Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 22 - Témoignages - Séance du matin
OTTAWA, le mercredi 26 juin 1996.
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour étudier la résolution de modification de la Constitution du Canada, article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Bonjour, sénateurs. Avant de commencer, nous avons encore quelques questions à régler. Nous n'avons jamais adopté officiellement une motion stipulant qu'aucun vote sur une motion traitant de la décision du comité relativement à la résolution de modification de la Constitution du Canada, article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada, ne soit tenu tant que tous les témoins n'auront pas été entendus.
Cette limitation ne s'applique pas aux motions de procédure, mais seulement aux votes sur toute décision finale avant notre retour le 15 juillet.
Le sénateur Doody: J'en fais la proposition, madame la présidente.
La présidente: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
La présidente: Nos témoins, ce matin, sont les représentants de la Fédération canadienne des écoles privées et deux professeurs de droit. Nous allons commencer avec les représentants de la Fédération canadienne des écoles privées.
Bienvenue. Veuillez commencer votre exposé.
M. Frank Cvitkovitch, président, Fédération canadienne des écoles privées: Merci beaucoup, sénateur Carstairs. Je suis président de la Fédération canadienne des écoles privées. Nous aimerions remercier le comité d'avoir accepté de nous entendre à propos de cette question qui nous paraît importante pour l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens, y compris les gens de Terre-Neuve.
La plus grande partie de notre exposé sera présentée ce matin par notre directeur exécutif, Gary Duthler, qui vient d'Edmonton, en Alberta. Toutefois, pour donner à votre comité une image fidèle de notre organisation, généralement connue sous le nom de FCEP, nous avons amené à cette audience les membres du Conseil d'administration de Colombie-Britannique et de l'Ontario. Je représente le Manitoba et M. Duthler représente l'Alberta.
Avant que M. Duthler ne donne des indications détaillées au sujet de nos membres dans l'ensemble du Canada, je demanderai à M. Fred Herfst, de Colombie-Britannique, de se présenter et d'expliquer qui il représente en Colombie-Britannique.
M. Fred Herfst, vice-président (C.-B.), Fédération canadienne des écoles privées: Madame la présidente, je représente les écoles non gouvernementales. J'utilise cette expression pour éviter tout malentendu. Les écoles non gouvernementales de Colombie-Britannique incluent ce que l'on appelle généralement les écoles privées ainsi que les écoles catholiques, puisque nous n'avons pas d'écoles séparées comme en Ontario, en Saskatchewan ou en Alberta.
Environ 8,3 p. 100 de tous les élèves scolarisés en Colombie-Britannique font partie du réseau d'écoles privées que je représente.
M. Cvitkovitch: M. Adrian Guldemond représente la région de l'Ontario.
M. Adrian Guldemond, trésorier, Fédération canadienne des écoles privées: L'association que je représente est localisée en Ontario, madame la présidente. À la différence de la Colombie-Britannique, l'Ontario a un long passé dans ce domaine. L'organisation des écoles séparées est différente de celle des écoles privées. Je représente environ 500 écoles privées regroupant quelque 60 000 élèves, y compris les écoles confessionnelles, les écoles privées proprement dites et ce que j'appelle les écoles laïques. Il s'agit en gros de tout l'éventail des écoles non gouvernementales qui existent en Ontario en dehors du système officiel.
M. Cvitkovitch: Les écoles privées du Manitoba sont celles qui n'appartiennent pas au système scolaire public que nous avons dans cette province. Elles regroupent environ 13 000 élèves et approximativement 90 écoles. Il s'agit des écoles catholiques, catholiques ukrainiennes, mennonites, juives, calvinistes et des autres écoles chrétiennes et privées de notre province.
En 1995-96, elles ont négocié un accord de financement révisé qui assure le maintien d'une certaine aide financière provinciale à toutes les écoles privées du Manitoba. En 1997-98, ce financement se montera approximativement par élève à 50 p. 100 du coût des écoles publiques.
En plus de notre principal exposé, M. Gary Duthler commencera ce matin par parler du groupe qu'il représente en Alberta.
M. Gary Duthler, directeur exécutif, Fédération canadienne des écoles privées: Madame la présidente, la façon dont je présente généralement l'organisation que je représente en Alberta s'applique également assez bien à la Fédération canadienne, à part la différence de taille. En Alberta, je présente généralement notre association de la façon suivante: elle comprend trois écoles juives, dont chacune est convaincue que les autres ne le sont pas vraiment; trois écoles islamiques, dont chacune est persuadée que les deux autres ne le sont pas vraiment; un grand nombre d'écoles chrétiennes de toutes sortes, qui ont toutes des doutes quant au christianisme professé par les autres; des écoles Montessori, qui ont toutes leur propre système d'accréditation et ne pensent pas que les autres soient tout à fait à la hauteur.
Mon rôle est de parler des choses sur lesquelles elles sont toutes d'accord. Croyez-le ou non, la liste n'est pas nécessairement aussi courte que vous pourriez le penser. Il y a environ 20 000 élèves dans les écoles privées de l'Alberta. J'ai préparé à votre intention un aperçu de l'enseignement privé au Canada. Il contient la plupart des statistiques qui pourraient intéresser certains d'entre vous et je n'insisterai pas sur ce point. Au lieu de cela, j'aimerais mieux commencer notre exposé en abordant les questions à l'étude.
Je prendrai pour hypothèse que tout le monde n'a pas eu l'occasion de lire notre mémoire en détail. Sans le passer en revue de façon détaillée, j'en soulignerai certains éléments.
Dans notre introduction, nous expliquons qui nous sommes. La fédération représente approximativement 275 000 élèves fréquentant 1 600 écoles dans l'ensemble du pays. Nous en expliquons la diversité en Alberta de même que dans les autres provinces. La situation est analogue dans chaque province.
La Fédération représente un microcosme du Canada, tant par sa diversité que par sa façon de s'adapter à cette diversité. Chaque association d'écoles a des caractéristiques uniques qui découlent des formes par lesquelles les convictions et pratiques s'expriment dans l'enseignement et des différences qu'il y a entre les lois et politiques des provinces en matière d'enseignement. La fédération respecte et préserve cette diversité et sa force réside dans le respect mutuel et la compréhension nécessaires pour que tous les participants forment une mosaïque authentiquement multi- culturelle.
Ce qui est merveilleux est que la Fédération et ses associations se retrouvent autour d'un objectif commun. Il s'agit du fait que, si nous voulons que nos droits soient respectés, nous devons respecter les droits des autres. En d'autres termes, c'est la diversité et la revendication du droit à cette diversité qui, en fait, suscitent une énorme tolérance envers les points de vue des autres parce que nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas exister dans l'isolement.
Notre engagement à relever les défis de l'éducation partout au Canada par la coopération dans le respect de cette diversité motive notre désir de témoigner devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au sujet de la modification à la Constitution concernant le caractère confessionnel du système scolaire de Terre-Neuve. Comme vous le savez, nous ne mettons pas particulièrement l'accent sur les écoles privées de Terre-Neuve, mais les questions en jeu sont néanmoins les mêmes.
Un certain nombre d'écoles membres de notre Fédération ne se définiraient pas comme religieuses ou confessionnelles, mais elles s'entendent sur le fait que cette question transcende les intérêts strictement confessionnels. Nous voulons qu'il soit bien clair, dès le départ, que nous ne nous opposons pas à une réforme de l'enseignement. Ce qui nous préoccupe est le procédé utilisé par le gouvernement de Terre-Neuve pour atteindre son objectif de réforme, un procédé qui porte atteinte aux droits constitutionnels d'une importante minorité des citoyens de cette province. Nous ne parlons pas de la réforme de l'enseignement, mais surtout des autorités régissant le système scolaire et de la façon dont celui-ci sera régi.
Je désire souligner qu'en ce qui concerne les droits protégés par l'article 17 des Conditions de l'union, la question fondamentale est celle de savoir si c'est à la province ou aux parents, par l'intermédiaire de leur confession, qu'il appartiendra de décider si les écoles que fréquentent leurs enfants refléteront les valeurs religieuses et morales prônées dans les foyers et les églises.
Comme vous le savez, on a beaucoup parlé du fait qu'il était nécessaire de modifier ainsi la Constitution pour permettre de réformer l'enseignement. À notre connaissance, ce qui s'est passé à Terre-Neuve, c'est-à-dire les discussions qui ont eu lieu entre les confessions et le gouvernement, a montré qu'il est possible de conclure des accords sans avoir recours à une modification de la Constitution. Cela peut prendre un certain temps, mais il est possible d'y parvenir. Toutefois, étant donné que le gouvernement de Terre-Neuve a demandé cette modification, il importe maintenant que le gouvernement du Canada traite la résolution du gouvernement de Terre-Neuve d'une façon qui respecte non seulement le droit des Terre-neuviens à bénéficier des réformes souhaitées, mais aussi les droits constitutionnels des minorités confessionnelles.
Nous avons deux recommandations à cet égard. Notre position fondamentale est la suivante. Nous recommandons de ne pas procéder à une modification de la Constitution, surtout à une modification qui semble répondre à la volonté de la majorité de priver la minorité de ses droits.
La raison de cette recommandation est simple. La procédure suivie risque de créer un précédent qui menacera les droits actuellement conférés à d'autres groupes non seulement en matière d'éducation, mais également dans d'autres domaines, notamment la langue, les droits des autochtones, les services sociaux, et cetera. Ce précédent ne serait pas nécessairement d'ordre juridique, mais concernerait la procédure.
Les Conditions de l'union obligent le Parlement fédéral à protéger les droits de la minorité. C'est pour cette raison que le droit à un enseignement confessionnel y a été inscrit, même si l'éducation est un champ de compétence provinciale. Pour modifier l'article 17, il ne suffit pas que la législature de Terre-Neuve juge approprié de le faire; il faut que le Parlement soit convaincu que cela ne réduira en rien les droits reconnus de la minorité.
En conséquence, notre Fédération demande instamment au Sénat de rejeter le projet de modification de l'article 17, non seulement en raison du préjudice qu'elle causerait aux minorités de Terre-Neuve, mais à cause de la menace qu'un tel précédent ferait peser sur les droits des autres minorités dans tout le Canada.
Notre deuxième recommandation est que, si la première n'est pas acceptée et que le gouvernement décide d'envisager une modification à l'article 17, la modification proposée devrait être révisée. Dans notre mémoire, nous avons cité les alinéas concernés et indiqué quels changements nous proposons.
À l'alinéa a), nous pensons que la définition de «confessionnel» pose un problème. En lisant ce texte, vous constaterez qu'on y présente une nouvelle définition des écoles «confessionnelles» par opposition aux écoles uniconfessionnelles qui existent déjà. Nous n'avons pas l'intention de nous étendre sur cette question parce que nous pensons qu'elle devrait plutôt être réglée par les habitants de Terre-Neuve, qui comprennent mieux les termes utilisés et leurs implications dans le cadre de leur propre situation.
C'est l'alinéa b) qui nous paraît important. Vous remarquerez que, dans la proposition que vous étudiez, l'alinéa b) commence par l'expression «sous réserve du droit provincial». Nous proposons de supprimer cette introduction et de commencer le sous-alinéa b)(i) de la façon suivante:
b) lorsque le nombre le justifie, toute catégorie de personnes visée à l'alinéa a) a le droit de créer, maintenir et faire fonctionner une école soutenue par les deniers publics;
En fait, lorsque le nombre le justifie, il y aura une école uniconfessionnelle.
Quand nous parlons du droit du gouvernement à créer également d'autres écoles, confessionnelles ou non confessionnelles, cela serait possible sous réserve du droit provincial d'application générale. Nous avons donc repris l'introduction à l'alinéa b) et nous l'avons ajoutée au sous-alinéa b)(ii).
L'alinéa c) concerne le droit d'assurer l'enseignement religieux et la façon de régir certaines activités académiques. Nous proposons que l'on ajoute les termes «d'établir et» juste avant «d'y régir».
Les changements que nous proposons aux amendements reconnaissent les intérêts légitimes du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador relativement à la création d'écoles répondant aux besoins et aux aspirations de tous les citoyens, compte tenu de l'évolution démographique de la province. La législature pourrait ainsi créer des écoles confessionnelles, uniconfessionnelles ou non confessionnelles.
Nos recommandations tiennent compte du fait que le droit constitutionnel accordé en vertu de l'article 17 ne devrait pas pouvoir être éteint par une législature provinciale. L'histoire des droits à une éducation en français dans diverses provinces montre combien il est juste d'assujettis ces droits à une disposition stipulant «lorsque le nombre le justifie» plutôt que de les laisser dépendre du bon vouloir de la législature provinciale. Comme vous le savez, je viens de l'Alberta, où nous venons d'avoir un procès sur des questions de ce genre. Nous savons donc ce qui s'est passé dans ce domaine.
De plus, le gouvernement de Terre-Neuve a laissé entendre à plusieurs reprises que telle était exactement son intention. Dans les documents qu'il a publiés au sujet du référendum ainsi que dans d'autres, il explique: «Nous voulons dire qu'il en sera ainsi lorsque le nombre le justifie.» Puisque telle est son intention, je pense qu'elle devrait être énoncée explicitement. Les futurs gouvernements pourraient interpréter cela différemment si ce n'est pas précisé dans la modification.
Notre fédération, qui représente divers points de vue en matière d'éducation, tient à souligner qu'il est important pour elle de promouvoir la souplesse dans la poursuite des objectifs des parents et de la province. Notre recommandation permet au gouvernement de Terre-Neuve de tenir compte des intérêts des groupes appartenant à des confessions non protégées ainsi que d'autres minorités sans réduire les droits des groupes confessionnels déjà protégés par la Constitution.
Notre recommandation d'inclure le terme «établir» à l'alinéa c) reflète la réalité. Il y a une différence entre «régir» et «établir».
Les écoles ne pourront jouer pleinement leur rôle que si leurs responsables peuvent décider des compétences que doivent avoir les enseignants et du contenu des «activités académiques touchant aux croyances religieuses». Cela ne sera pas possible s'ils ont uniquement le droit de régir ces activités, c'est-à-dire d'appliquer les politiques provinciales.
En conclusion, la Fédération canadienne des écoles privées est heureuse de la diversité croissante de notre pays. À une certaine époque, on pouvait classer presque toute la population du pays dans deux catégories: les protestants et les catholiques. Avec les années, nous nous sommes rendu compte que notre caractère national ne peut se réduire à une définition aussi limitative. Nous avons maintenant reconnu dans notre Constitution la légitimité des populations autochtones et de nos minorités linguistiques francophones et anglophones. Chaque fois que nous avons vu dans notre diversité une richesse nationale, nous avons constaté le rôle important que le système d'éducation joue dans l'harmonisation des intérêts de tous avec les droits et les responsabilisés de la minorité. Cela ne signifie pas que nous puissions priver de leurs droits ceux que l'inscription de ces droits dans la Constitution a encouragés et amenés se joindre à notre Confédération. Nous devrions plutôt étendre le principe concrétisé dans ces droits pour qu'ils contribuent à façonner notre avenir et Terre-Neuve s'inscrit dans cette évolution.
Comme vous le savez sans doute, un accord-cadre a été récemment mis en place. Les églises qui dirigent les écoles regroupées de Terre-Neuve, veulent l'abolition des écoles uniconfessionnelles. Elles ont également cessé de souscrire à une grande partie de cet accord-cadre. Ces églises regroupent la majorité des citoyens de la province, mais il ne faut pas considérer cela comme une acceptation de la suppression du droit aux écoles confessionnelles. Cela met simplement en lumière le fait que les églises pour lesquelles l'école uniconfessionnelle est un élément essentiel à l'expression de la foi sont devenues la minorité dont l'article 17 a toujours eu pour objet de protéger les droits.
Tous les citoyens du Canada sont directement concernés par la façon dont les minorités sont traitées dans n'importe quelle partie du pays. La protection constitutionnelle ne peut avoir de sens que si nous ne modifions le droit des minorités qu'avec leur consentement. Le gouvernement du Canada doit donc veiller à ce que la résolution dont il est saisi soit rejetée ou, à tout le moins, modifiée de manière à concilier les voeux de la majorité et les droits de la minorité.
Nous croyons que nos recommandations auraient cet effet et profiteraient à toutes les parties intéressées.
M. Cvitkovitch: Le groupe que nous représentons englobe la grande majorité des parents qui, en vertu de leurs convictions religieuses, veulent assurer l'éducation de leurs enfants en dehors des écoles séparées catholiques. Beaucoup craignent fortement, dans l'ensemble du Canada, que ce que l'on propose à Terre-Neuve ne porte atteinte au droit à exercer un tel choix.
