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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 32 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 30 octobre 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 15 h 15, pour examiner le projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en conséquence.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Sénateurs, le comité de direction a décidé la semaine dernière de tenir des audiences très détaillées sur cet important projet de loi. Nous accueillerons demain des représentants de la Société Elizabeth Fry et de la Société John Howard, et la semaine prochaine, des représentants de l'Association canadienne des policiers, de l'Association canadienne des chefs de police, du groupe Victimes de violence et du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes. Nous ne siégerons probablement pas la semaine suivante. Plus tard, nous entendrons les représentants de l'Association canadienne de justice pénale et du Conseil des églises pour la justice et la criminologie.

Le mercredi 27 novembre 1996, je vais demander que le comité se réunisse à 15 h 15, même si le Sénat siège à ce moment-là, parce que c'est le seul moment où nous pouvons entendre l'Association du Barreau canadien, ainsi que messieurs Patrick Healey, de l'Université McGill, et Julian Roberts, de l'Université d'Ottawa, deux criminologues bien connus. Le jeudi 28 novembre, nous aurons l'occasion d'entendre le procureur général de l'Ontario.

Nous accueillons cet après-midi des fonctionnaires des ministères de la Justice et du Solliciteur général.

Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.

[Français]

M. Yvan Roy, avocat général, Section de la politique du droit pénal, Secteur de la politique pénale et sociale: Je vous remercie, madame la présidente, c'est un honneur pour nous de pouvoir nous présenter devant votre comité et vos collègues, de manière à répondre le plus adéquatement possible aux questions que vous pourriez avoir sur le projet de loi C-45 devant vous pour étude plus précise et plus détaillée.

[Traduction]

J'ai pensé que la meilleure façon d'introduire ce projet de loi serait de vous décrire brièvement les trois grandes modifications qu'il propose.

Pour bien vous situer dans le contexte, il serait peut-être bon de vous donner un aperçu de la situation actuelle et de vous décrire l'impact qu'aurait ce projet de loi s'il était adopté par le Parlement.

Le projet de loi C-45 visait, dans un premier temps, à modifier l'article 745 du Code criminel. Ce n'est plus le cas. Cet article a été modifié par l'entremise du projet de loi C-41, qui est devenu le chapitre 22 des lois du Canada de 1995. Ce projet de loi portait sur la détermination de la peine. Je suis certain que les honorables sénateurs s'en souviennent.

Au moment de l'adoption de cette mesure législative, le gouvernement, et notamment le ministre de la Justice, ont proposé une modification à l'article 745, qui est devenu par la suite l'article 745.6. Cette modification a été adoptée par le Parlement. Elle permettait au jury de recevoir de l'information de la victime d'un crime. Par «victime», on entend la «famille de la victime» parce que, par définition, la victime est déjà décédée, du fait qu'elle a été tuée par la personne qui se trouve devant le jury.

Quel est le mécanisme dont il est question ici, à savoir l'article 745.6 du Code? Vous êtes en présence d'une personne qui a été déclarée coupable d'un meurtre au premier ou au deuxième degré. Il ne faut pas oublier que, dans les cas de ce genre, la peine imposée est la condamnation à perpétuité.

Le sénateur Jessiman: Mais par condamnation à perpétuité, on entend 25 ans, n'est-ce pas?

M. Roy: Il y a deux situations. Pour le meurtre au premier degré, la loi exige une peine d'emprisonnement obligatoire de 25 ans. Pour le meurtre au deuxième degré, la loi exige une peine d'au moins dix ans; le juge peut prolonger cette période de 10 à 25 ans. Dans les cas, le mécanisme dont il est question ici s'appliquerait.

Après avoir purgé 15 ans de sa peine, un détenu peut présenter une demande au juge en chef de la cour supérieur de la province. Ce dernier constituera un jury pour entendre la demande. Le jury décidera s'il y a lieu de permettre au détenu de présenter une demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles en vue d'obtenir une libération plus tôt que prévu.

À l'heure actuelle, cette décision doit être prise à la majorité des deux tiers des membres du jury; autrement dit, par huit membres sur 12 dans la plupart des cas.

Avant le dépôt du projet de loi C-41, la question de savoir si le jury devait entendre la déclaration de la victime et de la famille de la victime suscitait beaucoup de controverse. Une cause a même été entendue par la Cour suprême du Canada. Celle-ci a pris note du fait que le Parlement avait été saisi du dossier et qu'il n'avait rien fait. La question a fini par être tranchée, l'article en question ayant été modifié par le projet de loi C-41.

Si le jury décide qu'il n'y a pas lieu de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle, il peut alors déterminer quand le détenu pourra présenter une nouvelle demande. Il peut aussi interdire au détenu de présenter une nouvelle demande avant l'expiration de sa peine.

Ce mécanisme de contrôle est déjà prévu dans la loi. Le détenu qui présente une demande frivole ou vexatoire peut très bien se faire dire par le jury de ne pas présenter une autre demande avant un certain délai.

Le ministre de la Justice propose trois modifications. D'abord, les personnes déclarées coupables de plus d'un meurtre ne seront pas en mesure de se prévaloir de l'article 745.6. Ce qui veut dire qu'elles purgeraient la totalité de la peine imposée par le juge.

Ensuite, si un détenu décide de présenter une demande -- encore une fois, je fais allusion ici au mécanisme de contrôle dont je vous ai parlé --, le jury peut lui imposer un délai à l'expiration duquel il pourra présenter une demande. Dans ces circonstances, certains détenus se garderont de présenter une demande.

Ou encore, le ministre propose qu'on introduise un mécanisme en vertu duquel la demande sera examinée par un juge de la Cour suprême ou de la cour supérieure de la province où l'audience doit avoir lieu. On veut faire en sorte qu'il existe une possibilité réelle que la demande soit accueillie. En d'autres termes, les demandes vexatoires seront éliminées.

Enfin, comme les déclarations de culpabilité, dans le système de justice pénal, doivent être décidées à l'unanimité par le jury, le ministre propose que la décision de réduire le délai soit également prise à l'unanimité par le jury. Par conséquent, les douze membres du jury doivent s'entendre pour réduire le délai avant d'accéder à la demande.

Je tiens à souligner que cette procédure vise tout simplement à permettre à un détenu de présenter une demande à la commission des libérations conditionnelles. Celle-ci décidera si le détenu peut bénéficier d'une liberté surveillée sein de la communauté.

Le sénateur Jessiman: Mais la décision de réduire le délai n'est pas nécessairement unanime. Si le jury décide à l'unanimité de réduire le délai, le nombre d'années, lui, sera déterminé par décision des deux tiers des membres, n'est-ce pas?

M. Roy: Oui. En fait, si le jury disait: «Nous refusons de réduire le délai», le délai à l'expiration duquel le détenu pourra présenter une nouvelle demande devra être fixé par la même majorité dont il est ici question.

C'est la proposition que le ministre de la Justice a déposée devant le Parlement. Nous sommes ici pour essayer de répondre du mieux que nous pouvons à vos questions.

La présidente: Vous pourriez peut-être clarifier quelque chose. Vous avez dit qu'il y a trois modifications. La première vise les personnes déclarées coupables de plus d'un meurtre. Elles ne pourront se prévaloir de l'article 745.6 qui est proposé.

Vous avez dit ensuite qu'un mécanisme d'examen serait mis sur pied pour éliminer les demandes vexatoires. Qui présenteraient de telles demandes si la première modification retire un tel droit à ces personnes?

M. Roy: Le mécanisme dont il est ici question, à savoir l'article 745.6, pourra être utilisé par les personnes qui ont commis un seul meurtre.

