nombreuse et dispersée, en comparaison des autres pays du G-7. Nos affaires vont relativement bien et si nous voulons que cela continue, il nous faudra accroître notre accès aux marchés extérieurs.

Diverses raisons ont causé les pertes d'emploi. Dans les premières années de l'ALÉNA, des pertes d'emploi ont résulté des adaptations en cours. Il y a maintenant des gains substantiels au niveau des emplois dans le cadre de l'ALÉNA ainsi qu'un meilleur accès au marché, étant donné le ralentissement économique au Canada. Les exportations ont dominé l'économie ces dernières années.

Les transformations technologiques ont en partie causé les pertes d'emplois, de même que la réduction des effectifs au sein des entreprises et du gouvernement. On ne peut pas attribuer toutes les pertes d'emploi à l'Accord de libre-échange ou à l'ALÉNA.

Si cet accord n'entrait pas en vigueur, des contrats ontariens seraient perdus. Northern Telecom a conclu une entente en fonction d'un écart de droits de 11 p. 100, à condition d'une entrée en vigueur le 2 juin et d'une livraison ultérieure de la marchandise. Nous perdrions des contrats et des emplois en Ontario si ce projet de loi n'était pas adopté.

Les principales immobilisations actuelles au Chili se font dans le secteur minier, grâce à la compétence du Canada dans ce domaine. Ce capital contribuera à l'embauche de Canadiens, étant donné les contrats de service et de matériel. L'exportation de biens et de services associés à l'industrie minière fait partie de nos principales ventes, pour ce qui est des exportations au Chili. Cet accord va également mieux protéger ces investissements au Chili.

Nous gagnons sur bien des tableaux en essayant de maintenir notre niveau de vie, grâce à ce genre d'accord de libre-échange.

Le sénateur Carney: Il est très agréable pour une conservatrice d'entendre un ministre libéral chanter les louanges du libre-échange.

M. Eggleton: Nous le faisions bien avant les conservateurs, rappelez-vous Laurier.

Le sénateur De Bané: Tout d'abord, au sujet des services financiers, est-il vrai que nos firmes canadiennes ne pourront profiter du libre-échange avec le Chili? Deuxièmement, les investisseurs doivent déposer 30 p. 100 des entrées de capitaux à titre de réserve. Troisièmement, traditionnellement, les céréales et les grains sont parmi nos principales exportations vers le Chili et, si j'ai bien compris, il y aura en pratique un autre prélèvement gouvernemental sur nos grains et nos céréales.

M. Eggleton: Je vais vous donner d'abord une réponse d'ordre général puis M. Christie vous fournira des précisions.

Au cours des quatre prochains mois, nous négocierons un accord relativement aux services financiers.

Le sénateur De Bané: Pour le moment, ils ne sont pas inclus.

M. Eggleton: Non pas pour le moment, mais ils le sont dans ce sens que les dispositions existent pour de plus amples discussions et négociations.

Pour ce qui est de l'obligation de déposer 30 p. 100 des entrées de capitaux à titre de réserve, dans cette entente, nous avons pu imposer un gel sur ce qu'ils appellent le ENSEAD. Ce gel signifiera que nous ne serons pas confrontés à des mesures plus restrictives. Ils font cela pour protéger leur devise et leurs entrées de capitaux.

Nous obtenons l'accès en franchise sur notre produit le plus vendu, c'est-à-dire le blé dur. M. Christie vous parlera des détails de cette disposition ainsi que d'autres.

Le président: Sénateur De Bané, l'adjoint du ministre répondra à vos questions. Nous y reviendrons avec les fonctionnaires lorsque le ministre nous aura quittés. Je donne maintenant la parole à le sénateur Andreychuk pendant que le ministre est encore là.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur le ministre, je comprends pourquoi la Banque centrale du Chili exige que 40 p. 100 des investissements soient déposés en réserve à la Banque centrale pendant un an. Selon cette entente, ce pourcentage est réduit à 30 p. 100 en notre faveur.

Bien qu'on puisse se réjouir de cette disposition, certaines petites entreprises ont exprimé des inquiétudes vis-à-vis de cette imposition qu'elles ont du mal à assumer. Je comprends pourquoi le Chili a fait ce qu'il a fait en réaction à la situation mexicaine, mais est-ce que le Canada a songé à fournir un appui aux petites entreprises qui investissent au Chili étant donné cette restriction? Deux ans, c'est très long pour une petite entreprise.

M. Eggleton: La loi prévoit effectivement une réserve de 40 p. 100, mais en pratique cela a toujours été 30 p. 100. L'entente garantira que nous ne sommes pas dans une situation pire que nous ne le sommes maintenant, bien que d'autres pays pourraient très bien l'être si la Banque centrale exerce pleinement ses droits selon l'autorité législative. Je vais permettre à M. Christie de répondre plus longuement.

Le sénateur Andreychuk: La position de votre gouvernement, avant que vous ne preniez le pouvoir, était que les dispositions touchant la main-d'oeuvre et l'environnement devraient être intégrées dans toute entente de libre-échange, mais ensuite des ententes auxiliaires ont été signées. Je ne vois du tout où ces ententes ont été efficaces. Je comprends que vous avez réalisé certains progrès dans d'autres domaines, mais il me semble qu'il s'agit là de décisions après coup dans des domaines très importants.

M. Eggleton: Nous avons réalisé de très importants progrès. Sans cette entente de libre-échange, nous n'aurions aucun moyen d'influencer le gouvernement chilien sur ces questions. Nous pouvons maintenant surveiller ce qu'ils font, et nous assurer qu'ils respectent leur loi. Ce qui est encore plus important c'est que nous avons l'occasion de leur parler, de les influencer, et de leur offrir une assistance technique lorsque nous pouvons les aider à améliorer leurs lois. Nous pouvons maintenant jouer un rôle important dans l'amélioration de leurs lois sur le travail et sur l'environnement. Nous avons également obtenu des mesures de bonne foi de leur part qui nous montrent qu'ils veulent vraiment procéder à des réformes.

Il est évident qu'ils veulent améliorer leur économie et leur condition, se transformant d'un pays en voie de développement en un pays industrialisé. Nous avons une excellente occasion de leur montrer comment nous faisons les choses ici et d'influencer le progrès de leurs lois dans ces domaines.