Les systèmes de financement varient d'une province à l'autre. J'ai déjà parlé de la situation au Manitoba. Je crois savoir que le comité a entendu parler hier de la tristement célèbre question scolaire du Manitoba. Je n'étais pas encore né quand elle a commencé à se poser mais, depuis une trentaine d'années, je suis actif dans ce domaine, je négocie et je vois comment la situation évolue, tout comme le sénateur Carstairs. Dans tout le pays, les personnes qui s'occupent d'écoles privées font part de leur vive inquiétude au sujet de la menace que cela représente pour les droits des minorités, que celle-ci soit ou non directement reliée au financement. On retire aux parents une possibilité de choix que le gouvernement du Canada et les gouvernements de la plupart des provinces ont reconnu dans le cadre de documents des Nations Unies et d'autres traités internationaux. Les craintes à ce sujet sont réelles.
Nous ne vous présentons pas un mémoire juridique rédigé par des experts en droit constitutionnel. Nous avons déjà vu certains de ces mémoires. Nous savons que certains constitutionnalistes diront que ceux-ci ne constituent pas un précédent et ne devraient faire peur à personne. Toutefois, ce sont des avocats qui parlent ainsi et la population ne leur accorde pas nécessairement beaucoup de crédibilité.
On craint que l'on ne retire ici aux parents minoritaires le droit de choisir. Nous voulons souligner cela et nous serons prêts à répondre à vos questions à ce sujet plutôt qu'à des questions juridiques concernant les effets d'ordre constitutionnel.
L'inquiétude existant parmi les parents qui s'intéressent aux écoles confessionnelles est plus qu'une vague de fond. Ils croient que c'est peut-être le commencement de la fin en ce qui concerne les écoles d'État.
La présidente: Chaque province de notre pays a un système d'éducation qui lui est propre, tout particulièrement le Manitoba. À la suite d'un compromis élaboré il y a de nombreuses années et renégocié à plusieurs reprises à cause des réductions budgétaires affectant l'enseignement en général -- je dis cela pour que les sénateurs soient conscients de cette spécificité --, toutes les écoles privées du Manitoba, y compris les écoles catholiques, ont droit à un certain pourcentage des subventions de fonctionnement que la province accorde aux écoles publiques. Elles n'ont pas droit à un financement pour la construction de leurs écoles ou leur entretien. Toutefois, elles ont droit à un certain pourcentage. Celui-ci varie et c'est pourquoi je ne vous l'ai pas indiqué de façon précise. L'objectif est d'atteindre un chiffre correspondant à 80 p. 100 des fonds de fonctionnement fournis par la province. Cela ne veut pas pour autant dire que ces écoles recevront une aide financière quelconque de la part des municipalités qui contribuent également au financement de l'éducation au Manitoba.
Pour pouvoir obtenir ces subventions, elles doivent engager des enseignants certifiés -- selon les conditions établies par la province -- et elles doivent enseigner au moins une certaine proportion du programme d'études du Manitoba, même si elles peuvent enseigner des choses qui n'y figurent pas.
Je pense vous avoir ainsi expliqué les éléments fondamentaux qui font la particularité de la situation au Manitoba. Je suis sûre que d'autres provinces ont des systèmes présentant tout autant de particularités. Je sais que, dans la plupart des cas, ces écoles ne reçoivent aucun financement. En Ontario, à ma connaissance, les écoles privées ne reçoivent absolument aucune aide financière. Cela varie d'un endroit à l'autre.
Le sénateur Rompkey: Le gouvernement du Canada accorde des allégements fiscaux à certaines écoles privées.
La présidente: Il ne s'agit pas à proprement parler d'allégements fiscaux, sénateur Rompkey. Les dons qu'elles reçoivent peuvent être considérés comme des dons de charité.
Le sénateur Rompkey: C'est exact, et cela permet, d'une certaine façon, une réduction des impôts de certaines personnes. Cela profite aux écoles.
Je me posais une question au sujet des écoles de Terre-Neuve. Est-il juste de dire que les quatre écoles que vous représentez à Terre-Neuve sont affiliées à l'Église adventiste du septième jour? À ma connaissance, il y a une seule école privée indépendante à Terre-Neuve. Elle est à St. John's et elle a ouvert ses portes il y a environ deux ans.
M. Duthler: Les écoles adventistes ne sont pas des écoles privées.
Le sénateur Rompkey: Je le sais. Je me demande si ces quatre écoles sont en fait des écoles adventistes.
M. Duthler: Ces écoles font partie du groupe appelé ACSI. L'une d'entre elles est membre d'une association appelée Association of Christian Schools International. Il y en a deux autres que je ne suis pas parvenu à localiser. C'est le gouvernement de Terre-Neuve qui m'a donné ces chiffres. Elles ne font partie d'aucune grande organisation.
Le sénateur Rompkey: Vous citez quatre écoles à Terre-Neuve, mais vous ne savez pas exactement de quelles écoles il s'agit.
M. Cvitkovitch: M. Duthler vous a donné une liste des écoles privées de chaque province.
Le sénateur Rompkey: Je me demande où elles sont à Terre-Neuve.
M. Cvitkovitch: Par exemple, au Manitoba, nous indiquons 95 écoles. Notre organisation ne représente pas la totalité de ces 95 écoles.
Le sénateur Rompkey: C'est juste un relevé des écoles qui existent au Canada. Vous n'en représentez pas nécessairement une proportion déterminée.
M. Cvitkovitch: Nous représentons la majorité d'entre elles, mais nous n'avons actuellement aucun membre du Conseil d'administration qui représente Terre-Neuve.
Le sénateur Rompkey: Cela me paraît encore confus, mais je vais laisser cette question pour le moment.
Vous déclarez que cette initiative porte atteinte aux droits d'une importante minorité. Connaissez-vous bien le système de Terre-Neuve? Comment est-il organisé? Comment les écoles sont-elles financées? Connaissez-vous toutes les réponses à ces questions?
M. Duthler: Dans les grandes lignes.
Le sénateur Rompkey: Pouvez-vous me dire quelques mots à propos de l'organisation et du financement des écoles à Terre-Neuve?
M. Duthler: Cela remonte à la façon dont Terre-Neuve a été peuplée à l'origine. Des communautés homogènes avaient leurs propres écoles et leurs propres églises à partir desquelles s'est constitué le système scolaire. En fait, c'était des écoles confessionnelles. Elles sont maintenant, en fait, financées par le gouvernement. Le système a évolué au fil des ans et diverses églises ont regroupé leurs écoles. Le résultat en est un système très semblable au système public existant dans d'autres provinces.
Le sénateur Rompkey: C'est justement la question. Ce système est-il semblable au système public des autres provinces?
M. Duthler: À certains égards oui, et à d'autres égards non.
Le sénateur Rompkey: Pouvez-vous me dire à quels égards il est semblable?
M. Duthler: Il l'est dans le sens où le système scolaire assure une meilleure représentation générale de la population locale. En d'autres termes, il est ouvert à toutes et à tous. Cela ressemble plus à ce qui existait en Ontario où l'école publique était protestante, mais tous les ministres du culte des différentes religions venaient y organiser certaines activités.
Le sénateur Rompkey: Le système de Terre-Neuve est tout à fait différent de celui de l'Ontario.
M. Duthler: Je le sais.
Le sénateur Rompkey: En Ontario, il y un système public et un système séparé. Ce n'est pas le cas à Terre-Neuve où il y a des écoles confessionnelles financées par le gouvernement. Même s'il y a un secteur intégré regroupant principalement l'Église anglicane, l'Église unie, l'Armée du Salut, les moraviens et les presbytériens, aucune de ces églises n'a renoncé à son droit à recevoir des fonds publics. Elles travaillent ensemble de façon unifiée, mais elles ne constituent pas un système scolaire public; elles n'ont pas renoncé à leur droit à recevoir individuellement des fonds du gouvernement.
Je veux souligner cela parce que le système de Terre-Neuve est différent de celui de l'Ontario. Quand vous dites que cette initiative porte atteinte aux droits d'une importante minorité, je me demande de quelle minorité vous parlez. Toutes les églises de Terre-Neuve ont été traitées de la même façon dans le passé et les conséquences de cette modification seront les mêmes pour toutes.
M. Duthler: Le problème tient en partie au fait que cet article inclut l'expression «école confessionnelle», en lui donnant toutefois un sens différent. Ce que nous proposons est plus proche de ce qui se fait dans les écoles publiques de l'Ontario.
Le sénateur Rompkey: Les conseillers des écoles publiques de l'Ontario sont-ils élus en fonction de leur confession?
M. Duthler: Non.
Le sénateur Rompkey: Ce sera le cas à Terre-Neuve. Les deux tiers des membres des commissions scolaires seront élus selon des critères confessionnels.
M. Duthler: C'est exact. Je parle plutôt des répercussions que cela aura sur le fonctionnement des écoles et leur véritable nature. Il y a de nombreuses différences et de nombreux parallèles.
En Ontario et dans d'autres provinces, les écoles confessionnelles -- les écoles séparées -- sont gérées par des commissions élues par des gens appartenant à la minorité catholique ou protestante.
Le problème ne concerne pas essentiellement la façon dont sont régies les écoles intégrées. Je sais que les confessions continueront de jouer un rôle important, mais il sera réduit. En fait, l'objectif sera l'intégration de toutes les écoles, si je comprends bien, sauf dans les cas prévus à l'alinéa b).
Le sénateur Rompkey: Vous proposez toutefois d'inclure les termes «lorsque le nombre le justifie» pour faire en sorte que les catholiques puissent avoir leurs propres écoles, lorsque le nombre le justifie. En d'autres termes, vous partez déjà du principe que les catholiques pourront avoir leurs propres écoles à Terre-Neuve. Vous nous dites qu'il faut insérer cette expression pour faire en sorte qu'il en soit ainsi, lorsque le nombre le justifie. Vos propos me semblent indiquer que vous partez du principe que les catholiques peuvent avoir leurs propres écoles.
M. Duthler: Il y a là deux questions en jeu. Dans une certaine mesure, les termes «lorsque le nombre le justifie» protègent les écoles catholiques, pentecôtistes et adventistes. C'est une position de repli.
L'autre question est celle de savoir si un gouvernement provincial devrait pouvoir dire au gouvernement du Canada qu'il veut modifier la définition des droits des confessions sans l'accord de celles-ci. Le fait même que cela inquiète les catholiques et les pentecôtistes devrait nous montrer clairement qu'un problème existe.
Le sénateur Rompkey: Quelle preuve avez-vous des préoccupations des minorités? Comment peut-on avoir des preuves de ce que pensent les minorités et de la façon dont elles s'expriment?
M. Duthler: C'est possible par l'intermédiaire de leurs dirigeants.
Le sénateur Rompkey: Comment définiriez-vous qui sont ces dirigeants?
M. Duthler: Ce sont les personnes nommées par ces confessions.
Le sénateur Rompkey: Pouvez-vous me donner des exemples de qui pourraient être ces dirigeants?
M. Duthler: Certains d'entre nous ont participé au congrès de l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques il y a une quinzaine de jours à Hamilton. Nous avons parlé de cette question avec plusieurs commissaires d'écoles de Terre-Neuve. Ils nous ont fait part de leurs préoccupations. Dans le passé, notre fédération a invité les directeurs exécutifs des écoles catholiques et des écoles pentecôtistes à nous rencontrer pour nous expliquer la situation.
M. Cvitkovitch: Au Manitoba, par exemple, notre communauté -- qui, comme je l'ai expliqué, représente une variété de dénominations -- a été contactée. Nous nous présentons ici aujourd'hui parce que nous sommes convaincus que nous devons intervenir, non pas en tant qu'association nationale mais en tant que province.
Pour revenir à la question scolaire du Manitoba, nous avons l'expérience de la négociation et des droits constitutionnels. Le compromis actuel a pu être obtenu grâce aux droits constitutionnels garantis aux catholiques par l'ordonnance remédiatrice. C'est une solution très politique et -- nous aimons à le croire -- purement manitobaine à ce problème. La crainte que tout autre groupe possédant des droits constitutionnels se les voie retirer au moyen de cette méthode suffit à nous inciter à intervenir. Le Parlement doit avoir un objectif quand il se penche sur cette question et ne doit pas laisser la province supprimer ces droits de sa propre initiative; cet objectif doit être la protection de la minorité.
Le sénateur Rompkey: Comment définissez-vous le terme «minorité»?
M. Cvitkovitch: Nous définissons le terme «minorité» dans ce cas-ci comme désignant les groupes catholiques, pentecôtistes et adventistes qui, de toute évidence, sont menacés à Terre-Neuve. La preuve en est qu'ils se sont adressés à nous pour nous dire qu'ils étaient menacés, et nous les croyons.
Le sénateur Rompkey: J'essaie de déterminer qui sont les gens dont vous parlez. Comme Allan Rock et d'autres l'ont dit, on a recouru à divers moyens dans la province pour établir ce que pensait la population dans son ensemble. Il y a eu, d'une part, un référendum, alors qu'il n'était pas nécessaire d'en tenir un. Un élément plus important a été le vote unanime de l'assemblée législative. En ce qui concerne les dirigeants et le fait de savoir qui parle ou non de qui, quel poids accordez-vous à la décision unanime de l'assemblée législative ou n'accordez-vous aucune importance à ce vote?
M. Cvitkovitch: Je n'accorderai pas d'importance à ce vote. Si cela forme un tout et si l'affaire est réglée, pourquoi se donner la peine de s'adresser au Parlement? Il n'y a qu'à laisser la législature de la province décider. S'il y avait aujourd'hui un vote au Manitoba au sujet du financement des écoles privées, il n'y aurait pas une majorité en faveur d'une telle proposition. S'il y avait un vote au sujet du français au Manitoba, il n'y aurait pas de majorité.
Le sénateur Rompkey: Il n'y a pas à s'inquiéter à ce sujet parce que cela ne serait pas un problème, comme vous le dites.
M. Cvitkovitch: Ce serait un problème. La majorité veut toujours éliminer les droits des minorités.
Le sénateur Rompkey: Vous voulez dire que la majorité ne voterait pas en faveur de cela au Manitoba?
M. Cvitkovitch: Elle ne voterait pas en faveur du financement des écoles privées et elle ne voterait pas en faveur du français, d'un programme aussi étendu que celui que nous avons au Manitoba. Toutefois, ce n'est pas le problème. Ce sont des droits qu'ont certains groupes et, comme je l'ai dit, pour ce qui est du droit à l'enseignement, nous avons négocié en nous appuyant sur le droit constitutionnel garanti par l'acte de l'ANB. À notre avis, toute tentative de porter atteinte à des droits que quelqu'un a reçus lorsqu'il est entré dans la Confédération représente un danger. Si on l'autorise dans ce cas-ci, peu importe si le contrat conclu entre Terre-Neuve et le Canada est ou non différent de celui conclu entre le Manitoba et le Canada, cela constitue néanmoins un précédent dans l'esprit des gens.
Le sénateur Prud'homme: L'école de Churchill Falls, au Labrador, était l'une des écoles privées?
Le sénateur Rompkey: L'école de Churchill Falls appartenait initialement à une société privée.
Le sénateur Prud'homme: Elle est encore financée par une société privée.
Le sénateur Rompkey: Elle est gérée par l'Association communautaire locale. Elle reçoit moins de crédits qu'auparavant mais elle en reçoit encore. Elle appartenait initialement à une société privée, c'est exact, tout comme les écoles de Labrador City et de Buchans.
Le sénateur Beaudoin: Le texte en question n'est pas seulement juridique, il est aussi constitutionnel. Nous devons en tenir compte. Donc, chaque mot est primordial, même sur le plan législatif. Le concept d'école confessionnelle figure dans l'acte de l'ANB depuis plus d'un siècle. De nombreux cas ont été présentés au Conseil privé et à la Cour suprême à ce sujet. La situation varie d'une province à l'autre, comme vous l'avez dit, madame la présidente. Au Manitoba, au Québec et en Ontario, la situation est très différente, tout comme à Terre-Neuve. Il faut donc tenir compte de chaque mot.
Le mot «uniconfessionnel» sera-t-il inclus dans la résolution? Quelle différence juridique y a-t-il entre «confessionnel» et «uniconfessionnel»? C'est de la plus grande importance parce que c'est particulier à Terre-Neuve.
M. Duthler: Comme M. Cvitkovitch l'a laissé entendre tout au début, nous ne sommes pas des experts en droit. Nous supposons que vous serez abondamment conseillés quant à la façon d'interpréter ces termes du point de vue juridique.
Nous voulons nous assurer que ces concepts sont bien compris. Vous avez touché du doigt un point très important, sénateur. Le terme «uniconfessionnel» ne figure pas dans le texte; il est néanmoins sous-entendu.
Le sénateur Beaudoin: Ce concept est-il envisagé?
M. Duthler: Ce qui figure en fait dans le texte est la possibilité de créer une école confessionnelle correspondant exactement à cette catégorie.
