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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 23 - Témoignages - Séance du matin


ST. JOHN'S, le mardi 9 juillet 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour poursuivre l'étude de la résolution de modification de la Constitution du Canada, clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Bonjour à tous. Je suis très heureuse que vous soyez tous là.

Notre premier groupe de témoins, représentant les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve, est prêt à commencer.

Le révérend Roy D. King, surintendant général, Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve: Bonjour. Au nom des Terre-Neuviens, je tiens d'abord à vous dire à quel point nous apprécions que le Sénat ait jugé important de venir ici entendre nos préoccupations au sujet de la question à l'étude. Au nom des fidèles pentecôtistes que j'ai l'honneur de représenter, je suis heureux de souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs qui sont ici aujourd'hui et je suis certain que vous comprendrez nos préoccupations une fois que vous les aurez entendues.

Vous avez sous les yeux notre mémoire de 36 pages mais, pour gagner du temps, nous en avons dressé un résumé.

Les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve constituent une confession chrétienne dûment établie en vertu des lois de la province de Terre-Neuve. Elles comptent quelque 40 000 membres qui représentent 7,6 p. 100 de la population terre-neuvienne.

Le 30 juin 1987, les honorables sénateurs ont adopté une résolution, elle-même adoptée à l'unanimité à la Chambre des communes le 23 juin 1987 et par l'Assemblée législative de Terre-Neuve le 10 avril 1984, visant à modifier clause 17 afin d'enchâsser les droits des fidèles pentecôtistes de Terre-Neuve dans la Loi constitutionnelle. Le Gouverneur général du Canada a promulgué la résolution le 22 décembre 1987.

Voici ce que déclarait solennellement le sénateur William Rompkey, alors député, à la Chambre des communes, le 23 juin 1987:

Aujourd'hui, les Assemblées de la Pentecôte exploitent certaines des écoles les plus modernes, les plus efficaces et les plus évoluées de la province... Elles méritent toutes nos félicitations, car non seulement elles initient les élèves, notamment dans les régions éloignées de Terre-Neuve, aux trois bases de l'enseignement, mais elles créent un climat spirituel propice à l'enseignement.

Les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve, en collaboration avec le conseil d'éducation pentecôtiste et le conseil scolaire des Assemblées de la Pentecôte, étant légalement et moralement responsables de l'enseignement dispensé à tous les enfants pentecôtistes de la province de Terre-Neuve et du Labrador, ont l'honneur de vous présenter le résumé de leur mémoire.

Tout le monde a le droit de prétendre à l'éducation et d'acquérir des connaissances de toutes sortes. Le droit légal, historique et biblique des parents de choisir, selon leurs convictions, le genre d'école où ils souhaitent envoyer leurs enfants est étroitement lié au droit à l'éducation.

La clause 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies (1948) dit:

...les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.

La clause 2 du Protocole numéro 1 de la Convention européenne des droits de l'homme précise également:

Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'État, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.

Le rôle du gouvernement est de garantir, de protéger et de soutenir ces droits. À l'échelle nationale, on remarque de plus en plus que les autorités financent les écoles alternatives.

Les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve reconnaissent qu'un nombre croissant de personnes ne font pas partie des catégories de citoyens jouissant de droits à l'éducation prévus par la Constitution. Le droit des parents de faire éduquer leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses est tout aussi important et peut et devrait être prévu à la clause 17.

La clause 17 modifiée, au lieu de favoriser cette plus grande diversité, ne fera qu'imposer une approche monolithique, laïque et humaniste en matière d'éducation, laquelle marginalise la religion et le droit conféré aux parents de choisir l'enseignement qu'ils souhaitent donner à leurs enfants.

Compte tenu du pluralisme de notre société et du principe biblique et social régissant le droit des parents en matière d'éducation, les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve en viennent à la conclusion qu'il est inacceptable de faire des écoles des monopoles de l'État. Les écoles devraient plutôt être établies par des groupes de parents, lorsque le nombre d'élèves le justifie, dont la vision du monde et de l'éducation se reflète dans l'administration et le programme d'études de l'école et dans la conduite du personnel enseignant.

Le rôle du système scolaire pentecôtiste est d'aider le parent à assurer le développement de l'enfant et, ce faisant, à faciliter l'intégration des expériences de vie de l'enfant à la vision chrétienne mondiale qui est perçue et préconisée par les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve. À cette fin, l'école pentecôtiste constitue un milieu d'apprentissage qui favorisera le développement spirituel, moral, intellectuel, émotif, social et physique de l'enfant.

Les écoles pentecôtistes sont des écoles véritablement confessionnelles qui accordent aux valeurs spirituelles et éthiques l'importance qu'à notre avis, elles méritent. Cependant, elles ne pratiquent pas de politique d'exclusion, comme en témoigne la règle d'admission libre, uniquement restreinte par des contraintes d'espace.

Les Assemblées de la Pentecôte reconnaissent la nécessité d'apporter des changements. Le 18 octobre 1994, elles ont publié un communiqué indiquant qu'elles étaient en faveur de la réforme du système d'éducation. Voici les principes sous-jacents à cette réforme que nous appuyons: réduction du nombre de conseils scolaires pour les porter de 27 qu'ils sont actuellement à 8 ou 10; établissement de critères de viabilité raisonnables permettant aux écoles pentecôtistes d'être sur un pied d'égalité avec les autres écoles; mise en place d'un conseil provincial de construction des écoles; création de comités d'école, donnant aux parents un rôle accru dans l'administration des écoles; établissement d'écoles mixtes ou interconfessionnelles là où il n'est pas viable d'avoir des écoles pentecôtistes; attribution aux parents pentecôtistes du droit de choisir d'envoyer ou non leur enfant dans une école pentecôtiste; enfin, établissement de directives concernant le transport par autobus qui sont raisonnables et appliquées de façon non discriminatoire.

Les fidèles pentecôtistes appuient fortement le système des écoles pentecôtistes. Les taxes versées par les pentecôtistes contribuent à soutenir le système d'éducation. Cependant, outre les taxes, les pentecôtistes, dans leurs églises, ont versé plus de 5 millions de dollars pour la construction de bâtiments et plus de 1 million de dollars pour le fonctionnement des écoles pentecôtistes de 1981 à aujourd'hui.

En outre, 85 p. 100 des fidèles pentecôtistes ayant droit de vote ont envoyé plus de 15 000 lettres personnelles à l'ancien premier ministre Wells lui demandant de ne pas abolir les droits constitutionnels qui leur ont été accordés en 1987.

De concert avec le conseil scolaire et le conseil d'éducation des Assemblées de la Pentecôte, les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve ont informé pleinement leurs fidèles au sujet des recommandations formulées par les membres de la Commission royale Williams. Elles leur ont également fait part des discussions entre les dirigeants religieux et le gouvernement, ainsi que des renseignements concernant le processus référendaire. À ce titre, elles ont publié 25 bulletins, tenu des réunions régionales avec les parents dans toute la province, fait paraître des annonces publicitaires dans les journaux et distribué une brochure à chaque ménage durant la campagne référendaire.

Les Assemblées de la Pentecôte, leur conseil scolaire et leur conseil d'éducation ont reçu des appels téléphoniques, des lettres, des visiteurs et des pétitions de fidèles pentecôtistes appuyant la réforme de l'éducation mais rejetant carrément tout changement à leurs droits constitutionnels en matière d'éducation que provoquerait la modification de la clause 17.

Madame la présidente, nos recherches indiquent que les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve peuvent affirmer catégoriquement et sans crainte de se contredire que les fidèles pentecôtistes n'appuient pas la modification de la clause 17 proposée par le gouvernement de Terre-Neuve. Effectuer un tel changement irait directement à l'encontre des désirs de ces fidèles.

M. Domino Wilkins, surintendant du conseil scolaire pentecôtiste: Madame la présidente, honorables sénateurs, je vais d'abord aborder la question de l'efficacité du système scolaire de Terre-Neuve en mettant l'accent sur les efforts du conseil scolaire pentecôtiste pour contenir les coûts, améliorer le rendement et éliminer les dédoublements de services, après quoi je vous parlerai de la commission royale et du référendum.

Il est important de signaler, honorables sénateurs, que le gouvernement de Terre-Neuve a utilisé ce thème lors d'une campagne publique menée pendant et après les travaux de la commission royale afin de discréditer le système scolaire confessionnel, se gagner l'appui de la population lors du référendum et, par la suite, pour faire adopter la modification proposée qui vous est soumise aujourd'hui.

J'ai ici en main une pleine page de publicité payée par le gouvernement de Terre-Neuve qui a paru dans tous les journaux de la province. Celle-ci provient du journal local de ma collectivité de Grand Falls. Elle dit entre autres:

En ce qui concerne les principales mesures de rendement, celui de nos élèves est toujours inférieur au rendement des élèves d'autres provinces.

En matière d'éducation, notre objectif doit être de transformer le système pour faire en sorte que nos élèves ne soient plus toujours en-deçà de la moyenne mais au même rang que les meilleurs élèves du pays.

Nous reconnaissons qu'il faut procéder à une réforme. Nous reconnaissons qu'il faut améliorer le système. Nous ne sommes pas d'accord avec ceux qui disent que nous avons le pire système scolaire au Canada, si l'on en juge par les résultats des élèves. Dans la principale partie de notre document, nous avons démontré, sans l'ombre d'un doute, que cette affirmation est fausse.

Le conseil scolaire des Assemblées de la Pentecôte vise l'excellence et l'amélioration continue. Il est au service de tous les fidèles pentecôtistes de la province. Bien que nous ayons suffisamment d'élèves pour avoir droit, conformément aux règlements gouvernementaux, à trois conseils scolaires, nous n'en avons qu'un. C'est pour nous une question de rentabilité.

Le conseil scolaire pentecôtiste a élaboré un plan stratégique visant à fermer et à regrouper des écoles au fur et à mesure que les inscriptions diminuent. Les inscriptions dans toutes les écoles de Terre-Neuve, sauf dans le centre urbain de St. John's, sont à la baisse. Ce regroupement s'opère à la fois dans notre propre district scolaire et en collaboration avec les districts scolaires d'autres confessions.

Les efforts de regroupement au niveau local ont été retardés, honorables sénateurs, par les résultats des travaux de la commission royale et le débat post-référendaire. Par conséquent, les écoles dans d'autres villes comme Port Hope, Simpson et Roddickton, n'ont pas fusionné pour devenir des établissements mixtes. Nous reconnaissons qu'il ne devrait y avoir qu'une école dans ces villes et dans de nombreuses autres villes de la province.

Le manque de fonds publics permettant d'effectuer les rénovations et les agrandissements nécessaires a également ralenti la conclusion d'ententes sur les services communs. Le conseil scolaire des Assemblées de la Pentecôte a amélioré sa rentabilité en collaborant avec les conseils scolaires d'autres confessions dans des domaines comme les achats en vrac de fournitures, le transport coopératif par autobus, l'engagement de personnel enseignant commun et la prestation de services spécialisés itinérants comme les services de psychologue et les services offerts aux élèves souffrant de troubles auditifs et visuels.

À Terre-Neuve, les résultats des indicateurs nationaux de rendement comme le Canadian Test of Basic Skills et le Programme d'indicateurs du rendement scolaire de 1994, confirment que les élèves ont la même performance que ceux de la plupart des autres provinces. Le taux de fréquentation des établissements d'enseignement chez les jeunes de 16 à 18 ans à Terre-Neuve est l'un des plus élevés au Canada. Les élèves du district scolaire pentecôtiste ont en général de meilleurs résultats que la moyenne des élèves de la province au regard des mesures comparatives de rendement.

Dans le but d'améliorer constamment la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage, les écoles du district scolaire pentecôtiste ont adopté un processus d'amélioration scolaire officialisé s'inscrivant dans un plan stratégique de district.

Le 4 mars 1996 -- remarquez bien la date, 1996 -- l'honorable Chris Decker, ex-ministre de l'Éducation, a fait paraître un communiqué concernant le récent rapport sur les indicateurs et intitulé «Gains importants réalisés dans le système d'éducation post-secondaire de Terre-Neuve». M. Decker a dit:

Si la tendance se maintient, Terre-Neuve et le Labrador auront bientôt un système d'éducation parmi les meilleurs au pays.

Il convient de remarquer, honorables sénateurs, que le gouvernement a changé de ton après la victoire du «oui» au référendum. Nous avons déjà cité l'honorable sénateur Rompkey. J'aimerais également vous faire part de cette citation de l'ancien premier ministre Peckford de Terre-Neuve parue dans l'Evening Telegram du 11 avril 1987:

D'après mon expérience au cours des cinq dernières années en particulier, je pourrais même dire les 10 dernières années, l'éducation, la pédagogie et l'enseignement religieux que dispensent les Assemblées de la Pentecôte dans ces écoles sont exemplaires...

Honorables sénateurs, on vous demande de détruire ce système scolaire exemplaire en adoptant la résolution de modification de la clause 17.

Pour ce qui est du dédoublement des services, les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve estiment que l'analyse des faits vient réfuter l'allégation selon laquelle le système d'éducation confessionnel a provoqué un important dédoublement de services. Par exemple, la commission royale a déclaré que 84 p. 100 des collectivités où on retrouve des écoles ont un système scolaire unique. Depuis la parution du rapport en 1992, en raison des fermetures et des regroupements d'écoles, à la fois au sein des confessions et grâce à des efforts de collaboration entre les confessions, aujourd'hui, plus de 90 p. 100 des collectivités de Terre-Neuve et du Labrador qui sont dotées d'écoles ont un système scolaire unique. En réalité, moins de 30 collectivités de Terre-Neuve et du Labrador ont plus d'un système confessionnel. Parmi celles-ci, seules les collectivités, selon nous, dont les inscriptions justifient deux systèmes différents, continueront d'en avoir deux.

La question du dédoublement des programmes d'enseignement est également une question théorique. À notre avis, les écoles pentecôtistes ne viennent pas dédoubler le système d'éducation offert par d'autres. Elles fonctionnent selon les valeurs, les pratiques et les croyances des pentecôtistes et, à ce titre, elles offrent une solution de rechange aux autres écoles.

Pour ce qui est de la commission royale, le préambule de son mandat prévoyait que l'étude devait tenir compte des droits constitutionnels que détiennent les diverses catégories de personnes à Terre-Neuve. La commission a fait fi de ce volet de son mandat lorsqu'elle a recommandé d'abolir le système scolaire confessionnel. Soixante-quinze pour cent des auteurs de tous les mémoires présentés à la commission appuyaient le système confessionnel existant. Seulement 9 p. 100 se sont dits opposés au système scolaire confessionnel. La recommandation visant à abolir le système scolaire confessionnel était contraire aux preuves découlant des recherches de la commission et n'est donc pas valable.

Le gouvernement peut appliquer les recommandations de la commission royale qui auront l'impact le plus direct sur le rendement des élèves et celles-ci peuvent être mises en oeuvre en vertu de la clause 17 dans sa forme actuelle. Elles concernent entre autres la modernisation du programme d'études, l'accréditation renouvelable du personnel enseignant, l'amélioration du perfectionnement professionnel des enseignants, les normes de rendement, la mise en place de comités d'école et l'accroissement du financement.

Le gouvernement a dit qu'il appuyait l'ensemble du rapport de la commission royale publié en 1992. Les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve, bien qu'elles acceptent la plupart des recommandations du rapport, ont rejeté celles qui empiètent sur nos droits constitutionnels.

Les rencontres prévues après la commission royale étaient vouées à l'échec puisque personne ne s'entendait sur les principes régissant l'établissement d'un cadre permettant d'élaborer un nouveau modèle d'éducation. Le modèle des églises intitulé «Coterminous and Cooperative School District Model», visant à restructurer le système scolaire, a été rejeté par le gouvernement. Le modèle du gouvernement intitulé «Adjusting the Course» a été rejeté par les groupes confessionnels, ceux-ci estimant qu'accepter ce modèle équivaudrait à renoncer à l'exercice de droits constitutionnels dont jouissent diverses catégories de personnes.

Après la présentation du document intitulé «Adjusting the Course», le modèle du gouvernement, des discussions sporadiques ont eu lieu qui ont consisté en grande partie en un échange de correspondance et en quelques rencontres personnelles entre le premier ministre et les dirigeants religieux. Les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve n'avaient aucun mandat alors, et n'en ont encore aucun, de la part de leurs fidèles leur permettant d'abroger leurs droits en acceptant les principes sous-jacents établis dans le document «Adjusting the Course».

En dépit de l'engagement qu'a pris l'ancien premier ministre Wells à l'Assemblée législative le 12 mars 1993, à savoir que son gouvernement ne demanderait pas une modification constitutionnelle de la clause 17 sans le consentement des dirigeants religieux, en juin 1995, il a décidé de tenir un référendum le 5 septembre à cette fin même. Le référendum a été le point culminant d'une campagne menée pendant deux ans par le gouvernement en vue de discréditer le système scolaire confessionnel en invoquant son inefficacité et le piètre rendement scolaire des élèves.

La question référendaire a été formulée de façon à laisser croire qu'une modification constitutionnelle était nécessaire pour procéder à la réforme du système d'éducation. On laissait ainsi entendre la réponse que souhaitait obtenir le gouvernement.

Les pentecôtistes se sont opposés au référendum, le jugeant inapproprié, en ce sens qu'il a été utilisé comme moyen de permettre à la majorité de décider de l'avenir des droits des minorités. C'est là un précédent dangereux concernant les droits des minorités dans tout le Canada que d'utiliser un processus comme le référendum pour abolir ces droits.

Honorables sénateurs, on a tort, en principe, dans notre démocratie canadienne, d'utiliser les résultats d'un référendum s'adressant à la population en général pour restreindre les droits des membres de groupes qui constituent des minorités au sein de la population générale.

Le révérend A. Earl Batstone, directeur général, conseil d'éducation pentecôtiste: Honorables sénateurs, mes commentaires porteront principalement sur l'accord-cadre discuté à la page 25 de notre mémoire, après quoi je soulignerai l'importance de la modification constitutionnelle et des droits confessionnels pour les fidèles pentecôtistes de la province.

Après l'élection du gouvernement Tobin, l'archevêque de St. John's, le très révérend James H. MacDonald, et le pasteur Roy D. King, surintendant général des Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve, ont demandé au premier ministre de reprendre les discussions par l'entremise d'un petit groupe de travail de fonctionnaires provinciaux et de représentants des catégories de personnes qui détiennent des droits constitutionnels en matière d'éducation afin de conclure une entente visant à procéder à une réforme majeure du système d'éducation.

L'objectif des discussions était de chercher à obtenir un consensus sur les volets de la réforme qui étaient toujours en suspens. On s'était déjà entendu en grande partie avec l'ancien gouvernement du premier ministre Wells sur les principaux volets du projet de réforme de notre système d'éducation, notamment la réduction du nombre de conseils scolaires, la création de comités confessionnels au sein des conseils, l'établissement d'un seul conseil de construction d'écoles, et l'adoption de lignes directrices provinciales concernant la viabilité des écoles existantes dans les régions urbaines et rurales.

Les discussions proposées se sont étalées sur quatre jours, soit du 28 au 31 mars 1996. Par la suite, le groupe de travail, composé de représentants du ministère de l'Éducation et des conseils d'éducation confessionnels, a fait rapport à l'honorable Roger Grimes, ministre de l'Éducation et de la Formation, l'informant que l'on avait jeté les bases d'une entente. On indiquait dans le rapport qu'un consensus avait été atteint sur les conditions clés incluant, en particulier, les suivantes: établissement de dix conseils interconfessionnels chargés d'élaborer un plan d'éducation pour le district, formation de comités confessionnels pour chaque conseil scolaire, lesquels étaient chargés de veiller aux intérêts confessionnels particuliers tant dans les écoles uniconfessionnelles qu'interconfessionnelles, mise sur pied d'un conseil provincial de construction d'écoles afin d'administrer les fonds prévus pour la construction et la rénovation des écoles.

En ce qui concerne les écoles au sein de chaque district, des changements étaient prévus au statut et à l'organisation des écoles par suite d'une décision du conseil qui suivrait des paramètres établis à l'échelle de la province et élaborés en collaboration avec les intervenants concernés. Pour ce qui est de l'organisation du conseil scolaire, le rapport faisait état d'un consensus sur diverses questions clés, notamment la composition et la dotation des bureaux de district.

Compte tenu des contraintes de temps que nous avions, toutes les questions pertinentes n'ont pu être abordées. Le rapport recommandait que le gouvernement et les conseils d'éducation confessionnels s'entendent sur un processus visant à régler toutes les questions en suspens ayant des répercussions sur la mise en oeuvre de l'accord.

Le 18 avril 1996, le ministre Grimes a annoncé publiquement qu'un accord-cadre avait été conclu entre le gouvernement de Terre-Neuve et les autres intervenants dans le domaine de l'éducation, lequel accord prévoyait la mise en oeuvre de la réforme de l'éducation dans les secteurs clés de l'intendance, le regroupement des écoles et les crédits affectés à la construction des écoles.

M. Grimes a déclaré publiquement que les composantes principales de l'accord-cadre étaient tout à fait conformes à la réforme de l'éducation proposée par les électeurs de Terre-Neuve lors du référendum du 5 septembre 1995. Le 24 avril 1996, le ministre Grimes a donné aux Terre-Neuviens d'autres détails sur l'accord-cadre:

Ces changements constituent une première étape importante en vue de la mise en oeuvre des modifications recommandées par la Commission royale Williams. On risquerait de trop perturber le système si l'on tentait de mettre en application toutes les recommandations en même temps. Au cours des prochains mois, d'autres recommandations seront intégrées dans un délai raisonnable.

Nous avons été étonnés d'apprendre que le gouvernement avait informé le leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Joyce Fairbairn, dans une lettre datée du 5 juin 1996, qu'il y avait eu entente sur seulement deux points, soit l'établissement de 10 conseils scolaires interconfessionnels et la création d'un conseil provincial de construction des écoles, et qu'en outre, aucune entente n'avait été conclue sur des questions clés comme les paramètres provinciaux régissant les fermetures, les regroupements et la construction d'écoles, la désignation d'écoles à titre d'établissements uniconfessionnels ou interconfessionnels et le processus permettant de déterminer la préférence des parents en ce qui concerne la désignation des écoles.

Il n'en est absolument rien. Les parties se sont engagées à continuer de discuter des questions en suspens, comme l'a déclaré le ministre dans son communiqué publié le 18 avril 1996:

Les pourparlers vont se poursuivre pour mettre au point les derniers détails de l'accord-cadre, y compris l'élaboration de paramètres provinciaux régissant la construction, le regroupement ou la fermeture des écoles.

Le ministre Grimes a également précisé que les dirigeants de plusieurs groupes confessionnels pour l'intégration avaient retiré leur appui. Si tel est le cas, cela n'a pas été discuté à notre conseil.

Le conseil d'éducation pentecôtiste appuie toujours l'accord-cadre et est prêt à poursuivre les discussions pour résoudre toutes les questions en suspens. Notre conseiller juridique nous a dit que les dispositions de l'accord-cadre peuvent être mises en oeuvre sans que l'on soit obligé de modifier la Constitution. En outre, on nous a informés que la mise en oeuvre de l'accord proposé et accepté par les groupes confessionnels, les intéressés et le gouvernement peut faire l'objet de contestations devant les tribunaux par l'une ou l'autre des parties, que ce soient des membres dissidents des groupes religieux ou des non-adhérents et d'autres tierces parties. L'accord, qui pourrait devenir loi sans que l'on soit obligé de procéder à une modification constitutionnelle, aurait permis de réaliser à peu près l'ensemble des éléments de la réforme du système scolaire que la modification était censée concrétiser, dont les suivants: réduction du nombre des conseils scolaires, qui serait porté de 27 à 10, création de conseils scolaires interconfessionnels, rationalisation du transport scolaire par autobus, mise sur pied d'un conseil provincial de construction des écoles, fermeture ou fusion d'écoles non viables. Pourquoi alors avoir besoin de modifier la Constitution?

En ce qui concerne la modification proposée de la clause 17, il est reconnu que le Parlement du Canada a le devoir de protéger les droits des minorités, même contre les actions des assemblées législatives provinciales. L'adoption de la modification proposée à la clause 17, qui repose sur les résultats d'un référendum, créera un précédent qui menacera les droits d'autres minorités dans tout le Canada.

L'adoption de la modification de la clause 17 enlèvera aux fidèles pentecôtistes, soit le groupe minoritaire qui compose 7,6 p. 100 de la population de Terre-Neuve et du Labrador, des droits actuellement garantis par la Constitution du Canada, et ce, sans le consentement des intéressés.