Le sénateur Andreychuk: Pas plus tard qu'hier, certaines entreprises m'ont dit que jamais en mille ans les mesures antidumping ne seront incluses dans l'ALÉNA. Vous semblez croire que si vous procédez de façon bilatérale et l'éliminez, les pressions collectives qui s'exerceront sur les États-Unis finiront par triompher. Comment pouvez-vous en venir à cette conclusion?

M. Eggleton: Cela ne se produira pas à court terme; cependant, à long terme, des pays en plus grand nombre songent aux mesures d'exemption antidumping, plus nous serons dans une position de présenter cela aux Américains. C'est notre but ultime. S'il y a d'autres partenaires de libre-échange dans l'ALÉNA -- nous espérons que ce sera le Chili et le Mexique -- qui participent à ces pressions, et nous aurons une meilleure chance de démontrer comment cela peut fonctionner, de servir d'exemple, et, espérons-le, de travailler à des réformes avec les États-Unis. Nous n'obtiendrons peut-être pas une mesure d'exemption antidumping de la part des États-Unis pendant très longtemps, mais nous pourrons peut-être obtenir des réformes d'une autre façon. Nous avons l'intention de continuer à insister là-dessus.

Le président: Je commence à penser que vous êtes comme Cendrillon et qu'à un moment donné vous allez disparaître. Je vous remercie d'être venu, monsieur le ministre. Nous tenons pour acquis que vos fonctionnaires resteront parmi nous.

M. Eggleton: Monsieur Christie restera pour répondre en plus grand détail aux questions des sénateurs.

Le sénateur Corbin: Monsieur le président, allons-nous convoquer d'autres témoins à part les fonctionnaires aujourd'hui ou à un autre moment? Autrement dit, quels sont nos projets?

Le président: Aucun témoin n'a demandé à comparaître devant nous. Vous avez déjà reçu pas mal de commentaires par télécopieur et autrement. Nous les avons tous reçus d'ailleurs.

Le sénateur Stollery: Il faut faire rapport du projet de loi assez rapidement, n'est-ce-pas?

Le président: Nous allons étudier le projet de loi comme il faut.

Le sénateur Carney: Est-ce qu'il y a des témoins qu'on devrait convoquer, selon vous?

Le sénateur Corbin: Non. Je posais simplement la question.

Le sénateur De Bané: Ma première question porte sur les institutions financières. Ai-je raison de dire que le Chili est l'un des rares pays où les institutions financières canadiennes sont déjà très actives?

M. Christie: La question portait également sur le traitement des services financiers dans l'accord.

Le sénateur De Bané: Oui.

M. Christie: Les banques canadiennes sont devenues de plus en plus actives sur plusieurs marchés étrangers, y compris aux États-Unis, depuis quelques années. Je ne voudrais pas dire que le Chili est le seul marché où les banques sont devenues des joueurs relativement importants.

Deux banques canadiennes -- la Banque de la Nouvelle-Écosse et la Banque Nationale -- ont des avoirs assez importants dans les banques chiliennes. Au moins trois autres banques ont des bureaux de représentation au Chili. Il s'agit d'une présence importante.

Lorsque les négociations ont commencé, les autorités chiliennes nous ont demandé de ne pas procéder à des négociations en règle sur les services financiers, en partie parce que ces négociations sont toujours en cours sous l'égide de l'OMC, et en partie parce que le Chili vient de modifier sa Loi sur les banques et veut avoir un peu de temps pour voir comment elle fonctionne en pratique avant de prendre la décision finale, soit d'ouvrir complètement son marché des services financiers.

Compte tenu de l'intérêt que les institutions financières canadiennes portent au marché chilien, nous avons pris deux mesures intérimaires qui sont utiles pour les banques canadiennes. D'abord, pour ce qui est des investissements, il a été prévu que les banques canadiennes peuvent transférer des capitaux de placements au Chili. Deuxièmement, on a prévu une protection contre la possibilité d'expropriation et une indemnisation raisonnable pour le secteur des services financiers.

Nous ne pensons pas que le Chili, étant donné sa politique actuelle envisage de faire des expropriations, mais à bien des égards, l'accord sert de politique d'assurance.

Le sénateur De Bané: Mais vous devez certainement avoir des traités avec beaucoup de pays, qui protègent le Canada contre les expropriations.

M. Christie: Nous n'en avions pas avec le Chili.

Le sénateur De Bané: Le premier ministre du Liban était ici la semaine dernière. Nous avons signé un accord avec lui. Nous signons ce genre de traité avec beaucoup de pays. Il ne doit pas être nécessaire de conclure une entente de libre-échange pour se protéger contre l'expropriation.

M. Christie: Non, mais nous avons jugé que c'est un élément utile dans un accord beaucoup plus vaste, et l'association des banquiers était d'accord avec nous.

L'accord contient également un engagement de la part du gouvernement du Chili selon lequel, si, dans les 15 mois qui suivent l'entrée en vigueur de l'accord, les négociations concernant l'occasion du Chili à l'ALÉNA n'ont pas commencé, le Chili entamera des négociations bilatérales en vertu de cet accord pour mettre au point des dispositions en règle concernant les services financiers semblables à celles prévues au chapitre 14 de l'ALÉNA. Ces négociations seront terminées à la fin d'avril 1999 au plus tard.

Nous avons donc un délai qui nous permet de voir ce qui se passe du côté de l'accession à l'ALÉNA. Si rien ne se passe, nous avons la garantie que le Chili reviendra à la table de négociations pour rédiger en détail cette partie de l'accord qui ressemble à l'ALÉNA.

Le sénateur De Bané: Parlez-nous des entrées des capitaux pendant une période de deux ans.

M. Christie: Nous avons négocié un gel sur les entrées de capitaux. Il est important de se concentrer sur la question des transferts de capitaux, mais également sur les dispositions globales du chapitre sur les investissements.

En général, le Chili a accepté un niveau de discipline extrêmement élevé. Il a accepté tous les aspects non discriminatoires de l'ALÉNA, les dispositions concernant l'expropriation et l'indemnisation, et les interdictions sur les prescriptions de résultats que nous avons acceptées en vertu de l'ALÉNA, et pour la première fois dans un traité de ce genre, le Chili a accepté un mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et l'État. Comme tous les pays de l'ALÉNA, le Chili a cherché et a obtenu un nombre limité d'exceptions à ces disciplines générales.