Le sénateur Beaudoin: Où cela figurera-t-il dans la Loi de Terre-Neuve?
M. Duthler: C'est à l'alinéa b)(i) dans les deux versions. En effet, on y trouve les termes «la création, le maintien et le fonctionnement d'une école soutenue par les derniers publics, qu'elle soit confessionnelle ou non». Il s'agirait d'une école destinée expressément aux catholiques et gérée par le conseil scolaire catholique.
Le sénateur Beaudoin: C'est très clair.
M. Duthler: Le problème se pose parce que l'alinéa a) propose que l'on considère toutes les écoles comme confessionnelles, à certaines exceptions près. «Confessionnel» voudrait alors dire que les différentes confessions ont le droit de pratiquer des activités religieuses dans ces écoles. Cette définition de «confessionnel» est différente de celle qui existait auparavant. Voilà où se situe le problème.
Le sénateur Beaudoin: D'où vient le concept d'école uniconfessionnelle? Figure-t-il dans une loi?
M. Duthler: Non. On le trouve dans divers documents. Les gens l'emploient quand ils parlent de cette question et nous l'avons lu dans divers textes.
Le sénateur Beaudoin: Figurera-t-il dans la résolution?
M. Duthler: Non.
Le sénateur Beaudoin: Figurera-t-il dans la loi de Terre- Neuve? Il faut que nous définissions cela.
Le sénateur Pearson: Non.
M. Duthler: Non. Quand nous utilisons ce terme, et nous le faisons simplement pour le moment parce qu'il est pratique et clair, nous voulons dire que, dans cette loi, le gouvernement de Terre-Neuve parle de trois sortes d'écoles. Il parle des écoles confessionnelles, ce qui veut dire que les différentes confessions ont la possibilité d'enseigner la religion dans les écoles. Il applique également ce terme à certaines catégories de personnes, ce qui désignerait une école catholique ou pentecôtiste déterminée. C'est dans ce cas que nous utilisons le terme «uniconfessionnel» pour faire une distinction avec les autres.
Le sénateur Doody: Il y a également le terme «multi».
Le sénateur Beaudoin: Y a-t-il aussi ce terme?
Le sénateur Doody: C'est l'autre aspect de la question, pour faire une distinction entre les écoles uniconfessionnelles et les écoles publiques qui seraient créées, c'est-à-dire les écoles multiconfessionnelles, non confessionnelles ou laïques.
Le sénateur Beaudoin: Je soulève cette question seulement parce que cela ne figure pas dans la résolution.
Le sénateur Doody: Non, en effet.
Le sénateur Beaudoin: Où cela sera-t-il, alors?
Le sénateur Doody: Dans l'esprit des gens qui gèrent les écoles.
M. Duthler: C'est une définition, sénateur Beaudoin, une explication des termes «la création, le maintien et le fonctionnement d'une école soutenue par les deniers publics, qu'elle soit confessionnelle ou non». Au lieu d'utiliser cette longue expression, nous disons «uniconfessionnelle». Le sens est le même dans les deux cas.
Le sénateur Pearson: J'ai deux questions différentes, qui découlent toutes deux de votre exposé. La première concerne les précédents. Vous avez parlé du danger d'établir un précédent. Il existe toutefois toutes sortes de précédents. Quoiqu'il advienne de cette résolution dont nous sommes saisis, il y aura un précédent. Si nous la rejetons, ce sera encore un précédent. Cela n'aura peut-être pas beaucoup de répercussions en matière d'enseignement mais cela en aura beaucoup pour ce qui est des relations fédérales-provinciales. Je veux m'assurer que les gens qui parlent de précédents soient conscients que cela s'applique dans les deux sens.
Je conteste votre affirmation relativement à l'illégitimité de cette procédure. La province nous en présenté légitimement sa demande. Elle a suivi une procédure légale qui légitime ses actes.
C'était mon premier commentaire. Je ne sais pas si vous voulez y répondre ou non.
M. Duthler: Vous avez raison, les précédents peuvent s'appliquer dans les deux sens. Nous sommes à une croisée des chemins. Si vous rejetez cette demande, cela établira un précédent très important. Vous direz en fait que le gouvernement du Canada n'approuvera pas automatiquement une modification de la Constitution pour la simple raison qu'une province le désire et qu'il ne le fera que s'il est convaincu que les droits devant être protégés le seront. Je pense que c'est un bon précédent à établir. Le fait même que la procédure de modification de la Constitution nécessite l'accord du Parlement du Canada est une reconnaissance du fait que ce n'est pas simplement une question intéressant une province, mais que cela concerne le reste du Canada et que le gouvernement du Canada a un rôle à jouer pour protéger les droits des citoyens d'une province. Cela me paraît clair. Il me paraît clair également que cela pourrait avoir des retombées politiques.
Le sénateur Pearson: Le mot «retombée» ne me paraît pas très approprié.
M. Duthler: Oui, vous avez raison.
Le sénateur Pearson: Je pense que de vrais problèmes se posent. Si nous rejetions cette demande, nous devrions justifier notre décision de tous les points de vue, ce qui m'amène à ma deuxième observation, le concept selon lequel tous les droits existent dans le contexte d'autres droits.
Quelqu'un a soulevé la question des droits parentaux, celle des conventions internationales, et cetera, mais il y a également les droits des enfants.
Il faut que nous soyons absolument certains que nos recommandations, quelles qu'elles soient, protègent les droits des enfants aussi bien que tous les autres droits devant être protégés. Il faut trouver un compromis entre tous ces droits. Comme l'a dit le sénateur Beaudoin en termes très pondérés, certains des termes employés sont extrêmement importants puisqu'il est question, sinon de diminuer des droits, tout au moins de les transformer. Il faut également transformer l'importance relative accordée à ces droits et c'est quelque chose que nous devons étudier soigneusement.
Avez-vous des commentaires à faire au sujet des droits parentaux?
M. Herfst: Il serait peut-être utile de faire abstraction pendant quelques instants du contexte de l'enseignement pour poser simplement la question suivante: si la Colombie-Britannique, que je représente, avait tenu un référendum pour supprimer les droits des francophones en matière d'enseignement, le gouvernement du Canada considérerait-il que ce référendum justifie la suppression de ces droits?
Le sénateur Pearson: Nous avons parlé du fait que, dans ce cas-ci, le référendum n'était pas obligatoire.
Le sénateur Beaudoin: Il n'était pas du tout obligatoire.
M. Herfst: Je sais qu'il n'était pas obligatoire, mais on se sert du référendum pour justifier ce qui se fait. Même s'il n'était pas obligatoire, il est en fait partie intégrante de ce débat politique légitime. Nous savons très bien que, juridiquement, cela ne crée pas un précédent applicable aux autres provinces. Nous sommes préoccupés par les répercussions politiques éventuelles de ce qui s'est passé ici.
Il pourrait y avoir des répercussions politiques si une province peut venir dire au gouvernement du Canada: «Nous avons tenu un référendum» et utiliser cela pour justifier la suppression de certains droits.
Le sénateur Pearson: Non, ce n'est pas le cas, même si cela peut vous préoccuper.
M. Herfst: Nous trouvons assurément cela préoccupant. C'est certainement la façon dont la presse en a parlé. C'est ce qui a été dit publiquement à l'appui de cette mesure. On a dit: «Nous avons tenu un référendum; il a été adopté par 54 p. 100 de la population; nous allons donc aller de l'avant.» C'est assurément la justification qui a été utilisée publiquement, quelles que soient les implications juridiques de cet argument. C'est autre chose.
Le sénateur Pearson: De nombreux autres éléments sont entrés en jeu. Les médias ont peut-être mis l'accent sur celui-ci, mais je ne suis pas sûre que vous devriez vous laisser guider par les médias.
M. Herfst: Je comprends tout à fait qu'il y avait d'autres éléments. J'essaie de faire ressortir que l'on a utilisé cela comme justification, même si ce n'était pas la seule. Si cette procédure peut être autorisée et si on peut utiliser cette justification, nous nous exposons à bien des difficultés pour ce qui est de la protection des droits garantis par la Constitution. Voilà ce qui nous préoccupe.
M. Cvitkovitch: Permettez-moi de signaler une coïncidence: en tant que membre de la circonscription de l'honorable Lloyd Axworthy, j'ai reçu une lettre de lui la semaine dernière qui disait qu'un vote en faveur du «oui» n'aurait pas préséance sur la Constitution. Bien entendu, il était question du Québec et de la séparation. Néanmoins, fondamentalement, cela veut dire que le gouvernement fédéral a le devoir de protéger la Constitution canadienne et les droits acquis des habitants de l'ensemble du pays.
Le sénateur Pearson: L'article 43 n'est cependant pas une modification constitutionnelle de ce type. Il est très important de savoir quelle sorte de modification constitutionnelle nous examinons.
M. Cvitkovitch: Je suis d'accord avec vous. Théoriquement, ce n'est pas la même chose. Cela crée néanmoins une volonté politique potentielle. Vous aviez tout à fait raison de dire que, quelle que soit votre décision, vous établirez un précédent. Si vous laissez la chose se faire, même si votre décision n'est pas fondée sur le référendum, quelqu'un d'autre pourra dire que c'était à cause du vote en faveur du «oui» à Terre-Neuve. Et quelqu'un d'autre l'utilisera certainement, à tort ou à raison, pour dire qu'un vote pour le «oui» constitue un précédent, quelles que soient les circonstances.
Le sénateur Pearson: Voulez-vous dire que cela lie Terre- Neuve?
M. Cvitkovitch: Peut-être bien, oui.
Le sénateur Gigantès: Je vous ai écouté. Vous ne m'avez pas convaincu que cette modification remet en cause de quelque façon que ce soit le droit des différentes minorités religieuses à avoir leurs propres écoles. Cette modification réduit simplement le domaine réservé des administrateurs de ces écoles.
Je suis impressionné par la décision unanime de l'assemblée législative de Terre-Neuve. Ces gens sont des politiciens qui veulent être réélus. Je ne sais pas combien il y a de politiciens qui veulent se suicider politiquement. Ils doivent être convaincus d'avoir l'appui de la population. Ce n'est pas le référendum qui leur donnerait cette conviction.
Pour finir, s'il y a des formules d'amendement dans la Constitution, c'est parce que ses auteurs ont prévu que des changements pourraient être nécessaires. Si on a prévu la nécessité de certains changements et si la méthode juridique, constitutionnelle permettant d'apporter de tels changements a été inscrite dans la Constitution, comment pouvez-vous dire que ce changement ne doit pas se faire si les exigences de la Constitution sont satisfaites?
M. Cvitkovitch: Si les auteurs de la Constitution avaient voulu qu'on puisse apporter un changement s'il était adopté à l'unanimité par l'assemblée législative, ils auraient indiqué que c'était la façon dont on pouvait procéder à un amendement. Ce n'est pas ce qu'ils ont dit. Ils ont dit qu'un amendement devait être approuvé par l'assemblée législative et qu'il devait ensuite être présenté au gouvernement du Canada.
Il doit y avoir une raison pour laquelle le gouvernement du Canada doit être saisi de cette question. De notre côté, nous entendons constamment dire que les habitants de Terre-Neuve veulent cette mesure et qu'elle devrait donc être approuvée. Si cela suffit pour modifier la Constitution, c'est ce que devrait indiquer la procédure d'amendement, et non pas prévoir un renvoi au gouvernement du Canada pour une question qui relève par ailleurs de la compétence provinciale.
Le sénateur Gigantès: Voulez-vous dire que la Constitution n'aura pas dû être rédigée comme elle l'a été?
M. Cvitkovitch: Je veux dire que, d'après la façon dont elle est rédigée, vous devriez tenir compte des droits des minorités sans vous limiter à ce que veut la majorité ou au fait qu'il y a eu l'unanimité à l'assemblée législative.
Le sénateur Gigantès: C'était la première chose que je voulais dire. Vous ne m'avez pas convaincu que les minorités religieuses perdaient le droit d'avoir leurs propres écoles où envoyer leurs propres enfants pour que ceux-ci reçoivent un enseignement religieux et participent à des services religieux et des cérémonies. Je ne vois rien dans cette modification qui les empêche de le faire.
M. Cvitkovitch: Nous ne sommes pas venus ici au nom des écoles privées du Canada pour vous convaincre du préjudice souffert par la minorité à Terre-Neuve, préjudice dont ses membres nous ont parlé. Pour nous, c'est un fait acquis. Ce n'est pas de cela que nous voulons parler. Nous sommes venus pour tenter de vous faire comprendre les répercussions que cette mesure aura sur le reste du Canada en ce qui concerne les droits des minorités, surtout pour ce qui est de ses conséquences potentielles sur les droits dans d'autres provinces.
M. Duthler: Cela se rattache à la question posée tout à l'heure par le sénateur Rompkey à propos des raisons pour lesquelles nous nous penchons sur la situation à Terre-Neuve. Comprenez bien, je vous en prie, que nous comptons parmi nos membres des écoles catholiques privées situées dans l'ensemble du pays et, plus particulièrement, en Colombie-Britannique et au Manitoba. Nous avons dans chaque province des écoles religieuses, pentecôtistes et autres. Toutes se sentent directement concernées par ce qui se passe à Terre-Neuve. Nous recevons toutes sortes de réactions à ce sujet. Nous comprenons ce que les adventistes, les pentecôtistes et les catholiques disent à cet égard: cela constitue un danger réel.
Pour ce qui est de la façon dont cela s'applique concrètement, il faut se référer à l'introduction à l'alinéa b) de la résolution en vertu duquel les catégories de personnes pouvant avoir leurs propres écoles confessionnelles, les écoles uniconfessionnelles, sont assujetties au droit provincial d'application générale. Leur droit à avoir de telles écoles est actuellement inscrit dans la Constitution. Il leur sera maintenant reconnu «sous réserve du droit provincial d'application générale». Il faudrait au moins ajouter «lorsque le nombre le justifie» afin que, lorsque les membres d'une confession donnée forment un groupe suffisant pour assurer la viabilité d'une école, ils puissent avoir le droit de créer une école de ce type. La proposition ne reconnaît plus ce droit pour ce qui est des écoles uniconfessionnelles. Il se trouve assujetti à la loi provinciale. Cela modifie profondément les droits de ces minorités.
Le sénateur Gigantès: Je n'interprète pas ce texte de cette façon. Je suis désolé.
Le sénateur Prud'homme: On a déjà dit beaucoup de choses au sujet du référendum. Je trouve maintenant surprenant que cela ne soit pas un argument valable pour certains de mes collègues qui sont assis, pour le moment, en face de moi. J'ai assisté à tous les débats à la Chambre des communes. Je répéterai à nouveau qu'il n'y avait même pas le quorum le 30 et très peu de gens sont intervenus. Pourtant ils ont presque tous dit: «La population s'est exprimée. Le référendum, le référendum, le référendum.» J'étais dans la tribune et c'est ce que j'ai entendu. N'allez pas me dire que c'est le référendum qui a amené certains députés à changer d'avis. Certains ont dit: «Je n'avais pas d'idées préconçues, mais les habitants de Terre-Neuve se sont exprimés lors du référendum et je ne peux que respecter leur désir.»
Vous avez tout à fait raison quand vous dites que s'il y avait actuellement un référendum portant sur la suppression des droits des minorités en Colombie-Britannique, ils seraient supprimés. Si les libéraux avaient été élus en Colombie-Britannique et s'ils organisaient un référendum pour annuler l'entente conclue entre le NPD et les Nisga'a, le traité serait mis aux oubliettes.
Ne venez pas me dire que le référendum n'a aucune répercussion sur cette question.
Le sénateur Milne: Messieurs, il y a deux points qui créent de la confusion dans mon esprit. Monsieur Duthler, vous avez parlé avec le sénateur Rompkey des quatre écoles privées de Terre- Neuve. Représentez-vous une ou plusieurs de ces quatre écoles?
M. Duthler: Nous en représentons deux. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous vous avons donné un aperçu général de la situation pour l'information des membres du comité. Le problème tient en partie au fait que nous voulions vous donner une idée du nombre des écoles privées. Cet aperçu contient une liste ventilée.
Le sénateur Milne: Je ne remets pas du tout cela en question. Je me demandais simplement comment vous aviez répondu à la question du sénateur Rompkey.
À la page 3 de votre mémoire, vous proposez des amendements ou des recommandations. Vos propositions d'amendement aux alinéas b)(i) et c) me paraissent très claires. Par contre, je ne comprends pas l'amendement proposé à l'alinéa b)(ii) que vous voudriez voir libeller ainsi:
sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création et du fonctionnement des écoles, la Législature peut approuver...
Cela ne va-t-il pas tout à fait à l'encontre de ce que le gouvernement de Terre-Neuve nous donne comme raison de toute cette initiative? Cela lui impose maintenant d'importantes contraintes financières parce que, s'il accorde des fonds à une commission scolaire, il doit en fournir aussi à toutes les autres en proportion du nombre de gens concernés.
