Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 21 - Témoignages - Séance du matin
OTTAWA, le mardi 25 juin 1996
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit ce jour à 9 h 30, pour étudier la résolution de modification de la Constitution du Sénat, article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Bonjour, honorables sénateurs et chers collègues. Nous sommes ravis d'accueillir ce matin les représentants de la Conférence des évêques catholiques du Canada.
Vous avez la parole.
Mgr Francis J. Spence, archevêque de Kingston, président, Conférence des évêques catholiques du Canada: Madame la présidente, merci d'avoir accepté de nous laisser témoigner au nom de la Conférence des évêques catholiques du Canada.
Le premier aspect que nous abordons dans notre mémoire concerne les droits fondamentaux et les préoccupations des parents en matière d'éducation. Étant donné l'importance de la question constitutionnelle à laquelle font aujourd'hui face les écoles catholiques de Terre-Neuve, il serait bon de rappeler exactement pourquoi l'Église catholique intervient dans le domaine de l'éducation.
Comme le stipule la Déclaration universelle des droits de la personne (article 26.3):
Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.
Selon les termes du Catéchisme de l'Église catholique, les parents ont le droit et le devoir «primordiaux et inaliénables» d'éduquer leurs enfants, et le droit fondamental correspondant de choisir une école qui reflète leurs propres convictions. Quant aux gouvernements et autres autorités publiques, nous croyons qu'il est de leur devoir de garantir ce droit des parents et d'assurer les conditions réelles de son exercice.
Le souci fondamental des parents de choisir le genre d'éducation que doivent recevoir leurs enfants signifie que les différents groupes religieux et les minorités luttent pour établir et maintenir des écoles qui reflètent leurs valeurs religieuses et leurs préoccupations sociales particulières.
Comme le fait observer le Grand rabbin de Grande-Bretagne:
Le processus de l'éducation se déroule tout entier dans un contexte spirituel. La quête de savoir commence par un sentiment d'émerveillement devant le mystère de l'existence. L'idée même d'éducation prend ses racines dans le caractère sacré de l'individu. Laïciser l'éducation, c'est l'affaiblir: c'est affaiblir son pouvoir sur les enfants; c'est aussi diminuer la valeur de l'éducation comme fin en soi...
Aucune culture ne saurait survivre aux changements sans la foi. J'espère que, dorénavant, la voix de la foi parlera plus fort au coeur de notre culture.
[Français]
Mgr Henri Goudreault, omi, Évêque de Labrador City-Shefferville; cotrésorier, Conférence des évêques catholiques du Canada: Les droits confessionnels en matière d'éducation sont antérieurs à la Constitution canadienne.
La contribution des écoles confesionnelles catholiques et protestantes a été à ce point importante pour le tissu et le bien-être sociaux du Canada, et cela, depuis les tout débuts, que les Pères de la Confédération, dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, reconnaissaient aux minorités catholiques et protestantes le droit aux subventions de l'État pour leurs écoles.
La valeur de ces dernières ne doit pas s'évaluer uniquement en termes historiques. Les écoles catholiques, tout comme celles des autres confessions, continuent d'enrichir l'ensemble de la société canadienne et demeurent, au pays, un témoignage et une source importante de tolérance de diversité, ainsi qu'un moyen significatif de transmettre des valeurs aux nouvelles générations. On ne peut s'attendre que les familles puissent à elles seules transmettre ces valeurs dont on a besoin pour conserver un sentiment d'identité: elles y sont aidées par les institutions intermédiaires, telles l'Église et l'école.
Les enfants et les adolescents ne développent un sens moral et des valeurs qu'en étant constamment éclairés sur la signification véritable de l'amour, la spiritualité, la sexualité et la justice sociale. Ce ne sont pas que les familles, mais la société tout entière qui sont enrichies par le travail d'institutions confessionnelles, lieu de transmission de convictions morales et spirituelles tout autant que de comportements qui sont la base d'un sens communautaire et d'une identité culturelle et spirituelle.
En tant que président, monseigneur Spence et moi-même, comme membres de la Conférence des évêques catholiques du Canada, nous voulons aujourd'hui nous pencher sur le droit des catholiques et des autres minorités religieuses reconnues à l'aide financière de l'État en matière d'éducation. Celui-ci n'est pas seulement garanti par la Constitution canadienne: il lui est antérieur.
[Traduction]
Mgr Spence: Les droits de Terre-Neuve ne sont pas exclusifs à cette province. De toute évidence, l'article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada n'a pas le même objet que les dispositions similaires de la Constitution du Canada relatives aux écoles catholiques des autres provinces subventionnées par les gouvernements provinciaux. Ce qui serait substantiellement amendé par la résolution de la Chambre des communes, dont a été saisi le Sénat, est une disposition reconnue depuis le tout début de la Confédération, et qui est actuellement appliquée, non seulement à Terre-Neuve, mais aussi en Ontario, au Québec, en Saskatchewan et en Alberta tout comme au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest.
[Français]
Mgr Goudreault: Il existe un amendement substantiel apporté sans le consentement des parties directement affectées.
Lorsque Terre-Neuve est entrée dans la Confédération, l'article 17 des Termes de l'union a reconnu à sept confessions le droit d'administrer leurs propres écoles. En 1987, un amendement prévoyait l'inclusion des Assemblées pentecôtistes. Déjà, en 1949, le premier ministre Louis St. Laurent déclarait que l'article 17 équivalait aux dispositions de la Constitution canadienne qui garantissaient la protection des droits existants en matière d'éducation aux groupes religieux des autres provinces au moment de leur entrée dans la Confédération. On a par la suite qualifié ces droits de collectifs.
Les membres de l'Église catholique et des Assemblées pentecôtistes constituent des minorités qui représentent respectivement 37 p. 100 et 7 p. 100 de la population de la province.
Ni la communauté catholique de Terre-Neuve, ni les membres de ses Assemblées pentecôtistes n'ont cependant consenti aux amendements à la procédure proposés par le Gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador; ils n'ont pas, non plus, été explicitement consultés, même si ce sont eux qui en seraient le plus affectés, et bien qu'il s'agisse de mesures qui altéreraient substantiellement des droits collectifs antérieurs à la Confédération et protégés par la Constitution.
Les représentants de l'Église catholique de Terre-Neuve et les dirigeants du Catholic Education Council de la province se sont toujours montrés disposés à négocier des changements importants au système d'éducation de Terre-Neuve, mais ils éprouvent un sentiment de frustration devant le peu d'empressement du gouvernement provincial à conserver dans la Constitution des mesures nécessaires au maintien d'écoles catholiques viables.
[Traduction]
Mgr Spence: Notre cinquième point concerne le déni d'un recours équitable devant le gouvernement du Canada.
Jusqu'ici, le processus appliqué a fait défaut sur le plan du civisme. Le premier ministre avait bien consenti à une réunion proposée par les dirigeants des Églises de Terre-Neuve, peu après l'appel sommaire à la tenue d'un référendum provincial en 1995, mais les demandes de réunions n'ont pas trouvé d'échos favorables. En outre, dans la plupart des cas, nous n'avons pas reçu d'accusé de réception des lettres adressées au premier ministre du Canada ainsi qu'au ministre fédéral de la Justice.
Il ne s'agit pas simplement d'une affaire de dialogue et de bon commerce, si importantes que soient ces valeurs lorsqu'il y a de nombreuses divergences d'opinions dans une société démocratique: il s'agit du processus même en vertu duquel le gouvernement est tenu au courant des préoccupations de ses citoyens et leur assure une audience juste et équitable.
[Français]
Mgr Goudreault: Il y a un risque pour tous les droits des minorités. S'il est vrai qu'il est du droit des citoyens de faire connaître leur point de vue au gouvernement et qu'il est du devoir de ce dernier de les écouter et d'examiner soigneusement leurs doléances, il est également fondamental, dans tout pays démocratique, que les minorités soient assurées que l'on prête l'oreille à leurs préoccupations et qu'on respecte leurs droits.
Dans le cas de Terre-Neuve, ce n'est pas seulement un droit constitutionnel préexistant qui est en péril: c'est aussi celui d'une minorité. On a peine à comprendre comment il puisse être affirmé que le fait de retirer ou d'altérer substantiellement les droits constitutionnels historiquement reconnus d'une minorité sans son consentement n'établit pas un précédent susceptible d'être utilisé de nouveau pour justifier un autre empiétement sur d'autres droits des minorités au Canada, surtout dans les domaines toujours délicats de la langue et des droits des autochtones.
[Traduction]
Mgr Spence: En conclusion, la résolution actuellement devant le Sénat altérerait substantiellement les droits reconnus depuis les origines de notre pays et en vigueur dans d'autres provinces. La procédure adoptée à Terre-Neuve en la matière n'a guère fait cas des préoccupations de ceux qui seraient le plus directement et le plus profondément affectés par les changements proposés. Jusqu'ici, en fait, le gouvernement du Canada a mis les minorités sur le point de perdre leurs droits garantis par la constitution dans la quasi-impossibilité de se faire entendre au même titre que ceux qui appuient cet amendement sans précédent.
Enfin, la résolution actuellement soumise au Sénat du Canada établit un dangereux précédent en ce qui touche aux droits de toute minorité au Canada, en accordant à la majorité le pouvoir arbitraire de retirer aux minorités les droits protégés par la constitution.
Tout comme elle demande aux membres du comité sénatorial spécial sur les affaires juridiques et constitutionnelles de bien tenir compte des préoccupations des catholiques et des membres des Assemblées pentecôtistes de Terre-Neuve en matière d'éducation, la Conférence des évêques catholiques du Canada presse le gouvernement du Canada de réexaminer et d'évaluer soigneusement la procédure arbitraire adoptée jusqu'ici pour amender un droit garanti par la constitution.
Me Peter Lauwers va à présent traiter de certains aspects sous l'angle juridique, comme celui de la notion d'éducation catholique, telle que l'ont interprétée les tribunaux et telle qu'on la retrouve dans les droits des minorités, dans les précédents et ainsi de suite.
M. Peter Lauwers, conseiller juridique, Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques: Je vous ai fait remettre un document à couverture bleue auquel vous pourrez vous référer de temps en temps. Il renferme des extraits de la constitution ainsi que deux avis, l'un qui est de mon cru et l'autre du professeur Patrick Monahan, de l'École de droit Osgoode Hall. Ces deux avis ont été très largement diffusés. Vous en avez peut-être déjà des exemplaires.
Avant que nous ne passions à la résolution, il pourrait être utile de répondre à une question préliminaire: que faut-il entendre par éducation catholique d'un point de vue juridique? La notion d'éducation confessionnelle revêt un caractère holistique, pour employer un terme à la mode. Les exercices religieux et les cours de catéchisme, une fois par semaine, ne constituent pas une «éducation catholique»; ce n'est pas à cela que se ramène l'éducation catholique et la Cour suprême du Canada l'a reconnu en 1927.
À la page 6 de l'onglet 5 de mon mémoire, vous trouverez un extrait d'un avis du juge en chef Anglin:
Il est erroné de penser qu'on puisse faire la différence entre une école confessionnelle et une école publique en se basant uniquement sur le caractère de l'exercice religieux ou des études religieuses qui s'y pratiquent. Les écoles séparées et les écoles publiques reposent sur des conceptions de l'éducation qui sont radicalement différentes. Les écoles laïques s'articulent autour de l'idée selon laquelle il convient de faire la part entre enseignement laïc et enseignement religieux. Les partisans des écoles confessionnelles, quant à eux, maintiennent que l'instruction et l'influence religieuse doit toujours aller de pair avec un enseignement laïc (...) Les catholiques estiment qu'il est de la plus haute importance que leurs enfants continuent de bénéficier d'une instruction et d'une influence confessionnelles pendant leurs années de secondaire.
Cette façon de percevoir l'éducation catholique a été reprise dans un jugement de la Cour suprême du Canada, en 1984, dans la cause Caldwell, et la même année par la Cour d'appel de l'Ontario. Elle fait désormais partie de la jurisprudence canadienne.
Nous vous invitons à ne pas perdre de vue ces deux visions différentes de l'éducation: d'une part, celle voulant que la religion fait partie intégrante de l'éducation et, d'autre part, celle selon laquelle elle est accessoire.
Ces deux visions s'opposent depuis une époque qui remonte avant même la confédération et, en un certain sens, la situation n'est pas différente à Terre-Neuve. On y retrouve les mêmes tensions qu'ailleurs.
Je vous invite à ouvrir mon document à l'onglet 1. Vous y trouverez l'article 93 de la Loi constitutionnelle, qui constitue ce que les tribunaux ont appelé le «ciment fondamental» de la confédération en matière de droits de la minorité et de droits confessionnels dans l'éducation. J'aimerais attirer votre attention sur trois dispositions de cet article.
Le premier paragraphe confère aux personnes bénéficiant de droits minoritaires confessionnels, la possibilité de se pourvoir en recours en cas de préjudice porté à leurs droits. Voilà donc l'objet du paragraphe (1).
Le paragraphe (3) donne à cette minorité politique la possibilité de se tourner vers le cabinet fédéral quand elle n'obtient pas satisfaction, et le paragraphe (4) confère au Parlement du Canada le droit extraordinaire d'adopter une mesure législative corrective, dans un champ de compétence provinciale, si les droits des minorités ont été foulés.
J'attire votre attention, pour un instant, sur le genre de pouvoir énoncé à l'article 93. On trouve l'autorité juridique, d'un côté, et l'autorité politique, de l'autre. Ces paragraphes établissent clairement que le Parlement fédéral est le gardien des droits des minorités en matière d'éducation.
Ce rôle se trouve plus précisément défini à l'article 43 de la Loi constitutionnelle, article en vertu duquel on vous a demandé de modifier la clause 17.
Les autres pages de cet onglet comportent les dispositions des autres provinces, en plus de celles qui ont été les premières à se joindre à la confédération. Je regrette de vous indiquer qu'à la page 2, le premier extrait du Manitoba a été tronqué. Veuillez m'en excuser. Les autres extraits concernent les autres provinces. Le dernier concerne Terre-Neuve.
Au deuxième onglet, vous trouverez un extrait de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982. L'article qui nous intéresse est l'article 29. Il réitère et renforce l'importance des garanties confessionnelles en indiquant très clairement qu'elles ne sont pas sujettes aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés; la Charte n'a pas préséance sur ces dispositions.
Je vais à présent passer aux dispositions qui ont trait à toute la notion de droit des minorités. On précise les droits des minorités dans les constitutions pour les protéger des majorités volages qui pourraient, sinon, être tentées de les opprimer. Il existe plusieurs exemples de droits des minorités au Canada, dans notre constitution. Ils font partie des fondements essentiels de la Confédération, ce qui soulève la question suivante: est-ce que l'adoption de la résolution constituera un précédent sur le plan des droits des minorités au Canada?
Il faut clairement dire, et bien comprendre, que la suppression du droit d'une minorité, sans son consentement, constituerait une application sans précédent de l'article 13. Ce serait un précédent juridique, parce que ce serait la première fois qu'on utiliserait un tel pouvoir de la Constitution. Ce serait aussi un précédent politique qui, à bien des égards, serait même plus dangereux pour les droits des minorités. Les droits de la minorité à une éducation confessionnelle en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario et au Québec, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest seraient, également, sujets à un traitement semblable en vertu de l'article 43. Les autres droits des minorités, comme le bilinguisme au Nouveau-Brunswick, risqueraient, aussi, de subir le même sort.
La question des droits à l'enseignement dans la langue de la minorité, en vertu de l'article 23 de la charte, a fait l'objet de certains débats. Ils sont mieux protégés que les autres. Il faudrait que sept provinces, représentant plus de la moitié de l'électorat, s'entendent pour pouvoir les modifier. Or, la résolution qui nous intéresse permet d'envisager de tels changements. Voilà le genre de problème associé au précédent d'ordre politique.
Deux réponses ont été fournies à propos de la question indéniable du précédent. On a d'abord affirmé que 95 p. 100 des détenteurs de droits d'une minorité à Terre-Neuve se sont déclarés disposés à y renoncer lors d'un référendum. Je vais parler de cette question et je passerai sur ce que je crois être deux graves défauts du référendum lui-même.
En principe, les minorités peuvent consentir à renoncer à leurs droits. Le hic, dans le cas de Terre-Neuve, c'est que les catholiques et les pentecôtistes n'ont pas été d'accord pour renoncer à leurs droits, pas plus que les adventistes du septième jour. Si c'est une chose que de voter pour renoncer à ses droits, c'en est une autre très différente que de se les faire retirer à l'occasion d'un suffrage. Le professeur Monahan a fort bien illustré la chose dans l'avis qu'il a donné à cet égard, et qui se trouve au quatrième onglet de mon mémoire. Permettez-moi de vous lire la dernière phrase du premier paragraphe de la deuxième page:
Il n'existe, cependant, aucun fondement en principe à la proposition voulant qu'une personne qui décide de renoncer à ses droits confessionnels, en tant que membre d'une catégorie de personnes, dispose du pouvoir de porter tort aux droits de particuliers, appartenant à d'autres catégories.
Le travers du raisonnement qu'on nous propose, sur un plan juridique, réside dans le fait qu'on ne reconnaît pas que les droits confessionnels sont collectifs et qu'ils appartiennent aux groupes -- comme on dit, aux catégories de personnes dont on parle dans la Constitution. Ces droits n'appartiennent à personne en général. À partir de la page 9 de l'onglet 3, j'énonce les précédents juridiques qui viennent étayer cette conclusion.
La deuxième réponse qu'on peut opposer à l'argument du précédent, c'est que Terre-Neuve est unique. Il n'existe pas de système scolaire public ou laïc dans cette province, et d'aucuns soutiennent que l'implantation d'un tel système exige l'adoption d'un amendement.
Eh bien, cette réponse comporte également deux défauts. Tout d'abord, ne serait-ce qu'en vertu des pouvoirs qu'elle détient en matière d'éducation, la province a tout à fait le droit d'instaurer un système scolaire laïc ou public. Elle a même le pouvoir, par le truchement d'une loi, d'obliger des conseils scolaires confessionnels à transférer une partie de leurs actifs à de nouveaux conseils scolaires, non confessionnels, afin de permettre l'accueil des enfants se retrouvant sans établissement pendant la mise sur pied des nouveaux conseils scolaires.
Au 3e onglet, à partir de la page 3, j'énonce les précédents juridiques particuliers. Passons brièvement à la 5e page de cet onglet. Quand je prends connaissance de certaines réactions à Terre-Neuve, j'ai l'impression que les gens ne comprennent pas du tout la position actuelle de la Cour suprême du Canada en matière de droits confessionnels, en vertu de l'article 93. En bas de la page 5, je mentionne une cause concernant le Québec. Le tribunal a déclaré:
[...] la loi de l'union en vigueur ne peut, en soi, établir la nature du droit constitutionnel au paragraphe 93(1).