Un détenu pourrait présenter une demande vexatoire après avoir purgé 15 ans de prison pour avoir commis un meurtre. La loi définit les critères qui permettront de déterminer s'il existe une possibilité réelle que la demande soit accueillie. Si la demande a peu de chances d'être accueillie, cela veut dire que le détenu ne satisfait pas les critères.

Je vous reporte donc à ce paragraphe proposé. Les critères en question figurent aussi à l'article 745.6 du Code, et ils n'ont pas été modifiés.

L'article 746.6 dispose qu'un détenu ayant été déclaré coupable d'un meurtre peut présenter une demande après avoir purgé 15 ans de sa peine. Si la demande est vexatoire, elle sera jugée sans fondement. Les demandes vexatoires seront éliminées pour éviter que la famille de la victime, par exemple, ne revive une expérience traumatisante alors qu'il n'existe aucune possibilité réelle que ce type de demande soit accueilli.

Le sénateur Milne: Monsieur Roy, le sénateur Saint-Germain m'a posé, au Sénat, une question au sujet des récidivistes. Les données que j'ai utilisées datent de la fin de l'année 1995. Avez-vous des données plus récentes?

Si je peux me permettre de résumer les observations du sénateur concernant les détenus qui ont bénéficié d'une libération anticipée en vertu de l'article 745, il voulait savoir combien d'entre eux avaient récidivé. Ma réponse était qu'à la fin de 1995, aucun n'avait récidivé.

Vous pourriez peut-être nous fournir des données plus à jour, et nous parler aussi du taux de récidive enregistré chez les détenus.

M. Roy: Il m'est impossible de dire qu'aucun des détenus ayant bénéficié de l'ancien article 745 n'a commis de meurtre à la suite de sa libération. Mme Trottier a examiné le dossier et compilé de nouvelles statistiques. Nous en avons des copies que nous pouvons vous distribuer.

Le sénateur Jessiman: Je présume que vous faites uniquement allusion au Canada, parce que les Nations Unies ont sans aucun doute des statistiques qui dressent un portrait tout à fait différent.

Êtes-vous en train de dire que certains détenus ont obtenu une réduction du délai en vertu de cet article? Est-ce que vos statistiques indiquent que, jusqu'à une certaine date, aucun détenu n'avait récidivé? Êtes-vous en train de dire maintenant qu'il y en a peut-être un ou plusieurs qui ont récidivé?

M. Roy: Non, je dis que les statistiques que nous avons couvrent une période allant jusqu'au 28 octobre. D'après ces statistiques, seulement 40 p. 100 des détenus qui pouvaient présenter une demande en vertu de l'article 745 l'ont fait. Un pourcentage plus petit de demandes a été accueilli et, sur ce nombre, aucun détenu n'a récidivé.

Le sénateur Jessiman: N'est-il pas vrai que des détenus condamnés pour d'autres infractions ont obtenu une libération anticipée et ensuite commis un meurtre?

M. Roy: Ça, c'est une toute autre question.

Le sénateur Jessiman: Je le sais, mais je veux savoir si c'est vrai.

M. Roy: Oui. Il y a effectivement des détenus qui ont commis des meurtres dans le passé pendant qu'ils bénéficiaient d'une libération conditionnelle. Toutefois, ce n'est pas parce qu'ils avaient été déclarés coupable de meurtre qu'ils avaient obtenu une libération.

Le sénateur Jessiman: D'après les Nations Unies, sur les 752 meurtriers condamnés qui ont été remis en liberté entre le 1er janvier 1975 et le 1er mars 1990 -- à l'échelle internationale --, moins de 1 p. 100 ont récidivé.

Pour moi, cela ne veut pas dire grand-chose. Un pour cent équivaut à sept personnes. Je ne voudrais pas qu'on pense que, si nous libérons 750 meurtriers, «seulement» sept autres personnes se feraient tuer. Je trouve cela terrible.

Le sénateur Milne: Le Canada n'était pas compris dans ces statistiques.

La présidente: Notre pourcentage est de zéro.

Le sénateur Jessiman: Les meurtriers au Canada ne sont pas différents des autres. Nous n'avons tout simplement pas encore compilé les données.

Le sénateur Milne: Certaines personnes, dont le sénateur Jessiman, souhaiteraient que l'article 745.6 soit abrogé. Elles ont laissé entendre que le projet de loi, même s'il ne va pas assez loin à leur avis, pourrait être amélioré si on lui donnait un effet rétroactif. Est-ce qu'une telle chose est possible dans le domaine du droit pénal? Est-ce qu'un projet de loi peut avoir un effet rétroactif?

M. Roy: Le projet de loi a un effet rétroactif dans une certaine mesure. Il comporte trois éléments: les personnes déclarées coupables de plus d'un meurtre ne pourront se prévaloir du mécanisme d'examen, et l'unanimité du jury serait requise.

Les dispositions relatives à l'unanimité et au mécanisme d'examen entreront en vigueur dès l'adoption du projet de loi. Autrement dit, l'auteur d'un crime sera assujetti à ces deux dispositions, même si le crime a été commis avant l'entrée en vigueur du projet de loi. Donc, dans une certaine mesure, le projet de loi a un effet rétroactif.

En ce qui concerne les auteurs de meurtres multiples qui sont déjà dans le système, ils ne seront pas visés par cette nouvelle procédure en raison de sa rétroactivité. D'ailleurs, cela soulèverait d'importantes questions en vertu de la Charte.

Par exemple, une personne qui a été déclarée coupable d'un meurtre avant l'entrée en vigueur du projet de loi et qui récidive ne pourrait se prévaloir de l'article 745.6. Elle serait obligée de purger une peine d'au moins 25 ans.

Toutefois, ceux qui sont déjà dans le système et qui ont commis plus d'un meurtre ne sont pas visés par cette disposition, parce qu'il y a de fortes chances qu'elle soit jugée inconstitutionnelle dans leur cas. C'est pour cette raison qu'ils en ont été exclus.

Le sénateur Milne: Cela ne permet pas de capturer tous les Bernardo qui existent dans le monde.

M. Roy: Vous avez raison.

Le sénateur Milne: Vous pourriez peut-être nous expliquer un peu plus en détail la procédure concernant les nouvelles demandes. Je sais que lorsqu'un jury décide qu'il n'y a pas lieu de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle, il peut autoriser le détenu à présenter une nouvelle demande à une certaine date. Vous en avez parlé dans une certaine mesure. Le délai serait d'au moins deux ans. Qu'arrive-t-il si le jury ne parvient pas à prendre une décision à l'unanimité ou à s'entendre?

M. Howard H. Bebbington, conseiller juridique, Service des affaires judiciaires, Secteur du droit public, ministère de la Justice: Il y aurait un délai d'au moins deux ans. Le délai à l'expiration duquel un détenu pourrait présenter une nouvelle demande serait fixé à deux ans. C'est la règle qui serait appliquée si le jury n'était pas en mesure de prendre une décision.

Ce délai s'applique également à la décision du jury, qui peut décider de fixer ce délai à deux ans ou plus. Il peut également interdire au détenu de présenter une nouvelle demande. Toutefois, si le jury n'est pas en mesure de prendre une décision, le délai minimum serait de deux ans. Cette décision peut être prise à la majorité des deux tiers des membres. Il n'est pas nécessaire qu'elle soit unanime.

Le sénateur Milne: Pouvez-vous me dire si le ministre ou le ministère a consulté les groupes de victimes avant d'élaborer ce projet de loi?

M. Bebbington: Oui, ils l'ont fait, et de plusieurs façons. Le ministre, comme vous le savez, est très actif et aime discuter avec les gens. Il a rencontré bon nombre des victimes qui viendront témoigner devant vous dans les semaines à venir.