M. Duthler: Nous disons que tel devrait être le cas «lorsque le nombre le justifie». C'est très clair. Quant au libellé, je ne suis pas juriste.
Le sénateur Milne: Moi non plus, mais j'ai du mal à le comprendre.
M. Duthler: Seuls des juristes peuvent inventer un texte comme «sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles». Mon président appartient à cette catégorie de gens et il me fera probablement des remontrances plus tard.
M. Cvitkovitch: Je voudrais dire que je n'ai pas «inventé» cela et ce n'est pas moi qui ai rédigé ce texte. C'est un pédagogue qui l'a fait.
M. Duthler: Nous parlons ici d'un élargissement des droits qui existent déjà. Si la province décide de le faire, elle le peut, sous réserve du droit provincial. Nous disons que, en effet, oui, la province peut le faire. Il y a quelques années, elle a étendu à l'Église pentecôtiste les droits concernant les écoles confessionnelles. Sous réserve du droit provincial, elle pourra, à l'avenir, décider d'ouvrir d'autres écoles à sa guise. C'est sa prérogative, que ces écoles soient confessionnelles ou non confessionnelles.
Le sénateur Milne: Est-ce que cela ne replonge pas la province dans le marasme financier dont elle cherchait à sortir?
M. Duthler: C'est ce qui figure dans la recommandation qu'elle vous a adressée.
Le sénateur Milne: Non, elle emploie seulement la dernière partie de cela, «la Législature peut approuver».
M. Duthler: Remarquez bien que l'alinéa b) commence ainsi. Il se lit: «sous réserve du droit provincial d'application générale», puis il y a l'alinéa b)(i) qui parle des écoles uniconfessionnelles. Il y a ensuite l'alinéa b)(ii).
Le sénateur Milne: En fait, vous placez le préambule de cet article dans la deuxième partie de celui-ci, c'est bien ce que vous proposez?
M. Duthler: Exactement.
La présidente: Merci beaucoup, messieurs, pour votre exposé. Je suis heureuse de votre présence à tous, plus particulièrement celle de M. Cvitkovitch. Je dois avouer mes préjugés dans ce domaine.
Nos deux prochains témoins vont nous imposer un sérieux effort de réflexion, surtout pour ceux d'entre nous qui ne sont pas juristes. Benoît Pelletier vient de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa et Dale Gibson de la faculté de droit de l'Université de l'Alberta. On va rapidement m'accuser d'avoir des préjugés parce que même le professeur Gibson a des antécédents manitobains.
[Français]
Monsieur Benoît Pelletier, professeur, faculté de droit, Université d'Ottawa: Je vous remercie, madame la présidente. Honorables sénateurs, j'aimerais vous remercier de me faire l'honneur de m'adresser à vous aujourd'hui, en ce qui concerne le projet d'amendement de l'article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.
Vous me permettrez, dans un premier temps, d'esquisser, sommairement, la portée de l'amendement qui est ici proposé, et, dans un deuxième temps, de m'attarder plus attentivement aux modalités techniques de l'amendement constitutionnel en tant que tel.
D'abord, comme vous le savez sans doute, et c'est pourquoi je serai sur cette question fort bref, Terre-Neuve a actuellement un système scolaire entièrement confessionnel, ce qui, d'ailleurs, détermine le caractère unique de ce système. Ce régime confessionnel maintient quatre systèmes indépendants: catholique, pentecôtiste, avantiste et un système regroupant les églises anglicanes et unies ainsi que l'Armée du Salut.
L'actuel projet de modification a pour objet de déconstitutionnaliser les droits confessionnels qui sont enchâssés par l'article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada pour remplacer le système d'écoles confessionnelles actuel par un nouveau système où la majorité des écoles seraient communautaires ou, si vous préférez, interconfessionnelles, c'est-à-dire qu'il y aurait des commissions scolaires communautaires et la plupart des écoles seraient, elles-mêmes, communautaires.
D'après ce que je comprends, néanmoins, l'enseignement religieux, les activités religieuses et les services de pastoral, pourraient être conservés même au sein des écoles communautaires.
Cependant, le rôle des églises dans l'administration des commissions scolaires et des écoles, serait réduit significativement. Par ailleurs, des écoles confessionnelles pourraient continuer d'exister mais seulement là où le nombre des élèves le justifie et lorsque les parents le souhaitent. Voilà la portée de l'amendement qui est proposé.
Je vais m'attarder à un certain nombre de préoccupations davantage techniques et, bien entendu, davantage juridiques. Je veux d'abord faire remarquer que l'article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada sont annexées à la Loi sur Terre-Neuve. La Loi sur Terre-Neuve figure dans l'annexe de la Loi constitutionnelle de 1982 et, en vertu de l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, les Conditions de Terre-Neuve au Canada, font partie de la Constitution du Canada. Il en est de même d'ailleurs, bien entendu, pour la Loi sur Terre-Neuve.
Cela veut dire, toujours en vertu de l'article 52, que la Loi sur Terre-Neuve et les Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada, ne peuvent être modifiées qu'en conformité des procédures d'amendements constitutionnelles qui ont été mises en place en 1982 et qui figurent dans la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982.
Je remarque, d'autre part, que même si les modifications qui sont proposées à l'article 17 actuel portent sur les droits confessionnels, il n'en demeure pas moins qu'il y a une partie de l'article 17 qui demeure intouchée: c'est la partie qui confère à Terre-Neuve le pouvoir exclusif d'adopter des lois en matière d'éducation: le même pouvoir que le paragraphe liminaire du paragraphe 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, accorde à six autres provinces canadiennes. C'est-à-dire que l'on n'a pas touché, et l'amendement qui est ici en cause ne touche pas, en quelque sorte, au pouvoir qu'a la législature terre-neuvienne d'adopter, dans l'avenir, des lois en matière d'éducation. On n'a pas touché à son pouvoir législatif en matière d'éducation. Cela me semble être extrêmement important. Un argument peut être avancé voulant que cette partie, en particulier de l'article 17, ne puisse être modifiée en vertu de l'article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982, qu'avec le consentement du Parlement du Canada et de sept provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population canadienne.
La partie de l'article 17 n'a d'ailleurs pas été touchée, donc n'est pas en cause, par rapport à l'amendement qui nous est ici soumis. La partie de l'article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada qui concerne le pouvoir de la législature terre-neuvienne d'adopter des lois en matière d'instruction et en matière d'éducation, à mon avis, requérerait, si on voulait la modifier, que l'on procède selon la procédure 7-50: la procédure générale établie en vertu de l'article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982, c'est-à-dire avec le consentement du Parlement du Canada et de sept provinces représentant 50 p. 100 de la population totale des provinces.
Je mets de côté cette partie de l'article 17 pour me concentrer sur les modifications des droits confessionnels. La question qui m'intéresse est celle de savoir en vertu de quelle modalité de modification constitutionnelle, les droits confessionnels conférés par l'article 17 peuvent-ils être modifiés?
À mon avis, il est clair que les droits confessionnels conférés à l'article 17 peuvent être modifiés en vertu de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. C'est d'ailleurs de cette façon qu'en 1987, l'article 17 a été modifié pour conférer des droits confessionnels aux écoles pentecôtistes.
Bien entendu, on pourrait toujours prétendre que le cas qui nous préoccupe aujourd'hui est différent de celui de 1987, et il l'est en soi. En 1987, des droits confessionnels supplémentaires ont été accordés en faveur des écoles pentecôtistes et les droits confessionnels historiques n'ont pas été touchés. Avec l'amendement qui est ici proposé, les droits historiques des écoles confessionnelles et des confessions religieuses seraient menacés, bien entendu.
Mais aux fins de l'amendement constitutionnel, je vous prie de me croire que le fait que l'on modifie l'article 17 pour enlever des droits ou pour en ajouter n'a, à mon avis, aucune conséquence concrète. Cela pose évidemment un problème fondamental auquel vous vous intéressez à savoir, est-ce que le Sénat, peut autoriser ou doit donner sa caution à une diminution de droits historiques ou de droits confessionnels? Cette question se pose et elle implique une interrogation sur le bien-fondé de l'amendement, elle implique un certain nombre de préoccupations politiques, elle implique une réflexion sur le rôle du Sénat et sur le rôle du Parlement du Canada. Je vous répète que, à mon avis, cela n'a aucune importance en ce qui concerne l'application de l'article 43.
Que l'on modifie l'article 17 des Conditions de l'union pour enlever des droits confessionnels ou pour en ajouter, ne change rien au fait que ce qui est en cause, essentiellement, c'est la modification de l'article 17. Cette modification peut être faite, à mon avis, selon la procédure prévue à l'article 43. Mais dire que la modification relève de l'article 43 n'est pas répondre à toutes les questions. L'article 43 prévoit le consentement du Parlement du Canada, y compris du Sénat, mais sous réserve du fait que le Sénat n'a, en la matière, qu'un veto suspensif, et également le consentement de toute province concernée par la modification en cause.
La question se pose, forcément, de savoir: est-ce qu'une autre province que Terre-Neuve serait concernée virtuellement ou concrètement, par la modification de l'article 17? À cette question, je m'empresse de répondre que non, à mon avis, la modification de l'article 17 ne concerne bel et bien que la province de Terre-Neuve. Bien entendu, cela pourra se faire en vertu de l'article 43 du consentement des autorités fédérales, certes, mais également du consentement de la législature de Terre-Neuve et, au niveau provincial, j'oserais dire d'elle seule.
Je voulais vous soumettre ces préoccupations techniques. Plusieurs sont tentés de faire le parallèle entre la situation terre-neuvienne et la situation québécoise. Il me fera plaisir de répondre à vos questions à cet égard, si vous le jugez utile. Je veux cependant souligner ce qui suit: il y a une très nette différence, à mon avis, entre la situation terre-neuvienne et la situation québécoise.
Dans le cas du Québec, l'article qui confère les droits confessionnels c'est le paragraphe 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cet article s'applique potentiellement à six provinces canadiennes. De plus, cet article est souvent vu comme étant le fruit d'un compromis historique qui serait intervenu au moment de la naissance de la Fédération canadienne et qui mettrait en cause, plus particulièrement, les quatre provinces fondatrices du Canada.
On constate, par ailleurs, que le paragraphe 93 ayant surtout des effets en ce qui concerne le Québec et l'Ontario, qu'il est fort possible qu'au premier chef ce soit ces deux provinces qui soient vraiment concernées par la modification du paragraphe 93. Les juristes divergent de points de vue quant à savoir en vertu de quelle modalité le paragraphe 93 lui-même pourrait être modifié.
Certains prétendent qu'il faudrait le consentement du Québec, de l'Ontario et du fédéral, toujours en vertu de l'article 43, de la Loi constitutionnelle de 1982. D'autres prétendent, qu'il faudrait le consentement du fédéral et des quatre provinces fondatrices du Canada. D'autres prétendent, qu'il faudrait le consentement du fédéral et des six provinces auxquelles le paragraphe 93 s'applique concrètement ou virtuellement.
Vous voyez que la dynamique qui concerne la modification du paragraphe 93 pose d'abord, en droit pur, un nombre de problèmes qui sont différents et qui sont, en fin de compte, plus nombreux que ceux que pose la modification de l'article 17 dans le cas de Terre-Neuve, dans un premier temps. Deuxièmement, le dossier de la modification du paragraphe 93 de la Loi de 1867, également, me semble, au point de vue juridique -- je me limite à des préoccupations juridiques -- être beaucoup plus nébuleux que le dossier concernant la modification de l'article 17 des Conditions de Terre-Neuve au Canada.
Je suis donc disponible pour répondre à vos questions. Ou encore, si vous le jugez approprié, je vais laisser plutôt la parole à mon collègue, maître Gibson.
[Traduction]
M. Dale Gibson, faculté de droit, Université d'Alberta: Je dois dire pour commencer, afin de simplifier les choses, que je suis entièrement d'accord avec tout ce que vient de dire mon collègue.
J'ai consacré presque toute ma carrière à l'enseignement du droit constitutionnel. Je dirige maintenant un petit cabinet d'avocats en Alberta qui traite principalement des questions constitutionnelles et politiques. Je m'occupe actuellement d'un procès important, une contestation de certains changements apportés à la School Act of Alberta; il s'agit des droits reconnus dans cette province et les questions dont vous êtes maintenant saisies sont donc très proches de ce à quoi je j'intéresse pour le moment.
En tant que Manitobain, maintenant Albertain d'adoption, et bien sûr résident de l'Ouest, je ne suis pas personnellement concerné par les questions à l'étude. À titre personnel, peu m'importe en réalité le sort de cette résolution. Je crois que mon rôle, et celui de M. Pelletier, est de vous apporter l'aide que nous pouvons au sujet des questions relativement arides et techniques que vous étudiez.
J'ai fourni un bref résumé de ce que je désire expliquer au comité. Je ne suivrai pas ce mémoire dans le détail, mais j'aborderai simplement les points principaux et j'ajouterai un ou deux éléments que j'ai oublié d'inclure quand je le préparais.
En bas de la page 1 de ce texte, vous verrez les trois principaux points dont j'ai l'intention de vous entretenir. Le premier porte sur les implications de cette résolution en ce qui concerne la souveraineté du Québec. Le deuxième concerne ses implications en ce qui concerne les minorités de la province de Terre-Neuve. J'ai oublié d'évoquer, mais je commenterai cette question quand nous en arriverons là, les implications en ce qui concerne les minorités existant en dehors de la province de Terre-Neuve. Pour finir, j'ai certaines réserves mineures au sujet du libellé même de la résolution que je voudrais porter à votre attention.
Pour ce qui est des implications en ce qui concerne la souveraineté du Québec, j'ai lu les débats de la Chambre des communes et j'ai été quelque peu surpris par le nombre de commentaires, provenant principalement, mais pas exclusivement, de membres du Bloc québécois, selon lesquels l'acceptation de cette résolution soumise par Terre-Neuve, puisque qu'elle repose sur un référendum, obligerait à l'avenir, d'une façon ou d'une autre, le gouvernement du Canada à accepter un référendum favorable à la souveraineté du Québec. À mon avis, c'est une opinion erronée. Il y a trois raisons pour lesquelles je crois que c'est une erreur.
La première est qu'il y a des différences très importantes, tant de forme que de fond, entre la résolution sur laquelle nous penchons maintenant, qui concerne la modification des conditions de l'union d'une province qui continue de faire partie du pays, et une modification qui entraînerait la séparation d'une partie importante du pays. C'est vraiment une comparaison qui ne tient pas debout.
Pour ce qui est de la forme, je suis d'accord avec M. Pelletier pour dire que c'est une modification qui, à juste titre, relève de l'article 43. Si les honorables sénateurs ou les députés avaient à traiter d'une résolution concernant le retrait du Québec, cela ne relèverait pas de l'article 43, mais, à mon avis, de l'article 38. D'autres pensent que le consentement unanime serait nécessaire. Nous ne voulons pas nous pencher sur cette question pour le moment, mais ce ne serait manifestement pas un amendement relevant de l'article 43.
La deuxième raison pour laquelle je pense qu'il est faux de dire que l'approbation de cette résolution entraînerait d'une façon ou d'une autre l'approbation d'une résolution relative à la souveraineté du Québec est l'hypothèse selon laquelle le référendum de Terre-Neuve aurait été un élément fondamental de la procédure de modification dans ce cas-ci. Il ne l'a pas été.
La province de Terre-Neuve a peut-être choisi cette méthode pour des raisons politiques, mais elle n'était pas obligée de le faire. La résolution aurait pu vous être présentée sans référendum et, si cela avait été le cas, les exigences constitutionnelles auraient été tout à fait satisfaites. À mon avis, le référendum n'est pas un élément significatif.
La troisième contre-vérité est l'idée, exprimée à de nombreuses reprises par les députés du Bloc québécois à la Chambre des communes, selon laquelle le Parlement est tenu d'accepter cette résolution. Tel n'est pas le cas.
D'après mon interprétation de la formule d'amendement de la Constitution, la Constitution exige que la Chambre des communes et le Sénat examinent séparément les mérites des résolutions qui leur sont présentées au titre de l'article 43. Si le Parlement constate qu'une résolution présente de sérieux défauts, il est, à mon avis, de son devoir de la rejeter et de la renvoyer pour qu'elle soit modifiée.
Nous avons affaire ici, surtout dans ce cas-ci, à des droits garantis par la Constitution. Les constitutions existent pour protéger les minorités contre les majorités. Toute résolution initialement adoptée par une province quelconque sera l'oeuvre de la majorité. Quelle protection reste-t-il? Elle est offerte par l'examen de la question en jeu par le Sénat et la Chambre des communes. À mon avis, votre devoir est d'étudier cette résolution en toute indépendance et non pas de l'approuver automatiquement. Pour cette raison, il est impossible de dire que, simplement parce qu'un référendum, une résolution ou je ne sais quoi d'autre vient d'une province, Ottawa devra nécessairement prendre une décision donnée.