Autrement dit, ce n'est pas simplement parce que quelqu'un a bénéficié d'un droit, d'un privilège ou d'une pratique en 1949, en 1905 ou en 1867, que ce droit lui est acquis pour toujours. Le tribunal examinera ce qui se passe dans la province et la façon dont elle veut exercer son pouvoir pour déterminer si elle empiète sur la nature confessionnelle de la garantie.
En bas de la page 7 et en haut de la page 8, j'ai dressé toute une liste de ce que les provinces ont fait au fil des ans pour réformer l'éducation. Le premier point concerne la création de conseils scolaires non confessionnels au Québec et l'exigence faite aux autres conseils de leur transférer des actifs. Les deuxième et troisième points concernent la dissolution des conseils d'écoles séparées. Le quatrième traite de la division des conseils scolaires en sections linguistiques, et autres. Comme vous pouvez le constater, les provinces sont investies d'importants pouvoirs pour réformer le système scolaire.
À Terre-Neuve, il est possible de restructurer et de réformer ce système sans avoir recours à un amendement constitutionnel. Rien, ni en principe ni en droit, n'empêche le gouvernement d'établir un système scolaire non confessionnel pour ceux qui auront, par référendum, décidé de renoncer à leurs droits confessionnels. Le problème, et le deuxième travers de la théorie voulant que Terre-Neuve soit unique, survient dès qu'on veut imposer la décision à des groupes n'ayant pas renoncé à leurs droits, comme les catholiques romains. Le désir de disposer d'un système public ne justifie pas l'élimination par la force des écoles confessionnelles qui n'y consentent pas.
Le comité pourrait peut-être fonder son examen de cette résolution sur un autre critère. Certes, les députés ont déjà entendu certains témoignages à ce propos. Eh bien, j'aimerais tout de même vous soumettre notre critère, à savoir celui de la nécessité de l'amendement. On ne peut entreprendre d'amender la constitution à la légère ou de façon cavalière. Si une erreur devait être commise -- et le risque à cet égard est réel -- il serait incroyablement difficile, sinon impossible de la réparer.
Je vais à présent laisser la parole à Me Harrington qui est conseiller juridique pour Terre-Neuve.
M. Michael Harrington, conseiller juridique, Conférence des évêques catholiques du Canada: J'ai quelques brèves remarques à formuler au sujet de l'effet négatif que pourrait avoir le nouvel article 17 à Terre-Neuve.
D'abord, celui-ci présente deux grands défauts. Le premier touche à l'existence des écoles catholiques ou des écoles pentecôtistes qui dépend de la législation provinciale en place. Le deuxième a trait à la notion ou à la définition d'école constitutionnelle dans le nouvel article 17.
C'est en s'intéressant à ces deux aspects qu'on peut mieux analyser l'effet réel que pourrait avoir cette résolution. Ce n'est pas quelque chose de nouveau et il en a déjà été beaucoup question, notamment quand Mme Brock et Mme Bayefsky se sont demandées la semaine dernière si la résolution ne revenait pas à éliminer ou à amenuiser sensiblement les droits de la minorité en matière d'éducation confessionnelle, ou si elle se trouvait simplement à les modifier.
Les partisans de la résolution soutiennent qu'en vertu du nouvel article 17, il sera encore possible de gérer des écoles confessionnelles, les fameuses «écoles uniconfessionnelles», là où le nombre le justifiera. Pas plus tard que la semaine dernière, le ministre de la Justice, M. Rock, a lui-même fait cette déclaration en soutenant que si l'on intervenait dans la résolution, on se trouverait à modifier une résolution du gouvernement de Terre-Neuve, adoptée par l'assemblée provinciale. Toutefois, si l'on fait fi de la précision quant au nombre, on doit, encore une fois, mettre cela en parallèle avec le libellé de la résolution selon lequel l'existence des écoles catholiques, pentecôtistes et adventistes du septième jour dépend des critères de viabilité énoncés dans la législation provinciale.
Où l'existence de ces écoles est-elle constitutionnellement protégée? Leur existence sera sujette au bon vouloir de tout gouvernement futur de prendre des décisions financières allant dans le sens du respect de l'existence de ces écoles. De telles lois provinciales, comme les dispositions qui ont été proposées par le gouvernement Wells, en janvier dernier, pourraient quasiment empêcher à n'importe quelle école catholique, pentecôtiste ou adventiste du septième jour d'exister.
L'absence de la précision «là où le nombre le justifie» pourrait priver les minorités de toute possibilité de recours devant les tribunaux parce qu'il n'existerait plus rien d'objectif sur quoi fonder la viabilité des écoles. Je constate que Mme Brock a déclaré, ici même, le 18 juin:
À Terre-Neuve, le gouvernement dit aux parents que s'ils se regroupent, si leur nombre le justifie et s'ils demandent une école confessionnelle par voie de pétition, celle-ci leur sera accordée. Si le gouvernement s'en tient à ce principe, alors il existe effectivement une protection; mais il ne s'agit-là que d'une décision de nature politique et les choses peuvent changer n'importe quand.
Voilà ce qui va droit au coeur du problème.
On peut donc raisonnablement conclure que la protection constitutionnelle -- et j'insiste sur les mots «protection constitutionnelle» -- des droits confessionnels en matière d'éducation sont abolis et non pas simplement modifiés en vertu du nouvel article 17. Cela étant posé, on ne peut prétendre que cette résolution ne constitue pas une grave menace aux droits de la minorité de Terre-Neuve ou d'ailleurs, sous prétexte qu'elle ne fait que modifier l'exercice de tels droits. En fait, en ne voulant pas ajouter ne serait-ce qu'une toute petite précision aussi bien établie que «là où le nombre le justifie», le Parlement se trouve non seulement à renoncer à son rôle de gardien des droits de la minorité mais, en vertu de la résolution actuelle, il prive virtuellement les partisans des écoles uniconfessionnelles de son appui dans une éventuelle contestation judiciaire.
Et puis, il y a la notion même d'école confessionnelle employée dans la résolution. La difficulté, ici, découle de ce que l'expression «école confessionnelle», ne s'appuie sur aucune référence. Il s'agit d'une notion différente de celle qui est parfaitement reconnue dans l'histoire et dans la jurisprudence constitutionnelles canadiennes. Je vous soumettrai donc respectueusement que cette précision dans la résolution voulant que toutes les écoles soient des écoles confessionnelles, obéit à deux objectifs: d'abord, il fallait recueillir l'appui des électeurs lors du référendum du mois de septembre dernier, à Terre-Neuve et, deuxièmement, elle pouvait éventuellement être invoquée dans toute contestation future contre le droit absolu de pratique religieuse dans les écoles de Terre-Neuve.
Cependant, la résolution se trouve à établir deux types d'écoles confessionnelles. Le type traditionnel est défini dans l'histoire constitutionnelle du Canada et dans l'abondante jurisprudence. En vertu de l'actuel article 17, l'école confessionnelle, et ce qui la distingue, n'existe que par cet article, parce les droits touchant aux écoles confessionnelles et la notion même d'école confessionnelle sont abolis dans le nouvel article et que le concept d'école confessionnelle est redéfini dans la résolution.
Dans la résolution, il est indiqué que les écoles de Terre-Neuve seront des écoles confessionnelles mais, en essence, celles-ci ne présenteront pas les caractéristiques traditionnelles de l'école catholique, telles qu'on les a reconnues dans des décisions judiciaires, notamment à propos du financement des écoles secondaires en Ontario, dans la cause Caldwell, et même dans la cause Tiny qui remonte à 1927.
Sur un plan pratique, nous ne devons pas oublier les caprices de la politique provinciale dont nous avons été les témoins, et qui risquent de menacer la pérennité du droit à une école uniconfessionnelle. Par exemple, dans la législation provinciale proposée en janvier au sujet du maintien des écoles confessionnelles, et plus particulièrement des écoles uniconfessionnelles, il était question que, dans une région scolaire donnée -- et il y en a beaucoup, surtout dans les secteurs ruraux de Terre-Neuve -- les écoles catholiques ne soient plus subventionnées sauf si 90 p. 100 des élèves de la région visée étaient catholiques. Dès lors que leurs proportions auraient été inférieures à 90 p. 100, l'école catholique n'aurait plus été alimentée par les deniers publics. On aurait alors organisé un recensement de l'électorat et un vote pour voir si les parents auraient voulu continuer d'envoyer leurs enfants dans une école catholique. Cette proposition visait donc à reprendre ce qu'on avait perdu en proposant de transformer toutes les écoles en écoles interconfessionnelles, au moment de l'entrée en vigueur de la loi.
Pendant la campagne électorale, M. Tobin a laissé entendre que cette formule était rejetée. Puis, comme vous le savez, est intervenu l'accord cadre, en avril, qui semble ne plus tenir maintenant. On semble à présent suggérer que tout cela prouve l'absolu nécessité de modifier la Constitution, parce qu'on n'est pas parvenu à un accord.
Mais on oubli une chose ici: l'existence d'un groupe représenté par le regroupement des confessions. Ces confessions se sont réunies en 1968 pour administrer leurs écoles. Les parents appartenant à ce groupe croient qu'on ne devrait conserver aucune école uniconfessionnelle, que toutes les écoles devraient être interconfessionnelles et que les écoles uniconfessionnelles ne devraient faire l'objet d'aucune entente de financement.
M. Tobin et son gouvernement se trouvent à présent dans la délicate situation de devoir résoudre cette énigme et de donner satisfaction à des groupes divergents. C'est là, la grande difficulté. On sent très clairement se profiler la forte possibilité que l'existence des écoles confessionnelles soit laissée aux caprices de la politique provinciale et des affrontements entre les groupes que je viens de vous décrire, de même qu'aux contraintes financières auxquelles doit se plier la province. Voilà le malaise dans lequel nous sommes actuellement plongés.
Si certains peuvent invoquer cela pour appuyer la résolution, à cause de l'impasse apparente dans laquelle nous nous trouvons, il est un aspect très important qu'on perd alors de vue, à savoir qu'il s'agit là d'un exemple très clair de situation ou la majorité peut, en fait, porter atteinte aux droits de la minorité en suggérant une modification du droit provincial afin d'imposer une norme de financement des écoles, norme que ne pourront respecter les catholiques ou les pentecôtistes et qui marquera donc la fin de leurs écoles.
Voilà, ce que va effectivement donner cette résolution au bout du compte. Nous assistons déjà à l'effritement des droits dont M. Wells et son gouvernement avaient annoncé le maintien.
Pour terminer, quelqu'un a suggéré la semaine dernière que nous avons affaire à des droits historiques qu'on fait valoir une nouvelle fois, des droits qui ne sont en prise ni avec la réalité politique ni avec la réalité sociale actuelles. Comme le disait Me Lauwers, pas plus tard qu'en 1982, le Parlement a réaffirmé l'importance des droits confessionnels, à l'article 29, dans la Loi constitutionnelle et dans la charte. Il ne faut pas que le Parlement tourne maintenant le dos à une question dont il ne s'est pas occupé pendant un siècle. Les questions d'éducation et de droits de la minorité ne font l'objet d'un examen attentif que depuis 14 ans, et ils ont été confirmés. Donc, le Parlement se doit d'analyser la question avec sérieux, une fois de plus.
Le sénateur Beaudoin: En principe, je suis d'accord avec tout ce que vous venez de dire. Je suis d'accord avec la déclaration des Nations Unies et les droits antérieurs des parents; avec le Pacte conclu avec Terre-Neuve en 1949 ainsi qu'avec le Pacte conclu avec le Québec et l'Ontario en 1867. De toute évidence, cela est fondamental. Je conviens que l'article 93 est un droit collectif, cela ne fait aucun doute.
Ce qui m'intéresse, avant tout, c'est la déclaration faite par le gouvernement de Terre-Neuve, à savoir que le droit aux écoles confessionnelles serait maintenu. J'aimerais savoir, selon vous et selon la majorité catholique, pour quelle raison exacte vous n'êtes pas d'accord avec cela. La majorité catholique estime-t-elle que le droit aux écoles confessionnelles n'est pas suffisamment affirmé pour protéger les droits d'une catégorie de personnes, c'est-à-dire les catholiques, les pentecôtistes et peut-être d'autres, dans le cas qui nous intéresse? Il n'y a que vous, les Terre-Neuviens, qui puissiez répondre à cette question. Vous ne semblez pas croire que le droit aux écoles confessionnelles sera maintenu. Vous ai-je bien compris?
M. Harrington: Permettez-moi de revenir un instant sur l'exemple de cette loi qui a été proposée en janvier dernier mais qu'on a semblé ensuite abandonner ou retirer. On y prévoyait que, dans les collectivités n'ayant qu'une seule école, 90 p. 100 des enfants devraient être catholiques; deuxièmement, les parents de la région auraient dû voter pour dire s'ils voulaient continuer d'envoyer leurs enfants à une école uniconfessionnelle.
Mais les choses ne se seraient pas arrêtées là. Même s'ils avaient pu garantir la viabilité des écoles catholiques d'après ce critère, une autre disposition de la loi prévoyait qu'à cause du maintien de l'école en question, toute autre école interconfessionnelle n'aurait pu être viable et que, dès lors, seule l'école catholique serait demeurée. Tout le monde s'est donc mis à réclamer un critère juste et objectif qui permettrait d'assurer le maintien de ses écoles.
La même loi conférait au cabinet le droit d'adopter une loi n'importe quand, par décret, pour rétablir ou modifier le critère de viabilité déterminant le maintien des écoles en question. On est très loin de la protection constitutionnelle du droit à l'existence de ces écoles. Si nous avons vu cette notion apparaître dans un projet de loi, après moult considérations, combien de temps devrons-nous attendre pour la retrouver ailleurs, surtout quand on sait les désaccords flagrants qui opposent les différentes confessions d'une même région de la province quant à la façon dont le système devrait être structuré?
Le sénateur Milne: À la page 2 de votre mémoire, vous dites qu'il ne faut pas évaluer ces écoles uniquement en termes historiques, que les écoles séparées demeurent un témoignage et une source importante de tolérance et de diversité au Canada.
Qu'avez-vous à me répondre quand j'affirme que j'ai l'impression, et que j'ai même constaté, que la ségrégation est en général une invitation aux préjugés. On se retrouve dans une situation où ceux qui fréquentent une certaine école et partagent une certaine croyance se trouvent opposés «aux autres». Et cela encourage les préjugés.
Mgr Spence: Eh bien, je vous répondrai ainsi: les écoles catholiques donnent une certaine vision et confèrent certaines valeurs à leurs élèves. Cette vision et ces valeurs sont synonymes d'une dignité fondamentale que l'on instille à chaque personne, et de l'idée voulant que la tolérance soit une valeur que pratique tout bon chrétien. J'estime que l'objection que vous faites est contrecarrée par les valeurs enseignées dans nos écoles. Nous nous efforçons de faire en sorte que les élèves soient imprégnés du sens de la tolérance et du respect envers les autres confessions, et qu'ils pratiquent ces valeurs.
Il est certain que ce qui se passe dans une école catholique est le reflet de ce qu'on attend de nos élèves dans la collectivité. On leur enseigne le bien commun, comment aimer leurs voisins et bien d'autres choses. Je ne vois rien de ségrégationniste ni de mauvais au fait de regrouper certaines personnes pour qu'elles comprennent, à l'intérieur même de leur culture, ce qu'être une bonne personne veut dire, afin qu'elle puisse évoluer globalement au sein de la société.
Force est de constater que, dans notre société actuelle, on compte de nombreuses cultures et que leur nombre ne cesse d'augmenter. Si les jeunes ne comprennent pas clairement là où ils en sont dans leur odyssée d'êtres humains et comment établir le lien avec Dieu et avec leurs prochains, la vie risque de leur être difficile. Dans les écoles catholiques, nous croyons possible de leur instiller une vision saine des valeurs à adopter, ce qui ne les isole pas de la collectivité mais qui, au contraire, les prépare à entretenir de bons rapports avec leurs prochains et à contribuer à la société.
Le sénateur Milne: Je préfère m'arrêter que d'être en désaccord avec vous.
M. Harrington, vous avez parlé d'impasse et de la situation dans laquelle vous avait laissé le Premier ministre de Terre-Neuve. Comment résolveriez-vous cette impasse, plutôt que de simplement déclarer qu'il y en a une.
M. Harrington: C'est là une question à laquelle il est dangereux de répondre quand on n'est pas politicien.
Très franchement, pour le moment, nous devons nous en remettre aux politiciens pour nous sortir de l'impasse. Le fait demeure qu'en avril dernier, nous semblions être parvenus à un accord entre les intervenants, accord qui nous aurait permis d'apporter des changements immédiats et importants -- du moins d'un point de vue administratif -- et qui auraient signifié d'importantes économies. Puis, il a semblé que certains groupes du secteur intégré n'adhéraient pas au principe selon lequel les écoles demeureraient telles quelles dans les premières étapes de la mise en oeuvre de la loi. On a alors dit qu'on adopterait un processus visant à déterminer la façon dont on désignerait la vocation interconfessionnelle ou uniconfessionnelle des écoles.
Ce qui est certain, c'est qu'au moment où les gens ont analysé la situation, ils étaient favorables à des écoles publiques de quartier et ils n'acceptaient même pas l'article 17 tel qu'il était proposé. Ils ont eu l'impression que celui-ci n'allait pas assez loin pour instaurer le principe des écoles publiques de quartier.
Constatant cette opposition, les responsables des Églises intégrées ont changé d'attitude, estimant qu'ils n'étaient pas liés par le prétendu accord cadre. Pour l'heure, on se retrouve dans l'impasse la plus complète. Je ne pense pas qu'il sera facile d'en sortir. Les gens devront se réunir et essayer de mettre en oeuvre les principes fondamentaux établis par le processus.
Le sénateur Rompkey: Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos invités, madame la présidente. On me pardonnera peut-être d'adresser un mot de bienvenue tout particulier à Mgr Goudreault qui est mon évêque, au Labrador. Je me dois également de signaler, pour le compte rendu, que le père Doug Crosbie est présent parmi nous. Lui aussi vient du Labrador.
À la première page de votre mémoire, vous citez le Grand rabbin de Grande-Bretagne:
Laïciser l'éducation, c'est l'affaiblir.
Mais l'article 17 ne donne-t-il pas le droit d'enseigner la religion dans les écoles? N'accorde-t-il pas une protection à l'Église en matière de pratique des croyances religieuses à l'école?
[Français]
Mgr Goudreault: Je pense que oui. La religion peut être enseignée et il pourrait y avoir certaines activités religieuses. Une école confessionnelle est beaucoup plus que l'enseignement de la religion et beaucoup plus que certaines activités qui peuvent y être présentées. C'est une ambiance. L'école met l'étudiant dans un contexte où toutes les valeurs importantes sont étudiées et approfondies. Il y a là des valeurs scientifiques, humaines et religieuses.