Le gouvernement de Terre-Neuve a déclaré à plusieurs reprises que la modification proposée de la clause 17 renforcera le caractère chrétien des écoles de Terre-Neuve et accordera aux pentecôtistes dans les écoles des privilèges dont ils ne jouissent pas actuellement. À notre avis, il n'en est rien. Toutes les catégories de personnes qui détiennent des droits seront certainement en moins bonne posture pour ce qui est de préserver le caractère chrétien général de leurs écoles dans notre province. Les écoles interconfessionnelles prévues par la modification de la clause 17 sont censées être des écoles confessionnelles.

En réalité, le caractère confessionnel est restreint aux dispositions concernant l'éducation, les activités et les pratiques religieuses par les catégories qui détiennent des droits au nom des leurs. L'étendue de ces droits n'est pas claire. Dans l'ensemble, ces écoles afficheront un caractère laïc. Les droits prévus par la Constitution doivent être clairs et sans ambiguïté. Le libellé de la modification de la clause 17 n'est ni l'un ni l'autre et, par conséquent, laisse place à différentes interprétations et contestations.

On demande ainsi au Sénat d'approuver une nouvelle garantie constitutionnelle qui ne garantit probablement rien. L'existence de toutes les écoles sera tributaire de normes de viabilité qui relèveront de la seule compétence du gouvernement de Terre-Neuve. Cette résolution n'assure pas la protection constitutionnelle visant à garantir l'existence du système scolaire uniconfessionnel.

Les projets de règlement sur la viabilité des écoles publiés en janvier 1996 viennent sans l'ombre d'un doute annuler la garantie supposée dont on parle tant aujourd'hui au Sénat. Ces règlements ont été retirés, mais nous n'avons aucune garantie que la loi et les règlements à l'avenir n'auront pas le même effet. Le bien-fondé et le libellé de la modification proposée de la clause 17, ainsi que le processus qui a permis de la présenter au Parlement du Canada, renferment des lacunes.

Les droits confessionnels sont-ils importants en 1996? Les membres des Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve n'avaient pas droit à un système scolaire confessionnel au moment de l'union. Bien sûr, on a remédié à cette lacune en 1987 en modifiant la clause 17, modification qui avait pour but de soustraire les droits à l'éducation de la minorité pentecôtiste, qui forme environ 7,6 p. 100 de la population, au pouvoir de l'Assemblée législative d'adopter une loi risquant d'empiéter sur ces droits. Certes, tout le monde accepte que ces droits ne devraient pas être supprimés.

À propos de la question des droits de la minorité à l'éducation, lors d'un débat portant sur le sujet le 15 avril 1969 à l'Assemblée législative de Terre-Neuve, débat auquel l'ancien premier ministre Wells a participé activement, l'honorable premier ministre Joseph Smallwood a dit ceci à propos des catholiques romains et des pentecôtistes:

On ne peut pas les assujettir à la règle de la majorité par suite d'un référendum. Ils doivent être consultés, ils doivent être d'accord, ce n'est pas le public en général qui doit décider. Ce sont leurs droits qui sont en jeu.

Quant au premier ministre Wells, parlant de la même question à l'Assemblée législative de Terre-Neuve le 12 mars 1993, il a dit:

[...] aucun gouvernement ne peut passer outre aux droits constitutionnels du peuple.

Monsieur le président, il y a aussi dans notre province des gens qui ont une très grande intégrité personnelle, et la population en général ne tolérera pas que la majorité utilise son pouvoir et son influence à l'aide d'un vote majoritaire pour diminuer ou détruire les droits des minorités. Cela ne se produira pas. Je crois que si un gouvernement voulait agir ainsi, les Terre-Neuviens refuseraient carrément qu'il le fasse. C'est intolérable.

De fait, honorables sénateurs, c'est intolérable.

Cependant, en dépit de ces assurances, M. Wells a fait en sorte de diminuer et de détruire les droits des minorités pentecôtistes et la Chambre des communes a sanctionné ce processus en adoptant la modification proposée par le gouvernement de Terre-Neuve.

Tout le processus soulève la question de savoir ce qui s'est passé pour modifier fondamentalement notre compréhension des droits constitutionnels. Qu'est-il arrivé au système scolaire pentecôtiste en neuf ans qui exige aujourd'hui son démantèlement?

À ma gauche, nous avons des exemplaires de la clause 17 modifiée qui accordait leurs droits aux pentecôtistes. Devrions-nous maintenant déchirer ces documents? Devrions-nous les renvoyer? Que faut-il faire avec le reste de la Constitution du Canada?

La modification proposée mettra un terme à un système scolaire qui répond aux besoins et aux désirs des collectivités qu'il dessert. L'existence des écoles, là où le nombre le justifie, qui reflètent et renforcent les croyances bien ancrées de notre communauté, a, à notre avis, une valeur inestimable en cette ère de laïcisation de plus en plus marquée. La nouvelle clause 17 prévoit une réduction générale et importante des droits et privilèges confessionnels et donne le contrôle absolu à l'Assemblée législative provinciale. Le gouvernement, comme il l'a indiqué dans la nouvelle version de la Schools Act, qui a été rendue publique par le gouvernement Wells, laisse entendre que les écoles uniconfessionnelles seront l'exception et que la grande majorité seront des écoles interconfessionnelles qui ne sont pas des écoles confessionnelles au sens constitutionnel du terme tel qu'on l'entend. Personne n'aura le droit d'établir une nouvelle école uniconfessionnelle. L'avenir des écoles existantes sera remis en question.

Dans son communiqué du 24 avril 1996, le ministre de l'Éducation, Roger Grimes, disait:

Toutes les nouvelles écoles et celles qui seront fusionnées seront désignées comme étant des écoles interconfessionnelles. La dernière position rendue publique par les Églises pour l'intégration renferme une menace réelle à l'existence des écoles catholiques romaines et pentecôtistes et inquiète la population au sujet des modifications à la clause 17 qui laisseront les écoles existantes assujetties à la décision arbitraire de l'Assemblée législative provinciale.

Les membres des Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve demandent en toute urgence que le Sénat n'adopte pas la modification dans sa forme actuelle. Nous recommandons fortement que la modification proposée de la clause 17 soit modifiée conformément à la proposition qui sera présentée au Sénat par notre conseiller juridique, M. Colin Irving.

Enfin, les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve remercient la présidente et les membres du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d'avoir pris le temps d'écouter nos préoccupations et de lire notre mémoire.

Le sénateur Ottenheimer: Merci, messieurs, d'avoir exposé cette question très compliquée avec autant de clarté et de précision.

Dans une certaine mesure, nous devons tous faire attention de ne pas brouiller les pistes. Même si on sait que les eaux sont troubles à Terre-Neuve, il semble que ce soit facile de se brouiller. Certains sont en faveur de la réforme de l'éducation, certains sont contre cette réforme et contre l'amélioration du système d'éducation. Je ne crois pas qu'il y ait un seul Terre-Neuvien, peu importe ce qu'il pense de la modification constitutionnelle, qui ne soit pas tout à fait en faveur de l'amélioration du système d'éducation.

À mon avis, la question essentielle ici concerne les droits des minorités, non pas seulement ceux créés par une assemblée législative, mais ceux conférés par la Constitution. Avant 1987, les écoles des Assemblées de la Pentecôte avaient, selon la loi et les coutumes provinciales, les mêmes droits que les confessions qui étaient, en fait, incluses dans les catégories de personnes énoncées à la clause 17. Les pentecôtistes, l'Assemblée législative et le Parlement du Canada avaient reconnu qu'une garantie provinciale n'équivalait pas à une garantie constitutionnelle. Ce n'est pas ici de l'histoire ancienne. Cela ne fait que neuf ans que le droit des pentecôtistes d'avoir leurs écoles est reconnu dans la Constitution.

Je comprends qu'il y a un accord-cadre et que certains volets de cet accord ne sont plus acceptés par toutes les parties. Entre autres volets importants qui semblent toujours acceptés, mentionnons le principe consistant à ramener le nombre de conseils scolaires de 27 à 10 et à faire en sorte que la construction des écoles se fasse selon les besoins.

En reconnaissant la nécessité de réformer le système d'éducation et l'impératif qui s'impose de protéger les droits des minorités assurés par la Constitution, est-il possible que les diverses parties intéressées puissent conclure une entente qui ne serait peut-être pas idéale pour tout le monde mais qui pourrait constituer un modus vivendi que toutes les parties pourraient accepter et que cet accord pourrait être appliqué d'une ou deux façons, soit après entente des parties, soit théoriquement à tout le moins, par suite d'une modification à la clause 17 que toutes les parties accepteraient? Et ce, avec ou sans modification constitutionnelle. À votre avis, ce scénario est-il plausible?

M. Batstone: Sénateur Ottenheimer, nous avons toujours dit que nous appuyons les principales réformes du système. Nous sommes certainement d'accord pour accepter les réformes majeures qui ont été proposées dans l'accord-cadre. Comme le ministre l'a signalé, l'accord porte sur les réformes que le gouvernement souhaite apporter au système d'éducation. Je crois qu'il est possible pour nous d'aller de l'avant en nous fondant sur cet accord et d'entreprendre le genre de réformes et d'améliorations au système qui sont indiquées dans l'accord-cadre.

Si l'on doit avoir une modification constitutionnelle pour nous permettre d'appliquer l'accord-cadre, nous sommes certainement disposés à examiner cette question. Cependant, nos conseillers juridiques ont dit qu'il n'est pas nécessaire de modifier la clause 17 actuelle pour appliquer l'accord-cadre, qu'on peut procéder par voie de consensus.

Pour ce qui est des implications juridiques, j'aimerais m'en reporter à notre avocat.

M. Michael Harrington, conseiller juridique, Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve: Sénateur, pour bien replacer l'accord-cadre dans son contexte, premièrement, il faut dire qu'il y a véritablement une entente entre tous les intervenants au sein des confessions religieuses en ce qui concerne la fusion des conseils scolaires, le conseil de construction des écoles et ainsi de suite. Il semble y avoir deux questions en suspens.

L'une porte sur les comités confessionnels qui travailleraient au sein des nouveaux conseils interconfessionnels qui auraient leur mot à dire dans les politiques d'admission et plus particulièrement dans l'engagement et le renvoi du personnel enseignant. Les gens qui ont fait part de leurs préoccupations au sujet de cette question dernièrement, après que l'accord-cadre eut été annoncé, ne semblaient pas réaliser que, même en vertu de la nouvelle clause 17 et de l'ancien modèle du gouvernement de Terre-Neuve, dans la mesure où il y aurait des écoles uniconfessionnelles, ces comités auraient leur mot à dire ou pourraient exercer une certaine forme d'intendance. Voilà pour la première question. Pour une raison ou pour une autre, ces groupes estimaient que la résolution ne leur permettait pas d'avoir leur mot à dire. Le ministre de l'Éducation, M. Grimes, a précisé que cela n'était pas le cas.

Le deuxième problème découle de la désignation des écoles. Lorsque le gouvernement précédent a présenté sa nouvelle version de la Schools Act en janvier, il a dit qu'il considérerait toutes les écoles comme étant d'ores et déjà des écoles interconfessionnelles. Il n'y aurait plus d'écoles uniconfessionnelles, même si le nombre d'élèves le justifiait. Cela serait anticonstitutionnel parce qu'on suspendrait les droits de ceux qui avaient des écoles uniconfessionnelles.

Mis à part l'aspect juridique, cette proposition a été sévèrement critiquée, de même que d'autres questions concernant la viabilité des écoles, le transport par autobus, etc. Le gouvernement de M. Tobin a indiqué qu'il n'en était plus question et que le sujet serait étudié à nouveau.

En cours de route, il a été convenu dans l'accord-cadre que la discussion sur la désignation des écoles et sur le statut qu'elles auraient au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi se poursuivrait et impliquerait tous les groupes. On a décidé que le ministre parcourrait la province pour entendre les doléances des personnes de chaque district en ce qui a trait aux moyens les plus équitables d'évaluer le choix des parents dans leur collectivité entre les écoles uniconfessionnelles et interconfessionnelles. Le ministre ne l'a pas encore fait.

Il devait y avoir d'autres discussions entre les groupes confessionnels et d'autres intervenants pour trouver un moyen équitable d'évaluer le désir des parents dans diverses régions. On pourrait faire voter seulement les parents ayant des enfants dans les écoles ou faire voter tous les parents et les contribuables en général dans la région. Tout cela devait se faire. Il est juste de dire qu'il n'y a pas eu d'entente sur cette question, mais on a dit qu'on en discuterait plus tard.

Nous examinons l'accord-cadre dans son ensemble et nous demandons, à l'exception de la question des comités confessionnels, quels sont les points de discorde. Tout comme entre le gouvernement et les groupes catholiques et pentecôtistes, il ne semble pas y avoir de désaccord pour l'instant. Nous pouvons toujours conclure une entente.

Le sénateur MacDonald: La réponse à la question est «oui».

M. Harrington: C'est juste.

Le sénateur Ottenheimer: Cela vous paraîtra peut-être bien éloigné de votre position optimale, mais s'il devait y avoir modification de la clause 17, y compris certaines références aux écoles uniconfessionnelles, jugeriez-vous important d'inclure une référence à l'expression «là où le nombre le justifie»? Cette expression revêt un certain caractère constitutionnel en ce qui a trait aux droits linguistiques.

M. Batstone: Oui, je crois que cela serait très important. Actuellement, la modification proposée laisse à l'Assemblée législative le pouvoir de décider et d'imposer les conditions. Cependant, la disposition constitutionnelle concernant la justification par le nombre définit certaines limites quant au pouvoir de l'Assemblée législative, étant bien sûr entendu que pour établir des écoles, il faut aussi respecter d'autres critères. Nous ne disons pas que lorsque le nombre le justifie, on peut ouvrir des écoles comme cela, partout. Il faut appliquer des critères raisonnables.

Cette expression nous rassurerait beaucoup et inclurait une référence constitutionnelle qu'on ne retrouve pas dans la modification proposée à la clause 17.

M. Harrington: Pour ce qui est de cet aspect juridique, il est important pour les gens qui nous regardent de comprendre que la protection constitutionnelle d'un droit implique à la fois le rôle du Parlement et celui de l'Assemblée législative ou, comme alternative, le recours aux tribunaux ou les deux. Très souvent, c'est les deux. C'est la règle la plus générale. À tout le moins, cela devrait être l'un ou l'autre.

Le problème que pose cette résolution, c'est que le Parlement n'a plus aucun recours pour protéger l'existence des écoles pentecôtistes. Leur existence sera assujettie à des lignes directrices sur la viabilité établie par l'Assemblée législative. Le seul autre recours pour assurer une protection constitutionnelle consisterait à accorder un droit qui permettrait de s'adresser aux tribunaux. L'expression «là où le nombre le justifie» telle qu'elle existe pour les droits des francophones à l'éducation permettrait d'avoir recours aux tribunaux.

Il a été particulièrement dérangeant d'entendre M. Binnie, l'avocat de Toronto qui a comparu pour le gouvernement de Terre-Neuve et qui a essentiellement recommandé que vous rejetiez l'insertion de l'expression «là où le nombre le justifie»; ce dernier a dit en gros que la modification équivaudrait à faire de ces droits des droits semblables à ceux des minorités francophones. Il a dit que cette expression permettrait aux tribunaux d'intervenir et de se mêler à la position du gouvernement de Terre-Neuve qui réclame le plein contrôle. C'est là une preuve de nos préoccupations dès le départ, à savoir qu'il n'y a ni protection constitutionnelle et implication du Parlement, ni protection constitutionnelle et recours aux tribunaux. Il a reconnu devant tout le monde que, conformément à cette résolution et faute de l'expression «là où le nombre le justifie», il ne serait pas possible de recourir aux tribunaux et qu'il n'y aurait pas de critère objectif. M. Binnie, en tant que représentant de la province, a fait là un aveu très révélateur. M. Irving nous en parlera beaucoup plus longuement demain.

La présidente: Excusez-moi, monsieur Harrington, mais M. Binnie ne comparaissait pas au nom du gouvernement de Terre-Neuve.

M. Harrington: Je ne crois pas qu'il ait révélé qu'il comparaissait au nom du gouvernement de Terre-Neuve, mais j'avais cru comprendre que ses services avaient été retenus ou qu'on lui avait demandé de donner une opinion.

La présidente: Lorsqu'il a comparu devant notre comité, il l'a fait en tant qu'expert juridique et constitutionnel; il n'a pas comparu en tant que représentant du gouvernement de Terre-Neuve. Il est important de le préciser.

M. Harrington: D'accord. J'accepte votre rectification. Néanmoins, je ne crois pas que cela change quoi que ce soit à mon commentaire, à savoir qu'il a reconnu que le fait de prévoir une disposition intégrant l'expression «là où le nombre le justifie» ferait en sorte que les droits prévus à la nouvelle clause 17 permettraient le recours aux tribunaux, possibilité que, pour ce qu'il disait, le gouvernement de Terre-Neuve n'envisageait pas. C'est là le point le plus important qui ressort de ce témoignage.

Le sénateur Beaudoin: Nous discutons ici de droits enchâssés dans la Constitution et de droits d'un caractère très particulier. Les droits confessionnels sont des droits collectifs. Il y a très peu de droits collectifs de ce genre dans notre Constitution. Mis à part les droits confessionnels et les droits des autochtones, tous les autres droits constitutionnels sont des droits individuels qui, jusqu'à maintenant, ont été décidés par la Cour suprême.

C'est là une difficulté. Bien sûr, nous pouvons modifier la Constitution du Canada, mais lorsque des droits sont enchâssés dans la Constitution, on le fait pour empêcher qu'une simple majorité supprime ou restreigne ces droits. Le référendum ne change pas la Constitution. Le référendum ne fait pas partie de la formule d'amendement. Dans ce cas-ci, il importe peu qu'il y ait eu référendum ou pas.

Pour aborder d'abord l'aspect juridique, je dois dire que je suis surpris par l'alinéa (b) de la nouvelle clause 17 qui parle de mesures assujetties à une loi provinciale. Pourquoi cette expression?

La clause 17 ressemble, dans une certaine mesure, à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour le Québec, l'Ontario et certaines autres provinces. Le Québec et l'Ontario s'intéressent beaucoup à ce qui se passe ici. Nous ne pouvons pas isoler ce cas.

Pourquoi cette expression? Cela veut-il dire que la loi, dans une certaine mesure, pourrait outrepasser la Constitution? C'est très étrange, à mon avis. Peut-être devrais-je poser cette question aux représentants du gouvernement. Votre conseiller juridique peut-il éclairer ma lanterne?

M. Harrington: C'est une très bonne question, sénateur, parce que nous avons toujours été préoccupés par la façon dont le nouveau libellé se compare avec la notion voulant qu'il fera partie de la Constitution. À prime abord, la modification semble avoir l'apparence d'une protection constitutionnelle en ce qui concerne l'existence des écoles pentecôtistes. Cependant, si vous examinez le fonctionnement même de cette résolution et qu'on regarde qui décidera des critères régissant l'existence de ces écoles, on se rend compte tout à coup que cela reviendra exclusivement à l'Assemblée législative, et qu'il n'y a aucune disposition prévoyant que les écoles uniconfessionnelles existeront, un point c'est tout, sauf lorsque le Parlement et l'Assemblée législative en décideront autrement.

Nous avons ici un semblant de protection constitutionnelle et nous nous rendons compte que si la province devait adopter une loi ou établir des règlements sur la viabilité des écoles, elle pourrait établir des normes concernant les inscriptions ou le transport par autobus qui pourraient empêcher l'existence d'une école pentecôtiste en invoquant les coûts ou d'autres moyens, et les jeux seraient faits.

L'Assemblée législative aurait un pouvoir absolu sur le maintien des droits du groupe pentecôtiste. Cela est complètement différent de la notion de protection des droits autochtones, des droits des francophones ou des droits confessionnels.

Le sénateur Beaudoin: Au Québec, par exemple, l'Assemblée nationale pourrait adopter n'importe quelle loi sur l'éducation, sauf qu'elle a le devoir de respecter les droits confessionnels. Le Conseil privé, en 1927 dans l'affaire Hirsch, a dit que le Québec pourrait, demain matin, établir une école laïque pour d'autres personnes à la condition de respecter les droits des groupes catholiques et protestants. La clause 17 ressemble beaucoup à cette disposition. En outre, vos concessions concernant les catégories de personnes sont très précisément indiquées.

Corrigez-moi si j'ai tort, mais cette disposition ne signifie pas que l'Assemblée législative ne peut pas légiférer pour créer une école laïque. J'ai demandé à beaucoup d'experts qui ne sont pas d'accord là-dessus. Certains disent: «Non, nous devons modifier la Constitution afin d'établir une école laïque». D'autres disent: «Oui, nous pouvons maintenant établir une école laïque, cependant, nous devons protéger les droits des écoles confessionnelles.»

Je suis porté à croire qu'en vertu de la clause 17, Terre-Neuve peut faire cela, à la condition de respecter les droits des écoles confessionnelles. Si tel est le cas, pourquoi avoir besoin d'une modification à la Constitution?

M. Batstone: Sénateur Beaudoin, les Assemblées de la Pentecôte avaient leurs écoles bien avant que cela ne soit prévu dans la Constitution en vertu des pouvoirs conférés à l'Assemblée législative en 1954. En fait, elles ont la capacité d'élargir le pouvoir d'exploiter des écoles sans disposition constitutionnelle. Ce qui me préoccupe ici, c'est qu'il n'y a pas véritablement de modification de la présente clause 17, mais plutôt un remplacement virtuel de cette clause dans sa forme actuelle.

La force de cette clause est de limiter l'Assemblée législative dans l'adoption de lois qui pourraient empiéter sur les droits de certaines catégories de personnes. La nouvelle modification donne à l'Assemblée législative pleins pouvoirs pour accorder des droits qui empiètent sur les droits des écoles confessionnelles. On ne modifie pas la clause 17 actuelle, mais on le remplace par une disposition dont la perspective et l'objectif sont entièrement différents.

Le sénateur Beaudoin: Considérez-vous que cette proposition est un changement complet par rapport à la situation actuelle?

M. Batstone: Absolument.

Le sénateur Beaudoin: C'est ce que vous soutenez?

M. Batstone: Oui.

Le sénateur Doody: Lors de sa comparution devant le comité, le ministre Rock a exposé diverses raisons pour lesquelles le gouvernement du Canada voulait faire adopter cette modification à la clause 17 ou une nouvelle clause 17, notamment le vote de confiance que les Terre-Neuviens ont donné au gouvernement de leur province lors des dernières élections en 1996. Je remarque que selon votre mémoire que nous avons ici, ce projet de modification constitutionnelle n'était pas un enjeu lors des élections. Vous n'en avez pas parlé au moment de la présentation du mémoire, mais je pense qu'il est important de le préciser au compte rendu parce que non seulement le ministre Rock mais d'autres ont invoqué les résultats des élections pour appuyer la politique du gouvernement Tobin en matière de réforme constitutionnelle. Pourriez-vous donner plus de détails à ce sujet, révérend?

M. Batstone: Nous avons sauté cette question pour gagner du temps. J'ai lu toute la section qui porte sur l'accord-cadre. J'avais l'intention d'en parler, ce que je vais certainement faire.

Il est juste de dire que les pentecôtistes n'ont pas soulevé la question du projet de modification constitutionnelle lors des élections parce qu'il n'était pas question de modification à la clause 17 dans le programme du Parti libéral. Dans son programme, le parti s'engageait à mener des consultations constitutionnelles avant de procéder à quelque réforme que ce soit, et il s'engageait à assurer un partenariat en matière d'éducation avec les groupes religieux. Le Parti libéral laissait également entendre que la modification constitutionnelle ne constituerait pas un enjeu électoral et que l'on reprendrait les discussions pour régler le problème après les élections. De notre point de vue, la question ne constituait pas du tout un enjeu électoral lors de la récente élection du premier ministre Tobin.

Le sénateur Doody: Ce projet de modification de la clause 17 fera l'objet d'une loi par l'Assemblée législative de Terre-Neuve. En avez-vous pris connaissance? Est-ce que quelqu'un sait ce qu'elle contient, ou si nous sommes les seuls à ne pas l'avoir vue? On nous demande ici de modifier le système scolaire de Terre-Neuve en fonction d'un projet de loi que nous n'avons pas vu. Pourriez-vous éclairer notre lanterne?

M. Batstone: Je suis tout à fait d'accord avec vous, et à notre avis, on nous demande de leur permettre de modifier la Constitution et d'abandonner nos droits. En plus, on nous demande de leur faire confiance. Nous n'avons pas vu le projet de loi. Le premier ministre Wells a déjà présenté une nouvelle version de la Schools Act, mais elle était tellement horrible qu'elle a dû être retirée avant les élections de 1996 sinon, je crois que les électeurs se seraient carrément opposés à cette nouvelle loi. Cependant, nous n'avons pas pris connaissance de la version du gouvernement actuel de la Schools Act. Nous n'avons aucune idée de ce qu'elle contient, nous n'avons aucune idée de la forme ou du cadre du nouveau système d'éducation qui sera mis en place.

