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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 19 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 18 juin 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 heures, pour entreprendre l'étude de la résolution de modification de la Constitution du Canada, article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Avant que nous ne commencions à entendre les témoignages, je demanderais que l'on propose une motion pour que l'honorable sénateur Doody soit élu vice-président suppléant pour les audiences du comité sur l'article 17.

Le sénateur Jessiman: Je propose la motion.

La présidente: A-t-elle l'approbation du comité?

Des voix: D'accord.

La présidente: Votre comité directeur constitué du sénateur Nolin, du sénateur Lewis, maintenant du sénateur Doody et moi-même a prévu, pour ce matin, une séance d'information qui ne porte pas spécifiquement sur l'article 17, mais plutôt sur l'article 43 de la Constitution. Cet article prévoit le processus selon lequel Terre-Neuve propose de modifier l'article 17.

Pour nous aider ce matin et pour donner un point de départ à nos délibérations futures, j'ai invité Kathy Brock, qui est professeure de sciences politiques à l'Université Sir Wilfrid Laurier. Elle est titulaire d'un doctorat de l'Université de Toronto et est un ancien professeur de l'Université du Manitoba.

Nous recevons également Anne Bayefsky, professeure de droit constitutionnel et auteur de l'ouvrage intitulé Constitution Act, 1982 and Amendments; a Documentary History. Elle est actuellement à l'Université d'Ottawa et elle ira à l'Université York le 1er juillet.

Mme Kathy Brock, professeure de sciences politiques, Université Sir Wilfrid Laurier: Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous. C'est pour moi une bonne occasion de parler d'un sujet que je juge très important.

Je vais vous parler de l'article 43 de la Constitution en ce qui concerne l'article 17. J'ai décidé de mettre l'accent sur quatre grands aspects et de passer ensuite à la question des audiences constitutionnelles, l'un des domaines dans lesquels je me spécialise. J'ai essayé de me limiter à ce qui me semble être le plus utile pour le moment.

La modification proposée à l'article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada est importante parce qu'elle aura des répercussions concrètes sur la vie des enfants terre-neuviens de même que sur la vie des habitants de la province sur le plan éducatif, moral et religieux.

Le sénateur Rompkey: J'invoque le Règlement pour bien préciser, dès le début de nos audiences, que le nom de «Terre-Neuve» se prononce avec l'accent sur la dernière syllabe.

Le sénateur Petten: J'ajouterais simplement: «Understand Newfoundland».

Mme Brock: J'ai entendu cette expression à la radio de la SRC, il y a quelques jours, et je me suis dit qu'il faudrait que je m'en souvienne. Je vais tâcher de m'en souvenir, car je sais que c'est ainsi qu'on reconnaît les gens de l'extérieur.

Cette modification est également importante parce qu'elle aura des conséquences sur l'avenir de la province et sa capacité à relever les défis du prochain siècle.

Je voudrais d'abord voir avec vous où l'article 43 s'intègre dans la procédure d'amendement et quelle est la logique interne de cet article, car je crois qu'il y en a une. Je passerai très brièvement en revue certaines choses que vous connaissez, simplement pour les mettre en lumière.

L'article 43 permet de modifier la Constitution à la condition que la province visée, le Sénat et la Chambre des communes adoptent une résolution identique, avant que la modification ne soit proclamée. Ce processus peut être utilisé pour des questions qui concernent une ou plusieurs provinces, mais pas la totalité d'entre elles. En vertu du paragraphe 46(1) de la Constitution, la procédure de modification prévue à l'article 43 peut être entamée soit par le Sénat, soit par la Chambre des communes, soit par l'assemblée législative d'une province. C'est important, comme je le soulignerai plus tard.

Contrairement aux modifications apportées en vertu de la formule générale que prévoit l'article 38, aucun délai n'est prescrit.

Quelle est la logique interne de l'article 43? Cet article reconnaît deux faits essentiels en ce qui concerne la Constitution canadienne et le «pacte» canadien. Premièrement, il reconnaît l'autonomie des autorités locales sur les questions locales. C'est un principe qui fait partie de notre Constitution depuis 1867 et qui revêt une importance primordiale pour toutes les provinces. Cela permet à ces dernières d'apporter des modifications qui les touchent directement sans avoir à obtenir au préalable l'autorisation des autres provinces qui ne sont pas directement touchées. Cela libère les provinces des contraintes de la règle des 7/50 et de la règle de l'unanimité.

Ce principe reconnaît également que les besoins et les aspirations de toutes les provinces ne sont pas les mêmes, qu'ils peuvent varier beaucoup et que toutes les provinces ne vont pas nécessairement les comprendre. Tel est le deuxième principe et la deuxième réalité du pacte canadien.

Le premier reconnaît donc l'autonomie locale tandis que le second reconnaît la diversité des provinces et la nécessité de les traiter comme des entités distinctes.

L'article 43 est également important en ce sens qu'il assure une certaine souplesse. Les modifications peuvent être demandées par une province, par le Sénat ou par la Chambre des communes. Autrement dit, si les représentants de la province estiment nécessaire d'apporter un changement, ils ont plusieurs façons de le faire apporter.

Comme vous le remarquerez, cet article n'exige pas une action coordonnée même si, dans certains cas, cela peut être souhaitable pour qu'une modification soit adoptée plus facilement. Cela veut dire également que chacune de ces institutions doit se prononcer indépendamment sur chaque modification.

Un autre avantage de cet article est que, par omission, il permet aux provinces et au gouvernement fédéral d'établir leur propre calendrier pour les modifications; il offre donc une certaine souplesse et fait confiance aux élus politiques. Par conséquent, c'est un article souple, accommodant et raisonnable qui facilite la coopération.

Je voudrais passer au rôle des provinces et du gouvernement fédéral, puis au rôle du Sénat, avant d'aborder les précédents qui existent déjà en vertu de l'article 43.

L'article 43 confère un rôle tant au gouvernement fédéral qu'aux provinces et ce sont là deux rôles importants qui doivent être respectés. Cet article fait en sorte qu'aucune province ne peut se voir imposer un changement dans ses affaires internes sans son consentement. Si le Sénat ou la Chambre des communes propose une modification, la province a un droit de veto. Néanmoins, l'inclusion officielle de cet article, en 1982, a conféré au gouvernement fédéral la responsabilité d'évaluer les effets des changements apportés à l'intérieur des provinces et c'est là un rôle important. Il ne peut pas se contenter de légitimer les mesures prises par une province. Il doit examiner et évaluer indépendamment chacune de ces mesures en fonction des critères qu'il établit. Ces modifications exigent que les trois paliers portent un jugement indépendant et coopèrent entre eux pour finalement se mettre d'accord sur la nécessité des changements.

Le Sénat a un rôle particulier à jouer dans ce processus. Il n'y a pas beaucoup d'écrits sur l'article 43 étant donné qu'il est nouveau. Il n'y a eu que trois modifications antérieures qui ont été adoptées et une qui a été rejetée.

J'ai essayé de placer l'article 43 dans le contexte du rôle historique du Sénat étant donné que ce dernier met en jeu certains des principes clés de la Confédération et qu'il y a là des principes contradictoires.