En d'autres mots, l'enfant à l'école trouve un milieu dans lequel sont intégrées les trois dimensions. Dans une autre école non confessionnelle, cette dimension religieuse est séparée, par conséquent, elle n'est pas intégrée dans le système de l'éducation. Non seulement cela ne va pas assez loin, mais aussi nous n'avons pas la protection de ces éléments que vous venez de mentionner. Le gouvernement peut changer à n'importe quel moment la loi et nous perdons ces éléments.
[Traduction]
Le sénateur Rompkey: Mon autre question touche à ce que vous dites à la page 3 de votre mémoire. Au premier paragraphe, on peut dire:
Les membres de l'Église catholique et des Assemblées pentecôtistes constituent des minorités...
Par souci de précision, rappelons que la constitution garantit les droits de sept confessions chrétiennes, les Assemblées pentecôtistes ayant été rajoutées en 1987. Tout le monde reconnaîtra que toutes ces branches de l'Église chrétienne bénéficient du même traitement à Terre-Neuve.
[...] Ni la communauté catholique de Terre-Neuve, ni les membres de ces Assemblées pentecôtistes n'ont cependant consenti aux amendements à la procédure proposés par le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador; ils n'ont pas, non plus, été explicitement consultés...
Cette question a été abordée devant ce comité par deux professeurs de droit, de même que par le ministre de la Justice. Quelques-uns au moins estiment qu'il faut tenir compte, d'abord du travail effectué par la Commission royale qui a siégé à Terre-Neuve, dans le cadre du processus de consultation. Il s'agissait alors bien de consultations. Puis, je crois savoir que l'Assemblée législative a tenu des audiences publiques, qu'on peut considérer comme étant des consultations. Il y a eu ensuite un référendum, qu'on peut aussi considérer comme une consultation. Il y a eu un vote à l'Assemblée provinciale, qu'on peut aussi considérer comme étant une consultation et, enfin, il y a eu un vote à la Chambre des communes qu'on peut aussi estimer comme étant une consultation.
Alors, parlons donc de ce processus de consultation. Comment s'est-il déroulé? Comment la minorité s'est-elle exprimée? Un professeur de droit s'est demandé si l'on pouvait raisonnablement conclure que tout le monde n'avait pas eu la possibilité de s'exprimer à l'occasion de ce processus. Pouvez-vous nous parler du processus de consultation et nous dire la façon dont la minorité a pu s'exprimer?
M. Lauwers: Permettez-moi d'essayer de vous répondre en premier. Je suis certain que M. Harrington aura quelque chose à ajouter.
Quand il est question de droit d'une minorité, il convient de consulter la minorité.
Le sénateur Rompkey: C'est là toute ma question.
M. Lauwers: Ce n'est pas ce qui s'est passé dans le cas du référendum. On n'a pas correctement fait la différence entre les catégories de personnes, pour se livrer à une bonne évaluation. Nous savons que les catholiques ont voté contre. Dans certaines régions de la province, on trouve une majorité de catholiques et là, le suffrage a été négatif. Si le référendum avait été bien administré, nous saurions exactement ce que pensent les catholiques romains et les pentecôtistes de Terre-Neuve. Maintenant, ce n'est pas possible.
L'autre consultation est très intéressante et fort utile, mais elle ne s'attaque pas à la racine du problème, à savoir que dans cette résolution il est question de retirer un droit à une minorité, sans qu'elle y consente.
Le sénateur Rompkey: Je ne suis pas certain qu'on puisse conclure cela du référendum. Parmi les régions qui ont voté «non», on retrouve Kilbride, St. John's Est (Extern), St. John's Ouest, St. John's Centre, St. John's Est. Et comme pourra sans doute le confirmer le sénateur Doody, ce sont là des régions à majorité catholique romaine où l'on a pourtant voté «non» au référendum.
On peut toujours employer ces données, mais ce ne sont pas des preuves absolues. Par exemple, les données obtenues au référendum sont contredites lors des élections. Donc, cela me ramène à la question de savoir comment nous pouvons consulter les gens et comment nous pouvons déterminer ce que pense une minorité, que ce soit quand on l'invite aux urnes ou ailleurs? Je pense que nous pouvons nous servir des données pour prouver qu'on ne peut établir avec certitude le vote catholique romain.
M. Harrington: Permettez-moi deux remarques. D'abord, la question du référendum était: «Êtes-vous favorable à la révision de l'article 17 pour permettre la restructuration du système éducatif de Terre-Neuve?» On sous-entendait que, sans un changement de l'article 17, on ne pourrait pas réformer le système d'enseignement. À la façon dont elle était formulée, cette question penchait dans le sens de la position gouvernementale.
Deuxièmement, quand on analyse le vote, 16 circonscriptions au moins sur 52, ayant une importante population catholique ou pentecôtiste, ont pourtant voté massivement «non».
D'où la question: est-il important qu'il s'agisse de Kilbride, de Corner Brook ou de Grand Falls? Si les membres d'une catégorie de personnes de ces régions ne veulent pas renoncer à leurs droits, leur lieu de résidence importe-t-il ou est-il important que toutes ces personnes se retrouvent dans une même division scolaire? On pourrait se demander jusqu'où pousser le raisonnement, mais ce n'est pas comme si les préoccupations d'une certaine partie de ces minorités avaient été sous-représentées. C'est là la meilleure analyse qu'on puisse faire du suffrage exprimé, parce que c'est la seule disponible.
Vous parliez de la Commission royale. Celle-ci a reçu plus de 1 000 mémoires. Vous allez accueillir le commissaire, demain. Je crois savoir qu'il a entendu près de 400 groupes et reçu 130 pétitions. D'après tous les témoignages qu'il a recueillis, 75 p. 100 des gens appuient le système actuel et 9 p. 100 seulement y sont opposés.
Comme vous le savez, il y a statistiques et statistiques, mais il n'en demeure pas moins qu'un très grand nombre d'éléments tendent à établir que plusieurs catégories de personnes veulent maintenir le statu quo.
Le sénateur Doody: Permettez-moi d'abord de souhaiter la bienvenue à nos témoins et de les remercier de comparaître devant nous aujourd'hui.
Mon ami le sénateur Rompkey a été très prudent dans son choix des circonscriptions ou des districts qu'il a cités. Je ne l'ai pas entendu mentionner, par exemple, St. Mary, Ferryland ni Harbour Main, où je réside. Dans ces coins, le suffrage a été très différent.
J'ai été frappé par la façon dont Me Harrington a insisté sur les mots «là où le nombre le justifie». J'ai eu l'impression que si l'on ajoutait cette précision dans la résolution, les minorités concernées seraient peut-être un peu moins inquiètes. Si je ne me trompe pas dans mon interprétation, j'aimerais que vous élaboriez un petit peu à ce sujet.
J'aimerais également savoir si les parties concernées voudraient faire part d'autres suggestions au Sénat. Comme vous le savez, le Sénat a un pouvoir restreint en matière de changements constitutionnels. Reste à savoir jusqu'où nous pouvons aller, outre l'imposition d'un délai de six mois. Je serais heureux d'entendre vos commentaires.
M. Harrington: On peut raisonnablement affirmer que l'inclusion de la précision «là où le nombre le justifie» aurait été une façon de véritablement commencer à donner une protection constitutionnelle à ces droits. Mais je ne veux pas me relancer dans cette discussion. Je ne sais pas si cela permettrait de résoudre le problème, mais au moins vous vous trouveriez à garantir les droits confessionnels de la même façon que les droits à l'enseignement en français, consentis par la Charte.
Il est certain que les autres questions entourant la mise en oeuvre de cette nouvelle structure demeurent inquiétantes, mais j'estime que l'absence de la précision en question est une omission de taille en matière de protection d'une norme objective pour ces écoles, laquelle norme pourrait d'ailleurs être protégée par un renvoi devant les tribunaux si nécessaire.
Le sénateur Jessiman: Vous parlez de l'accord cadre d'avril. S'agit-il de celui d'avril 1996?
M. Harrington: Oui.
Le sénateur Jessiman: Le grand public et nous même pouvons-nous obtenir un exemplaire de l'accord?
M. Harrington: Oui, il est du domaine public.
Le sénateur Jessiman: Pourrait-on en obtenir un exemplaire, madame la présidente?
La présidente: Nous essayerons, sénateur Jessiman.
Le sénateur Jessiman: Je constate également que le mot «régir», au paragraphe c) de l'amendement à l'article 17 a fait couler beaucoup d'encre et beaucoup fait parler. Dans une lettre adressée au gouvernement, l'Église estime que le verbe employé n'est pas assez global et qu'il faudrait le remplacer par «déterminer». Cela aiderait-il à quelque chose si l'on employait le terme «déterminer» pour que cette partie du paragraphe se lise «...la religion à l'école ainsi que déterminer les activités académiques...»?
M. Harrington: Oui. Je ne veux pas anticiper le genre de remarques que vous formulera M. Colin Irving, lors de vos audiences à St. John's, lui qui a été conseillé en matière constitutionnelle auprès des conseils de l'éducation catholique et pentecôtiste de Terre-Neuve et qui s'est entretenu à ce sujet avec l'ancien Premier ministre, M. Wells. Quoi qu'il en soit, dans la correspondance, il est recommandé de plutôt employer le mot «déterminer». M. Wells a reconnu que telle était l'intention de l'article, mais le gouvernement n'était pas disposé à modifier la résolution pour adopter le terme en question. Le mot «régir» semble sous-entendre que l'école catholique, ainsi que celles et ceux qui y sont associés, n'auront le droit que d'administrer les activités académiques et qu'ils n'auront absolument aucun rôle à remplir dans la détermination du cursus, même pas pour les matières religieuses.
Le sénateur Jessiman: Je comprends votre argument. Je crois que vous estimez que l'emploi de ce mot dans une version modifiée pourrait effectivement aider les choses.
Vous aimeriez aussi qu'on ajoute l'expression «là où le nombre le justifie». Avez-vous une idée de ce que devrait être ce nombre? Faudrait-il adopter une phrase aussi vague que «là où le nombre le justifie» et laisser le soin aux tribunaux de trancher?
M. Harrington: Je ne pense pas être compétent pour répondre à cette question. Je crois que vous devriez la poser à quelqu'un connaissant mieux que moi le système d'éducation sur le terrain, parce qu'il y a les régions urbaines et les régions rurales. Il convient de ne pas perdre de vue que près de 90 p. 100 des collectivités avoisinant St. John's, par exemple, n'ont qu'une seule école. Et la population présente une forte proportion de catholiques, de pentecôtistes, d'anglicans ou d'autres confessions. Il faut également tenir compte de tout cela pour décider de ce que devrait être un niveau raisonnable afin de permettre l'existence d'une école uniconfessionnelle, mais je ne crois pas que les avocats sont compétents pour se prononcer sur ce genre de sujet.
Le sénateur Petten: Je suis né à St. John's et j'ai été à l'école là-bas. Je pense pouvoir affirmer que j'y passe le plus clair de mon temps, sauf quand je suis ici, à Ottawa, quand le Sénat siège. Le week-end dernier, j'ai participé aux cérémonies de mise en service de la nouvelle frégate, le NCSM St. John's. Je me suis entretenu avec plusieurs personnes dans plusieurs réceptions, dans deux en particulier. D'abord, à l'hôtel de ville, quand le maire a dit adieu au navire au nom de la ville; l'autre, c'était hier, après les cérémonies de mise en service. Comme j'ai vécu là-bas toute ma vie, je connais bien les gens de ma ville et mes concitoyens de Terre-Neuve. Eh bien, et sauf votre respect, Votre Grâce, leurs commentaires sont les mêmes, quelle que soit leur confession, qu'ils soient anglicans, de l'Église unie, de l'Église catholique ou autres. Tous, en grand nombre, sont venus me dire et me répéter, sans que j'aie sollicité quoi que ce soit: «adoptez l'amendement de l'article 17 pour que nous puissions passer à autre chose».
Je me devais de mentionner pour mémoire ce que pensent mes concitoyens terre-neuviens à ce sujet. Je me suis entretenu avec un échantillon représentatif de plusieurs confessions.
Le sénateur Prud'homme: J'ai commencé à parler du référendum en septembre dernier, et j'ai montré quel était mon trouble alors. Je voulais m'y intéresser. Puis, j'ai insisté pour que nous tenions ces audiences. D'abord, je n'ai pas reçu beaucoup d'appui, mais finalement ce comité s'est matérialisé. C'est cela le rôle du Sénat. J'aime toujours dire quelque chose de bien sur le Sénat. Je ne me cache derrière personne. Je crois que le Sénat a un rôle à jouer et c'est exactement ce que nous faisons aujourd'hui. Nous n'avons pas besoin de présenter d'excuses à qui que ce soit. Je suis certain que les gens de Terre-Neuve savent que nous faisons notre devoir. Il y aura des audiences, ici, à Ottawa, et aussi à Terre-Neuve.
J'ai été fortement influencé par M. Lincoln -- qui a été député provincial au Québec -- dans sa défense des droits des minorités, comme je l'ai fait, moi aussi. Il disait: «Des droits, ce sont des droits». Il est à présent député fédéral. Eh bien, je suis très troublé qu'il arrive parfois que la majorité se montre impatiente, qu'elle ait tendance à faire fi de la minorité qui a pu se croire protégée par la constitution. Cela me préoccupe beaucoup.
Depuis que je me suis engagé, je reçois beaucoup de courrier. Et plus j'en reçois, plus je fais attention à ce qui se passe. Ma dernière lettre, je l'ai reçue hier. Quelqu'un m'a écrit «La majorité s'est exprimée, adoptez donc l'article 17. Permettez aux parents de notre province d'avoir leur mot à dire dans l'éducation de leurs enfants». Je dois admettre que je trouve cela troublant. Je croyais que les parents de Terre-Neuve avaient le dernier mot en matière d'éducation de leurs enfants.
Beaucoup ont dit que le Sénat et la province avaient agi de façon bilatérale. Les gens ont mis sur un même palier la question de l'amendement actuel et l'autorisation que nous avions accordée pour la construction du pont de l'Île-du-Prince-Édouard. Mais dans ce cas, nous avons ajouté un pont, nous n'en avons pas enlevé un. Au Nouveau-Brunswick, nous avons ajouté des droits. Si le système est si mauvais que cela à Terre-Neuve, je ne comprends pas comment il a pu produire des sénateurs aussi remarquables que Petten, Rompkey et Doody, et des gens comme M. Tobin et M. Jamieson, des gens avec qui j'ai été associé durant toute ma vie. Je ne comprends pas ceux qui minimisent le système d'éducation.
Je partage tout à fait la définition que vous donnez d'une école, sénateur Milne. Il n'est pas simplement question d'une demi- heure d'enseignement religieux par semaine, c'est une question d'ambiance. Comme vous le disiez, il est question d'une vision en matière d'enseignement de la tolérance.
Plus je vieillis et plus je me crispe en entendant les nouvelles définitions qu'on nous donne de termes comme «l'inclusion». On nous parle d'inclusion, mais j'ai l'impression qu'on nous invite à pratiquer le nivellement par le bas, pour que tout le monde se sente inclus.
Est-il possible que vous puissiez parvenir à un accord avec le gouvernement et avec d'autres pour protéger ce que vous estimez être vôtre, de plein droit, et qui a été une des conditions du rattachement de Terre-Neuve au Canada en 1949? Peut-on encore envisager que, sans cet amendement, les Églises puissent tomber d'accord avec le gouvernement provincial et faire ce que le gouvernement essaie de faire par le biais de cet amendement? Cela s'entend de l'administration des écoles et des autobus scolaires.
J'ai lu toutes les lettres que nous avons reçues et je suis certain que nous entendrons encore parler de cela à Terre-Neuve.
M. Harrington: Pour l'essentiel, l'accord cadre qui a été conclu énonce la restructuration administrative prévue. Il n'y a pas de désaccord là-dessus. Il a été possible d'aller de l'avant même si le gouvernement pense qu'il faudrait d'abord adopter la résolution. Toutefois, tout le monde s'entend sur ce point.
Il reste la question du genre d'écoles qui devraient constituer la norme au début de la mise en place d'un système restructuré. Il reste encore à régler et à discuter cette question, notamment en ce qui a trait à la tenue d'un sondage auprès des parents pour savoir quelle orientation ils veulent adopter. Ce point n'a pas été réglé dans l'accord cadre. Il y a toujours les éléments essentiels d'un accord important, mais cette situation est relativement floue pour le moment.
Il existe effectivement, sur plusieurs points, la base d'un accord, y compris les commissions interconfessionnelles, et toutes les confessions auront des représentants au sein d'une seule et même commission scolaire. Il s'agit là d'un changement par rapport à la structure actuelle qui exige que les catholiques aient leur propre commission, et qu'il en soit de même pour les pentecôtistes, et les autres.
Le sénateur Prud'homme: Pourriez-vous me dire pourquoi, en 1987, nous avons ajouté une Église à celles mentionnées par mes collègues? L'Église pentecôtiste a été ajoutée comme deuxième religion en 1987, et il n'y a eu aucun débat. Le système éducatif s'est-il rapidement effondré depuis 1987? Que s'est-il passé depuis? Aucune question n'a été soulevée en 1987 lorsque nous avons ajouté une nouvelle religion afin de la protéger. Les gens ont tendance à penser qu'elle faisait partie de la liste depuis toujours, mais en fait elle a été ajoutée en 1987 et il n'y a eu alors aucun débat. J'ai essayé de voir s'il y avait eu un débat, car j'étais député, mais il n'y en a eu aucun.
Le sénateur Doody: C'est moi qui ai présenté le projet de loi.
Le sénateur Prud'homme: Pourquoi cette grande précipitation à vouloir retirer cette protection? Je ne sais pas comment je voterai à la fin de la journée, mais j'ai besoin d'être convaincu. Je suis plutôt du côté de la sécurité. Lorsque j'ai le sentiment que mes droits sont protégés dans une Constitution je me sens mieux. Autrement, pourquoi avoir une Constitution? Pour quelle raison mes droits sont-ils protégés?
M. Harrington: Il s'agit d'un point délicat qui est davantage politique que juridique. Je dirais simplement que le dernier gouvernement en place a jugé qu'il valait mieux qu'il y ait une plus grande gestion du système éducatif au niveau de l'État et du ministère de l'Éducation que de poursuivre avec des commissions confessionnelles et les autorités ecclésiastiques, qu'il jugeait inefficaces. Ce changement s'est produit depuis 1987 en moins de 10 ans. Telle est la position.
