Délibérations du comité sénatorial permanent
des
affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 1 - Témoignages
Ottawa, le mercredi 20 mars 1996
[Traduction]
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 20, pour organiser ses travaux.
Mme Heather Lank, greffière du comité: Honorables sénateurs, il y a quorum. En tant que greffière du comité, il est de mon devoir de présider à l'élection du président. Je suis disposée à recevoir les motions à cet effet.
[Français]
Le sénateur Nolin: Je propose au poste de président, le sénateur Carstairs.
[Traduction]
Mme Lank: Le sénateur Nolin propose que l'honorable sénateur Carstairs soit élue présidente du comité. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Mme Lank: Adoptée. Conformément à l'article 88 du Règlement du Sénat, l'honorable sénateur Carstairs est élue présidente du comité. Je l'invite à occuper le fauteuil.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
La présidente: Merci, honorables sénateurs. Avant de commencer...
[Français]
Honorables sénateurs, je désire remercier le sénateur Beaudoin pour son travail comme président du comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Ayant travaillé avec lui sur ce comité et le comité spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide, j'ai été impressionnée par son dévouement, sa sensibilité, sa connaissance et sa compétence.
J'espère qu'il m'aidera à compléter ces responsabilités tout comme il l'a fait lorsqu'il était président.
[Traduction]
Honorables sénateurs, nous avons eu beaucoup de chance d'avoir le sénateur Beaudoin comme président au cours des trois dernières années. J'espère que je pourrai compter sur lui pendant la durée de mon mandat, parce que j'aurai grandement besoin de son aide et de ses conseils.
Le prochain point à l'ordre du jour est l'élection d'un vice-président. Y a-t-il des motions à cet effet?
Le sénateur Lewis: Je propose la candidature du sénateur Nolin.
La présidente: On propose que le sénateur Nolin soit élu vice-président. Plaît-il au comité d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
La présidente: Adoptée.
Nous devons adopter plusieurs motions aujourd'hui. La première figure au point 4 de l'ordre du jour. J'aimerais que quelqu'un propose la motion suivante:
Que le sous-comité du programme et de la procédure se compose du président ou de la présidente, du vice-président ou de la vice-présidente et d'un autre membre du comité désigné après les consultations d'usage;
Que le sous-comité soit autorisé à prendre des décisions au nom du comité relativement au programme et à la procédure;
Que le sous-comité soit autorisé à inviter les témoins et à établir l'horaire des audiences; et
Que le sous-comité fasse rapport de ses décisions au comité.
Quelqu'un peut-il proposer la motion?
Le sénateur Corbin: J'en fais la proposition.
La présidente: Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
La présidente: La motion est adoptée.
La motion suivante porte sur l'impression des délibérations du comité. On suggère d'en faire imprimer 500 exemplaires. On a décidé d'en faire imprimer 160 de moins, parce qu'on s'est rendu compte qu'on en avait en trop. Quelqu'un peut-il proposer la motion suivante:
Que le comité fasse imprimer 500 exemplaires de ses Délibérations et que le président ou la présidente soit autorisée à ajuster cette quantité en fonction des besoins.
Le sénateur Pearson: J'en fais la proposition.
La présidente: Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
La présidente: Motion adoptée.
Le point 6 porte sur l'autorisation de tenir des réunions et de faire imprimer des témoignages en l'absence de quorum. Quelqu'un peut-il proposer la motion suivante:
Que, conformément à l'article 89 du Règlement, le président ou la présidente soit autorisé à tenir des réunions pour entendre des témoignages et à en permettre la publication en l'absence de quorum.
Le sénateur Milne: J'en fais la proposition.
La présidente: Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
La présidente: Adoptée.
Le point 7 porte sur le rapport financier. La motion se lit comme suit:
Le comité doit, conformément à l'article 104 du Règlement, déposer un relevé des dépenses faites par le comité au cours de la session précédente.
Le sénateur Jessiman: J'en fais la proposition.
La présidente: Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
La présidente: Adoptée.
Le point 8 porte sur le personnel de recherche. Les attachés de recherche affectés au comité sont recrutés par l'intermédiaire de la Bibliothèque du Parlement. Toutefois, il nous faut la motion suivante:
Que le comité demande à la Bibliothèque du Parlement d'affecter des attachés de recherche auprès du comité;
Que le président soit autorisé à demander au Sénat la permission de retenir les services de conseillers juridiques, de personnel technique, d'employés de bureau et d'autres personnes au besoin, pour aider le comité à examiner les projets de loi, la teneur de ces derniers et les prévisions budgétaires qui lui sont déférés.
Que le sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à négocier les contrats et à faire appel aux services d'experts-conseils dont le comité peut avoir besoin dans le cadre de ses travaux; et
Que la présidence, au nom du comité, dirige le personnel de recherche dans la préparation d'études, d'analyses et de résumés.
Le sénateur Beaudoin: J'en fais la proposition.
La présidente: Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
La présidente: La motion est adoptée.
Le point 9 porte sur l'autorisation d'engager des fonds et d'approuver les comptes à payer. La motion se lit comme suit:
Que, conformément à l'article 32 de la Loi sur la gestion des finances publiques, l'autorisation d'engager les fonds du comité soit conférée au président ou à la présidente, ou en son absence, au vice-président ou à la vice-présidente; et
Que, conformément à l'article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques et à la directive 3:05 de l'annexe II du Règlement du Sénat, l'autorisation d'approuver les comptes à payer au nom du comité soit conférée au président ou à la présidente, au vice-président ou à la vice-présidente, et/ou au greffier du comité.
Le sénateur Doyle: J'en fais la proposition.
Le sénateur Lewis: J'ai une question à poser au sujet de cette motion. Pour ce qui est de l'autorisation d'approuver les comptes à payer, la motion propose que cette autorisation «soit conférée au président ou à la présidente, au vice-président ou à la vice- présidente, et/ou...»
La présidente: Vous soulevez-là un point intéressant.
Heather, est-il nécessaire d'avoir les deux conjonctions?
Mme Lang: La conjonction «ou» devrait sans doute suffire.
Le sénateur Lewis: Est-ce que cela veut dire que l'autorisation pourrait être conférée à la présidence, au vice-président ou à la vice-présidente, ou au greffier?
Mme Lang: Pour les comptes à payer, pas pour les fonds. Cela sert tout simplement à indiquer que les services ont été rendus.
Le sénateur Beaudoin: Je pense qu'en droit, nous devons supprimer l'expression «et/ou». Elle n'est plus utilisée, du moins dans certaines provinces. Je sais qu'au Québec, on évite de l'utiliser. Je suis d'accord avec le sénateur Lewis.
La président: Nous devrions alors la supprimer. Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
La présidente: Quelqu'un peut-il proposer la motion modifiée?
Le sénateur Lewis: J'en fais la proposition.
La présidente: Plaît-il au comité d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
La présidente: Adoptée.
Le point 10 ne porte pas sur les déplacements du comité, si j'ai bien compris. Elle vise plutôt à autoriser un membre du personnel ou un sénateur en particulier à se déplacer en vue d'assister à une conférence au nom du comité, mais elle ne porte pas sur les déplacements du comité. Si nous voulons nous déplacer en tant que comité, nous devons demander au Sénat de nous fournir les fonds nécessaires.
La motion se lit comme suit:
Que le comité autorise le président ou la présidente à désigner, au besoin, un ou plusieurs membres du comité, de même que le personnel nécessaire, qui se déplaceront au nom du comité.
Quelqu'un peut-il proposer la motion?
Le sénateur Beaudoin: J'en fais la proposition.
La présidente: Plaît-il au comité d'adopter la motion?
Le sénateur Corbin: J'ai une question. Est-ce que seule la présidence aurait le pouvoir de désigner les personnes qui assisteraient à des conférences ou à des réunions?
La présidente: Je présume que cette décision serait prise par le comité.
Le sénateur Corbin: Est-ce que les membres du comité auront leur mot à dire à ce sujet?
La présidente: Sans aucun doute, mais il serait peut-être préférable qu'on ajoute les mots «autorise le président, après consultation des membres».
Le sénateur Corbin: Autrement dit, les membres pourraient faire des recommandations à ce sujet?
La présidente: Oui.
Le sénateur Corbin: Parfait.
Le sénateur Beaudoin: Je fais partie de ce comité depuis longtemps, et il n'y a jamais eu d'abus de la part du comité. En fait, le budget du comité est remarquablement limité.
Le sénateur Lewis: C'est sans doute un des moins élevé.