Premièrement, cet article accorde la primauté aux assemblées législatives élues, soit la Chambre des communes et l'assemblée législative provinciale pour ce qui est de l'examen des modifications en accordant au Sénat un droit de veto suspensif plutôt qu'absolu. Cependant, ce veto suspensif, le délai accordé au Sénat, est important et ne doit pas être minimisé. Il est important pour deux principales raisons pour ce qui est du rôle législatif du Sénat. Premièrement, le Sénat a l'obligation d'examiner la procédure que les élus suivent pour l'examen des amendements. Conformément à ses responsabilités parlementaires traditionnelles, le Sénat doit établir si les élus ont délibéré comme il se doit sur la modification proposée. Je dois souligner ici que c'est davantage la qualité des délibérations que la quantité qui compte.

La modification antérieure concernant Terre-Neuve n'a fait l'objet que d'une journée de débat. En ce qui concerne la modification visant les langues officielles au Nouveau-Brunswick, il n'y a eu également qu'une journée de débat. La modification touchant l'Île-du-Prince-Édouard a été débattue pendant trois jours de débat à la Chambre des communes. Pour ce qui est des provinces, il y a eu deux jours de débat à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick et un jour à l'Île-du-Prince-Édouard. Par conséquent, la durée du débat est sans importance. Ce qui compte, c'est que l'amendement ait fait l'objet d'un examen adéquat.

Il est très important que les élus consultent l'électorat et surtout les minorités pour assurer une participation démocratique. Ces consultations doivent être de haute qualité. Le Sénat a également l'obligation de remédier aux oublis, aux omissions ou aux erreurs techniques.

Le Sénat peut rejeter la modification, l'adopter ou recommander des changements. C'est évident. Cependant, pour qu'il rejette la modification ou recommande des changements et refuse ainsi d'accepter la décision des corps législatifs élus pour y substituer son jugement collectif, il faut que l'amendement et la procédure présentent des défauts qui risquent d'avoir d'importantes conséquences à l'avenir.

Il faut qu'il soit clairement établi que les droits des minorités en souffriront et que ces torts ne seront pas compensés par des avantages sur le plan de la qualité de l'enseignement ou des droits que gagneront d'autres groupes de la société. Par exemple, vous devez établir un juste équilibre entre les droits des minorités et les droits des parents d'avoir leur mot à dire quant à l'établissement scolaire que fréquentent leurs enfants. Pour porter ce jugement, le Sénat doit tenir compte à la fois de son obligation d'examiner le processus et de ses rapports avec la Chambre des communes.

Le Sénat doit également prendre en considération les responsabilités traditionnelles qui sont les siennes au sein du système fédéral. Cela remonte à la raison d'être du Sénat que je n'ai pas besoin de vous rappeler, mais dont je parlerai quand même. Au cours de ce débat, nous avons vu le Sénat se présenter comme le protecteur des droits des minorités. Tel est le rôle traditionnel du Sénat au Canada et c'est un rôle important. Par sa nature même, c'est un rôle complexe et cette complexité ne doit pas être sous-estimée.

Le Sénat a notamment l'obligation d'entendre et d'examiner soigneusement l'opinion des groupes minoritaires de la province qui croient être lésés dans leurs droits, compte tenu surtout du libellé de l'article 17, mais également du libellé de l'article 22 de la Loi sur le Manitoba et de l'article 93 de la Constitution. Ce rôle est encore plus important dans le cas de l'article 17 du fait qu'il a été inclus lors de l'entrée de la province dans la Confédération.

Le Sénat doit examiner les droits des minorités en déterminant si ces droits sont enlevés, quelles sont les mesures de protection prévues au cas où on les modifierait et si les avantages gagnés sont suffisamment importants pour justifier des changements. Si un groupe minoritaire se dit opprimé ou lésé, vous devez vous demander de qui vous servez les intérêts. Vous ne devez pas oublier non plus que la protection des droits des minorités est très importante, mais qu'elle ne doit pas se faire au détriment des droits d'autres minorités, surtout celles qui ne sont pas aussi bien défendues.

La situation devient encore plus complexe. Les droits des minorités que le Sénat a pour rôle de protéger sont également les droits des gouvernements provinciaux. Un rôle essentiel du Sénat consiste à protéger les provinces contre les effets centralisateurs des mesures prises par le gouvernement fédéral, en ce qui concerne les initiatives législatives de la Chambre des communes et, depuis 1982, la Cour suprême du Canada et la Charte. Le Sénat est le gardien de la diversité des provinces au sein de notre système politique. Les délibérations du Sénat sur les modifications qui sont proposées par les provinces en vertu de l'article 43 doivent refléter ce rôle important.

Il y a trois précédents majeurs auxquels les sénateurs devraient réfléchir. En premier lieu, l'article 43 a été utilisé pour la première fois en 1987 pour modifier l'article 17 de la Loi sur Terre-Neuve afin d'accorder à l'Église pentecôtiste la même protection qu'aux six autres groupes religieux de la province. Deuxièmement, le gouvernement du Nouveau-Brunswick s'en est servi pour promouvoir l'égalité des communautés francophones et anglophones dans cette province. Cette modification a été proclamée en mars 1993. Troisièmement, cet article a été invoqué, en 1994, pour modifier les Conditions de l'union de l'Île-du-Prince-Édouard afin de conférer au gouvernement fédéral l'obligation d'entretenir l'ouvrage de franchissement entre l'Île-du-Prince-Édouard et le continent.

La quatrième tentative, qui a été faite par le Manitoba, qui voulait invoquer l'article 43 pour faire du français l'une des langues officielles de la province et assurer la traduction, l'édition et la publication des lois dans les deux langues officielles, a été un échec. Cela a suscité une vive controverse et des dissensions qui n'ont jamais été réglées entre les divers groupes de cette province. Cet amendement a expiré.

Il y a plusieurs choses importantes à ne pas perdre de vue à l'égard de ces précédents. Premièrement, comment le gouvernement fédéral et les provinces ont-ils agi vis-à-vis l'un de l'autre? Ont-ils assuré une coordination? Ont-ils coopéré à la préparation et au dépôt de l'amendement? Deuxièmement, quel usage a-t-on fait des référendums? Les référendums peuvent être les baromètres de l'opinion publique, mais ils ne sont pas exécutoires. Cela doit toujours être bien clair.

Dans ce cas-ci, on se demande si une majorité de 54 p. 100 est suffisante alors que 52 p. 100 seulement des électeurs ont voté. Pour le référendum sur l'ouvrage de franchissement de l'Île-du-Prince-Édouard, le taux de participation était de 59 p. 100. Les chiffres sont contestables, mais si l'on a recours à un référendum, il faut déterminer si les minorités ont été consultées autrement et si l'on a tenu compte de leurs opinions au moyen d'audiences ou d'autres mécanismes de consultation publique. Il faut déterminer si le public est également conscient des répercussions de la modification et, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, quelle a été la qualité du débat législatif.

Lorsque vous définirez cet amendement et le recours à l'article 43, vous devrez être conscients du fait que cela établira un précédent. Vous devrez décider si vous demanderez une meilleure coordination entre les gouvernements ou si vous préserverez l'autonomie dont les gouvernements disposent pour proposer des modifications de leur propre chef.

Quel devrait être le rôle des référendums? Quel devrait être le rôle des audiences publiques? Faudrait-il donner des lignes directrices aux provinces pour ce genre d'amendements?