Je ne veux pas banaliser cette observation en faisant allusion au nombre de pages, mais il faut reconnaître que dans une grande mesure, le nombre de pages reflète le fond de l'accord. Le Chili a obtenu environ la moitié du nombre d'exceptions que le Canada a seulement au niveau fédéral. Cela témoigne et de la qualité de régime des investissements et de la possibilité, lors des négociations, de faire respecter par le Chili un niveau de discipline assez élevé.

Le Chili est un État unitaire, et non pas fédéral. Dans le cas du Canada, une exception générique englobe plus de 350 exceptions provinciales à cet accord, tout comme dans le cas de l'ALÉNA. Le Chili n'a pas de disposition de ce genre. Puisque le Chili est un État unitaire, l'accord ne peut pas contenir de surprises. Les exceptions pour certains secteurs ou pour certaines industries sont beaucoup moins nombreuses que dans le cas du Mexique ou des États-Unis ou même du Canada.

Un domaine où nous avons toujours une exception en vertu de cet accord, comme en vertu de l'ALÉNA est celui de l'examen des investissements. En vertu de l'ALÉNA, nous pouvons toujours examiner les investissements importants pour déterminer le bénéfice net pour le Canada. Le Chili a accepté de ne pas faire cela en vertu de cet accord. Il a renoncé à son droit d'examiner les investissements canadiens, mais pas forcément ceux provenant d'ailleurs.

Un domaine où le Chili se sentait extrêmement vulnérable, en partie à cause de la crise du peso au Mexique, est celui des entrées de capitaux à court terme ou des mouvements importants de capitaux dans un marché assez limité. Nous estimons que le Chili s'oriente dans une voie où il n'aurait pas besoin de ce genre de contrôle, et nous estimons que leurs craintes étaient un peu exagérées. Néanmoins, c'était la question la plus difficile à résoudre pour les Chiliens lors des négociations.

Ils ont accepté de geler la pratique actuelle. La Banque centrale, qui a énormément d'autorité pour imposer des contrôles sur les capitaux, qu'il s'agisse d'investissements de portefeuille ou de capitaux d'investissements directs qui entrent ou sortent du pays, a accepté de geler la pratique actuelle. La règle des 30 p. 100 ou 40 p. 100 prévue dans les règlements de la Banque centrale peut être appliquée avec eux à jamais, si la banque le veut. Elle a le pouvoir absolu de prendre la décision.

Selon l'accord, le Chili s'est engagé à continuer de suivre la pratique actuelle, qui ne vise que les capitaux de portefeuille. Il s'agit donc des mouvements à court terme de quantités relativement petites d'actions à la bourse, ou de crédits, de prêts étrangers. Si les capitaux arrivent sous forme d'un transfert direct au sein d'une compagnie, la limite de 30 p. 100 ne s'applique pas et ne peut pas s'appliquer à l'avenir, s'il s'agit d'un investisseur canadien tel que défini par l'accord. La Banque centrale se concentre complètement sur les capitaux qui arrivent sous forme de crédits et d'investissements de portefeuille à court terme. Il est important que nous ayons obtenu un engagement que la Banque centrale du Chili ne pourra pas sous un gouvernement différent, imposer rapidement beaucoup d'autres restrictions, si elle le voulait.

Il s'agit d'un accord intérimaire. Je peux assurer aux membres du comité que la question sera réexaminée lorsque nous reprendrons les négociations sur l'accession du Chili à l'ALÉNA.

Le président: Vous dites que la règle des 30 p. 100 ne s'applique que dans le cas des prêts et des investissements de portefeuille. Supposons que je sois riche tout d'un coup, et que je veuille investir 100 millions de dollars en placements de portefeuille au Chili. Est-ce que j'aurais à faire un dépôt de 30 millions de dollars dans la Banque centrale et que seulement 70 p. 100 du total serait utilisé pour acheter des actions?

M. Christie: Tout dépendrait, monsieur le président, de la quantité d'actions que vous vouliez acheter dans une compagnie donnée. Mettons que vous vouliez acheter 40 p. 100 des actions d'une société donnée, et que vous vouliez y dépenser 50 millions de dollars de vos 100 millions de dollars. Ce ne serait pas un placement de portefeuille. Selon la définition de l'OCDE, ce serait un investissement direct. Vous n'auriez pas à respecter la règle des 30 p. 100.

Il sera ainsi plus difficile pour les compagnies de fonds communs de placement d'acheter des blocs d'actions relativement petits dans le cas d'investissements à court terme. Elles seraient obligées de payer les 30 p. 100. Une grosse société d'exploitation minière ou tout autre investisseur important n'a pas de problèmes à investir ses propres fonds.

Le président: Est-ce qu'une société de fonds communs de placement aurait à déposer trois dixièmes de son investissement pendant une période de deux ans dans la Banque centrale?

M. Christie: À l'heure actuelle, la période est d'un an à la Banque centrale.

Le président: Est-ce pour empêcher les capitaux fébriles de quitter le pays rapidement?

M. Christie: C'est exact.

Le sénateur Carney: Le Canada est une source importante de financement des exploitations minières. Si nous nous intéressons beaucoup au Chili, c'est parce que nous faisons beaucoup d'exploration et d'exploitation minières. Les fonds sont mobilisés à Vancouver et ailleurs pour ces projets.

Y a-t-il une disposition dans cet accord qui rend plus difficile la mobilisation de capitaux au Canada pour investissement dans les projets miniers au Chili?

M. Christie: La réponse est certainement non, il n'y a rien dans cet accord qui rendrait cela plus difficile. En effet, je dirais que puisque l'investisseur jouit d'une plus grande sécurité, les règles du jeu ne vont pas empirer. Je répète que selon la pratique actuelle, qui a été gelée, le Chili ne peut pas prendre 30 p. 100, 40 p. 100 ou 50 p. 100 de l'investissement et le geler pendant dix, cinq ou six ans. Dans une certaine mesure, l'accord facilite la mobilisation de ce genre de capitaux parce qu'il prévoit une plus grande sécurité.

S'il s'agit des fonds de la société, la règle des 30 p. 100 ne s'applique pas. En vertu de l'accord, la Banque centrale ne pourra pas appliquer cette règle à l'avenir.

