Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères
Fascicule 32 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 22 avril 1997
Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui, à 16 h 13, pour étudier la teneur du projet de loi C-77, Loi concernant un décret pris au titre de la Loi d'aide au développement international (institutions financières), dont il a été saisi.
Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Nous allons étudier le projet de loi C-77, Loi concernant un décret pris au titre de la Loi d'aide au développement international (institutions financières), qui a franchi l'étape de la deuxième lecture au Sénat cet après-midi.
Nous accueillons aujourd'hui deux témoins de l'ACDI, M. Mark Gawn, gestionnaire de programmes à la Direction des institutions financières internationales, et M. Roch Lévesque, conseiller juridique.
Ceux d'entre vous qui étaient au Sénat au moment du débat de deuxième lecture sur ce projet de loi savent sans doute de quoi il traite. Peut-on présumer que les membres du comité connaissent la teneur du projet de loi ou faut-il l'exposer de nouveau?
Le sénateur Corbin: Je veux m'assurer que les témoins nous disent la même chose que ce qu'on a entendu au Sénat.
Le président: Très bien.
Le sénateur Corbin: J'ai une question à poser. La recommandation royale accompagne-t-elle le projet de loi?
Le président: Comme il ne s'agit pas d'un projet de loi portant affectation de crédits, la recommandation royale n'est pas nécessaire.
Je vous cède la parole.
M. Roch Lévesque, conseiller juridique principal, Agence canadienne de développement international: La Loi d'aide au développement international (institutions financières) prévoit qu'il est possible d'ajouter à son annexe le nom d'institutions financières internationales pouvant recevoir une aide financière du Canada. L'annexe peut être ainsi modifiée par décret. Le premier décret a été approuvé par le gouverneur en conseil en novembre 1994, mais on a omis quelque chose. Tout le monde pensait que le décret était en vigueur comme c'est habituellement le cas mais, en vertu de la Loi d'aide au développement international (institutions financières), le décret doit être déposé au Parlement dans les 15 jours de séance suivant sa signature, puis un autre délai est prévu avant son entrée en vigueur.
On a effectué des paiements aux deux institutions en question, le Fonds du Protocole de Montréal et le Fonds pour l'environnement mondial. C'est après cela que nous avons appris du comité d'examen de la réglementation que le décret n'avait pas été déposé et qu'il serait contraire à la loi de verser quelque montant que ce soit à ces deux institutions. Nous nous sommes alors empressés de prendre un autre décret, qui a été déposé au Parlement en décembre dernier. On a également préparé une loi pour faire approuver rétroactivement les paiements faits illégalement. Le projet de loi vise donc à régulariser les paiements effectués sans fondement juridique.
Le président: Des paiements illégaux, autrement dit?
M. Lévesque: Oui, des paiements effectués sans l'autorisation voulue.
Le sénateur Andreychuk: Je suis assez heureuse qu'un comité s'intéresse à ce genre de chose et ait relevé l'erreur. Notre participation et notre contribution financière au protocole relatif à l'environnement sont d'une grande priorité. Je peux comprendre qu'une erreur se glisse dans les affaires courantes qui comportent de nombreuses étapes et reviennent année après année. Mais il s'agit ici d'une mesure complètement nouvelle, d'une mesure importante, dont on a beaucoup discuté. Comment cette formalité a-t-elle pu nous échapper? Peut-on être sûr qu'une erreur semblable ne se reproduira plus, qu'on va prévoir ce genre de chose? À mon avis, un système bien rodé est pourvu d'un mécanisme de contrôle. Dans le cas qui nous occupe, le contrôle a été fait au niveau parlementaire. Pourquoi l'administration fédérale n'avait-elle pas prévu un mécanisme de contrôle pour empêcher que cela se produise?
Au nom du bon gouvernement, nous avons souvent dit à d'autres pays que ces formalités sont si importantes qu'il faut les suivre à la lettre, qu'il faut assurer la participation du Parlement et ne pas se contenter de la parole du président nous donnant l'assurance qu'il pourra faire adopter telle ou telle mesure par le Parlement. Nous affirmons nous préoccuper de ce genre de chose dans notre pays. Autrement dit, je pense que nous ne donnons pas l'exemple ici.
Comment est-ce arrivé? Pouvez-vous nous assurer que cette aberration ne se répétera plus?
M. Lévesque: Je peux vous dire qu'un décret entre habituellement en vigueur une fois qu'il a été approuvé par le gouverneur en conseil et publié. Quand j'ai appris ce qui s'était passé, j'ai fait une recherche rapide pour vérifier si une disposition de ce genre existait dans d'autres lois. On m'a dit que c'était assez rare, mais qu'il y avait quelques lois canadiennes qui stipulaient qu'un décret devait être déposé devant le Parlement, tant à la Chambre des communes qu'au Sénat, et qu'un délai devait s'écouler ensuite avant son entrée en vigueur.
Tout ce que je peux dire, c'est que c'est une erreur; je présume que ceux qui se sont occupés du dossier ont vu que l'annexe pouvait être modifiée par décret, comme l'indique la première page de la loi, mais ils n'ont pas vérifié plus loin s'il y avait d'autres formalités à suivre parce que, comme je vous dis, c'est assez rare que cela arrive.