La diversité des méthodes et le respect des différences entre les provinces ne doivent pas laisser oublier le but initial de cet article. La Constitution devrait pouvoir s'adapter aux besoins des provinces; mais elle ne doit pas être traitée de façon cavalière. Dans ce cas-ci, vous devriez également considérer la façon dont l'article 17 a été conçu à l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération. Il visait à assurer une protection afin d'amener certains groupes de la province à soutenir la Confédération. Dans quelle mesure pouvez-vous changer cela?

Finalement, pour ce qui est des audiences, comment peuvent-elles être constructives? Nous sommes arrivés à un point de l'histoire du pays où l'unité nationale pose un sérieux problème. La question a été soulevée dans le cadre de ce débat. Vous devez considérer vos audiences comme un moyen de renforcer ce qui unit notre pays plutôt que ce qui le divise. Autrement dit, la modification proposée par le gouvernement doit être solidement justifiée.

Les opposants à cette modification ont l'obligation non seulement de critiquer ce que fait le gouvernement, mais aussi d'offrir des suggestions constructives en proposant des changements, ou si vous estimez que la modification a peu de chances d'être acceptée par les deux autres assemblées législatives, des solutions constructives pour tenir compte de ces droits dans le cadre du système en place. Cela veut dire qu'il faut aborder directement certaines questions telles que la viabilité des écoles confessionnelles, une question qui n'a pas été réglée dans la province.

Les audiences peuvent être constructives en créant un consensus. Si elles ne sont pas structurées, elles peuvent mobiliser l'opinion publique de façon désordonnée et causer des dissensions. D'autres groupes peuvent également en profiter pour poursuivre des objectifs qui n'avaient pas été prévus.

En résumé, je demanderais aux sénateurs d'examiner la logique interne de l'article 43; quels sont les rôles que la province et le gouvernement fédéral doivent jouer à l'égard de ces modifications; les limites quant au rôle de la Chambre des communes, du Sénat et de l'assemblée législative provinciale; la façon dont le Sénat peut établir un juste équilibre entre ses diverses obligations; la leçon importante qu'il faut tirer des modifications apportées jusqu'ici en vertu de l'article 43 et enfin, la façon dont les audiences publiques peuvent favoriser la création d'un consensus.

Pour ce qui est de cette modification, le Sénat doit se montrer prudent. Cette question concerne les droits des minorités. Il est certain que l'article 17 présente des caractéristiques particulières par rapport à l'article 93, à l'article 22 de la Loi sur le Manitoba et aux dispositions concernant la Saskatchewan. Il faut établir cette distinction. Il faut bien préciser que l'article 43 oblige les sénateurs à le faire.

La présidente: Merci, madame Brock.

Honorables sénateurs, nous avons été autorisés à inviter les médias électroniques à suivre nos audiences et nous les avons invités. En raison d'autres engagements, CPAC n'a pas pu venir ici ce matin pour téléviser nos délibérations. Elle est invitée à couvrir nos audiences quand cela lui conviendra.

Mme Anne Bayefsky, professeure de droit constitutionnel: Madame la présidente, je me réjouis d'être ici ce matin.

La modification de la Constitution et la procédure d'amendement sont des questions qui nous ont largement occupés depuis le début du siècle. Le recours à l'article 43 soulève inévitablement toute la question des modifications constitutionnelles en général. On m'a dit que la réunion de ce matin porterait sur la procédure d'amendement et notamment sur l'article 43.

Compte tenu du libellé de l'article 43, les Chambres du Parlement doivent se demander si cette modification est acceptable ou non. Elles doivent se pencher sur toute une série de questions allant de la raison d'être de cet amendement aux droits des minorités qui seront touchées en passant par la modernisation de la Constitution.

Il faut reconnaître, dès le départ, que la Constitution n'est pas immuable, qu'elle devrait pouvoir être modernisée et que le processus d'amendement doit présenter une certaine souplesse. À mon avis, il faut aborder ce projet d'amendement l'esprit ouvert, en partant du principe que la Constitution doit être considérée comme un arbre vivant, comme quelqu'un l'a dit il y a bien des années.

Pour ce qui est de la modernisation, de veiller à ce que notre Constitution reste à jour et réponde aux besoins des Canadiens au fur et à mesure qu'ils évoluent, il ne suffit pas de dire que certains droits ont été enchâssés et qu'il n'est donc pas possible de les modifier. Par définition, cela rendrait la Constitution inflexible et empêcherait tout changement.

Oui, certains droits sont touchés. Il s'agit alors de se demander si c'est acceptable et si c'est fait équitablement.

Étant entendu que tout le projet doit souscrire à ce principe de flexibilité, il s'agit alors de se demander quel est le rôle du Sénat et de la Chambre des communes en ce qui concerne l'article 43. À mon avis, il ne faut pas se contenter d'approuver systématiquement une proposition émanant d'un gouvernement provincial. Selon les termes de l'article 43, le Parlement doit se faire son propre jugement. Après tout, cette proposition ne relève pas de l'article 45, lequel ne prévoit pas la supervision du processus d'amendement. C'est un rôle qui est spécifiquement conféré au Sénat et à la Chambre des communes. Ce rôle doit être exercé avec toute la considération requise.

Cela dit, le Parlement doit quand même tenir compte des souhaits et des désirs de la province. Il doit en tenir compte et les respecter. Après tout, il s'agit de l'expression de la volonté de la province. Il faut établir un juste milieu. Autrement dit, il faut respecter l'expression de la volonté de la province mais en même temps, le Parlement a la responsabilité de se faire sa propre opinion.

Pour se faire une opinion, le Parlement doit établir des critères de façon à déterminer si la modification proposée par la province est acceptable. Il n'existe pas de règles écrites pour ce faire.

Les circonstances offrent maintenant au Sénat une occasion d'énoncer ces critères. Il ne faudrait pas rater cette possibilité d'élaborer une série de facteurs explicites pour porter un jugement. Il s'agit de déterminer un processus qui pourra être appliqué lorsque d'autres modifications seront proposées en vertu de l'article 43.

Quels sont les facteurs à considérer pour exercer un jugement au sujet de ce projet d'amendement? J'ai l'impression qu'il y en a plusieurs.

Il faut d'abord se demander si le processus suivi pour proposer cette modification était équitable. Est-ce le résultat d'un processus juste et démocratique? Y a-t-il eu des audiences publiques? A-t-on tenté des réformes non constitutionnelles? Y a-t-il eu des négociations avec les parties intéressées? Y a-t-il eu un référendum? Y a-t-il eu des élections qui portaient en partie sur cette proposition? Tous ces facteurs serviront à déterminer dans quelle mesure le processus était équitable dans un sens démocratique.

Le processus peut être démocratique, mais quand même opprimer les minorités qui ne peuvent pas s'exprimer ou qui ne jouent pas un rôle déterminant dans le résultat des processus démocratiques. Par conséquent, même si le processus était équitable au sens démocratique, il s'agit de se demander ensuite si une minorité s'est trouvée suffisamment désavantagée ou opprimée.

Comment peut-on répondre à cette question? J'ai l'impression qu'il y a une autre série de facteurs à considérer. Dans quelle intention le gouvernement a-t-il proposé la modification? Cette intention était-elle louable ou suspecte? Plus précisément, s'agissait-il d'améliorer la qualité de l'éducation ou était-ce dans un but suspect? Était-ce raciste, par exemple? Il faut analyser les intentions et c'est là une question de fait.