Votre point soulève la question suivante: pourquoi les choses ont-elles tellement changé en moins de 10 ans pour justifier de retirer les droits?
La présidente: Merci beaucoup, Mgr Spence, Mgr Goudreault et monsieur Harrington. Me Lauwers, lui, va demeurer des nôtres.
Notre témoin suivant est Mme Betty Mosely-Williams.
Vous avez la parole.
Mme Betty Mosely-Williams, vice-présidente, Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques: Je voudrais dire, pour commencer, que la présidente de notre association est Dorothy Fortier, de Saskatoon, qui n'a pu se présenter devant vous aujourd'hui. J'ai donc le plaisir de parler en son nom.
J'ai une nouvelle fois l'aide de Peter Lauwers, qui agit de temps à autre en qualité d'avocat auprès de notre association et essaye de nous éviter les ennuis que nous risquons de nous causer.
J'agis en qualité de commissaire auprès du Conseil scolaire des écoles catholiques séparées du district de Nipissing, et je suis la première vice-présidente de l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques. Je vais parler à différents titres, et vais vous donner quelques explications à ce sujet.
Tout d'abord, je vais prendre la parole en qualité de représentante élue des contribuables catholiques de l'Ontario et d'autres régions du Canada. Je vais aussi parler au nom des commissaires d'écoles catholiques du Canada et en tant que diplômée des systèmes scolaires catholiques au sein de mon autre unité familiale, à savoir les O'Rourke. Nous avons fréquenté les écoles catholiques de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Ontario. Cela ne veut pas dire pour autant que nous étions des nomades, mais plutôt que mon père était un cheminot. Je vais aussi parler en qualité de mère de cinq garçons qui sont tous diplômés de notre système à North Bay; nous avons payé les études de quatre d'entre eux car c'est ainsi qu'était le système scolaire secondaire. Un de mes fils enseigne aujourd'hui dans notre système.
Je vais aussi parler en qualité de grand-mère -- encore très jeune, je l'espère -- de la génération suivante qui a commencé sa scolarité. Je vais m'exprimer par conviction d'une part et du fond du coeur d'autre part -- par conviction que nos diplômées sont dans un système que leurs parents ont choisi comme principal éducateur de leurs enfants, et que le Canada est un merveilleux endroit parce que nous autres, nous tous Canadiennes et Canadiens, respectons notre histoire et nos traditions, et que notre pays est fier de sa diversité.
L'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques est extrêmement reconnaissante de la possibilité qui lui est donnée de se présenter devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour communiquer son point de vue sur une résolution touchant l'article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada. Nous sommes animés de la ferme conviction que cette résolution soulève des questions fondamentales, particulièrement pour ceux qui possèdent des droits de minorité en vertu de notre Constitution.
Les législateurs s'inquiètent des précédents, et ils ont raison de s'inquiéter. Ils se rendent compte que les valeurs fondamentales de notre société sont reproduites dans la loi. Cette résolution laisse planer le risque d'un précédent, ce qui nous concerne énormément.
Bien des préoccupations ont été exprimées à propos du processus menant à l'adoption de la résolution et à propos également de sa substance. Des inquiétudes ont surtout été soulevées relativement aux répercussions de cette résolution sur la nature même de notre démocratie.
Notre association est opposée à cette résolution car elle modifierait le droit de minorités sans le consentement des minorités concernées. L'ACCEC est d'avis que l'adoption de cette résolution par le Parlement du Canada créerait un précédent politique qui menacerait tous les droits des minorités.
Notre association est affiliée aux associations provinciales de Terre-Neuve et du Labrador, de l'Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Nous comptons plus de 750 000 élèves dans les écoles catholiques de ces provinces, et notre association parle en leur nom. Nous avons également des rapports permanents avec les Parents catholiques du Québec, organisation qui représente plus de 60 000 familles catholiques dans cette province.
En tant que catholiques, nous sommes parfaitement conscients des droits dont nous jouissons en vertu de la Constitution en matière d'éducation. Nous acceptons la responsabilité qui vient avec, et nous prenons très au sérieux ces droits. Nous ne voulons pas qu'ils soient diminués de quelque manière que ce soit.
Lors de la création de la Confédération, certaines dispositions ont été prises pour tenir compte des désirs des familles, en matière d'éducation, qui composaient la population de l'époque. Le compromis historique qui prévoyait un système scolaire général avec le droit pour les protestants au Québec et les catholiques en Ontario d'avoir leurs propres écoles subventionnées par les deniers publics a souvent été qualifié d'arche d'alliance. En fait, cette coopération a été la clé même de la Confédération.
Au fil des ans, cet arrangement a bien servi notre pays. Alors que d'autres provinces sont entrées dans la confédération, des ententes semblables ont été conclues. Lorsque Terre-Neuve s'est jointe au Canada en 1949, les droits actuels des catholiques d'exploiter leurs propres écoles ont été enchâssés dans les Conditions de l'union.
Le débat porte aujourd'hui sur la tentative qui vise à retirer ces droits contre le désir de la minorité et à rendre tributaire le contrôle actuel, et essentiel, des écoles catholiques de cette province, et celui des autres écoles confessionnelles, du bon vouloir du gouvernement provincial en place, quel qu'il soit. Il ne faut pas que cela se passe.
L'éducation catholique repose solidement sur la prémisse selon laquelle les parents sont principalement responsables de l'éducation de leurs enfants, et qu'ils font confiance à leurs écoles pour leur inculquer les valeurs chrétiennes qui leur sont importantes en tant que famille.
L'éducation catholique doit être excellente sur le plan scolaire -- nos écoles existent pour éduquer -- mais, sous tous leurs aspects, les écoles catholiques respectent et traduisent fidèlement les attitudes et valeurs qui ont permis de construire la société canadienne au fil des ans. Dans un monde où l'avenir est incertain, l'école catholique apporte optimisme et espoir, et essaye d'enseigner le bien. Cet enseignement se fait durant toute la journée scolaire mais aussi durant l'intégralité du cycle scolaire.
Il ne suffit pas de donner une leçon d'éducation religieuse pendant une seule période de la journée. Ce n'est pas là une éducation holistique. Chaque aspect de l'école catholique est imprégné de la vision de la vie proclamée par Jésus-Christ. C'est cette forme d'éducation que nous essayons de préserver alors que nous nous penchons sur les modifications proposées au statut des écoles catholiques de Terre-Neuve et du Labrador.
Il s'agit d'une question d'envergure nationale. Notre association a apporté son appui à nos collègues du système d'enseignement catholique de Terre-Neuve et du Labrador dans des discussions préalables sur la réforme de l'éducation de cette province. Lorsque cette dernière a renvoyé l'ensemble du dossier au gouvernement fédéral, notre association a été directement concernée car nous nous sommes aperçus qu'il s'agissait d'une question d'envergure nationale et que ses répercussions seraient ressenties partout au pays.
C'est d'ailleurs le point que nous avons soulevé dans plusieurs mémoires que nous avons remis au premier ministre, au ministre de la Justice, à d'autres représentants gouvernementaux et à nombre d'entre vous. Nous sommes convaincus qu'un article de la Constitution ne peut être modifié sans que cela ait des répercussions sur d'autres articles qui traitent essentiellement de la même chose; dans le même ordre d'idée, personne ne peut se servir d'un processus pour modifier la Constitution sans créer un précédent. En fait, nous nous demandons comment cela ne peut pas constituer un précédent? Les réactions des catholiques, partout au pays, sur cette question, traduisent bien les préoccupations que leur suscitent les répercussions de l'amendement de Terre-Neuve sur leurs droits enchâssés dans la Constitution.
Nous sommes absolument convaincus qu'il s'agit là d'une question concernant les droits des minorités au Canada. Le respect des droits des minorités a toujours constitué une partie essentielle du contrat social au Canada. Un des rôles du gouvernement fédéral consiste à protéger ces droits, et nous avons, au Canada, mis en place des mécanismes tels que la Charte des droits et libertés, pour garantir certains droits aux minorités afin de leur permettre de vivre davantage comme des citoyens responsables.
Lorsque les droits d'un groupe, qui sont enchâssés dans la Constitution, sont réduits ou bien ignorés d'une manière quelconque, de toute évidence ce sont les droits de toutes les minorités, eux aussi enchâssés dans la Constitution, qui sont en danger, même s'ils ne sont pas directement et immédiatement touchés. Lorsque la décision de réduire ces droits repose, même provisoirement, sur un référendum effectué auprès l'ensemble de la population plutôt que sur l'opinion du groupe concerné, ou bien si la décision est prise par l'assemblée législative provinciale, le système de protection des droits des minorités doit entrer en jeu.
Nous regrettons de constater que dans ce cas-ci la protection du gouvernement fédéral, sur laquelle la population du Canada compte, ne semble pas être entrée en jeu. Avec l'adoption de l'amendement de Terre-Neuve, ce sont les droits de tous les groupes minoritaires au Canada qui risquent d'être en danger. Le risque est de constater que des groupes, même des gouvernements provinciaux, se prévaudront du processus ayant mené à l'amendement de Terre-Neuve comme précédent pour contester des droits en matière d'éducation ou autres, que détiennent aujourd'hui des groupes minoritaires au Canada. Les organisations ou individus qui, pour des raisons diverses, s'opposent à l'existence de certains droits tels qu'en matière d'éducation, détenus aujourd'hui par des groupes confessionnels, des groupes linguistiques minoritaires ou des groupes autochtones dans d'autres provinces, ne manquent certes pas.
Cette situation avait été anticipée par les Pères de la Confédération et par d'autres dirigeants politiques au fil des ans. Ils s'étaient en effet aperçus de la nécessité de légaliser de tels droits pour s'assurer que le travail des groupes concernés puisse se poursuivre, afin que l'ensemble de la société en bénéficie. De toute évidence, avant que ces décisions ne soient prises, il y a eu de nombreuses discussions politiques. Il est tout aussi évident d'avancer qu'une réduction quelconque d'un droit fondamental, par exemple celui d'un groupe minoritaire à exploiter ses propres écoles dans une province, servira éventuellement de prétexte pour contester les droits d'autres groupes à travers le pays.
Nous remarquons également dans ce processus le fait que les gouvernements seront encouragés à avoir plus fréquemment recours au référendum comme outil de prise de décision politique. Selon nous, le processus référendaire ne montre pas la population sous son meilleur jour. Cette procédure ne reflétera pas la façon dont le processus politique marche dans notre pays. En fait, elle pourrait être considérée comme un affront au processus démocratique par lequel des représentants sont élus pour prendre de telles décisions.
Quoi qu'il en soit, un référendum devrait porter sur une question qui concerne l'ensemble de la collectivité de façon équitable. Dans ce cas-ci, un référendum a été mené parmi l'ensemble de la collectivité sur les droits d'une minorité au sein de la collectivité, ce qui est inacceptable.
La récente élaboration d'un projet d'accord cadre entre les confessions de Terre-Neuve et Labrador et le gouvernement provincial démontre bien qu'il est possible d'en arriver à une entente sur la réforme de l'éducation sans pour autant changer l'article 17 des Conditions de l'union. Les dirigeants catholiques sont disposés à apporter un certain nombre de changements fondamentaux à la façon dont l'éducation est assurée dans cette province. Nous sommes absolument convaincus que le moyen de régler ces problèmes sans aucun difficiles est de trouver des solutions propres à Terre-Neuve. Nous prétendons d'autre part que les répercussions de la modification proposée à la Constitution sont plus sérieuses que toute entente possible conclue par les parties concernées pour régler un différend.
S'il est un fait que la résolution a déjà été adoptée par la Chambre des communes, nous n'en demandons pas moins respectueusement au Sénat de la rejeter. En ce qui a trait à la protection des droits des minorités, les bénéficiaires de tels droits doivent pouvoir faire confiance au gouvernement fédéral. Il faut que le Sénat fasse entendre sa voix pour garantir que les droits enchâssés dans la Constitution -- dans ce cas-ci, ceux des catholiques et d'autres confessions de Terre-Neuve et du Labrador -- ne sont pas retirés ou réduits pour un motif politique, et que les droits d'autres minorités ne sont pas mis en danger par un tel précédent.
S'il n'était pas possible de renvoyer complètement la résolution, nous demandons alors que les modifications proposées par les dirigeants du système éducatif catholique de Terre-Neuve et du Labrador, soient incluses à cette résolution. Ces modifications permettraient à la communauté catholique d'avoir des écoles, lorsque le nombre le justifie plutôt que selon le bon vouloir de l'assemblée législative, et permettraient d'autre part à ces écoles d'être en mesure de déterminer et de régir l'enseignement qui doit y être donné selon les désirs des parents qui appuient ce système éducatif.
En guise de conclusion, je tiens à préciser que l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques est reconnaissante de la possibilité qu'on lui a donnée de présenter ses observations devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. L'impact à l'échelle nationale du projet de modification à la Constitution est énorme. Nous espérons que notre association a contribué de façon positive au débat en la matière.
Le sénateur Pearson: Avez-vous dit que votre association représente quelque 750 000 personnes?
Mme Mosely-Williams: En effet, un petit peu plus.
Le sénateur Pearson: De quelle manière les représentez-vous? Les avez-vous consultées?
Mme Mosely-Williams: Je suis certaine que nous avons entendu l'opinion de certains de nos élèves et étudiants.
Le sénateur Pearson: Ce n'est pas mon cas.
Mme Mosely-Williams: Je suis commissaire élue de cette province et je suis commissaire élue au niveau national. Par conséquent, je représente les contribuables et les élèves de ces régions.
Le sénateur Pearson: Je ne mets pas cela en doute. Je me pose simplement des questions sur le processus de consultation auprès des gens.
Mme Mosely-Williams: Nous les avons consultés. J'espère que certaines personnes au sein du gouvernement ont reçu des lettres des élèves faisant part de leurs préoccupations.
La présidente: Je tiens à préciser que le sénateur Pearson fait la promotion de la défense des enfants. C'est elle qui a proposé que nous mettions sur pied une commission de jeunes à Terre-Neuve afin que nous puissions les entendre directement.
Le sénateur Rompkey: Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos invités.
J'aimerais tout d'abord décrire le mieux possible la situation qui prévaut à Terre-Neuve. Vous avez dit que si les droits changent, ils devraient changer équitablement pour l'ensemble de la collectivité et non pas simplement pour une minorité. Actuellement, à Terre-Neuve, il y a sept confessions de l'Église chrétienne, notamment l'Église catholique, qui ont toutes des droits égaux enchâssés dans la Constitution en vertu de l'ancien article 17. Certains prétendent que la situation à Terre-Neuve n'est pas unique en son genre. Toutefois, en ce qui me concerne, il n'existe aucune autre situation ailleurs au Canada ou ces sept confessions ont des droits également enchâssés dans la Constitution et, en fait, une part égale des deniers publics par habitant. Je tiens à ce que cela soit précisé dans le compte rendu.
Vous avez indiqué un peu plus tôt qu'un droit d'une minorité ne devrait pas être modifié sans le consentement de cette dernière. Ma première question concerne le droit des minorités. Quel droit a été perdu? Et à propos de quel droit êtes-vous préoccupé?
Mme Mosely-Williams: Je m'inquiète du risque de cette résolution sur le droit d'avoir des écoles confessionnelles.
Le sénateur Rompkey: Comprenez-vous que le nouvel article 17 précise bien le droit à des écoles confessionnelles?
M. Lauwers: Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, ce n'est pas ce que l'article dit.
Le sénateur Rompkey: Peut-être devrais-je faire inscrire au compte rendu ce qu'on y lit. On y lit, en partie:
Dans la province de Terre-Neuve et pour ladite province, la Législature a le pouvoir exclusif d'édicter des lois sur l'enseignement, mais:
a) sauf dans la mesure prévue aux alinéas b) et c), sont confessionnelles les écoles dont la création, le maintien et le fonctionnement sont soutenus par les deniers publics; toute catégorie de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause, dans sa version au 1er janvier 1995, conserve le droit d'assurer aux enfants qui y appartiennent l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école; les droits des catégories de personnes qui se sont regroupées par un accord conclu en 1969 pour constituer un système scolaire unifié sont assimilés à ceux dont jouit une catégorie de personnes en application de la présente clause;
Le texte est encore plus long, mais je ne vais pas le lire intégralement. L'alinéa c) est une indication encore plus forte qu'il peut y avoir des écoles uniconfessionnelles.
J'ai pensé que cela valait la peine de l'inscrire au compte rendu, madame la présidente.
M. Lauwers: Pouvons-nous répondre, madame la présidente? Je voudrais faire deux observations. Tout d'abord, la référence particulière à l'alinéa a) de la résolution -- c'est-à-dire à l'enseignement religieux, à l'exercice d'activités religieuses et à la pratique de la religion -- n'a rien à voir avec l'enseignement catholique. Ce point a d'ailleurs déjà été précisé par les témoins avec lesquels vous avez parlé auparavant.
Deuxièmement, le sénateur Rompkey a parlé de sept confessions différentes qui ont des droits, mais il n'a pas fait référence au système scolaire unifié. La plupart de ces personnes font partie d'un seul système scolaire tel qu'il est actuellement. Nous ne parlons pas de la complexité de sept systèmes scolaires différents mais de quelque chose de beaucoup moins complexe.
Le sénateur Rompkey: Toutes les confessions protestantes ne sont pas unifiées. J'étais surintendant du système unifié et je sais de quoi je parle.
M. Lauwers: Très bien. Vous avez raison. Toutefois, dire que les sept confessions font ce qu'elles veulent, n'est pas juste.
Le sénateur Rompkey: Elles ont accès à des fonds publics par habitant.
M. Lauwers: Elles fonctionnent toutefois comme unité unifiée.
Le sénateur Rompkey: Trois d'entre elles fonctionnement effectivement ainsi.
M. Lauwers: Cela représente l'ensemble d'entre elles, si je comprends bien, en termes d'individus.
Le droit aux écoles uniconfessionnelles est précisé à l'alinéa b) de la résolution qui dit:
b) sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles;
Il s'agit de la disposition qui traite de la possibilité d'écoles uniconfessionnelles. Il n'y a nulle part référence aux mots «lorsque le nombre le justifie». Lorsque le premier ministre Wells a parlé de cette résolution, il a dit qu'il y aurait des écoles uniconfessionnelles lorsque le nombre le justifie, tout comme l'a dit également le ministre de la Justice lorsqu'il a proposé cette résolution. Je crois qu'il a utilisé la même phrase lorsqu'il l'a expliquée à votre comité. Cette phrase ne figure pas dans la résolution, et c'est pourquoi les Terre-Neuviens sont aussi préoccupés.
Le sénateur Rompkey: Il me semble qu'ici un droit change de main, à savoir le droit de recevoir des deniers publics par habitant. Je dirais toutefois que le droit à l'enseignement religieux ne change pas de main.