De plus, le ministère a tenu des consultations. Il a rencontré l'Association des policiers canadiens, l'Association canadienne des chefs de police et des représentants de groupes de victimes.

Le sénateur Milne: Bon nombre des groupes qui comparaîtront devant nous ont été consultés avant que le projet de loi ne soit élaboré?

M. Bebbington: Oui, leur point de vue a été pris en considération.

Le sénateur Jessiman: Pourquoi le chiffre 15 est-il considéré comme un chiffre magique? Vous êtes condamné à une peine de 25 ans et vous pouvez présenter une demande après 15 ans. Pourquoi pas 16 ou 14?

M. Bebbington: Il y a un point très important qu'il convient de rappeler. Il n'est pas question ici d'une peine de 25 ans, mais d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.

Le sénateur Jessiman: C'est une peine d'emprisonnement à perpétuité, mais le juge peut uniquement vous donner une peine de 25 ans.

M. Bebbington: Sauf votre respect, sénateur, la peine imposée par le juge équivaut à une condamnation à perpétuité. De plus, cette peine comporte une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans. Ce qui veut dire que si un détenu ne peut obtenir une réduction de sa période d'inadmissibilité en vertu de l'article 745.6, il ne peut être admissible à une libération conditionnelle qu'après avoir purgé 25 ans de sa peine.

Le sénateur Jessiman: Y a-t-il des détenus qui sont restés en prison pendant plus de 25 ans?

M. Bebbington: Oui. La personne qui a purgé 25 ans de sa peine présente une demande à la commission des libérations conditionnelles. Celle-ci l'examine et, même si le dossier du détenu est bon, elle commence par lui accorder des permissions de sortir avec surveillance et ensuite sans surveillance, des libérations conditionnelles de jour et enfin une libération conditionnelle totale si telle démarche est souhaitable. Il n'y a aucune garantie qu'un détenu va être relâché après avoir purgé une peine de 25 ans. Il y a des détenus qui sont restés plus longtemps en prison.

Le sénateur Jessiman: Pouvez-vous me fournir des chiffres?

M. Bebbington: Je ne crois pas que Mme Trottier soit en mesure de vous en parler aujourd'hui, mais nous allons nous renseigner auprès du ministère du Solliciteur général.

Le sénateur Jessiman: J'aimerais avoir ces chiffres.

M. Bebbington: Combien de personnes ont purgé une peine de plus de 25 ans?

Le sénateur Jessiman: Oui.

M. Bebbington: Il faut comprendre que la période de 25 ans a été imposée en 1976.

Le sénateur Jessiman: Je le sais, et c'est pourquoi je pense qu'il n'y en a pas beaucoup. Mais je veux avoir une réponse. Pourquoi 25 ans? Pourquoi ne pas imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité et laisser au juge le soin de fixer la période d'inadmissibilité?

M. Bebbington: En ce qui concerne les périodes de 25 et de 15 ans, elles ont été établies, comme vous le savez, en 1976. Si je me souviens bien, l'Association canadienne des chefs de police souhaitait qu'on impose une période d'admissibilité de 25 ans. Tous ces chiffres sont, bien entendu, arbitraires, et c'est ce que vous dites essentiellement, mais si l'on jette un coup d'oeil sur ce qui se passe dans les autres pays, la peine de 15 ans semble être la peine maximale que purgent les personnes déclarées coupables de meurtre. Dans de nombreux pays, surtout dans les pays de l'Ouest, la personne qui a commis un meurtre a tendance à purger une peine de 15 ans ou moins avant d'obtenir une libération conditionnelle.

Les statistiques que vous avez devant vous montrent que, même aux États-Unis, qui affichent un des taux d'incarcération les plus élevés au monde, la durée moyenne des peines est de 18 ans dans les prisons fédérales, et de 15 ans dans les prisons d'État.

La peine de 25 ans sans possibilité de libération conditionnelle est très longue si on la compare aux peines qu'imposent les pays dont les institutions démocratiques se rapprochent le plus des nôtres, d'où l'idée que, à un moment donné au cours de la période de 25 ans, il devrait être possible de réexaminer la sévérité et la durée de la peine et de l'adapter aux circonstances particulières d'un cas.

Cet examen se ferait après que la personne a purgé 15 ans de prison, et non pas dès qu'elle en a purgé 15, parce que pour pouvoir présenter une demande, il faut avoir purgé au moins 15 ans de prison. Dès qu'un détenu a purgé 15 ans de sa peine, il soumet une demande au juge en chef compétent. Il faut souvent attendre jusqu'à 12 mois avant qu'elle ne soit entendue.

Après les 15 ans, le détenu peut présenter une demande à un jury, qui décidera si la peine de 25 ans peut être réduite.

Si vous examinez les débats de 1976, vous allez constater que certaines personnes voulaient qu'on impose une peine très longue, sans possibilité de libération conditionnelle, pour compenser le fait que la peine capitale avait été abolie. De même, plusieurs intervenants ont soutenu que la peine de 25 ans est extrêmement dure et longue, que le fait de mettre une personne en prison sans possibilité de libération pendant plus de 25 ans a un impact profond sur son état d'esprit et son moral, et que si nous voulons encourager les gens à changer de comportement, c'est une façon de le faire.

Le sénateur Jessiman: Ma question suivante porte sur ce chiffre arbitraire. Le fait qu'une personne commette un meurtre ou deux semble avoir de l'importance. Pourquoi le chiffre deux? Ou est-ce qu'on veut tout simplement faire ressortir le fait qu'elle a commis plus d'un meurtre?

M. Bebbington: Je suis d'accord avec vous sur ce point. Il est très difficile de fixer une limite. Un seul meurtre peut être tout aussi horrible qu'une série de meurtres. Le mécanisme d'examen peut nous permettre de capturer un Paul Bernardo ou un Clifford Olson dès que le premier meurtre a été commis. Il nous aidera, entre autres, à cerner ces cas et à les soumettre à un juge, qui décidera s'il y a lieu ou non d'aller de l'avant avec tel ou tel dossier.

Tous ces cas sont très difficiles à juger. Ce sont des cas horribles et absolument cauchemardesques. Dans un sens, il y a de l'ironie et de l'arbitraire dans tout ce que nous faisons. Toutefois, le droit pénal repose sur le principe que le récidiviste doit être traité plus sévèrement. Si une personne a commis un seul meurtre, nous pouvons comprendre que c'était peut-être une erreur -- c'est sans doute une erreur.

Le sénateur Jessiman: Quelqu'un peut tuer deux personnes en même temps ou à des occasions différentes.

M. Bebbington: En même temps ou une après l'autre.

Le sénateur Jessiman: Je comprends ce que dit la disposition.

Il en va de même pour le jury. Vous choisissez huit membres et vous dites que le jury doit décider à l'unanimité si le détenu peut obtenir une réduction du délai préalable à la libération conditionnelle. Vous dites ensuite que la décision doit être prise à l'unanimité, mais que le nombre d'années dont le délai sera réduit devra être fixé par les deux tiers des membres. J'aimerais que cette disposition soit supprimée.

Le sénateur Doyle: On a l'impression que la loi vise les meurtriers. Ce qui laisse entendre que ceux qui insistent pour dire qu'ils n'ont pas commis de meurtre, mais qui purgent néanmoins une peine pour meurtre, ne pourront se prévaloir de ce processus, car leur demande sera jugée vexatoire.

Qu'arrive-t-il au détenu qui, même s'il a purgé le nombre d'années requises, répond à tous les autres critères et dit, «Je n'ai tué personne?»

M. Bebbington: Il est très difficile de répondre à cette question. L'article 745.6 repose sur le principe que la personne a changé de comportement, qu'elle a pris de meilleures habitudes après avoir passé 15 ans en prison. Il serait très difficile de dire au jury que, «Non seulement je n'ai pas changé mon comportement, mais je n'avais aucune raison de le faire parce que j'ai été injustement condamné.»