Également, vous devez tenir compte de la participation des minorités touchées. Dans ce cas particulier, je crois que leur participation a été importante, mais là encore il s'agit d'établir les faits. Quel a été le résultat? Ce résultat protège-t-il toujours les droits des minorités sous une forme ou sous une autre? Les minorités se retrouvent-elles avec une certaine protection?

En outre, quelles sont les conséquences de la Charte canadienne des droits et des libertés, dans son ensemble, sur le concept des droits des minorités? Après tout, le fait qu'une minorité puisse définir ses droits d'une certaine façon ne veut pas dire que ces droits sont protégés par la Charte. La Charte énonce des objectifs tels que l'égalité, le multiculturalisme et la liberté de conscience, ce qui comprend le droit à une orientation laïque et non confessionnelle.

Après s'être demandé si le processus était équitable et s'il opprimait quand même une minorité désavantagée, il faut considérer les conséquences de la proposition pour les autres. Quels sont ses effets externes sur les autres provinces, par exemple? Cela établit-il un précédent? Les effets périphériques sont-ils importants et nuisent-ils au caractère du Canada ou est-ce une situation unique qui n'existe pas dans d'autres provinces?

Le Sénat et le gouvernement fédéral sont particulièrement bien placés pour répondre à toutes ces questions, car cela leur fournit une bonne occasion de superviser les mesures proposées au niveau local. Par exemple, il s'agit d'aller au-delà de la majorité provinciale et de considérer la raison d'être du changement. Est-elle légitime? Il faut aller au-delà de la majorité provinciale locale et se demander, en considérant le pays dans son ensemble, quelles sont les conséquences qui pourront être ressenties ailleurs. Ce sont des considérations pour lesquelles le gouvernement fédéral est particulièrement bien placé.

Je vous exhorte donc à examiner attentivement le processus afin de vous faire votre propre opinion quant à savoir si la modification proposée est acceptable ou non.

Je n'ai qu'une chose à ajouter. Selon moi, le processus de modification de l'article 43 nous ramène inévitablement au processus de modification de l'ensemble de la Constitution. En 1981, nous nous sommes mis d'accord sur une formule d'amendement. Nous nous sommes mis d'accord quant aux parties qui pouvaient modifier la Constitution. Nous avons convenu du contrôle qu'elles pouvaient respectivement exercer sur l'accord donné aux modifications proposées. Cependant, la Constitution ne dit rien quant à l'origine des propositions d'amendement ou quant à la façon dont elles peuvent être examinées ou négociées avant les étapes finales de la ratification.

À bien des égards, même si cela dépasse sans doute le contexte de cette modification, nous ne devons pas perdre de vue l'ensemble du problème, à savoir que le pays doit se doter d'une structure cohérente de réforme constitutionnelle, ce que nous n'avons pas encore fait. Nous devons examiner la question de façon ponctuelle et vous vous retrouvez devant un problème immédiat à résoudre. Il est possible d'orchestrer un processus dans le contexte de l'article 43, mais cela ne réglera pas la question des changements constitutionnels en général.

Le sénateur Beaudoin: Jusqu'ici, il n'a pas été beaucoup question des droits collectifs. Cela m'étonne beaucoup, car notre Constitution ne prévoit que deux catégories de droits collectifs. Tous les autres sont des droits individuels. Les deux droits collectifs qui ont été reconnus par les tribunaux sont les droits ancestraux et les droits religieux.

Si nous voulons modifier la Constitution pour satisfaire Terre-Neuve dans le domaine de l'éducation, cela relève évidemment de l'article 43. Les droits des écoles confessionnelles sont sauvegardés. La question est de savoir s'ils sont sauvegardés de façon satisfaisante. D'autre part -- et si je fais erreur, dites-le moi --, l'administration est transférée de catégories de personnes ou d'Églises à l'État.

Nous pouvons certainement modifier la Constitution en vertu de l'article 43, mais le transfert du droit de modifier le système scolaire est-il raisonnable? Cette modification est-elle acceptable en ce sens que si les écoles confessionnelles sont protégées, le sont-elles suffisamment?

Nous pouvons certainement transférer l'administration de catégories de personnes ou d'une Église à l'État. Mais nous devons suivre les principes de droit qui s'appliquent.

Quelle est votre conclusion? Le transfert du droit d'administration des écoles confessionnelles de certaines catégories de personnes à l'État est-il acceptable ou raisonnable dans le contexte de la démocratie canadienne?

Mme Brock: Nous parlons de la façon dont cette résolution sera appliquée si elle est approuvée. Pour ce qui est des solutions proposées pour Terre-Neuve, il s'agit notamment de se demander si les écoles catholiques seront viables. Si je les cite, c'est parce que ce sont celles qui seront les plus touchées, selon moi. Que se passera-t-il si vous avez, dans un même district, deux écoles, l'une confessionnelle et l'une intégrée? Comment le gouvernement répondra-t-il aux besoins de cette communauté si les chiffres commencent à baisser? Va-t-il toujours accorder la priorité à l'école intégrée? Si tel est son critère, cela entraînera une érosion des droits des écoles confessionnelles, ce qui soulève la question de la protection des écoles à long terme.

L'idée d'une option locale m'intrigue. Je ne veux pas l'aborder à la légère, car c'était une question cruciale à l'époque. Cela se compare largement à la façon dont l'Ontario a réglé la question de l'alcool. À compter de 1927, quand les communautés ont manifesté leur opposition estimant que cette mesure nuirait à la famille et à la société, le gouvernement a dit qu'il mettrait en place un système d'option locale selon lequel chaque communauté déciderait.

À Terre-Neuve, le gouvernement dit que, lorsque le nombre le justifie et si les parents demandent une école, le gouvernement maintiendra l'école confessionnelle. S'il respecte ce principe, la protection sera là, mais ce n'est qu'une décision politique qui peut être modifiée à tout moment.

Il faut examiner la qualité de la protection assurée par l'État. Qui prendra la décision ultime?

Mme Bayefsky: La mesure dans laquelle les droits des minorités sont touchés est une question de fait. Les minorités religieuses conservent une protection importante; elles continuent à jouer un grand rôle dans le système d'éducation et elles conservent beaucoup plus de pouvoirs que dans bien d'autres provinces. De plus, il faut tenir compte à la fois du droit à la liberté de religion et des autres facteurs reliés aux droits tels que le concept de l'égalité et de l'équité. Il ne s'agit pas de considérer une minorité religieuse particulière isolément des autres minorités religieuses. On aurait tort, par exemple, de centrer uniquement son attention sur les catholiques romains et leur opinion particulière de cette situation. Il y a d'autres minorités religieuses. Elles ont également fait connaître leur avis et elles ont des opinions différentes. Il s'agit donc de soupeser les divers points de vue quant à ce qui constitue une protection juste et adéquate. Les minorités ne sont pas d'accord entre elles.

D'autres valeurs énoncées dans la Charte doivent entrer en ligne de compte telles que le multiculturalisme et le petit pourcentage de parents qui ne veulent pas envoyer leurs enfants dans une école confessionnelle ou qui considèrent le système d'éducation dans une optique laïque ou non chrétienne.

À mon sens, en plus de se demander si les droits ont été suffisamment protégés, il faut tenir compte des droits de toutes sortes de groupes différents et il serait répréhensible de s'intéresser uniquement à l'un d'entre eux.