Le sénateur Carney: Si j'ai posé la question, c'est parce qu'après l'affaire Bre-X, le secteur de mobilisation des fonds au Canada est devenu assez nerveux au sujet des obstacles que les pays étrangers peuvent imposer.

Le sénateur De Bané: Je crois savoir qu'on a imposé un système de fourchette de prix pour les céréales. Y a-t-il beaucoup de pays qui imposent ce genre de prélèvement à l'importation sur les céréales que nous exportons?

M. Christie: Un certain nombre de pays le font. L'Union européenne utilise un système un peu différent. Je devrais préciser que le système de fourchette de prix qui existe au Chili ne s'applique qu'à un certain nombre de céréales et de produits connexes. Par exemple, il s'applique au blé du printemps qui est un produit pour lequel il y a une élimination progressive sur 17 ans du tarif douanier. Le système ne s'applique pas au blé dur et ne pourra pas s'y appliquer à l'avenir, selon cet accord. Le système ne s'applique pas à l'orge ni au malt.

Nous exportons beaucoup de produits pour lesquels le système de fourchette de prix ne s'applique pas, et en vertu de cet accord, le gouvernement du Chili ne pourra pas ajouter ces produits à la liste.

De plus, pour ce qui est du blé de mouture, le seul produit pour lequel la période d'élimination progressive du tarif douanier est relativement longue, j'insiste pour dire que la position concurrentielle du Canada pour ce qui est de la plupart des produits des céréales, est maintenant meilleure que celle obtenue par l'Argentine et le Brésil lors de leurs négociations bilatérales. Notre position est certainement meilleure que celle obtenue par les États-Unis, qui n'ont pas pu négocier jusqu'ici. Pour ce qui est du blé de mouture, notre situation ne s'est pas détériorée. L'élimination progressive du tarif douanier sur 17 ans que nous avons obtenu pour le blé de mouture est exactement le même que l'Argentine a obtenu. Notre position concurrentielle par rapport à un grand concurrent régional n'a pas changé.

Une disposition de l'accord prévoit clairement que si, à l'avenir, le Chili devait offrir un accès plus rapide aux pays du MERCOSUR dans le cas du blé de mouture, et d'autres produits, ou s'il devait jamais offrir un meilleur accès aux États-Unis, le Canada recevrait automatiquement le même traitement. Il ne serait pas nécessaire de renégocier l'accord.

Nous avons obtenu un bien meilleur accès pour la plupart des produits agricoles même si les progrès ne correspondent pas tout à fait à ce qu'on avait prévu. Il n'y a pas eu érosion dans l'avantage concurrentiel et nous avons une garantie à toute épreuve qui nous assure que si par hasard un de nos concurrents principaux, les États-Unis ou l'Argentine, reçoit un meilleur traitement, nous l'obtiendrons aussi.

Le sénateur De Bané: Qu'est-ce que nous avons obtenu en échange de cette concession concernant l'élimination progressive du tarif douanier sur une période de 17 ans? Avons-nous reçu quelque chose en échange de cette mesure protectionniste?

M. Christie: Sauf votre respect, je n'aime pas faire de liens directs mais il se trouve que le Canada cherche à protéger un certain nombre de produits vulnérables du côté de l'importation et ceux-ci ont été entièrement respectés dans cet accord. Par exemple, on n'a pas éliminé les tarifs hors quota pour les produits soumis à la gestion de l'offre, conformément à la disposition de l'ALÉNA. Les tarifs hors quota sur les produits laitiers, les oeufs et la volaille sont relativement élevés. Ils n'ont pas été visés par cet accord, c'est-à-dire qu'on a tenu compte de notre souci en matière d'importation.

Dans le domaine des vêtements, des textiles et des chaussures, des secteurs où les importations sont vulnérables, l'élimination progressive du tarif est étalée sur une période de six ans, la plus longue période prévue dans cet accord. Les règles d'origine sont les règles adoptées dans l'ALÉNA, elles n'ont pas été modifiées. Elles sont plutôt strictes et il ne sera pas facile pour les Chiliens, qui de toute façon ne sont pas des gros exportateurs de ces produits, de les contourner.

Dans plusieurs secteurs où nous avons des susceptibilités traditionnelles, à cause des intérêts de certaines provinces ou de certains producteurs, nous avons respecté ces susceptibilités.

Le sénateur Corbin: J'ai jeté un coup d'oeil aux consultations officielles qui ont eu lieu en 1996 et nulle part je ne vois les pêches. Je vois l'agriculture, les aliments en général, les boissons. Avez-vous consulté le secteur de la pêche au Canada, surtout les salmoniculteurs de la baie de Fundy? Comme vous le savez, ils sont très préoccupés.

M. Christie: Pour ce qui est des exportations, nous avons consulté le secteur des pêches au cours des négociations. Le Chili va supprimer tous les droits qui restent sur tous les poissons et dérivés de poisson dès que l'accord entrera en vigueur.

Le sénateur Corbin: Quelle quantité de poissons vendons-nous au Chili?

M. Christie: Pas beaucoup parce que c'est un pays qui est lui-même gros producteur de poissons.

Le sénateur Corbin: Quelle quantité de poisson achetons-nous au Chili?

M. Christie: Pas beaucoup.

Le sénateur Corbin: Pour quelle quantité de poisson faisons-nous concurrence au Chili sur le marché américain?

M. Christie: Pour ce qui est du saumon entier et les filets de saumon, c'est une quantité considérable sur le marché de la Nouvelle-Angleterre.

Le sénateur Corbin: Les producteurs canadiens ne sont-ils pas désavantagés par rapport aux Chiliens sur le marché américain?

M. Christie: Les producteurs chiliens prétendent que nous avons un avantage énorme pour ce qui est des frais de transport à cause de notre proximité. Quoi qu'il en soit, cet accord ne porte pas sur l'accès du Chili au marché américain où ces produits du saumon entrent en franchise.

Le sénateur Corbin: Je le comprends, mais il aura néanmoins une incidence sur les perspectives économiques de tous les poissons exportés du Canada, surtout le saumon. Ça doit vous préoccuper.