Le sénateur Doody: Aucun effort n'a été déployé pour enchâsser l'accord-cadre ou pour l'intégrer à une mesure législative non plus, n'est-ce pas?

M. Batstone: Pas à ma connaissance. Je ne sais pas ce qui en est de l'accord-cadre actuellement. On ne nous a pas informés officiellement qu'il n'y avait pas d'accord. On ne nous a pas informés officiellement qu'il y avait des problèmes. On n'a pas établi quels étaient les problèmes. On ne nous a pas demandé de discuter de l'un ou l'autre des problèmes, s'ils se posent. De notre point de vue, l'accord-cadre est encore intact. Nous devrions aller de l'avant avec cet accord.

Il y a peut-être des gens au sein de la population qui n'acceptent pas tous les éléments de l'accord-cadre, comme il y en a qui n'acceptent pas les dispositions du projet de modification de la clause 17, mais nous n'avons aucune idée pourquoi, officiellement, on ne va pas de l'avant avec l'accord-cadre.

La présidente: Pour clarifier les choses, est-ce qu'un projet de loi n'a pas été déposé au début de juin et ensuite, d'après ce que je sais, retiré? Monsieur Harrington, est-ce que vous en savez quelque chose?

M. Harrington: Non, madame le sénateur, ce n'est pas exact. Il avait d'abord été prévu que si la résolution était adoptée assez rapidement, l'Assemblée législative serait rappelée avant la fin de juin pour adopter certaines modifications à la Schools Act actuelle afin d'assurer la diminution du nombre de conseils scolaires et la création d'un conseil de construction pour la prochaine année scolaire, mais cela a été remis à cause des délais qui se sont prolongés.

La présidente: Merci.

M. Harrington: Je devrais ajouter pour les fins du compte rendu que, d'après moi, la position publique du gouvernement de Terre-Neuve telle qu'annoncée tout dernièrement était qu'il ne voulait pas...

Le sénateur Rompkey: Avec tout le respect que je vous dois, je crois que le gouvernement de Terre-Neuve devrait avoir la possibilité d'énoncer sa propre position au lieu que ce soit M. Harrington qui le fasse pour lui.

Le sénateur Kinsella: Il peut lire le compte rendu de nos délibérations.

M. Harrington: Je veux simplement ajouter quelque chose à ce que le révérend Batstone a dit. J'avais cru comprendre que l'on craignait que si le gouvernement déposait un nouveau projet de loi maintenant, les opposants à la résolution risquaient de s'en servir contre la clause 17 dans sa forme actuelle. Par conséquent, le gouvernement a l'intention de conserver le projet de loi jusqu'à ce que la résolution soit adoptée.

La présidente: Merci. Nous allons certainement interroger les représentants du gouvernement de Terre-Neuve à ce sujet.

Le sénateur Rompkey: Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos invités, plus particulièrement au pasteur King que je connais depuis plus de vingt ans et pour qui j'ai beaucoup de respect. Je veux poser une question au sujet de ce que veut la population, parce que nous avons entendu différents arguments, nous avons entendu certaines choses tirées du mémoire ce matin qui m'ont fait sursauter, je dois dire. Vous dites que 85 p. 100 des pentecôtistes ont écrit une lettre -- je pense que le chiffre de 15 000 a été avancé dans le mémoire -- et c'est certainement impressionnant. Nous avons parlé de chiffres au référendum, et nous avons utilisé les chiffres des districts où une confession prédomine pour dire que certaines personnes ont voté d'une façon, d'autres différemment.

Je crois qu'il vaut la peine d'inscrire au compte rendu une autre preuve, c'est-à-dire le sondage post-référendaire qu'a effectué le professeur Graesser de l'Université Memorial sur ces questions. Il est important, madame la présidente, que j'en lise brièvement quelques paragraphes. On dit que, dans l'ensemble, les parties s'entendent sur les deux sujets -- c'est-à-dire l'élimination des dédoublements et du gaspillage et la suppression de la religion dans les écoles. En fait, la majorité des gens s'entendent là-dessus. Dans un sondage post-référendaire effectué auprès de 330 électeurs de St. John's et mené par un groupe de sciences politiques de l'Université Memorial, 89 p. 100 des répondants ont dit que le système confessionnel implique un gaspillage d'argent et des dédoublements inutiles. En outre, 75 p. 100 ont dit qu'il devrait y avoir un système scolaire unique pour tout le monde, peu importe la religion.

Du même souffle, 63 p. 100 ont approuvé la déclaration voulant que l'enseignement de la religion dans les écoles confère une meilleure éducation générale. J'aimerais ensuite en venir à un autre paragraphe plus loin, soit la proposition voulant qu'il est préférable que les enfants fréquentent des écoles séparées selon leur religion et que les conseils scolaires devraient avoir le droit de refuser d'engager des enseignants qui ne pratiquent pas la religion du conseil. Lors du sondage post-référendaire, 91 p. 100 ont également rejeté cette idée, y compris 87 p. 100 d'électeurs qui avaient voté «non» au référendum, donc il y a là des preuves contradictoires.

Comme je le dis, les chiffres que vous avez donnés ce matin m'ont fait sursauter, mais nous devons également examiner cette autre preuve qui est devant nous, et personnellement, j'essaie de voir clairement ce que veut chaque catégorie de Terre-Neuviens. Ma question est donc la suivante: n'aurait-il pas été utile de voter par catégorie lors du référendum?

Je suis conscient que le référendum n'est pas la solution magique. Il s'agit d'une étape dans le cadre du processus. C'est un élément du processus de changement, mais on a accordé beaucoup d'attention au référendum. N'aurait-il pas été utile de savoir lors du référendum comment chaque catégorie de personnes a voté? Croyez-vous que cela aurait été une bonne idée? Je sais que c'est avec le recul, mais cela n'aurait-il pas été utile?

M. Batstone: Sénateur Rompkey, cette façon de procéder n'aurait été valide que si le gouvernement s'était engagé à faire en sorte que si une catégorie de gens votaient majoritairement pour conserver leurs droits, les droits seraient conservés. Autrement, cela aurait été inutile. Cela n'était pas valide de poser la question qui a été posée à notre catégorie parce que la question n'était pas équitable. Nous ne pouvions juger que la question était valide parce qu'il est possible de réformer le système sans avoir à modifier la Constitution.

Dans la ville de St. John's, il y a seulement 17 p. 100 de la population qui est pentecôtiste, si bien que le sondage ne reflète pas les vues des pentecôtistes. Si vous voulez sonder les pentecôtistes, il faut aller au centre de Terre-Neuve où nous sommes en majorité, et non pas dans la ville de St. John's. La situation est unique à cet égard. Par exemple, selon la nouvelle proposition concernant la clause 17, si les conseils scolaires sont établis, nous avons effectivement une école à St. John's, en fait deux écoles dont une est une école majeure, mais à cause de notre représentation en fonction de la population dans la ville, nous n'aurions pas de commissaire au conseil scolaire pour gérer notre école à St. John's. À notre avis, c'est tout à fait injuste, inéquitable et totalement inacceptable.

Le sénateur Rompkey: Que pensez-vous des droits des autres minorités? D'après ce que je sais, lorsque le nouveau régime sera en place, seulement certains groupes confessionnels auront le droit d'avoir des représentants aux conseils scolaires. Par exemple, il y a 2 500 Moraviens au Labrador. Ils constituent probablement la majorité sur la côte du Labrador, sauf à Postville dans le nord, comme vous le savez très bien. Ils n'auront pas le droit d'avoir un représentant au conseil scolaire même s'ils constituent la majorité de la population dans cette région, donc c'est correct ou pas?

M. Batstone: Ils n'ont pas de droits reconnus par la Constitution, mais vous savez que la composition du conseil scolaire prévoit l'élection de personnes non détentrices de droits. Il y a cinq postes au conseil.

Le sénateur Rompkey: Un tiers.

M. Batstone: Exactement, un tiers des postes auxquels ils peuvent être élus.

Le sénateur Rompkey: En réalité, les Moraviens sont intégrés à la population générale. Cela ne leur confère pas de droits confessionnels, mais le droit conféré à chaque autre citoyen de Terre-Neuve, même si cela ne leur donne pas de droit en tant qu'église.

M. Batstone: En fait, la modification de la clause 17 ne change rien à cela. Elle prévoit le même régime.

Le sénateur Rompkey: Ce n'est pas ce que je comprends. Ce que je comprends, c'est que seuls les groupes religieux enchâssés dans la Constitution continueront d'avoir des droits.

M. Batstone: C'est exactement ce que je dis. La nouvelle clause 17 ne prévoit pas que les Moraviens auront un siège à ces nouveaux conseils.

Le sénateur Rompkey: Vous seriez donc en faveur de leur donner un siège, n'est-ce pas?

M. Batstone: Je n'ai pas d'objection.

Le sénateur Rompkey: À combien de confessions donneriez-vous ces droits?

M. Batstone: Nous acceptons la composition des conseils, deux tiers, un tiers.

Le sénateur Rompkey: Mais en ce qui concerne les autres minorités à Terre-Neuve, à combien d'entre elles accorderiez-vous le droit de siéger aux conseils scolaires?

M. Batstone: Je dirais «lorsque le nombre le justifie», cela constituerait une approche très raisonnable. Environ 98 p. 100 de la population de Terre-Neuve appartient à un groupe chrétien, et 98 p. 100 sont représentés par les deux tiers du conseil.

Le sénateur Rompkey: Vous avez dit vous-même que les pentecôtistes constituent une minorité à St. John's et une majorité dans le centre de Terre-Neuve. Dans diverses régions de la province, il y aurait diverses minorités.

M. Batstone: En ce qui concerne les pentecôtistes, l'accord-cadre est venu remédier à cela parce qu'il y a eu entente pour dire que si on a une école dans ce district, on a le droit d'avoir au moins une personne qui siège au conseil scolaire pour nous représenter.

Le sénateur Rompkey: La seule chose que je tiens à consigner au compte rendu, madame la présidente, comme nous l'avons fait avant, c'est qu'il y a beaucoup de minorités à Terre-Neuve, dont certaines ont des droits, d'autres pas, et la question pour nous, je pense, est de voir comment ces minorités seront toutes traitées à l'avenir. J'aimerais poser d'autres questions, mais je prends peut-être trop de temps.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, premièrement, je pense qu'il serait peut-être utile que nos témoins déposent l'annonce publicitaire qui a paru dans le journal dont ils ont parlé. Deuxièmement, madame la présidente, vous pourriez peut-être m'aider à ce sujet. À la page 27 du mémoire de nos distingués témoins, il est question d'une lettre du gouvernement. Je pense qu'il s'agit d'une lettre du gouvernement de Terre-Neuve datée du 5 juin 1996 et adressée au leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Fairbairn. Si nous n'avons pas de double de cette lettre, elle devrait être incluse dans les dossiers du comité. Troisièmement, le sénateur Rompkey a tiré une citation d'un document. Peut-être pourrait-il déposer ce document.

J'aimerais poser une question à M. Harrington, si vous permettez. Croyez-vous que le Sénat, en évaluant cette proposition -- qui, je crois tout comme vous, a effectivement pour effet d'abroger les droits de catégories de personnes, droits actuellement prévus par la Constitution à la clause 17 -- en effectuant notre analyse, en nous faisant un jugement sur les implications de cette modification à la clause 17, qui consistera à abroger les droits dont jouissent certaines catégories de personnes, devrait appliquer les mêmes principes que ceux qu'ont utilisés la Cour suprême du Canada et d'autres tribunaux dans l'affaire Oakes, à savoir que les tribunaux canadiens peuvent décider de permettre qu'une mesure législative soit constitutionnellement acceptable même si cette mesure législative outrepasse des droits reconnus par la Charte? Autrement dit, pourriez-vous éclairer notre comité et nous dire si, à votre avis, par exemple, un, l'objectif visé par le gouvernement de Terre-Neuve revêt une importance pressante à tel point que le droit de certaines catégories de personnes devrait être abrogé; deux, que cette mesure, la nouvelle clause 17, empiète sur le droit que des catégories de personnes ont actuellement, le moins possible, ce qui est un autre critère. Et trois, qu'il faut établir un bon équilibre entre les objectifs qui sont recherchés, dans ce cas-ci la réforme du système scolaire, et l'impact que ces objectifs pourraient avoir si le droit dont on jouit actuellement était abrogé?

M. Harrington: Vous venez de poser là toute une série de questions, et je vais essayer de faire de mon mieux pour y répondre. Elles ont en partie un caractère politique et un caractère juridique. Comme je l'ai dit à Ottawa: les sots se précipitent là où les anges n'osent pas s'aventurer.

Permettez-moi simplement de dire au départ que, bien sûr, dans ce débat, la question fondamentale depuis le début est le désir qu'a manifesté le gouvernement provincial de procéder à une réforme, plus particulièrement à cause des contraintes budgétaires et de la nécessité d'éviter les dédoublements. Bien sûr, il y a beaucoup de gens des deux côtés qui ont d'autres préoccupations comme le fait de voir si d'autres minorités sont suffisamment protégées, s'il devrait y avoir un système d'écoles publiques et tout un tas d'autres préoccupations. Cependant, la question fondamentale a été la rationalisation du système à cause des coûts. S'il y avait des preuves concluantes que les intervenants actuels n'étaient pas disposés à participer à un accord-cadre qui permettrait de réaliser des économies lorsque les gens reconnaissent que les assemblées législatives ont un rôle à jouer dans ce domaine, bien sûr alors on pourrait commencer à se demander si les changements constitutionnels sont nécessaires.

La position des pentecôtistes est, j'en suis sûr, la même que celle des catholiques. Ils soutiennent fermement qu'ils se sont fortement engagés à procéder à des changements qui permettront de réaliser des économies importantes, plus particulièrement au chapitre de la main-d'oeuvre, parce que cela constitue la plus grande source d'économies, autant dans le secteur privé que dans le secteur public. Cela a été dit parce que les deux groupes ont accepté de réduire le nombre des conseils scolaires ainsi que d'importants frais administratifs qui se traduiront par des économies de plusieurs millions de dollars. Par conséquent, à ce moment-là, on applique un critère de «raisonnabilité» à la protection des droits des minorités par opposition au droit de l'Assemblée législative de prendre des décisions dans l'intérêt du public, en s'assurant que l'argent des contribuables est dépensé à bon escient. C'est ce qui est en jeu.

Bien sûr, les témoignages que vous entendez actuellement veulent que nombre des réformes clés qui permettront de réaliser des économies importantes ont déjà été acceptées, et que nous discutons maintenant d'autres questions qui concernent réellement la préservation des droits des minorités par opposition aux plaintes voulant que certains groupes préféreraient avoir des écoles dans les quartiers et à ce moment-là on s'en va dans toutes les directions. Si on estime que le but est de réaliser des économies et de moderniser le système, je pense alors que la preuve est là, il y a entente, et qu'une modification constitutionnelle n'est pas nécessaire.

Le deuxième point concerne la question de l'équilibre, et il faut alors examiner la résolution telle qu'elle est et voir ce que les groupes avaient avant et ce qu'ils auront à l'avenir. Le problème que nous avons maintenant, c'est que dans le régime actuel, les catholiques et les pentecôtistes, par exemple, jouissent du droit constitutionnel absolu d'avoir leurs propres écoles, leurs propres enseignants, le financement du gouvernement, ainsi que leurs propres conseils scolaires composés de leurs propres représentants. Ce sont là des droits protégés par la Constitution. Ces droits étaient considérés comme faisant partie du pacte fondamental de la Confédération, comme la Cour suprême du Canada l'a déclaré dans l'affaire concernant le financement des écoles secondaires en Ontario.

Nous sommes partis de cette position, et nous sommes allés à l'autre extrémité du spectre, parce que tout à coup maintenant, ces droits ont été changés pour en faire des droits qui sont tout à fait assujettis à d'autres décisions, peu importe leur nature, qui sont en fait diminués parce que les conseils scolaires seront des conseils interconfessionnels. Par conséquent, la question de l'intendance porte maintenant sur des droits qui peuvent uniquement être assujettis à la volonté de l'Assemblée législative qui se chargera de les préserver, si bien que des lignes directrices concernant la viabilité des écoles qui en feraient des droits non reconnus par la loi pourront totalement être adoptées par la province.

Entre les deux, le compromis raisonnable aurait été de dire: «Nous prendrons les dispositions pour que ces droits soient protégés lorsque le nombre le justifie»; ainsi donc, on aurait au moins établi que si l'Assemblée législative n'a pas la volonté politique de préserver ces droits, à tout le moins ces minorités auraient le droit de recourir aux tribunaux. Malheureusement, comme l'a dit M. Binnie la semaine dernière, il est venu en réalité confirmer nos craintes que, en fait, on est allé à l'autre extrémité du spectre, c'est-à-dire que le Parlement ne joue aucun rôle, ni les tribunaux; tout est entre les mains de l'Assemblée législative.

Cela, je pense, est évidemment un déséquilibre que le Sénat, à titre de protecteur des droits des minorités, a le devoir fondamental de protéger. Comme l'ont déclaré des sénateurs à Ottawa, et je suis certain que ceux qui sont présents ici aujourd'hui sont d'accord, la question vient toucher au plus important rôle que le Sénat doit jouer en vertu de la Constitution, c'est-à-dire la protection des droits des minorités. C'est là une cause où il y a déséquilibre manifeste, et je pense que vous êtes appelés à le corriger.

Le sénateur Jessiman: Parmi les documents qui ont été remis aux députés et aux sénateurs, il y a une lettre écrite par le premier ministre de Terre-Neuve en date du 24 mars 1996, et à la deuxième page, au troisième paragraphe de la fin, ce dernier parle de l'accord-cadre. Il dit:

Plusieurs grandes questions qui sont essentielles à la réalisation de la réforme du système d'éducation de la province demeurent sans solution, notamment la nature des paramètres provinciaux régissant la fermeture, le regroupement et la construction d'écoles, la désignation des écoles à titre d'établissements uniconfessionnels ou interconfessionnels et le processus permettant de déterminer le choix des parents dans la désignation des écoles.

Je veux encore vous lire simplement trois autres lignes:

Bien que l'on ait atteint un consensus sur un accord-cadre pour poursuivre les discussions, nous n'avons pas conclu d'entente avec toutes les confessions. Il est prématuré d'en conclure que nous sommes sur le point d'en arriver à une solution puisque les groupes religieux expriment toujours des opinions divergentes sur les questions en suspens.

Vous avez dit tout à l'heure qu'en ce qui vous concerne, les trois premières questions, d'après ce que j'ai compris de votre témoignage, ont été acceptées. Est-ce exact?

M. Batstone: Oui, il y a eu entente sur les trois premières questions, mais sur d'autres également. Les questions que vous avez relevées dans la lettre du premier ministre n'ont pas été discutées en détail. Elles ont été repérées comme des questions qui doivent être discutées et réglées, et nous nous sommes engagés à les aborder une fois que nous aurons mis en place les dix conseils ainsi que le conseil de construction. Nous nous sommes engagés à continuer de discuter de ces questions et d'en arriver à un consensus, et je suis convaincu qu'un consensus est possible sur ces questions également.

Le sénateur Jessiman: Pouvez-vous nous dire si les catholiques romains acceptent ces trois questions parmi les cinq que le premier ministre a décrites comme étant toujours en discussion?

M. Batstone: Je crois qu'ils acceptent l'accord-cadre tel que publié.

Le sénateur Jessiman: Et vous acceptez aussi ces trois questions?

M. Batstone: Oui.

Le sénateur Jessiman: Même chose pour les Églises intégrées?

M. Batstone: Je crois que oui, mais je pense que dans les déclarations publiques qu'elles ont faites depuis ce temps, il règne une certaine confusion quant à leur position au sujet de tout l'accord-cadre, et je ne sais pas ce qu'elles en pensent actuellement. Elles n'en ont pas discuté officiellement avec nous, et ne nous ont pas précisé quels sont les problèmes.

Le sénateur Jessiman: Il poursuit en disant que si vous aviez effectivement conclu une entente -- si les groupes religieux avaient conclu une entente --, alors, les membres de l'un ou l'autre des groupes qui ont signé cette entente pourraient revenir contre le gouvernement parce qu'il adopte des mesures sur lesquelles ils ne s'étaient pas entendus. Peut-être votre avocat pourrait-il intervenir là-dessus. Je croyais que vous aviez signé une entente exécutoire pour tout le monde, mais le premier ministre dit le contraire dans le dernier paragraphe à la page 2.

M. Harrington: Je ne veux pas voler la vedette à M. Irving parce qu'il discutera demain de cette question plus en détail, mais il n'y a rien de mal à ce que des catégories de personnes exercent leurs droits en vertu d'une entente. Les décisions qu'a rendues la Cour suprême du Canada au sujet des droits confessionnels, lesquelles reconnaissent l'importance du rôle des assemblées législatives dans le domaine de l'éducation, nous portent à croire, de notre point de vue, que si des catégories de personnes se sont entendues avec le gouvernement pour exercer leurs droits d'une certaine façon qui semble aller au mieux des intérêts financiers et pédagogiques du groupe, il est peu probable qu'un membre dissident d'un des groupes religieux obtienne gain de cause devant les tribunaux. Les pouvoirs ne manquent pas pour voir que la reconnaissance de ces intérêts aurait préséance sur la critique des dissidents.

Le sénateur Jessiman: Vous avez dit qu'au pire, si nous nous entendions entre nous pour adopter la clause 17, nous devrions au moins ajouter l'expression «là où le nombre le justifie». Au paragraphe 17c), on dit: «et pour établir l'enseignement de certains aspects du programme», croyez-vous qu'il serait utile d'ajouter les termes «déterminer et obliger»? Est-ce que cela serait utile?

M. Harrington: Très. M. Binnie en a parlé la semaine dernière et a laissé entendre qu'il n'était pas nécessaire d'utiliser le terme «déterminer» parce qu'il est implicite dans le terme «obliger». Le problème, c'est que -- et M. Irving abordera la question plus en détail demain -- on peut consulter d'autres dictionnaires qui établiront très clairement que le terme «obliger» ne veut pas dire «déterminer». Cela veut simplement dire «réglementer» ou «mettre en oeuvre».

Le premier ministre Wells, dans sa correspondance avec les groupes religieux, a précisé que le but était de faire en sorte que cette disposition de la nouvelle résolution proposée comprenne le droit de déterminer, et nous avons simplement dit que si l'on veut que la loi soit claire, que la Constitution soit claire en ce qui a trait aux droits qui sont conférés, quel mal y a-t-il à ce qu'on assure cette certitude en ajoutant simplement ce mot? Je pense que le message de M. Irving est également clair, et il abordera la question plus en détail demain.

La présidente: Question de précision, j'avais entendu dire que le projet de loi 8 avait été présenté en première lecture à l'Assemblée législative de Terre-Neuve, alors j'ai téléphoné au bureau du greffier. En fait, le projet de loi a été présenté en première lecture le 27 mai 1996, mais il n'a pas été déposé, donc nous avons tous les deux raison. Je suis toujours contente lorsqu'il n'y a que des gagnants, pas de perdants.

Le sénateur Pearson: J'aimerais poser deux questions. La première est une question générale qui ne porte pas exclusivement sur vos assemblées. Ai-je raison de dire que le droit que vous cherchez à obtenir et dont il est question à la clause 17 est le droit à l'éducation financée par les pouvoirs publics? Rien dans la Constitution de Terre-Neuve ni aucune loi ici ne nie le droit d'un groupe confessionnel d'établir une école financée par lui-même.

M. Batstone: La loi provinciale prévoit ce genre d'école. Dans ce cas-ci, l'enseignement est financé par les pouvoirs publics.

Le sénateur Pearson: L'argument porte en partie sur le droit aux fonds publics. J'ai vécu, lorsque je faisais partie du service extérieur, dans des sociétés qui n'avaient pas le droit à l'éducation confessionnelle, si bien que je veux simplement que l'on précise au compte rendu que je comprends qu'à certains égards, ce droit existe, peu importe ce qui arrive.

M. Batstone: D'après les règlements du ministre, les écoles seraient considérées comme des écoles privées.

Le sénateur Pearson: Voilà pour ma question générale. Ma deuxième question porte plus spécifiquement sur vous. Je crois que c'est le révérend King qui a dit que personne ne devrait se voir refuser le droit à l'éducation, et vous avez parlé de la politique d'admission libre.

M. King: Oui.

Le sénateur Pearson: Est-ce que dans votre système scolaire, vous acceptez beaucoup d'enfants qui ne font pas partie des Assemblées de la Pentecôte?

M. King: Oui. Par exemple, ici même à St. John's, où nous avons deux grandes écoles, bien que je n'aie pas le pourcentage exact, si je dis 60/40, je suis certainement assez près de la réalité. Lorsque je dis 60/40, ça veut dire 60 p. 100 de pentecôtistes, et 40 p. 100 d'autres confessions qui ont décidé d'envoyer leurs enfants dans des écoles pentecôtistes. La politique d'admission libre est appliquée dans toute la province, cela fait partie du partenariat entre le gouvernement et les groupes religieux. Nous avons tous accepté cette politique afin de ne refuser aucun enfant.