Je vais maintenant passer à la question des implications pour les minorités de Terre-Neuve. Premièrement, l'article 17 actuel soustrait une minorité importante à la protection de la Constitution. Il exclut toutes les personnes qui ne souhaitent pas que leurs enfants fréquentent une école à caractère chrétien. Certains parents peuvent souhaiter que leurs enfants fréquentent des écoles offrant une autre orientation religieuse. Certains parents peuvent aussi vouloir que leurs enfants fréquentent une école totalement laïque. Ces gens-là ne jouissent à l'heure actuelle d'aucune protection constitutionnelle.
Si cette résolution offrait une protection constitutionnelle à ce groupe de gens, il me semble que, dans cette mesure, elle devrait être accueillie positivement par ce groupe. Je passe toutefois ensuite à la question de savoir si elle accorde une protection nouvelle à cette minorité. Selon moi, elle lui assure tout au plus une protection constitutionnelle très limitée.
Selon mon interprétation, elle autorise la province de Terre-Neuve à fournir des écoles à ces gens-là, mais elle ne l'oblige pas à le faire. S'ils ont certains droits en matière d'éducation à l'intérieur de la province de Terre-Neuve, cela sera simplement dû à la bonne volonté politique de l'assemblée législative de Terre-Neuve.
Le sénateur Gigantès: Parlez-vous de toutes les catégories?
M. Gibson: Non, monsieur, je parle simplement de la catégorie exclue jusqu'à présent. Passons maintenant aux gens qui sont actuellement protégés en vertu de l'article 17.
D'après mon interprétation de cette résolution, elle diminuerait les droits des personnes actuellement protégées en vertu de l'article 17 parce que cet article, sous sa forme actuelle, les protège contre toute loi provinciale qui pourrait porter préjudice à leurs droits ou privilèges alors que la version modifiée de cet article leur accorderait simplement une liste de droits nommément désignés et non pas une protection générale contre tout préjudice.
Je dois dire que les droits mentionnés dans cette liste sont très importants; le droit d'avoir des écoles, le droit de pratiquer une religion, de régir les activités académiques et de choisir le personnel enseignant, et cetera. Toutefois, ces droits ne sont manifestement pas aussi étendus que ceux dont ces gens jouissent actuellement. Comme l'a signalé la délégation qui est intervenue juste avant nous, ces droits, en ce qui concerne le maintien des écoles, sont assujettis au droit provincial. À mon avis, c'est une régression importante en matière de protection.
Il est vrai également que certains droits qui ne sont pas spécifiés dans cette liste sont probablement déjà garantis par la Constitution existante. Dans le texte écrit de mon mémoire, je fais, par exemple, référence au droit à rassembler des fonds localement pour compléter le financement accordé par la législature provinciale. Cela représente pour moi un droit résiduel dont jouissent les minorités dans le cadre de la Constitution existante et ce droit disparaîtrait.
Un droit plus important est celui de contrôler complètement la gestion des écoles. Il est vrai qu'on leur reconnaît le droit d'occuper les deux tiers des postes de commissaires d'école, mais les commissions scolaires peuvent représenter un bon nombre d'écoles de confessions différentes. Il en résulte une diminution globale importante des possibilités ou des droits de gestion accordés aux partisans des écoles confessionnelles.
Permettez-moi d'ajouter ici un bref commentaire au sujet des droits accordés aux minorités en matière d'éducation en dehors de Terre-Neuve. C'est une question à laquelle il est difficile de répondre; c'est pourquoi il existe des opinions divergentes à ce sujet. Il est important de dire que cette résolution ne devrait avoir aucune répercussion sur les droits des minorités en dehors de cette province. Elle n'a manifestement pas de répercussions juridiques, mais il est plus important de se demander si elle a des répercussions politiques ou constitutionnelles.
À mon avis, elle n'a aucune répercussion à l'extérieur de la province de Terre-Neuve, si, et seulement si, la Chambre des communes et le Sénat examinent et étudient expressément son bien-fondé et l'acceptent ou la rejette en fonction de cela. Dans ce cas, cela ne crée pas de précédent. Toutefois, si cette résolution est entérinée d'office à Ottawa, il me semble que cela constituera un précédent très important pour les autres provinces. On pourrait dire: «Bon, vous avez accepté automatiquement la proposition de Terre-Neuve, vous devriez donc en faire autant pour le Québec» ou l'Ontario ou l'Alberta ou n'importe quelle autre province concernée.
À mon avis, la réponse en ce qui concerne les répercussions à l'extérieur de Terre-Neuve tient à la mesure dans laquelle ce comité et le Sénat dans son ensemble examinent le bien-fondé de cette résolution. Nous avons constaté que, même si la Chambre des communes a débattu de cette question longuement et en profondeur, aucun comité ne l'a étudiée et les députés n'ont eu que peu de temps pour le faire.
Je suis d'avis que la Chambre des communes n'a pas accordé à cette question l'attention qu'elle mérite. Ce n'est que si le Sénat lui accorde l'attention qu'elle mérite que nous pourrons dire que c'est une question purement ponctuelle qui n'établit aucun précédent.
Le dernier point mentionné dans mon mémoire concerne mes préoccupations relativement au libellé. Je vous laisserai simplement lire mon texte. Vous pourrez me poser des questions à ce sujet mais, de façon générale, j'ai l'impression que c'est un texte juridique que tout le monde a bien du mal à comprendre, y compris les juristes. Je crois vraiment, même si je n'ai pas personnellement essayé de le faire, qu'on aurait pu rédiger cela en des termes que nous aurions plus de facilité à comprendre. Cela aurait peut-être semé moins de confusion dans ce débat. Je présente une ou deux propositions précises et je soulève quelques questions précises. Je ne ferai pas d'autres commentaires.
La dernière chose que je veux dire ne figure pas dans mon mémoire, mais elle a été souvent mentionnée lors du débat qui a eu lieu à la Chambre des communes: Terre-Neuve peut-elle atteindre ses objectifs en matière d'éducation sans modification de la Constitution? Le gouvernement de Terre-Neuve nécessite-t-il que la Constitution soit modifiée pour réaliser les réformes dont il parle?
Je pense que la réponse à cette question est que cela dépend de ce que veut vraiment le gouvernement de Terre-Neuve. Dans la mesure où il veut simplement permettre l'existence d'écoles non confessionnelles ou d'écoles pour les confessions jouissant actuellement d'une protection, il n'a pas besoin que la Constitution soit modifiée. À mon avis, il n'y a pas eu besoin d'une modification pour assurer une protection aux pentecôtistes en matière scolaire en 1987. La Constitution a été modifiée en 1987 pour constitutionnaliser ce droit. Si le gouvernement de Terre-Neuve veut constitutionnaliser les droits des minorités non confessionnelles, et cetera, à Terre-Neuve, une telle modification n'est pas nécessaire, mais elle ne crée aucun droit constitutionnel.
Pour ce qui est des écoles non confessionnelles et des confessions qui ne sont pas déjà protégées, je pense que cette résolution n'est pas nécessaire.
Toutefois, pour ce qui est des autres sortes de réformes que désire le gouvernement de Terre-Neuve, comme le regroupement des conseils scolaires pour réaliser d'importantes économies et d'autres choses de ce genre, je suis d'avis que cette modification de la Constitution est nécessaire parce que, en vertu de l'article 17 existant, on ne peut pas regrouper tout simplement les écoles catholiques et les autres. C'est impossible. Agir ainsi irait à l'encontre du droit de gestion garanti par la Constitution. Dans ce sens, pour réaliser ce genre de réforme, oui, cette modification de la Constitution est nécessaire.
Pour conclure, madame la présidente, à mon avis, cette résolution ne renforce les droits constitutionnels de personne. Dans une certaine mesure, elle diminue les droits constitutionnels des personnes auxquelles l'article 17 accorde déjà une protection. Elle n'a absolument aucune répercussion pour ce qui est de la souveraineté du Québec. En ce qui concerne les droits en matière scolaire à l'extérieur de la province de Terre-Neuve, elle n'aura de répercussions que si ce comité et le Sénat ne font pas leur travail correctement. Si vous faites votre travail correctement et l'acceptez ou la rejetez en vertu de son bien-fondé, cela n'établira, selon moi, aucun précédent.
[Français]
Le sénateur Beaudoin: Sur le sur le plan juridique, je suis d'accord généralement avec tout ce que vous avez dit. Il est évident que le cas de Terre-Neuve est unique. Il est évident que le cas de Terre-Neuve tombe sous l'article 43. La question du référendum québécois, c'est autre chose, j'y reviendrai. Sur plan juridique, je pense que l'on peut isoler complètement le cas de Terre-Neuve. Nous ne pouvons pas l'isoler sur le plan politique. Cela m'apparaît absolument impossible.
La Chambre des communes, si jamais l'amendement n'est pas accepté par le Sénat, interviendra de nouveau.
D'abord, il est vrai que nous changeons le système. Légalement, il n'y a aucun problème. Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. Pelletier, sur le plan strictement juridique. Cela ne touche pas à l'éducation. Nous ne devons pas toucher à l'éducation parce que c'est un sujet provincial. Pour changer cela, c'est la formule 7-50 qui s'applique. Nous n'y touchons pas du tout.
L'article 17, comme le paragraphe 93, est divisible, il y a une partie de l'éducation pour sauvegarder les provinces. La partie des droits confessionnels concerne tout le Canada. Cela ne considère pas seulement Terre-Neuve. En ce sens, nous avons un rôle à jouer à Ottawa.
Il y a tout de même une chose qui me préoccupe. Ma question s'adresse d'abord à M. Pelletier: si dans deux ans, Québec -- cela ne m'apparaît pas probable -- demande un amendement au paragraphe 93, je suis d'accord que peut-être il va falloir que deux, quatre ou six provinces disent oui.
Les juristes sont très divisés là-dessus. Vous avez raison. J'ai l'impression que si jamais il y avait une cause devant la Cour suprême, la Cour suprême adopterait une attitude flexible, et dirait que pour le Québec et l'Ontario, peut-être faudrait-il avoir le consentement de deux provinces. Enfin, cela sera un débat, si jamais il arrive.
Pour ce qui est du référendum du Québec, disons un référendum sur la sécession, je suis tout à fait d'accord avec vous. Le référendum ne fait pas partie de notre formule d'amendement. Le référendum est une question de démocratie directe. Si nous voulons mettre dans la même marmite l'indépendance du Québec, les réformes de l'éducation dans d'autres provinces et Terre- Neuve, nous ne ferons jamais rien. En ce sens, il faut régler le cas qui est devant nous. Mais il faut se souvenir que sur le plan politique -- ce n'est pas seulement un débat juridique mais aussi un débat politique -- cela aura des conséquences. Qu'elles soient fondées ou non, il va y avoir des conséquences.
[Traduction]
Je pense que M. Gibson pourra aussi répondre à la question de savoir comment on peut isoler cela entièrement.
[Français]
Cela n'est pas clair que nous puissions l'isoler. Légalement oui, nous le pouvons. Mais, il y a seulement un point qui n'est pas clair: c'est celui du paragraphe 93 pour les provinces de Québec et de l'Ontario. Mais pour le reste, cela va. Pour les droits linguistique cela va. Mais comment voulez-vous isoler ce cas des autres cas?
M. Pelletier: Prenons d'abord la question des droits confessionnels en tant que tels. Je dois vous dire que je ne connais aucune autre matière où, historiquement, nous avons voulu accorder au Parlement canadien un rôle aussi significatif en terme de protection des droits des minorités. Historiquement, il y a une entente entre les partenaires fédératifs pour un certain nombre de droits linguistiques, mais aussi pour les droits confessionnels. C'est deux volets de l'entente fédérative initiale étaient considérés comme étant vraiment fondamentaux pour la création du Canada.
Le sénateur Beaudoin: Il n'y a aucun doute là-dessus.
M. Pelletier: En matière de droits confessionnels, le paragraphe 93 de la Loi de 1867, prévoit un droit d'appel au gouverneur général en conseil et même la possibilité pour le Parlement du Canada d'adopter une loi palliative, que l'on appelle souvent une loi remédiatrice. Cela démontre que nous avons vraiment, historiquement voulu qu'en matière de droits confessionnels, les autorités fédérales assument un rôle de protection des minorités religieuses et des minorités confessionnelles.
À mon avis, ce qui était vrai, en ce qui concerne le paragraphe 93, l'était tout autant en ce qui concerne Terre-Neuve, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Alberta ou d'autres provinces qui, par la suite, ont adopté dans leur lois constitutives des dispositions qui étaient analogues, mais non identiques, au paragraphe 93 de la Loi de 1867.
On entend souvent l'idée voulant qu'il faille automatiquement acquiescer aux demandes de déconfessionnalisation parce que l'on prétend que c'est la seule façon de moderniser les structures et de «dépoussiérer» nos institutions.
Je pense, effectivement, qu'il faut être très prudent en la matière. Il ne faut pas oublier, comme le soulignait correctement le professeur Gibson, que nous ne devons pas faire en sorte que des majorités décident aujourd'hui du sort des minorités, cela même que la Constitution canadienne a voulu empêcher, et cela même que la Constitution canadienne a voulu prohiber.
Encore une fois, chaque cas doit être examiné à son propre mérite. Il me semble être bien certain que si le Parlement du Canada accepte la demande de Terre-Neuve en faveur de la modification de l'article 17 parce que l'on ne peut plus de nos jours s'opposer à la déconfessionnalisation des structures, éventuellement, le Parlement aura beaucoup de difficultés à refuser une demande, dans le même sens, qui lui proviendrait d'une autre province canadienne et plus particulièrement qui lui proviendrait du Québec.
Il ne faut pas négliger le geste que s'apprête à poser le Parlement du Canada dans le sens où cela est un précédent. Il est bien entendu qu'il s'agit d'un précédent qui pourra éventuellement être invoqué par des provinces autres que la seule province de Terre-Neuve en tant que tel.
Sur la question de la flexibilité qui caractériserait, sans aucun doute, une décision de la Cour suprême du Canada en matière d'amendements constitutionnels, si demain la question lui était posée, je suis parfaitement d'accord avec vous, même si théoriquement l'argument peut être avancé voulant que le paragraphe 93 de la Loi de 1867, à titre d'exemple, ne puisse être modifié qu'avec l'accord de quatre ou de six provinces ou même de deux provinces.
Il est possible que la Cour suprême du Canada autorise des modifications du paragraphe 93 qui seraient faites du seul consentement du Québec et des autorités fédérales.
Le sénateur Beaudoin: C'est possible.
M. Pelletier: C'est possible. Il n'est pas interdit de le penser surtout à cette période-ci de l'histoire canadienne où plusieurs dénoncent, à tort ou à raison, la rigidité de la Constitution canadienne et où la Cour suprême du Canada pourrait être tentée de démontrer que cette Constitution sait faire preuve de beaucoup plus de flexibilité que certains ne le croient.
Sur la question du référendum et dans le contexte de l'accession du Québec à la souveraineté soulignée par mon collègue, qui a d'ailleurs fait l'objet de votre question, permettez-moi de dire ce qui suit: le référendum québécois, s'il devait être tenu au cours des prochaines années et s'il devait être tenu de la même façon qu'il l'a été le 30 octobre dernier, ce référendum porterait essentiellement sur un projet de déclaration unilatérale de la souveraineté en vertu du droit international. Je ne crois pas que l'intention du gouvernement du Québec soit de se conformer aux procédures d'amendements constitutionnels canadiennes.
Le sénateur Beaudoin : C'est cela.
M. Pelletier: Forcément, déjà la situation est nettement différente par rapport à celle qui nous intéresse ici. Nous sommes en présence d'un référendum qui vient cautionner et appuyer une demande de modification constitutionnelle, mais qui se fait conformément au cadre constitutionnel canadien et qui se fait conformément aux procédures d'amendements constitutionnels instaurées en 1982.
Le référendum ne vient pas remplacer les procédures actuelles par une nouvelle formule qui fait appel à la démocratie directe, bien entendu. Nos procédures demeurent et demandent une ratification législative par la province de Terre-Neuve et par le Parlement du Canada, dans le cas qui nous intéresse. Le référendum vient appuyer et cautionner une demande d'amendement constitutionnel, vient appuyer et cautionner une démarche provinciale visant à la modification de l'article 17.
Dans le cas du projet sécessionniste québécois, à mon avis, nous sommes carrément dans une matière complètement différente où le référendum viendrait appuyer une démarche qui viserait à rompre le cadre constitutionnel canadien, et qui viserait à s'inscrire à l'écart et à l'extérieur du cadre constitutionnel canadien et sans respecter les procédures d'amendements constitutionnels mises en place en 1982.