Le sénateur Beaudoin: La protection de la Constitution est double. L'éducation relève des provinces. Il n'y a aucun changement à cet égard. Les écoles confessionnelles sont garanties par la Constitution. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas modifier ce système. Cependant, j'aimerais savoir ce que les diverses catégories de gens de Terre-Neuve pensent du fait que leur droit d'administration est transféré de leur Église à l'État. Tout est là, selon moi. Ce transfert est-il acceptable et raisonnable? Quelle est leur réaction? Qu'en pensent-ils?

Mme Brock: Que pensent les divers groupes?

Le sénateur Beaudoin: Je parle de toute catégorie de personnes, qu'elles soient catholiques ou autres. Elles sont toutes protégées de la même façon.

Mme Brock: Si j'ai bien compris la nature des discussions qui ont lieu actuellement dans cette province, le gouvernement cherche à négocier une entente avec les catégories de personnes qui seront touchées. Cette entente est pratiquement conclue si ce n'est que les partisans de commissions scolaires intégrées veulent un système intégré à l'échelle de la province. Si j'ai surtout parlé des catholiques romains et des pentecôtistes, c'est parce qu'ils se sont dissociés de cette entente en raison de la viabilité des écoles. C'était une question importante à leurs yeux et je ne pense pas qu'elle ait été réglée. Voilà pourquoi j'ai dit que si ces groupes formulaient des objections, peut-être pourraient-ils suggérer une solution de compromis ou un moyen quelconque de s'entendre sur ce processus. Néanmoins, selon cette modification, c'est l'assemblée législative provinciale qui aura le dernier mot.

Le Sénat pourrait demander au gouvernement provincial de préciser s'il va consulter pleinement les minorités. En cas d'impasse entre les représentants des Églises, peut-être pourrait-on prévoir un mécanisme de rechange.

La question qui se pose est la suivante: qui représente ces minorités? Est-ce les Églises ou les gens qui ont voté au référendum?

Le sénateur Beaudoin: Vous avez mis le doigt sur une question très importante. Le droit à l'enseignement confessionnel est protégé par la Constitution. Ce droit appartient à une catégorie de personnes. Il s'agit d'un droit collectif. Le Conseil privé et la Cour suprême l'ont déclaré très clairement. La question est la suivante: que pensent ces catégories de personnes?

Le sénateur Lewis: Je comprends les principes que vous avez énoncés pour notre examen de la résolution, mais je constate que ce sont là des principes et des critères généraux.

Les témoins ont mentionné certains faits, mais avez-vous des faits suffisants au sujet de cette situation? Autrement dit, avez-vous des faits remontant à plusieurs années, êtes-vous informé de tout ce qui s'est passé? Disposez-vous de suffisamment de renseignements pour exprimer une opinion? Si c'est le cas, où avez-vous obtenu ces renseignements?

Mme Bayefsky: La documentation que nous avons réunie pour ces audiences provient de diverses sources: des documents de la Bibliothèque du Parlement, des articles de journaux de Terre-Neuve et d'ailleurs, divers articles sur la Constitution et la nature des processus d'amendement ainsi qu'une participation personnelle à des processus antérieurs de modification de la Constitution. Pour ce qui est des renseignements sur Terre-Neuve, il s'agit surtout de documents produits par le gouvernement et la Bibliothèque du Parlement ainsi que d'articles de journaux publiés à Terre-Neuve au cours du processus.

On ne nous a pas demandé de parler spécifiquement de la proposition terre-neuvienne. Nous sommes plutôt là pour discuter de la question dans une perspective plus générale. Voilà pourquoi nous n'y avons pas consacré toute notre attention. Néanmoins, si vous me demandez mon opinion personnelle quant à savoir si cet amendement est acceptable ou non, je répondrais par l'affirmative.

Le sénateur Lewis: Je supposais que vous parliez de façon générale et c'est pourquoi j'ai posé la question. Vous pouvez parler du processus, mais cela fait plusieurs dizaines d'années que l'on discute du problème à Terre-Neuve et peut-être n'êtes-vous pas au courant. Je pourrais vous retracer tout l'historique de la question.

La présidente: Nous avons demandé à des constitutionnalistes de nous parler des dispositions de l'article 17. Ces deux témoins ont pour mission de nous fournir des renseignements de base sur l'article 43 et la façon dont l'article 17 s'intègre dans l'article 43.

Mme Brock: En fait, j'ai consulté le texte original des débats de Terre-Neuve au sujet de la Confédération. Je les ai lus ainsi que les débats actuels de la province. J'ai également lu les débats qui se sont déroulés à la Chambre des communes et au Sénat. J'ai essayé d'obtenir tous les articles spécialisés qui ont été publiés au sujet de l'article 17. Il y en a surtout eu un, sur la formule d'amendement. J'ai commencé par cela.

J'ai également consulté deux experts de la formule d'amendement. De plus, j'ai contacté le gouvernement terre-neuvien pour qu'il m'envoie de l'information. J'ai également contacté les représentants des Églises catholique et pentecôtiste pour savoir ce qui se passait. J'ai communiqué avec un représentant d'un des autres gouvernements et j'ai parlé à toute une série de hauts fonctionnaires pour savoir quelles seraient, selon eux, les répercussions pour leur province. J'ai ensuite téléphoné à un ami pour lui demander ce que les gens pensaient à Terre-Neuve et c'est ainsi que j'ai entendu parler des impôts fonciers. Comme c'est un secret bien gardé, les gens ne vont pas s'installer dans la province. Si cela se savait, tout le monde déménagerait probablement là-bas.

Le sénateur Lewis: Et nous aurions un problème de plus.

Le sénateur Milne: Vous avez mentionné, dans votre réponse au sénateur Beaudoin, la façon dont le gouvernement conservateur de l'Ontario a amené l'alcool dans les communautés. Jadis, le gouvernement conservateur ontarien, avec George Drew à sa tête, a autorisé l'ouverture de bars. Il a acheté la droite conservatrice en autorisant l'enseignement de la religion dans les écoles.

Vous nous avez fait, tous les deux, de même que Mme Brock, une leçon sur les devoirs et les responsabilités du Sénat. Je l'ai beaucoup appréciée. J'aurais aimé entendre cela, il y a huit mois, quand je suis entrée en fonction. J'obtiendrai la réponse à ma question lorsque je consulterai le procès-verbal de cette réunion demain.

Le sénateur Gigantès: Madame Brock et madame Bayefsky, vous avez toutes deux mentionné la nécessité de mettre en place un processus pour les changements constitutionnels. Nous vivons dans une fédération qui compte dix provinces administrées par des gouvernements élus de façon démocratique. Nous avons un gouvernement fédéral qui est élu de façon démocratique. Je crois que le sectarisme est essentiel et inévitable si vous avez deux partis. Si vous n'avez pas deux partis, vous avez une république bananière ou une république socialiste soviétique.

Cela étant, dans quelle mesure est-il réaliste de vouloir créer un processus qui ne sera pas faussé par des considérations politiques, comme il le sera inévitablement, par la quête des votes de tel ou tel groupe ou sous l'influence de tel ou tel courant d'opinion?

Mme Bayefsky: Selon moi, la question n'est pas de savoir si le processus sera «faussé» par les votes ou par l'électorat. C'est inévitable. Oui, c'est une bonne chose et cela fait partie de la culture canadienne.