Il est intéressant de constater que les pisciculteurs qui font de l'élevage maintenant dans la baie de Fundy investissent ou ont déjà investi au Chili de façon à pouvoir faire une concurrence plus efficace contre leurs propres concurrents canadiens sur le marché américain.

Effectivement, il s'agit du libre-échange, mais je partage certains des préoccupations exprimées par mon collègue, le sénateur Stollery. Les affaires sont si bonnes et il y a tellement d'occasions que des emplois vont disparaître au Canada. D'après mes lectures, il y a lieu de beaucoup s'inquiéter. Nous ne pouvons pas écarter certains des arguments du sénateur Stollery. C'est vrai pour le poisson et c'est vrai pour d'autres produits.

La situation globale est peut-être prometteuse mais certains secteurs du pays subissent des conséquences néfastes, cela ne fait pas de doute. Il serait bon que quelqu'un l'admette franchement. On semble escamoter la question, si je puis le dire. Cela m'inquiète en tant que Canadien, d'autant plus que je viens d'une région de l'est du pays où des gens comme Frank McKenna sont obligés de se braquer et d'aller quémander des investissements. Les petits avantages et débouchés que nous avons maintenant nous seront retirés.

Voilà ce que représente le Chili pour certaines personnes dans les provinces atlantiques. Vous n'avez peut-être pas de réponse mais au moins j'ai exprimé publiquement mes préoccupations à ce sujet.

M. Christie: Vous avez plaidé votre cause avec éloquence et nous avons discuté de cette question en détail avec les pêcheurs de saumon et les associations du Nouveau-Brunswick en particulier. Nous avons également eu des discussions approfondies avec les délégués commerciaux du gouvernement du Nouveau-Brunswick qui nous ont également signalé leurs préoccupations à ce sujet. Nous avons appris que le produit canadien est connu pour sa qualité. Il a également un avantage concurrentiel sur le plan du transport quand il s'agit du marché de la Nouvelle-Angleterre.

S'il y avait eu un produit vulnérable qui aurait été importé sur le marché canadien -- et après tout cet accord ne traite que de l'accès aux marchés canadien et chilien -- et si des instances avaient été présentées pour demander qu'on accorde une protection supplémentaire au marché canadien, ne serait-ce que pour une période de transition, nous aurions examiné cette possibilité. Mais ce n'était pas là la préoccupation; elle concernait plutôt les conditions de concurrence sur le marché de la Nouvelle-Angleterre.

Nous avons un produit dont la bonne qualité est reconnue. Il y a d'autres producteurs qui se lancent en affaires et qui nous font de la concurrence sur d'autres marchés, alors la seule chose que nous pouvons faire c'est d'affronter cette concurrence. Nous avons réussi à le faire dans d'autres secteurs et il n'y a rien qui nous empêche de le faire ici dans celui-ci.

Le saumon au Canada est déjà en franchise. Il s'agit d'un tarif établi il y a des années en vertu du GATT et qui n'était pas sujet à changement lors de ces négociations-ci, qui concernaient l'accès au marché canadien des produits chiliens et vice versa. La concurrence commerciale entre nos deux pays sur des marchés tiers ne faisait pas partie des négociations que j'ai menées et ne relevait pas de notre compétence.

Le sénateur Corbin: Je le comprends, mais en tant que politiques, nous devons quand même en tenir compte.

À propos, nous avons eu un différend avec l'Australie concernant le saumon canadien. C'était une question technique. Savez-vous si le problème a été résolu?

M. Christie: Je ne suis pas au courant.

Je vais demander à Dan Daley, qui était notre conseiller juridique lors des négociations, de vous répondre.

M. Dan Daley, Ministère des Affaires étrangères et Commerce international: La question de l'accès canadien au marché australien dans le cas de saumon non cuit fait actuellement l'objet d'une procédure de règlement des différends à l'Organisation mondiale du commerce. Un groupe spécial va entendre les arguments du Canada et de l'Australie concernant la compatibilité des mesures australiennes par rapport aux obligations de ce pays en vertu de l'accord sur l'Organisation mondiale du commerce.

Le sénateur Andreychuk: Étant donné l'heure tardive et tenant compte du fait que pour être réaliste nous n'avons pas la possibilité de modifier ou de renégocier l'accord, il me semble que nous avons commencé tout ce processus en vue d'un accord de libre-échange pour des raisons particulières qui ont été bien énoncées et documentées et de l'idée que nous nous faisons du résultat du libre-échange.

Nous nous sommes ensuite retrouvés avec un ALÉNA qui ne correspondait pas tout à fait à nos intentions, d'après mes souvenirs. Le Mexique et les États-Unis étaient sur le point de conclure un accord et nous avons dû décider si nos intérêts étaient mieux servis par notre adhésion à cet accord ou non. En fin de compte, nous avons décidé de participer aux négociations.

J'aurais voulu que le ministre reste plus longtemps pour expliquer la situation. À priori, le gouvernement affiche une préférence pour les systèmes multilatéraux avec des règles bien précises, mais de plus en plus souvent, nous semblons conclure ces accords bilatéraux en précisant qu'ils seront compatibles avec l'OMC et l'ALÉNA. La raison que l'on donne pour justifier cet accord, c'est de nous implanter au Chili avant l'arrivée des Américains. On semble croire que si l'on peut inclure le Chili dans l'ALÉNA tout en ayant malgré tout cet accord bilatéral notre position sera renforcée et nous aurons une longueur d'avance.

J'ai l'impression que notre comportement a été dicté par notre réaction à l'expansion des Européens sans que nous ayons une stratégie en tête. Nous manquions des instruments nécessaires pour rassembler les données. Comment allez-vous déterminer que la procédure préférée n'est pas d'enfreindre la règle selon laquelle on cherche d'abord un accord multilatéral, en faveur d'un accord bilatéral? Comment allez-vous suivre la situation? Quels systèmes avez-vous en place?

M. Christie: Nous avons un ministère aux rouages bien huilés. De plus, il y a d'autres ministères qui suivent de près les détails concernant l'application d'accords commerciaux et les nouvelles questions qui se présentent.