Si la question m'est posée, à savoir si le Parlement du Canada, en acceptant la résolution qui lui est proposée par Terre-Neuve, se trouve à reconnaître, qu'en tout temps, il devra accepter les verdicts référendaires quel qu'en soit la nature, je suis obligé de répondre que non. Encore une fois, si un référendum vient tout simplement endosser ou appuyer une démarche conforme au droit constitutionnel canadien, c'est complètement différent de la situation où un référendum vient appuyer une démarche qui vise à rompre ce même cadre constitutionnel.
Le sénateur Beaudoin : C'est tellement vrai que s'il n'y avait pas eu de référendum à Terre-Neuve, nous en serions exactement dans la même situation. Cela ne change absolument rien.
M. Pelletier: Comme M. Gibson le soulignait, par ailleurs.
Le sénateur Beaudoin: Je suis d'accord pour dire que dans l'esprit des gens c'est une analogie avec une sécession d'une province.
M. Pelletier: Non.
[Traduction]
La présidente: M. Gibson voudrait peut-être ajouter quelque chose.
M. Gibson: Mon collègue ainsi que mon excellent ami et ancien collègue, le sénateur Beaudoin, se sont exprimés si clairement que je n'ai rien d'autre à ajouter.
Le sénateur Beaudoin: Si nous sommes d'accord, je m'en tiendrai là.
Le sénateur Gigantès: Votre exposé était très clair et je vous en suis reconnaissant. M. Gibson, lorsque des juristes se présentent devant nous, je les comprends. Quand ils écrivent quelque chose, je n'y comprends rien. Je suis content que vous nous ayez présenté oralement vos idées.
[Français]
Professeur Pelletier, vous avez mentionné l'article 38 comme un moyen de changer quelque chose dans une province, si cette province représentant 50 p. 100 de la population était d'accord. Est-ce que la province en question ne devrait pas faire partie des sept dans ce cas?
M. Pelletier: Il n'y a réellement aucun auteur à l'heure actuelle qui peut confirmer ou infirmer que la province doive faire partie du 7-50. À l'article 38, évidemment, on établit la procédure 7-50 et c'est une procédure générale, c'est une procédure résiduaire. Il est prévu que si une modification constitutionnelle affecte les droits des provinces en matière d'éducation, à ce moment-là, une province a un droit de retrait avec une compensation financière. Tout cela est prévu à l'article 38.
La plupart des auteurs qui examinent l'article 38 en déduisent que, dans la mesure où le droit des provinces d'adopter des lois en matière est en cause, la procédure applicable est celle de l'article 38, c'est la procédure 7-50. Une province a un droit de retrait avec compensation financière dans la mesure où la modification affecte ses droits ou privilèges.
Évidemment, ce que l'on a surtout en tête c'est la paragraphe liminaire du paragraphe 93 de la Loi de 1867 qui reconnait aux provinces le pouvoir d'adopter des lois en matière d'éducation mais qui, juridiquement, ne s'applique qu'à six provinces sur dix. En serait-il différemment dans le cas des modifications affectant la Saskatchwan, l'Alberta, le Manitoba ou Terre-Neuve qui ont vraiment des dispositions particulières que l'on retrouve dans leurs lois constitutives? Je crois que la réponse devrait être non. Là aussi, le pouvoir des provinces d'adopter des lois en matière d'éducation devrait être soumis à la procédure 7-50 de l'article 38.
Est-ce que dans cette procédure 7-50, on doit nécessairement inclure la province spécifique qui est en cause? C'est une question non résolue par les juristes. Je peux même vous dire que c'est une question qui a été presque pas abordée ou même considérée par les juristes jusqu'à présent. Je serais bien mal aisé de vous donner une réponse catégorique en la matière. J'aurais tendance à croire que la Cour suprême, effectivement, demanderait que dans le 7-50 figure la province concernée.
Le sénateur Gigantès: Je voudrais revenir au Québec. Vous avez dit qu'un référendum fait par le Québec sur son projet sécessionniste serait un référendum pour rompre, en ce que le Québec est concerné, le cadre constitutionnel canadien et sortir de ce cadre.
Cependant, le reste du Canada n'aura pas rompu ce cadre. Il serait forcé de changer sa Constitution pour accepter la sortie du Québec. Cela prendrait du temps. Il est fort probable que dans cette procédure de changements constitutionnels, les autres provinces du Canada diraient qu'elles ne veulent pas avoir la même Constitution dans laquelle l'Ontario nous dominerait totalement. Cela prendrait beaucoup de temps, et ne pourrait pas se faire en un an.
Quand des Québécois disent que cela peut se faire dans un an, soit qu'ils ne savent rien des affaires juridiques et constitutionnelles, soit que les arguments qu'ils veulent négocier sont un trompe l'oeil.
M. Pelletier: Oui, vous voulez mes commentaires à ce sujet. Je crois quand même que la question de la sécession du Québec pose davantage de problèmes que les seuls problèmes juridiques que vous mentionnez. Dans le contexte où le Québec devait devenir souverain en vertu du droit international, cela signifie que nous devrions constater à un moment donné que la Constitution canadienne ne serait plus appliquée au Québec, que les citoyens ne se sentiraient plus obligés d'y obéir, et que les tribunaux québécois qui auraient compétence dans l'ordre québécois eux-mêmes ne se sentiraient plus en droit d'appliquer et de respecter la Constitution canadienne mais se référeraient tout simplement à un nouvel ordre juridique sur le territoire québécois où s'appliquerait l'ordre juridique d'un Québec souverain.
Vous auriez à ce moment une rupture entre l'ordre juridique québécois qui serait parfaitement souverain et qui ferait fi de la Constitution canadienne et du sort qui lui serait réservé. Vous auriez un ordre juridique qui continuerait à exister dans le Canada et cet ordre juridique serait l'ordre juridique constitutionnel canadien.
Si le Canada disait: on doit modifier notre Constitution et cela va prendre trois, cinq ou 10 ans, si le Québec devient souverain en tant que tel, le Québec n'aura plus rien à voir avec cette Constitution canadienne. Le problème de l'amendement de la Constitution canadienne relèvera strictement du Canada et ne concernera plus le Québec, ses institutions, ses citoyens et ses tribunaux.
Il faut également savoir que si le Québec devait devenir souverain, la prémisse de départ est que le Québec acquiert la souveraineté, parce que si le Québec n'acquiert pas sa souveraineté au moins au plan du droit international, cela veut dire que l'ordre constitutionnel canadien continue toujours à s'appliquer, y compris la Constitution canadienne sur le territoire québécois. Si le Québec devait devenir souverain, à mon avis, le Canada n'aura pas comme seule question celle de savoir comment on va pouvoir modifier la Constitution canadienne pour que celle-ci ne fasse plus mention de l'existence du Québec. Le Canada en entier devra se redéfinir en tant que structure fédérative ou unitaire. Il devra redéfinir le sort qu'il voudra réserver à ses minorités linguistiques, à ses différentes communautés, ses valeurs. Mentionner cela, c'est mentionner l'ampleur des problèmes qui se poseraient non seulement au Canada mais aussi à ses institutions parlementaires.
Le sénateur Gigantès: Comment est-ce que le Québec devenu souverain par déclaration unilatérale d'indépendance négocierait-il?
M. Pelletier: On comprend qu'on déborde un peu le contexte de l'article 17.
[Traduction]
La présidente: C'est fascinant, mais nous pourrions peut-être nous concentrer sur l'article 17 et Terre-Neuve.
Le sénateur Beaudoin: Nous parlons de trois problèmes en même temps.
Le sénateur Gigantès: Madame la présidente, l'une des questions concerne les implications pour les autres provinces. Les deux professeurs de droit ont mentionné le Québec. M. Pelletier a parlé longuement -- et brillamment -- des problèmes constitutionnels et juridiques que pose la sécession du Québec. Il vient de dire que le Québec n'aurait pas à se soucier de ce qui se passe juridiquement et constitutionnellement dans le reste du Canada, mais avec qui le Québec négocierait-il son détachement?
La présidente: Sans vouloir vous offenser, sénateur Gigantès, cela n'a rien à voir avec l'article 17. Six autres sénateurs veulent poser des questions portant expressément sur l'article 17.
[Français]
Le sénateur Prud'homme: Monsieur Pelletier, je suis très heureux de vous voir ici. On vous surveille et on vous écoute depuis très longtemps. Vos propos sont toujours pondérés. Cela commence à être un peu fatiguant d'entendre dire que Terre- Neuve est unique. La Constitution est pleine de choses uniques.
Il est dit dans la Constitution que vous ne pouvez pas avoir moins de députés que de sénateurs. C'est pour cela qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, il y a quatre députés parce qu'il y a quatre sénateurs. Le Nouveau-Brunswick devrait avoir sept députés. Ils en ont 10. Pourquoi? C'est une exception. On dit que cela coûte très cher à Terre-Neuve. Des arguments de fond n'ont pas été encore faits par nos amis pour nous convaincre. Toute la question réside sur le fait que cela coûte très cher. Mais l'Ontario n'a jamais voulu accepter l'article 133.
[Traduction]
Je vais bientôt proposer que l'Ontario respecte l'article 133. C'est la prochaine motion que je présenterai à la rentrée parlementaire. Pourquoi le Québec est-il seul à avoir cet article? Cela coûte immensément cher. L'Ontario n'a jamais voulu respecter l'article 133 en ce qui concerne le bilinguisme. Tout doit être traduit et tout doit être fait dans les deux langues. Cela coûte cher.
Je pourrais continuer à parler longtemps de cette question des particularités. Toutefois, madame la présidente dira: «Alors, et l'article 17?» Ces questions importantes ont été discutées pendant toute la journée hier et elles le seront à nouveau cet après-midi quand nous entendrons M. Ovide Mercredi. Voilà encore une autre grande particularité.
[Français]
Vous avez dit qu'en 1987, on en a ajouté. Il n'y a pas eu de débat, vous le savez. Qui peut s'objecter à ajouter des droits? Il n'y a pas eu de débat sur le fait que le système d'éducation de mes amis et voisins de Terre-Neuve était le pire système. Comment peut-on être aussi insultant, comme l'a mentionné le sénateur Doody, en allant jusqu'à dire qu'un diplômé de douzième année à Terre-Neuve équivaut à un diplômé de huitième année en Ontario. Il faut être vulgaire pour employer des arguments semblables, mal poli, c'est le moins que l'on puisse dire!
Vous avez clairement dit qu'en 1987, aucun débat ne s'est tenu sur le système d'éducation de Terre-Neuve; soudainement, débat général. Pourquoi? On en a ajouté. Certainement qu'il y aurait eu débat vigoureux. J'étais député à l'époque. Il y aurait eu certainement un débat. Le sénateur Rompkey était député à l'époque. Le sénateur Doody et le sénateur Gigantès étaient sénateurs à l'époque. Il y aurait évidemment eu un débat puisque l'on aurait enlevé un droit. Là, on en a ajouté. Je porte tout mon débat sur ce sujet.
[Traduction]
Je répète que, en tant que sénateur, j'attends encore qu'on me convainque. Je ne me laisse pas imposer quoi que ce soit. Je n'approuverai pas automatiquement cette résolution et d'autres sénateurs devraient réagir de la même façon.
[Français]
Autrement, il n'y a aucune justification à l'existence du Sénat. C'est exactement la raison d'être du Sénat, la protection des minorités et des régions. C'est la raison d'être du Sénat. Les Pères de la Confédération ont décidé d'être sages et prudents en décidant qu'il fallait l'assentiment du Sénat.
[Traduction]
Pourquoi les Pères de la Confédération ont-ils dit qu'il fallait l'assentiment du Sénat? Ils n'ont pas dit que le Sénat approuverait tout ce qu'on lui soumettait. Peut-être n'approuvaient-ils pas la façon dont agissaient les provinces et l'histoire a montré qu'ils avaient raison. Si on laisse les provinces libres de s'en prendre aux droits, cela peut être très dangereux. Madame la présidente sait ce qui s'est passé au Manitoba.
J'ai reçu 17 appels téléphoniques ce matin après la diffusion des séances du comité à la télévision hier soir; c'étaient des gens qui veulent maintenant comparaître devant nous. Ils m'ont dit qu'ils ne savaient pas que les questions en jeu étaient si complexes. Certains ne sont pas d'accord avec moi, comme ils en ont le droit dans une démocratie.
[Français]
Je trouve l'attitude de certains de mes collègues membres du comité...
[Traduction]
Je ne suis pas membre de ce comité. C'est par pur dévouement que je viens ici cette semaine. J'ai suivi cette question depuis le premier jour. Je vais dire officiellement que j'ai été le premier à demander la tenue d'audiences il y a un an. Le comité est maintenant saisi de cette question. D'autres ont suivi le mouvement et j'en suis heureux.
[Français]
M. Pelletier: Je m'en voudrais de ne pas soumettre la réflexion suivante qui m'est inspirée par vos propos. Il est bien certain que si une demande d'amendement constitutionnel était éventuellement soumise au Sénat en ce qui concerne un droit linguistique conféré par l'article 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba ou concernant l'article 133 de la Loi de 1867 ou un autre droit linguistique constitutionnel, le Parlement du Canada pourrait très légitimement dire: il y a une distinction entre les droits linguistiques et les droits confessionnels. Ils n'ont pas le même statut de nos jours que les droits confessionnels dans la définition de ce que le Canada est.
Sur la base de différents éléments de différenciation, le Parlement du Canada pourrait adopter une attitude différente dans le cas de la modification d'un droit linguistique plutôt que dans le cas de la modification d'un droit confessionnel.
C'est ce que soulignait probablement mon collègue lorsqu'il disait que chaque cas doit être apprécié à son juste mérite. Si l'on est en présence d'une modification d'une autre nature qui concerne des droits d'une autre nature, le Parlement du Canada n'est pas obligé d'adopter le même comportement.
Ceci étant dit, il me semble également certain que si vous avez en tant que parlementaires d'autres demandes visant la déconfessionalisation dans d'autres provinces canadiennes, il me semble bien certain que le cas de Terre-Neuve deviendra un précédent qui risque d'avoir un certain impact sur le comportement du Parlement du Canada. Si l'on accepte la déconfessionalisation pour moderniser les structures ou pour «dépoussiérer» les structures comme certains le prétendent, il est bien certain qu'à chaque fois qu'une autre demande sera formulée dans ce sens, le Parlement devra presque automatiquement acquiescer à la demande en question sous réserve de modalités de modification constitutionnelle qui peuvent différer ou poser un problème dans un cas plutôt que dans un autre.
J'ai évoqué le mot «dépoussiérer» à deux reprises et je l'utilise avec réserve. Je considère que les droits confessionnels sont quelque chose d'important. Les droits confessionnels sont encore importants dans la définition du Canada. Cela veut-il dire qu'il ne puisse pas y avoir de place pour des systèmes communautaires? Poser la question, c'est y répondre. Il doit y avoir de la place pour des systèmes communautaires mais aussi pour des protections accordées en faveur des droits confessionnels.
Vendredi dernier, la question m'était posée concernant un cas en Ontario. Un groupe veut soumettre une plainte auprès de l'Organisation des Nations Unies pour stopper le financement des écoles catholiques en Ontario. Ils veulent faire en sorte que ce financement ne soit plus obligatoire afin que les écoles catholiques n'aient plus droit à un financement provincial. Vous voyez jusqu'où le précédent terre-neuvien s'est répandu. Nous le constatons au Québec. Il se répand en Ontario et il peut poser une problématique qui déborde largement le cadre de Terre-Neuve.
Si le Sénat n'a pas en tête l'ensemble de ces données politiques et, je dirais, sociologiques, alors en ce moment, le Sénat n'a pas tous les instruments pour prendre la meilleure décision dans les circonstances.
[Traduction]
M. Gibson: Je voudrais simplement dire brièvement quelques mots pour répondre à une des observations du sénateur Prud'homme. Je dois avouer -- et un ou deux d'entre vous le savent peut-être déjà -- que j'ai écrit à plusieurs reprises qu'à mon avis, le Sénat devrait être aboli.
Le sénateur Beaudoin: Il faut l'unanimité pour ça.
M. Gibson: Je dois vous dire que c'est maintenant l'un des rares cas où j'ai dû réexaminer mon point de vue. Lorsqu'une question qui a une très grande importance constitutionnelle est présentée à l'autre chambre et n'y est pas traitée de façon satisfaisante, cette chambre-ci est nécessaire pour faire le travail que l'autre n'a pas fait.