Le sénateur Pearson: Avez-vous des règles concernant l'expulsion des enfants?

M. King: Ces règles relèvent uniquement du conseil scolaire.

Le sénateur Pearson: Chaque conseil a ses propres règles?

M. King: Oui, dans le cadre de la politique sur la discipline.

Le sénateur Pearson: Cela n'a rien à voir avec la croyance religieuse de l'enfant, c'est simplement une question de discipline et, tout compte fait, dans le système, il y a de la place pour cet enfant peu importe l'école qui l'expulse?

M. King: C'est juste.

M. Batstone: Toutes les questions de discipline et d'expulsion sont régies par la loi, la Schools Act. Cette loi ne renferme, pour ce qui a trait aux expulsions ou à la discipline dans les écoles pentecôtistes, aucune disposition différente de celles de n'importe quelle autre école de la province. Nous avons vraiment un système d'enseignement centralisé et le gouvernement, par l'entremise du ministère de l'Éducation, contrôle la majeure partie de l'enseignement dans la province, ce ne sont pas les groupes religieux ni les conseils scolaires qui le font.

Le sénateur Pearson: Je pense à certains conseils scolaires à Toronto qui ont une politique de tolérance zéro en matière de violence. Dans le système de Terre-Neuve, y a-t-il de la place pour l'enfant qui a été expulsé d'une des écoles confessionnelles pour mauvais comportement?

M. Harrington: Je pense que c'est juste. D'après mon expérience dans les avis que je prodigue aux divers conseils scolaires de la province, je sais qu'il n'est pas rare qu'un enfant qui est expulsé d'une école aboutisse dans un autre système scolaire. Je dois vous dire également qu'en général, la loi ne prévoit pas que les enfants soient expulsés d'une école pendant très longtemps. Il faut vraiment avoir des preuves très contraignantes avant d'expulser un enfant d'une école de la province. Même devant le tribunal de la jeunesse, très souvent, les décisions exigent que l'enfant retourne à l'école dans le cadre du processus de réadaptation.

Si vous me permettez d'ajouter une dernière chose en ce qui concerne les politiques d'admission libre, la situation est la même dans toute la province. En même temps, cependant, une fois l'enfant admis, les parents ont effectivement le droit d'indiquer par écrit aux autorités scolaires qu'ils veulent que leur enfant soit soustrait à l'enseignement religieux à l'intérieur de l'école, ou du système scolaire en particulier.

Le sénateur MacDonald: J'ai une question que je voudrais poser à tous les témoins, parce qu'elle concerne quelque chose qui m'a vraiment étonné. Mis à part le sérieux des questions dont nous discutons en ce qui concerne les modifications constitutionnelles, si le comité approuve ce que le gouvernement de Terre-Neuve propose actuellement, nous devons alors revenir en arrière et dire que nos discussions impliquent que les Terre-Neuviens ne peuvent pas s'entendre sur l'éducation de leurs enfants par l'entremise des divers intervenants et des confessions impliqués.

Vous avez dit que le ministre de l'Éducation, M. Grimes, a annoncé publiquement le 18 avril qu'un accord-cadre avait été conclu. Le 24 avril, il a dit que ces changements représentaient un premier pas important. Neuf semaines plus tard, M. Grimes écrivait au sénateur Fairbairn et disait ceci:

Cependant, presque trois ans d'intenses discussions entre les représentants du gouvernement et les confessions se sont avérés futiles.

J'ai eu l'impression qu'il y avait espoir que cet accord-cadre soit repris, qu'on en vienne à une entente. Est-ce que votre situation ici est à ce point désespérée que vous ne pouvez même pas vous entendre sans devoir faire adopter une modification constitutionnelle? C'est ma question.

M. Batstone: Je ne peux vous donner que mon point de vue en ce qui concerne les discussions. Comme nous l'avons précisé, nous acceptons en tous points l'accord-cadre et nous sommes d'accord pour procéder à la réforme du système. Nous sommes d'accord pour abandonner notre conseil scolaire et pour participer aux dix conseils interconfessionnels. Nous sommes d'accord pour dire que lorsque des écoles ne sont pas viables, nous pouvons avoir des écoles interconfessionnelles.

Cependant, lorsque des écoles pentecôtistes sont viables, nous demandons seulement le droit de continuer d'avoir ces écoles et d'exercer le contrôle sur les questions dans ces écoles qui assurent l'intégrité confessionnelle. Nous sommes d'accord sur toutes ces questions, sénateur.

Le sénateur MacDonald: Comme je l'ai dit, c'est là une question que j'ai l'intention de poser ad nauseam à tous les témoins. Je ne comprends pas comment, entre le 18 avril et le 5 juin, soit une période de neuf semaines, quelqu'un est venu semer la pagaille dans tout cela.

M. King: Si je puis me permettre de répondre, je suis sûr que votre question vous amène à nous demander où nous nous situons en tant qu'intervenants dans le débat général sur la réforme. Nous sommes ici ce matin, nous essayons de contrôler nos émotions, de ne pas fondre en larmes devant toute cette affaire.

En ce qui concerne la préoccupation du sénateur Rompkey, 85 p. 100 de nos fidèles, de ceux qui ont droit de vote, se sont exprimés. Je suis ici aujourd'hui non pas en supposant que je parle en leur nom, mais on m'a dit que je le fais: 85 p. 100 des gens me l'ont dit. Ils ont envoyé 15 000 lettres au gouvernement pour lui faire part des préoccupations des pentecôtistes. Nous avons communiqué avec nos fidèles très souvent au cours de cette période de trois ans pour qu'il n'y ait pas de malentendu au sein de notre groupe et pour que, lorsque nous arriverons à la table et pour conclure une entente, nous soyons capables de parler au nom de nos fidèles.

Je suis d'accord avec le pasteur Batstone dans la réponse qu'il vous a donnée, sénateur, à savoir que nous sommes capables d'accepter l'accord-cadre qui a été conclu. Nous ne comprenons pas pourquoi tout a pu s'effondrer en neuf semaines, sénateur. Le fait est qu'on ne nous a pas informés officiellement pourquoi l'accord s'était effondré.

Le sénateur Lewis: J'aimerais vraiment comprendre ce qui se passe, si c'est possible. Je pense que sommes tous d'accord pour dire qu'il est probablement nécessaire de changer les choses et bien sûr, au cours des années, il y a eu des changements d'attitude à Terre-Neuve en ce qui concerne l'éducation religieuse. Je me souviens, lorsque nous étions jeunes et que nous allions à l'école, nous étions, si je puis dire, presque séparés d'une école à l'autre, entre les différentes religions. Les choses ont changé, il y a un changement d'attitude, et je pense que vous acceptez qu'il faut changer le système lui-même.

Je pense que nous pouvons dire que la situation juridique est claire en ce qui concerne les changements proposés en vertu de la article 43 de la Constitution et qu'en réalité, une Constitution n'est pas un roc, c'est simplement un pacte entre les gens qui peut être changé. Si elle ne peut pas être modifiée, bien sûr, ce sera la révolution.

Deux points d'interrogation me préoccupent et j'aimerais vous en faire part. Nous vivons dans une société démocratique. Vous avez souvent parlé -- comme bien d'autres -- du fait que la majorité impose sa volonté à une minorité. Dans une société démocratique, comment la volonté du peuple s'exprime-t-elle, sinon par le biais de l'Assemblée législative, des représentants élus? On nous a dit que cette proposition de modification de la Constitution est discutée depuis un certain temps. Il y a eu de longues discussions à ce sujet et beaucoup de publicité. Les gens ont eu la chance de s'exprimer, elle a été discutée à l'Assemblée législative. Je n'ai pas l'intention de parler trop du référendum, mais c'est un élément qui existe, et il y a eu aussi des élections. Quelle est votre attitude face au vote unanime sur la résolution à l'Assemblée législative de Terre-Neuve? Ça, c'est une chose.

L'autre chose, c'est que j'ai entendu M. Harrington, je crois que c'est lui, dire que ce que vous craignez, ce sont les répercussions de la mise en oeuvre de la nouvelle clause 17 et la perspective que tout soit entre les mains de l'Assemblée législative. Je me demande simplement, est-ce une peur réelle? Avez-vous peur de l'Assemblée législative, de vos représentants élus? Par contre, seriez-vous disposés à abandonner ces pouvoirs, ces droits dont vous parlez, moyennant une certaine forme de protection pour compenser l'absence de pouvoirs? Seriez-vous disposés à laisser ce pouvoir à l'Assemblée législative si on trouvait une certaine façon d'y insérer un genre de protection pour vous? Je ne sais pas qui voudra répondre à cette question.

M. Harrington: Je pense que d'autres membres de notre groupe vont vouloir répondre. Je vais simplement aborder la question du point de vue juridique pour l'instant. Je ne veux pas dominer la séance d'aujourd'hui avec les questions juridiques. Permettez-moi de dire ceci: vous ne pouvez pas simplement examiner ce qui se passe actuellement et dire: «Bien sûr, l'Assemblée législative peut décider de ces questions grâce à un vote majoritaire ou en tenant compte du désir de la majorité», parce qu'il faut voir aussi les répercussions d'une telle décision. Il est ici question de droits historiques en matière d'éducation qui reposent sur une perception de l'éducation qui est différente de celle des autres parties. Je pense qu'il est juste de dire, bien honnêtement, que les membres des églises intégrées croient réellement que l'école a un rôle moins grand à jouer en matière d'éducation religieuse, de croyances religieuses que ne le croient les catholiques et les pentecôtistes. C'est simplement une tradition. Tout le monde sait que l'école du dimanche, par exemple, a toujours constitué un volet très important de nombreux groupes confessionnels intégrés, comme on les appelle à Terre-Neuve, et ils ont le droit de penser ainsi, à savoir qu'ils sont moins intéressés par les questions d'intendance et moins préoccupés par le rôle des écoles en matière d'éducation religieuse, en général, de leurs fidèles.

Le problème qui se pose, c'est le mélange -- et c'est là une question historique, je sais que M. Irving abordera à nouveau cette question demain d'un point de vue national -- mais d'un point de vue provincial, cela est également vrai. Nous sommes face aujourd'hui à la perspective que, même maintenant, une semaine avant l'adoption de la résolution, il y a des gens qui ont des opinions très honnêtes, y compris les leaders religieux qui sont en faveur de l'intégration, qui estiment n'avoir aucun rôle à jouer dans l'intendance en matière d'éducation, qu'il ne devrait pas y avoir d'écoles uniconfessionnelles, qu'il devrait simplement y avoir des écoles interconfessionnelles de quartier, et ces gens-là ont parfaitement droit à leur opinion.

Le problème, c'est que, réunis, ils constituent une majorité de la population et on a alors la preuve évidente d'une situation où ces gens-là, dans la mesure où ils peuvent attirer l'attention des politiciens provinciaux, peuvent très facilement faire adopter une loi qui appuie leur opinion, et ce, au détriment des fidèles catholiques et pentecôtistes qui croient fermement que l'école a un rôle central à jouer dans le bien-être religieux des élèves.

C'est pour cette raison que, dans l'histoire constitutionnelle canadienne, les droits confessionnels des minorités sont protégés par la Constitution. Et c'est aujourd'hui, en 1996, la préoccupation qu'expriment les minorités, à savoir qu'avec ce genre de résolution, qui laisse tout entre les mains de l'Assemblée législative provinciale, cette dernière peut simplement répondre aux intérêts de ceux qui ne sont réellement pas intéressés par les écoles confessionnelles, qui ne veulent pas être impliqués dans la gérance de l'éducation, comme cela a été déclaré publiquement récemment, et qu'il n'y a pas de place pour nous, les règlements concernant la viabilité des écoles seront tellement sévères que même si les documents semblent nous donner le droit d'avoir des écoles uniconfessionnelles même lorsque le nombre le justifie, en réalité, on n'aura pas suffisamment d'appui ou d'infrastructure pour exploiter ces écoles. C'est là le coeur du problème.

Vous avez parlé de la résolution unanime de l'Assemblée législative, peut-être que le révérend Batstone pourrait aborder la question, mais d'après ce que je comprends, c'est que la résolution adoptée récemment par l'Assemblée législative demandait à Ottawa d'agir. Ce n'était pas nécessairement un vote au sujet de la article 17 ou autre chose. On demandait simplement au gouvernement fédéral de prendre une décision.

Cela mis à part, la question demeure toujours la suivante: est-il équitable, en pareilles circonstances, de laisser les droits d'une minorité protégée par la Constitution entre les mains de l'Assemblée législative? Ces minorités n'ont plus de protection constitutionnelle parce que selon les commentaires que vous avez faits tout à l'heure, ces droits ne peuvent être protégés que conjointement par le Parlement et l'Assemblée législative qui travaillent main dans la main, ou par les tribunaux. Si vous laissez les droits entre les mains de l'Assemblée législative, ce ne sont pas du tout des droits constitutionnels.

Le sénateur Lewis: Un simple commentaire à ce sujet. Tout le monde a déjà entendu dire que la politique est l'art du possible, et il me semble que nous devrions garder cela à l'esprit. Toute assemblée législative doit tenir compte des gens qui ont élu ses représentants. Si un gouvernement tente de faire quelque chose qui va à l'encontre du désir de la majorité, il doit consulter les membres de l'Assemblée législative. C'est ce qui m'a dérangé lorsque j'ai constaté qu'il y avait eu vote unanime. Vous avez répondu à la question.

M. Batstone: Sénateur Lewis, je crois que le vote visant à modifier la Constitution n'a pas été un vote unanime, mais le résultat a été de 31 contre 20. Je pense que le vote dont vous avez parlé consistait à demander au Parlement d'aborder le processus et nous avons constaté que le processus impliquait, à la Chambre des communes, la discussion franche que nous avons aujourd'hui ici pour expliquer toutes les questions en jeu et après, bien sûr, le vote aurait pu être basé sur une information complète. Effectivement, il est regrettable que les Communes n'aient pas tenu d'audiences pour entendre les minorités dont les droits sont si touchés. Nous félicitons le Sénat de l'avoir fait.

Quant au point que vous avez soulevé, si la majorité impose ses règles aujourd'hui, des minorités comme nous, qui ont des convictions religieuses et qui croient que l'éducation doit inclure un volet éthique, moral et religieux, n'ont alors plus de pouvoir.

Le sénateur Lewis: Tout se résume vraiment à une question de pouvoir?

M. Batstone: Nous croyons que c'est la raison pour laquelle la Constitution a reconnu les droits des minorités afin que ces dernières puissent effectivement jouir de ces droits sans être touchées par le pourvoir de la majorité. C'est la raison pour laquelle nous avons une démocratie constitutionnelle et que les droits de ces groupes sont reconnus dans la Constitution parce que, effectivement, nous n'avons pas de pouvoir. Nous n'avons pas de pouvoir dans le cadre du référendum. Nous n'avons pas de pouvoir aux élections provinciales. Aucun politicien n'a peur de ce que 7 p. 100 de la population feront lors d'une élection, si bien que les questions sont sans importance pour nous et pour les pentecôtistes.

Le sénateur Lewis: Moi, je crois que vous avez du pouvoir. Les gens ont le pouvoir de faire part de leurs craintes à leurs députés. Pour revenir à ce que je disais, tout compte fait, c'est une question de pouvoir. Qui gagnera, le gouvernement ou les groupes religieux? Êtes-vous disposés à abandonner certains de vos pouvoirs s'il y a un moyen -- je ne dis pas lequel -- de vous protéger?

M. Batstone: Sénateur Lewis, ce n'est pas le pouvoir des groupes religieux. À notre point de vue, le pouvoir appartient au peuple pentecôtiste, ce n'est pas à la hiérarchie religieuse d'imposer quoi que ce soit aux pentecôtistes. L'Église pentecôtiste à Terre-Neuve, ce sont les fidèles pentecôtistes. C'est cette catégorie de personnes qui a des droits. Ces gens-là se sont exprimés. Nous avons déjà abandonné, comme vous l'avez dit, des pouvoirs: le pouvoir d'avoir un conseil scolaire, le contrôle absolu sur nos écoles. Nous allons partager des conseils interconfessionnels. Nous allons partager des écoles interconfessionnelles lorsqu'il ne sera pas viable d'exploiter une école pentecôtiste, si bien que oui, nous sommes disposés à partager. Nous avons hâte que la réforme commence, nous sommes disposés à collaborer pour offrir un bon enseignement à tous les élèves de la province.

Le sénateur Lewis: Quelqu'un d'autre veut faire des commentaires?

M. Wilkins: Sénateur Lewis, si les écoles pentecôtistes existent, ce n'est pas parce que nous voulons du pouvoir et que nous voulons des écoles pentecôtistes pour le simple fait d'en avoir. Nous estimons que les parents ont la responsabilité que Dieu leur a conférée d'éduquer leurs enfants. Cependant, dans une démocratie, cette responsabilité doit être exercée de façon raisonnable. À un moment donné, nous avions effectivement 53 écoles pentecôtistes à Terre-Neuve. Nous avons actuellement 35 écoles indépendantes et nous participons à cinq écoles mixtes avec d'autres conseils scolaires.

Bien sûr, l'idéal pour nous, comme on le dit aux pages 6 et 7 de notre mémoire, c'est d'avoir des écoles pentecôtistes qui faciliteront l'intégration de l'enfant aux expériences de la vie selon les principes chrétiens, tels que préconisés et appliqués par les pentecôtistes de la province. Lorsque cela est raisonnable, nous proposons de continuer d'avoir ces écoles et nous ne pouvons le faire que dans la pleine mesure où il y a un système d'écoles pentecôtistes indépendantes. Lorsque cela n'est pas possible, ce qui est le cas pour plus de 50 p. 100 des élèves pentecôtistes de la province, nous aimerions quand même avoir notre mot à dire dans leur éducation.

Nous exploitons 40 écoles, comme je l'ai dit. Nous avons un plan stratégique selon lequel nous procéderons à la fermeture de la majorité des écoles pentecôtistes de la province même en vertu de la article 17 dans sa forme actuelle. Dans cinq ou six ans, nous n'aurons plus que 12 à 15 écoles pentecôtistes indépendantes, même dans le régime actuel. Cela reflète le caractère raisonnable, je crois, des pentecôtistes qui ont accepté d'exercer leurs droits seulement lorsque le nombre le justifie. Nombre de nos écoles seront jumelées à d'autres établissements à cause des populations qui diminuent dans les régions rurales de Terre-Neuve. Tout ce que nous demandons au Sénat, c'est de nous donner la protection prévue par la Constitution là où il est raisonnable de continuer d'avoir des écoles pentecôtistes indépendantes.

Le sénateur Lewis: Opinion qui a été exprimée tout à l'heure. Merci.

La présidente: Le sénateur Beaudoin a demandé de poser des questions au cours d'un second tour de table, mais je vais d'abord en poser quelques-unes.

Monsieur Wilkins, vous avez fourni dans votre exposé quelques données concernant les résultats des élèves au Canadian Test of Basic Skills. Je pense que vous avez donné les résultats de 1994. Je suis sûre que vous le savez, certaines observations ont été faites à ce que l'on appelle l'autre endroit, la Chambre des communes, en ce qui concerne l'éducation à Terre-Neuve par des personnes qui connaissaient peut-être très mal le système d'éducation de la province. Je me demande si vous avez les résultats au test de 1994 et si oui, peut-être pourriez-vous nous en faire part.

M. Wilkins: Oui, je les ai, madame la présidente. Les résultats du Canadian Test of Basic Skills, en octobre 1994, indiquent que les élèves de Terre-Neuve ont dépassé la norme nationale en mathématiques et en analyse, se classant respectivement au 53e et 51e percentile à l'échelle nationale. Dans les trois autres matières, les résultats sont considérés comme étant dans la moyenne normale. Ce sont les suivants: compréhension de textes, 47e percentile, langue, 43e percentile, et vocabulaire, 41e percentile. Ces données sont incluses dans notre mémoire à la page 14.

Nous avons également les résultats des tests du Canadian Test of Basic Skills d'octobre 1993, où les élèves de la 4e année ont fait des progrès remarquables dans les domaines des concepts mathématiques, du calcul et de la résolution de problèmes, avec des augmentations de 8, 13 et 4 points de pourcentage comparativement à 1990-1991.

Nous sommes d'accord pour dire qu'il y a place pour l'amélioration dans le système scolaire de notre province; nous n'avons pas les résultats que nous aimerions avoir, et nous visons l'excellence. Cependant, nous réalisons des progrès remarquables dans le domaine de l'éducation à Terre-Neuve.

Si vous examinez les taux d'obtention de diplôme publiés par Statistique Canada en date du 4 août 1995, celui de Terre-Neuve est de 71,46 p. 100, ce qui se compare avec 74,5 p. 100 pour le Canada dans son entier, 70,11 p. 100 en Nouvelle-Écosse, 69,43 p. 100 au Québec, 65,74 p. 100 en Alberta et 64,11 p. 100 en Colombie-Britannique. On peut choisir des statistiques et prendre celles qui montreront que dans certains secteurs, nous accusons du retard par rapport à certaines autres provinces, et je peux prendre des statistiques pour prouver, comme je viens de le faire, que dans d'autres domaines, nous avons une longueur d'avance sur d'autres provinces.

Je crois qu'il est juste de dire, madame la présidente, que le système d'éducation dans notre province, évalué de façon objective et comparative par rapport à tous les indicateurs de rendement, se situe à peu près dans la moyenne canadienne. Nous avons beaucoup de chemin à faire, nous le reconnaissons. C'est ce que nous tentons de faire. Cependant, le système d'éducation de notre province n'est pas le pire du pays.

La présidente: Merci. Il était important de préciser ces choses au compte rendu. L'autre question que j'aimerais vous poser porte précisément sur la politique d'admission libre des écoles parce que je dois dire que je suis un peu confuse. Lorsque nous parlons de politique d'admission libre, dans le langage que je suis habituée d'utiliser à cet égard, cela veut dire que chaque enfant est admis après présentation d'une demande à la condition qu'il y ait suffisamment de place, c'est-à-dire des pupitres, des chaises, du personnel enseignant pour cet élève. Lorsque vous parlez de politique d'admission libre, est-ce que c'est ce que vous voulez dire? Ou encore, est-ce qu'on accorde d'abord la préférence aux élèves de croyance pentecôtiste et ensuite, s'il y a de la place, aux autres enfants? Ou encore, si les enfants sont acceptés peu importent leurs croyances religieuses?

M. Wilkins: Madame la présidente, vous avez raison de dire que dans les écoles pentecôtistes, on donnera la préséance aux élèves pentecôtistes et après, s'il y a suffisamment de place, aux élèves des autres confessions. Cependant, dans une collectivité où la seule école serait la nôtre -- et il y a huit ou douze collectivités dans la province où c'est le cas --, tous les élèves auraient le droit de fréquenter l'école et les croyances religieuses de ces élèves seraient respectées. Comme l'a signalé M. Harrington, chaque parent a le droit de demander que son enfant soit soustrait à l'enseignement religieux de l'école. On ne peut pas enlever le caractère chrétien de l'école, mais à mon avis, cela ne constitue pas un problème pour les 98 p. 100 de Terre-Neuviens qui sont chrétiens.

M. Batstone: Tout élève qui n'appartient pas à une catégorie qui jouit de droits constitutionnels a le droit de fréquenter l'école de son choix.

La présidente: Qui détermine quelle est la religion de l'élève? Est-ce le parent? Par exemple, prenons le cas d'un enfant catholique romain en 1ère année. Une fois l'enfant en 6e année, les parents ne pratiquent plus et décident qu'ils ne veulent pas que leur enfant fréquente une école catholique romaine. Peuvent-ils alors établir que leur enfant ira dans une école pentecôtiste ou dans une école interconfessionnelle? Une fois que l'on a établi la religion de l'enfant, c'est pour la vie pour ainsi dire?

M. Wilkins: Madame la présidente, les parents ont le droit en tout temps d'établir la religion de leur enfant. Si les parents veulent changer de religion, ils peuvent le faire. Une fois que l'enfant est inscrit dans une école pentecôtiste, par exemple, peu importe le niveau auquel il est rendu, il peut continuer dans ce système et pourra y rester jusqu'en 12e année, si tel est le désir des parents. Cependant, les parents ont également le choix de transférer cet élève dans une autre école.

Le sénateur Beaudoin: Ma question s'adresse à M. Harrington, le conseiller juridique. Ici, à Terre-Neuve, où s'applique une disposition spéciale concernant les droits confessionnels, c'est-à-dire la clause 17, est-ce que vous considérez exécutoire pour vous la décision du Conseil privé et de la Cour suprême du Canada au sujet de l'article 93 pour le Québec et l'Ontario, de l'article 22 pour le Manitoba ou de l'article 17 pour la Saskatchewan et l'Alberta?