L'examen visé par l'article 745.6 ne servira pas à réexaminer les faits ou la condamnation originale. Le détenu qui présente une demande en vertu de l'article 745.6 devra en être conscient. Autrement, il aura beaucoup de difficulté à convaincre un jury qu'il a changé de comportement.

Il serait très difficile pour un détenu de faire réexaminer sa condamnation dans le cadre d'un examen entrepris aux termes de l'article 7645.6. Il ne s'agit pas ici d'un mécanisme d'appel, et je m'attendrais à ce que le juge et l'avocat de la Couronne protestent si un détenu essaie de faire réexaminer sa condamnation originale. J'espère avoir répondu à votre question.

Le sénateur Doyle: Autrement dit, on ne change pas les règles qui s'appliquent aux personnes qui purgent une peine pour meurtre, mais plutôt celles qui visent les criminels déclarés. Ce sont eux qui posent problème. Nous n'avons pas modifié la loi qui s'applique, par exemple, aux Milgaard et aux Marshall. Milgaard, je crois, a passé 27 ans en prison, non pas 25.

M. Bebbington: Le projet de loi n'aborde absolument pas cette question.

Le sénateur Doyle: Quel est celui qui l'aborde?

M. Bebbington: Le projet de loi porte essentiellement sur l'article 745.6 et l'examen de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pour les personnes déclarées coupables de meurtre. On part du principe que la condamnation reste telle quelle, qu'elle n'a pas été contestée.

Cet examen vise à permettre à un jury de déterminer si la période d'inadmissibilité, qui dans la plupart des cas est de 25 ans, devrait être réduite parce que le détenu a changé de comportement ou pris de meilleures habitudes pendant les 15 premières années de sa condamnation à perpétuité.

En ce qui concerne les personnes qui ont été condamnées injustement, ce projet de loi n'aborde pas du tout cette question. Je ne sais pas si M. Roy souhaite ajouter quelque chose à ce sujet.

M. Roy: Sénateur Doyle, la personne qui estime avoir été condamnée injustement peut demander un réexamen de son cas en écrivant au ministre de la Justice et en demandant la clémence royale au représentant de la Reine.

Prenons le cas de Donald Marshall. Cet examen permettrait de corriger la situation que vous mentionnez. L'article 745.6 vise à permettre à une personne de présenter une demande à la commission des libérations conditionnelles.

Dans le cas de Donald Marshall, l'examen viserait à démontrer que cette personne n'a rien fait. Il est vrai qu'on peut avoir recours à l'article 690 du Code criminel, comme c'est le cas actuellement, ou demander la clémence, conformément aux lettres patentes de 1947 du Gouverneur général, qui régissent l'octroi du pardon.

Le sénateur Doyle: Mais vous vous souviendrez que ni M. Marshall ni M. Milgaard ne sont sortis de prison grâce à la procédure établie. De vastes campagnes ont été lancées en leur nom et celles-ci ont donné lieu à de nouveaux procès. Je ne veux pas en faire une histoire, mais si nous cherchons maintenant par tous les moyens à garder en prison les personnes qui sont susceptibles de présenter un risque pour la société, nous devons faire très attention de ne pas condamner des gens injustement.

La présidente: Le sénateur Jessiman vient du Manitoba. Il est un membre respecté du barreau de ma province. Toutefois, il ne comprend pas, comme bon nombre de Canadiens, le régime des peines.

Les Canadiens continuent de dire qu'une personne a été condamnée à 10 ou à 25 ans de prison; elle n'a pas été condamnée à la prison à vie. Je sais que vous l'avez déjà fait, mais je vous demanderais encore une fois de nous expliquer comment fonctionne le régime des peines.

M. Bebbington: C'est un point extrêmement important. Souvent, l'idée que nos concitoyens se font du système de justice pénale vient des médias, surtout des médias électroniques, qui préfèrent ne pas entrer dans les détails. Ils parlent donc de peines de 25 ans et de l'admissibilité à la libération conditionnelle plutôt que de condamnations à perpétuité.

La peine imposée à une personne déclarée coupable de haute trahison ou de meurtre est la peine maximale. C'est une des rares peines que prévoit le Code criminel. Nous avons aussi des peines minimales, mais il n'est pas question de cela ici. Il est question d'une peine maximale. Le juge n'a pas de marge de manoeuvre.

La peine maximale équivaut à une condamnation à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Cette peine peut uniquement faire l'objet d'un examen en vertu de l'article 745.6 lorsque le détenu a purgé 15 ans de sa peine.

La condamnation à perpétuité est également imposée dans le cas d'un meurtre au deuxième degré. La période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pour cette peine est de 10 ans. Le jury peut recommander au juge qu'il fixe une période allant entre 10 et 25 ans. Le juge peut, sur la recommandation du jury, fixer une période plus longue.

Dans le cas particulièrement horrible d'un meurtre au deuxième degré, le juge peut fixer la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle à 25 ans. Il peut aussi la fixer à 12 ou 15 ans.

Le sénateur Jessiman: Et au-delà de 25 ans?

M. Bebbington: La loi ne prévoit pas l'imposition d'une période d'inadmissibilité de plus de 25 ans.

La présidente: Si un détenu est admissible à une libération conditionnelle après 25 ans, est-ce que cela veut dire qu'il a droit à une libération conditionnelle après 25 ans ou qu'il y est tout simplement admissible?

M. Bebbington: Encore une fois, nous sommes souvent victimes de ce que véhiculent les médias. Vous soulevez-là un point intéressant.

L'admissibilité à la libération conditionnelle signifie qu'un détenu a le droit de présenter une demande à la commission de libérations conditionnelles. Ce qui ne veut pas dire qu'il aura droit à une libération. Dans la plupart des cas, même si le dossier des détenus est bon, la commission va procéder par étape et accorder d'abord des permissions de sortir. Si ces permissions donnent de bons résultats, elle va accorder des libérations conditionnelles de jour, et ensuite une libération conditionnelle totale.

Lorsqu'une personne bénéficie d'une libération de jour ou d'une libération conditionnelle totale, cette libération est assortie de conditions. Si une des conditions est violée, la libération est suspendue. La personne est réincarcérée et une audience est tenue pour déterminer si sa libération conditionnelle devrait être révoquée. Le détenu qui purge une peine d'emprisonnement à vie, s'il réussit à se prévaloir de l'article 745 et à obtenir une libération conditionnelle totale après avoir passé 18, 19 ou 20 ans en prison -- ce qui serait très rapide, croyez-moi --, continue d'être assujetti à ces conditions une fois qu'il récupère sa liberté.

On entend souvent parler de ces conditions, soit de ne pas consommer de la drogue ou de l'alcool, de ne pas entretenir des rapports avec certaines personnes, de ne pas commettre des crimes. Souvent, les conditions assorties à la libération conditionnelle sont beaucoup plus sévères que les règles auxquelles bon nombre de nos concitoyens sont assujetties.

Si ces conditions sont violées, la personne peut être réincarcérée et rien ne garantit qu'elle obtiendra une nouvelle libération.

Le sénateur Milne: Autrement dit, la personne qui a commis un meurtre et qui bénéficie d'une libération conditionnelle peut être réincarcérée pour le reste de ses jours si elle viole une des conditions de sa libération conditionnelle?

M. Bebbington: Oui. Si elle viole une des conditions, sa libération conditionnelle sera suspendue. Il y aura une audience en vue de révoquer la libération et cette personne risque d'être incarcérée pour une longue période, peut-être pour le reste de son existence.