J'aimerais maintenant aborder la question du consentement de la minorité. Comment déterminons-nous le consentement de la minorité? Comment la minorité s'exprime-t-elle? J'ai posé cette même question à nos derniers témoins. Cette question a été soulevée en présence d'autres témoins que nous avons entendus.
Comment le consentement de la minorité est-il déterminé? Qui parle au nom de la minorité?
M. Lauwers: Il existe un certain nombre de moyens différents d'évaluer ce que veut la minorité. Un d'entre eux consiste à le lui demander directement lors d'un référendum dans le cadre duquel vous faites la différence parmi les catégories de personnes. Cela ne s'est pas produit dans le référendum de Terre-Neuve.
Le sénateur Rompkey: Cela aurait pu se produire.
M. Lauwers: Effectivement, mais cela n'a pas été le cas.
Le sénateur Rompkey: Le gouvernement a proposé d'avoir une distinction par catégorie, n'est-ce pas?
M. Lauwers: Je ne peux répondre, car je ne le sais pas.
Le sénateur Rompkey: Précisons pour le compte rendu que tel était le cas.
Le sénateur Doody: Il s'agit d'un point important. Pouvez-vous prouver que tel était le cas, sénateur?
Le sénateur Rompkey: Je pense que oui.
Le sénateur Doody: J'ai demandé au premier ministre précédent les raisons pour lesquelles cela n'avait pas été fait. Je lui ai dit que c'était la manière d'agir, mais il m'a répondu que «Non, 95 p. 100 avaient un droit».
Le sénateur Rompkey: Si nous pouvions trouver des preuves écrites, elles pourraient être ajoutées à la transcription de nos débats, madame la présidente.
La présidente: Nous communiquerons avec le gouvernement de Terre-Neuve pour savoir s'il existe de telles preuves. Si tel est le cas, nous les distribuerons alors aux membres du comité.
Le sénateur Prud'homme: Je ne suis pas membre du comité.
La présidente: Veuillez m'excuser, sénateur Prud'homme. Vous les recevrez vous aussi.
M. Lauwers: L'autre moyen d'agir est par l'intermédiaire des structures existantes. Des gens sont élus aux commissions scolaires et ont ces droits.
Le sénateur Rompkey: Vous ne pourriez ignorer, n'est-ce pas, les représentants élus de la population?
M. Lauwers: Lorsque vous parlez du droit d'une minorité, le fait est que je n'en tiendrais pas compte.
Le sénateur Rompkey: Ignoreriez-vous le vote unanime de l'assemblée législative de Terre-Neuve?
M. Lauwers: Complètement.
Le sénateur Rompkey: Cela ne veut-il rien dire en ce qui a trait à adopter ou changer des lois?
M. Lauwers: Il s'agit d'une question d'interprétation. Le vote original visant l'adoption de la résolution était de 31 voix contre 20.
Le sénateur Rompkey: Le dernier vote était unanime.
M. Lauwers: Effectivement, mais je ne sais pas sur quoi portait ce vote.
Le sénateur Rompkey: Je crois savoir qu'il s'agissait d'un vote pour dire au Parlement du Canada d'adopter le nouvel article 17.
M. Lauwers: Il y a eu toutes sortes de raisons politiques pour ce deuxième vote. Je le rejette complètement car les minorités ont le droit d'être protégées. Elles ont le droit d'être entendues dans le processus, ce qui ne s'est pas passé dans ce cas-ci.
Le sénateur Rompkey: Reconnaissez-vous que la minorité a des droits sur la majorité, et que la minorité peut dicter sa loi à la majorité? Si tel est le cas, jusqu'où iriez-vous?
M. Lauwers: Si vous désirez abandonner un droit, dans ce cas vous pouvez le faire. Si vous ne voulez pas abandonner ce droit, alors vous ne devriez pas être obligés de l'abandonner. Voilà la distinction que l'on peut faire ici.
Le sénateur Rompkey: Ma question, avec tout le respect que je vous dois, portait sur le consentement. J'ai posé deux questions. La première traitait des droits, la seconde du consentement. Ma dernière question est la suivante: comment déterminez-vous le consentement? Voilà la question à laquelle je cherche une réponse.
M. Lauwers: Une réponse a été apportée à ces deux questions. Un des moyens de déterminer le consentement est d'organiser un référendum avec cette catégorie particulière de personnes. L'autre consiste à s'adresser au groupe dirigeant de cet organisme qui a le droit constitutionnel de parler.
Le sénateur Rompkey: Ce n'est pas ce que nous ont dit le ministre Rock et d'autres personnes qui ont fait mention d'un long processus sur la manière dont la consultation a eu lieu. Ils ont précisé que cela pourrait être fait par une commission royale, par des audiences de l'assemblée législative provinciale, par un vote devant cette assemblée législative, par un référendum et par un vote à la Chambre des communes.
À ce propos, laissez-moi vous dire que j'étais à la Chambre des communes au moment du débat sur cette question, même si je n'y étais pas lors du vote. Je peux vous dire que M. Duhamel, M. Mills et d'autres se sont certainement fait entendre. Des voix ont certes été entendues dans cette tribune.
Le sénateur Doody: Pour le compte rendu, je préciserais qu'il n'y a pas eu d'audiences provinciales. C'est l'assemblée législative provinciale qui a débattu de cette question.
Le sénateur Rompkey: Effectivement.
La présidente: Un bon nombre de questions qui sont actuellement posées feraient mieux de l'être à Terre-Neuve.
Le sénateur Rompkey: Sauf qu'elles ont été posées ici.
La présidente: Avec le plus grand respect que je vous dois, du point de vue du témoin, celui-ci a répondu à votre question. Vous pensez peut-être que...
Le sénateur Rompkey: Madame la présidente, je ne veux pas m'opposer à la présidence...
La présidente: C'est ce que vous faites.
Le sénateur Rompkey: Je veux souligner le fait que la préoccupation causée par cette question ne vient pas de Terre-Neuve. Elle vient de l'Ontario et peut-être d'autres parties du pays, mais certainement pas de Terre-Neuve.
La présidente: Je suis certaine que nous en entendrons parler à Terre-Neuve.
Le sénateur Prud'homme: C'est exactement pourquoi je voulais des audiences. Plus j'en entends parler et plus je me rends compte que la véritable question a été posée par le sénateur Rompkey quand il a demandé si une minorité peut imposer sa loi à une majorité.
Je vais renverser cette question pour illustrer ma préoccupation. Ainsi que je l'ai dit un peu plus tôt, la question est de savoir si une majorité, qui a perdu patience, peut «dicter» -- c'est-à-dire retirer -- les droits d'une minorité. Telle est ma préoccupation fondamentale. J'ai eu un aperçu de cette impatience bien exprimée par le sénateur Rompkey il y a quelques instants.
Il y en a qui disent que nous n'avons pas le droit de faire cela. Si nous n'avons pas le droit de faire ce que nous faisons aujourd'hui, je lancerai alors une campagne pour abolir le Sénat, parce que c'est exactement ce qu'est le Sénat.
Il s'agit de la promotion d'une culture moderne et laïque, favorisant une philosophie de l'enseignement où la religion ne constitue qu'un sujet, et désavantageant d'autres philosophies traditionnelles et patrimoniales. Il s'agit-là d'un débat fondamental.
Aujourd'hui est la date du 100e anniversaire de l'élection de sir Wilfrid Laurier. Nous savons ce qui s'est produit à cette époque. Certains sujets devaient être protégés. Ils ont dit «Ne vous inquiétez pas. La majorité prendra soin des droits de la minorité». Vous savez ce qui est arrivé aux droits des minorités au Manitoba à l'époque. Ils ont tout simplement disparu parce qu'ils étaient laissés à la merci ou au bon vouloir de la majorité.
[Français]
La majorité n'est jamais tellement patiente avec la minorité. La majorité est toujours prête à endurer la minorité en autant qu'elle ne dérange pas. C'est le Canada.
[Traduction]
C'est effectivement le Canada. C'est une fédération où tout le monde est différent. Certaines personnes disent qu'elle n'existe qu'à Terre-Neuve. Vous avez raison, sénateur Doody, en ce sens que ce genre de disposition n'existe que là-bas, mais le Canada est une série de dispositions spéciales. Le Canada est né d'une série de dispositions spéciales.
Nous voulons maintenant commencer à nous débarrasser de certaines dispositions, mais nous devons protéger les autres. Il y a une sorte de nouvelle modernité à parler d'intégration où nous devrions être un «je ne sais quoi», où le plus petit dénominateur devrait être le dénominateur commun pour tout le monde.
Je ne vais pas m'excuser de remplir mes fonctions de sénateur pour la population de Terre-Neuve pour laquelle j'ai le plus grand respect. Terre-Neuve et le Québec ont beaucoup de choses en commun. Écoutez-moi lors d'un débat et vous verrez que nous sommes tous deux passionnés.
Pourriez-vous nous faire part de vos observations? À propos de la religion -- j'ai lu «il ne faut pas s'inquiéter. Il y aura des cours d'enseignement religieux. Ce sera un sujet à l'étude» -- par rapport aux valeurs qui sont inhérentes au système éducatif dans son ensemble.
Mme Mosely-Williams: Nous ne croyons pas, et je ne le crois pas personnellement, qu'un système scolaire catholique sera d'une manière ou d'une autre une école catholique si vous dites «nous enseignerons un programme religieux de 9 h à 9 h 30». Une école qui enseigne des valeurs, qui appuie et favorise les valeurs que les parents essaient d'inculquer à la maison et qu'ils veulent enseigner à leurs enfants, doit être imprégnée de ces valeurs dans toutes ses disciplines.
Vous pouvez vous demander comment nous enseignons les mathématiques et en faisons un cours de religion; 2 et 2 feront toujours 4, et 1 plus 1 feront toujours 2. Toutefois, lorsque nous essayons d'enseigner ces sujets à des enfants, particulièrement à ceux et celles qui se spécialiseront dans un domaine particulier, ne pouvons-nous pas élargir notre enseignement pour inculquer non seulement une discipline particulière mais aussi quelque chose pour la vie même de l'enfant concerné, c'est-à-dire des valeurs dont il se servira dans une discipline ou une autre? En ce qui me concerne, ces valeurs représentent tout.
M. Lauwers: En écoutant le débat autour de cette table aujourd'hui et en me remémorant la discussion entre Egerton Ryerson et l'archevêque de Charbonnel dans les années 1840 et 1850 en Ontario, je me dis qu'un certain nombre de choses identiques ont été discutées. Une différence philosophique fondamentale fait l'objet d'un débat. Nous pensions que le débat était terminé, de toute évidence il ne l'est pas.
Le sénateur Prud'homme: Effectivement.
M. Lauwers: Si je peux répondre au sénateur Rompkey sur un point, je dirais qu'il a souligné plusieurs mécanismes de consultation. Le gros du problème vient du fait que lorsque vous donnez à la majorité un certain nombre d'occasions de prendre la parole, elle parlera à chaque fois. Le problème ne tourne pas autour de la possibilité de prendre la parole, bien que cela ait manqué au Parlement. Le problème vient du fait que la majorité veut retirer les droits de la minorité. Vous avez un certain nombre de délibérations, mais cela ne réglera pas pour autant le problème de base, à savoir que vous retirez le droit d'une minorité.
Le sénateur Beaudoin: J'ai peur d'un débat émotif. Ce sera malheureusement difficile de l'éviter.
J'ai été très intéressé par les observations du sénateur Rompkey. À un moment donné, sauf erreur de ma part, vous avez dit que tous les partis et tous les députés ont voté en faveur, mais en faveur de quoi?
Le sénateur Rompkey: De la résolution de la Chambre.
La présidente: J'ai demandé à notre greffière d'obtenir un exemplaire des deux résolutions adoptées par l'assemblée législative de Terre-Neuve afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur la question qui a fait l'objet du vote.
Le sénateur Beaudoin: Supposons qu'effectivement tout le monde a voté en faveur de cette résolution. Vous dites que vous rejetez cela. Pourquoi? N'est-ce pas là la base de la démocratie?
M. Lauwers: Je voudrais me pencher sur le contexte dans lequel le vote a eu lieu, ce que le premier ministre Tobin a dit, ce que les autres ont déclaré, et pourquoi ils voulaient que ce vote se déroule de cette façon. Cela serait très important pour moi.
Quoi qu'il en soit, la résolution originale a été adoptée par 31 voix contre 20 ce qui révèle qu'à ce moment-là, à la Chambre, l'appui à cette résolution était moins que total. Bien des choses se sont passées depuis, et je ne connais pas le contexte du nouveau vote.
Je peux dire uniquement que l'opposition à cette mesure à Terre-Neuve est aussi forte qu'elle ne l'a jamais été. Vous avez entendu M. Harrington, et vous en entendrez encore plus parler à Terre-Neuve. Que ce soit l'assemblée législative ou non qui ait décidé, pour des raisons qui lui sont propres, de s'attaquer à la minorité, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une attaque contre la minorité. Cela ne change pas la nature des choses.
Le sénateur Beaudoin: Dans la démocratie canadienne, nous sommes dirigés par un système majoritaire. Cela dit, tous les droits confessionnels, tous les droits des minorités au Canada sont protégés par la Constitution. Nous avons un pays très démocratique. Une assemblée nationale ne peut aller à l'encontre de la Constitution. Voilà pourquoi nous avons la Cour suprême et pourquoi certains statuts sont jugés invalides.
Le sénateur Gigantès: Quelle est votre question?
Le sénateur Beaudoin: J'en viendrai plus tard à ma question. Je vous la poserai à un certain moment.
Je pense que nous sommes principalement préoccupés, dans ce cas-ci, par la question des droits confessionnels. Oublions la Charte des droits et libertés. L'article 29 de cette charte est très précis. Il n'a aucune portée sur les droits confessionnels car les groupes catholiques et protestants sont dans une situation privilégiée. Tel a été le pacte de 1867, et tel a été celui conclu avec Terre-Neuve en 1949.
Je crois que vous avez déjà répondu à ma question. Vous avez dit que la protection des droits confessionnels est la question principale, et que tout le reste est secondaire. La protection des droits confessionnels n'est pas suffisante, selon vous, pour voter en faveur de cette résolution.
Vous nous dites donc que selon vous les droits dont ont joui les catholiques en tant que catégorie de personnes, sont diminués de façon inacceptable, n'est-ce pas là votre théorie?
M. Lauwers: C'est exact.
Le sénateur Beaudoin: Vous dites que leurs droits sont diminués; dans une certaine mesure, ils perdent le droit d'administrer les écoles.
M. Lauwers: Vous en entendrez davantage parler à Terre-Neuve. Les deux problèmes fondamentaux dont nous avons entendu parler aujourd'hui concernent d'abord l'incapacité d'assurer la présence d'écoles catholiques lorsque le nombre le justifie et, deuxièmement, l'incapacité de diriger les programmes d'études dans ces écoles. Je suis certain qu'il y a d'autres questions secondaires, mais telles sont là les plus importantes.
Le sénateur Beaudoin: Vous nous dites donc que la protection accordée par cette modification n'est pas suffisamment bonne pour la catégorie de personnes catholiques. C'est là votre thèse, et elle n'est pas ambiguë.
M. Lauwers: En effet.
La présidente: Merci, madame Mosely-Williams et monsieur Lauwers.
Nous allons maintenant entendre l'Ontario Separate School Trustees's Association.
M. Patrick Daly, président, Ontario Separate School Trustees' Association: Madame, la présidente, l'Ontario Separate School Trustees Association est une association de commissaires d'écoles catholiques représentant 53 commissions scolaires catholiques en Ontario. À elles toutes, ces commissions assurent l'éducation de plus de 600 000 élèves.
Bien que je sois devant vous aujourd'hui en qualité de président de l'Ontario Separate School Trustees Association, je tiens à préciser que je suis moi-même parent d'enfants qui fréquentent des écoles catholiques en Ontario. Je pense donc qu'à ce double titre, et ma femme aussi d'ailleurs, nos droits en matière d'éducation, garantis en vertu de la Constitution du Canada, ont été compromis par la décision de la Chambre des communes de modifier l'article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada. Nos droits d'éduquer nos enfants dans une école qui appuie et renforce les valeurs et croyances de notre famille sont dorénavant moins certains.
Bien que je sois parfaitement conscient de l'engagement actuel du gouvernement de l'Ontario afin de maintenir les droits constitutionnels des parents catholiques, je n'en suis pas moins convaincu que cela a dorénavant créé un climat politique et social qui peut beaucoup trop facilement soumettre les droits des minorités, protégés par la Constitution, qu'il s'agisse des droits en matière d'éducation, des Autochtones ou des francophones, au bon vouloir d'un vote majoritaire. C'est justement parce ce droit des parents et de la communauté catholique est menacé -- non pas seulement à Terre-Neuve et au Labrador, mais aussi en Ontario et partout au Canada -- que nous sommes ici aujourd'hui pour représenter les conseils scolaires catholiques en Ontario, et parler des questions pertinentes à la modification à l'article 17.
J'ajouterais que les personnes qui favorisent un système scolaire unique dans d'autres provinces et qui prétendent, à tort, qu'une plus grande éducation est meilleure et moins coûteuse, se réjouiront de cette initiative ou bien de toutes autres qui menacent les droits des minorités en matière d'éducation. Il y a toujours eu des voix qui ont cherché la dissolution des écoles séparées en Ontario, et il y en a encore aujourd'hui.
Je vais laisser mes collègues de l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques aborder les répercussions juridiques et constitutionnelles en la matière, mais que ce texte de droit crée ou non des précédents juridiques, il est évident qu'il y a des conséquences politiques et sociales. Celles-ci concernent le climat politique et social du Canada, non pas seulement en ce qui a trait aux droits des minorités en matière d'éducation, mais aussi en ce qui touche les droits des minorités de toutes catégories de personnes qui sont protégées par la Constitution du Canada.
En fait, les parents de Terre-Neuve et du Labrador perdront, en grande partie, le droit d'éduquer leurs enfants dans des écoles catholiques. Ce droit leur sera enlevé non pas parce qu'ils l'ont accepté mais tout simplement parce qu'une majorité de leurs compatriotes a voté pour le leur retirer, à la suggestion de leur gouvernement provincial.
Notre association de commissaires d'écoles catholiques de l'Ontario et moi-même, en tant que parent catholique en Ontario, pensons qu'à l'issue de ce qui pourrait se produire à Terre-Neuve et au Labrador, la diminution de nos droits est menacée. Tel est mon premier point.
Mon deuxième point est le suivant: malgré des déclarations à l'effet contraire de la part de personnes qui proposent et appuient cette modification, les écoles confessionnelles sont dorénavant en danger dans la province de Terre-Neuve et du Labrador.