M. Harrington: Oui, sénateur. Je suis content que vous souleviez la question. Je vous écoutais ce matin, vous et le sénateur Jessiman, à CBC Radio. Le sénateur Jessiman se demandait pourquoi il n'est pas question dans la clause 17 de mesure correctrice par le gouverneur en conseil. C'est volontaire.

Lorsque les Conditions de l'union ont été négociées, la délégation de Terre-Neuve a décidé qu'elle préférait avoir recours aux tribunaux pour assurer la protection des droits conférés par la clause 17 plutôt que de s'en remettre au gouverneur en conseil. Le premier ministre Saint-Laurent en a parlé précisément lors du débat à la Chambre des communes à ce moment-là lorsqu'il a expliqué les paramètres de la clause 17. À l'exception de ce choix de conserver nos droits de recours seulement auprès des tribunaux plutôt qu'auprès du gouverneur en conseil, tous les autres aspects de la clause 17 sont équivalents à l'article 93. À cet égard, nous estimons être totalement liés par ces décisions.

Le sénateur Beaudoin: Donc vous êtes liés par les décisions de la Cour suprême à ce sujet. À l'article 93, à l'article 22 pour le Manitoba et à l'article 27 pour la Saskatchewan et l'Alberta, il n'est pas question de dispositions «assujetties à une loi provinciale», ce qui m'inquiète dans une certaine mesure. Je vais poser la question aux représentants du gouvernement de Terre-Neuve.

J'ai soulevé cette question parce qu'au Québec, par exemple, nous avons des causes qui indiquent que le droit d'engager des enseignants, le droit de choisir des manuels, de recevoir des subventions et de taxer sont des droits confessionnels. Croyez-vous que ces mêmes droits existent ici à Terre-Neuve?

M. Harrington: Oui, ils existent, et ils ont été reconnus par des décisions de la cour de cette province de même que par la Cour suprême du Canada. Bien sûr, la disposition concernant les enseignants, par exemple, qui, je sais, devient une question très délicate dans les débats, n'est pas uniquement liée aux écoles confessionnelles traditionnelles. Par exemple, aux environs de 1993, la Commission ontarienne des droits de la personne a rendu une décision concernant un enseignant et ce que l'on a simplement appelé une école chrétienne en Ontario. Le style de vie de l'enseignant est devenu un problème pour les commissaires de cette école qui prétendaient que la personne agissait de façon contraire aux croyances de l'école chrétienne au sens générique du terme. Il n'était pas question de confession précise.

Le renvoi de cet enseignant a été contesté devant la Commission ontarienne des droits de la personne. Le problème n'avait rien à voir avec l'article 93, mais portait plutôt sur les dispositions du Code des droits de la personne de l'Ontario, lequel est semblable à celui de Terre-Neuve, et qui précise qu'il ne doit pas y avoir de discrimination fondée sur la religion et assujettie à une exigence professionnelle justifiée. La Commission ontarienne des droits de la personne a reconnu que même pour une école chrétienne au sens très général du terme, l'enseignant devait respecter les croyances fondamentales de la chrétienté et que cela constituait une exigence professionnelle justifiée. Par conséquent, la question du renvoi fondé sur un comportement inadéquat a été retenue.

C'est donc dire que la situation qui pose tant problème et qui fait l'objet de discussions à Terre-Neuve n'est pas une question contraire aux façons de penser dans d'autres régions du pays. Dans n'importe quel type d'école confessionnelle, on s'attend à ce que les enseignants qui sont chargés de transmettre les croyances religieuses aux enfants se conforment aux croyances fondamentales du groupe religieux qui exploite l'école.

Il est important que cet élément soit amené dans la discussion aujourd'hui parce qu'il y a tellement de personnes -- et vous allez entendre le syndicat des enseignants et d'autres à ce sujet -- qui disent que même en vertu de la nouvelle clause 17, il pourrait y avoir des écoles uniconfessionnelles qui auraient le contrôle sur les politiques d'embauche et de renvoi des enseignants. Le fait est que cela fait partie des caractéristiques d'une école confessionnelle. Il faut établir clairement que même le modèle du gouvernement de Terre-Neuve prévu en vertu de la nouvelle clause 17 ferait en sorte que cela continuerait d'être le cas pour ce qui est des écoles uniconfessionnelles.

Le sénateur Beaudoin: J'ai soulevé la question parce que nous avons eu un long débat au Québec il y a de nombreuses années au sujet des écoles juives. L'Assemblée législative du Québec disait: «Il y a les catholiques et tous les autres sont des protestants». Le Conseil privé n'était pas d'accord, pas plus que la Cour suprême. Depuis l'affaire Hirsch, nous avons considéré que rien n'empêchait l'Assemblée nationale du Québec d'établir des écoles neutres ou laïques. Il ne fait aucun doute que le Québec peut faire cela.

Bien sûr, le Québec doit respecter les droits confessionnels des groupes catholiques et protestants. Ici, à Terre-Neuve, si vous êtes liés par la jurisprudence du Conseil privé et de la Cour suprême du Canada pour ce qui est de l'interprétation des droits confessionnels, rien n'empêcherait l'Assemblée législative de Terre-Neuve d'établir une école laïque.

Qu'en pensez-vous? Si tel est le cas, il doit y avoir une autre raison pour que l'on demande la modification.

M. Harrington: Il est juste de dire que les catholiques et les pentecôtistes de Terre-Neuve ont été surpris lorsqu'ils ont entendu aux audiences du Sénat à Ottawa que, dans le régime actuel, on ne pourrait pas avoir d'école laïque publique. Nous avons toujours soutenu, et ce, conformément à la position invoquée ailleurs dans le pays, que cela n'était pas le cas. La seule question était la volonté politique de l'Assemblée législative ou le nombre d'élèves pour justifier l'établissement et le financement d'un système d'écoles publiques ou laïques.

Le deuxième aspect, qu'a soulevé le sénateur Rompkey, est que tout cela est bien beau en théorie, mais que l'on ne peut pas financer une telle école parce que l'argent doit être accordé aux confessions reconnues par la Constitution. L'avis juridique de notre groupe a toujours été que cela n'est pas le cas et que l'on pourrait établir et financer un système d'écoles publiques pour répondre aux besoins de tous les autres groupes.

Le seul problème concernant le financement non discriminatoire est qu'une partie du financement que l'Assemblée législative accorderait pour l'exploitation des écoles confessionnelles doit être non discriminatoire entre les confessions qui sont financées, mais cela n'empêche pas l'Assemblée législative de prendre une partie des fonds publics affectés à l'éducation en général et de les verser au système d'écoles publiques, dans la mesure où le financement n'est pas discriminatoire pour les écoles confessionnelles.

C'est toujours ce que nous avons compris. Nous avons été surpris d'entendre le contraire. Voilà la position juridique sur laquelle nous nous appuyons dans la discussion actuelle.

Le sénateur Rompkey: Certes, si les écoles confessionnelles en place doivent continuer d'exister, elles doivent compter sur les fonds actuels. Si on établit un système public, on aura besoin de crédits supplémentaires. On se retrouve alors face à un dilemme: ou bien on augmente les taxes, ou bien on coupe les programmes, argument qu'avance toujours le gouvernement. Cela devient un peu spécieux, je pense, de dire qu'on peut avoir un système public et un système confessionnel en même temps. On peut, si on a des fonds illimités ou si on est disposé à diminuer les fonds actuellement versés aux écoles confessionnelles. Il me semble qu'on ne peut pas avoir un système confessionnel et un système public sans empiéter sur les droits des groupes confessionnels et sur la viabilité de leurs écoles ni sans augmenter les taxes ou couper les programmes. Est-ce exact?

M. Harrington: Je pense qu'il faudrait discuter des aspects pratiques de la mise en oeuvre du système.

Le sénateur Rompkey: Est-ce que cet argument est équitable?

M. Harrington: J'aimerais peut-être laisser le révérend Batstone faire des commentaires à ce sujet. Il a quelques opinions à exprimer là-dessus.

M. Batstone: La modification actuelle qui est proposée à la clause 17 prévoit que le gouvernement doit établir des écoles non confessionnelles, donc, en matière d'éducation, c'est ce qu'envisage le gouvernement également. Si on établit une école laïque, là où le nombre le justifie, de toute évidence, les élèves passent des écoles confessionnelles actuelles à ce type d'école. Les subventions opérationnelles sont transférées avec eux. Les enseignants passent d'une école confessionnelle à une école laïque. Et ils apportent avec eux leur salaire. Il n'est pas juste de dire que les crédits demeurent les mêmes pour les écoles confessionnelles et qu'il faut ajouter des crédits supplémentaires pour l'école laïque. Il faut équilibrer les fonds une fois qu'on ouvre une autre école.

À Terre-Neuve, plus particulièrement, on pourrait établir une école laïque à St. John's ou dans un autre grand centre urbain là où le nombre le justifie. Le gouvernement ne verrait pas d'objection à établir une école pour les parents qui veulent donner une éducation confessionnelle à leurs enfants.

Le sénateur Rompkey: La question a été posée à savoir si, de façon générale dans la province, il peut y avoir un système public et un système confessionnel.

Le sénateur Kinsella: La réponse est oui.

Le sénateur Rompkey: La réponse est oui si l'on a des fonds illimités. Si vous prenez les crédits actuellement accordés aux écoles confessionnelles, vous risquez de porter atteinte à leur viabilité et de la miner. Par exemple, en principe, on pourrait attribuer un dollar pour chaque comité d'école pentecôtiste, chaque comité catholique et chaque comité d'école des églises intégrées. Il me semble que l'on respecterait les conditions énoncées. On diviserait les crédits qui seraient accordés équitablement. Cependant, il ne fait aucun doute que les églises ne pourraient pas maintenir leurs écoles si tel était le cas. On ne peut pas avoir un système confessionnel avec les crédits disponibles pour maintenir ces écoles viables actuellement et en même temps un système public sans augmenter les taxes ou couper les programmes.

M. Batstone: Le nombre d'élèves dans la province ne changerait pas parce qu'il y aurait un autre système. Les élèves passeraient d'un système à l'autre.

Le sénateur Rompkey: Vous mineriez dans ce cas le système des écoles confessionnelles.

M. Batstone: Pas nécessairement.

Le sénateur Rompkey: Je ne vois pas comment on peut avoir les deux.

M. Batstone: J'aimerais aussi revenir à cette question des crédits. Il a été dit à la Chambre des communes plus particulièrement que si on donne un dollar à un groupe, il faut donner un dollar à un autre groupe. Ce n'est pas juste. Disons que vous avez un dollar. Vous donnez 54 cents aux églises intégrées, 35 cents aux catholiques romains et 11 cents aux pentecôtistes. C'est la raison pour laquelle notre système doit fournir des millions de dollars de ses propres fonds pour maintenir nos propres écoles. Nous sommes disposés à continuer à agir ainsi.

Le sénateur Ottenheimer: J'aimerais revenir aux enfants des parents qui n'ont pas d'allégeance à une croyance chrétienne. Un monsieur a dit tout à l'heure qu'il y a environ 98 p. 100 des enfants de Terre-Neuve qui sont d'allégeance chrétienne. On suppose que les 2 p. 100 qui restent seraient des non-chrétiens ou des agnostiques. Je crois comprendre que dans une école uniconfessionnelle pentecôtiste, et peut-être dans d'autres, on accorde la priorité aux élèves de cette confession.

Est-ce que je comprends bien aussi que dans une collectivité où il y a seulement une école, soit une école uniconfessionnelle, la loi exige qu'aucun élève, qu'il soit d'allégeance chrétienne ou non, ne puisse être exclu?

M. Batstone: C'est exact.

Le sénateur Ottenheimer: Certains semblent croire qu'à Terre-Neuve, ceux qui n'adhèrent pas au christianisme ou à une confession reconnue aux termes de la clause 17 actuelle n'ont aucun droit.

Est-ce qu'il y a déjà eu de véritables problèmes concernant l'accessibilité aux écoles uniconfessionnelles d'adhérents à d'autres croyances chrétiennes ou d'adhérents à une croyance non chrétienne? C'est un problème pratique, et comment est-il abordé en pratique?

M. Wilkins: Sénateur, votre question renferme deux scénarios. Le premier est que la collectivité n'a qu'une école. Dans cette collectivité, la loi exige que tous les élèves aient le droit de fréquenter cette école et que les croyances religieuses de l'élève soient respectées dans l'école.

Le second scénario est la collectivité qui renferme plus d'une école, comme dans la ville de St. John's. Les parents qui n'adhèrent à aucun groupe religieux établi à St. John's peuvent choisir l'école où ils veulent envoyer leurs enfants, que ce soit une école pentecôtiste, intégrée, adventiste du septième jour ou catholique romaine. Quelle que soit l'école qu'ils choisissent, celle-ci doit accepter l'enfant, et les droits religieux de cet enfant doivent y être respectés.

À St. John's, plus de 40 p. 100 des élèves ne sont pas des pentecôtistes. Ils sont les bienvenus dans notre école. Ils s'y sentent à l'aise. En fait, certains des plus fervents partisans de notre école à St. John's proviennent de communautés évangéliques de la ville autres que les pentecôtistes.

Le sénateur Ottenheimer: Je vous remercie pour la clarté de votre réponse. À l'extérieur de Terre-Neuve, nous sommes souvent considérés -- et c'est peut-être parfois de notre propre faute -- comme moins compréhensifs que nous le croyons. Merci.

Le sénateur Kinsella: Il y a tellement de questions qu'on voudrait poser. Je vais me restreindre à deux. Je ne peux m'empêcher de faire ce commentaire et dire qu'à la Chambre des communes, il est regrettable que les députés aient consacré à peine une journée ou à peu près à cette question et aient voté en faveur. Le gouvernement a permis la tenue d'un vote libre et on peut comprendre le résultat du vote parce que les députés ont eu très peu la chance de savoir ce qu'ils étudiaient. Je suppose que nous aurons le même genre de vote libre au Sénat, mais au moins nos décisions seront fondées sur une analyse et une étude de la question.

Le très important débat qui a lieu entre nos témoins et le sénateur Rompkey est, je pense, au coeur du problème. Effectivement, d'après ce que je comprends, vous soutenez que ce qui est proposé dans la modification à la clause 17 peut être réalisé sans que l'on ne modifie la Constitution. En fait, si le gouvernement décide qu'il veut avoir un système d'écoles publiques distinct du système confessionnel, il peut l'avoir.

J'ai demandé tout à l'heure à votre conseiller juridique si on ne se retrouvait pas dans une situation où, dans le but d'atteindre l'objectif louable de la réforme et de la modernisation, on n'utilise pas la massue pour tuer le moustique. On supprime les droits des minorités garantis par la Constitution alors qu'on aurait pu s'y prendre avec plus de finesse.

Le sénateur Rompkey a soulevé une question très importante. En quoi cela touchera-t-il les prévisions financières de la province?

M. Wilkins: J'aimerais répondre à cette question. Il faut examiner la situation dans le contexte de l'éducation dans notre province, et non pas en théorie. La réalité est que 90 p. 100 des collectivités qui ont une école à Terre-Neuve n'ont qu'un système scolaire. Actuellement, ce système scolaire est le système public, un système d'écoles publiques confessionnelles financé par les fonds publics.

Le sénateur Rompkey: Il faut tenir compte de cela au regard du système de transport. Il faut inclure le transport par autobus dans l'équation.

M. Wilkins: Sénateur, si vous me permettez de continuer, si vous prenez les 90 p. 100 de collectivités qui n'ont qu'un seul système scolaire et que vous donnez aux parents le choix de décider de continuer d'avoir un système scolaire public confessionnel ou un système scolaire public laïc, et si la majorité des parents décident d'opter pour le second, il n'y aura encore qu'un système scolaire dans la collectivité. Ce sera un système scolaire laïc public plutôt qu'un système public confessionnel. On n'aura pas besoin de plus d'enseignants ni plus de fonds pour exploiter ce système.

L'autre scénario concerne les villes plus importantes comme St. John's qui ont suffisamment de population pour avoir différents systèmes.

Le sénateur Kinsella: Si le Sénat n'adopte pas cette résolution, comme vous le savez, la Constitution prévoit que les choses se poursuivent. La résolution sera soit présentée de nouveau à la Chambre des communes, soit annulée, au gré du gouvernement.

Quel tort cela causerait-il à la province et quel obstacle viendrait empêcher la poursuite du dialogue qui se tenait et, comme l'a fait remarquer le sénateur McDonald, qui a été abruptement interrompu? Que se passera-t-il en pratique, pensez-vous? Est-ce qu'il y aurait des avantages, non pas seulement de votre point de vue mais pour tout le système d'éducation, si nous n'adoptions pas cette résolution et si la Chambre des communes ne présentait pas à nouveau la résolution? Quel tort cela pourrait-il faire à la province?

M. Batstone: Sénateur, nous devons poursuivre la réforme et l'amélioration du système d'éducation. Sans la modification, je crois que nous serons forcés de revenir à la table, de nous en remettre au consensus que nous avons déjà obtenu et de réformer le système conformément à l'accord-cadre. Ainsi donc, nous pourrions réaliser tous les changements que le gouvernement a établis comme étant nécessaires et auxquels nous avons donné notre aval.

La présidente: Merci, messieurs. Merci beaucoup de votre participation ce matin. Nous avons appris beaucoup de votre témoignage.

Je remercie également le public de se conformer au Règlement du Sénat. La règle veut que dans cette salle, mesdames et messieurs, le public ne participe pas. Pas d'applaudissements, pas de chahut, pas de huées. Vous écoutez. Nous sommes contents de vous avoir ici, mais nous vous demandons très respectueusement de vous contenter d'écouter.

Pour la prochaine heure, nous accueillons un groupe de l'Église adventiste du septième jour. Nous allons commencer par le pasteur David Crook, le président, qui nous présentera les autres membres du groupe.

Révérend Crook, je vous cède la parole.

Le pasteur David S. Crook, président, Église adventiste du septième jour: Madame la présidente, je tiens à vous souhaiter une bienvenue toute particulière à vous et aux autres sénateurs. Je crois que vous avez remarqué le temps que nous vous avons commandé pour vous ce matin. Je vous remercie grandement de donner à notre groupe l'occasion de se faire entendre. J'ose croire que vous n'accorderez pas de signification particulière à mon nom, car je n'ai rien d'un personnage malhonnête.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. George Morgan, qui fait partie de notre système scolaire. Ses enfants ont fréquenté notre système également. M. Morgan a été membre de notre conseil scolaire et il est très actif au sein de notre église.

M. David Streifling est surintendant de l'éducation.

Mme Christine Castagne a des enfants qui fréquentent notre système scolaire actuellement.

M. Barry Bussey a été employé de notre église ici à Terre-Neuve à titre de pasteur. Il a étudié et pratiqué le droit à Terre-Neuve jusqu'à tout récemment; il est maintenant en Ontario où il travaille pour notre église à titre de conseiller juridique.

M. George Morgan, membre du Conseil scolaire de l'Église adventiste du septième jour: Honorables sénateurs, je suis ici en tant que représentant d'un très petit groupe minoritaire. Les adventistes du septième jour de Terre-Neuve croient que la modification de la clause 17 est discriminatoire pour eux.

Il y a environ 60 ans, mes parents m'ont amené à l'école adventiste du septième jour à St. John's pour entreprendre mon éducation officielle. Mon père avait fréquenté cette école 30 ans auparavant, et environ 30 ans plus tard, j'y ai amené mes enfants.

Nous, les adventistes du septième jour de Terre-Neuve, sommes environ 700 personnes, en ne comptant que les adultes pratiquants, ce qui fait de nous à peu près le un dixième de un pour cent de la population de Terre-Neuve. Nous avons des écoles à Terre-Neuve depuis 101 ans et nous recevons des fonds du gouvernement pour nos écoles depuis 1912, soit depuis 84 ans.

On nous demande souvent: «Pourquoi estimez-vous nécessaire d'avoir des écoles séparées pour vos enfants?» La réponse est que nous respectons le sabbat. Nous adorons Dieu le jour du sabbat biblique, c'est-à-dire le samedi, le septième jour de la semaine. Du coucher du soleil le vendredi au coucher du soleil le samedi, nous n'achetons ni ne vendons rien, nous ne travaillons pas, nous ne faisons pas de commerce, nous ne jouons pas, nous n'étudions pas de choses que nous devons étudier d'autres jours de la semaine. C'est donc dire que lorsque des enfants de l'Église adventiste du septième jour fréquentent une école publique, ou une école exploitée par une autre religion, ils sont désavantagés du fait de ne pas pouvoir participer aux concerts, aux événements sportifs et aux autres activités parascolaires parce que ces activités ont presque toujours lieu le vendredi soir et le samedi. Nous, les adventistes, formons une sous-culture. Nous sommes une société distincte au sein de la culture terre-neuvienne.

En outre, nous croyons que l'éducation chrétienne ne peut se limiter aux cours d'enseignement religieux, mais que chaque classe devrait avoir une ambiance chrétienne et chaque matière devrait être enseignée dans un contexte chrétien.

La coutume veut que dans le monde entier, partout où il y a une Église adventiste du septième jour, nous ayons une école de sorte que nos enfants puissent profiter de tous les avantages dont jouissent les enfants dans les autres systèmes scolaires. Cependant, à Terre-Neuve, les enfants adventistes sont une minorité même dans nos écoles parce que les deux tiers des élèves de ces écoles ne proviennent pas de foyers adventistes. Ces enfants proviennent principalement de groupes qui n'ont pas droit à l'éducation à Terre-Neuve comme les mormons, les Témoins de Jéhovah, les Bible Believers, les Christadelphians et autres, et nous avons d'autres enfants des principaux groupes religieux dont les parents ont décidé de leur faire fréquenter l'école locale adventiste parce qu'ils croient que leurs enfants peuvent mieux apprendre dans une petite école où le ratio élèves-professeur est moins élevé.

Tous ces enfants sont dans des écoles adventistes du septième jour à Terre-Neuve parce que leurs parents ont choisi de les y envoyer, principalement pour l'ambiance chrétienne qui y règne. Ces parents craignent vivement que la proposition de modification de la clause 17 ait pour effet de fermer les écoles adventistes du septième jour et de les priver des avantages auxquels ils accordent une grande importance.

Nous, adventistes du septième jour, sommes parfois accusés de bigoterie. Au contraire, l'ambiance dans une école adventiste du septième jour est à la tolérance, par respect pour les différentes minorités religieuses qui se trouvent dans chaque classe.

Dans la clause 17 initiale, on utilisait des termes comme «non préjudiciable» et «non discriminatoire» pour restreindre le droit du gouvernement de Terre-Neuve de légiférer et de financer l'éducation. On ne retrouve pas ces termes dans la version modifiée de la clause 17 dont le but principal est de permettre au gouvernement de Terre-Neuve de faire preuve de discrimination contre la petite minorité d'adventistes du septième jour et les minorités pentecôtiste et catholique romaine. Le rapport Williams de 1992 décrivait toutes les écoles adventistes du septième jour à Terre-Neuve comme non viables et recommandait que chacune de ces écoles soit fusionnée à l'école la plus près, peu importe la religion. Cette modification aura pour effet de priver toutes les écoles adventistes de Terre-Neuve du financement du gouvernement.

Nous n'avons pas été étonnés par les résultats du référendum de septembre dernier. Bien sûr, nous savions que 500 électeurs adventistes du septième jour ne pourraient jamais mettre en minorité le reste de la population de Terre-Neuve. Nous savions également que le vote combiné des adventistes, des pentecôtistes et des catholiques romains formerait toujours une minorité, puisque 44 p. 100 de la population ne peuvent pas mettre en minorité les 56 p. 100 qui sont membres des églises intégrées ou qui n'ont aucune affiliation religieuse.

À notre avis, le référendum n'aurait jamais dû avoir lieu dans une société juste, pas plus que les droits des minorités linguistiques ou des autochtones ne devraient être assujettis à un vote de la majorité.

Nous invitons instamment le Sénat à recommander au gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador de modifier la nouvelle clause 17 pour préserver les droits des minorités religieuses.

M. David R. Streifling, directeur, surintendant de l'éducation, Église adventiste du septième jour: Le but de ma partie de l'exposé est de fournir aux honorables sénateurs quelques données générales sur l'éducation adventiste à l'échelle mondiale et de vous donner une idée de ce que nous estimons avoir accompli ici même à Terre-Neuve.

L'Église adventiste du septième jour à Terre-Neuve et au Labrador assure l'éducation dans la province depuis 101 ans. Nous faisons partie du plus grand système d'écoles paroissiales protestantes au monde. En janvier 1996, l'Église mondiale adventiste du septième jour exploitait des écoles dans environ 120 pays du monde, comme l'indique le tableau. Remarquez le total de plus de 5 000 écoles réparties dans le monde entier et de neuf cent mille élèves. En outre, le système emploie 45 700 enseignants et plus de 15 000 non-enseignants. Ces statistiques donnent une idée du programme d'éducation structuré et des institutions et n'incluent pas les écoles consacrées à l'alphabétisation des adultes et à la langue anglaise que nous avons à de nombreux endroits, pas plus que les campus universitaires annexes comme celui de l'Université Loma Linda en Chine et en Arabie Saoudite.