Mme Jennifer Trottier, analyste principale des politiques, Direction des affaires correctionnelles, Solliciteur général: Le condamné à perpétuité qui réussit à obtenir une libération conditionnelle pendant qu'il purge sa peine d'emprisonnement est placé sous la surveillance d'un agent du Service correctionnel du Canada pour le reste de ses jours. Il doit se présenter régulièrement à cet agent et respecter les conditions fixées par la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Le sénateur Jessiman: Pouvons-nous obtenir des statistiques sur les détenus qui ont obtenu une libération conditionnelle? Combien, s'il en est, ont été réincarcérés pour le reste de leur existence?

Cette disposition, une fois adoptée, s'appliquera à n'importe qui, même aux auteurs de meurtres multiples. Je veux savoir combien de personnes ont purgé une peine de plus de 25 ans, et combien d'années elles ont passé en prison. Parmi les personnes qui ont purgé une peine de plus de 25 ans, est-ce qu'il y en a qui sont mortes de causes naturelles?

Cette question a été abordée à la Chambre des communes. M. Gallaway a cité un représentant de l'Association canadienne des policiers, qui a laissé entendre que tous les policiers étaient en faveur de l'abolition de l'article 745.6.

Je trouve étonnant qu'ils s'amusent à jouer avec cela. Ils sont allés trop loin dans le passé, et maintenant ils se disent, eh bien, il serait préférable de satisfaire ces personnes. Ils devraient soit s'en débarrasser, soit composer avec la situation.

La présidente: Votre intervention ressemble à un commentaire et non pas à une question.

J'aimerais poser une question qui s'ajoute à celle du sénateur Doyle. Je connais très bien le cas de David Milgaard, et moins bien celui de Donald Marshall. Le principe de l'admissibilité à la libération conditionnelle semble reposer sur l'aveu de culpabilité. Une personne comme David Milgaard risque donc de se trouver dans une situation très difficile. Il a insisté pour dire qu'il était innocent et n'a pas eu droit à une libération conditionnelle parce qu'il refusait d'admettre qu'il était coupable.

Je présume que nous n'avons rien fait pour clarifier cette situation dans le Code criminel. Est-ce que nous sommes en train d'examiner la possibilité de clarifier cette situation dans le Code criminel?

M. Roy: Le cas de M. Milgaard est très difficile. Comme vous le savez, un renvoi a été fait à la Cour suprême du Canada et il n'était pas concluant. Le tribunal n'était pas en mesure de dire s'il y avait eu erreur judiciaire ou non.

Toutefois, le tribunal a dit que, comme la personne avait déjà passé 22 ans en prison, il serait souhaitable de la remettre en liberté, ce que les autorités se sont empressées de faire peu de temps après.

Dans le cas du paragraphe 745.6, le caractère du requérant est l'un des critères sur lequel se fonde le jury pour prendre sa décision. Si un requérant déclare résolument devant le jury: «Je ne l'ai pas fait» et que le jury est toujours convaincu qu'il a commis le crime, il peut être très difficile pour le jury de décider à l'unanimité que le requérant devrait avoir la possibilité d'obtenir une libération conditionnelle, si ces amendements sont adoptés par le Parlement. Le jury pourrait très bien conclure qu'en raison de son caractère, le requérant n'accepte pas ce qu'il a fait.

À mon humble avis, il n'y a pas moyen de s'en sortir, parce que le jury rend sa décision à partir des preuves présentées par la Couronne et par l'avocat représentant le requérant. Si, au bout de 15 ou 20 ans, le requérant est prêt à dire: «J'ai changé», le jury doit alors en tenir compte.

Si le requérant n'est pas prêt à le dire et s'il ne s'agit pas d'un critère prévu par la loi, qu'est-ce que le jury est censé faire? Est-il censé libérer dans tous les cas? Le requérant n'a-t-il pas modifié la véritable nature de ce mécanisme? Le Parlement ne dit-il pas que peut-être au bout de 15 à 20 ans, de telles personnes ont suffisamment changé et qu'elles peuvent se présenter devant la commission des libérations conditionnelles et la convaincre qu'elles devraient retourner dans la collectivité en suivant les étapes dont a parlé M. Bebbington?

Pour le ministre de la Justice et ses fonctionnaires, telle semble être la nature du mécanisme dont nous parlons. Le fait de ne pas prévoir ceci dans la loi irait probablement à l'encontre de l'esprit de la loi dans son ensemble.

Lorsque des preuves indiquent qu'une personne n'a pas commis un crime et qu'elle prétend ne pas l'avoir commis, comme c'était le cas de Donald Marshall, elle peut avoir recours à des mécanismes qui sont déjà prévus dans la loi. Avec tout le respect que je dois à ceux qui ne sont pas d'accord avec moi, je ne crois pas que le mécanisme qui figure au paragraphe 745.6 devrait être modifié pour traiter ces cas, lesquels devraient l'être par le truchement des mécanismes pertinents qui existent déjà dans la loi.

La présidente: Ce dont je veux être convaincue, c'est que, après avoir passé une période assez longue en prison, la personne en question ne représente plus un danger pour la société une fois libérée. Qu'elle reconnaisse avoir commis un crime qu'elle ne croit pas avoir commis me préoccupe moins.

Le sénateur Gigantès: C'était le point que je voulais soulever. Existe-t-il d'autres mécanismes d'accès suffisamment facile pour des gens comme Milgaard et Donald Marshall qui, nous le savons maintenant, étaient innocents du crime dont ils étaient accusés? Je ne veux pas qu'une personne coupable échappe au châtiment, mais le fait que des innocents soient déclarés coupables de crimes qu'ils n'ont pas commis est l'un des cauchemars de nos civilisations. Ces personnes ont nié leur culpabilité pendant des années et des années sans que personne ne les écoute sans doute.

Que pouvons-nous faire à ce sujet? La police et le procureur ont réussi à convaincre le jury. À moins que les membres du jury ne soient très particuliers, ils ne disculperont pas la personne non coupable qui a été déclarée coupable.

Que pouvons-nous faire à ce sujet?

M. Roy: Dans son ensemble, le système vise à s'assurer que seuls les coupables vont en prison. On a toujours dit qu'il vaut mieux avoir dix personnes coupables en liberté qu'une seule personne non coupable en prison. C'est ce que vise le système. Nous partons de la présomption d'innocence. Nous avons le système du jury. Plusieurs sauvegardes sont prévues. Toutefois, la nature humaine étant ce qu'elle est, on court toujours le risque de déclarer coupable une personne qui n'a pas commis de crime.

Pour régler cette question, le mécanisme dont je parlais se trouve à l'article 690 du Code criminel. Je connais fort bien ce mécanisme, car mon travail consiste à suivre plusieurs de ces affaires.

Une personne qui se trouve en prison peut adresser une lettre écrite à la main au ministre de la Justice, à un député ou à un sénateur, pour proclamer son innocence. Cette lettre parvient au ministre de la Justice si elle est ainsi adressée. À ce moment-là, le ministre de la Justice demande à quelques-uns de ses avocats -- une équipe d'avocats est prévue pour ce faire -- de mener une enquête; non pas au nom de la Couronne ou de la personne qui fait la demande, mais au nom du représentant du procureur général et du ministre de la Justice. S'il y a lieu, le ministre de la Justice demande à ses avocats de se faire aider par d'autres personnes, qu'il s'agisse de psychiatres, de médecins légistes, d'experts en ADN, et cetera.

Après avoir mené une enquête approfondie de l'affaire, y compris des nouveaux points soulevés par le prisonnier, ces avocats communiquent avec le détenu ou avec son avocat pour leur présenter le rapport de l'enquête. Ils demandent s'il existe d'autres faits dont ils devraient avoir connaissance et s'ils acceptent le rapport. Dans la négative, ils doivent l'indiquer par écrit, car cela sera porté à l'attention du ministre de la Justice.