Même s'il s'agit clairement d'un accord bilatéral, le gouvernement n'était pas d'avis qu'il violait de quelque manière que ce soit le principe fondamental de la politique commerciale canadienne qui reste essentiellement le multilatéralisme. Il y avait une difficulté d'ordre pratique, c'est-à-dire l'expansion régulière du nombre de secteurs et du nombre de pays qui participent à ce processus international, de telle sorte qu'il faut beaucoup de temps pour mener à terme les négociations commerciales internationales, compte tenu de tous les éléments en jeu.

Les dernières négociations ont pris 10 ans. En fait, à partir de la fin du Tokyo Round jusqu'à la fin de l'Uruguay Round, il s'est écoulé presque 15 ans avec d'excellents résultats en fin de compte. Entre-temps, deux défis se posent. D'abord, le fait qu'un pays pourrait essayer d'obtenir dans l'intervalle de meilleurs résultats dans certains domaines et deuxièmement, en exerçant des pressions sur d'autres intervenants peut-être réticents, on peut parfois accélérer le processus, parce qu'ils se rendent compte de la dynamique en cours et que faute d'accords régionaux ou préférablement multilatéraux, leurs exportateurs vont voir leur situation se dégrader.

L'Accord de libre-échange avec le Chili a réussi à démontrer le sérieux d'une politique commerciale canadienne indépendante dans cette région, puisque nous n'avons pas interrompu la négociation quand les États-Unis l'ont fait. Cela aide à créer certaines pressions aux États-Unis, où des exportateurs américains se plaignent du manque de coordination à Washington en voyant que les Canadiens ont réussi à obtenir le traitement accéléré et qu'ils viennent de perdre un contrat de 250 millions de dollars à cause de l'accord de libre-échange conclu par les Canadiens. Cela les incite donc à faire quelque chose.

Il vaut mieux envisager cette façon de procéder non pas comme une solution permanente, mais une mesure provisoire destinée à maintenir l'élan entre les principaux rounds. De cette façon, le système commercial peut continuer à faire des progrès. L'Accord de libre-échange Canada-Chili encourage ce genre de progrès. Si, accessoirement, certains de nos exportateurs obtiennent une longueur d'avance par rapport à leurs concurrents américains pendant quelques années, pourquoi pas?

Le sénateur Andreychuk: J'espère qu'un de ces jours, nous aurons la possibilité de confirmer ces résultats, plutôt que de simplement faire des conjectures à ce sujet.

D'après les renseignements que j'ai vus, tous les tarifs douaniers vont prendre fin immédiatement ou d'ici six ans. Pourtant, il s'agit de 17 ans pour le blé de mouture et pour d'autres tarifs, la période est de 5 à 10 ans. On crée l'impression qu'il y a un effet immédiat, mais c'est loin d'être le cas.

Je suppose, d'après vos commentaires, qu'une fois cette entente bilatérale adoptée, vous allez exercer des pressions pour que le Chili soit inclus dans l'ALÉNA. Quelle est la prochaine étape, et que fera-t-on pour inclure les pays de l'Amérique latine? Quelle est la stratégie du gouvernement canadien?

M. Christie: Avant de répondre à la question, j'aimerais faire un commentaire sur ce qui a été dit avant. C'est vrai que les tarifs sur le blé de mouture ne seront éliminés qu'après 17 ans. Mais si cette entente entre en vigueur le 2 juin, 1997, 75 p. 100 des produits canadiens exportés aujourd'hui auront immédiatement accès au marché chilien sans payer de douane, et presque tout le reste auront les mêmes privilèges dans les cinq ans qui suivent. La seule exception, c'est le blé de mouture.

Pour ce qui est de la stratégie à long terme, le ministre lui-même a clairement indiqué la semaine dernière que le gouvernement du Canada préfère aller de l'avant pour élargir l'ALÉNA. Avant que le projet ne réussisse, les États-Unis devront accélérer le processus et arriver à une entente entre l'administration et le Congrès. Le ministre a dit publiquement qu'à défaut de ces mesures et une telle entente il faudra déterminer ce qu'on fait entre temps. Je ne veux pas préjuger des résultats de cette discussion.

Le sénateur Andreychuk: Dans vos propres cahiers d'information sur le secteur agricole, vous dites que l'entente donne un meilleur accès au marché pour la plupart des produits agroalimentaires; à part le blé de mouture, le sucre et le boeuf, ces produits entreront en franchise, soit immédiatement, soit progressivement d'ici cinq à dix ans. Mais, pour une entreprise la différence entre cinq et dix ans est dramatique.

Je n'ai pas l'accord sous les yeux, mais il y a d'autres exemples pareils. Il est trompeur de dire que les choses se passent aussi vite; il faut être plus précis. Je ne m'inquiète pas pour les grands investisseurs, ou pour les entreprises qui font déjà surface. Je m'inquiète pour les entreprises qui voient les possibilités et qui ont rapidement besoin d'informations fiables.

Le président: Pourriez-vous nous faire parvenir quelques détails là-dessus, par écrit?

M. Christie: Bien sûr. Je sais que le ministère de l'Agriculture a une liste détaillée -- par produits -- de l'entrée en franchise de chaque produit avec les dates. Les deux produits clés qui continueront à payer des droits de douane pendant 10 ans ou plus -- à part le blé de mouture -- sont dans le groupe de viande rouge, le porc et le boeuf en particulier. Il est vrai, que les droits de douane seront progressivement éliminés sur une plus longue période, mais dans cette entente nous avons négocié, pour chacun de ces produits, des contingents tarifaires en franchise de plusieurs milliers de tonnes. Nous avons consulté les producteurs canadiens de viande de porc et de boeuf. En ce moment, nous en exportons très peu. Les nouveaux contingents tarifaires, qui seront en franchise dès le 2 juin 1997, offrent un accès immédiat à des nouveaux marchés pour le producteur de viande rouge. Même dans les cas où les droits de douane sont éliminés progressivement sur une période plus longue, nous avons souvent pu négocier des contingents tarifaires en franchise pour certains produits.

Le ministère de l'Agriculture a tous ces détails pour le secteur agricole, et nous pourrons bien sûr les faire parvenir au comité.

Le président: Si cela est possible, nous pourrions peut-être l'inclure dans le procès-verbal de notre réunion.

Le sénateur Andreychuk: Je ferai grâce au comité et aux témoins de la lecture d'un énoncé convaincant sur le blé de mouture, et pourquoi c'est toujours le blé de mouture qu'on semble ajouter à la fin. On a déjà assez dit sur le saumon, et peut-être cela suffit pour aujourd'hui.