Le sénateur Beaudoin: C'est effectivement un des moins élevé. Je tiens à le préciser, aux fins du compte rendu, parce que nous n'avons pas dépensé beaucoup d'argent.
La présidente: Le dernier budget du comité totalisait 667,69 $. Je serai aussi économe que l'ancien président.
Le sénateur Corbin: Cela s'explique. Le comité n'a pas pratiquement pas bougé d'Ottawa en raison de tout le travail qu'il devait accomplir. Il ne pouvait pas voyager.
La présidente: Vous avez absolument raison.
Le sénateur Beaudoin: Il reste que le budget est très limité.
La présidente: Voulez-vous qu'on ajoute quelque chose, ou est-ce que le libellé de la motion vous satisfait?
Le sénateur Corbin: Je suis satisfait, pourvu qu'on s'entende là-dessus.
La présidente: Parfait. Quelqu'un peut-il proposer la motion?
Le sénateur Pearson: J'en fais la proposition.
La présidente: Plaît-il au comité d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
La présidente: Adoptée.
Nous passons maintenant au point 11. Sous la présidence du sénateur Beaudoin, et peut-être même avant cela, le comité ne remboursait les frais de déplacement que d'un seul témoin. Toutefois, d'après le Règlement du Sénat, le comité peut rembourser les dépenses de deux témoins. Nous aimerions, si possible, suivre la même règle, mais nous accepterions, dans des cas spéciaux, de rembourser les dépenses d'un deuxième témoin. La motion se lit comme suit:
Que, conformément aux lignes directrices du Sénat gouvernant les frais de déplacement des témoins, le comité peut rembourser des dépenses raisonnables de voyage et d'hébergement à un maximum de deux témoins d'un même organisme, après qu'une demande de remboursement a été présentée.
Le sénateur Nolan: J'en fais la proposition.
La présidente: Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
La présidente: La motion est adoptée.
Est-ce que le comité juge, comme moi, qu'un seul témoin devrait suffire dans la plupart des cas?
Des voix: Oui.
Le sénateur Beaudoin: À première vue, oui.
La présidente: Pour ce qui est de l'horaire des séances régulières, le comité se réunit le mercredi après-midi à 15 h 15 dans la pièce 505 de l'édifice Victoria. On ne pouvait pas se réunir cet après-midi. Comme il n'y avait pas de président, il fallait attendre que le Sénat ajourne. Toutefois, en temps normal, on proposerait que le comité se réunisse même si le Sénat siège. Le jeudi matin, le comité se réunit à 9 h 30 dans la pièce 256-S. Comme nous avons beaucoup de projets de loi à examiner, nous allons rapidement remplir ces créneaux.
J'ai pris la liberté, avec la greffière du comité, d'inviter des fonctionnaires du ministère de la Justice à venir nous rencontrer demain matin pour discuter du projet de loi C-2, qui modifie la Loi sur les juges. Je vous l'apprends un peu à la dernière minute, mais il y aura une réunion demain matin, à 9 h 30, dans la pièce 256-S, si vous êtes d'accord.
Le sénateur Beaudoin: Est-ce le seul point qui figure à l'ordre du jour de la réunion de demain?
La présidente: Oui. Au cas où le projet de loi C-8, qui porte sur les drogues, nous soit renvoyé demain pour examen, j'ai invité des témoins de l'Association du Barreau canadien et de l'Association médicale canadienne à comparaître devant nous mercredi et jeudi prochains.
Le sénateur Beaudoin: Est-ce que la Loi sur les drogues porte maintenant le numéro C-8?
La présidente: Le projet de loi C-8 remplace maintenant le projet de loi C-7.
Le sénateur Beaudoin: Est-ce que le comité en sera saisi demain?
La présidente: Si tout va comme prévu, oui.
Le sénateur Beaudoin: La dernière fois que nous nous sommes réunis, certains témoins nous ont fait de nombreuses suggestions. Nous sommes en droit de nous demander s'ils ont tort ou raison, bien sûr, mais ont-ils déposé leur mémoire?
La présidente: Ils l'ont fait, et tous les membres du comité en recevront une copie.
Nous sommes plusieurs à nous demander ce qu'a dit au juste le juge Le Dain. J'ai donc demandé qu'on nous prépare un bref résumé du rapport du comité Le Dain. Le sénateur Doyle voulait que le comité examine le rapport, et c'est pourquoi j'ai demandé qu'on nous prépare un résumé.
Si le comité est saisi du projet de loi C-8, qui porte sur les drogues, voulez-vous que nous entendions de nouveau les témoignages sur le projet de loi C-7, ou qu'on nous prépare des résumés de ces témoignages, surtout pour les membres qui ne faisaient pas partie du comité au moment où nous nous sommes penchés sur ce projet de loi?
Le sénateur Beaudoin: Je préférerais qu'on ne les réentende pas, mais à la condition, bien entendu, qu'on nous les fournisse.
La présidente: Je pourrais proposer une motion qui se lirait comme suit:
Que les témoignages entendus par le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles lors de son examen du projet de loi C-7, Loi portant réglementation de certaines drogues et de leurs précurseurs ainsi que d'autres substances, modifiant certaines lois et abrogeant la Loi sur les stupéfiants en conséquence, au cours de la première session de la trente-cinquième législature, ainsi que tout autre document et témoignage pertinents, soient fournis au comité pour son étude actuelle du projet de loi C-8, Loi portant réglementation de certaines drogues et de leurs précurseurs ainsi que d'autres substances, modifiant certaines lois et abrogeant la Loi sur les stupéfiants en conséquence.
Cela nous donnerait le droit de réexaminer tous ces témoignages.
Le sénateur Lewis: Mais nous avons entendu énormément de témoignages à ce sujet. Nous ne voulons sûrement pas les examiner à fond.
Le sénateur Corbin: Je suis d'accord.
Le sénateur Nolin: Est-ce qu'on prévoit préparer un résumé pour les nouveaux membres?
La présidente: Oui.
Le sénateur Jessiman: On pourrait peut-être le distribuer à tous les membres.
La présidente: C'est ce que nous ferons.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.
Ottawa, le jeudi 21 mars 1996
[Français]
Le comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier le projet de loi C-2.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
La présidente: Honorables sénateurs, ce matin, nous étudions le projet de loi C-2, la Loi modifiant la Loi sur les juges.
[Traduction]
Honorables sénateurs, nous avons avec nous ce matin un témoin du ministère de la Justice.
Dans les remarques qu'il a faites à la Chambre hier, le sénateur Nolin a soulevé deux questions importantes que notre témoin abordera aujourd'hui, du moins je l'espère. Tout d'abord il est assez difficile de comprendre comment on peut prolonger de six mois les travaux d'un comité sans que cela entraîne des coûts supplémentaires. Deuxièmement, si on porte de six à douze mois le délai dans lequel il doit faire rapport, cela signifie-t-il qu'au lieu de le faire à cinq mois et demi ils le feront désormais à onze mois et demi?
Auriez-vous l'obligeance d'aborder ces questions dans vos commentaires ce matin? Ce serait utile aux membres du comité.
M. Harold Sandell, conseiller juridique, Service des affaires judiciaires, ministère de la Justice: Honorables sénateurs, comme votre présidente l'a indiqué, j'aurais quelques brèves remarques concernant le projet de loi C-2.
En vertu de l'article 100 de la Loi constitutionnelle du Canada, le Parlement est tenu de fixer et de payer les salaires, allocations et pensions des juges nommés par le gouvernement fédéral. Pour aider le Parlement à s'acquitter de cette tåche, une modification à la Loi sur les juges adoptée en 1981 a établi un processus prévoyant un examen des traitements, pensions et autres avantages payables aux juges nommés par le gouvernement fédéral. Tous les trois ans, une commission est formée par le ministre de la Justice pour examiner le traitement des juges. À l'heure actuelle, les membres de ces commissions triennales sont tenus par la loi de faire rapport au ministre de la Justice dans les six mois qui suivent leur nomination. Le ministre à son tour est tenu en vertu de la loi de faire déposer ce rapport au Parlement dans les dix jours de séance suivant sa réception.
La raison d'être de ces commissions est assez évidente. Les commissions triennales fournissent régulièrement au gouvernement des conseils non exécutoires, objectifs et indépendants sur la détermination d'un traitement juste pour les juges nommés par le gouvernement fédéral. Le processus contribue à faire respecter et à favoriser l'indépendance de la magistrature, conformément à nos traditions constitutionnelles. La Cour suprême du Canada a affirmé dans l'arrêt Valente et dans l'arrêt Beauregard que cette indépendance de la magistrature repose sur l'inamovibilité et la sécurité financière.