Le sénateur Andreychuk: À qui l'ACDI transmet-elle le décret, au ministère de la Justice?
M. Lévesque: Elle l'envoie au service des règlements du ministère de la Justice. Puis, le décret est acheminé au Bureau du Conseil privé où il est approuvé par le gouverneur en conseil. Ensuite, il aurait dû être déposé, comme l'a été le dernier décret en novembre dernier, à la Chambre des communes et au Sénat.
Le sénateur Andreychuk: Votre rôle consistait évidemment à gérer les programmes, si je me souviens bien. Quel était le rôle du ministère de la Justice?
M. Lévesque: Le ministère avait pour rôle de rédiger le décret et de l'envoyer au Bureau du Conseil privé pour approbation. Ce sont principalement les services juridiques et l'ACDI qui devaient s'occuper du dossier et veiller à ce que le décret soit déposé devant le Parlement.
Le président: Qui est le ministre responsable?
M. Lévesque: Actuellement, c'est M. Axworthy.
Le président: Qui l'était à l'époque?
M. Lévesque: M. Ouellet.
Le sénateur Corbin: Que signifie l'article 2 du projet de loi qui stipule que la loi ne s'applique pas aux mesures prises après l'entrée en vigueur du décret?
M. Lévesque: Il vise seulement à corriger le passé. Comme nous avions des paiements à faire à la fin de décembre et au début de la présente année, nous avons fait approuver un autre décret en 1996. Il a été pris, déposé au Parlement, y compris au Sénat, et il est entré en vigueur en février. Ce décret nous autorisait à faire n'importe quel paiement à compter de février. Le projet de loi s'applique aux paiements qui ont été effectués sans l'autorité voulue l'an dernier, et cette autorisation ne doit pas être maintenue à d'autres fins. Aucun autre paiement ne sera effectué aux termes de ce projet de loi.
Le sénateur Corbin: J'aimerais revenir sur ce qu'a dit le sénateur Andreychuk. En dépit du fait que cette formalité a échappé à un fonctionnaire, je suis quand même surpris que ce genre d'erreur ne se produise pas plus souvent. Compte tenu de la quantité de documents qui circulent et de la quantité de décisions qui se prennent à Ottawa dans le cours d'une année, ou d'une session parlementaire, il est quand même remarquable qu'il n'y ait eu, du moins à ma connaissance, que deux erreurs de cette nature dernièrement.
Le sénateur Andreychuk: Voilà pourquoi je dis que les problèmes semblent survenir quand la routine s'installe. Tous ceux qui connaissent l'administration publique le savent; pourtant, le cas qui nous occupe sortait tout à fait de l'ordinaire. Aucune des mesures prises à l'égard du Fonds du Protocole de Montréal ni aucun des modèles proposés n'avait existé avant. Cela n'avait rien à voir avec les formalités que les avocats ont à traiter tous les jours. La situation était unique en son genre et pourtant elle ne semble pas avoir éveillé l'attention de qui que ce soit.
Je m'interroge sur le rôle du ministère de la Justice. L'ACDI est chargée de coordonner le programme qui relève d'elle et dont elle est responsable mais, pour ce qui est des aspects juridiques, elle s'en remet au ministère de la Justice dont le rôle est de s'assurer que la loi est respectée, et non pas de se préoccuper du programme. C'est un décret très particulier.
Le président: Pour ce qui est de l'affectation des crédits, si j'ai bien compris, les fonds auraient été versés aux institutions internationales énumérées à l'annexe aux termes d'un projet de loi de crédits normal. Le problème est que les noms de ces deux institutions ne figuraient pas à l'annexe, n'est-ce pas?
M. Lévesque: Oui.
Le président: Très bien. J'avais bien compris.
Le sénateur Corbin: Quels étaient les montants d'argent en cause?
M. Mark Gawn, gestionnaire principal de programmes, Direction des institutions financières internationales, Agence canadienne de développement international: Ils y en avaient deux, si vous voulez. Nous finançons le Fonds du Protocole de Montréal et le Fonds pour l'environnement mondial par l'émission des billets à ordre qui sont des articles non budgétaires. Nous émettons des billets à ordre aux termes de cette loi pour une valeur d'environ 70 millions de dollars. Nous avons effectué des paiements d'environ 9 millions de dollars.
Le sénateur Corbin: Merci.
Le président: Honorables sénateurs, avez-vous quelque chose à ajouter?
Le sénateur Stollery: Nous pouvons peut-être régler la question rapidement puisqu'il s'agit d'une affaire courante. Je propose que nous approuvions le projet de loi.
Le président: Très bien. L'article 1 est-il adopté?
Des voix: Oui.
Le président: L'article 2 est-il adopté?
Des voix: Oui.
Le président: Le titre du projet de loi est-il adopté?
Des voix: Oui.
Le président: Proposez-vous que je fasse rapport du projet de loi sans amendement?
Le sénateur Stollery: Oui.
Le président: Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
Le président: Adopté. Je vous remercie beaucoup.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.