Le président: Le sénateur Carney avait une question sur les échanges bilatéraux entre le Chili et le Canada. Elle aimerait savoir quels secteurs sont en train de croître. Vous pourriez peut-être mettre cette information sur papier, et elle figurerait dans le procès-verbal sous forme d'annexe.

M. Christie: Avec plaisir.

Le sénateur Grafstein: Les chiffres dans le communiqué de presse sont un peu embrouillants et je veux m'assurer d'avoir bien compris.

Soixante-quinze pour cent de tous nos tarifs seront réduits immédiatement, et 85 p. 100 des tarifs douaniers frappant les produits agricoles seront immédiatement réduits. Est-ce bien ça? Donc, pour clarifier les choses pour le public, pourriez-vous nous expliquer -- en pourcentages -- quels avantages sont accordés et quels avantages ne sont pas accordés? Commençons par l'ensemble des exportations, en pourcentages.

M. Christie: Je pourrais peut-être commencer par deux groupes de produits, les produits agricoles et les produits manufacturés, et développer à partir de là plutôt que de faire l'inverse.

Actuellement, 80 p. 100 de nos produits exportés sont des produits fabriqués ou des produits à base de ressources naturelles. Et sur ces 80 p. 100, à peu près 80 p. 100 sortiront en franchise immédiatement et le reste d'ici 5 ans; dans certains cas au bout de moins de cinq ans. Certains produits de papier ne paieront plus de droit au bout de deux ans. Donc, tous les produits provenant d'un secteur autre que le secteur agricole seront en franchise d'ici cinq ans, et la vaste majorité de ces produits sera en franchise dès l'entrée en vigueur de l'accord.

Pour ce qui est des produits agricoles, qui représentent actuellement 20 p. 100 de la valeur de nos exportations globales, 5 à 6 p. 100 -- donc 5 à 6 p. 100 de ces 20 p. 100 -- cesseront de payer des droits de douane au moment où l'accord entre en vigueur. Puis, ce pourcentage s'élèvera à un peu plus d'un quart des 20 p. 100 d'ici cinq à dix ans. Pour certains des produits payant des droits de douane pendant dix ans, les contingents tarifaires seront en franchise immédiatement. Donc, je dirais que 50 p. 100 des échanges dans le secteur agricole seront en franchise dans cinq ans environ, avec les exceptions notées.

Un seul produit, le blé de mouture, représente les derniers 10 p. 100. Pour celui-là, les droits de douane seront réduits progressivement sur une période de 17 ans, comme avec l'Argentine, un voisin beaucoup plus proche du Chili et avec lequel elle a des liens historiques beaucoup plus forts. Nous ne perdons donc aucun avantage concurrentiel. Si la relation MERCOSUR-Chili était élargie, ou si le Chili faisait partie de l'ALÉNA, et que le Chili offrait en conséquence une réduction des droits de douane sur dix ans, ou un système de contingent tarifaire pour le blé de mouture, il nous serait accordé automatiquement. En d'autres mots, si un meilleur arrangement se présente avant la fin de la période en question, il nous sera automatiquement offert.

Le sénateur Grafstein: Donc, c'est une clause de la nation la plus favorisée qui s'applique au blé de mouture? Est-ce que je peux l'exprimer comme cela?

M. Christie: C'est ça.

Le sénateur Grafstein: J'aurais une question d'ordre générique. Mon collègue, le sénateur Stollery, a soulevé la même question au sujet du Mexique, et a exprimé quelques points très intéressants. Ses commentaires touchaient toute une gamme de questions s'appliquant au Mexique, mais celle qui m'intéressait le plus était celle-ci: quel est le rôle du droit commercial privé au Chili et s'il y a lieu de dire que, étant donné la protection des investisseurs, des exportateurs et les producteurs canadiens contre -- si on peut l'exprimer ainsi -- une catastrophe, si on se fonde sur votre témoignage, 99 p. 100 de tout cela ne s'applique pas à ceux qui font des affaires quotidiennes dans le secteur privé. Ça, c'est de l'assurance.

D'après notre expérience, la plupart de l'assurance en Amérique du Nord et l'Europe se fonde sur le droit commercial privé. Vous passez un contrat avec vos experts ou votre compagnie, et en cas de différends, un système judiciaire indépendant vous permet de régler vos différends d'après la règle du droit. Que pouvez-vous nous dire sur ce système au Chili? Quelle serait l'opinion du ministère?

M. Christie: Ma réponse aurait trois parties.

Dans l'accord, il y a deux options également solides au recours aux des tribunaux nationaux. La première option prévoit une procédure pour régler les différends entre États en vertu de l'entente. Si un jour le Canada pense que le Chili ne remplit pas ses obligations, il existe un mécanisme pour régler ce différend, et la décision est exécutoire.

Deuxièmement, l'investisseur canadien a maintenant droit à l'arbitrage international, et ce droit est entériné dans l'accord. Il y a plusieurs procédures d'arbitrage international et le Chili devrait probablement -- mais pas nécessairement -- les reconnaître aussi. En vertu du traité, les investisseurs canadiens ont droit à ce recours s'ils préfèrent l'arbitrage international au lieu de s'adresser aux tribunaux nationaux.

Et pour ce qui est des tribunaux nationaux, j'ai entendu toutes sortes d'hommes et de femmes d'affaires canadiens dire sans équivoque que l'éthique professionnelle au Chili, et le droit commercial sur lequel elle repose, est exceptionnelle dans toute l'Amérique Latine. La plupart d'entre eux disent que c'est comme si on faisait des affaires chez soi, ou avec des firmes d'Europe de l'Ouest. Ce n'est pas moi qui vous le dis, ce sont les Canadiens qui travaillent avec le Chili. Le système est excellent.

Une fois que le Congrès chilien adopte le traité sous sa forme actuelle, un processus qui est déjà assez avancé, le traité devient la loi au Chili et a force obligatoire dans les tribunaux nationaux. Donc un investisseur canadien qui décide d'utiliser le tribunal national au Chili peut très bien aussi utiliser cet accord dans les tribunaux nationaux, si cela aide sa cause.