Le ministre de la Justice examine alors tout le dossier. S'il est raisonnablement probable qu'il y a eu erreur judiciaire, le ministre a trois options.

Premièrement, il peut ordonner un nouveau procès.

Deuxièmement, le ministre peut dire à la Cour d'appel de la province où cette affaire s'est déroulée de se pencher sur la cause, car il a découvert quelque chose qui exige l'attention de cette cour.

Troisièmement, le ministre de la Justice peut renvoyer la cause devant la Cour d'appel compte tenu de certaines questions qui exigent l'attention de la Cour d'appel. En d'autres termes, au lieu d'être un appel général, le ministre peut renvoyer certaines questions précises à la Cour d'appel. Une fois que la Cour d'appel a examiné ces questions, elle peut déclarer la personne non coupable, ordonner un nouveau procès ou tenir de nouvelles auditions.

Ces causes sont examinées en profondeur par les avocats qui travaillent pour le ministre de la Justice. Cela ne se fait pas à huis clos. Les résultats de l'enquête sont transmis à la personne qui a présenté la demande.

Si cette personne n'est pas satisfaite des résultats, les tribunaux peuvent être de nouveau saisis de l'affaire.

Dans le cas de deux causes au moins, le ministre de la Justice a décidé qu'il ne devrait pas y avoir de recours. Il s'agit de l'affaire Thatcher de la Saskatchewan et de l'affaire Morrisroe de la Colombie-Britannique. Ces personnes ont jugé bon de contester les conclusions du ministre de la Justice devant la Cour fédérale.

La question qui se pose est la suivante: Que peut-on faire de plus? On peut faire quelque chose de plus. Outre le mécanisme prévu à l'article 690 du Code criminel, il existe la prérogative royale de clémence que l'on peut invoquer en vertu de l'article 749 du Code criminel ou en vertu des lettres patentes du Gouverneur général qui lui ont été remises en 1947.

Le Gouverneur général peut décider ce qu'il veut en pareils cas. Il peut accorder un pardon absolu ou un pardon conditionnel lorsque la personne dit: «Je continue à dire que je n'ai rien fait de mal». Le Gouverneur général pourrait mettre cette personne en liberté, mais dans la plupart des cas, le pardon conditionnel est accordé en fonction de circonstances difficiles pour le détenu. Par exemple, si le détenu est en train de mourir du cancer en prison. Dans certains cas, le Gouverneur général déclare que de telles personnes peuvent retourner dans leur famille pour mourir en paix.

Plusieurs mécanismes sont prévus pour faire en sorte que ces genres d'erreurs judiciaires ne se produisent pas. Sont-ils fiables? Nous l'espérons. Peut-on vous le garantir? Certainement pas. C'est une entreprise humaine, rien d'autre.

Le sénateur Gigantès: Pourquoi y a-t-il eu erreur judiciaire dans le cas de Donald Marshall et de David Milgaard?

M. Roy: Dans le cas de Milgaard, le jury ne sait toujours pas si M. Milgaard a commis le crime ou non. La cause a été renvoyée à la Cour suprême du Canada, laquelle n'a pas pu trancher non plus. À la fin de l'arrêt de cinq ou six pages, on peut lire que, indépendamment de la culpabilité ou de la non-culpabilité de M. Milgaard, il a passé 22 ou 23 ans en prison, donc il est temps de le libérer. C'est ce qu'a fait le gouvernement.

Le sénateur Gigantès: Le jury n'est toujours pas convaincu, dites-vous?

M. Roy: Oui, car on n'est pas arrivé à la conclusion que M. Milgaard avait été victime d'une erreur judiciaire.

La présidente: Monsieur le sénateur, M. Roy ne parle pas d'un jury en particulier.

M. Roy: Non, c'est une expression générale.

Le sénateur Gigantès: N'a-t-il pas demandé à être officiellement disculpé et non pas simplement mis en liberté? N'a-t-il pas demandé une procédure qui le déclarerait innocent en fonction des nouvelles preuves?

M. Roy: Je crois qu'il a poursuivi le procureur qui s'est occupé de son affaire en Saskatchewan. L'affaire est toujours devant les tribunaux. Vous comprendrez donc que je ne peux pas vraiment faire plus de commentaires à ce sujet.

Je peux simplement dire que la Cour suprême du Canada a été saisie de l'affaire, elle l'a examinée et n'a pas conclu d'une façon ou d'une autre. M. Milgaard a été mis en liberté. Il a ensuite choisi de retenir les services d'un avocat et d'entamer des poursuites au civil, devant les tribunaux de la Saskatchewan, contre le procureur général de cette province et les procureurs qui ont participé à l'affaire.

Dans le cas de M. Marshall, une commission d'enquête a examiné la cause en question. Elle a purement et simplement conclu qu'il y avait eu erreur judiciaire. Le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse ont donc tenté d'indemniser M. Marshall et lui ont versé quelques centaines de milliers de dollars. Toutefois, je suis sûr que ce n'est pas un règlement qui tient compte du temps qu'il a passé en prison et des épreuves qu'il a dû subir.

Il y a d'autres cas d'erreurs judiciaires. En Ontario par exemple, l'affaire Norris. Là encore, la province et le gouvernement fédéral ont indemnisé M. Norris qui a passé 10 mois en prison pour un crime qu'il n'a pas commis. La personne qui a commis le crime l'a avoué et ses aveux ont été confirmés. Les autorités ont déclaré qu'il s'agissait d'une erreur et qu'elles devraient donc indemniser M. Norris.

[Français]

Le sénateur Nolin: Vous allez devoir pardonner mon ignorance. Comment se fait-il que l'on réfère à eux lois dans ce projet de loi?

M. Roy: C'est une excellente question.

Le sénateur Nolin: Expliquez-moi. Avons-nous oublié quelque chose lorsque nous avons adopté le plus récent amendement au Code criminel concernant la détermination de la peine? Que s'est-il passé?

M. Roy: À cet égard, nous avons essayé de couvrir toutes les possibilités.

Le sénateur Nolin: Avons-nous deux lois qui portent le nom de Code criminel?

M. Roy: Non, vous verrez au projet de loi, tel que vous l'avez devant vous, que nous répétons la même chose à trois reprises.

Ce projet de loi a été déposé le 11 juin 1996. Ce projet de loi ne pouvait se permettre de ne pas couvrir toutes les possibilités qui pouvaient se présenter.

Le projet de loi C-41 dont on a parlé plus tôt a été adopté par le Parlement en juin 1995 mais il n'était pas en vigueur au moment où ce projet de loi a été préparé par le ministre de la Justice. Il fallait couvrir les possibilités suivantes:

Premièrement, que le projet de loi C-41 n'entre en vigueur qu'après l'adoption du projet de loi C-45 par le Parlement. C'est la première possibilité.

Deuxièment, le projet de loi C-41 n'entre jamais en vigueur.

Troisièmement, ce projet de loi C-45 entre en vigueur après la proclamation de C-41, ce qui est la situation devant laquelle l'on se retrouve présentement.

Ce qui est important, pour les honorables sénateurs, c'est de référer à l'article 2, au paragraphe 2, qui se trouve à la page 10 du projet de loi,. Ce sont les dispositions qui éventuellement, si le Parlement adopte ce projet de loi, entreront en vigueur.

Donc pour me répéter et être concis, trois possibilités se présentaient. Il fallait dans le projet de loi les prévoir toutes les trois au cas où le projet de loi C-45 aurait été adopté par le Parlement avant que le projet de loi C-41 ne devienne une loi. C'est la seule raison, enfin ce sont des raisons techniques.