Dans le cadre du système mondial, le ministère de l'Éducation de l'Église adventiste du septième jour en Amérique du Nord fait figure de leader à maints égards. Pour ce qui est de l'élaboration des programmes d'études, outre un programme bien défini d'éducation religieuse de la maternelle au post-secondaire, nous avons conçu des programmes d'études en sciences, lecture, langue, arts et orthographe. En outre, des adaptations particulières ont été réalisées pour les classes à années multiples dans le domaine des langues, des arts et des études sociales.

Nous révisons constamment nos programmes. La dernière année du nouveau programme de sciences de la santé pour les niveaux 5 à 8 sera mise en oeuvre cet automne. Ce programme est un des plus modernes, et comprend des codes à barres au disque laser dans les éditions des enseignants ainsi que l'appareillage électronique, les laboratoires et les ressources documentaires nécessaires à chaque niveau. Ce nouveau programme de sciences de la santé a été approuvé dans la catégorie des manuels alternatifs par le ministère de l'Éducation de Terre-Neuve, tout comme nos programmes de lecture et d'éducation religieuse.

Parmi les autres domaines où l'Église adventiste fait preuve de leadership, mentionnons les comités d'école, que nous appelons des comités d'éducation, l'évaluation des écoles qui est un processus d'évaluation, et le renouvellement de l'accréditation des enseignants, tous des éléments bien établis au sein de notre système. J'aimerais peut-être ajouter qu'il s'agit là de réformes qui nous sont imposées par les efforts de restructuration entrepris par le gouvernement jusqu'à tout récemment.

Au Canada, nous avons des écoles dans les dix provinces et au Yukon. Nous avons 73 écoles, 324 enseignants et plus de 4 000 élèves. Nous offrons également un diplôme de quatre ans de niveau collégial ou universitaire à College Heights, en Alberta.

L'Église adventiste du septième jour maintient son réseau en pleine croissance d'établissements d'enseignement en raison de sa philosophie unique d'éducation, philosophie qui souscrit à une vision holistique de l'individu et qui donne lieu à des programmes d'éducation assurant le bien-être physique, social et spirituel de l'élève de même que toutes les dimensions intellectuelles de son développement.

En outre, dans la philosophie de l'Église, il est impossible de concentrer l'enseignement uniquement sur l'aspect intellectuel. Chaque cours a des implications dans les quatre volets. Dans ce contexte, le travail des enseignants et l'ambiance de la classe sont adaptés autant au programme planifié qu'aux différentes matières. Dans ce contexte philosophique, on peut voir la valeur que les parents adventistes continuent d'accorder au fait d'avoir leurs propres écoles.

À Terre-Neuve, nous avons des écoles à Bay Roberts, Botwood, Corner Brook, et deux écoles à St. John's. À Terre-Neuve même, les écoles de l'Église adventiste du septième jour constituent les plus petites minorités -- je dirais même une minorité de minorités -- qui servent un peu plus de 200 élèves. Ce sont des élèves de familles adventistes, certains provenant d'autres minorités religieuses, certains des principales confessions et non pas quelques élèves dont la nature plus timide requiert un milieu plus petit, plus familial pour assurer leur développement.

L'efficacité globale des écoles adventistes du septième jour à Terre-Neuve se reflète dans les indicateurs comme les résultats des examens publics, le nombre d'élèves qui terminent leur secondaire et ainsi de suite. Le Canadian Test of Basic Skills est un des indicateurs disponibles pour fins de comparaison, le conseil scolaire de notre église se classant souvent parmi les trois premiers de la province. Nous remarquons les tendances récentes. Nous vous fournissons ces données parce que celles consignées dans le document présenté à la commission royale s'arrêtaient à 1990. Nous avons inclus les années depuis ce temps pour mettre le document à jour. Nous allons le remettre au comité.

J'aimerais maintenant céder la parole à Mme Christine Castagne, qui vous donnera le point de vue d'un parent.

Mme Christine Castagne, parent, Église adventiste du septième jour: Madame la présidente, je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de participer à vos audiences ce matin. J'ai deux enfants qui fréquentent l'école adventiste du septième jour. Même si l'école est petite, j'estime que les avantages qu'elle offre compensent les désavantages qui peuvent être perçus par certaines personnes.

Je crois qu'il est très important d'avoir une éducation chrétienne. Les enseignants chrétiens et le programme qui s'intègre aux principes de l'Église, non seulement les cours de religion mais les programmes de sciences et de lecture, renforcent les valeurs et les croyances que j'enseigne à la maison.

Tout le monde est d'accord pour dire que le système actuel doit être réformé, mais j'aimerais toujours avoir le choix d'envoyer mes enfants dans une école confessionnelle. Merci beaucoup.

M. Barry Bussey, conseiller juridique, Église adventiste du septième jour: Madame la présidente, mes commentaires se trouvent à la section verte du mémoire que nous avons présenté à votre comité.

Je vais d'abord aborder la page 2 concernant les droits. Les droits ont été énoncés très clairement ici plus tôt par les représentants de l'Église pentecôtiste. Plus particulièrement, l'Église adventiste du septième jour a le droit d'avoir des écoles confessionnelles en vertu de la clause 17 dans sa forme actuelle.

L'honorable ministre de la Justice, M. Allan Rock, a déclaré à votre comité qu'il y a actuellement des écoles confessionnelles à Terre-Neuve et que si la clause 17 était modifiée, il continuerait d'y avoir des écoles confessionnelles. Certains se préoccupent de ce que l'on entend par l'expression «écoles confessionnelles», et c'est cette question que je désire aborder.

Notre définition de «l'école confessionnelle» n'est pas la même que celle du gouvernement. Nous croyons que si la proposition de modification est adoptée, les écoles confessionnelles, ou les écoles interconfessionnelles, seront les mêmes que les écoles du système public dans d'autres régions du pays, sauf que l'on y permettra l'enseignement de la religion.

Les tribunaux dans le reste du pays, plus particulièrement en Ontario, ont établi que les écoles publiques ne peuvent permettre l'enseignement de la religion parce que cela viole la Charte des droits. Nous croyons qu'avec la nouvelle clause 17, essentiellement, nous aurons un système public qui ne peut pas être contesté en vertu de la Charte en ce qui concerne l'enseignement de la religion. Nous tenons à faire cette distinction en ayant en tête plus particulièrement les déclarations de l'honorable Allan Rock.

Dans notre mémoire, nous citons le Conseil privé et la Cour suprême du Canada dans la décision Tiny, dont on a parlé souvent devant votre comité. La Cour suprême du Canada estime qu'il y a une différence fondamentale entre ce que l'on appelle «les écoles communes» et les «écoles confessionnelles».

Pour répéter ce que nos amis pentecôtistes ont dit, dans notre système actuel d'écoles confessionnelles, nous avons le droit de gérer, d'engager et de renvoyer des enseignants et de nous impliquer dans l'élaboration du programme d'études et ainsi de suite. Ces droits sont, bien sûr, très importants pour nous.

Nous avons également le droit de recevoir du financement public. Certains soutiennent que si les personnes veulent envoyer leurs enfants dans une école confessionnelle, c'est à eux d'en assumer les frais.

Les ententes qui ont présidé à la création de notre confédération au regard de la distinction entre l'Église et l'État ne sont pas les mêmes que celles que l'on trouve aux États-Unis, où le point de vue est différent. Les droits enchâssés à l'article 93 de la Constitution n'existent pas dans le contexte américain. Cependant, au Canada, nous avons adopté des dispositions concernant la protection des minorités religieuses.

Cela dit, la clause 17 actuel protège le droit des adventistes du septième jour d'exploiter leurs écoles, ce qui ne sera évidemment plus le cas si la proposition de modification est adoptée.

Il est intéressant de signaler que la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Procureur général du Québec et le Greater Hull School Board de 1984, dont j'ai cité de nombreux extraits à la page 3 et 4, fait référence au financement public des écoles confessionnelles. Je suis de ceux qui soutiennent que la jurisprudence à Terre-Neuve établit très clairement que les principes de l'article 93 doivent s'appliquer aux questions touchant la clause 17 dans sa forme actuelle.

Au bas de la page 3 de notre mémoire, nous disons:

Il ne fait également aucun doute quant à la réponse à cette question: divers moyens permettant d'atteindre le résultat se sont également vus conférer un caractère constitutionnel

...bien sûr, c'est le résultat de l'éducation confessionnelle...

-- le libellé de la clause 93 même semble clair à cet égard, puisqu'il y est question de «droits ou privilèges concernant les écoles confessionnelles» plutôt que «d'écoles confessionnelles» simplement.

À noter qu'en soi, et isolément, ces moyens ne sont pas nécessairement à caractère religieux, car ils peuvent inclure des pouvoirs financiers, le pouvoir d'engager les enseignants et ainsi de suite; cependant, ces moyens devraient toujours être reliés au caractère confessionnel de l'éducation et liés directement à son maintien.

Je signale à nouveau que la définition de l'honorable Allan Rock d'une école confessionnelle diffère de la nôtre. La Cour suprême du Canada, dans cette décision précise, dit que si l'on veut une école confessionnelle en vertu de la clause 93, ce qui, à mon avis, revient à la clause 17, il faut avoir du financement public.

En termes réels, le conseil scolaire adventiste du septième jour a reçu 0,24 p. 100 du budget opérationnel des écoles provinciales. Le conseil a 0,21 p. 100 de la population étudiante. On pourrait soutenir que l'on a reçu 0,03 p. 100 de trop du budget des écoles.

Le conseil scolaire adventiste du septième jour n'a touché que 0,1 p. 100 du budget des immobilisations. Au cours des dix dernières années, nos écoles ont réalisé au moins pour un million de dollars de projets de construction à Terre-Neuve. La majeure partie de ce financement provient de sources adventistes et non des fonds publics.

Les adventistes du septième jour paient des taxes au gouvernement pour l'éducation et ils veulent simplement obtenir le droit fondamental de choisir ce qu'ils estiment être la meilleure éducation pour leurs enfants, comme l'a dit Mme Castagne.

Mme Bayefsky, qui a comparu le premier jour de vos audiences, a fait remarquer que les personnes qui témoignent devant votre comité devraient non seulement critiquer la modification, mais présenter des propositions. L'Église adventiste du septième jour de Terre-Neuve et du Labrador propose que, à titre de protection minimale, ses écoles ne soient pas assujetties à des critères de viabilité non réalistes, contenus dans la loi terre-neuvienne et devant être respectés pour en continuer l'exploitation, mais devraient se voir accorder une subvention par élève égale à la moyenne du coût de l'éducation de chaque élève dans les nouvelles écoles de la province. Le manque à gagner, s'il y en a, pour éduquer nos élèves, serait assumé par l'Église et les parents des enfants. Nous croyons qu'ainsi, nous protégerions le droit des adventistes, prévu à la clause 17, tout en respectant l'objectif avoué du gouvernement d'économiser et de rationaliser le système.

À deux reprises, nous avons officiellement présenté cette proposition au gouvernement provincial, mais sans recevoir de réponse favorable. Nous avons joint ces documents à notre mémoire.

Madame la présidente, j'aimerais aborder quelques-unes des méprises dans le débat, la première étant que le gouvernement ne peut réformer le système d'éducation sans une modification constitutionnelle. Nous avons eu des discussions très intéressantes à ce sujet.

À notre avis, rien dans la clause 17 actuelle n'empêche la province de poursuivre ses objectifs de réforme dans le système d'éducation. En ce qui concerne l'article 93, la Cour suprême du Canada a soutenu, dans une décision concernant la mise sur pied de conseils scolaires non confessionnels dans la province de Québec, qu'il était acceptable pour la province de Québec d'établir de tels conseils.

Dans une autre décision rendue de l'Ontario concernant la Loi sur l'éducation et le projet de loi 30, madame la juge Wilson cite les diverses jurisprudences découlant de l'article 93, indiquant que la Constitution est un organe vivant qui laisse place aux changements. Elle a cité le juge en chef Duff dans la décision de 1938 et a dit:

Le compromis ou, selon ce qu'a dit le juge en chef Duff, l'élément de base de la Confédération, était que les droits et les privilèges déjà acquis en vertu de la loi au moment de la Confédération seraient préservés et que les assemblées législatives provinciales pourraient conférer de nouveaux droits et privilèges pour répondre à des situations nouvelles.

On a fait référence à la décision Ottawa Separate School Trustees v. City of Ottawa:

[...] on n'avait pas prévu que les écoles séparées devraient être «laissées dans le vide éducatif des lois en vigueur en 1867».

Pas plus qu'en 1949, croyons-nous.

À la lumière de la Charte, on peut avancer d'autres arguments pour ceux qui désirent recevoir un enseignement dans un système scolaire non confessionnel.

Dans le débat actuel, certains ont soulevé une question très importante au sujet des minorités qui abandonnent leurs droits. On a posé la question suivante: qui représente les minorités? À notre avis, c'est le groupe confessionnel lui-même qui représente les fidèles. Chaque confession qui détient un droit possède son propre système d'intendance. Dans toute l'histoire de l'éducation de la province, Terre-Neuve s'est toujours accommodée des systèmes hiérarchiques, à tout le moins des organismes dirigeants des églises, pour ce qui a trait aux droits à l'éducation. En fait, la Education Act de 1927 dit que les dirigeants des groupes confessionnels:

[...] sont les représentants reconnus en matière d'éducation des groupes religieux respectifs au sein du ministère.

À mon avis, cela semble être l'opinion des juristes à Terre-Neuve. Dans une décision touchant le conseil scolaire catholique romain, en tant que représentant légitime des catholiques romains de la province, le juge Marshall de la Cour d'appel de Terre-Neuve a dit ceci dans l'affaire Walsh:

Le Conseil scolaire catholique romain de St. John's, qui représente une catégorie de fidèles catholiques romains, c'est-à-dire les personnes dont il est fait mention à la clause 17, a le droit d'exercer le droit confessionnel enchâssé dans la Constitution.

Nous disons donc que la structure dirigeante des diverses confessions représente chaque minorité.

Lors de sa comparution devant le comité, le ministre de la Justice Allan Rock a déclaré ceci:

La société est un ensemble de minorités au sens large du terme. La province de Terre-Neuve et du Labrador compte des groupes confessionnels qui, ensemble, constituent la vaste majorité de la population et leurs représentants élus nous ont demandé d'agir. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le fait qu'il n'y ait pas d'unanimité ne devrait pas nous empêcher d'agir, autrement, nous ne ferons jamais rien.

En usant de la même logique, passer outre à la structure dirigeante du peuple, c'est comme si le gouvernement fédéral passait par-dessus la tête des assemblées législatives provinciales, dont les représentants sont élus.

Élément fondamental d'une démocratie libérale comme la nôtre, les droits ou privilèges accordés aux individus ou aux collectivités ne peuvent leur être retirés que par l'application du processus pertinent. Dans le cas qui nous intéresse, il ne fait aucun doute dans l'esprit de personne que le processus de modification prévu à l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 est le processus qui s'impose. Il est motivé au sens légal du terme. Une fois la modification apportée, elle constituera la loi constitutionnelle fondamentale du pays.

Cependant, ce qui est extrêmement décevant pour nous, c'est qu'en adoptant cette modification, ce sera la première fois dans l'histoire de notre pays que la Constitution du Canada aura été modifiée pour supprimer un droit ou un privilège. Cela ne crée pas un dilemme juridique, car la formule d'amendement prévue à l'article 43 le permet, mais crée effectivement un dilemme politique et, nous dirions, un dilemme moral.

Dans notre société, lorsqu'on supprime un droit ou un privilège, il y a habituellement des négociations. Souvent, une certaine forme d'indemnisation est accordée à la partie perdante, comme ça a été le cas. On voit cela par exemple, dans le cas des biens, où des citoyens sont indemnisés pour des terres qui sont expropriées pour le bien du public. Cette pratique est conforme à notre sens inné de l'équité.

Dans les discussions publiques concernant la modification proposée, certains se sont demandé comment des minorités peuvent consentir à céder un droit protégé par la Constitution. On a fait référence au processus de consultation entre les gouvernements et les minorités, à la Commission royale d'enquête, aux élections provinciales et enfin au référendum qui a eu lieu en septembre 1995. Ces facteurs, selon M. Rock, ont été pris en compte par le gouvernement fédéral avant d'adopter la résolution visant à modifier la clause 17. Cela suppose donc -- et là encore, le ministre ne l'a pas dit -- que les minorités ont consenti à perdre leurs droits.

Cela semble être la position des gouvernements provincial et fédéral. Cependant, il n'en est rien. Les minorités n'ont pas consenti à adopter cette modification. À tout le moins, pas nous. Nous tenons à déclarer officiellement ici aujourd'hui que les adventistes du septième jour de Terre-Neuve n'ont pas consenti à renoncer à leur droit protégé par la Constitution, peu importe ce qu'en disent les autres.

Tout le processus du référendum de 1995 a causé à une minorité comme la nôtre, qui ne représente que 0,1 p. 100 de la population, beaucoup d'anxiété. Premièrement, il n'est pas nécessaire de tenir un référendum pour modifier l'article 43. Deuxièmement, le référendum se voulait une tentative directe d'ingérence dans les affaires internes des groupes confessionnels. Les gens se disaient que si le gouvernement ne pouvait pas conclure une entente avec les confessions, il demanderait alors l'approbation de chacun des membres des confessions. C'est là une ingérence dans le droit des groupes confessionnels d'avoir leur propre système de gestion. Les politiciens sont élus pour gouverner et pour prendre des décisions difficiles. En tenant un référendum, j'estime qu'ils ont délégué de façon inéquitable leurs propres responsabilités.

Troisièmement, en soi, la question est venue refléter le caractère inéquitable de tout le débat. Elle laissait entendre qu'il devait y avoir modification à la Constitution afin de réformer le système d'éducation. Quatrièmement, même si 54 p. 100 des personnes qui ont voté au référendum ont voté oui, ces 54 p. 100 ne représentaient que 28 p. 100 des personnes inscrites à Terre-Neuve. Cinquièmement, ce que nous avons constaté en tant que groupe, c'est que, en dépit de tous les arguments du gouvernement provincial et du premier ministre, le gouvernement a proposé une modification constitutionnelle en partie à cause du résultat du référendum. À notre avis, cela est un précédent.

Nous sommes préoccupés non seulement par la perte de nos droits à l'éducation confessionnelle, mais par la menace qui pèse sur nous aujourd'hui, à savoir qu'un gouvernement futur, fédéral ou provincial, puisse utiliser le référendum pour régler une crise nationale afin de supprimer les protections dont nous jouissons en vertu de la Charte. À vrai dire, nous sommes sidérés. Jamais dans l'histoire du Canada, nous, les adventistes du septième jour, n'avons vu un de nos droits supprimé au moyen d'un processus légitimé en partie par un référendum public.

Le précédent existe maintenant, d'autres gouvernements pourront utiliser les référendums publics pour justifier la suppression de droits protégés par la Constitution. C'est là un exemple d'usage brutal de la force pour supprimer un droit. La modification de la clause 17, en vertu de l'article 43, est tout à fait légitime. Nous ne le contestons pas. Cependant, le recours au référendum n'était pas légitime, et nous joignons notre voix à celle des autres minorités de tout le pays qui craignent le recours aux référendums. À notre avis, les gouvernements provincial et fédéral peuvent légitimement modifier la clause 17 en recourant à l'article 43. Le fait qu'ils s'en soient remis en partie au référendum est venu assombrir tout le processus et, à notre avis, discréditer l'administration de la justice dans cette affaire.

Nous le répétons, nous sommes d'accord pour que l'on procède à la modification de l'article, même contre notre propre désir, mais utiliser un référendum pour ce faire, comme cela a été le cas à Terre-Neuve, est tout à fait inacceptable.

À propos des minorités protégées par la modification, l'honorable ministre a dit que la clause 17 accorde la protection à des catégories de personnes. À notre avis, les minorités ne sont pas protégées par la modification proposée. Au lieu, les droits sont maintenant assujettis aux lois provinciales, ce qui est loin d'être le cas actuellement. Nous ne faisons pas du tout confiance à la loi proposée.

Les adventistes du septième jour croient au septième jour du sabbat. Le sabbat est observé du coucher du soleil le vendredi au coucher du soleil le samedi. Pour cette raison, il est important que notre peuple conserve son propre système scolaire qui reconnaît les exigences spirituelles de la religion.

La modification proposée de la clause 17 ne reconnaît pas la politique établie en vertu de l'article 27 de la Charte, qui dit qu'elle doit être interprétée pour assurer la préservation et l'amélioration de l'héritage multiculturel des Canadiens. À notre avis, le fait d'obliger les élèves à fréquenter des écoles non chrétiennes revêt un caractère coercitif et viole le droit des parents et des enfants à la liberté de conscience. Cependant, permettez-nous également de préciser qu'on force ainsi également des parents et des enfants non chrétiens à fréquenter des écoles chrétiennes. Les membres de l'Église adventiste du septième jour de Terre-Neuve ont actuellement le droit de choisir dans quelle école ils veulent envoyer leurs enfants, et il est important que nous préservions notre droit à l'éducation chrétienne.

Nous citons dans notre mémoire certains extraits tirés de la jurisprudence reconnue avant la Charte et portant sur les droits conférés à l'article 2 et relatifs au choix des parents.

Les adventistes du septième jour de Terre-Neuve font partie de l'un des systèmes d'éducation protestants les plus importants du monde, et sont impliqués dans l'éducation à Terre-Neuve depuis 1895. Ils applaudissent aux efforts du gouvernement de tenter d'améliorer l'éducation de ses élèves. Cependant, en procédant à cette réforme, le gouvernement a porté préjudice aux droits protégés de notre peuple, droits dont il jouit depuis 1912. Nous sommes tout à fait disposés à collaborer avec le gouvernement pour lui permettre d'atteindre ses objectifs. Cependant, le référendum a jeté une douche froide sur nos fidèles, qui se rendent compte à quel point la protection des droits constitutionnels est fragile face à un gouvernement qui a la volonté politique de les supprimer.

En résumé, les droits que vient actuellement supprimer la modification proposée sont le droit de contrôler les écoles confessionnelles et le financement public pour les faire fonctionner. Les adventistes du septième jour n'ont pas accepté cette réforme, mais proposent que le gouvernement finance ses élèves et leur accorde un montant égal au coût moyen de l'enseignement par élève à Terre-Neuve. Les adventistes du septième jour rejettent la notion voulant que le gouvernement ne puisse pas réformer le système d'éducation sans adopter une modification constitutionnelle. Enfin, les adventistes du septième jour invitent le gouvernement à accorder la liberté de conscience à ceux qui ne veulent pas l'éducation confessionnelle de même qu'à ceux qui la réclament.

La présidente: Dans les discussions, deux modifications ont été proposées à la clause 17: l'une consiste à déterminer les programmes d'études pour clarifier cette disposition précise. L'autre consiste à ajouter l'expression «là où le nombre le justifie». Est-ce que l'ajout de ces termes allège vos difficultés précises? Si j'ai bien lu votre mémoire, vous avez 200 élèves répartis dans cinq écoles. En moyenne, cela fait 40 élèves par école, là où le nombre le justifie dans ce cas.

M. Bussey: Puisque M. Morgan est notre représentant dans les discussions avec le gouvernement, j'aimerais qu'il réponde à votre question.

D'après ce que je comprends, lorsque le nombre le justifie, seulement sept élèves seraient nécessaires pour que nous ayons une école.

M. Morgan: Depuis toujours, disons depuis 40 ans, on aurait pu ouvrir une école confessionnelle à Terre-Neuve avec sept élèves d'un groupe confessionnel. C'était l'interprétation que faisait le gouvernement il y a 40 ans de l'expression «là où le nombre le justifie».

Nous avons pris connaissance des lignes directrices sur la viabilité des écoles que le ministre délégué de l'Éducation a rédigées à plusieurs reprises. Ces lignes directrices ont très peu changé. Elles semblent être conçues pour éliminer toutes les petites écoles, sauf celles dans les communautés qui sont à plus de 50 kilomètres d'une autre école.

L'expression «là où le nombre le justifie» n'aide pas les adventistes du septième jour. Nos plus grandes écoles sont situées à St. John's. Nous avons 160 élèves dans deux écoles ici. Tant que le gouvernement peut adopter des lignes directrices sur la viabilité des écoles sans nous consulter, l'expression «là où le nombre le justifie» ne veut rien dire pour nous.

Le sénateur Beaudoin: Ma question s'adresse à votre conseiller juridique, M. Bussey. Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne le référendum. Depuis peut-être un ou deux ans au Canada, nous utilisons très souvent les référendums. Nous réagissons de telle façon que dans l'Ouest du pays, les premiers ministres et les ministres du Cabinet ne peuvent pas faire grand-chose en matière de réforme constitutionnelle sans être appuyés dans leurs efforts par un référendum.