Le nouvel article 17 n'offre aucune protection constitutionnelle pour la future existence d'écoles catholiques viables, du fait que le critère de leur existence même serait l'objet d'une loi provinciale. Les propositions visant à changer le système scolaire, telles qu'elles ont été avancées à ce jour par le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, laissent présager la disparition des écoles catholiques. Nous prévoyons l'élimination des écoles catholiques et la création d'écoles non confessionnelles qui offriront des cours d'éducation religieuse sur une base laïque.
Laissez-moi vous dire ceci de la façon la plus claire possible: les écoles catholiques ne sont pas des écoles publiques où une période d'éducation religieuse sera enseignée chaque jour. Personne ne définirait une école catholique de la sorte. Ce sont selon nous des communautés de foi où le milieu de l'enseignement est distinct du fait des programmes d'études particuliers, des diverses périodes de prières, de la liturgie et des symboles et autres communions qui sont intégrés à l'année scolaire. En fait, dans les établissements scolaires catholiques, tous les sujets et disciplines sont pris en considération en fonction d'un cadre moral et éthique commun pour l'interprétation de la vie humaine. Ce sont des écoles qui reconnaissent la présence de Jésus-Christ en tant que dimension intégrante du milieu de l'enseignement. Il se pourrait bien que ces écoles catholiques ne puissent plus exister dans la province de Terre-Neuve et du Labrador.
Les honorables membres du Sénat sont conscients du fait que les droits en matière d'éducation confessionnelle, garantie par la Constitution, étaient des droits essentiels dans la négociation de la Confédération en 1867 lorsque le Canada est devenu une nation. On peut dire la même chose de l'entente conclue à l'époque de l'entrée de Terre-Neuve et du Labrador au sein du Canada en 1949. Rejeter ces ententes et accords lors d'un débat rapide et sans aucune audience, comme cela s'est produit à la Chambre des communes, revient à déshonorer à la fois notre histoire et nos engagements envers nous autres en tant que Canadiens et Canadiennes.
Je voudrais conclure en rappelant aux membres du comité sénatorial que quelles que soient les approches que vous envisagez en ce qui a trait à la résolution de modification de la Constitution, il n'en reste pas moins un défaut simple mais tenace qui retire les droits des minorités, lesquels sont garantis par la Constitution, selon le bon vouloir de la majorité. Et pourtant, c'est précisément pour éviter une telle situation que les droits des minorités en matière d'éducation et autres, sont protégés par la Constitution. Les répercussions politiques et sociales de cette décision du gouvernement fédéral ne sont pas encore connues. Il n'en demeure pas moins toutefois que chaque minorité ayant des droits protégés par la Constitution craint que l'objectif et les effets de ces garanties aient été profondément dilués.
Nous avons la ferme conviction que la Chambre des communes a échoué dans l'une de ses principales responsabilités qui consiste à maintenir et à défendre la Constitution du Canada dans sa protection des minorités. En guise de solidarité avec nos confrères et consoeurs de Terre-Neuve et du Labrador, et avec toutes les personnes qui détiennent des droits de minorité en matière d'éducation au Canada, nous sommes ici ce matin pour demander respectueusement aux membres du Sénat de corriger cet échec de la part de la Chambre des communes. Nous demandons et espérons que les mesures que vous prendrez garantiront que ce genre de procédures de la Chambre des communes ne sera jamais plus utilisé pour diminuer les droits de minorités. Nous sommes d'avis que la meilleure manière d'envoyer un tel message à la Chambre des communes est de rejeter la résolution.
Nous avons détaillé nos points de vue sur la modification de l'article 17 dans le mémoire que vous avez devant vous. Je vous invite à le consulter à votre loisir. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
La présidente: Je suis certaine que les honorables témoins devant nous connaissent les limites de ce que peut faire le Sénat relativement à cette résolution particulière, mais je ne suis pas certaine que tout le monde ici même le comprend. Il est important que toutes les personnes qui prennent part à ces audiences comprennent qu'en vertu de la Constitution de 1982, le Sénat a trois possibilités: adopter la résolution et la renvoyer à la Chambre des communes; modifier la résolution et la renvoyer à la Chambre des communes; ou rejeter la résolution et la renvoyer à la Chambre des communes.
Cependant, si six mois après réception de la résolution originale, la Chambre des communes ne donne pas suite aux désirs du Sénat, elle peut de nouveau adopter cette résolution, dans sa version originale ou bien modifiée, après quoi le Sénat n'a plus aucun pouvoir. On parle dans ce cas du veto suspensif de six mois du Sénat.
Il est très important, particulièrement en ce qui concerne les personnes qui peuvent regarder les audiences à la télévision, de comprendre que, contrairement à la plupart des textes de loi que le Sénat peut rejeter s'il le désire, en quel cas ce rejet a force de loi, dans le cas en l'espèce le Sénat n'a pas ce pouvoir.
Le sénateur Prud'homme: Madame la présidente, à ce moment-ci je voudrais bien préciser que si cette résolution retourne à la Chambre, qu'elle soit modifiée ou rejetée, la Chambre doit avoir un débat. Elle ne peut tout simplement attendre que le délai de six mois arrive à expiration. Je tiens à ce que cela soit bien précisé dans le compte rendu. Elle doit prendre des mesures sur notre décision. Elle ne peut se contenter d'attendre l'expiration du délai de six mois en question.
La présidente: La Chambre doit en effet présenter de nouveau la résolution et voter sur son adoption.
Le sénateur Beaudoin: Elle l'a déjà fait par le passé.
Le sénateur Prud'homme: Il est bon de permettre aux gens de se préparer en conséquence.
Le sénateur Rompkey: On a avancé l'argument selon lequel l'éducation catholique n'est pas simplement l'enseignement d'un cours de 9 h à 9 h 40, ou bien de toute autre durée. J'accepte ce point. On a aussi avancé l'argument selon lequel c'est l'ambiance qui est importante, ce que j'accepte.
Toutefois, j'aimerais procéder à la lecture de l'alinéa c) du nouvel article 17, qui fait référence à la législation provinciale qui est uniformément applicable à toutes les écoles, et qui précise les conditions de création, de maintien et de fonctionnement d'écoles essentiellement confessionnelles:
c) toute catégorie de personnes... conserve le droit d'assurer l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école ainsi que d'y régir les activités académiques touchant aux croyances religieuses, la politique d'admission des étudiants et l'affectation et le congédiement des professeurs;
J'aimerais que vous fassiez des observations sur cet alinéa et que vous indiquiez de quelle manière, selon vous, il aura des répercussions sur le climat des écoles catholiques. Vous avez fait allusion au fait qu'il s'agit davantage que d'un simple enseignement religieux, puisqu'il est aussi question de liturgie, etc. Toutefois, la liturgie pourrait être abordée sous les activités religieuses et la pratique de la religion. Autrement dit, ce ne sont pas les aspects de l'enseignement du programme d'études qui seraient concernés mais plutôt les activités religieuses et la pratique de la religion. Pourriez-vous nous faire part de vos observations.
M. Lauwers: Il n'y a pas de problème concernant l'alinéa c) de la résolution à l'exception de la nécessité d'y ajouter un mot ou deux. Il faudrait ainsi ajouter avant «d'y régir» les mots «de déterminer et», ce qui permettrait à la catégorie de personnes de continuer d'élaborer des programmes d'études pour les écoles.
Précisons que la province a les pouvoirs de spécifier les programmes d'études dans la province, et qu'elle a toujours eu ce pouvoir. La catégorie de personnes veut simplement être en mesure d'adapter ce programme d'études dans les écoles catholiques. Cet alinéa le leur permettrait. La difficulté de l'alinéa c) vient du fait qu'il est assujetti à l'alinéa b), et que ce dernier ne comporte pas de dispositions du genre «lorsque le nombre le justifie».
Tel est le défaut fondamental de cette résolution, à savoir que les mots «lorsque le nombre le justifie» ont été omis de l'alinéa b). Nous craignons que les critères soient arrêtés de façon déraisonnable sans aucune possibilité de recours devant les tribunaux. Du fait que les mots «lorsque le nombre le justifie» sont absents, nous perdrons les écoles catholiques. Parallèlement à ce qui s'est passé à l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, les écoles cesseront tout simplement d'exister sur une certaine période si elles sont interconfessionnelles.
Le sénateur Rompkey: Mais il y a des recours devant les tribunaux, n'est-ce pas? Si quelqu'un est lésé par ce qui se trouve dans cet article de la Constitution, cette personne a des recours devant les tribunaux.
M. Lauwers: C'est exact, elle a des recours devant les tribunaux, mais la question est de savoir s'il existe des critères raisonnablement objectifs qu'un tribunal peut utiliser pour décider si une certaine ligne a été franchie. Dans sa version actuelle, l'alinéa b) exige uniquement que la loi soit uniformément applicable. Il n'y a pas le critère objectif «lorsque le nombre le justifie».
L'article 23 de la Charte concernant les droits linguistiques des francophones comporte, par exemple, une référence à «lorsque le nombre le justifie» qui permet aux tribunaux d'avoir une certaine forme de critère objectif pour décider s'il y a suffisamment d'enfants pour justifier une école. Voilà ce qui manque dans l'article 17.
Le sénateur Rompkey: Le mémoire de l'association des commissaires précise, bien que les circonstances des écoles confessionnelles de Terre-Neuve ne soient pas comparables à la situation des écoles séparées en Ontario, que les opposants aux écoles catholiques de l'Ontario utiliseront sans coup férir l'intervention du gouvernement fédéral pour se justifier.
Nous avons entendu le ministre de la Justice et d'autres avocats spécialistes de la Constitution, selon lesquels les précédents exigent des faits semblables et (ou) des principes similaires, sinon identiques. Qu'avez-vous à dire là dessus?
M. Daly: Dans notre mémoire, de même que dans nos observations, nous faisons allusion aux précédents politiques et sociaux qu'entraîne cette résolution. C'est là que réside notre plus grande préoccupation, ce qui explique notre présence ici, aujourd'hui, pour appuyer non pas seulement les personnes concernées à Terre-Neuve et au Labrador mais aussi celles de l'Ontario et du reste du Canada. J'invite Me Lauwers à parler des précédents qui ont peut-être été établis.
M. Lauwers: Un peu plus tôt dans ma présentation j'ai parlé de la nature des précédents qui seraient établis ici sur les plans juridique et politique.
La notion de précédent sert d'emplâtre au discours politique moderne. Elle repose sur l'idée de l'égalité qui est encore plus fondamentale. Autrement dit, si vous l'avez fait pour lui, vous devez aussi le faire pour moi; ou encore, si vous l'avez fait pour moi, vous ne l'avez pas fait pour lui. Voilà le genre de plainte que l'on entend toujours en législation fondamentale. C'est là la raison pour laquelle les gens se battent dans de nombreux cas.
Le précédent juridictionnel est, en quelque sorte, le point d'ancrage de tout processus rationnel. Voilà pourquoi notre système de common law est ce qu'il est, un cas après l'autre. Les mêmes faits n'ont pas besoin d'exister pour créer un précédent. La loi fonctionne par analogie, non pas par étapes exactes. C'est pourquoi il faut faire attention à créer des précédents et également refuser de les suivre. Un précédent constitue une force puissante, et c'est cette force que vous allez, selon nous, lâcher par l'intermédiaire de cette modification particulière.
Le sénateur Rompkey: On peut se demander, je suppose, une fois que l'on admet que la population de Terre-Neuve s'est prononcée en faveur de ces changements, si elle peut apporter ce changement en vertu de l'article 43 du fait des répercussions que cela aura partout au pays. Si cela s'avérait vrai, dans ce cas Terre-Neuve serait un otage au sein de la Confédération.
À propos de l'argument juridique, les avocats ont des opinions à prononcer. Ils sont d'ailleurs payés pour avoir des opinions. Je comprends cela et je le respecte.
M. Lauwers: En effet, et certains d'entre eux ont des opinions sincères.
Le sénateur Rompkey: Certains ont effectivement des opinions sincères.
La présidente: En effet, tout comme certains politiciens.
Le sénateur Rompkey: Nous allons entendre Ian Binnie qui a une opinion contraire. Selon lui, l'exercice par Terre-Neuve et le Canada de leur pouvoir respectif et en vertu de l'article 43 de ce cas particulier, ne modifierait en rien la portée des droits des minorités d'autres provinces, ni créerait un risque juridique pour le droit des minorités, ce qui n'est pas évident depuis l'adoption des diverses formules d'amendement en 1982.
Je tiens à ce que ceci soit inscrit sur le compte rendu pour démontrer qu'il y a ici des opinions contraires. Nous avons entendu des témoignages des deux côtés. Je respecte votre témoignage et votre point de vue, mais pour bien préciser les choses en ce qui nous concerne, nous devrions nous pencher sur tous les points de vue que nous avons entendus et que nous allons entendre.
M. Lauwers: En fait, j'ai envoyé à Ian Binnie mes opinions, à sa demande, mais il ne m'a pas fait parvenir la sienne. Pourriez-vous m'en remettre un exemplaire?
La présidente: Si vous ne l'avez pas obtenue du sénateur Rompkey, nous allons faire en sorte que vous l'obteniez du comité lorsque M. Binnie se présentera devant nous.
Le sénateur Beaudoin: Si cette résolution est adoptée -- je n'ai aucun doute qu'elle pourrait être adoptée sur le plan juridique en vertu de l'article 43 et qu'aucun juriste ne s'y opposerait -- que perdrez-vous sur le plan des droits confessionnels?
Le sénateur Prud'homme: Cette résolution peut encore être rejetée à la Chambre des communes.
Le sénateur Beaudoin: Ne mélangeons pas les choses. Il s'agit là d'autre chose.
Ma question est claire. Vous dites que vous perdez des droits. Je vois que vous perdez certains droits administratifs, mais j'aimerais savoir, de façon précise, quels droits vous perdez.
M. Lauwers: À l'heure actuelle à Terre-Neuve, les catholiques ont le droit de créer et d'exploiter leurs propres écoles. En vertu de cet article, le droit d'exploiter leurs propres écoles est assujetti à la législation provinciale qui est uniformément applicable à toutes les écoles. La difficulté vient du fait que ce droit n'est plus absolu.
La population de Terre-Neuve, comme vous allez l'entendre -- et M. Harrington n'a pas eu la possibilité de le dire -- est prête à accepter le concept des écoles «lorsque le nombre le justifie».
Le sénateur Beaudoin: Vous voulez dire les écoles publiques?
M. Lauwers: Les écoles catholiques, lorsque le nombre le justifie.
Le sénateur Beaudoin: Vous êtes prêts à accepter cela?
M. Lauwers: C'est exact.
Le problème vient du fait que cette expression ne figure pas dans le texte. Vous passez d'un droit absolu à un droit qui est complètement assujetti au bon vouloir de la législation provinciale.
Le sénateur Beaudoin: En effet, uniquement de la législation provinciale.
M. Lauwers: C'est exact. Vous devriez comprendre que les bons droits qui figurent à l'alinéa c) de la résolution -- qui sont, comme je l'ai indiqué au sénateur Rompkey, acceptables à l'exception de l'ajout des mots «de déterminer» -- ne sont là que pour les écoles uniconfessionnelles. Si vous n'avez pas d'écoles uniconfessionnelles, vous n'avez pas les autres choses non plus. Voilà où réside le problème.
Le sénateur Beaudoin: Je tiens à vous remercier de cette explication.
M. Daly: Notre plus grande préoccupation vient du fait que ces droits sont maintenant assujettis à la législation provinciale. Il y a de grandes forces en Ontario et dans d'autres parties du pays qui ont emboîté le pas et qui mettent de l'avant cette opposition dans d'autres régions du pays. C'est exactement la peur des précédents dont nous parlons.
Le sénateur Beaudoin: Je tiens à insister là-dessus, car, sauf erreur de ma part, cinq provinces au Canada ont des droits confessionnels et cinq n'en ont pas. Les deux territoires possèdent ce droit. En vertu des pactes de 1867 et de 1949, les droits confessionnels sont protégés. Bien entendu, cela peut être modifié, sur le plan juridique. Cela peut être effectivement changé selon la formule de l'amendement, c'est aussi simple que cela.
Nous avons ici le droit d'avoir des écoles confessionnelles, mais vous nous dites que ce n'est pas suffisant parce que vous perdez beaucoup trop de droits.
M. Lauwers: Nous perdons la certitude d'être capable d'avoir des écoles catholiques.
Le sénateur Beaudoin: Comme vous les voulez.
M. Lauwers: La certitude de les avoir toutes. Nous avons maintenant la certitude de pouvoir avoir ces écoles là où nous les voulons. La province a dit qu'elle nous autorisera à continuer d'avoir ces écoles lorsque le nombre le justifie. Les mots «lorsque le nombre le justifie» ne figurent pas dans la résolution. Ainsi, nous passons d'une situation de certitude à une situation d'incertitude totale où des critères sont laissés au bon vouloir du gouvernement provincial et où, selon moi, nous n'avons pas de recours efficace. Voilà le problème.
Le sénateur Milne: Monsieur Daly, le sénateur Rompkey a cité le dernier paragraphe du point 1 «Backgrounder» du mémoire de l'Ontario English Catholic Teachers' Association. Je crois que cela décrit l'essentiel de votre argument et de votre principale occupation aujourd'hui:
Bien que la situation des écoles confessionnelles de Terre-Neuve ne se compare pas à celle des écoles séparées en Ontario...
Votre véritable occupation concerne la situation des écoles séparées en Ontario et le rôle que jouent, selon vous, des adversaires pour se débarrasser du système des écoles séparées là-bas?
Pensez-vous vraiment que la province de l'Ontario essaiera de se débarrasser du système des écoles séparées alors qu'elle a élargi ces droits à la fin de la 13e année, et que les chiffres du recensement révèlent maintenant, si je ne me trompe, que le catholicisme est la religion de la majorité en Ontario?
M. Daly: Je ne pense pas que la dernière partie de votre observation est exacte, monsieur le sénateur, et par ailleurs ce mémoire n'a pas été préparé par nous.
Le sénateur Milne: Il comporte votre nom sur la couverture.
M. Daly: Il s'agit du mémoire du groupe suivant, celui de l'Ontario English Catholic Teachers' Association. Je peux toutefois répondre à votre question.
Nous sommes ici pour deux raisons bien précises. Tout d'abord, et c'est ce qui est le plus important, nous sommes ici pour appuyer les droits constitutionnels des catholiques et d'autres confessions à Terre-Neuve et au Labrador. La deuxième raison concerne notre crainte du précédent politique et social dans d'autres provinces, y compris en Ontario.
Quant à savoir si je pense que le gouvernement de l'Ontario prendrait une mesure semblable, ce que je pense n'est pas important, bien que personnellement je ne le pense pas. Toutefois, les forces qui exercent des pressions sur ce gouvernement, ou sur d'autres, peuvent le pousser à envisager la question. Voilà notre plus grande crainte.