Honorables sénateurs, les membres des commissions, qui siègent à temps partiel, ont trouvé que ce délai de six mois était trop court pour leur permettre de s'acquitter en bonne et due forme de leurs lourdes responsabilités. Ils doivent en effet solliciter et recevoir des mémoires du public, de groupes de juges et d'autres intéressés. Ils doivent publier des avis dans les journaux. Ils doivent obtenir et étudier des renseignements extrêmement techniques. Ils doivent attendre de recevoir des mémoires écrits et les étudier. Ils doivent également tenir des audiences publiques et enfin ils doivent préparer et faire traduire leur rapport, tout cela dans les six mois qui suivent leur nomination. Tout cela impose donc des pressions excessives aux commissaires et leur laisse à peine le temps nécessaire pour s'acquitter de leur travail de façon méthodique et pour produire un rapport motivé sur les questions de traitement.
Les organisations de juges, l'Association du barreau canadien et d'autres groupes qui préparent et présentent des mémoires à l'intention des commissions triennales trouvent également que le délai actuel de six mois est insuffisant et sont généralement partisans de prolonger de six mois le délai dans lequel le rapport doit être déposé.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-2 vise uniquement à prolonger le délai dans lequel les commissions triennales sont tenues de transmettre leur rapport, c'est-à-dire à le porter de six à douze mois. Cette mesure n'entraînera aucun coût supplémentaire puisque la charge de travail n'augmentera pas mais sera plutôt répartie sur une plus longue période. Les commissaires reçoivent une indemnité journalière. Par conséquent, s'ils font la même quantité de travail mais répartie sur douze mois au lieu de six, les coûts resteront les mêmes. Ce projet de loi n'aura aucune incidence sur le traitement des juges, qui demeure gelé.
La présidente: S'ils ont de la difficulté à respecter le délai de six mois, qu'est-ce qui vous fait croire qu'ils n'auront pas le même problème à respecter le délai de douze mois?
M. Sandell: Jusqu'à présent, quatre commissions ont terminé leurs travaux, soit les commissions formées en 1983, en 1986, en 1989, en 1992, avec beaucoup de difficultés, ajouterais-je, dans le délai de six mois. Par conséquent, je ne prévois pas qu'une commission ait de la difficulté à terminer un rapport en douze mois lorsque au moins quatre commissions ont réussi à le terminer en six mois, bien que dans des conditions très pressantes.
J'ajouterais que les commissaires travaillent tous à temps partiel. Ce sont dans l'ensemble des avocats ou des gens d'affaires qui font une bonne partie de leur travail les fins de semaines, en soirée et lorsqu'ils ont du temps libre pendant la semaine. Ce projet de loi atténuerait les pressions auxquelles les soumet le fait de devoir présenter leur rapport au Parlement dans les six mois qui suivent leur nomination.
J'ajouterais également que le Conseil canadien de la magistrature, la Conférence canadienne des juges et l'Association du Barreau canadien, qui présentent couramment des mémoires à la commission, trouvent également ce délai de six mois très difficile parce qu'il les oblige à terminer et à présenter leurs rapports très tôt durant cette période de six mois pendant laquelle la commission exerce son mandat pour lui laisser le temps d'examiner leurs mémoires de façon détaillée dans le cadre de la préparation de son rapport. Ces organisations accueilleraient donc également avec plaisir une prolongation de six mois du délai en question.
Le sénateur Nolin: Que coûte le processus à l'heure actuelle?
M. Sandell: Je préciserai d'abord que les coûts se rattachant à la commission sont payés à même le budget du Commissaire à la magistrature fédérale. Le Commissaire à la magistrature fédérale est un bureau indépendant créé par la Loi sur les juges, distinct du ministère de la Justice, qui est responsable du paiement des traitements, pensions, allocations et autres avantages à l'intention des juges.
Malheureusement, je n'ai pas les chiffres exacts avec moi concernant les trois dernières commissions mais je peux les citer de mémoire. Les coûts se rattachant à la commission formée en 1986 s'élevaient entre 60 000 $ ou 70 000 $ environ. Le coût total en ce qui concerne la commission de 1989, qui comptait trois membres, était de 46 000 $. Le coût varie selon le nombre de commissaires. La Loi sur les juges prévoit que ces commissions doivent compter de trois à cinq membres.
La commission de 1983 était présidée par l'honorable Otto Lang. C'était la première commission. La commission de 1986 comptait quatre membres. La commission de 1989 en comptait trois. Le chiffre précis concernant cette commission était d'environ 46 000 $ au total. En ce qui concerne la commission de 1992, présidée par M. Purdy Crawford, je crois que les coûts se sont élevés à 80 000 $. La commission de 1992 comptait cinq membres, dont l'un résidait à Vancouver. Bien entendu, lorsqu'il y a beaucoup de déplacements, les coûts augmentent. Une commission de cinq membres entraînerait une augmentation des coûts journaliers.
Le sénateur Nolin: Maintenant, ils sont trois.
M. Sandell: Les coûts pour chacune de ces commissions, sans exception, ont été inférieurs à 100 000 $.
Le sénateur Nolin: Dans votre déclaration préliminaire, vous avez indiqué qu'il n'y aurait aucun coût supplémentaire.
M. Sandell: C'est exact, aucun coût supplémentaire.
Le sénateur Nolin: Est-ce un engagement ferme de la part du ministère?
M. Sandell: C'est exact. Tout coût supplémentaire sera payé à même le budget actuel du Commissaire à la magistrature canadienne. Il n'y aura aucune demande supplémentaire de fonds et aucun coût supplémentaire en ce sens que la modification précise qui prolonge de six mois le mandat de la commission n'entraînera pas une augmentation de la charge de travail. Elle ne fera qu'étaler le travail sur douze mois au lieu de le comprimer sur six mois. C'est ce que j'ai voulu dire lorsque j'ai indiqué qu'il n'y aurait pas d'augmentation de coûts par rapport à ce qu'il en coûterait si le mandat continuait à être de six mois.
Le sénateur Lewis: Monsieur Sandell, combien la commission actuelle compte-t-elle de commissaires?
M. Sandell: La commission actuelle, sous la présidence de David Scott, un avocat d'Ottawa, compte trois membres. Je peux vous donner leurs noms, si vous le voulez.
Le sénateur Lewis: Si ça ne vous ennuie pas.
M. Sandell: Le président est M. David Scott, c.r., d'Ottawa. Il y a deux autres commissaires: M. Michel Vennat du cabinet d'avocats Stikeman, Elliott à Montréal et Mme Barbara Rae, une femme d'affaires de Vancouver. Ce sont les trois commissaires qui font partie de la commission actuelle.
Le sénateur Lewis: Ce projet de loi ne comporte donc en fait qu'un seul article.
M. Sandell: C'est exact, un seul article et il comporte également une disposition «il est entendu que». La première partie de cet article vise uniquement à porter à 12 mois le délai de 6 mois prévu au paragraphe 26(2) de la Loi sur les juges. La disposition «il est entendu que» rend la prolongation de ce délai applicable aux commissaires actuels qui ont été nommés le 30 septembre 1995.
J'ajouterais que les commissaires, qui sont nommés pour six mois, doivent l'être entre la période du 1er avril et du 30 septembre de la troisième année. À titre d'exemple, des commissions ont été formées en 1983, en 1986, en 1989, en 1992 et en 1995. La commission de 1995 doit être constituée en vertu de la Loi sur les juges entre le 1er avril et le 30 septembre de cette troisième année. Le délai de six mois commence à courir dès la nomination des commissaires. La commission actuelle, sous la présidence de M. Scott, a été formée le dernier jour de cette période de six mois. C'est la procédure qui a été suivie traditionnellement pour toutes les commissions précédentes. Elle a été constituée le 30 septembre 1995. Son mandat entre en vigueur à cette date et expire par conséquent le 31 mars 1996, c'est-à-dire dans une ou deux semaines. Le mandat de six mois de la commission actuelle, si on ne tient pas compte de la modification de la loi, expirera le 31 mars de cette année.
Le sénateur Lewis: Je comprends ce que vous avez dit à propos de l'article du projet de loi. D'après ce que je comprends, la première disposition du projet de loi remplace le paragraphe (2) de l'article 26 de la Loi sur les juges. Puis, il y a une autre disposition, la disposition «il est entendu que», qui est aussi le paragraphe deux. Est-ce qu'il n'aurait pas fallu que ce soit le paragraphe trois?