Je ne peux que répéter que le référendum n'est pas un élément de la Constitution du Canada, ni de la formule d'amendement. Il a été proposé il y a de nombreuses années par la Commission Pepin-Robarts de l'intégrer à la formule d'amendement, mais cette proposition a été rejetée, tout comme le rapport. Il y a peut-être une certaine ambivalence.

Nous modifions actuellement la formule d'amendement indirectement en utilisant le référendum. Cependant, le seul fait que nous soyons ici ce matin signifie que cela ne fait pas partie de la formule d'amendement. Dans ce cas, bien sûr, il y a une formule d'amendement bilatéral -- Terre-Neuve d'un côté, la Chambre des communes et le Sénat de l'autre. Le Sénat ne dispose que d'un veto suspensif de six mois. Vous avez raison de vous préoccuper de cette question de référendum.

Le fait est qu'aucune modification de la Constitution ne peut se faire sans le recours à cette formule d'amendement. Je ne sais pas quelle est votre réaction dans le cas actuel, mais il ne faudra pas tenir compte de l'importance du référendum lorsque nous nous prononcerons sur cette question.

M. Bussey: Le problème que nous avons, c'est que tout le monde dit qu'on ne tiendra pas compte du résultat du référendum.

Le sénateur Beaudoin: Mais le résultat est là.

M. Bussey: Oui.

Le sénateur Beaudoin: C'est juste.

M. Bussey: À maintes reprises, nous avons entendu le ministre dire à votre comité que cela n'est qu'un élément de tout le processus. Cependant, nous disons que même ce volet-là est illégitime parce que le référendum n'a pas sa place dans le processus. Nous craignons que les gouvernements aient peur de prendre des décisions difficiles et qu'ils préfèrent déléguer leurs droits et leurs obligations à la population.

À notre avis, le gouvernement provincial aurait pu facilement suivre tout le processus de modification sans tenir de référendum. Il n'y aurait pas eu de problème. Cependant, quels auraient été les droits des minorités? Premièrement, nous avons la protection des tribunaux. Nous ferions alors appel aux tribunaux. Si nous leur soumettons la question, on nous dira que la majorité de la province s'est prononcée, ce qui nous oblige à nous demander si nous devrions aller de l'avant et demander aux tribunaux de protéger nos droits lorsque le peuple s'est prononcé. Nous avons l'impression qu'il est illégitime pour nous d'en appeler aux tribunaux en tant que minorité parce que le tribunal de l'opinion publique a déjà décidé. Cela crée un sentiment de peur chez les minorités parce que nous estimons que si le public s'est prononcé, nous ne pouvons rien faire.

Le sénateur Beaudoin: Comme vous le dites, le référendum a un caractère purement consultatif. Si vous voulez modifier la Constitution du Canada en vertu de l'article 93, de la clause 17 de l'Union ou de la clause 17 concernant la Saskatchewan, il faut suivre la formule d'amendement. C'est là que se trouve la protection. Cependant, à mon avis, il y a plus que cela. Vous pouvez suivre la formule d'amendement et toujours mettre des droits de côté. Cela s'est déjà vu. On le fait même dans la loi. À mon avis, c'est là où il faut aller un peu plus loin que l'aspect de la légalité. En vertu de l'article 43, il ne fait aucun doute au monde que la clause 17 peut être modifiée demain.

M. Bussey: C'est juste.

Le sénateur Beaudoin: Légalement parlant, c'est certain, mais il y a d'autres arguments. Vous pouvez accepter de ne pas être d'accord. Certaines personnes disent que si on modifie un système pour en remplacer un autre, on change la donne. Bien sûr que c'est le cas. C'est la raison pour laquelle nous modifions la Constitution. Je ne vous dirai pas que cela est politiquement correct ou philosophiquement correct, ou que cela est conforme aux droits et libertés parce que la Charte des droits ne s'applique pas. N'oubliez pas que l'article 29 de la Charte des droits dit clairement qu'elle ne s'applique pas dans le cas des droits confessionnels.

Enfin, c'est là une question de philosophie et de politique, non pas au sens politique du terme. C'est un petit peu péjoratif, mais c'est ce qui en est. C'est là que se trouve la protection. C'est à la population de dire ce qu'elle pense de cette question, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici pour vous écouter.

M. Bussey: C'est juste. Nous devons féliciter le Sénat d'avoir profité de l'occasion d'entendre publiquement notre point de vue. Nous l'apprécions beaucoup.

Le sénateur Pearson: Je suis de l'extérieur, et je tente de comprendre comment le système fonctionne ici, parce que les Terre-Neuviens sont différents de tous les autres Canadiens du reste du pays.

Je crois savoir que l'argent qui est versé aux diverses écoles confessionnelles provient d'une source centralisée. Le système ne fonctionne pas selon une taxe foncière comme c'est le cas en Ontario.

M. Morgan: C'est exact.

M. Bussey: Oui.

Le sénateur Pearson: Est-ce qu'il y a une taxe foncière à Terre-Neuve?

M. Bussey: Oh oui.

Le sénateur Pearson: Est-ce que les églises en sont exemptées?

M. Crook: Les propriétés des églises le sont.

Le sénateur Pearson: Une exemption de taxe est également une autre forme de soutien public.

M. Bussey: C'est exact.

Le sénateur Pearson: Rien dans ce qui est proposé ne changera cela.

M. Bussey: Non.

Le sénateur Pearson: Vous possédez les biens, les cinq écoles que vous avez décrites.

M. Bussey: Dans son document intitulé Adjusting the Course, le gouvernement dit qu'il va traiter de la question des biens des écoles plus tard. Nous n'avons rien entendu depuis à ce sujet, mais vous soulevez là une question intéressante. L'une de nos craintes, c'est que si nos écoles sont fermées un jour, qui restera propriétaire des bâtiments?

Au cours des dix dernières années, nous avons consacré environ 1 million de dollars à la construction d'écoles dans la province. Il faut aussi réaliser que 700 personnes n'ont pas fourni tout cet argent. Nous faisons partie d'une église mondiale. Des fonds spéciaux viennent du continent, pour y appuyer l'Église ici, comme des collectes de fonds. Les adventistes du septième jour sont bien connus à St. John's parce que nous vendons beaucoup de fruits de la Floride. Une bonne partie de ces ventes nous aide à réaliser des projets de construction. C'est là une question qui reste à régler. C'est certainement une question qui nous préoccupe.

Le sénateur Ottenheimer: L'un des arguments qu'invoquent les tenants de la modification de l'article 17, c'est qu'ils ne peuvent pas reconnaître pleinement ou continuer de reconnaître les droits des minorités parce que, premièrement, dans les petites écoles, l'éducation n'est peut-être pas adéquate, et deuxièmement, il faut tenir compte du facteur coût.

À la page 3 de votre synopsis, vous faites une comparaison entre les résultats des élèves adventistes du septième jour et la moyenne provinciale. En éliminant les années 1993 et 1994, où il semble au cours d'une de ces années y avoir eu des difficultés, et dans l'autre cas il n'y avait que deux élèves, ce qui ne constitue pas un échantillon suffisamment représentatif, dans les autres, l'échantillon était suffisant pour avoir une valeur professionnelle. Manifestement, en ce qui a trait à la qualité de l'éducation et au concept intellectuel, les résultats des élèves adventistes du septième jour sont plus élevés que la moyenne provinciale pour ce qui est de l'éducation.

En ce qui concerne maintenant l'argument des coûts, à la page 5 des pages vertes de votre mémoire, vous dites qu'au lieu d'être assujettis à ce que vous décrivez comme des critères de viabilité non réalistes pour l'éducation à Terre-Neuve, vous devriez être autorisés à continuer d'avoir vos écoles et de recevoir une subvention par élève égale à la moyenne du coût de l'éducation pour chaque élève dans les nouvelles écoles de la province. Si je comprends bien, cela ne coûte pas plus cher au Trésor de Terre-Neuve de conserver vos écoles. Quels arguments utilisent ceux qui ne souhaitent pas continuer de reconnaître vos droits? Si la qualité et le coût de l'éducation ne sont pas des arguments valides, y en a-t-il d'autres que je ne connais pas?

M. Morgan: Je n'en connais pas d'autres. Il y a un mois à peu près, nous avons eu une rencontre avec le ministre de l'Éducation. Nous avons soulevé la question à nouveau. Nous sommes disposés à accepter le coût moyen par élève pour chaque district et à fournir le reste pour que nos élèves aient une bonne éducation. Le ministre a répondu: «Oui, mais les avocats du gouvernement m'ont dit que la nouvelle clause 17 ne permettra pas cela». Cette clause 17 a été rédigé pour nous laisser seulement deux options: ou bien nous satisfaisons aux exigences uniconfessionnelles établies par le gouvernement, ou bien nos écoles seront fusionnées à l'école la plus proche.

Le sénateur Ottenheimer: Lorsqu'il est question des droits des minorités, il s'agit en l'occurrence de 0,1 p. 100 de la population, ce qui n'en fait pas des droits moins importants pour autant. Cela nous confère probablement une responsabilité supplémentaire. Les pentecôtistes forment 7 p. 100 de la population, les catholiques romains 37 p. 100 et vous, 0,1 p. 100. Vous avez des écoles à Terre-Neuve depuis 101 ans, et grâce aux fonds du gouvernement, depuis 1912. Si les arguments du coût et de la bonne éducation ne s'appliquent pas, on pense et on espère alors que la clause 17 peut être reformulée. Ce n'est pas comme si on vous imposait quelque chose d'en haut.

Le sénateur Cogger: Je dois dire que je trouve vos arguments plutôt forts, mais je partage certaines de vos appréhensions au sujet du recours aux référendums. Je viens d'une province où nous avons vécu ce genre de difficulté. Je pense que tous les Québécois ont une bonne raison, non pas de s'empêcher de dormir la nuit, mais à tout le moins de craindre l'utilisation du référendum. Là où je trouve que vous y allez un peu fort, c'est quand vous dites que le référendum a rendu le processus illégitime. C'est vous qui l'avez dit, pas moi.

Avez-vous suivi les débats et les interventions à la Chambre des communes?

M. Bussey: Pour être honnête, non, simplement par manque de temps, mais j'ai lu le compte rendu des travaux du comité du Sénat.

Le sénateur Cogger: Un de vos collègues a dit qu'il avait suivi les débats à la Chambre des communes.

La présidente: C'est M. Morgan.

Le sénateur Cogger: Monsieur Morgan, moi aussi j'ai suivi les débats, et je les ai interprétés soigneusement. Êtes-vous d'accord avec moi, ou aimeriez-vous faire des commentaires sur le fait que tous les députés du Bloc québécois qui ont voté en faveur de cette résolution à la Chambre des communes, sans exception, avaient très peu à dire au sujet de la qualité de l'éducation à Terre-Neuve, mais parlaient du précédent que crée un référendum duquel se dégage une faible majorité et que l'on pourrait utiliser pour modifier la Constitution, n'est-ce pas?

M. Morgan: C'est exact. C'est comme ça que je le vois.

Le sénateur Cogger: Si, à votre avis, le recours au référendum rend le processus illégitime, en utilisant la même logique, si l'on devait soustraire les votes du Bloc québécois à la Chambre des communes, cette résolution n'aurait pas été adoptée et ne nous serait pas soumise aujourd'hui, n'est-ce pas?

M. Morgan: C'est exact.

Le sénateur Cogger: Je trouve encore plus étrange qu'un gouvernement dirigé par un homme qui porte le nom de Capitaine Canada aille à Ottawa et courtise le Bloc québécois pour obtenir son appui. Avez-vous des commentaires?

M. Bussey: Lors de son passage devant le comité, Allan Rock a dit que c'était absolument insensé.

Le sénateur Cogger: C'est ce qu'il a dit en réponse à ma question. J'ai dit: «Si je n'en tiens pas compte, votre modification n'est pas adoptée à la Chambre des communes».

M. Bussey: C'est exact. Bien sûr, il y a un véritable débat sur la question. Dans le cas précis qui nous intéresse, nous utilisons l'article 43. Je suppose que le Bloc québécois dirait qu'il pourra utiliser la même disposition de la Charte en s'appuyant sur un référendum pour quitter le pays.

Le sénateur Beaudoin: Oh non, l'article 43 ne s'applique pas.

M. Bussey: L'article 43 ne s'applique pas simplement parce que cette question concerne tout le pays. Les juristes estiment que cette disposition ne peut pas être comparée à cela.

Le sénateur Cogger: Pour clarifier les choses, ce n'est pas ce que j'ai dit. Peut-être pourrais-je préciser pour les fins du compte rendu. Ce que j'ai dit, c'est que le Bloc québécois n'a pas prétendu qu'il pouvait invoquer l'article 43. Essentiellement, le Bloc a soutenu que nous sommes ici face à un référendum auquel a participé une faible partie de la population, duquel se dégage une faible majorité, et que le gouvernement à Ottawa est prêt à le reconnaître. C'est ça, le précédent.

M. Bussey: C'est un précédent politique et non un précédent juridique.

Le sénateur Cogger: Il faut se rappeler que ce précédent découle de questions publiques soulevées par un ministre fédéral qui laissait presque entendre en public: «Devrions-nous exiger une majorité de 66 p. 100, voire de 75 p. 100?» Tout à coup, bingo, une majorité de 52 p. 100 semble suffire.

M. Streifling: La question que vous posez est peut-être la même que la nôtre: est-il possible que le vote ait porté sur le processus et non sur la question elle-même? Nous n'avons pas de réponse à cela.

Le sénateur Cogger: En ce qui a trait à une certaine partie des votes à la Chambre des communes, dites-vous que ces votes étaient davantage en faveur du processus que du résultat global?

M. Morgan: Ce n'est pas réellement ce qui nous inquiète. En tant que sénateur, c'est à vous de vous inquiéter de cela, mais nous, adventistes du septième jour, ne sommes pas tellement impliqués en politique. Notre opinion n'a pas tellement de poids dans ce domaine.

J'ai l'impression que le Bloc québécois estimait parler au nom de la majorité francophone. Nous parlons au nom de la minorité adventiste du septième jour qui sait qu'elle peut être mise en minorité sur n'importe quelle question, mais est-ce juste?

Le sénateur MacDonald: Messieurs, est-ce que vous avez participé aux discussions sur l'accord-cadre?

M. Morgan: Non.

Le sénateur MacDonald: Pourquoi pas?

M. Morgan: Nous ne le savons pas. Le gouvernement ne nous a pas invités.

Le sénateur MacDonald: Vous n'étiez ni déçus ni surpris que l'accord tombe?

M. Morgan: Nous n'en connaissions pas le contenu. Nous n'en savions rien. Je ne l'ai toujours pas vu.

Le sénateur MacDonald: C'est dommage, car j'avais une belle question à vous poser.

M. Morgan: Vous allez devoir la réserver aux catholiques, sénateur.

Le sénateur Rompkey: Je voulais poser des questions au sujet des minorités. Quels sont les droits d'une minorité? En supposant que la clause 17 dans sa forme actuelle soit préservée, que pensez-vous des droits des minorités? Vous êtes une minorité, vous êtes 700 personnes.

M. Bussey: Un peu plus de 700.

Le sénateur Rompkey: Vous incluez dans nos écoles les Témoins de Jéhovah, qui constituent une plus grande minorité que la vôtre, et d'autres groupes. Vous n'incluez pas certains groupes. Il y a 1 300 baptistes dans la province. Je ne sais pas à quelles écoles ils vont.

M. Morgan: Ils ont leurs propres écoles à St. John's, mais nous avons déjà eu des baptistes dans nos écoles dans le passé. Il y a deux ans, soit en 1994, nous avions des enfants dans notre école, à part les principaux groupes religieux, qui provenaient de dix petites religions différentes.

Le sénateur Rompkey: Les pentecôtistes, bien qu'ils aient des écoles depuis 1954, ont obtenu la protection constitutionnelle de leurs droits en 1987. Croyez-vous que ce processus devrait être poursuivi et que d'autres confessions devraient être reconnues dans la Constitution?

M. Morgan: S'ils peuvent satisfaire aux exigences du gouvernement concernant l'éducation, oui.

Le sénateur Rompkey: Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Morgan: Quiconque souhaite ouvrir une école doit respecter une disposition de la Education Act qui demande de présenter des états financiers, un programme d'études et ainsi de suite, pour faire la preuve qu'il est capable d'exploiter cette école et de fournir un bon enseignement. Les baptistes respectent ce critère depuis plusieurs années maintenant, ils ont présenté plusieurs demandes de financement du gouvernement et se le sont vu refuser chaque fois. Le gouvernement économise avec les baptistes parce qu'ils financent entièrement leur propre système d'éducation.

Le sénateur Rompkey: Jusqu'où iriez-vous là-dedans? Accorderiez-vous des droits aux Témoins de Jéhovah, par exemple?

M. Morgan: S'ils avaient un système d'éducation, oui. Ils devraient avoir droit à leur part du budget de l'éducation. L'argent est versé en fonction du nombre d'élèves.

Le sénateur Rompkey: Jusqu'où iriez-vous? Par exemple, 170 fidèles apostoliques du nord de la péninsule n'ont pas d'école, mais il semble que leur groupe pourrait offrir un programme d'études et faire la preuve qu'il a un système scolaire.

M. Morgan: Vous le présumez.

Le sénateur Rompkey: Non, s'ils le pouvaient.

M. Morgan: Ils devraient avoir le choix.

Le sénateur Rompkey: Combien de minorités avons-nous? Certaines ont des droits actuellement. Elles ont des droits enchâssés dans la Constitution. Elles ont droit à l'argent des contribuables d'après la loi, selon une formule calculée par tête d'habitant.

M. Morgan: Elles ont droit à leur propre argent.

Le sénateur Rompkey: Mais certaines y ont droit, d'autres pas. La question que je pose est la suivante: est-ce que toutes les minorités devraient avoir droit à l'argent des contribuables selon une formule calculée par tête d'habitant?

M. Morgan: Oui.

Le sénateur Rompkey: Elles devraient y avoir droit?

M. Morgan: Oui.

Le sénateur Rompkey: Jusqu'où iriez-vous? Qu'est-ce qu'une minorité?

M. Morgan: Pour moi, une minorité est un groupe qui peut être mis en minorité.

Le sénateur Rompkey: Cela pourrait être une personne ou sept personnes?

M. Morgan: Comment exploiter une école pour une personne?

Le sénateur Rompkey: De combien d'élèves avez-vous besoin pour ouvrir une école?

M. Streifling: Si nous partons du principe de la proposition que nous avons soulignée en haut de la page 5 dans la partie verte de notre mémoire et disons que le financement devrait être équivalent à celui accordé pour la moyenne provinciale, je pense qu'on réglerait tous les problèmes. Quand l'école devient trop petite, même la minorité reconnaît que sa part du fardeau est plus grande que les besoins ou les désirs qui peuvent justifier le fait d'avoir une école. Je pense qu'il n'y a plus de problème si on l'examine de ce point de vue.

Le sénateur Rompkey: En principe, vous seriez d'accord pour accorder à d'autres minorités les mêmes droits que vous avez?

M. Streifling: Oui.

M. Morgan: Certainement.

La présidente: Ils ont été très clairs là-dessus, sénateur Rompkey.

Merci beaucoup de votre témoignage. Nous avons appris beaucoup au sujet des écoles adventistes du septième jour à Terre-Neuve, ce qui a été très utile.

Mesdames et messieurs, nous avons réservé une période pour les témoins «de l'extérieur». Je veux vous préciser clairement ce que nous attendons de vous. Vous pouvez vous approcher au micro numéro 1 ou 2. Cependant, nous voulons entendre seulement le témoignage des personnes qui ont quelque chose à ajouter aux exposés très détaillés que nous avons entendus ce matin de la part des Assemblées de la Pentecôte et de l'Église adventiste du septième jour.

Vous aurez cinq minutes pour faire votre exposé. Vous devez vous nommer, nous faire part de votre point de vue. Les sénateurs n'ont pas le droit de poser des questions.

M. Robert Perrault: Madame la présidente, j'ai deux enfants qui fréquentent une école pentecôtiste. Je vais présenter mon exposé en anglais pour le bénéfice de tout le monde.

Madame la présidente, en 1963, l'athée Madelein Murray O'Hare a eu gain de cause devant la Cour suprême des États-Unis contre le conseil scolaire de Baltimore, il en est résulté qu'on a interdit la prière et la lecture de la Bible dans les écoles publiques. Elle était loin de se douter que sa victoire attaquait également le coeur même de la société dans laquelle elle vivait ainsi que les coutumes et principes chrétiens sur lesquels cette société reposait. Néanmoins, cette décision historique a fait disparaître la Bible et la prière des écoles des États-Unis.

Depuis lors, durant les décennies qui ont suivi, chaque année, il y a eu de plus en plus de contestations devant les tribunaux et on remarque l'abolition de plus de droits religieux, ce qui a donné le système d'écoles publiques actuelles aux États-Unis, c'est-à-dire une zone de guerre où les enfants doivent littéralement être fouillés aux détecteurs de métal pour se protéger contre les élèves qui ont des armes cachées. L'esprit qui sous-tend ce revirement a également traversé la frontière pour semer le désarroi dans le système d'éducation de plusieurs de nos provinces.

Cependant, le 26 juillet 1995, une autre décision historique de la Cour suprême des États-Unis est venue restaurer le droit à la prière par les étudiants dans les cérémonies de remise de diplômes. La décision a également permis de conserver le droit de faire des prières, des bénédictions et beaucoup plus. Actuellement, le Sénat et le Congrès des États-Unis étudient une modification à la disposition concernant l'égalité religieuse à la lumière de l'influence positive des activités religieuses dans les écoles et des conséquences, comme il a été mentionné auparavant, que revêt l'interdiction de ces activités.

Nous, à Terre-Neuve, avons eu la chance et la liberté d'assister à ces événements et à ces décisions irréversibles sans en subir l'influence grâce à notre système d'écoles confessionnelles et à la protection des droits de nos minorités. Pour une fois dans l'histoire, nous avons eu le droit au recul et nous pouvons tirer leçon du passé pour savoir comment éviter de tomber dans le même piège que nos amis des autres provinces et nos voisins du Sud qui sont revenus à la case départ et qui ont reconnu qu'il était important de protéger l'éthique religieuse et chrétienne. Cependant, nous risquons de ne pas tenir compte des avertissements et de créer, dans notre monde libre, un précédent, c'est-à-dire de nier et de supprimer le droit d'une minorité déjà enchâssé dans notre Constitution, ce qui nous amène à nous poser des questions sur la solidité de ce document. Cette modification et ce précédent pourraient avoir des conséquences aussi énormes que la décision du conseil scolaire de Baltimore et pourraient menacer les droits des minorités de tous les autres groupes.

En conclusion, j'aimerais attirer votre attention sur les héros de notre passé, même sur les pères de la Confédération, qui se sont battus pour la vérité en période d'adversité, et ont cru qu'il était impératif de protéger les droits des minorités. Honorables sénateurs, si vous croyez également à cette protection, je vous invite alors à rester sur votre position, peu importent les pressions politiques, et à être des héros.

Mme Mary Kearsey: Madame la présidente, je suis présidente du conseil de la paroisse de Saint-Pie X.

Je tiens à vous remercier d'être venus à St. John's nous écouter, nous qui avons toujours cru que l'on ne tenait pas compte de notre opinion, plus particulièrement à la Chambre des communes. Ce que j'ai à dire vous paraîtra peut-être un peu hors contexte ce matin, mais je pense que, après l'exposé de cet après-midi, le rapport sera très clair.

Je tiens à vous parler brièvement aujourd'hui des implications de cette modification proposée et de ses ramifications pour le peuple catholique de Terre-Neuve. J'ai délibérément choisi de vous parler de cela. Nous avons trop entendu parler du pouvoir des églises. Je tiens à me concentrer sur les droits des catholiques dans les paroisses de notre province.

Notre paroisse a vu le jour comme beaucoup d'autres dans la province, une petite chapelle et une école dans le même bâtiment en 1955. Cela est assez récent pour l'histoire de Terre-Neuve. Une fois que la paroisse a été officiellement fondée en 1962, les paroissiens ont tout donné pour construire deux écoles pour les enfants. Ils ont assumé le fardeau de la dette pendant de nombreuses années. Le développement de la paroisse et des écoles a été si étroitement lié que ce qui touche nos écoles, même aujourd'hui, touche notre paroisse et ses paroissiens.

Bien sûr, nous n'avons pas construit d'église avant 1976, pas avant d'avoir fini de payer les écoles. Ensuite, nous avons transformé la petite chapelle d'origine en une salle paroissiale que nous mettons à la disposition de l'école élémentaire pour la gymnastique et d'autres activités. Nous avons entretenu des liens étroits avec les écoles, mis à part le fait de leur fournir des locaux. Par exemple, notre paroisse a versé une contribution financière pour un programme de lecture de rattrapage, un programme de lunch dans les écoles ainsi que le transport d'un certain groupe d'enfants afin de leur permettre de participer à des activités parascolaires.