Le sénateur Pearson: Monsieur Gibson, vous avez dit que les retombées ou les implications de cette décision dépendront dans une large mesure de la façon dont nous examinons cette question et j'ai trouvé la façon dont vous disiez cela très intéressante. Ma question concerne les précédents. Quelle sorte de précédents juridiques et constitutionnels seraient créés, selon vous, si nous concluons que toutes les conditions ont été remplies relativement aux demandes qui nous ont été présentées et qui ont été énoncées dans les exposés que nous ont présentés la semaine dernière des représentants de la province et si nous décidons néanmoins de rejeter cette résolution?
M. Gibson: De façon générale, je pense que cela établirait un bon précédent, non pas pour ce qui est du bien-fondé de cette affaire-ci, mais pour ce qui est de montrer que cette Chambre a pour rôle d'agir de façon indépendante et comme elle l'entend et non pas de se laisser guider par des principes théoriques.
Nous parlons ici des précédents politiques plutôt que juridiques mais, même en ce qui concerne les précédents politiques, on peut en évaluer l'importance en fonction des raisons invoquées à l'appui d'une décision quelconque. Si cette résolution est adoptée simplement parce qu'une province en a fait la demande au Parlement, cela a des répercussions très négatives. Si la raison en est que le Parlement est d'avis qu'il faut restreindre les droits concernant les écoles confessionnelles, cela constitue également un précédent très important. Si, par contre, vous disiez: «Nous avons examiné cette question très soigneusement et, à notre avis, cela ne restreindra pas de façon importante les droits des minorités», je ne crois pas du tout que cela aurait d'importantes répercussions sur les autres provinces. Cela voudrait dire que, la prochaine fois qu'une province vous soumettrait une mesure de ce genre, vous l'examineriez avec soin pour voir si vous êtes d'accord.
Je pense que l'acceptation de ce changement aurait valeur de précédent, tout au moins dans la mesure où, si j'ai raison de dire qu'il restreint les droits des minorités, le précédent serait que le Sénat et la Chambre des communes sont prêts à accepter une restriction des droits des minorités au niveau provincial. Ce serait un précédent très important, et certains le considéreraient même comme très dangereux.
Le sénateur Pearson: Je reviens toujours à mon idée au sujet du compromis à atteindre entre les droits parce qu'à mon avis, en restreignant certains droits, nous augmentons les droits des autres.
M. Gibson: C'est certainement à vous de vous prononcer là-dessus plutôt qu'à moi.
Le sénateur Pearson: Si telle est notre conclusion, cela aurait une autre répercussion. À mon avis, les questions concernant les droits confessionnels sont complexes. Ce n'est pas comme quand on est handicapé. Les gens peuvent quitter une religion ou adhérer à une autre.
M. Gibson: C'est possible.
Le sénateur Doody: Où? Pas là d'où je viens.
Le sénateur Pearson: Peut-être pas là d'où venez. Ce qui me préoccupe, ce sont les droits des enfants.
M. Gibson: Sénateur, je pense que la question est de savoir quels droits sont ainsi créés en compensation. Il est important de faire une distinction entre les droits qui peuvent être accordés par les dispositions législatives et les arrangements politiques existant actuellement à Terre-Neuve et les droits accordés à la suite d'une modification en vertu de la Constitution. Il ne me semble pas que cette modification de la Constitution accorde de nouveaux droits à qui que ce soit. Il y aura peut-être des droits qui seront accordés suite à une décision politique prise à Terre-Neuve, mais pas comme conséquence de cette résolution.
Le sénateur Doody: Je me demandais quel précédent pouvait résulter du rejet de cette résolution. Le sénateur Pearson a déjà posé cette question, je laisserai donc mon tour.
[Français]
Le sénateur Poulin: Vos recherches et notre discussion ce matin, nous facilitent la tâche et apportent énormément de sérieux à la question. Comme vous l'avez si bien dit, notre responsabilité est assez lourde. Vous nous avez très bien rappelé notre objectif, qui est celui de revoir la possibilité de permettre à une province, Terre-Neuve, d'apporter des changements de fond à son système d'éducation. Cette question a été soulevée bien avant que notre comité ne l'étudie, nous le savons bien. C'est une question qui date d'au moins six ans, compte tenu que le gouvernement de Terre-Neuve avait mis sur pied une commission royale.
Les témoins qui vous ont précédés, et qui représentaient la Fédération canadienne des écoles privées, nous ont rappelé que chaque province de notre pays a son histoire qui lui est particulière et unique en matière d'éducation.
[Traduction]
Les représentants des écoles privées du Canada nous ont rappelé que cela pourrait rendre plus fragiles les droits des minorités dans les autres provinces. Tous mes collègues du Sénat représentent une région déterminée et, très souvent, une minorité déterminée. Je suis franco-ontarien et je viens du nord de l'Ontario. La question des droits des minorités est pour moi très concrète.
Il est très important que nous ne nous en tenions pas aux apparences et que nous soyons clairement convaincus que les changements apportés à l'article 17 ne s'appliquent qu'à une province. Cela devrait permettre à l'ensemble du pays de se rendre compte que l'histoire de l'enseignement à Terre-Neuve est différente de ce qu'elle est en Ontario et que notre société a évolué, tout comme les minorités elles-mêmes ont évolué. Peut-être pourriez-vous nous parler de cela.
M. Gibson: Je suis tout à fait d'accord pour dire que pratiquement chaque province est unique en ce qui concerne les droits des minorités en matière d'éducation. L'histoire pourrait nous montrer que l'article 93 a eu certaines répercussions en Ontario et au Québec et qu'il en a eu d'autres au Nouveau- Brunswick et en Nouvelle-Écosse. On pourrait examiner les horreurs qui se sont produites au Manitoba. Ce qu'on avait cru être une amélioration s'est avérée ne pas en être une. Il y a eu des changements très importants dans les Territoires du Nord-Ouest, et cetera. Il ressort manifestement de tout cela que les droits sont différents dans chaque cas.
Je ne sais pas si l'on peut dire que chaque province a les droits qu'elle désire. Les droits diffèrent dans chaque province à cause de l'évolution de situations politiques différentes. Terre-Neuve, qui est d'une certaine façon la dernière de nos provinces, est la plus moderne en ce qui concerne la protection constitutionnelle des droits des minorités. C'est par exemple la seule province qui, aux termes de l'article 17, prévoit des droits confessionnels pour les collèges confessionnels. Dans toutes les autres provinces, ces droits ne vont pas plus loin que l'école secondaire et, dans certains cas, ils s'arrêtent même avant.
Je signalerai en passant que personne n'a commenté le fait que l'article 17 fera disparaître les droits relatifs aux collèges confessionnels.
Pour ce qui est de la protection des droits confessionnels, c'est à Terre-Neuve qu'elle est la plus étendue. Si vous dites que ces droits peuvent maintenant être restreints, qu'en penseront les gens des provinces comme le Nouveau-Brunswick, par exemple, où les minorités ont encore moins de droits? Vont-ils dire: «Même les droits, réduits à leur plus simple expression, dont nous jouissons actuellement pourront maintenant être remis en cause»?
Une solution possible pourrait être de demander ce que, au plan national, nous voulons pour nos minorités religieuses. Il ne faudrait pas agir de façon ponctuelle. Ces droits ont été acquis de façon ponctuelle et cela a eu des conséquences plutôt tristes dans notre histoire. S'ils doivent maintenant être modifiés de façon ponctuelle, le résultat en sera peut-être tout aussi triste. Le moment est peut-être venu dans notre histoire de dire: «Attendez un instant, examinons de plus près la question des droits en matière d'enseignement confessionnel et, plus généralement, celle des droits scolaires des minorités dans l'ensemble du pays et essayons de trouver une façon de rationaliser cela.» Par exemple, faut-il continuer d'agir de façon ponctuelle et au jour le jour comme on l'a fait par le passé?
Le sénateur Poulin: Ne pensez-vous pas cependant que, quand nous voulons faire des progrès dans n'importe quel domaine d'activité, on ne peut véritablement progresser que de façon ponctuelle, comme quand on construit une maison? Si nous voyons les résultats actuels, la plupart des provinces sont extrêmement satisfaites de la qualité des services qu'elles fournissent à leurs minorités. Nous pouvons cependant peut-être collaborer ponctuellement avec chaque province et reconnaître ce qui a été fait pour progresser ou apporter des changements.
C'est ce que j'ai compris après avoir discuté avec le premier ministre de la province et plusieurs collègues qui vivent à Terre-Neuve et qui connaissent le système. Ils ont fréquenté ces écoles et leurs enfants également.
N'est-il pas plus sage de continuer à agir ainsi de façon ponctuelle afin que nous puissions continuer à faire preuve de prudence comme par le passé?
M. Gibson: Si vous me le permettez, sénateur Poulin, votre déclaration est pleine de sagesse si on agit ainsi de façon ponctuelle après avoir réfléchi et examiné soigneusement la situation, mais pas si l'on prend des décisions politiques de façon opportuniste et à la va-vite.
J'en reviens toujours à la même idée. Plus le comité et le Sénat feront leur travail de façon approfondie, plus le résultat sera acceptable, quel qu'il soit.
[Français]
M. Pelletier: Vous me permetterez d'ajouter que même s'il est vrai que chaque province, en matière de droit confessionnel, a une histoire différente, il n'en demeure pas moins que les droits constitutionnels en matière de droits confessionnels sont à peu près tous libellés et reconnus de la même façon. Par exemple, l'article 22 de la Loi de 1970 sur le Manitoba, l'article 17 de la Loi sur la Saskachewan et l'article 17 de la Loi sur l'Alberta s'inspirent grandement du paragraphe 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Dans le cas de Terre-Neuve, cependant, je vous ferais remarquer ce qui suit: c'est la seule province où l'on n'a pas repris les possibilités d'intervention remédiatrices du Parlement du Canada et le droit d'appel au gouverneur général en conseil. Cela est étonnant, mais c'est la seule province où, dans la Loi constitutive en 1949, l'on n'a pas confirmé le rôle du fédéral de protéger les minorités confessionnelles.
Est-ce qu'il y a lieu d'en tirer la conclusion que les autorités centrales ne peuvent pas assumer ce rôle de protéger les minorités confessionnelles lorsque nous sommes en présence de Terre-Neuve? Non, je ne crois pas que l'on puisse pousser aussi loin que cela l'argument. La raison est peut-être tout simplement que Terre-Neuve est entré dans la fédération en 1949, et qu'en 1949 il semblait aux constituants moins à propos de reconnaître la possibilité pour un groupe de porter appel auprès du gouverneur général en conseil et la possibilité pour le Parlement du Canada d'adopter une loi palliative.
[Traduction]
Le sénateur Rompkey: Je voudrais préciser le sens donné au terme «collège» utilisé à Terre-Neuve et le sénateur Doody me corrigera si je fais erreur. Je pense qu'il est question dans la loi des «écoles secondaires» plutôt que des «écoles postsecondaires». Les collèges dont il est question sont en fait des écoles secondaires.
Le sénateur Doody: Certaines écoles secondaires portaient le nom de collège pour des raisons de prestige.
Le sénateur Rompkey: C'était fondé sur un élitisme qui a heureusement maintenant disparu. Je voulais être sûr qu'il n'y aurait pas de confusion à ce sujet.
Monsieur Gibson, vous dites que les droits des confessions sont restreints. Le ministre Rock aurait dit que certains droits étaient «transférés» des confessions aux gouvernements. Je pense que c'est le terme qu'il a utilisé dans sa déposition.
Si nous laissons cela de côté pendant un instant, supposons que ces droits sont restreints. Il faudrait que nous sachions clairement de quels droits il s'agit. J'ai lu hier, pour qu'il figure au compte rendu, le paragraphe 76(3) du texte modifié d'une loi de Terre-Neuve de 1946, l'Education Act. La première loi avait été adoptée en 1927. La modification de 1946 est entrée en vigueur en 1949.
Cette loi a principalement pour objet de permettre aux confessions enregistrées d'avoir légalement accès aux deniers publics. Je vais être plus précis. En tant que surintendant, je travaillais pour un conseil scolaire regroupant plusieurs écoles; si je voulais construire une école, je m'adressais au comité de l'enseignement confessionnel à St. John's. Ce comité était composé de représentants de l'Église anglicane, de l'Armée du Salut et de l'Église unie. Le président du comité se trouvait être anglican, mais plusieurs responsables appartenaient à l'Armée du Salut et à l'Église unie. Je ne m'adressais pas aux bureaucrates, ni même aux politiciens. Je pouvais essayer d'utiliser leur influence, mais on ne pouvait pas construire d'écoles si les fonds d'immobilisations n'étaient pas approuvés par cet organisme confessionnel qui supervisait l'enseignement.
La Constitution garantissait à toutes les confessions le droit de recevoir des deniers publics. Je vous donne ces renseignements parce que je veux que vous compreniez bien quels droits sont restreints. Bien entendu, tout est relatif. Donc, relativement à d'autres parties du Canada, en quoi ces droits sont-ils restreints et dans quelle mesure permettent-ils à Terre-Neuve de faire ou non jeu égal avec d'autres parties du Canada? Diriez-vous, par exemple, qu'après cette modification, les droits dont jouissent ces sept confessions seront supérieurs, identiques ou inférieurs à ceux qu'elles ont ailleurs dans le pays?
Je poserai tout de suite ma deuxième question parce qu'elle est peut-être pertinente. Dans le 12e paragraphe, à la page 5 de votre mémoire, vous faites référence aux droits expressément mentionnés qui sont très étendus et couvrent la plupart des choses que les parents pourraient raisonnablement souhaiter.
Le terme «raisonnable» est intéressant. Le sénateur Beaudoin et d'autres l'ont utilisé ici. À quoi les parents peuvent-ils raisonnablement s'attendre en matière d'écoles confessionnelles?
Le terme «raisonnable» doit aller de pair avec le mot «compromis». Cette mesure établit-elle un compromis raisonnable entre les droits de la majorité et ceux de la minorité? Devrions-nous chercher à instaurer un compromis raisonnable? Est-il «raisonnable» de notre part de viser l'instauration d'un «compromis raisonnable» entre les droits de la minorité et ceux de la majorité?
M. Gibson: Sénateur Rompkey, à mon avis, il est clair que, quand on parle de droits, il faut tenir compte de leur caractère raisonnable et du compromis établi entre eux. Les droits ne sont pas absolus parce que le droit d'une personne peut se traduire par le «déni du droit» de quelqu'un d'autre. Oui, il faut trouver un compromis raisonnable entre les droits et je pense que c'est une norme qu'il faut chercher à faire respecter.
Vous avez demandé comment se situent les droits qu'auront ces diverses confessions à Terre-Neuve par rapport à ceux dont elles jouissent dans le reste du pays. Je ne peux pas vous dire exactement ce qu'il en est, car ils varient. Toutefois, il est juste de dire qu'une bonne partie des droits reconnus aux termes de l'article 17 dépassent ce qui existe dans plusieurs autres provinces. C'est assurément vrai en ce qui concerne certaines des confessions qui sont protégées à Terre-Neuve, mais pas ailleurs. Je suis absolument d'accord avec cela.
Je dis que cette résolution restreindra certains droits parce que, selon mon interprétation, elle va moins loin que la législation actuelle et elle y est inférieure à trois importants égards.
Ce qui restreint le plus ces droits est qu'ils dépendent maintenant de la volonté de l'assemblée législative.
Le sénateur Rompkey: Voulez-vous parler de l'ensemble des droits?
M. Gibson: Le droit de créer, de maintenir une école dépend maintenant de la volonté de l'assemblée législative.
Le sénateur Beaudoin: Je crois que le terme utilisé est «gérer».
M. Gibson: Le texte se lit comme suit:
b) sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles;
(i) toute catégorie de personnes visée à l'alinéa a)...
... a le droit de créer, maintenir et faire fonctionner une école soutenue par les deniers publics.
Pour moi, cela veut dire que le droit existant à disposer d'une école est assujetti au contrôle législatif et c'est un pas en arrière très significatif. Si cette disposition n'existait pas, si ce droit n'était pas assujetti au droit provincial, je pense qu'on pourrait dire que les minorités seraient beaucoup mieux protégées. Avec cette disposition, selon mon interprétation, le droit fondamental à avoir une école et à la garder peut être modifié par une loi.
Le sénateur Rompkey: Ces écoles sont financées par les deniers publics. Il faut prendre cela en considération.
M. Gibson: Vous pouvez avoir votre propre école, si vous voulez la financer. Tout cela concerne l'enseignement financé par les deniers publics. C'est un élément très important.
L'un des deux autres points que j'ai mentionnés est le droit de réunir des fonds localement au moyen des impôts locaux si l'on ne reçoit pas assez d'argent du fonds central. C'est un droit qui existe dans certaines provinces, mais pas dans toutes.
Le sénateur Rompkey: Je ne crois pas qu'il ait jamais existé dans notre province. Il existait une taxe scolaire dans certains secteurs.