M. Sandell: Le paragraphe 1(1) du projet de loi modifie le paragraphe 26(2). La partie qui n'est pas en caractères gras au début du paragraphe (2) modifié, et qui commence par «Dans les «douze» mois, est en fait le paragraphe de la Loi sur les juges qui est modifié par le projet de loi. Il s'agit du paragraphe (1) du projet de loi. Le paragraphe (2) du projet de loi est la disposition «il est entendu que».
Ce projet de loi comporte essentiellement deux paragraphes. Le paragraphe 1(1) modifie le paragraphe 26(2) de la loi. Le paragraphe 1(2) renferme les dispositions «il est entendu que».
Le sénateur Lewis: Si le projet de loi est adopté, alors la loi comportera le paragraphe 26(1), puis un nouvel article.
M. Sandell: Le paragraphe 26(1) de la Loi sur les juges est...
Le sénateur Lewis: Il resterait le même.
M. Sandell: Le paragraphe 26(1) de la Loi sur les juges n'est pas modifié. Il ne sera pas modifié.
Le sénateur Lewis: Il restera le même.
M. Sandell: Le paragraphe 26(2) de la Loi sur les juges, qui débute par «Dans les douze mois qui suivent leur nomination», est modifié par le paragraphe 1(1) du projet de loi. C'est la raison pour laquelle il est précédé d'un petit (2) parce qu'il renvoie au paragraphe 26(2) de la Loi sur les juges.
Le sénateur Lewis: Mais en fait il ne fait que remplacer le paragraphe 2, n'est-ce pas?
M. Sandell: C'est exact.
Il apporte également une autre modification en ce qui concerne la version anglaise. La dernière ligne du nouveau paragraphe 26(2) de la version anglaise indique «after the Minister receives it». Cela est conforme à l'élimination des pronoms de genre dans le projet de loi. Chaque fois qu'une loi est modifiée de la façon habituelle, tout pronom ou référence de genre dans un paragraphe est automatiquement supprimé. Le mot qui est supprimé ici est le mot «he». L'expression «After he receives it» est remplacée par l'expression «After the Minister receives it». C'est maintenant une procédure courante dans la rédaction des lois.
Le sénateur Lewis: Une chose m'intrigue. Le paragraphe (1) ne change pas. Le paragraphe (2) sera remplacé. Donc vous avez un autre paragraphe mais qui s'appelle encore le paragraphe 2. Ne devrait-il pas s'agir du paragraphe 3?
M. Sandell: Non, je ne crois pas, monsieur le sénateur. C'est un paragraphe de ce projet de loi. La disposition «il est entendu que» ne fera pas partie de la Loi sur les juges. Elle fera partie des statuts du Canada, c'est-à-dire du chapitre que deviendra le projet de loi C-2. Elle ne sera pas incorporée à la Loi sur les juges.
Le sénateur Lewis: Bien.
M. Sandell: Il s'agit d'une disposition transitoire sui generis qui ne s'applique qu'à la commission actuelle et qui ne fera pas partie de la structure permanente de la Loi sur les juges.
Le sénateur Lewis: Je crois comprendre que quatre commissions ont déposé leur rapport.
M. Sandell: C'est exact. La commission Scott est la cinquième depuis que la Loi sur les juges a été modifiée pour prévoir la formation de commissions triennales.
Le sénateur Lewis: Je crois également comprendre que ces rapports ne sont pas exécutoires.
M. Sandell: C'est exact.
Le sénateur Lewis: Ce sont en fait des conseils à l'intention du ministre et du Parlement.
M. Sandell: À l'intention du ministre, du gouvernement et du Parlement. Ils sont déposés au Parlement.
Ce processus de commission triennale visait à éviter dans la mesure du possible toute partialité politique dans la détermination des traitements et avantages des magistrats.
Le sénateur Corbin: La partialité politique n'existe pas.
M. Sandell: Elle existe peut-être dans l'autre endroit.
Le sénateur Lewis: Ces commissions ont formulé des recommandations. Pouvez-vous nous indiquer, sans aller dans le détail, si le Parlement fixe effectivement le traitement?
M. Sandell: Oui. Il s'agit d'une exigence constitutionnelle prévue à l'article 100 de la Loi constitutionnelle.
Le sénateur Lewis: Pouvez-nous nous indiquer de façon générale si le Parlement a tenu compte des recommandations formulées dans ces trois rapports précédents?
M. Sandell: C'est une excellente question. Je peux remonter au tout premier rapport. Certaines recommandations de la commission de 1983, la commission Lang, qui recommandait entre autres une importante augmentation de traitement, ont été mises en oeuvre. Aucun rapport des commissions n'a été mis en oeuvre intégralement et certains rapports ne l'ont pas du tout été. Le rapport de la commission de 1983, qui recommandait entre autres une importante augmentation de traitement, a été mis en oeuvre. Cette augmentation de traitement a été mise en oeuvre dans une certaine mesure par le projet de loi C-78, si je me souviens bien, de 1985, qui augmentait le traitement des juges mais pas dans la mesure recommandée par la commission de 1983. Je crois que l'augmentation accordée correspondait environ à la moitié de l'augmentation recommandée par la commission triennale de 1983.
La commission de 1986, la commission Guthrie, a recommandé que le traitement des juges soit porté à 127 000 $ par année à compter du 1er avril 1986. Il s'écoule habituellement deux ans entre le moment où la commission dépose son rapport et celui où un projet de loi est mis en oeuvre. En 1988, le projet de loi C-88 a accordé l'augmentation de traitement recommandée par la commission Guthrie mais cette augmentation n'entrait en vigueur qu'à compter du 1er avril 1988 et non à compter du 1er avril 1986, comme le recommandait la commission Guthrie. En fait, le projet de loi C-88 échelonnait l'augmentation du traitement des juges sur une période de trois ans, c'est-à-dire 1986, 1987 et 1988. Le projet de loi a été adopté en 1988 mais comportait une disposition rétroactive.
La commission Guthrie a également recommandé d'accorder au conjoint survivant d'un juge décédé en exercice ou après la retraite une augmentation de 20 p. 100 de la pension viagère. Cette recommandation n'a pas été adoptée.
La commission de 1989, la commission Courtois, a recommandé une augmentation de traitement. Elle a également repris la recommandation formulée par la commission de 1986 visant à augmenter de 20 p. 100 les prestations au conjoint survivant. La commission de 1989 a également recommandé que les juges cessent de cotiser à leur régime de pension. La cotisation des juges à leur régime de pension représente 7 p. 100 de leur traitement brut. Le taux de cotisation des juges nommés avant 1975 est de 1,5 p. 100. La commission Courtois a également recommandé une augmentation de traitement et a repris la recommandation de la commission Guthrie prévoyant une augmentation de 20 p. 100 des pensions aux survivants.
En décembre 1991, suite au rapport de la commission Courtois de 1989, le gouvernement a déposé le projet de loi C-50 qui ne renfermait ni la recommandation relative au traitement formulée par la commission Courtois, ni la recommandation proposant que les juges cessent de cotiser à leur régime de pensions. Le projet de loi C-50 accordait toutefois l'augmentation recommandée de 20 p. 100 des prestations aux survivants. Le projet de loi C-50 n'a jamais franchi l'étape de la première lecture. Il est mort au Feuilleton lors de la dissolution du Parlement.
Le sénateur Lewis: Donc les dispositions relatives aux cotisations sont toujours en vigueur?
M. Sandell: C'est exact. Les juges continuent de cotiser à leur régime de pension aux taux qui sont entrés en vigueur en 1975, c'est-à-dire 7 p. 100 pour les juges nommés après le 17 février 1975 et 1,5 p. 100 pour les juges nommés avant cette date. Cela s'explique par le fait qu'avant 1975, les juges ne cotisaient pas du tout à leur régime de pension. En 1975, lorsque les dispositions relatives aux cotisations ont été ajoutées à la Loi sur les juges, les juges déjà en fonction ont bénéficié de droits acquis et n'ont eu qu'à verser 1,5 p. 100 de leur traitement qui devait servir à payer le coût des prestations aux survivants par opposition aux pensions des juges proprement dites. Les juges qui n'étaient pas encore en fonction seraient tenus de payer le taux plus élevé de 7 p. 100. Comme on peut s'y attendre, les juges nommés avant 1975 sont de plus en plus rares car ils arrivent à l'åge de la retraite. Je dirais qu'à l'heure actuelle, probablement plus de 90 p. 100 de tous les juges nommés par le gouvernement fédéral versent une cotisation de 7 p. 100 et éventuellement, bien sûr, ce chiffre atteindra 100 p. 100.