Quand j'ai parlé de l'absence de processus pour les modifications constitutionnelles, je faisais allusion au fait que notre pays n'a tout simplement pas suffisamment travaillé à l'élaboration de ce processus. Il a été improvisé. On ne savait pas exactement ce que le Sénat ferait de cette proposition, combien de temps ces délibérations dureraient, combien de témoins vous voudriez convoquer, quel genre de personnes vous feriez témoigner ou même de quelles questions vous voudriez qu'elles parlent. Ce qui m'inquiète, c'est que nous ne savons pas exactement comment aborder ce genre de sujets. Cela vaut non seulement pour l'article 43, mais également pour les questions qui entrent dans le cadre de la formule d'amendement générale prévue à l'article 38.

La solution ne consiste probablement pas à exclure la participation des élus. C'est extrêmement important. Ce n'est pas seulement inévitable. En fin de compte, la ratification des propositions modifiées doit se faire conformément à la formule d'amendement telle qu'elle est établie et qui exige l'approbation des assemblées législatives et des Chambres du Parlement. C'est également quelque chose de positif.

Il y a lieu de se demander si c'est suffisant. Cela aurait-il été suffisant si Terre-Neuve n'avait pas tenu de référendum ou n'avait pas tenu, assez récemment, des élections au cours desquelles cette proposition faisait partie des questions soumises à l'électorat? Cela aurait-il été suffisant si l'on n'avait pas essayé de parvenir à un règlement négocié ou à une solution non constitutionnelle? Telles sont les questions pour lesquelles on espère que ce processus permettra d'établir un cadre pour entreprendre les réformes constitutionnelles futures, tant dans le contexte de l'article 43 que pour d'autres formes de changements constitutionnels.

Le sénateur Gigantès: Ne pensez-vous pas que ce processus pourrait aller à l'encontre de l'objectif visé, du fait qu'il lierait les mains des législateurs et les placerait dans une situation impossible, comme le référendum sur l'accord de Charlottetown, par exemple?

Cela a placé tout le monde dans une situation impossible.

Mme Bayefsky: Tout dépend du processus établi. Si l'initiative de la réforme constitutionnelle doit venir seulement de la population ou d'une assemblée constituante quelconque, cela peut poser des problèmes en ce qui concerne la sélection des représentants, et cetera. Nous avons déjà un processus de démocratie représentative en place. On pourrait amplifier le mécanisme d'approbation en tenant des référendums à chaque étape. La participation populaire pourrait être à ce point intensive qu'elle empêcherait pratiquement toute modification. Je ne pense pas que ce soit la seule façon d'envisager la participation populaire.

Dans ce contexte, il me paraît tout à fait approprié de demander quel a été le degré de consultation populaire à Terre-Neuve avant que l'amendement ne soit soumis au Parlement.

Je crois qu'on a déployé des efforts considérables, sur un grand nombre d'années, comme nous l'avons dit tout à l'heure, pour résoudre ce problème. Pendant très longtemps, il y a eu un processus rationnel et mûrement réfléchi qui, lorsqu'on regarde la situation dans son ensemble, paraît juste et raisonnable.

Telles sont les questions qu'il faut poser, selon moi.

Le sénateur Rompkey: Le professeur Brock a dit que le Sénat devait protéger les provinces et qu'il devait également protéger les minorités. Il est facile de définir une province et un gouvernement et de déterminer qui représente la province et le gouvernement en question. Mais comment définissez-vous une minorité? Vous-même, professeur Brock, avez soulevé cette question. Avez-vous la réponse? Qu'est-ce qu'une minorité et qui la représente?

Mme Brock: La façon la plus simple de répondre est de dire que, dans ce cas-ci, il y a sept minorités reconnues par l'État dans la province. Il faut les considérer comme les principales minorités.

Le sénateur Beaudoin: Pourriez-vous répéter cela? Combien de minorités y a-t-il?

Mme Brock: Sept.

Le sénateur Beaudoin: Sept catégories de personnes.

Mme Brock: C'est exact. Quand j'ai commencé à examiner la question, j'ai trouvé très décourageant de voir que lorsque j'essayais de l'approfondir un peu plus, elle commençait à s'estomper. Si vous examinez la ventilation et l'analyse du vote qui a eu lieu après le référendum et l'opinion des gens sur les diverses questions, il n'est pas clair que tous les groupes constituant ces diverses catégories de personnes étaient d'accord avec la position officielle de leur groupe.

Le sénateur Rompkey: Qu'entendez-vous par «position officielle»?

Mme Brock: Par exemple, les gens ont dit notamment que les minorités, les catégories de personnes en question, étaient très inquiètes au sujet de l'embauche et du congédiement des enseignants et quant à savoir si une commission scolaire devrait avoir ou non le droit d'embaucher et de congédier des enseignants à sa guise. Néanmoins, d'après l'analyse des résultats qui a été faite peu après le vote, la majorité des gens qui se sont prononcés pour et de ceux qui ont voté contre s'opposaient à toute discrimination sur le plan de l'embauche et du congédiement. On peut voir que les opinions sont divisées au sein de ces groupes.

D'autre part, nous ne tenons pas compte des minorités qui ne sont pas reconnues officiellement. Mme Bayefsky l'a souligné. Il s'agit des partisans de l'enseignement laïque et des gens de confessions juive et musulmane. C'est, selon moi, un aspect de la question qui n'a pas été examiné d'assez près: quand nous parlons des religions traditionnelles, quel message adressons-nous aux bouddhistes ou aux autres religions, par exemple de la Colombie-Britannique ou du Manitoba, ou tout autre groupe qui ne constitue pas une religion traditionnellement reconnue?

On peut voir que la définition de «minorité» commence à se fractionner de diverses façons. Il faut faire la distinction entre les catégories de personnes officiellement reconnues dans la Constitution et les groupes qui n'ont pas obtenu cette reconnaissance avec les répercussions que cela implique. Il faut également faire attention aux messages que l'on envoie aux provinces, aux minorités officielles et aux autres groupes du Canada.

Le sénateur Rompkey: Diriez-vous qu'il y a deux catégories de minorités religieuses à Terre-Neuve, celles qui sont reconnues et celles qui ne le sont pas? Je pose la question parce qu'il y a sept confessions reconnues, dont les adventistes du septième jour. Il y a également un groupe, sur la côte du Labrador, qui est maintenant reconnu pour la première fois, l'Église moravienne, une église protestante qui a vu le jour en Bohème, au 17e siècle et qui a apporté le christianisme aux Inuit de la côte du Labrador à la fin du 18e siècle. C'est une religion qui se trouve dans la province depuis la fin du 18e siècle, mais qui n'a jamais été reconnue officiellement.

L'autre aspect intéressant de cette question des diverses catégories de minorités concerne les minorités raciales de la province, les Inuit, qui n'ont jamais eu leurs propres écoles ou le droit de posséder leurs propres écoles.

Qu'est-ce qu'une minorité et qui représente les minorités? Y a-t-il pour le moment deux catégories de minorités confessionnelles dans la province, celles qui sont reconnues dans la loi et celles qui ne le sont pas? Ce sont là des questions fondamentales que nous devons nous poser.