Le sénateur Nolin: Il y avait sûrement une bonne raison. Je ne la connaissais pas. Voilà pourquoi je vous posais la question.

Deuxième chose, je n'ai jamais pratiqué en droit criminel. Sûrement, existe-t-il une limpidité que je ne vois pas mais je vais vous poser la question quand même.

En anglais, vous utilisez le mot éligibilité. En français, vous ne l'utilisez pas. À la lecture du texte français, nous avons l'impression que ce processus que vous nous avez décrit met en liberté conditionnelle le détenu. En anglais, on comprend que c'est l'éligibilité à être entendu par le processus des libérations conditionnelles.

Regardez votre premier article.

M. Roy: Oui, si vous pouviez me l'indiquer.

Le sénateur Nolin: Regardez votre premier article à la page 1 de votre projet de loi, vous employez le mot «éligibilité» à l'avant dernière ligne, ligne 10. En français, on lit :

...la réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle...

Nous avons l'impression que c'est automatique. En anglais, on comprend bien qu'il y a une étape...

M. Roy: Il y a une étape additionnelle.

Le sénateur Nolin: Est-ce usuel dans la rédaction? J'ai tenté de comprendre en feuilletant ce qui a remplacé la loi sur les libérations conditionnelles. Comprenez-vous mon problème? Est-ce normal qu'il y ait une différence aussi substantielle ?

Le sénateur Gigantès: Je ne retrouve pas ce à quoi vous faites référence. Je regarde les deux textes.

[Traduction]

En anglais, on peut lire:

An Act to amend the Criminal Code (judicial review of parole ineligibility) and another Act.

[Français]

En français, on peut lire :

Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en conséquence.

Est-ce que cela ne dit pas la même chose?

Le sénateur Nolin: Regardez la dernière ligne de la première page,à la ligne numéro 10.

Le sénateur Gigantès: La ligne numéro 10.

Le sénateur Nolin: Je vais vous lire les trois dernières lignes en anglais. Nous allons les lire ensemble.

[Traduction]

La réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle...

[Français]

Une personne peut demander par écrit au juge en chef compétent de la province la raison de sa culpabilité, la réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle. Le mot éligibilité n'est pas repris en français et nulle part, d'ailleurs, dans tout le texte.

Une des questions qui a été posée tout à l'heure à des fins d'éclaircissement, et j'ai bien compris en anglais que le processus que l'on examine ici, c'est de réduire ou d'allonger la période de temps avant laquelle un détenu est éligible pour faire sa demande au service de libération conditionnelle. C'est ce que j'ai compris en anglais. Le texte français me semble différent : on ne parle pas d'éligibilité, mais du fait que ce processus accordera une libération conditionnelle.

J'avoue mon ignorance en matière de libération conditionnelle. C'est peut-être juste une technique de rédaction que vous comprenez beaucoup mieux que moi. Vous seriez peut-être mieux de l'expliquer en anglais.

[Traduction]

M. Roy: Je ne sais pas si je dois essayer de répondre à cette question en français ou en anglais, car je ne suis pas sûr que la version française ne dise pas exactement ce que dit la version anglaise.

Nous avons déjà entendu des observations semblables à celles que vient de faire le sénateur Nolin, à propos d'autres textes de loi. Lorsque l'on compare chaque ligne du français et de l'anglais, plusieurs disent que l'anglais semble plus clair, parce que l'on utilise le mot «eligibility». En anglais, cela fait parfaitement comprendre au lecteur que nous n'accordons pas une libération conditionnelle tout de suite, mais que nous accordons seulement au détenu la possibilité d'être admissible à une libération conditionnelle.

Le mot «admissibilité», ou toute autre traduction appropriée du mot «eligibility», ne paraît pas dans la version française. Il serait plus clair d'utiliser un mot comme celui-ci. Toutefois, lorsque vous lisez le texte dans son ensemble, il apparaît clairement que le jury donne simplement la permission de se présenter devant la Commission des libérations conditionnelles.

Cela m'amène à la réponse standard que j'essaye de donner chaque fois qu'une question de la sorte m'est posée. Ces textes de loi ne sont pas des traductions l'un de l'autre. Ils sont rédigés d'une part par un rédacteur anglophone qui respecte la terminologie anglaise et, d'autre part, par un rédacteur francophone qui respecte le génie de la langue française.

Il est à espérer qu'à la lecture de plusieurs articles, cela transpire, ce qui serait utile.

Franchement, la remarque du sénateur Nolin ébranle ce dont je suis convaincu et je ne sais plus vraiment si la version française est aussi claire. Il est à espérer qu'il est également clair dans la version française que le jury décide seulement si la personne peut se présenter devant la Commission des libérations conditionnelles ou non. Je suis d'accord avec vous, le mot «admissibilité» rendrait probablement la version française encore plus claire.

Le sénateur Nolin: Nos collègues spécialistes en matière pénale ont invoqué de tels arguments, même si le paragraphe 745.6 existe depuis peu de temps. Cette analyse n'a-t-elle jamais été invoquée au tribunal?

M. Roy: Non, nous n'avons pas eu ce problème. Vous verrez d'après les statistiques que j'ai distribuées qu'il n'y a pas eu beaucoup d'affaires au cours des quatre ou cinq années qui ont suivi la mise en vigueur de l'article 745 et du paragraphe 745.6. Cet argument n'a pas été invoqué, car il est en général entendu qu'il est question uniquement ici de se présenter devant la Commission des libérations conditionnelles.

Pour que le public comprenne mieux, il aurait peut-être fallu insérer dans l'article un mot comme «admissibilité». D'un point de vue juridique, je ne pense pas que cela pose un problème. Du point de vue du public, c'est peut-être différent.

[Français]

Le sénateur Nolin: Non, je comprends. Surtout qu'en utilisant ce raisonnement, on ne donnerait aucun effet à la Loi sur les libérations conditionnelles. C'est un raisonnement qui ne tient pas debout. Si vous me permettez une dernière question.

Le sénateur Gigantès: En anglais, quand l'on dit à quelqu'un : «You are know eligible for parole», est-ce que cela veut dire que vous avez une libération conditionnelle?

Le sénateur Nolin: Non.

Le sénateur Gigantès : Où est-ce que cela veut dire que vous avez le droit maintenant d'être examiné pour obtenir une libération conditionnelle ?

M. Roy: C'est exact.

Le sénateur Gigantès: Le sénateur Nolin a raison, la réduction de délai préalable à sa libération conditionnelle va directement au processus pour lequel il a été considéré éligible, comme le décrit la version anglaise.

Le sénateur Nolin: Le Canadien ordinaire qui lit cela a un problème.

Le sénateur Gigantès: Dans la version anglaise, on a l'impression qu'il y a deux étapes : une étape dit que vous êtes éligible, et, on décide lors d'une audience si, oui ou non ,vous aurez votre libération conditionnelle.

Dans le texte français, vous allez directement à la procédure qui décide si vous allez recevoir votre libération conditionnelle. Il semble sauter une étape.

Le sénateur Nolin: Pour reprendre un peu votre réponse de tout à l'heure, il existe une loi qui prévoit tout le mécanisme de l'application des libérations conditionnelles. J'ai poussé mon argument au maximum. Si j'oublie le fait que cette loi des libérations conditionnelles existe et que j'oublie le texte anglais, quelqu'un pourrait lire uniquement le texte français et en conclure qu'il a droit à une libération conditionnelle après ce processus. Cela est faux puisqu'il existe déjà une loi fédérale qui examine tout le processus. Je pense qu'il s'agit d'une question de clarté.