Je n'ai pas fini de vous parler des rapports de ces commissions. Après la commission de 1989, le projet de loi C-50 a été déposé en décembre 1991. Il avait pour principal objectif de majorer les prestations de survivant de 20 p. 100. Le C-50 est mort au Feuilleton en septembre 1993.
Après la commission Crawford de 1992, plus rien n'a été déposé ou mis en oeuvre.
Le sénateur Lewis: Lorsque vous dites déposé, vous parlez de rapports?
M. Sandell: Un rapport a été déposé. Il a été remis au ministre et déposé au Parlement, mais le gouvernement n'a donné suite à aucune des recommandations formulées. En fait, celles-ci ont été remplacées par le projet de loi sur le gel des salaires. Les traitements des juges ont été gelés au niveau de salaire en vigueur le 1er avril 1992.
Le sénateur Lewis: Est-ce que la commission Crawford a proposé des recommandations?
M. Sandell: Pas au sujet des traitements. Le premier gel, que j'appellerai le gel Mazankowski puisque c'était M. Mazankowski qui était ministre des Finances à l'époque, a été imposé une semaine avant le début des audiences de la commission Crawford. Ce geste a surpris les juges et la commission.
Cette dernière a donc recommandé qu'une fois le gel terminé, les juges ne reçoivent aucune hausse pour rattraper les années durant lesquelles leur traitement a été gelé. La Loi sur les juges prévoit une clause d'indexation. En temps normal, le 1er avril de chaque année, le traitement des juges est majoré en fonction du pourcentage que représente le rapport de l'indice de la rémunération pour l'ensemble des activités économiques de la première année de rajustement sur celui de la seconde. Autrement dit, le 1er avril 1992, le traitement des juges a été rajusté à la hausse selon le pourcentage que représente le rapport de l'indice, qui est publié par Statistique Canada, de 1991 sur celui de 1990. Ce chiffre correspond à l'augmentation de traitement à laquelle ils ont automatiquement droit au 1er avril 1992. Par suite des gels qui ont été décrétés, d'abord par M. Mazankowski et ensuite par M. Martin deux ans plus tard, l'indexation automatique du traitement des juges a été suspendue jusqu'au 31 mars 1997. Cela veut dire que le traitement des juges augmentera automatiquement le 1er avril 1997, La commission Crawford a recommandé, en 1992, de ne pas assortir l'augmentation consentie le 1er avril 1997 d'une hausse additionnelle pour compenser les années de gel.
Le sénateur Corbin: Pas de clause de rattrapage.
M. Sandell: Exactement, mais lorsque la commission a formulé cette recommandation, seul le gel initial de deux ans décrété par Mazankowski était en vigueur. Depuis, ce gel a été prolongé de deux ans par Paul Martin.
Le sénateur Lewis: Vous avez parlé du traitement des juges en plus de fournir des chiffres. Je présume que cela s'applique aux juges puînés des cours supérieures.
M. Sandell: C'est exact. Je vous ai remis une feuille sur laquelle figure le traitement des juges. Ce sont les taux qui étaient en vigueur le 1er avril 1992.
Le traitement des juges puînés des cours supérieures, qui comprennent les juges de tous les tribunaux provinciaux de première instance, des cours supérieures provinciales, des cours d'appel provinciales, de la Cour fédérale du Canada et de la Cour canadienne de l'impôt, qui techniquement n'est pas une cour supérieure, est de 155 800 $. Le traitement d'un juge puîné de la Cour suprême du Canada est de 185 200 $. Le traitement du juge en chef de la Cour suprême du Canada est de 199 000 $.
Selon toute probabilité, 95 p. 100 de tous juges nommés par le gouvernement fédéral reçoivent 155 800 $ par année. Les juges en chef des cours provinciales, des cours supérieurs provinciales, de la Cour fédérale et de la Cour canadienne de l'impôt, de même que les juges en chef adjoints de ces cours, touchent 170 600 $.
Ces traitements sont, en temps normal, rajustés à la hausse le 1er avril de chaque année en fonction de l'indice de la rémunération pour l'ensemble des activités économiques. Toutefois, comme je l'ai mentionné, toute augmentation a été suspendue jusqu'au 31 mars 1997.
Le sénateur Beaudoin: Vous avez parlé du jugement Valente qui portait sur l'indépendance de l'appareil judiciaire. Parmi les trois éléments mis de l'avant dans cette affaire, il y avait la sécurité financière des juges. Je crois comprendre que les commissions triennales ont pour objet d'assurer la sécurité financière des juges. Il s'agit d'un mécanisme relativement nouveau.
M. Sandell: C'est exact. La Loi sur les juges a été modifiée en 1981. La première commission a vu le jour en 1983.
Le sénateur Beaudoin: Ce qui correspond au jugement Valente.
M. Sandell: C'est exact. Le jugement Valente a été rendu en 1984-1985, et le jugement Beauregard en 1985 ou en 1986.
Le sénateur Beaudoin: Le jugement Beauregard portait sur la pension des juges. Celles-ci varient en fonction de la date de nomination des juges.
M. Sandell: Le jugement Beauregard, du nom du juge Beauregard de la Cour d'appel du Québec, portait sur la règle 1,5-7 p. 100 dont j'ai fait mention plus tôt. Le litige tire son origine dans les modifications qui ont été apportées en 1975 à la Loi sur les juges et qui obligeaient les juges à cotiser à leur régime de pension. Pour des raisons qui me sont inconnues, elle est entrée en vigueur avec effet rétroactif à la date de dépôt du projet de loi. Les modifications concernant les pensions sont, en fait, entrées en vigueur en décembre 1975. Pour une raison ou une autre, la loi est entrée en vigueur rétroactivement à la date de première lecture du projet de loi, en février 1975.
Le juge Beauregard ainsi que d'autres ont été nommés entre février 1975 et décembre 1975 alors que le projet de loi se trouvait toujours devant le Parlement. En raison de la rétroactivité de la loi, il s'est trouvé assujetti à la règle du 7 p. 100. Ce facteur, de même que la question de savoir si les juges devraient cotiser à leur régime de pension, sont les deux points sur lesquels s'est penchée la Cour suprême du Canada dans l'affaire Beauregard. La Cour suprême a statué que la rétroactivité du projet de loi était constitutionnelle, tout comme l'exigence voulant que les juges cotisent à leur régime de pension.
Le sénateur Beaudoin: Est-ce que les commissions triennales se penchent sur les questions touchant le traitement et la pension des juges?
M. Sandell: Oui. Le paragraphe 26(1) de la Loi sur les juges dispose ce qui suit:
...de trois à cinq commissaires chargés d'examiner si les traitements et autres prestations prévues à la présente loi, ainsi que, de façon générale, les avantages pécuniaires consentis aux juges sont satisfaisants.
En ce qui concerne le principe constitutionnel qui sous-tend cette disposition, l'article 100 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique dispose que:
Les salaires, allocations et pensions des juges des cours supérieures, de district et de comté... seront fixés et payés par le Parlement du Canada.
Voilà les principes constitutionnels qui servent de base à la Loi sur les juges et, en fait, qui justifient la création de commissions triennales. Celles-ci ont pour objet de fournir des conseils au gouvernement et au Parlement. Elles formulent des recommandations indépendantes et objectives sur le traitement des juges, en tenant compte du fait que les juges eux-mêmes ne peuvent négocier leur salaire. Ils ne devraient pas le faire et ne devraient pas être perçus comme étant en train de le faire.
Le sénateur Corbin: Est-ce que la commission dispose des services d'un secrétaire?
M. Sandell: Oui.
Le sénateur Corbin: D'où vient-il?
M. Sandell: La première commission, en 1983, avait comme secrétaire un avocat du ministère de la Justice qui avait été détaché auprès de la commission. J'ai agi en qualité de secrétaire exécutif des commissions mises sur pied en 1986, 1989 et 1992.
Le sénateur Corbin: Est-ce que cela figure dans la loi ou dans les règlements?
M. Sandell: Non. C'est ce qui se fait dans la pratique. Le secrétaire exécutif de la commission actuelle n'entretient aucun lien avec le gouvernement; il a été recruté par M. Scott.
Le sénateur Corbin: La commission est libre de choisir son propre secrétaire?
M. Sandell: Oui, mais c'est la première fois que la commission ne retient pas les services d'un avocat du ministère de la Justice pour remplir le rôle de secrétaire exécutif.
Le sénateur Corbin: Est-ce que les avocats du ministère de la Justice sont détachés en tant que conseillers ou sont-ils là uniquement sur demande?