Le sénateur Grafstein: C'est bon à savoir, monsieur le président, parce que si nous approuvons cet accord, nous avons presque une garantie que les investisseurs et les entrepreneurs canadiens pourront conduire leurs affaires au Chili sans problème. Avec cet accord, nous légitimerons les transactions privées entre les Canadiens et les Chiliens. Donc je suis heureux d'entendre que d'après presque tout le monde, les lois nationales et le système judiciaire commercial indépendant représentent une fondation solide pour ces transactions, et permettront que les différends soient réglés au niveau national, sans qu'on ait besoin d'avoir recours aux tribunaux internationaux. Ce n'est pas comme ça qu'on fait des affaires. Je suppose que le témoin est d'accord

M. Christie: Absolument.

Le sénateur Andreychuk: Les mesures antidumping seront aussi mises en oeuvre progressivement. Elles n'apparaissent pas immédiatement. Si l'on accélérait le processus de l'ALÉNA avec les États-Unis, les mesures antidumping n'auront pas fait leur effet. Elles n'auront pas eu le temps d'êtres entérinées avant que nous entamions nos négociations avec les États-Unis. Cela affaiblit notre position -- nous ne pouvons pas dire aux États-Unis: «C'est un fait accompli; nous sommes là, acceptez-le.» Dans le secteur public, le secteur avec lequel je travaille, on a l'impression que les mesures antidumping sont mises en oeuvre en un instant une fois l'accord signé.

M. Christie: Peut-être c'est le processus de mise en oeuvre des mesures anti-dumping qui est mal compris. Elles sont introduites progressivement, produit par produit. Le processus est fondé sur la notion -- bien illustré dans la pratique -- que si vous avez un accès libre vous n'avez plus besoin de tarifs antidumping. Donc, la justification des tarifs antidumping disparaît. Donc, comme la plupart des produits circuleront en franchise immédiatement dans les deux sens au moment où l'accord entrera en vigueur, l'exemption antidumping pour ces produits s'appliquera immédiatement.

Les lignes tarifaires s'appliqueront à la plupart des produits, dès l'entrée en vigueur de l'accord. Après cela, les exemptions seront appliquées à d'autres produits, au fur et à mesure qu'ils cessent de payer des droits de douane dans les deux pays, pendant une période de six ans au maximum. Par exemple, d'ici l'an 1999, le papier journal serait exempté. La période maximum est de six ans.

Le sénateur Stollery: D'après ce que vous avez dit, le papier journal ne sera en franchise douanière dans deux ou trois ans, donc si une entreprise canadienne de pâtes et papier -- il n'y a pas si longtemps, le secteur des pâtes et papier était le plus gros employeur au Canada et peut-être l'est-il encore -- peut obtenir de la pâte chilienne au sud du Chili à un bon prix, et si cette entreprise veut fermer ses installations au Canada, et avec son capital, aller ouvrir une usine de papier journal au Chili, elle pourrait exporter le papier journal au Canada sans payer de droits de douane. C'est bien ça? En faisant cela, ils auront bien sûr mis un bon nombre de Canadiens au chômage. Qu'est-ce qui nous protège contre quelque chose de pareil?

M. Christie: Ce n'est pas un très bon exemple quant aux résultats de l'accord. Il ne faut pas oublier que presque tous les produits chiliens entrent déjà au Canada en franchise douanière, y compris la pâte et papier journal. Il y a déjà presque 20 ans de cela. Il s'agit d'un tarif consolidé en vertu du GATT, et en vertu de l'Organisation mondiale du commerce. Ce tarif a fait l'objet de négociations il y a déjà bien des d'années.

L'entente a rétabli l'équilibre des tarifs entre le Canada et le Chili. Presque tout ce que les Chiliens produisent et expédient au Canada y entre en franchise aux termes soit de notre SGP à l'intention des pays en voie de développement ou, dans la plupart des cas, aux termes des tarifs du GATT. Tout ce que nous expédions au Chili par ailleurs, est frappé, dans presque tous les cas, d'un tarif de 11 p. 100. Dans le cadre des négociations, dans presque tous les cas, nous avons réussi à éliminer ces tarifs.

Dans le cas du papier journal, nous avons constaté que le secteur des produits forestiers exerçait des pressions énormes au cours de ces négociations afin de faire éliminer les tarifs le plus rapidement possible. Il faudra deux ans, mais le tarif ne sera pas à 11 p. 100 et sera éliminé progressivement au cours de cette période. On considère que c'est satisfaisant. Cela signifie que l'industrie pourra affronter la concurrence en offrant un produit de qualité. Les fabricants de papier fin qui pensent pouvoir vendre sur le marché chilien considèrent que l'élimination du tarif de 11 p. 100 leur donnera un avantage par rapport à leurs concurrents américains.

Le sénateur Corbin: Les dispositions sur le travail sont-elles différentes de celles dans l'accord avec le Mexique?

M. Christie: Non, c'est essentiellement la même chose. Dans les deux accords, on a apporté des modifications techniques à certaines dispositions sur les votes, et cetera afin de tenir compte du fait qu'il s'agit dans ce cas de deux pays et non pas de trois. Essentiellement, les dispositions sont les mêmes.

Le président: Sénateurs, nous n'avons reçu aucune autre demande d'éventuels témoins. Ai-je raison de croire que les membres du comité sont prêts à se prononcer sur le projet de loi?

Le sénateur Grafstein: Certainement.

Le sénateur Andreychuk: D'après ce que les représentants de l'industrie et d'autres me disent, on souhaite que les tarifs soient éliminés le plus rapidement possible et on nous demande de ne pas contester cet accord.

Le président: Les articles 2 à 35 du projet de loi sont-ils adoptés?

Des voix: D'accord.

Le président: L'annexe continuera-t-elle à faire partie du projet de loi?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 1 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Le préambule est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi adopté par le comité?

Le sénateur Stollery: Avec dissidence, monsieur le président.

Le président: Vu les bruits qui circulent, on m'a demandé de vous présenter une ébauche de budget. On y trouve qu'un article important, pour du travail de recherche. Le comité a autorisé ce travail, mais il faut nous adresser au comité de la régie interne pour obtenir les fonds nécessaires pour payer le contrat. Il s'agit de 20 000 $.

Le sénateur Grafstein: J'en fais la proposition.

Le président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

La séance est levée.


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