Quand on regarde l'organisation de notre paroisse et de nos écoles, on se demande comment on a pu concevoir que ces écoles pourraient devenir ce que l'on appelle, en utilisant un euphémisme, des «écoles de quartier interconfessionnelles», autrement dit des écoles publiques. Nombre de paroisses catholiques de la province sont dans la même situation. Les écoles sont souvent adjacentes à l'église paroissiale ou en partagent les locaux. Tout notre complexe, qui s'étend peut-être sur deux ou trois coins de rues, consiste en une école secondaire de premier cycle et une école élémentaire avec notre salle paroissiale qui, en fait, est à côté de notre église. Nos murs communs sont des murs porteurs. Ils se soutiennent l'un l'autre. Nous avons un presbytère, auquel est annexée notre école secondaire jésuite, Gonzaga. Est-ce qu'on peut concevoir que ces écoles perdent leur statut d'écoles catholiques, faisant en sorte qu'une église paroissiale catholique romaine soit entourée de trois écoles publiques? Beaucoup de nos vieux paroissiens m'ont dit: «Comment peuvent-ils nous enlever nos écoles?»

La modification proposée donnera au gouvernement provincial le droit d'adopter une loi qui pourrait avoir un effet extrêmement néfaste sur notre vie paroissiale et imposer des changements à notre système scolaire interconfessionnel, ce qui est censé être la norme. Ce changement équivaudra à couper les bras et les jambes à notre communauté paroissiale.

À notre avis, non seulement nos écoles catholiques sont menacées, mais nous voyons là une attaque contre l'histoire sociale, la géographie sociale et la culture des institutions religieuses de notre province, car nombre de mes observations s'appliquent à tellement de paroisses de la province.

Mme Leona English: Je parle aujourd'hui au nom des coordonnateurs de l'éducation religieuse catholique de la province. Mes préoccupations portent particulièrement sur l'éducation religieuse et sur la façon dont cette modification à la clause 17 permettra de la protéger.

Plus précisément, on a la preuve ailleurs -- entre autres aux États-Unis -- que même si les décisions des tribunaux n'interdisent pas la religion dans les écoles, l'interprétation et l'application de ces décisions par les conseils scolaires se sont traduites par l'élimination de l'enseignement religieux des écoles. Manifestement, la crainte, la menace et une interprétation très étroite de la décision se sont traduites par la disparition de l'enseignement religieux. C'est la situation que nous craignons le plus après la révision de la clause 17.

À notre avis, cela est assez troublant. Que l'on pense à la contribution que l'éducation religieuse apporte à chacun des diplômes reconnus pour les élèves dans la région de l'Atlantique, ce qu'accepte, je dois ajouter, notre gouvernement actuel. Parmi ces contributions, mentionnons celle de l'éducation religieuse dans le domaine du développement esthétique, de la compétence technologique, des communications, du développement spirituel et moral de nos jeunes. Manifestement, l'enseignement religieux apporte beaucoup à l'éducation des diplômés de nos écoles.

Pour ces raisons, nous vous mettons en garde contre l'adoption d'une révision de la clause 17. D'autres modifications visant à réviser le système ont déjà été acceptées. Tout autre changement, comme ces modifications constitutionnelles, pourrait amener la disparition de l'enseignement religieux dans les écoles de Terre-Neuve, ce que nous, éducateurs religieux, rejetons avec vigueur.

Parent anonyme (identité non divulguée): Je tiens à vous remercier, honorables sénateurs, d'être venus à Terre-Neuve et d'avoir donné aux parents la chance de se faire entendre. Je l'apprécie.

J'aimerais soulever trois points: le premier est que durant le référendum, il y a eu beaucoup de confusion. Certains pensaient que pour voter en faveur de la réforme de l'éducation, ils devaient voter «oui» et qu'un «non» signifiait qu'il n'y aurait pas de réforme, même si ce n'était pas le cas.

Deuxièmement, les écoles publiques et les écoles catholiques coexistent en Alberta et en Ontario. Les écoles catholiques reçoivent des fonds publics. La question a été soulevée plus tôt ce matin. Cependant, notre gouvernement veut faire adopter le système d'écoles publiques. Dans les petites collectivités où il n'est pas viable d'avoir d'autres écoles, les parents seront forcés d'envoyer leurs enfants à l'école publique parce que leur droit constitutionnel de choisir leur sera retiré si la clause 17 est modifiée.

Troisièmement, si la clause 17 est modifiée, cela créera un précédent pour les autres provinces qui pourront tenir un référendum. En s'appuyant sur le référendum, elles pourront exiger une modification constitutionnelle. Elles pourront dire: «Voyez, Terre-Neuve a eu sa modification, nous voulons la nôtre.»

Mme Elizabeth Williams: Je fais mon exposé au nom du conseil paroissial de St. Agnes et de St. Michael's, de Pouch Cove et de Flatrock, au nom du Conseil des Chevaliers de Colomb du père William Sullivan, de l'administration scolaire de St. Agnes, de l'association parents-enseignants de St. Agnes et du curé de notre paroisse, le révérend père Frank Puddister.

Nos associations appuient en tous points la réforme du système d'éducation dans la province de Terre-Neuve et du Labrador. Cependant, nous estimons que des changements qui amélioreront la qualité de l'enseignement de nos enfants et réduiront les dépenses peuvent être effectivement mis en oeuvre sans modifier la clause 17. Nous croyons que Terre-Neuve ne se serait pas jointe à la Confédération du Canada si ses droits religieux en matière d'éducation n'avaient pas été protégés.

Lors du référendum tenu en septembre 1995, une petite majorité a voté pour imposer des changements à des groupes de minorités qui n'avaient pas exprimé le désir de changement. Un tel processus constitue une menace grave à la sécurité des groupes minoritaires partout. Si la Constitution ne protège pas les droits des minorités, elle souffre alors de lacunes graves, et établit un précédent qui amènera des mesures encore plus draconiennes à l'avenir. Nous vous demandons de reconnaître et de garantir que les droits des catholiques et des autres confessions demeurent intacts.

Nous croyons que, idéalement, un système confessionnel devrait adopter une approche holistique à l'égard de l'éducation. L'enfant ne peut recevoir un enseignement intellectuel, scientifique ou technique qui ne tienne pas compte de son développement moral, éthique et spirituel. En dépit des assurances du contraire, nous croyons que les écoles de notre province deviendront entièrement laïques. Si nous comprenons bien, il existe un mouvement de plus en plus fort aux États-Unis aujourd'hui en faveur de l'établissement d'une présence religieuse visible dans le domaine de l'éducation. N'est-il pas ironique de voir que le système même que le gouvernement tente de démanteler, d'autres tentent de le mettre en oeuvre?

Nous n'insisterons jamais assez sur le fait que nous sommes tout à fait d'accord pour que l'on procède à la réforme de l'éducation, mais nous demandons effectivement que «lorsque le nombre le justifie», les écoles catholiques puissent continuer d'être des écoles tout à fait fonctionnelles. Lorsque le nombre n'est pas suffisant pour l'établissement d'une école uniconfessionnelle, nous recommandons fortement l'établissement d'écoles mixtes. Ces écoles font partie intégrante du système d'éducation de Terre-Neuve et du Labrador depuis plusieurs années.

Dans notre propre collectivité, c'est ce que nous poursuivons de concert avec un autre conseil, et sans l'ingérence du gouvernement. Il ne fait aucun doute pour nous que sous la direction d'une administration compétente qui pourra compter sur l'appui des foyers et de la paroisse, nous pouvons offrir l'enseignement le meilleur à nos enfants tout en préservant l'intégrité du système d'éducation confessionnelle. Cela peut se faire sans coût additionnel pour les contribuables de la province.

Nous respectons les droits de ceux qui s'opposent à notre position, et des parents qui décident de ne pas envoyer leurs enfants dans une école confessionnelle. En fait, nous respectons le droit de choisir en matière d'éducation et nous croyons qu'il faut répondre aux besoins de tous les groupes en conséquence, mais non pas au détriment de nos droits.

En conclusion, les catholiques de la paroisse de St. Agnes et St. Michael estiment qu'il n'y a aucune raison justifiable pour nous refuser, en tant que fidèles, des droits garantis par les dispositions de l'Union de Terre-Neuve au Canada. La réforme de l'éducation est essentielle et peut être réalisée sans ostraciser aucun groupe minoritaire. Grâce à une gestion efficace et à un engagement de la part de tous les intervenants, on peut réaliser des économies suffisantes dans le cadre du système actuel pour permettre des améliorations qui viendront accroître la qualité de l'enseignement. Pourtant, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si les économies prévues seront réinvesties dans le nouveau système d'éducation ou si elles seront utilisées pour réduire le déficit provincial actuel.

Nous demandons respectivement aux honorables membres du Sénat de protéger les droits des minorités en s'assurant que «lorsque le nombre le justifie», le droit à des écoles uniconfessionnelles et mixtes puisse être enchâssé dans la nouvelle version de la clause 17.

M. Andrew Healey: Madame la présidente, honorables sénateurs, soyez les bienvenus. Merci d'être venus nous entendre aujourd'hui.

Je suis un étudiant de troisième niveau qui a obtenu son diplôme en juin dernier. Mon frère, qui est au deuxième niveau, sera touché par les changements que vous avez le pouvoir de retarder. J'aimerais souligner quatre points brièvement aujourd'hui.

Il y a peut-être une barrière de langue, donc je vais tenter de traduire, mais à mon humble et jeune opinion, nous les Terre-Neuviens sommes très gentils. Habituellement, nous réussissons à faire entendre nos arguments. J'ai eu l'impression ce matin, en écoutant vos discussions, que nous sommes tous en train de nous battre. Aussi enfantin que cet argument puisse paraître, nous pouvons nous entendre en dépit de la décision et de l'opinion peu populaires du gouvernement.

Mon deuxième point est une question concernant peut-être l'une des émotions humaines les plus fortes, la peur. Je crains que mes droits constitutionnels en tant qu'étudiant de notre système scolaire puissent être changés. J'implore le gouvernement du Canada de ne pas provoquer cette abolition de mes droits constitutionnels. Je vous demande de transmettre mon message à Ottawa, j'aimerais que vous demandiez aux parlementaires comment ils peuvent oser prendre cette décision fatale aussi rapidement pour mon éducation! C'est véritablement une journée de la peur dans l'histoire canadienne. On ne nous a pas permis d'avoir un processus équitable, et pourtant nous risquons de perdre nos droits constitutionnels à titre de citoyens du Canada.

Troisièmement, selon le mode de fonctionnement de notre système actuel, les diplômés de l'école secondaire St. Michael ont constitué, selon les termes de notre directrice adjointe et professeur de chimie, Mme Sharon Forbes, la classe la plus performante depuis dix ans. Sur 69 diplômés, moi-même et sept autres de mes confrères nous sommes classés dans le percentile moyen de 92 à 99 p. 100. Quatre d'entre nous se situaient dans ce dernier percentile. Le système pédagogique est efficace. Personne à Ottawa ne peut nous dire que notre système scolaire est inefficace. Notre système n'est pas le pire au Canada, et je tiens à vous remercier de le consigner au compte rendu.

En conclusion, je dois dire qu'il existe un partenariat vital dans le monde de l'éducation à Terre-Neuve. Ce partenariat a toujours existé entre le foyer, l'école et la religion. Souvent, nous ne sommes pas capables de déterminer, et nous ne le voulons pas non plus, où s'arrête l'un et commence l'autre. Nous, étudiants qui croyons à l'éducation confessionnelle, estimons que ce partenariat favorise un partage de responsabilités pour notre bien-être. La croissance sociale, pédagogique, émotive et spirituelle des élèves préoccupe nos parents, nos enseignants et nos dirigeants religieux. Nous sommes ainsi assurés qu'aucun de ces trois volets ne fonctionne isolément.

Enfin, j'estime qu'une bonne partie de ce qu'ont à nous offrir nos écoles confessionnelles est trop importante et trop valable pour être perdue. Oui, réformons le système, mais ne modifions rien aux droits enchâssés qui nous ont été accordés dans la Constitution du Canada. Je vous lance un appel personnel, vous qui êtes notre dernier espoir à cette étape. Je vous en prie, ne permettez pas que nos droits soient détruits par le simple fait d'adopter une loi.

Merci beaucoup d'être venus nous voir, et je vous souhaite un bon séjour à Terre-Neuve.

Mme Ann Rideout: Merci, madame la présidente et honorables sénateurs d'avoir pris le temps de nous écouter.

J'ai quatre enfants qui fréquentent l'école pentecôtiste ici à St. John's. Je me considère comme une pépinière. Je participe activement aux réformes qui sont déjà en place. Je fais partie du comité d'école et l'école pour moi est un endroit où Dieu se trouve et c'est là que je veux que soient mes enfants. L'école est une pépinière où ils se préparent à affronter la réalité du monde extérieur. Je veux que Dieu soit avec eux. Notre gouvernement me demande de les placer dans une pépinière où moi-même et Dieu ne sommes pas. Je vous demande de garder Dieu dans notre pépinière.

M. Ern Condon: Je tiens à préciser quelques questions qui découlent des notes que j'ai prises ce matin durant les exposés. J'aimerais parler de deux choses. Premièrement, du référendum. Le sénateur Cogger et d'autres en ont parlé. L'autre point concerne la loi. Le sénateur Doody a demandé en quoi consistait cette loi.

On ne peut passer outre au référendum pour diverses raisons. Le référendum est l'outil qu'a utilisé le gouvernement pour forcer les législateurs à voter. À mon avis, tout le processus est invalide et lacunaire. D'une part, même si on ne peut pas en faire fi, votre comité doit à cette étape-ci le rejeter.

J'ai regardé l'ensemble des débats à la Chambre des communes et au Sénat jusqu'à maintenant. Comme l'a dit le sénateur Cogger, le Bloc québécois a voté en se fondant sur le référendum. Son vote était lié au référendum et à la question de la pertinence des référendums.

Je ne suis pas ici pour défendre à tort ou à raison ma religion, mon pays ou mon parti. Nous avons tous des opinions et des croyances. Nos origines sont différentes, mais nous ne pouvons pas aborder la question de ce point de vue. Même si les députés du Bloc québécois ont voté en faveur du référendum pour signaler que cela est un outil important, ils aimeraient bien que vous n'abordiez pas la question. Ils ont fait la même chose à la Chambre, tout comme les députés libéraux.

N'oubliez pas que lorsque le référendum a eu lieu ici, le premier ministre n'a pas permis un vote libre. Les membres du Cabinet ont été tenus de voter pour la loi. Lorsque le vote a eu lieu à l'Assemblée législative, les politiciens aspirant à d'autres postes qui siègent à l'Assemblée législative provinciale n'étaient pas en mesure de voter contre le projet de loi parce qu'ils se seraient coupés les ponts les menant au Cabinet.

À la Chambre des communes, le Parti réformiste croit aux référendums et à la tyrannie de la majorité. S'il y avait eu un tel référendum dans le passé, y aurait-il un Sénat aujourd'hui ou des écoles de langue française? Je ne crois pas.

Pour ce qui est des libéraux fédéraux, ceux qui sont membres du Cabinet et les autres ont dû voter en fonction de la doctrine du parti, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Les jeunes députés libéraux à la Chambre des communes qui aspirent à des postes au Cabinet n'ont pas voulu compromettre leurs chances d'y accéder. Les députés libéraux plus vieux à la Chambre des communes aspirent à siéger autour de cette table en tant que sénateurs. Ils avaient intérêt à voter selon la doctrine du parti. Par conséquent, le référendum est important.

Le sénateur Gigantès n'est pas là, mais il a dit qu'il accorde beaucoup d'importance au référendum et au vote unanime de l'Assemblée législative de Terre-Neuve. Eh bien, cela a été rejeté ce matin. Il s'agissait simplement d'un vote unanime demandant à la Chambre des communes et au Sénat d'agir. Le résultat du vote à l'assemblée a été de 31 contre 20. Je pense que les sénateurs doivent tenir compte de ces choses.

Le sénateur Doody a demandé en quoi consistait cette loi. L'un des témoins a dit que l'on nous demandait de vous faire confiance, ou comme l'a dit George Bush: «Lisez sur mes lèvres».

Le sénateur Cogger a parlé de Capitaine Canada. Le premier ministre Wells était ce que l'on appelle le champion du Lac Meech, le sauveur du Canada. Il ne voulait pas voter pour quoi que ce soit, ni signer quelque document que ce soit. Tout a été soigneusement étudié et il s'est opposé à tout, même à son chien. Par contre, il s'attend à ce que nous votions dans un référendum sur une loi dont nous ne savons rien. Il y a beaucoup de contradictions là-dedans.

La personne qui m'a précédé a parlé du premier ministre de la province et du ministre de l'Éducation. L'ancien ministre de la Justice a passé les derniers mois à Ottawa à faire du lobbying auprès des députés fédéraux. Durant la campagne référendaire, ces personnes ont parcouru le pays pour convaincre les gens que nous avions les enfants les moins intelligents au Canada, que nos enseignants sont stupides, que notre système d'éducation est pourri et que nos parents sont stupides de nous envoyer dans un système confessionnel. Le processus référendaire nous a ramenés dans les années 1940 à l'époque où nous essayions de nous défaire du sectarisme. On a dressé les gens les uns contre les autres. Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous avons été menacés, intimidés par nos politiciens provinciaux.

Voilà ce que j'avais à dire. Merci de m'avoir permis de le faire.

Mme Sharon Witt: Bonjour, honorables sénateurs. Je tiens à vous remercier d'être venus nous entendre.

Je suis un parent et une enseignante pentecôtiste. J'aimerais répéter ce qu'a dit le pasteur King tout à l'heure. C'est avec beaucoup de restrictions et de contrôle que nous pouvons être ici aujourd'hui et contenir nos émotions le plus possible, parce que c'est un triste jour. C'est avec beaucoup de regret que nous constatons cette situation en tant que pentecôtistes. Il est difficile de croire que nous vivons dans une démocratie, mais, nous l'espérons, nous serons en mesure de sauver la situation grâce aux pourparlers d'aujourd'hui.

Les parents ont le droit de s'assurer que leurs enfants ont droit à l'enseignement. C'est ce que j'ai remarqué dans le mémoire des pentecôtistes de ce matin. La Convention européenne sur les droits de l'homme dit que, dans l'exercice de toute fonction qu'il assume en regard de l'éducation et de l'enseignement, l'État doit respecter le droit des parents de s'assurer que cette éducation et cet enseignement sont conformes à leurs propres convictions religieuses et philosophiques.

En tant que parent, j'estime que mes enfants devraient avoir le droit d'être éduqués d'une façon conforme aux préceptes auxquels je crois. Au cours des années, les écoles pentecôtistes de cette province ont bien servi mon mari et moi. Nos trois enfants ont été bien éduqués dans notre système. Ils ont eu un excellent enseignement, mais aussi une instruction qui était conforme à nos convictions. Leur éducation a été empreinte des valeurs, des croyances et du mode de vie auxquels nous tenons si précieusement.

Les parents ont la responsabilité première de l'éducation et du développement de leurs enfants. Le développement de l'enfant n'est pas seulement tiré des manuels scolaires. Je crois au développement holistique de l'enfant qui va bien au-delà des considérations pédagogiques. En fait, il est essentiel que nous favorisions le bien-être spirituel, social et pédagogique de nos enfants. Nous ne pouvons pas jouer notre rôle de parent à moins d'avoir ce droit.

Nous devons céder ce droit de former nos enfants aux enseignants et aux administrateurs. Ces personnes spéciales ont la responsabilité de modeler un mode de vie dans toutes les interactions avec mon enfant à l'école. Elles doivent partager les valeurs auxquelles je tiens. Elles doivent partager ma croyance et ma vision du monde. Si nos écoles pentecôtistes ne sont pas différentes des autres écoles, peut-être alors ne devrions-nous pas nous attendre à ce que vous nous compreniez. Cependant, je crois qu'elles sont différentes. J'ai vu les deux côtés de la médaille.

Je suis un parent et une enseignante. Je vais dans ma classe tous les matins et je sens la responsabilité que j'ai de représenter les parents. Je sais que je suis là pour former leurs enfants. Lorsque j'entre dans la classe, je sais que ces parents s'attendent à ce que je me dévoue pour eux, pour leurs enfants tous les jours. Ils s'attendent à ce que je prie avec mes élèves de 12e année tous les matins. Non seulement cela, mais ils s'attendent, lorsque j'enseigne la chimie, que je présente cette science de façon à dire aux élèves de ma classe que la science n'a pas réponse à tous les problèmes de la vie, il y a plus dans la vie que la pensée rationnelle et le raisonnement logique. Lorsque j'enseigne à mes élèves, je sais que je représente leurs parents. Je partage cette vision du monde.

Nous réalisons dans nos classes que nous devons analyser et, oui, nous devons discuter, nous devons expliquer du mieux que nous pouvons. Cependant, lorsqu'on arrive au coeur même des choses, nous devons finalement réaliser -- et vous le savez tous -- qu'il n'y a pas de réponse simple à un problème complexe. En fait, de nombreuses réponses sont liées à nos croyances, à notre foi et à notre vision du monde. Sur quoi vous appuyez-vous? Je ne pense pas que je devrais être forcée d'exposer mes enfants à un système dans lequel ils sont constamment bombardés par un ensemble de croyances qu'endosse effectivement la majeure partie de la société comme étant la vérité, mais que je ne considère peut-être pas comme étant la vérité. Si cette modification est adoptée, ils seront forcés de s'asseoir dans une classe où le professeur dira: «C'est la vérité, et la science a réponse à tout». Eh bien, cela n'est pas vrai. En tant que parent, j'ai le droit, je crois, de permettre à mes enfants de fréquenter un système où les enseignants proposeront la même vision que je considère comme étant la vérité.

Honorables sénateurs, je vous demande aujourd'hui de respecter les droits des parents de cette province de s'assurer que les pentecôtistes et les autres minorités continuent de jouir du droit à l'éducation.

M. Dave Jones: Je représente les minorités catholiques. Je vous remercie de me donner la chance de m'exprimer aujourd'hui.

Lors du référendum l'an dernier, beaucoup se demandaient pourquoi il y avait un référendum, surtout quand 90 p. 100 des questions en discussion avaient été acceptées. La question des économies n'était pas importante parce qu'elle était presque réglée. Ce que se demandaient beaucoup de gens, c'est pourquoi l'ancien premier ministre de la province, qui avait dit huit ans plus tôt qu'il n'était pas question de toucher à la clause 17, soudain le modifie. Pourquoi les députés des Communes ne sont-ils pas venus à Terre-Neuve à ce moment-là pour dire: «Vous ne pouvez pas faire cela»? Tout le monde se demande ce qui s'est passé. On est allé de l'avant, on a modifié la clause 17 et rien n'a été fait pour les en empêcher, même si cette mesure était injuste et inéquitable.

Je porte un insigne qui dit: «Sauvons le droit des minorités à l'éducation». Ce dont il est question ici, c'est des droits des minorités. C'est important.

J'apprécierais beaucoup si vous, honorables sénateurs, aviez la gentillesse d'annuler cette modification parce que c'est ce qui doit être fait.

Mme Vee Osmond: J'aimerais savoir pourquoi vous voulez que la religion sorte de nos écoles. Quel mal cela a-t-il fait? La religion ne fait qu'aider les enfants à se développer comme il se doit. Tout comme un jeune arbre, l'enfant a besoin de tuteur pour le garder droit jusqu'à ce qu'il prenne racine. Sortez la religion de nos écoles et vous enlèverez les tuteurs qui permettent de stabiliser les enfants, qui les aident à devenir les citoyens responsables de demain, qui les incitent à rester éloignés de la drogue, de l'alcool, du viol, des vols et même du meurtre, et qui les forment pour devenir des citoyens respectueux de la loi.

À un moment donné, on ne pouvait pas commencer les cours sans la prière. Nos lois sont basées sur les dix commandements de Dieu. Les États-Unis ont fait imprimer sur leurs pièces de monnaie l'inscription Trust in God. Est-ce que Dieu n'est plus à la mode à Terre-Neuve et au Canada? Si vous deviez choisir un soldat, lequel choisiriez-vous: l'homme qui a des idées claires et bien formées, un corps sain et qui est capable de se battre, ou celui qui prend de la drogue, qui boit trop et qui s'est affaibli le corps et l'esprit?

Nos élèves sont nos citoyens et nos leaders de demain. Protégeons-les ainsi que notre avenir en gardant la religion dans nos écoles.

La présidente: Je vous remercie tous ici aujourd'hui de votre attention et d'avoir respecté le Règlement du Sénat.

La séance est levée.


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