M. Sandell: Auprès de la commission?
Le sénateur Corbin: Oui.
M. Sandell: Comme je l'ai mentionné, dans le passé, le ministère de la Justice a déjà détaché un avocat auprès de la commission pour qu'il agisse comme secrétaire exécutif. Étant donné que le mandat de la commission était très vaste, on estimait que le fait de détacher un avocat du ministère de la Justice aiderait la commission à terminer son rapport dans le délai de six mois. Il aurait été difficile pour ces commissions de compléter leurs rapports sans l'aide d'un avocat qui agirait comme secrétaire exécutif.
La commission actuelle, la première sur les cinq, n'a pas retenu les services d'un avocat du ministère de la Justice, et elle espère que son mandat sera prolongé de six mois. Toutefois, au besoin, elle pourrait soumettre son rapport d'ici le 31 mars.
Le sénateur Corbin: Est-ce que des représentants syndicaux ont déjà siégé au sein des commissions?
M. Sandell: Oui. Mais pas des commissions triennales. Avant que celles-ci ne voient le jour, il y a eu trois comités spéciaux qui ont siégé.
L'un était présidé par M. Emmett Hall, le deuxième, par M. Dorfman de Winnipeg, et le troisième, par M. de Grandpré, de Montréal. Ces comités n'ont pas été créés aux termes de la loi, mais plutôt de façon ponctuelle pour étudier des questions précises concernant le traitement et les avantages accordés aux juges.
Je peux vous donner des dates précises. Le comité Hall, présidé par l'honorable juge Emmett Hall, un juge à la retraite de la Cour suprême du Canada, a déposé son rapport en 1974. Le comité présidé par M. Irwin Dorfman a déposé son rapport en novembre 1978, et le comité de Grandpré a déposé le sien en décembre 1981.
Ces comités spéciaux, qui n'ont pas été créés aux termes de la loi, ont eu pour mandat de se pencher sur des questions précises relatives à la rémunération des juges, qu'il s'agisse de leur traitement ou de leur pension ou des deux. Comme ces comités spéciaux se sont avérés fort utiles, on a décidé d'incorporer ces commissions dans la Loi sur les juges pour qu'elles fassent partie intégrante du processus de compensation judiciaire. Des représentants du milieu syndical ont fait partie d'au moins un de ces comités spéciaux.
Si je ne m'abuse, aucun représentant syndical n'a siégé au sein des commissions triennales, sauf peut-être dans un cas. Un des membres de la dernière commission, en 1992, siégeait également au sein du comité chargé d'examiner le régime de pension des enseignants de l'Ontario.
Le sénateur Corbin: Vous avez dit que le public peut participer à ces études. Dans quelle mesure y a-t-il participé dans le passé? Comment le public sait-il qu'une telle étude est en cours? Est-ce qu'on publie un avis? Est-ce que le public doit soumettre ses vues par écrit? Est-ce que les présentations personnelles et orales sont acceptées?
M. Sandell: Dès qu'une commission est mise sur pied, un avis est publié dans les journaux du pays. J'ai remis au greffier du comité des exemplaires des rapports des trois dernières commissions. Je peux en obtenir d'autres. Dans chaque rapport figure la liste des journaux dans lesquels un avis a été publié. Il y en a eu plus de 25. Parmi ceux-ci figurent des journaux de langue anglaise et de langue française dans chacune des provinces et dans chacun des territoires.
L'avis publié dans les journaux invite le public à soumettre des mémoires écrits et précise que si le témoin désire présenter un exposé oral, il sera informé de la date et du lieu de l'audience.
Il y a des gens qui soumettent des mémoires. Ces derniers sont toujours énumérés à l'annexe du rapport de la commission. Le nombre de mémoires déposés n'est pas très élevé, mais toutes les commissions, sans exception, en ont reçus.
Le sénateur Corbin: Pouvez-vous nous donner un chiffre?
M. Sandell: Habituellement, on reçoit moins de six mémoires du public. Il y a invariablement des mémoires qui sont présentés par les barreaux ou une fédération de barreaux, des procureurs généraux provinciaux, l'Association du Barreau canadien, le Conseil canadien de la magistrature, la Conférence canadienne des juges et autres groupes.
Le sénateur Corbin: Je parle du simple citoyen. Je ne parle pas des gens qui travaillent dans ces domaines spécialisés.
M. Sandell: Je comprends. On reçoit, en moyenne, moins de six mémoires du public.
Le sénateur Corbin: Est-ce que cette dépense publicitaire est justifiée? Nous le faisons au nom de la démocratie, j'en suis sûr, mais est-elle justifiée? Ce genre de publicité coûte cher.
M. Sandell: Je le sais. Mais cela est nécessaire dans les circonstances. Il est impossible de prédire le nombre de mémoires que nous recevrons. Cela fait partie du processus des audiences publiques. Il est inutile de tenir une audience si le public ne sait pas qu'il y a des audiences et qu'il peut présenter un mémoire par écrit ou oralement.
Le sénateur Corbin: Nous sommes obligés de faire la même chose à l'occasion. Je comprends donc votre point de vue.
J'aimerais demander à mes collègues...
[Français]
Mes collègues de langue française pourront m'aider. Je regardais le texte du paragraphe (1) où il est dit:
Dans les douze mois qui suivent leur nomination, les commissaires transmettent au ministre de la Justice un rapport assorti des recommandations qu'ils estiment utiles.
[Traduction]
Cela me rappelle ma jeunesse, quand on avait l'habitude d'aller au magasin général pour acheter des bonbons assortis. Est-ce la formule habituelle?
[Français]
Le sénateur Beaudoin: C'est la formule habituelle.
Le sénateur Nolin: C'était au magasin de bonbons qu'il n'avait pas la bonne appellation.
[Traduction]
Le sénateur Corbin: Une dernière chose. Je ne suis pas un avocat, mais comment prononcez-vous le mot «puisne» en anglais? Est-ce qu'on le prononce de la même façon que «puny», qui n'a pas du tout le même sens?
M. Sandell: Oui. Ces mots ne veulent pas dire la même chose, mais je présume qu'ils ont la même racine.
Le sénateur Lewis: On trouve à l'annexe du rapport de 1989 une liste des témoins qui ont soumis des mémoires. Les deux derniers sont Terry Billings, du Nouveau-Brunswick, et James Tkachuk, de l'Alberta. J'ai demandé à mon collègue du Nouveau- Brunswick s'il connaissait Terry Billings. Il m'a dit non.
Madame la présidente, connaissez-vous James Tkachuk?
La présidente: Non. Peut-être que notre nouveau collègue, le sénateur Taylor, le connaît.
Le sénateur Lewis: Je pense qu'il s'agit de simples citoyens.
M. Sandell: C'est exact. Je tiens à préciser que certains mémoires sont écrits à la main. Certains ne figurent pas dans cette liste parce qu'ils ne constituent pas, d'après la commission respective, des mémoires officiels. Il s'agit habituellement de mémoires qui critiquent sévèrement un juge devant lequel l'auteur du texte a déjà comparu.
Le sénateur Corbin: Ils ont peut-être été envoyés d'un pénitencier quelconque.
Le sénateur Nolin: Je n'avais pas l'intention d'aborder la question du traitement des juges, mais dans le document que vous avez fourni à mon bureau, hier, et pour lequel je vous remercie, on trouve une liste complète des traitements versés ainsi que quelques notes en bas de page. Pourquoi la rémunération annuelle de 2 000 $ est-elle uniquement versée aux juges de la Cour fédérale et de la Cour de l'impôt, et non pas aux autres?
M. Sandell: La rémunération de 2 000 $ s'ajoute à celle de 3 000 $ que versent les provinces.
Le sénateur Nolin: Pas toutes les provinces. Je ne crois pas que le Québec verse de l'argent aux juges fédéraux.
M. Sandell: C'est exact. La Loi sur les juges précise que les provinces peuvent verser aux juges d'une cour supérieure une rémunération additionnelle maximale de 3 000 $ par année pour assumer, par exemple, les fonctions de juge successoral dans la province. Ces dispositions existent depuis des décennies. Seulement trois provinces versent cette rémunération - l'Ontario, l'Alberta et la Saskatchewan. L'Ontario a cessé de la verser il y a trois ou quatre ans, à l'époque où le gouvernement Rae était au pouvoir, bien qu'ils aient adopté une clause pour maintenir les droits acquis de tous les juges en exercice à ce moment-là. Les juges nommés à la Division générale de la Cour de l'Ontario ou à la Cour d'appel de l'Ontario après 1992-1993 ne reçoivent plus la rémunération de 3 000 $ du gouvernement de l'Ontario. Les juges de la Division générale et de la Cour d'appel nommés avant cette date continuent de recevoir cette rémunération. L'Alberta et la Saskatchewan continuent de la verser à tous les juges nouvellement nommés ainsi qu'aux juges en poste. Cet argent vient des provinces.