Mme Brock: Je suis d'accord. Il faudrait également tenir compte de la situation des premières nations à Terre-Neuve et au Labrador, étant donné qu'elles n'ont pas été reconnues officiellement par le gouvernement fédéral pendant de nombreuses années. Certaines de ces questions ont eu de graves conséquences pour les premières nations, même sur le plan du recrutement des enseignants pour certaines de leurs écoles. Nous devons tenir compte de la façon dont toutes les minorités sont touchées et nous ne pouvons pas oublier nos peuples autochtones.

Le sénateur Pearson: Je m'intéresse à la question des minorités, mais surtout aux droits des enfants. J'ai deux questions à poser. D'abord, les enfants sont-ils considérés comme une minorité dans une population? Ma deuxième question porte sur les consultations. Si l'on considère la Charte des droits et libertés et la Convention sur les droits de l'enfant, croyez-vous qu'il faut consulter la clientèle scolaire afin d'obtenir son opinion sur cette question?

Mme Bayefsky: Pour ce qui est de la conception de ces audiences, il serait très important selon moi d'entendre ce que les jeunes pensent de la façon dont le système fonctionne, des difficultés et des conséquences futures de ces propositions. Nous avons abordé la capacité des parents d'exercer un contrôle sur l'éducation de leurs enfants, mais il faudrait aussi demander aux élèves ce qu'ils pensent de la gestion et de l'efficacité du système. Cela me paraît important.

Le sénateur Cogger: Au cours des réunions préliminaires qui ont mené à la création de l'article 43, en 1982, quelqu'un a-t-il, à votre connaissance, envisagé le recours à une entente bilatérale pour réduire ou supprimer certains droits? Les trois seuls précédents concernant l'article 43 accordent des droits. Dans le cas de l'ouvrage de franchissement de l'Île-du-Prince-Édouard, certains habitants de la province pourraient sans doute faire valoir qu'ils ne voulaient pas de ce droit, mais à première vue, rien ne semble leur être enlevé.

Le premier amendement concernant Terre-Neuve qui a été apporté en vertu de l'article 43 accordait des droits. L'amendement visant le Nouveau-Brunswick ne semblait supprimer aucun droit; il paraissait élargir les droits des francophones et l'usage du français dans la province.

Je ne vois pas un seul amendement qui ait supprimé des droits depuis 1867. Nous semblons ici enlever des droits à une minorité. Lorsqu'on a discuté de l'article 43, avant 1982, les premiers ministres de l'époque ou le gouvernement fédéral ont-ils jamais envisagé une situation comme celle-ci?

Mme Bayefsky: Ils savaient parfaitement, je pense, que pour que la Constitution reste un document moderne reflétant l'évolution du Canada, il risquait d'y avoir une certaine transition au niveau des droits. On a tort de dire qu'on enlève simplement des droits. C'est décrire la situation comme si la question était résolue. Le simple fait qu'un cadre constitutionnel antérieur ait enchâssé une série de droits ne veut pas dire que ces droits sont éternels par définition ou pour de simples raisons historiques.

Je ne pense pas que l'histoire suffise en soi à préserver ces droits face à des considérations contradictoires ou du moins concurrentes. Il s'agit dans ce cas des autres minorités que les cinq, six ou sept qui sont officiellement reconnues et dont les opinions sont différentes de celles des deux groupes qui se sont désistés. Il y a aussi les minorités non reconnues dont les intérêts n'ont pas encore le même poids. Il y a également des groupes non confessionnels qui ne bénéficient pas non plus de la même protection. Il faut tenir compte de tous ces droits et intérêts. On ne peut pas simplement dire que si un droit existe, il existera toujours sauf si on y renonce volontairement. Je ne pense pas que ce soit une façon rationnelle de procéder.

Le sénateur Cogger: C'est votre opinion. Je voulais savoir si, selon vous, cela avait été envisagé avant 1982 lorsque l'article 43 a été adopté.

Mme Bayefsky: Cela me paraît inévitable.

Le sénateur Cogger: Vous laissez entendre que lorsque les intéressés ont examiné les façons de moderniser la Constitution, ils ont dû penser que ce genre de choses pourrait arriver. C'est plus ou moins ce que vous dites?

Mme Bayefsky: Non. Ils ont considéré toute une série de questions. Lorsqu'ils ont décidé d'inclure certaines protections dans la Charte des droits, ils savaient qu'il risquait d'y avoir, à l'avenir, des affrontements entre les divers droits. Ils ont surtout cherché à protéger certains droits qui étaient déjà inscrits dans la Constitution. Ils en ont tenu compte pour concevoir la Charte des droits et ils ont laissé de côté les droits qui n'étaient pas expressément protégés dans la Charte afin d'établir des relations différentes avec les autres parties de la Constitution.

Mme Brock: À ce propos, quand l'article 17 a été inclus, on a discuté quant à savoir s'il serait là à perpétuité ou s'il pourrait être modifié. Le gouvernement fédéral et les provinces avaient des opinions divergentes à ce sujet. Le gouvernement fédéral envisageait davantage de souplesse.

Le sénateur Cogger: Vous voulez dire en 1949?

Mme Brock: Oui. Pour ce qui est de l'article 43, on a considéré s'il pourrait servir à créer de nouveaux droits. On estimait qu'une province ne pourrait pas, par exemple, invoquer l'article 43 pour inscrire un droit de propriété qui n'existait pas dans les autres provinces. Il en a été question.

Les gouvernements ont prévu une certaine transformation des droits. Le seul précédent à cet égard est le débat qui s'est déroulé à l'Île-du-Prince-Édouard quant à savoir si l'indemnisation financière pour les services de traversiers pouvait être transformée en obligation financière pour l'ouvrage de franchissement. C'est là une transformation du droit d'indemnisation de la province.

Aucun droit n'a été enlevé jusqu'à présent, mais comme l'a dit Mme Bayefsky, je ne suis pas certaine que ce soit le cas ici.

Le sénateur Cogger: Je le comprends. Certains diront que ce n'est pas le cas. Vous me dites carrément qu'aucun amendement antérieur n'a enlevé de droit, peu importe que ce soit ou non le but de celui-ci.

Mme Brock: Non, aucun amendement ne nie complètement des droits.

Mme Bayefsky: Bien entendu, le Québec dira que certains droits lui ont été enlevés dans un autre contexte. C'est généraliser un peu trop que de dire qu'aucun droit n'a été enlevé aux yeux de qui que ce soit. Si, en dehors du contexte terre-neuvien, vous demandez si un amendement constitutionnel a déjà supprimé des droits, bien des Québécois diront que certains éléments des amendements de 1982 en ont enlevés. Je ne pense pas qu'on puisse vraiment répondre à la question en ces termes.

Pour en revenir à la définition des minorités, on peut pousser le raisonnement un peu plus loin en se demandant si les minorités ont été opprimées plutôt que simplement touchées. Cela désavantage-t-il une minorité qui, dans un certain sens, n'a pas eu l'occasion de participer au processus de renouvellement et de changement et qui se trouve à ce point lésée par le résultat qu'il faudrait s'abstenir d'apporter tout changement au système d'éducation de la province, que ce soit maintenant ou dans un avenir prévisible?

Il y a d'autres questions à se poser en ce qui concerne l'identification des minorités et la place qu'elles occupent dans la société. Il y a une différence entre les minorités non reconnues et celles qui sont déjà protégées par la Constitution. Il faut examiner les minorités qui pourraient être en droit de s'opposer à tout amendement dans ce contexte. Celles qui protestent le plus fort ne sont peut-être pas celles qui peuvent prétendre subir un désavantage historique et particulier.

