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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 45 - Témoignages - Séance de l'après-midi


OTTAWA, le jeudi 30 janvier 1997.

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit à 13 heures pour examiner l'ordre de renvoi se rapportant au paragraphe 18(3) de la Loi sur les armes à feu, pour examiner les règlements rédigés conformément à l'article 118 de cette loi.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Sénateurs, nous reprenons l'examen des règlements découlant de l'article 118 de la Loi sur les armes à feu. Notre premier témoin cet après-midi est M. Dale Blue, président de la Provost and District Fish and Game Association.

Bienvenue, monsieur Blue. Comme je l'ai dit plus tôt, nous ne parlons pas aujourd'hui du projet de loi mais uniquement des règlements y afférents. C'est justement ce que vous faites dans votre mémoire et je suis ravie d'en discuter avec vous cet après-midi.

Vous pouvez commencer votre exposé.

M. Dale Blue, président, Provost and District Fish and Game Association: Madame la présidente, au nom de notre petit club et de notre petite collectivité, je vous remercie de nous recevoir, pour deux raisons. D'abord, nous comprenons que c'est la dernière occasion d'examiner ces règlements. Il ne sera pas nécessaire de les présenter de nouveau au Parlement après cet examen. Deuxièmement, je sais que nos recommandations seront consignées à votre compte rendu.

En quittant mon hôtel, ce matin, j'ai vu une brochure d'un groupe appelé MADD. Dans certaines de nos écoles secondaires, il y a aussi des groupes appelés SADD. Ces acronymes décrivent les associations de mères et d'étudiants contre la conduite en état d'ébriété. Il y a certainement un problème lorsque des personnes ivres conduisent des véhicules et tuent des gens. Ces groupes ne proposent pourtant pas comme solution une réglementation stricte des produits alcoolisés ou des véhicules. Ils veulent plutôt éduquer la population, pour lui faire comprendre que ce comportement n'est pas socialement acceptable. En outre, ils demandent des peines plus sévères.

J'ai fait circuler des photographies. J'aimerais vous présenter ma vision des choses, fondée sur mon expérience. Ma vision des choses se rapporte à ce que vous voyez dans les photos. Pour moi, les armes à feu ont une valeur utilitaire. Elles peuvent être utilisées à la chasse ou, à l'occasion, pour le tir à la cible. Dans ma région, beaucoup de gens ont des armes à feu. Dans mon mémoire, je dis qu'il y a des armes à feu dans 70 à 90 p. 100 des foyers et qu'il y a peut-être même plus d'armes à feu que de personnes. Les armes à feu font partie de mon expérience de vie, depuis toujours.

Ceux qui n'ont pas de fusil ont une autre vision des armes à feu, influencée surtout, peut-être, par les médias et par l'industrie du divertissement. Pour nous, la gestion du risque fait partie de notre réalité. À cause de mon expérience personnelle en matière d'armes à feu, je crois que celles-ci représentent pour moi un très faible risque. Par contre, les véhicules automobiles sont pour moi un plus grand danger, à cause du secteur où je vis. Le risque de blessures causées par une machine est relativement élevé. Et le risque de ne pas avoir suffisamment rapidement des services d'urgence est assez élevé.

J'aimerais parler brièvement des effets de la loi, y compris des règlements, ainsi que leur influence sur les propriétaires d'armes à feu.

Certains propriétaires d'armes à feu se débarrassent de leurs fusils. Ils les vendent à des prix ridicules ou les donnent. Ils ne comprennent pas ce qui se passe mais ne veulent pas courir le risque qu'on porte des accusations contre eux. Certains respectent la loi. Je suis persuadé qu'il y a des gens qui communiquent actuellement avec les services de police locaux pour savoir comment enregistrer leurs armes à feu. Ce qui m'agace, c'est que des gens respectueux de la loi et qui ne se considèrent pas comme des criminels sont en train de décider s'ils vont ou non observer des règlements. Il est tragique qu'ils aient même à l'envisager.

Les règlements vont nuire aux services de police communautaires. En 1989, la GRC s'est fait confier le mandat d'offrir des services de police communautaires. Graduellement, ça commence à fonctionner. Si on donne la responsabilité de l'administration d'une loi aussi impopulaire dans mon secteur à la GRC, cela ne va certainement pas consolider les gains qu'elle a réalisés du côté des services de police communautaires.