Il y a des groupes et organisations puissants en Ontario qui, depuis de nombreuses années, mettent en avant le concept d'un système financé sur les fonds publics dans cette province. Ils ont dépensé beaucoup d'argent pour promouvoir ce système, et continuent d'exercer des pressions sur le gouvernement. Nous n'avons pas de crainte en ce qui concerne spécifiquement ce gouvernement, mais nous craignons qu'il y ait maintenant un précédent pour les futurs gouvernements.
Le sénateur Forest: Vous avez parlé des droits confessionnels des catholiques en vertu de la Constitution. Nous savons tous que certaines confessions n'ont pas ces droits. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Daly: Il s'agit là d'une question importante, particulièrement en ce qui concerne l'Ontario. Notre association a toujours appuyé le droit des autres confessions et groupes religieux à recevoir des fonds publics pour que les valeurs qui sont prêchées au domicile soient prises en compte dans les écoles. Dans un mémoire que nous avons présenté à la commission Shapiro en 1985, nous favorisons un financement juste et équitable pour ces groupes. Par ailleurs, la Conférence des évêques catholiques de l'Ontario a appuyé cette position dans au moins une lettre pastorale si ce n'est davantage. Nous appuyons un financement équitable pour tous ces groupes, partout dans la province.
Le sénateur Gigantès: Comment définissez-vous l'expression «lorsque le nombre le justifie»? Que signifie-t-elle en point de pourcentage?
M. Lauwers: L'expression «lorsque le nombre le justifie» est une norme souple mais objective qui est utilisée à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés pour décider où des écoles de langue française seront situées. Cela comprend, par exemple, le nombre de partisans et la taille normale des écoles. Je ne peux vous dire exactement pour le moment quels sont tous les facteurs dont il serait tenu compte dans une plainte réelle. Cela dépend plus ou moins de la structure administrative et de la taille des bâtiments qui existent actuellement dans la province, et dont je ne connais rien.
L'essentiel est que cette expression crée un critère objectif particulier qu'un tribunal peut consulter pour faire son évaluation. Dans l'affaire Mahé, concernant l'éducation en langue française, le tribunal a évalué une quinzaine de 15 facteurs pour décider si «le nombre est suffisant». Cette évaluation a été objective et le tribunal était prêt à imposer un nombre lorsque le gouvernement n'était pas prêt à le faire.
D'une certaine manière, cela créait un repère d'après lequel on pourrait tester le gouvernement. Si la législation précise qu'il ne peut y avoir une école élémentaire catholique que lorsqu'il y a 1 500 élèves dans la région immédiate -- et il n'y a aucune région de Terre-Neuve où il y a 1 500 élèves, puisque la plupart des écoles n'en ont que 250 -- le tribunal déciderait que ce critère relativement au nombre suffisant n'est pas raisonnable dans les circonstances, et il serait annulé du fait qu'il n'aurait rien à voir avec le reste du système. Telle est la nature de ces mots.
Je ne peux vous donner une définition absolue car il s'agit d'un terme souple. Il doit être souple en raison de la façon dont les tribunaux l'administreraient. Cela a marché pour la législation relative à la langue française et nous pensons que cela marchera pour l'éducation confessionnelle à Terre-Neuve.
La présidente: Merci, messieurs, de vous être présentés devant nous.
Notre témoin suivant est l'Ontario English Catholic Teachers' Association.
M. Jim Smith, vice-président, Ontario English Catholic Teachers' Association: Honorables sénateurs, je vous remercie de la possibilité que vous nous avez donnée de nous présenter devant vous. Après ma brève déclaration, M. Cavalluzzo, notre conseiller juridique en chef, vous donnera un aperçu intéressant de l'aspect constitutionnel de cette modification.
L'Ontario English Catholic Teachers' Association, connu sous le sigle OECTA, représente quelque 34 000 femmes et hommes qui ont choisi une carrière d'enseignant et d'enseignante dans les écoles séparées de l'Ontario. Ces enseignements se trouvent, au niveau élémentaire, depuis la prématernelle jusqu'à la 8e année et, au niveau secondaire, de la 9e année au CPO en passant par la 12e année, dans le système d'éducation financé sur les fonds publics.
En tant qu'éducateurs dans des écoles confessionnelles, les membres de l'OECTA se présentent devant vous en qualité de représentants spéciaux des élèves. L'OECTA adopte la description suivante de l'éducation catholique et du rôle des enseignants, qui a été précisée par le juge McIntyre dans l'affaire Caldwell c. the Catholic Public Schools of Vancouver Archdiocese, dans laquelle on peut lire:
[...] Les écoles catholiques sont très différentes des autres écoles principalement en raison de la doctrine sur laquelle elles ont été créées. Il s'agit d'un principal fondamental de l'Église selon lequel le Christ a fondé l'Église pour continuer Son travail de salut. L'Église utilise divers moyens pour mener à bien son objectif, dont un consiste à créer ses propres écoles qui ont pour objet de former la personne, y compris de lui donner une éducation dans la foi catholique. La relation entre l'enseignant et l'élève permet à l'enseignant de former l'esprit et les attitudes de l'élève, et l'Église dépend non pas tant de la forme habituelle d'enseignement scolaire mais plutôt des enseignants qui, comparativement au Christ, sont tenus de révéler le message du Christ dans leur travail ainsi que dans tous les aspects de leur comportement. L'enseignant doit être un exemple conforme aux enseignements de l'Église, et doit exprimer la philosophie catholique par sa conduite à l'intérieur comme à l'extérieur de l'école. Le rôle de l'école et sa nature sont décrits en ces mots à l'alinéa 22 e) de l'affaire en question:
L'école catholique est une communauté véritable décidée à donner, en sus d'un enseignement scolaire, toute l'aide qu'elle peut à ses membres pour qu'ils adoptent une façon de vivre chrétienne.
Ces valeurs ont été exprimées avec éloquence par le juge en chef Anglin dans l'affaire Tiny en 1927:
L'idée que l'école confessionnelle doit être différenciée de l'école commune purement par le caractère de son enseignement religieux ou des élèves religieux, est erronée. Les écoles communes et séparées reposent sur des conceptions fondamentalement différentes de l'éducation. Les écoles non confessionnelles reposent sur le principe selon lequel la séparation de l'enseignement laïc de l'enseignement religieux est avantageuse. Les partisans des écoles confessionnelles quant à eux maintiennent que l'enseignement et l'influence religieux devraient toujours aller de pair avec l'enseignement laïc.
Nous tenons à bien préciser dès le début que nous nous présentons devant le comité permanent du Sénat pour encourager fortement le Sénat à protéger les garanties constitutionnelles dans cette affaire. De toute évidence, l'éducation est une affaire provinciale. L'OECTA ne saurait songer à dire à la province de Terre-Neuve comment elle doit exploiter son système d'éducation ou encore comment faire des réformes pour apporter des changements. En tant qu'éducateurs, nous appuyons toute réforme qui débouchera sur un meilleur système d'éducation et de meilleures ressources en la matière pour tous les élèves et étudiants. Cependant, la réforme de l'éducation provinciale ne nécessite pas de modification de la Constitution par le gouvernement fédéral.
L'OECTA est consciente du fait que les parties prenantes concernées par le système d'éducation de Terre-Neuve en sont arrivées à des ententes sur les domaines de la réforme qui sont nécessaires pour économiser de l'argent et offrir de bonnes écoles aux élèves. Par conséquent, l'OECTA est d'avis que des réformes permanentes peuvent être apportées, s'il y a lieu, par l'intermédiaire de discussions et de négociations entre les parties prenantes. L'OECTA ne peut appuyer le recours à une modification de la Constitution dont les résultats peuvent entraîner une diminution de tous les droits des minorités pour procéder à une réforme de l'éducation. Même les experts de la Constitution ne peuvent prédire les répercussions de ce changement qui peut mettre en danger tous les droits des minorités.
L'OECTA n'ignore pas non plus que la Constitution garantit les droits des minorités et que les droits des écoles séparées en Ontario sont enchâssés dans la Constitution.
L'OECTA sait très bien aussi que c'est au Sénat qu'incombe la responsabilité de protéger les garanties constitutionnelles. L'association craint des répercussions possibles du précédent ainsi établi en faisant un lien direct entre les réformes de l'éducation provinciale et une modification de la Constitution qui pourrait avoir des répercussions nationales. L'OECTA vous prie instamment de ne pas laisser une telle chose se produire, de ne pas risquer un tel précédent ni ses répercussions.
Des réformes efficaces du système d'éducation peuvent se produire, et se produiront, sans modifier pour autant la Constitution. Nous vous invitons à protéger les droits de toutes les minorités en ne laissant adoptée cette modification.
M. Paul Cavalluzzo, avocat, Ontario English Catholic Teachers' Association: Madame la présidente, nous vous avons remis un mémoire que vous trouverez dans le document à la reliure verte. Plutôt que de passer en revue ce mémoire, dans lequel il y a une opinion constitutionnelle, j'ai pensé qu'il serait plus utile de vous faire part de mes observations sur le témoignage de mon ami le ministre de la Justice, vendredi dernier, ici même devant ce comité. M. Rock a avancé un certain nombre de points que vous devriez examiner. J'espère que ce sont là des points sur lesquels je peux avancer une réponse.
Il y a donc cinq points en question. Le premier concerne la nature de l'éducation confessionnelle. Lors de son témoignage, M. Rock a précisé que l'une des raisons principales pour lesquelles le gouvernement fédéral a approuvé la résolution provinciale est que Terre-Neuve continuerait d'avoir une éducation confessionnelle et des écoles confessionnelles. Il a précisé ce point à plusieurs reprises.
Le ministre a avancé cette conclusion d'après le libellé de l'alinéa a) de l'article 17 qui prévoit qu'il y aura des écoles confessionnelles et que toute catégorie de personnes conserve le droit d'assurer l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école.
Selon moi, la conclusion du ministre, bien qu'elle soit conforme au libellé de l'alinéa a), révèle une profonde méconnaissance de la nature de l'éducation confessionnelle dans ce pays. L'éducation confessionnelle va au-delà du simple enseignement de la religion ou de l'exercice d'activités religieuses ou encore de la pratique de la religion. À l'appui de cette observation, je me fie sur la déclaration du juge en chef Anglin, dont M. Smith a fait lecture, et que je ne répéterai pas. Le juge en chef avait fait cette observation en 1927. Elle a été récemment acceptée, vers le milieu des 1980, par la Cour suprême du Canada.
Le deuxième point dont je voudrais parler est celui de l'administration scolaire. Dans son témoignage, le ministre indique que l'article 17 tel qu'il est proposé ne toucherait que le pouvoir et l'autorité sur les écoles. Il a déclaré que le seul changement concernera la façon dont les écoles sont gérées et dirigées. Il a aussi indiqué que ces écoles resteront confessionnelles même si la façon dont elles sont dirigées changera.
Si vous me le permettez, je dirais que le droit de gérer les écoles réside au coeur même de la garantie qui est enchâssée dans la Constitution. À plusieurs reprises, nos tribunaux ont été très précis à cet égard. Il est, selon nous, trompeur, pour ne pas dire plus, de laisser entendre que cette résolution n'est qu'un simple changement à la façon dont les écoles sont dirigées. Dans notre mémoire, ce changement modifie profondément la nature des écoles ainsi que celle de l'éducation qui sera donnée dans ces écoles.
Le troisième point sur lequel nous aimerions répondre est ce que le ministre a appelé les répercussions externes. Il s'agit, selon lui, de l'un des critères que le gouvernement fédéral a examinés lors de l'adoption de la résolution.
Je reconnais que la situation qui prévaut à Terre-Neuve est unique en son genre, aussi il pourrait y avoir certaines suggestions selon lesquelles aucun précédent juridique n'existe pour les futurs gouvernements. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que les droits confessionnels au Canada ont été traités de la même façon du point de vue du principe juridique, même si la portée de ces droits peut varier d'une province à l'autre.
Par exemple, à propos de l'interprétation de l'article 17, les tribunaux de Terre-Neuve se sont constamment fiés à la jurisprudence en vertu de l'article 93 qui, bien entendu, est applicable dans d'autres provinces.
En outre, la protection des droits confessionnels à l'article 29 de la Charte des droits et libertés a été obtenue grâce aux éducateurs de Terre-Neuve, ce qui est plutôt ironique. Nous avons fait circuler le hansard pour les débats du comité sur la Charte des droits, et vous l'avez peut-être devant vous. Vous y verrez qu'à l'origine l'article 29 avait été avancé uniquement en tant que protection des droits confessionnels à Terre-Neuve. L'actuel libellé de l'article 29, qui élargit la portée de cette garantie à travers le pays, a été présenté par M. Tobin. En 1982, l'actuel premier ministre de cette province, présentait devant le comité du Sénat et de la Chambre des communes l'article 29 pour que la protection des droits confessionnels s'applique à l'ensemble du pays et non pas simplement à Terre-Neuve.
Nous proposons, avec tout le respect que nous vous devons, que les droits à l'éducation confessionnelle au Canada soient semblables du point de vue du principe. Il est, selon nous, imprudent de penser que les procédures adoptées à Terre-Neuve pour se débarrasser de ces droits n'auront aucune influence sur ce qui se passera à l'avenir. Un précédent politique sera établi par cette proposition et, comme cela a déjà été dit, tous les droits confessionnels au Canada sont en danger.
Le quatrième point concerne le référendum lui-même. Un des facteurs sur lequel le ministre s'est fié pour conclure que le processus était juste et démocratique, est le référendum qui a eu lieu en septembre 1995. Bien que ce référendum ne soit pas une précondition juridique à la résolution provinciale en vertu de l'article 43 de la Loi constitutionnelle, le ministre s'en est servi «comme facteur pertinent». Nous prétendons une fois de plus que cette confiance est mal placée et qu'il s'agit d'un sérieux manque d'appréciation des droits des minorités.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'une démocratie représentative n'a pas pour tradition d'avoir recours aux référendums pour résoudre de sérieuses questions politiques, bien que cela devienne plus fréquent. Cependant, il ne faudra jamais avoir recours aux référendums pour se débarrasser des droits des minorités. L'utilisation d'un référendum pour se débarrasser des droits des minorités est de toute évidence illogique en droit, en principe comme en politique. Un droit d'une minorité qui est enchâssé dans la Constitution y a été inclus afin d'être protégé contre les caprices de la majorité.
Je vous prierais d'examiner une étude générale provenant du Service de recherche du Parlement et rédigée par Pierre Marquis pour le Sénat, en 1993, qui s'intitule «Les référendums au Canada: les conséquences d'un processus décisionnel populiste pour la démocratie représentative». Je cite un extrait de la page 19 de ce document:
Les référendums constituent également un danger pour les minorités. Lorsqu'on règle les questions à la majorité des voix, comme on l'a fait pour la conscription, au Canada, la minorité perd toujours. Gouverner par voix de référendum revient, en fait, à imposer le point de vue de la majorité, ce qui force la minorité à une soumission totale. Par contre, un mode du gouvernement basé sur le consentement et le compromis permet d'équilibrer les intérêts de façon plus équitable. Lorsqu'un pays est divisé entre la minorité et la majorité, que ce soit sur des bases ethniques, religieuses ou linguistiques, les référendums ne servent pas les intérêts de la minorité.
Le sénateur Prud'homme: Nous demanderons que cette étude soit distribuée.
M. Cavalluzzo: Enfin, j'aimerais aborder une question qui a été posée au ministre par le sénateur Cogger mais à laquelle le ministre n'a jamais répondu. Le sénateur Cogger demandait au ministre si cette procédure de modification de la Constitution avait été utilisée pour la première fois afin de limiter les droits de la minorité plutôt que de les élargir.
Je peux répondre pour mon ami le ministre, et la réponse est oui, c'est bien la première fois que la formule d'amendement sera utilisée pour limiter plutôt qu'élargir ces droits.
Au Canada, nous ne nous ingérons généralement pas dans les droits d'une minorité par l'intermédiaire du processus démocratique sans le consentement de cette minorité; autrement, les droits de la minorité n'ont aucun sens. En ce qui a trait aux droits en matière d'éducation confessionnelle, le gouvernement fédéral était considéré comme le garant de ces droits. Ainsi que je l'ai déjà dit, c'est la première fois que le gouvernement fédéral, tout au moins la Chambre des communes, donne son accord que ces droits soient dilués ou, en fait, que tout droit de la minorité le soit.
Nous espérons que le Sénat, lieu de réflexion tranquille, examinera de près ce projet de modification de la Constitution d'une manière qui respecte totalement la nature et le caractère sacré des droits de la minorité qui sont en danger.
Le sénateur Prud'homme: Plus je vous écoute et plus je suis convaincu que M. Tobin a absolument raison. Je parle du M. Tobin qui a siégé au comité sur la Constitution le 29 janvier 1981. Je propose que les honorables sénateurs lisent son témoignage à cette réunion. Il est très révélateur.
Cela s'est produit avant même que les pentecôtistes aient des droits. C'était en 1981 et, si ma mémoire est bonne, c'est en 1987 que nous avons ajouté les pentecôtistes. Nous n'avons pas retiré des droits, nous sommes allés plus loin. Ses désirs, exprimés en 1981, ont été exaucés en 1987.
Cela dit, plus nous en entendons parler et plus nous en arrivons à la conclusion que c'est une question d'argent. J'entends dire, d'un côté, qu'il s'agit d'un principe, d'une question de droits contre un système d'éducation dont nous n'avons pas encore l'assurance qu'il est meilleur, parce que cela amenuiserait beaucoup trop à mon goût l'actuel système d'éducation de Terre-Neuve.
N'est-ce donc pas de quoi il s'agit exactement, à savoir des droits de principe contre de soi-disant économies d'argent?
M. Cavalluzzo: J'espère que ce n'est pas le cas, car dans l'affaire Singh, la juge Wilson a déclaré que lorsque nous parlons de liberté fondamentale, la question de la commodité de l'administration n'entre pas en jeu.
Bien entendu, nous pouvons être beaucoup plus efficaces de nombreuses manières. Par exemple, si nous n'avions pas de droits protégeant les personnes handicapées, peut-être serions-nous beaucoup plus efficaces, mais le fait est que nous avons des libertés fondamentales qui sont protégées. De toute évidence, en équilibrant les intérêts de toutes les personnes concernées, l'argent sera un facteur. Toutefois, par la même occasion, il s'agit de libertés fondamentales qui sont enchâssées dans la Constitution, et généralement nous ne modifions pas cet équilibre de la sorte à cause de la nature fondamentale de ces libertés.