Le sénateur Doody: Madame la présidente, j'ai une ou deux observations à faire et une brève question à poser. Si j'ai bien compris, la seule catégorie de personnes ou la seule confession religieuse de Terre-Neuve qui n'ait pas été incluse dans l'accord de 1949 était l'Église pentecôtiste. Elle a demandé plus tard sa reconnaissance qui lui a été accordée immédiatement. Je ne pense pas que l'Église moravienne ait jamais demandé à être reconnue. Je suppose que si elle l'avait fait, elle aurait aussitôt obtenu satisfaction.

J'aimerais obtenir un éclaircissement, madame la présidente. Le professeur Brock a dit, je crois, que l'entente conclue a avorté parce que les catholiques romains et les pentecôtistes ont rompu les négociations. Ce n'est peut-être pas ce que vous avez dit, mais c'est ce que j'ai entendu. Pourriez-vous me le confirmer?

Mme Brock: Les négociations ont été rompues parce que les points de vue divergeaient. Les partisans des écoles intégrées voulaient un système pour toute la province. Il y avait de nombreuses divergences d'opinion à cet égard.

Le sénateur Doody: La plupart des changements administratifs que le gouvernement terre-neuvien souhaitait dans le domaine de l'éducation avaient obtenu l'accord des diverses confessions religieuses. Ma question est donc la suivante: est-il nécessaire de modifier la Constitution pour apporter les changements que désire le gouvernement terre-neuvien? Est-il nécessaire de réduire les droits des minorités? Bien des gens s'estiment lésés dans leurs droits, malgré les opinions des experts, que je respecte. Est-il nécessaire de suivre tout ce processus pour que le gouvernement de Terre-Neuve atteigne ses objectifs louables sur le plan de la réforme de l'éducation? Je suppose qu'on peut le faire en légiférant. Le gouvernement terre-neuvien dit qu'il a besoin de la protection d'une modification constitutionnelle afin que cette loi ne puisse pas être contestée. Avez-vous une opinion à ce sujet?

Mme Bayefsky: Premièrement, je ne contesterai pas que certains groupes estiment être lésés dans leurs droits. C'est effectivement le cas.

Pour ce qui est de la deuxième question, je reconnais que la modification constitutionnelle est effectivement le processus approprié étant donné que la menace de contestation judiciaire planerait dès le départ sur tout projet de réforme de ce genre. Cette question resterait bloquée devant les tribunaux pendant longtemps. Seul le processus de modification constitutionnelle permet de clarifier les choses.

Le sénateur Doody: Le but de cette modification constitutionnelle est donc d'éviter ou de prévenir toute contestation judiciaire de la part des minorités touchées, n'est-ce pas?

Mme Bayefsky: Je serais étonnée qu'il n'y ait pas quand même de contestation judiciaire. Je pense toutefois que la question fondamentale, qui est celle des changements dans l'équilibre des pouvoirs de l'Église et de l'État, dans le domaine de l'éducation, nécessite une modification constitutionnelle et ne serait pas possible autrement.

Le sénateur Jessiman: J'ai une question concernant l'article 29 de la Charte et l'article 43 de la Constitution. L'article 29 est ainsi formulé:

Les dispositions de la présente charte ne portent pas atteinte aux droits ou privilèges garantis en vertu de la Constitution du Canada concernant les écoles... confessionnelles.

Malgré l'article 29, pensez-vous que si c'est fait dans les règles en vertu de l'article 43, vous pouvez porter atteinte aux droits concernant les écoles confessionnelles?

Mme Bayefsky: Vous pouvez changer la Constitution d'une façon qui peut modifier la protection spéciale accordée aux écoles confessionnelles. Dans son jugement sur le projet de loi 30, la Cour suprême du Canada a estimé que la protection que le reste de la Constitution conférait aux écoles confessionnelles était assurée malgré la Charte des droits. Cela s'applique également à cette modification.

Le sénateur Jessiman: Autrement dit, vous estimez que ce droit pourrait être modifié et abrogé malgré l'article 29. Ces droits s'appliquent aux écoles confessionnelles. Vous dites qu'ils peuvent être enlevés en vertu de l'article 43. Ils ne sont pas enlevés en vertu de la Charte. Une modification en vertu de l'article 43 peut-elle les supprimer?

Mme Brock: Si j'ai bien compris, l'article 29 ne s'applique qu'aux droits conférés par la Charte. C'est sans rapport avec l'article que nous examinons ici. Cela relèverait davantage de l'article 23.

Le sénateur Jessiman: Cela ne confirme-t-il pas les droits des écoles confessionnelles? Vous dites que même la Charte ne peut pas les supprimer. Maintenant, vous affirmez qu'il est possible de modifier la Charte en vertu de l'article 43 de la Constitution. Vous la modifiez pour enlever des droits que la Constitution confère aux écoles confessionnelles. Vous me répondez donc par l'affirmative.

Mme Brock: L'argument est le même que celui qui a été invoqué lors du débat sur l'Accord du Lac Meech. Autrement dit, même si l'article 29 ne s'applique qu'à la Charte des droits, il ne vise pas les écoles confessionnelles. Ce n'est pas possible. L'article 29 souligne l'importance des droits concernant les écoles confessionnelles.

Le sénateur Jessiman: Ce sont des droits conférés par la Constitution.

Mme Brock: En effet. Créons-nous une hiérarchie des droits? Dans ce cas-ci, les droits des écoles confessionnelles sont reconnus comme étant spéciaux et importants. Nous devons leur accorder une attention spéciale si nous songeons à les modifier en vertu de l'article 43.

Le sénateur Beaudoin: Je me réjouis qu'on ait soulevé la question. On aurait pu aussi le faire la semaine prochaine avec d'autres experts. De toute évidence, la Charte des droits ne vise pas les droits relatifs aux écoles confessionnelles. C'est ce que veut dire l'article 29. Autrement dit, nous pouvons modifier la Constitution. Nous pouvons même substituer un autre système au système actuel à la condition que ce soit fait en vertu de l'article 43. Il n'y a absolument aucun doute là-dessus.

La principale différence ici est que la Charte des droits confère des droits individuels tandis que les droits relatifs aux écoles confessionnelles sont des droits collectifs. Dans ce sens, vous ne pouvez pas, par exemple, invoquer la Charte pour changer les droits relatifs aux écoles confessionnelles. Ils sont indépendants les uns des autres en raison de l'article 29. Cependant, une modification constitutionnelle est une toute autre question. Comme c'est aux autorités fédérales et provinciales d'en décider, il s'agit de voir si c'est acceptable et si c'est raisonnable ou non.

La présidente: J'ai une brève question à poser au professeur Brock. Mme Bayefsky s'est risquée à dire qu'il s'agissait d'une modification constitutionnelle appropriée. Professeur Brock, êtes-vous prête à en faire autant?

Mme Brock: Madame la présidente, je pense être là pour préciser au Sénat quelles sont ses obligations. Je voudrais entendre ce que tous les groupes ont à dire pour voir s'ils ont des solutions constructives à proposer quant à la façon de résoudre cette question et de refaire l'unanimité au sein de la population avant de me prononcer.

La présidente: Merci. Nous pourrons peut-être vous poser la même question plus tard.

La séance se poursuit à huis clos.


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