Le sénateur Nolin: Cette subvention de 3 000 $ existe parce que certaines compétences provinciales supposent que ces juges, nommés par le gouvernement fédéral, s'acquittent de responsabilités provinciales.
M. Sandell: C'est exact.
Le sénateur Nolin: Quelle est la raison d'être de la subvention de 2 000 $ versée aux juges de la Cour fédérale et de la Cour canadienne de l'impôt?
M. Sandell: Voilà une excellente question. En fait, je l'ignore. Je puis toutefois vous donner une réponse officieuse.
Le sénateur Nolin: Suppose-t-on que ces juges s'acquittent de responsabilités provinciales?
M. Sandell: Non. On estimait que, puisque certains juges de cour supérieure provinciale touchaient une subvention, il convenait que les juges de cour supérieure nommés par le gouvernement fédéral en reçoivent aussi. Cette subvention est inférieure à celle de 3 000 $.
Le sénateur Nolin: Je le sais.
M. Sandell: La subvention est fédérale, non pas provinciale.
Le sénateur Nolin: C'est une subvention fédérale. Or, certaines provinces ne versent pas de subvention de 3 000 $.
M. Sandell: La subvention n'est versée qu'aux juges de la Cour fédérale et de la Cour canadienne de l'impôt. Ceux de la Cour suprême du Canada n'en ont pas.
Le sénateur Nolin: Cette mesure a été prise par souci d'équité, mais, en fait, elle est inéquitable.
Le sénateur Lewis: Vous avez parlé des provinces et affirmé que certains de ces juges pouvaient être appelés à siéger à des tribunaux de succession et de tutelle. Je crois savoir que les juges de la Cour fédérale et de la Cour canadienne de l'impôt se déplacent.
M. Sandell: C'est exact. La Cour fédérale, tant la Section de première instance que la Division d'appel, de même que la Cour canadienne de l'impôt, sont des cours itinérantes. Elles se déplacent un peu partout au pays. En fait, la dernière fois que j'étais en Cour fédérale, c'était à Corner Brook, à Terre-Neuve.
Le sénateur Nolin: Cependant, ces juges soumettent un état de leurs frais de déplacement, qui leur sont remboursés.
M. Sandell: Leurs frais de déplacement sont remboursés par le Commissaire à la magistrature fédérale.
Le sénateur Nolin: J'ai une autre question concernant le problème des coûts. Le sénateur Corbin a posé des questions au sujet du secrétaire de la commission. Celui-ci est une personne recrutée de l'extérieur. A-t-il un budget fixe ou présente-t-il un état détaillé? Lui paie-t-on les coûts qu'il soumet? Doit-il faire son travail dans les limites d'un budget bien précis qui ne sera pas augmenté même si son mandat est prolongé?
M. Sandell: Vous avez dit qu'ils nous envoient leurs factures; ils ne les envoient pas au ministère de la Justice. Tous les coûts sont assumés par le Commissaire à la magistrature fédérale, qui est distinct du ministère de la Justice.
M. Guy Goulard est l'actuel Commissaire à la magistrature fédérale. Quand vient l'année durant laquelle doit être nommée une commission triennale - bien sûr, cette année est prévisible puisqu'elle revient tous les trois ans -, il prévoit un peu plus dans ses prévisions budgétaires annuelles en vue de pouvoir en payer le coût. À cette fin, il se fonde sur les coûts des commissions antérieures. Le montant supplémentaire demandé dans les prévisions budgétaires annuelles est très modeste. Jusqu'ici, le coût des commissions a toujours été bien inférieur à 100 000 $. En fait, la plupart de ces commissions ont coûté bien moins que la moitié de cela.
Il n'existe pas de budget fixe parce qu'il s'agit d'une commission indépendante. Elle est nommée par le ministre de la Justice. Une fois la commission nommée, les décisions lui appartiennent. Elle peut tenir des audiences un peu partout au pays si elle le souhaite ou, comme le veut l'usage, dans une seule ville, habituellement à Ottawa. Elle peut siéger 100 fois ou 10 fois, comme elle le juge bon, durant son mandat de six mois.
Jusqu'ici, le mode de fonctionnement des commissions a été assez constant. Elles siègent peut-être 12 fois durant leur mandat de six mois. Elles font aussi beaucoup de conférences téléphoniques. Elles tiennent des audiences qui durent habituellement une journée et demie ou deux, en moyenne, dans des salles qui ne leur coûtent rien. Les deux dernières fois qu'une commission a siégé, les audiences ont eu lieu au Centre des conférences, qui lui prêtait des locaux.
Les différentes commissions ont toutes suivi à peu près le même modèle. Au moment de la nomination des membres et avant, elles ne disposent pas de budget fixe. Comme il s'agit de commissions indépendantes, il serait probablement difficile de le faire. Les coûts sont à peu près toujours les mêmes, se situant habituellement aux alentours de 50 000 $.
Le sénateur Nolin: J'ai bien compris votre réponse. Cependant, nous parlons ici d'un nouveau mode de fonctionnement. Le secrétaire de la commission vient du secteur privé.
M. Sandell: Le secrétaire travaille lui aussi à temps partiel.
Le sénateur Nolin: Je le sais, mais la question ne me semble pas claire. Je vous crois lorsque vous dites que les coûts n'augmenteront pas. Je puis comprendre que les membres ne puissent faire leur travail durant les six premiers mois et qu'ils aient besoin de 12 mois. Même si les chiffres ne sont pas imposants, il est possible que les coûts de la commission augmentent. Même si vous nous dites qu'il n'y aura pas d'accroissement de coûts, je n'en pas si sûr.
M. Sandell: Le coût pourrait augmenter. Cependant, nous ne le prévoyons pas. Je ne puis affirmer en toute certitude que la commission Scott ne coûtera pas un sou de plus parce que son mandat a été prolongé. Cependant, toute augmentation sera absorbée par le budget existant du Commissaire à la magistrature fédérale.
Le sénateur Nolin: En fin de compte, c'est quand même le contribuable qui paie. Même s'il n'est question que de 50 000 $ par année pendant six mois, ce montant pourrait doubler.
M. Sandell: J'en doute fort. Ayant moi-même agi en qualité de secrétaire exécutif de trois commissions, je connais leur fonctionnement et je sais, par exemple, que leurs membres font leur travail les week-ends et les jours fériés. Ils se réunissent dans les bureaux d'un des leurs.
Le résultat le plus vraisemblable de la prolongation de six mois est que tout pourra se faire avec moins de håte. Les membres de la commission ne se réuniront pas forcément plus fréquemment. Ils auront plutôt tout juste le temps de souffler entre chaque séance.
Le sénateur Nolin: Je vous fais confiance.
M. Sandell: Vous faites valoir un point valable, sénateur, mais nous ne prévoyons certes pas une augmentation ferme des coûts. Elle demeure concevable, mais elle serait alors absorbée par le Commissaire à la magistrature fédérale.
Il n'y aurait aucune demande supplémentaire de fonds par suite de la prolongation du mandat de ces commissions, de six à 12 mois.
Le sénateur Nolin: J'accepte votre réponse. Toutefois, s'il n'y avait pas de prolongation de six mois, il resterait des fonds inutilisés dans le budget courant du Commissaire à la magistrature fédérale à la fin de l'exercice.
M. Sandell: Fonds qui ne seraient peut-être pas inutilisés si le mandat est prolongé.
Le sénateur Nolin: Nous nous comprenons fort bien. Vous devriez dire au secrétaire qu'il conviendrait d'informer les membres de la Commission que la prolongation ne signifie pas plus d'argent.
M. Sandell: Je pourrais ajouter que le travail accompli par bon nombre de ces commissaires revient à du bénévolat pour le compte du gouvernement du Canada. Dans le passé, des commissaires ont refusé de toucher les indemnités quotidiennes auxquelles ils avaient droit. Je sais que tous les commissaires actuels, sans exception, reçoivent moins que ce qui leur avait été offert et, déjà, on leur avait offert beaucoup moins que ce à quoi ont droit les représentants. Nous parlons ici d'avocats et de gens d'affaires très en vue. La rémunération qu'ils touchent pour une pleine journée de travail en tant que commissaires, habituellement le week-end ou un jour férié, revient à faire du bénévolat pour le compte du gouvernement du Canada.