Le sénateur Beaudoin: Vous avez fait allusion à la question posée par mon collègue le sénateur Cogger l'autre jour. Il existe un exemple où un amendement par une province, un amendement non pas bilatéral mais unilatéral, a écarté certains droits dans le domaine linguistique. J'y fais allusion aux fins du compte rendu. Il s'agit de l'affaire Mercure en Saskatchewan. Le tout était parfaitement légal. La Cour suprême du Canada a déclaré que vous êtes une province bilingue et que vous avez le droit d'écarter les droits linguistiques par l'intermédiaire d'un statut unilingue en vertu du pouvoir d'une province de modifier sa constitution interne. C'est ce que cette province a fait et, en ce sens, la minorité linguistique a perdu des droits reconnus par le tribunal. Cependant, le tout était parfaitement légal parce que la Cour suprême en a décidé ainsi.
Nous en arrivons à la question principale. Le référendum n'a pas annulé les droits. C'est la façon dont les gens se servent de la formule d'amendement qui annule les droits. Autrement dit, vous pouvez changer un système si vous suivez la formule d'amendement. Vous pouvez dire qu'à partir de maintenant toutes les écoles ne seront pas confessionnelles. Vous pouvez le faire en toute légalité. Cependant, les gens se posent la question suivante: est-ce la bonne solution sur le plan politique?
Le référendum n'est pas responsable du changement à la Constitution. C'est le recours à la formule d'amendement qui en est responsable. J'aimerais connaître votre réaction sur ce point car je pense qu'il est important pour le débat.
M. Cavalluzzo: Tout d'abord, je reconnais que le référendum n'est pas une précondition juridique à l'exercice de tout droit en vertu de l'article 43. Cependant, j'ai soulevé ce point parce que le ministre de la Justice a déclaré que le référendum était l'un des facteurs pertinents sur lequel lui-même ou le gouvernement fédéral s'est reposé pour accepter la résolution provinciale, et j'ai pensé que je devrais en parler.
Deuxièmement, en ce qui a trait à ce qui s'est passé en Saskatchewan, la question du sénateur Cogger concerne la Constitution fédérale: depuis 1982, des modifications qui diminuent des droits ont-elles été proposées et adoptées?
Cependant, en réponse à votre question, il ne fait aucun doute que si cette résolution est adoptée et si la Constitution est amendée en vertu de l'article 43, dans ce cas, effectivement les tribunaux diraient que c'est légal. Nous nous demandons toutefois ici si cela est politique, social ou moral.
Tels sont les points que vous devez prendre en considération pour décider d'accepter cette résolution ou non. Si vous acceptez la résolution et que la modification est adoptée, dans ce cas effectivement la Cour suprême dira que c'est légal.
Le sénateur Jessiman: Quelle est votre opinion?
Le sénateur Rompkey: Je désire soulever le point que le sénateur Beaudoin a mentionné afin de préciser qu'effectivement le ministre Rock n'a pas fait uniquement allusion à un référendum en tant que critère. Pour être juste envers le ministre, il a énuméré un certain nombre de facteurs différents. Y a-t-il eu des audiences publiques? Y a-t-il eu une tentative de réforme non constitutionnelle? Y a-t-il eu des négociations avec les parties concernées? Y a-t-il un référendum? Y a-t-il eu une élection qui a porté, en partie, sur cette proposition particulière? Je pense que tous ces points ont également été mentionnés par MM. Bayefsky et Brock.
Je sais que M. Cavalluzzo ne désire pas laisser l'impression que le ministre Rock ou les autres ont compté uniquement sur un référendum. Il a indiqué que c'était là un critère parmi d'autres. Afin de mettre les choses au point, je dirais qu'il s'agissait d'un critère parmi un certain nombre.
Nous mettons ensemble deux écoles de pensée juridique, qui pourraient être vaguement décrites comme l'école Lauwers et l'école Binnie, sur les répercussions que ce texte de loi peut avoir à travers le pays. Les répercussions juridiques de cette modification sont-elles strictement limitées à Terre-Neuve en raison de sa situation particulière, ou bien sont-elles d'envergure nationale, de Cape Bonavista à l'île de Vancouver? Faites-vous partie de l'école Lauwers ou de l'école Binnie?
M. Cavalluzzo: On n'a jamais dit de moi que j'étais de l'école Lauwers.
Le sénateur Rompkey: Peut-on dire alors que vous êtes de l'école Binnie?
M. Cavalluzzo: Certainement pas. Je crois que je suis de l'école Cavalluzzo.
Nous utilisons le mot «précédent» de façon plutôt large. Il est important de comprendre que nous ne parlons pas d'un précédent aux fins d'une application juridique d'une règle de droit. Nous parlons d'un précédent relativement à des mesures que prendra à l'avenir le gouvernement.
La question est de savoir, si cette résolution est adoptée, si elle risque de créer un précédent pour les futurs gouvernements relativement à l'annulation des droits des minorités? Je suis profondément convaincu que la réponse est positive. Dès lors qu'une province a annulé les droits des minorités de la sorte et a dit au gouvernement fédéral «Voulez-vous adopter une résolution semblable», la prochaine fois qu'une autre province demande la même chose, quelle sera la réponse du gouvernement fédéral? Le «précédent» de Terre-Neuve aura-t-il une influence sur le gouvernement fédéral?
Je pense qu'effectivement ce sera le cas. Cependant, nous ne parlons pas d'un précédent dans le sens juridique, mais dans le sens politique. Si une province s'adresse au gouvernement fédéral et reçoit quelque chose, et que deux ans plus tard une autre province s'adresse elle aussi au gouvernement fédéral pour obtenir la même chose, il y a de fortes chances qu'elle obtienne à son tour la même chose.
Le sénateur Rompkey: Si je comprends bien ce que vous dites, si une autre province, en dehors de Terre-Neuve et de Labrador, s'adresse au gouvernement fédéral et lui demande d'apporter des changements dans cette province, elle pourrait se servir du cas de Terre-Neuve comme précédent, même si M. Rock dans son témoignage a indiqué que les précédents nécessitent des faits ou des principes semblables, sinon identiques, pour être valides et applicables. Vous me dites que le gouvernement du Canada accepterait les répercussions politiques du précédent, quand bien même cela n'aurait pas de justification en droit.
M. Cavalluzzo: C'est exact. M. Rock a défini le précédent de la façon dont cela est appliqué devant les tribunaux. Nous ne parlons pas de cela. Nous parlons de précédent politique. La théorie de la science politique est «Moi aussi!». Autrement dit, si dans deux ans une autre province demande la même chose, elle dira «Moi aussi!».
Que répondra le gouvernement fédéral? Dira-t-il non? Comment le gouvernement fédéral pourrait-il ne pas utiliser le même raisonnement pour prendre alors sa décision.
Le sénateur Rompkey: Il ne pourrait se servir d'un raisonnement semblable que si les faits ou les principes en question étaient identiques.
M. Cavalluzzo: Dans le mémoire que j'ai respectueusement présenté, les faits semblables ou les principes semblables sont des droits confessionnels. Ces droits confessionnels sont applicables partout au pays. M. Tobin l'a prouvé en 1981.
Le sénateur Rompkey: Quant à savoir si les droits confessionnels sont touchés, et exactement quels droits sont touchés, il s'agit là d'une autre question.
M. Cavalluzzo: Je croyais que l'on parlait des droits confessionnels.
Le sénateur Rompkey: Je comprends ce que vous dites; toutefois, la question particulière que j'ai soulevée concernait l'application du précédent. La question doit être: quels sont les droits confessionnels et comment sont-ils touchés?
M. Smith: Si je peux apporter une réponse, je pense que tout le monde autour de la table comprend ce qui se passe. Le succès de cette résolution créera un élan politique qui réconfortera et appuiera, tout au moins en Ontario, ceux et celles qui sont moins que favorables à un système d'écoles séparées. Nous craignons beaucoup que ce genre d'élan ne fasse boule de neige, étant donné le climat politique de la province et aussi le fait que chaque niveau de gouvernement procède à des restructurations afin d'économiser de l'argent. Nous craignons énormément que des choses se produisent dans cette province qui seront hors de contrôle.
Le sénateur Beaudoin: Il s'agit donc d'une envergure nationale?
Le sénateur Milne: Monsieur Cavalluzzo, vous avez parlé des précédents qui ont été établis. Les Assemblées pentecôtistes ont obtenu le droit de créer leurs propres écoles à Terre-Neuve en 1987.
Le sénateur Doody: Elles ont eu leurs propres écoles en 1954, et ont obtenu la protection de la Constitution en 1987.
Le sénateur Milne: Je suis préoccupé par la question de la protection constitutionnelle. Vous avez avancé qu'il s'agissait d'une protection constitutionnelle supplémentaire. Cependant, et c'est là le revers de la médaille, en élargissant cette protection aux Assemblées pentecôtistes, cela ne revenait-il pas en fait à diluer les droits d'autres minorités de Terre-Neuve?
M. Cavalluzzo: Je ne suis pas d'accord avec ce que vous venez de dire. Lorsque vous élargissez les droits d'une minorité particulière, je ne pense pas que vous le faites au détriment d'une autre minorité.
Le sénateur Milne: Vous avez retiré des élèves de ces autres écoles et les avez mis dans un septième système scolaire.
M. Cavalluzzo: Cela s'est peut-être effectivement produit, mais selon moi lorsque vous augmentez les droits d'une minorité, vous augmentez aussi ceux d'autres minorités du fait que vous démontrez un respect de la nature fondamentale des droits des minorités. Je dirais qu'en 1987, lorsque l'amendement constitutionnel a été adopté, les droits de toutes les minorités à Terre-Neuve ont été ainsi augmentés.
Le sénateur Milne: Autrement dit, vous êtes d'avis qu'en divisant le système en sept plutôt qu'en six, on a ainsi augmenté les droits des minorités?
M. Cavalluzzo: Je n'aime pas l'analogie entre les droits fondamentaux et une «division du système», mais je répondrais néanmoins par l'affirmative.
Le sénateur Pearson: Je voudrais moi aussi poser une question philosophique, mais je crois comprendre que tous les droits doivent être exercés dans le contexte des droits d'autrui. Aucun droit n'est absolu dans une société.
Le sénateur Beaudoin: Ainsi en a décidé la Cour suprême.
Le sénateur Pearson: En ce qui a trait aux Terre-neuviens qui ne sont pas chrétiens, de quelle manière votre demande pour que nous n'acceptions pas l'article 17, protège-t-elle leurs droits?
M. Cavalluzzo: J'hésite beaucoup à répondre en ce qui a trait à la situation à Terre-Neuve, mais je pourrais néanmoins vous répondre si cette question était posée dans le contexte de l'Ontario.
Le sénateur Pearson: Je ne pense pas que cela soit valable dans le contexte de l'Ontario.
M. Cavalluzzo: C'est exact, mais à propos de votre question sur les non chrétiens, le fait est que le tissu constitutionnel de ce pays a été tissé à partir de certains droits confessionnels qui ont été accordés en 1867, et qui ont été accordés à Terre-Neuve en 1949. Votre question porte sur ce concept fondamental.
Le sénateur Pearson: Je ne le pense pas. Je suis d'avis que ce pays est en pleine évolution et que sa richesse découle de la diversité des gens qui y viennent. À propos de Terre-Neuve, je vois un problème en ce sens qu'il n'y a aucune protection pour ceux et celles qui ne sont pas chrétiens.
Le sénateur Doody: Depuis 1949, date à laquelle les conditions de l'union ont été acceptées, seule une confession a demandé la protection, autre que celles qui figurent sur la liste, à savoir les Assemblées pentecôtistes. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que toute autre confession demandant la même protection et les mêmes privilèges les recevrait.
Le sénateur Pearson: Je pense à ceux qui n'ont pas de confession.
M. Cavalluzzo: En guise de réponse, je dirais que l'éducation relève de la compétence exclusive de la province. Rien n'empêcherait Terre-Neuve de créer un système public ou agnostique.
Le sénateur Rompkey: Cela pourrait être contesté devant les tribunaux.
M. Cavalluzzo: Je ne sais pas comment cela pourrait être contesté.
Le sénateur Rompkey: En vertu de l'article 17.
M. Cavalluzzo: Je ne vois pas comment cela pourrait être contesté.
Le sénateur Rompkey: L'article 17 concerne les droits confessionnels dans la Constitution. S'ils jugent que leurs droits sont abrogés, ils peuvent le contester devant les tribunaux. Vous parlez du gouvernement de Terre-Neuve qui adopte des lois en vertu de la Constitution actuelle.
M. Cavalluzzo: Je dis que rien dans l'actuel article 17 n'interdirait l'assemblée législative de Terre-Neuve de respecter ces droits confessionnels tout en créant, par la même occasion, un autre système pour les personnes qui ne désirent pas fréquenter les écoles confessionnelles, tant que ces droits constitutionnels sont protégés. Rien ne le lui interdit.
Le sénateur Rompkey: Sauf une contestation devant les tribunaux.
M. Cavalluzzo: Il pourrait y avoir contestation devant les tribunaux, mais je pense qu'elle serait rejetée.
Le sénateur Pearson: Vous parlez de précédents. Je crois comprendre ce que vous dites, et ma question est la suivante: si cette résolution, qui tombe sous le coup de l'amendement constitutionnel bilatéral de l'article 43, n'est pas adoptée, dans ce cas cela créerait également un précédent qui, selon moi, risque d'être plus dangereux que l'autre.
Le sénateur Prud'homme: Ainsi que je l'ai déjà dit, plus nous avançons dans le débat et plus je vois des désaccords très profonds. J'apprécie d'écouter le sénateur Pearson. Il me remet en mémoire une conversation que j'ai eue avec quelqu'un originaire de Terre-Neuve, qui enseigne aujourd'hui à Toronto. On m'avait supplié de ne pas me battre pour seulement une demi-heure d'instruction religieuse. C'est une question de valeur. Il m'a dit que dans son établissement scolaire, on ne lui permet plus de souhaiter «Joyeux Noël» car cela inclut tout le monde. On leur a dit qu'à partir de maintenant il faudrait dire «Meilleurs voeux».
En fait, la Chambre des communes elle-même fait la même chose relativement à ce que nous avions l'habitude d'appeler les cartes de Noël. Maintenant elle insiste sur l'intégration de tout le monde. Cela m'inquiète, et il va falloir que j'y réfléchisse beaucoup cet été.
Le sénateur Milne: Tels ont été mes souhaits toute ma vie.
Le sénateur Prud'homme: Telles sont vos valeurs. Les miennes sont différentes.
Le sénateur Gigantès: Tous les ans, les parlementaires envoient à d'autres parlementaires quelque 16 000 cartes de Noël, ce qui représente un certain nombre d'arbres abattus.
La présidente: Sénateur Prud'homme, veuillez poser votre question.
Le sénateur Prud'homme: S'agit-il d'autre chose que la protection? Dans votre témoignage de ce matin, vous parlez des valeurs que le système scolaire représente.
M. Cavalluzzo: C'est exact. Telles sont les valeurs qui, comme M. Smith l'a dit, sont en danger. Nous avons un gouvernement provincial qui se décrit comme révolutionnaire. Il procède à une «révolution du bon sens». Il effectue de profonds changements du système d'éducation de la province, des changements que l'on n'aurait pas pensé possible il y a deux ans. Voilà de quoi nous parlons lorsque nous faisons allusion aux droits en danger.
Le sénateur Beaudoin: J'entends quelque chose de très étrange. Le Conseil privé et la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Hirsch, ont dit très clairement, relativement au Québec, que les droits confessionnels sont protégés par l'article 93. Je viens du Québec, où nous avons des groupes catholiques et aussi des groupes protestants. Cependant, le Conseil privé a dit très clairement que vous pouvez créer une école pour la population juive. Vous pouvez créer une école non confessionnelle. Tout le monde au Québec est d'accord avec cela.
Maintenant, le sénateur Rompkey déclare que Terre-Neuve ne peut, en vertu de la Constitution actuelle, créer une école neutre, et vous, vous dites qu'elle le peut.
M. Cavalluzzo: Effectivement, la Chambre des pairs dans l'affaire Hirsch de 1928 a bien précisé cela.
Le sénateur Beaudoin: Telle est la façon dont vous l'interprétez.
N'êtes-vous pas d'accord, sénateur Rompkey?
Le sénateur Rompkey: S'ils peuvent changer le système scolaire en vertu de la Constitution actuelle, pourquoi alors avoir tout ce processus? Le fait est que le gouvernement et l'assemblée législative de Terre-Neuve ne peuvent apporter des changements en vertu de la Constitution actuelle car ces changements peuvent être contestés devant les tribunaux.
La présidente: Sénateur Rompkey, je crois que nous ne devrions pas mélanger les deux questions. La question est de savoir si on peut changer les écoles confessionnelles dans la province de Terre-Neuve? Telle est la question qui est posée à ce comité. Toutefois, il y a aussi le rôle des ministères de l'Éducation du gouvernement fédéral et de la province de Terre-Neuve qui, si vous lisez la loi de 1949, précise qu'ils ne peuvent rien faire qui nuise aux écoles confessionnelles. Cette loi ne précise toutefois pas que la province ne peut rien faire qui soit positif pour un autre système scolaire.
Le sénateur Rompkey: Le sénateur Milne a prétendu que certaines choses pourraient être nuisibles aux écoles confessionnelles. Il s'agit là d'un argument valide.
Le sénateur Beaudoin: Cela est fondamental. Si toutes les écoles de Terre-Neuve doivent être confessionnelles, c'est une chose. Cela veut dire que s'ils veulent ce que j'appellerais un «système neutre», ils doivent amender la Constitution, et donc l'article 17. Cependant, j'ai toujours cru qu'ils pouvaient agir ainsi à la condition de ne rien faire qui touche au système confessionnel.
Par exemple, au Québec, nous avons des écoles qui ne sont ni catholiques ni protestantes. Nous pouvons agir de la sorte à la condition, bien entendu, que l'assemblée législative conserve le système confessionnel intact. Après tout, Terre-Neuve figure dans le même pays que le Québec.
Le sénateur Rompkey: Terre-Neuve est effectivement dans le même pays, mais elle a un système confessionnel comme aucun autre au pays.
La présidente: Honorables sénateurs, nous nous lançons dans un dialogue entre sénateurs à ce moment-ci. Peut-être pourrions-nous excuser nos témoins et poursuivre notre dialogue à une date ultérieure.
Le sénateur Beaudoin: Il est très important de connaître la réaction du témoin de l'Ontario.
La présidente: Sa réaction dans le compte rendu est très claire. Si on crée des écoles non confessionnelles, ils ne pensent pas que la Cour suprême changerait cela.
M. Cavalluzzo: Sénateur Rompkey, si vous posez également cette question à M. Binnie, il vous répondrait de la même manière. Je crois savoir qu'il sera présent demain.
La séance est levée.