Le sénateur Doody: Il n'existait pas au titre de l'article 17.
M. Gibson: Pour finir, il est assez difficile d'imaginer comment les écoles confessionnelles pourront être gérées dans des commissions scolaires regroupant plus d'écoles. À l'heure actuelle, les écoles catholiques sont gérées par les conseils catholiques et c'est très bien. À l'avenir, on peut supposer qu'une grande commission scolaire comprendra des écoles catholiques, des écoles regroupées, et cetera. Les deux tiers de la totalité des commissaires d'écoles seront élus par l'ensemble des confessions proportionnellement à leur représentativité. Dans quelle mesure les écoles catholiques pourront-elles alors être gérées par des commissaires catholiques? Nous ne le savons pas tant que nous n'aurons pas vu comment cela se traduit en chiffres. Il pourrait très bien se trouver que, par exemple, dans une commission scolaire donnée, deux des dix commissaires soient catholiques. Comment ces commissaires d'écoles catholiques peuvent-ils alors contrôler leurs propres écoles? Je pense que cela limite fortement leur pouvoir de gestion.
Le sénateur Rompkey: J'avais cru comprendre -- et je ne suis pas du tout sûr que c'est vrai -- que les commissaires catholiques pourraient exercer un certain contrôle sur une école uniconfessionnelle établie dans le district scolaire concerné. C'est comme cela que j'ai compris ce que je crois avoir lu dans l'accord-cadre.
Le sénateur Doody: C'est ce que j'ai entendu dire, mais je ne l'ai vu écrit nulle part.
M. Gibson: Cela ne figure certainement pas dans la résolution, sénateur.
Le sénateur Rompkey: Non, ce n'est pas dans la résolution. Ce dont vous discutiez va au-delà du contenu de la résolution.
M. Gibson: Non. J'essayais de me limiter au contenu de la résolution.
Le sénateur Rompkey: Il n'est pas question de financement dans la résolution, n'est-ce pas?
M. Gibson: Si.
Le sénateur Rompkey: Ah bon?
M. Gibson: Je vous prie de m'excuser. Je que je veux dire c'est que, à mon avis, c'est l'un des droits résiduels découlant de l'article 17.
Le sénateur Rompkey: Pour autant que je sache, l'église n'a jamais eu ce droit. Elle pouvait recevoir des contributions volontaires, mais elle n'avait pas de pouvoir de taxation.
M. Gibson: S'il n'a jamais été exercé, on peut clairement avancer qu'il n'a jamais existé; il n'a pas été garanti en 1949.
Le sénateur Forest: Madame la présidente, avant de commencer, je voudrais féliciter nos deux intervenants de ce matin. Ils m'ont certainement grandement rendu service.
Je voudrais également dire à leur intention que je ne suis pas membre de ce comité. Je m'intéresse néanmoins beaucoup à cette question. Je suis revenu de l'Alberta à mes frais parce que je suis vivement intéressé par cette question.
J'ai vécu autrefois au Manitoba. Comme je l'ai indiqué hier, j'ai connu les conséquences de ce qu'une majorité de l'assemblée législative a fait subir aux droits des minorités dans cette province. Je vis en Alberta, où les écoles catholiques avec lesquelles j'ai été en rapport sont traitées très équitablement. Même dans ces conditions, j'ai présidé une grande commission scolaire qui a dû aller jusqu'à la Cour suprême pour faire respecter les droits de ses membres en tant que contribuables. Je suis sûr que vous vous en souvenez, monsieur.
Je m'inquiète beaucoup au sujet des minorités de Terre-Neuve. Néanmoins, je pense que les habitants de la province sauront se défendre, d'une façon ou d'une autre.
Mon autre préoccupation concerne ce que vous appelez les retombées de cette question par rapport aux minorités des autres provinces. Vous avez mentionné que, si le Sénat examinait sérieusement cette question, il n'établirait pas un précédent risquant d'avoir des répercussions excessives ou négatives sur d'autres minorités. Voudriez-vous prendre une minute pour nous donner plus de détail au sujet du type d'examen auquel nous devrions nous livrer selon vous pour éviter d'établir un tel précédent?
M. Gibson: Sénateur Forest, je pense qu'il s'agit exactement du type de discussion en cours en ce moment, c'est-à-dire qu'il faut examiner en quoi la situation à Terre-Neuve est semblable à celle des autres provinces ou en diffère. Nous pourrions, vous et moi, dresser une longue liste des différences entre Terre-Neuve et l'Alberta ou le Manitoba. Plus ces différences sont accentuées et plus on s'efforce, comme l'a dit le sénateur Rompkey, d'établir un véritable compromis entre ces droits à Terre-Neuve, moins cela présentera de dangers, je pense, pour les minorités existant en dehors de Terre-Neuve. Si une telle situation devait se présenter à nouveau, on ne pourrait tout simplement pas dire: «Eh bien, c'est ce que le gouvernement a fait pour Terre-Neuve, il peut donc le faire pour le Manitoba ou l'Alberta», si l'on peut prouver qu'il y a une différence importante entre ces situations.
La présidente: Est-ce que l'un de vous deux connaît une affaire survenue en 1988 et opposant l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, la Fédération des commissions scolaires du Québec, la Commission scolaire Chomedey de Laval, le Conseil scolaire de l'île de Montréal et la Commission des écoles catholiques de Montréal au procureur général du Québec? La Cour suprême a finalement rendu un arrêt en 1993. Il me semble qu'elle a donné une définition très libérale de ce qu'une province peut faire en vertu de l'article 93. Pensez-vous que la Cour suprême du Canada se prononcerait de la même façon au sujet de l'article 17 pour ce qui est de l'étendue des pouvoirs du gouvernement de Terre-Neuve en matière d'éducation?
M. Gibson: Je dois d'abord présenter de multiples excuses. J'avais noté qu'il fallait que j'apporte ce jugement, mais j'ai oublié de le sortir et de le lire.
La présidente: Je l'ai.
M. Gibson: Même si je l'ai lu jadis, je ne m'en souviens plus très bien maintenant. Je ne peux certainement pas le lire à l'instant, même si je vous remercie beaucoup, madame la présidente, de me le proposer.
À ma connaissance, cette affaire porte sur la possibilité qu'ont les gouvernements de traiter de certaines choses allant au-delà des droits constitutionnels existants. Cela nous ramène à une chose que j'ai dite tout à l'heure. Si le gouvernement de Terre-Neuve avait seulement voulu accorder de nouveaux droits aux écoles non confessionnelles ou aux confessions non encore reconnues, il est clair qu'il aurait pu le faire en exerçant ses pouvoirs existants. C'est pour moi l'élément important qui ressort de l'arrêt de 1988. Je ne pense pas qu'il dise qu'une province peut porter atteinte aux droits existants alors que c'est bien des droits existants que nous parlons principalement ici. Je ne crois pas que l'arrêt de 1988 autorise à réduire les droits dont jouissent actuellement les confessions à Terre-Neuve.
[Français]
M. Pelletier: Si vous me le permettez, j'ajouterais simplement ce qui suit: concernant le renvoi relatif à la Loi sur l'instruction publique de 1993, une décision a été rendue par la Cour suprême du Canada. Dans cette décision on a effectivement interprété largement les droits confessionnels qui découlaient du paragraphe 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. On a reconnu que les catholiques et les protestants de Montréal et de Québec avaient, non seulement le droit des écoles de leur confession mais, également, avaient le droit d'être dotés d'une structure qui leur permettait de gérer ces écoles.
Qu'entendait-on exactement par «structure»? Est-ce une commission scolaire en tant que telle? Est-ce que cela peut être un comité confessionnel au sein d'une commission scolaire comme l'évoque, actuellement, le gouvernement du Québec dans sa réforme des structures scolaires québécoises? Est-ce que cela n'impliquait donc, pour les catholiques et pour les protestants, que le seul fait d'avoir un mot à dire dans la gestion de leur école? Ou est-ce que cela impliquait littéralement d'avoir leur propre commission scolaire bien à eux? Là-dessus je dois admettre que le jugement demeure obscur.
Il est certain qu'en 1993, la Cour suprême du Canada n'a pas hésité à confirmer, d'abord, l'importance des droits confessionnels dans notre société, et, deuxièmement, a même reconnu que le droit d'appel au gouverneur général en conseil et que la possibilité d'adoption d'une loi «remédiatrice» par le Parlement du Canada -- bien que n'ayant jamais été exercée dans l'histoire du Canada -- n'en était pas moins désuet, c'est-à-dire a reconnu que ces dispositions étaient encore valables de nos jours et pourraient être utilisées.
Dans ce contexte, on ne peut conclure de ce jugement que ce qui suit: la Cour suprême du Canada a confirmé, il y a à peine quelques années, l'importance du compromis historique qui est survenu en matière de droit confessionnel au Canada.
[Traduction]
M. Gibson: Votre observation est très juste. Il manque le droit, prévu à l'article 93 actuel, qu'ont les minorités de demander l'aide du gouvernement fédéral si elles n'ont pas été traitées correctement et c'est une lacune importante de l'article proposé par Terre-Neuve.
Il est vrai que cette disposition n'a jamais été utilisée par le gouvernement fédéral pour prendre une véritable décision ou une véritable mesure et il est vrai également que, lors du débat sur le Manitoba au cours des années 1890, quand les autorités sont intervenues auprès du gouvernement fédéral, le résultat a été finalement ce qu'on a appelé le compromis Laurier-Greenway. Ce n'était pas un compromis très favorable aux minorités, mais néanmoins cette disposition représentait une sorte de mécanisme d'application qui n'existait pas au Québec. Je suis d'accord avec mon collègue sur ce point.
La présidente: Je pense qu'il est juste de dire que, si on a pu parvenir à un règlement au sujet des écoles au Manitoba au cours des années 1980, c'est parce qu'on menaçait de faire la même chose.
Le sénateur Beaudoin: Je suis très content que vous ayez parlé de cela parce que cela va exactement dans le sens de ma question.
Je me suis intéressé hier, comme le sénateur Rompkey, à l'article 17. Il y a une controverse sur la mesure dans laquelle la Législature de Terre-Neuve peut légiférer relativement aux écoles qui ne sont pas confessionnelles. Chaque fois que j'ai posé cette question, on m'a répondu: «Attendez l'avis des experts». Eh bien, les experts sont là et je soulève à nouveau cette question.
Je ne peux pas imaginer qu'une législature, dans notre pays, n'ait pas le droit de légiférer en matière d'éducation, qu'il s'agisse d'écoles laïques ou non laïques. J'ai toujours pensé que les droits confessionnels représentaient une garantie constitutionnelle pour les groupes religieux, mais le pouvoir correspondant existe encore. La chose n'est pas très claire, comme l'a dit le sénateur Rompkey. Qu'en pensez-vous?
M. Gibson: Je suis tout à fait d'accord avec vous, sénateur Beaudoin. La Législature possède déjà ce pouvoir.
Le sénateur Beaudoin: Elle l'a?
M. Gibson: Le pouvoir de financer les écoles publiques, les écoles non confessionnelles et les autres confessions.
Le sénateur Rompkey: Mais où trouve-t-elle l'argent?
Le sénateur Beaudoin: Ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de compétence.
M. Gibson: Sénateur Rompkey, sous sa forme actuelle, la Constitution ne dit pas que tout l'argent est versé aux écoles confessionnelles.
Le sénateur Rompkey: Si. Je peux vous lire le texte que j'ai lu hier. Le paragraphe 76(3) de la modification apportée en 1946 à la Loi de 1927, qui est entrée en vigueur en 1949, se lit comme suit:
Les sommes fournies par la Commission du gouvernement pour les collèges en vue d'apporter une aide aux enseignants des élèves, pour les besoins du conseil, pour l'éducation professionnelle et pour la construction et l'équipement des écoles, doivent être réparties entre les différentes confessions religieuses en fonction de leur population respective et peuvent être dépensées à de telles fins sur recommandation de l'agent exécutif approprié et en conformité avec les dispositions de la présente loi et des règlements établis en vertu de cette loi.
M. Gibson: Cela me paraît vouloir dire que l'argent fourni à ces écoles est contrôlé de cette façon.
Le sénateur Rompkey: Selon mon interprétation, cela veut dire que le budget total prévu pour la construction des écoles, par exemple, devrait être réparti entre les confessions.
M. Gibson: Je n'interprète pas cela comme ça.
Le sénateur Rompkey: Vous n'interprétez peut-être pas cela comme ça, mais je vous dis ce qu'a constaté quelqu'un qui a travaillé dans ce système.
M. Gibson: Le gouvernement de Terre-Neuve a-t-il jamais essayé de fournir de l'argent à d'autres écoles? À mon avis, cela peut se faire. Il peut prendre la décision qu'il veut.
Le sénateur Doody: Il fournit de l'argent aux écoles pour sourds. Elles sont non confessionnelles.
La présidente: Il l'a fait pendant près de 33 ans pour les écoles pentecôtistes qui n'étaient pas couvertes par la modification entrée en vigueur en 1949.
Le sénateur Rompkey: C'était une confession supplémentaire.
La présidente: Elle n'était pas reconnue dans la Constitution en tant que confession.
Le sénateur Rompkey: C'est exact. Le gouvernement aurait très bien pu inclure les Témoins de Jéhovah, les moraviens et les presbytériens ou d'autres. Il aurait pu le faire mais ces confessions n'auraient pas été protégées. Aucune d'entre elles n'aurait joui d'une protection légale. Si, en 1954, une autre église avait voulu se plaindre que les pentecôtistes recevaient de l'argent, elle aurait vraisemblablement pu le faire en toute légalité, puisqu'elle était protégée par la loi. Aucune ne l'a fait, mais cela aurait pu se faire.
Le sénateur Beaudoin: L'élément clé du système est que le Parlement a la haute main sur les cordons de la bourse. Le pouvoir de prélever des impôts, et cetera existe à Terre-Neuve. Je ne peux pas imaginer que ce système soit modifié.
Il me paraîtrait incroyable qu'une législature qui dispose des pleins pouvoirs en matière d'éducation ne puisse pas dépenser de l'argent comme elle le veut, en dehors du fait qu'elle devrait respecter les droits confessionnels. L'affaire Hirsch a eu lieu en 1927 avant l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération, mais sa teneur est que le Québec doit respecter l'article 93, même s'il peut créer une école juive ou une école neutre. Je suis sûr que le gouvernement de Terre-Neuve peut aussi le faire.
Le sénateur Rompkey: Il n'y a pas d'école juive à Terre-Neuve.
Le sénateur Beaudoin: J'aimerais entendre l'avis de MM. Gibson et Pelletier à ce sujet.
M. Gibson: À mon avis, l'article 17 et toutes les autres garanties semblables figurant dans la Constitution, où qu'elles s'appliquent, représentent les plus petits communs dénominateurs -- c'est l'étendue de la garantie et la législature a toute latitude pour aller au-delà. Le sénateur Rompkey a raison de dire que cela ne fait pas l'objet d'une garantie constitutionnelle, mais je pense que le droit de prendre une mesure législative à cet effet existe.
Le sénateur Gigantès: Dans une province très pauvre, la quantité d'argent qu'on peut offrir à toutes les confessions n'est pas très importante.
Je suis un peu gêné par la façon dont on a utilisé le terme «raisonnable». La religion et la foi relèvent plus de la confiance et de la passion que de la raison. Ce qui paraît raisonnable à quelqu'un ne paraît peut-être pas raisonnable à quelqu'un d'autre. J'aurais préféré laisser de côté le terme «raisonnable» et parler de précédents judiciaires, et cetera. Le terme «raisonnable» me gêne et je voulais le signaler.
M. Gibson: Sénateur, ce terme ne figure pas dans mon mémoire et j'accepte donc la responsabilité de son utilisation. Laissez-moi vous dire que je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que, du point de vue des minorités ou des majorités dont nous parlons, les différents groupes concernés, l'important n'est pas la raison, mais les convictions religieuses ou les besoins. Toutefois, du point de vue des gens qui doivent prendre une décision en ce qui concerne toutes ces confessions différentes, c'est, à mon avis, la recherche d'un compromis raisonnable qui doit présider à leur jugement, et non pas la passion.
Il me semble que cette Chambre ne devrait pas se laisser guider par la passion. Elle devrait se laisser guider par la raison.
Le sénateur Gigantès: La modification proposée pour l'article 17 paraît parfaitement raisonnable à quelqu'un comme moi, mais quelqu'un comme le sénateur Doody, que je respecte, ne la trouve pas raisonnable. Nous ne devrions donc pas utiliser le terme «raisonnable».
M. Gibson: N'importe quel autre terme me convient.
La présidente: Merci, monsieur Gibson et monsieur Pelletier. Nous vous remercions beaucoup de votre exposé de ce matin.
La séance est levée.