Le sénateur Bryden: Combien touchent-ils? Quelles sont les indemnités quotidiennes auxquelles ils ont droit?
M. Sandell: Actuellement, ils ont droit à 500 $ par jour. Je vous avoue que pareille indemnité est dérisoire pour un conseiller de la trempe de David Scott.
Le sénateur Bryden: Je fais partie du même groupe que lui.
M. Sandell: Nous parlons ici de 500 $ par jour de travail accompli pour le compte de la commission, non pas d'un taux horaire.
Le sénateur Bryden: Le travail des commissaires et les coûts de la commission peuvent-ils faire l'objet d'un examen par le vérificateur général?
M. Sandell: Certes, le budget du Commissaire à la magistrature fédérale est soumis à une vérification. Les études dont sont membres les commissaires avocats facturent le Commissaire à la magistrature fédérale, par exemple trois jours d'indemnités quotidiennes à raison de 500 $ par jour. Toutes ces factures sont conservées par le Bureau du commissaire à la magistrature fédérale et peuvent donc faire l'objet d'une vérification.
Le sénateur Bryden: Le secrétaire exécutif touche-t-il la même indemnité?
M. Sandell: Non, je ne le crois pas. Le secrétaire exécutif actuel, le premier à ne pas faire ce travail gratuitement, est un directeur adjoint à la retraite de l'Université Carleton. Lui aussi travaille à temps partiel pour la commission. Il a un bureau chez le Commissaire à la magistrature fédérale. J'ignore quelles indemnités quotidiennes lui sont versées, en toute franchise. Je connais celles des commissaires, mais je ne sais à combien a droit le secrétaire actuel. C'est la première fois qu'un secrétaire est rémunéré. Comme je l'ai mentionné, tous les secrétaires antérieurs étaient des avocats à l'emploi du ministère de la Justice.
Le sénateur Bryden: Je partage la même préoccupation que le sénateur Nolin. Actuellement, le marché du travail n'est pas très favorable aux avocats. L'offre excède la demande.
Le sénateur Nolin: Il y a plus d'avocats qu'il n'y a de commissions.
Le sénateur Bryden: Exactement. Comme je l'ai dit, faisant moi-même partie de leur groupe, je sais que la population a parfois beaucoup de mal à accepter que des membres du Barreau qui, la plupart du temps, forment la majorité des membres de ces commissions chargées d'examiner et fixer la rémunération de postes auxquels la plupart d'entre eux aspirent puissent agir en toute objectivité. On sait bien que, plus on a de temps pour faire un travail, plus on a à faire. Si vous n'avez que six mois, vous ne pouvez facturer que 182 jours au plus. Si vous disposez d'un an, vous pouvez alors en réclamer 365. Je connais certaines des personnes que vous avez mentionnées, comme Purdy Crawford qui n'est pas avocat, si ma mémoire est bonne.
M. Sandell: Il l'est.
Le sénateur Bryden: Toutefois, il a bien gagné sa vie en tant qu'homme d'affaires. Je crois avoir une préoccupation légitime. Il serait intéressant de comparer le coût de cette commission, en tenant compte du taux d'inflation et ainsi de suite, aux 46 000 $ qu'elle a coûté en 1989. La commission est actuellement formée du nombre maximal de membres, soit de cinq membres.
M. Sandell: Actuellement, la commission ne comprend que trois membres.
Le sénateur Bryden: Voilà qui est mieux. Cela me préoccupe. Le fait que le coût soit imputé à un budget ministériel revient au même que si je recevais un avis m'informant que je dois dépenser ce qui reste des fonds discrétionnaires avant la fin de mars, sans quoi on me les enlèvera. Je ne me sens pas obligé de le faire. Cette question est préoccupante, et il faudrait certainement surveiller de près la situation. Je me réjouis que le vérificateur général puisse examiner les dépenses de la commission.
M. Sandell: Je prends bonne note de votre point, sénateur. J'aimerais ajouter, à la décharge des commissaires en général, que lorsqu'ils sont pressentis par le ministre, ils hésitent invariablement à assumer cette responsabilité. Ils sont nommés membres d'une commission triennale presque contre leur gré. Ils le font avec beaucoup de répugnance. L'argent ne représente rien pour eux. Comme je l'ai mentionné, quelques commissaires ont par le passé refusé même de réclamer les frais auxquels ils avaient droit. Ils ne font pas cela pour de l'argent. C'est le dernier de leur souci. En toute franchise, ils préféreraient ne pas avoir à faire ce travail. Ils le font parce qu'ils ont le sens des responsabilités et parce qu'ils veulent aider à préserver un principe qui leur est très cher: l'indépendance de la magistrature.
Certes, je n'ai jamais observé chez aucun des membres des trois commissions pour lesquelles j'ai travaillé le moindre intérêt pour l'aspect pécuniaire. En fait, cette fonction leur coûte de l'argent parce que, pendant ce temps, ils ne peuvent pas facturer des clients, ni faire leur travail habituel. Ils travaillent invariablement les week-ends. Dans les rapports, vous trouverez les dates auxquelles les commissaires se sont réunis ou ont fait des conférences téléphoniques. Si vous vous donnez la peine de bien les examiner, vous constaterez qu'entre 75 et 80 p. 100 de ces dates tombent un week-end ou un jour férié.
Le sénateur Lewis: Combien de commissaires qui étaient avocats sont devenus juges?
M. Sandell: Aucun des membres de la commission de 1983 n'a été nommé juge, bien qu'un d'entre eux soit maintenant au Parlement. M. Paul Martin faisait en effet partie de la commission de 1983. Un membre de la commission de 1986 a été nommé juge à la Cour supérieure du Québec. Quant aux membres de la commission de 1989, l'un d'entre eux originaire de votre province, sénateur...
Le sénateur Lewis: Je l'avais remarqué.
M. Sandell: ...a été nommé juge. Par contre, aucun des commissaires de 1992 n'est juge.
La présidente: Du moins pas encore.
M. Sandell: Les avocats membres de ces commissions sont habituellement des membres très connus de la profession. Bien souvent, ils sont des associés directeurs généraux actuels ou anciens de grandes études de droit. Par exemple, M. Crawford était auparavant un associé directeur général de Osler Hoskin. En règle générale, ce sont des avocats que le ministre consulte habituellement avant de nommer un juge, plutôt que d'être eux-mêmes aspirants à la magistrature. Toutefois, il y a eu les deux cas que je vous ai mentionnés.
Le sénateur Corbin: Pour quelle raison l'examen a-t-il lieu tous les trois ans plutôt que tous les quatre ans, comme c'est le cas pour les députés, par exemple? Il me semble que ces commissions sont rapprochées, ce qui ajoute aux coûts.
M. Sandell: Si j'ai bien compris, cette décision a été prise par le ministre de la Justice d'alors qui est maintenant premier ministre. C'est lui qui avait le portefeuille de la Justice lorsque la Loi sur les juges a été modifiée pour créer les commissions triennales. Les comités spéciaux qui ont précédé les commissions triennales étaient plus ou moins créés aux trois ou quatre ans, et il a été décidé que trois ans représentait une période raisonnable. Du moins est-ce ce que j'ai compris, bien que je n'aie pas été au ministère à l'époque.
Le sénateur Corbin: Cette échéance s'est-elle avérée efficace?
M. Sandell: Oui, compte tenu du fait qu'aucune des recommandations des deux dernières commissions n'a été mise en oeuvre. Ces recommandations ne sont pas exécutoires. J'ajouterais qu'il serait fort probablement inconstitutionnel de rendre ces recommandations exécutoires. En raison de la disposition prévue à l'article 100 de la Constitution qui confère au Parlement le pouvoir de payer et de fixer les salaires, il serait vraisemblablement inconstitutionnel de soumettre celui-ci aux recommandations d'un organe quelconque de l'extérieur en ce qui concerne les salaires et les allocations des juges. C'est au Parlement qu'il appartient d'en décider.
La présidente: Je vous remercie de cet exposé.
Plaît-il aux membres du comité d'adopter le projet de loi maintenant?
Des voix: Oui.
La présidente: Quelqu'un veut-il proposer que l'on fasse rapport du projet de loi C-2 au Sénat, sans proposition d'amendement?
Le sénateur Lewis: Je fais une proposition à cet effet.
La présidente: Plaît-il aux membres d'adopter la motion?
Des voix: Adoptée.
La présidente: La décision est unanime. J'en ferai rapport cet après-midi.
La séance est levée.