M. Roy: L'économie générale de la Loi est telle que si l'on parle au sens strict des termes, que décide le jury décide en bout de ligne? C'est aussi vrai en français qu'en anglais. Le jury décide s'il y aura une réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle. Autrement dit, le jury ne décide que du délai. Il ne décide jamais de la libération conditionnelle.

Lorsque vous lisez la Loi du début à la fin, je parle de l'article 745.6 et suivant à partir de la page 10, vous verrez que tout est taxé sur la décision quant au délai. Il n'y a pas, de quelque manière que ce soit, d'indication que le jury décide de la libération conditionnelle de l'individu. Le jury décide du délai. Pourquoi? Parce que l'économie générale de la Loi est telle que lorsque l'on vient de parler de libération conditionnelle, il faut s'en rapporter à une autre Loi qui nous amène devant les instances appropriées, à savoir la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Nous sommes dans la technique juridique jusqu'au cou. À proprement parler, il n'y a pas d'erreur dans ce texte de loi. Je comprends l'intervention du sénateur Nolin. C'est bien beau de parler d'économie de la loi, mais le Canadien ordinaire qui n'a pas la connaissance de l'économie générale de la loi ne comprendra pas. Peut-être que c'eût été plus clair si vous aviez utilisé un mot équivalent à l'éligibilité de cette personne à la libération conditionnelle. Je ne pense pas que cela rende ce texte de loi infirme, de quelque manière que ce soit.

Le sénateur Nolin: C'est juste pour la rendre plus précise. J'ai une dernière question à vous poser concernant la traduction de ce texte, à la page 2 du projet de loi, à la ligne 43, où vous utilisez les mots « reasonable prospect », et en français les mots «possibilité réelle », j'ai l'impression que le degré de conviction du juge est plus important en français qu'en anglais. Autrement dit, le juge doit se convaincre qu'il y a une possibilité réelle que le jury accorde la réduction du délai. C'est le mécanisme de révision préliminaire.

M. Roy: Nous avons retourné ces mots dans tous les sens à de nombreuses reprises...

Le sénateur Nolin: Je n'en doute pas!

M. Roy: ...pour nous satisfaire, en espérant que cela satisfasse les autres et aussi afin que le critère que nous avions en anglais corresponde essentiellement au critère en français et l'inverse.

Vous me permettrez de rappeler à nouveau, avec gentillesse et amitié, que nous ne traduisons pas nos textes de lois.

On s'assure que nous ayons des versions qui sont solides dans les deux langues sans que l'une ne se rapporte nécessairement à l'autre.

Pour nous, la possibilité réelle que la demande soit accueillie est un équivalent en droit de ce que l'on dit en anglais comme étant le "reasonable prospect". Le mot «prospect », est utilisé en anglais, dans la traduction et non pas dans la rédaction en parallèle. On en était toujours à cette question de possibilité.

Après avoir fait de nombreuses démarches, je peux vous en assurer, avec nos experts et les jurisconsultes du ministère, nous en sommes venus à la conclusion que les deux formulations étaient équivalentes. En espérant maintenant que les juges l'interprètent de la même manière.

Le sénateur Nolin: En espérant que la jurisprudence, dans cinq ans, ne nous dira pas que nous aurons à modifier la loi.

Le sénateur Losier-Cool: Pour l'avenir des avocats!

Le sénateur Nolin: L'avenir des avocats, vous savez, avec toutes ces lois, est assuré pour longtemps.

[Traduction]

Le sénateur Milne: Je crois que le sénateur Jessiman a demandé des statistiques relatives au nombre de personnes qui ont purgé plus de 25 ans de prison. Je ne sais pas si vous pouvez en donner, puisque la loi actuelle est en vigueur depuis 20 ans. Quiconque aurait été condamné à plus de 25 ans aurait été condamné à mort à ce moment-là. Je ne sais pas quelle sorte d'admissibilité à la libération conditionnelle était prévue. Peut-être pourriez-vous modifier votre question et parler des statistiques relatives aux personnes incarcérées en vertu de la loi actuelle.

M. Roy: Cela peut être difficile. Depuis la mise en vigueur de la loi en 1976, il n'y en aurait pas du tout. Je crois que Mme Trottier peut vous aider à cet égard.

Mme Trottier: Nous avons des détenus qui ont passé plus de 30 ans en prison. Je peux demander aux Services correctionnels du Canada de vous trouver ces données.

Le sénateur Jessiman: La libération conditionnelle est prévue avant les 20 ans. C'est un genre différent.

Le sénateur Gigantès: Une personne n'était pas condamnée à mort, mais a une peine très longue.

M. Roy: La peine aurait été commuée.

Le sénateur Gigantès: Même avant l'abolition de la peine de mort, une personne pouvait être condamnée à une très longue peine.

M. Bebbington: On pouvait être condamné à la prison à perpétuité avant 1976 pour un meurtre non qualifié. Il y a d'une part le meurtre qualifié ou le cas de ceux dont la peine était commuée en emprisonnement à perpétuité et d'autre part, le meurtre non qualifié ou le cas de ceux qui se voyaient infliger une peine de prison à perpétuité. La période de 25 ans a été prévue en 1976 au moment de l'examen de l'article 745. Toutefois, la peine à perpétuité existait depuis quelque temps déjà. Nous allons vérifier pour savoir qui a passé plus de 25 ans en prison pour meurtre.

Le sénateur Jessiman: Peut-être pourriez-vous également vérifier combien de personnes, le cas échéant, ont été condamnées à la prison à perpétuité. Certains de ceux qui ont été condamnés à 25 ans ou moins sont peut-être déjà morts, mais combien ont passé leur vie en prison?

Le sénateur Milne: J'aimerais comprendre parfaitement les choses. Ce projet de loi règle trois points. Premièrement, les auteurs de meurtres multiples ou les tueurs en série n'auront pas accès à la libération conditionnelle.

M. Roy: Ils ne pourront pas demander la libération conditionnelle avant d'avoir purgé 25 ans au moins. En d'autres termes, ils ne bénéficieront pas du mécanisme prévu au paragraphe 745.6.

Le sénateur Milne: Deuxièmement, en vertu de ce nouvel article, un juge pourra examiner le cas des auteurs d'un seul meurtre. Troisièmement, si le juge, après le processus d'examen, déclare que la cause peut être présentée à un jury, c'est à ce dernier de décider à l'unanimité si la personne en question peut se présenter devant la Commission des libérations conditionnelles.

Le sénateur Jessiman: Peut-on suggérer au jury une réduction du délai? Disons par exemple que l'on allège la peine. Il faut que la décision soit unanime. La réduction du délai doit être décidée par les deux tiers des membres du jury. Puis l'affaire est renvoyée à la Commission des libérations conditionnelles.

M. Bebbington: Il est important de se rappeler que dans le cas des auteurs de meurtres multiples, le mécanisme d'examen prévu ne s'appliquera pas à moins que le meurtre en série ne soit perpétré après l'entrée en vigueur de la loi. Toutefois, le mécanisme d'examen et l'unanimité peuvent avoir un effet rétroactif. Dès que la loi sera adoptée -- et nous espérons que le Parlement l'adoptera sous peu -- elle touchera les gens qui se trouvent déjà dans le système. Un auteur de meurtres multiples comme Paul Bernardo ne sera pas touché par cette partie de la loi, même si les meurtres ont été commis avant l'entrée en vigueur de la loi. Il sera toutefois touché par le mécanisme d'examen.

Le mécanisme d'examen s'appliquera à tous ceux qui actuellement purgent une peine pour meurtre, qu'il s'agisse d'auteurs de meurtres multiples ou d'auteurs d'un seul meurtre, à condition qu'ils n'aient pas présenté de demande avant l'entrée en vigueur de la loi.

La présidente: Merci beaucoup.

La séance est levée.


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