Je déclare tout d'abord que ce mémoire ne signifie pas que nous avalisons le chapitre 39 des Lois du Canada.

J'aimerais d'abord formuler des commentaires de nature générale au sujet des règlements. Les administrations et les règlements ont notamment pour rôle de faciliter pour la population la compréhension et l'observation de la loi, et non de créer des obstacles. Lorsqu'on examine les règlements pour lesquels je présente des recommandations, on doit se demander s'ils se rapportent vraiment à la sécurité du public ou s'ils visent à rendre plus difficile la possession légale d'armes à feu.

J'ai une longue liste de recommandations. J'aimerais vous en présenter quelques-unes, notamment celles pour lesquelles vous manquez peut-être d'information.

Ma première recommandation, c'est que les règlements soient réécrits en termes plus simples. C'est une recommandation très importante que le comité devrait faire. J'ai trouvé très difficile la lecture de ces règlements, tout comme les amis qui m'ont aidé à préparer le mémoire. Ces règlements sont très obscurs, peut-être à cause de la quantité de sujets auxquels ils se rapportent. La fin de semaine dernière, j'ai obtenu un exemplaire d'un document présentant une ébauche des règlements relatifs au contrôle des armes à feu, déposée à la Chambre des communes en juin 1992. La première recommandation du comité portait que les règlements proposés soient reformulés dans un langage simple, dans la mesure du possible. C'est tout un défi pour les rédacteurs de règlements.

Notre deuxième recommandation, c'est qu'il y ait une campagne d'éducation publique de grande envergure au sujet de la loi elle-même et des règlements. Il faut se demander: quels sont les règlements et comment puis-je les suivre? Il y a deux raisons à cela. D'abord, il faut que les propriétaires d'armes à feu sachent exactement de quoi il en retourne. Ensuite, il faut que le grand public connaisse les règlements relatifs à la sécurité. On a déjà manqué de belles occasions de communication.

Les règlements relatifs à l'entreposage et au transport dont vous êtes saisis ne sont pas très différents des règlements de 1993. Je suis un instructeur pour les cours canadiens de sécurité dans le maniement des armes à feu. Je donne ce cours à des gens qui le prennent par intérêt personnel. J'enseigne cette matière comme s'il s'agissait de nouveaux renseignements, quatre ans après l'entrée en vigueur du règlement. Cela ne devrait pas se reproduire.

Je vais passer à la cinquième recommandation. Nous pourrons peut-être revenir plus tard à celles que j'ai sautées. Si vous voulez m'interrompre ou me poser des questions sur l'une d'entre elles, n'hésitez pas.

La cinquième recommandation ne toucherait que peu de personnes. Elle se rapporte aux autorisations de port des armes à feu à autorisation restreinte, je présume entre le domicile et le champ de tir. Si je suis bien informé, il y aurait aujourd'hui environ 60 000 titulaires de permis de ce genre au Canada. Il y en a au plus 20 dans notre petit club de tir. D'après le règlement, il faut préciser quelles sont les armes à feu auxquelles se rapporte le permis de port d'armes à autorisation restreinte. On semble oublier que les armes à feu peuvent être achetées et vendues. Une formule de ce genre devrait être constamment mise à jour. Une personne peut posséder des armes à feu à autorisation restreinte pour diverses disciplines de tir et ne pas toujours transporter les mêmes. Cette recommandation pourrait éliminer beaucoup de paperasserie.

À l'annexe I, je propose un exemple de permis de port. On peut y lire: «Pour le port des armes à autorisation restreinte décrites sur l'exemplaire ci-joint de la formule 306, autorisation de port d'une arme à autorisation restreinte». Je crois que ce système marchera; il est satisfaisant. On dit qu'on a une autorisation de port à autorisation restreinte et si vous avez l'arme avec vous, vous devez nécessairement détenir le certificat d'enregistrement. Il est inutile de donner la liste de toutes les armes à feu.

La recommandation 6 nous a préoccupés. Je crois que le terme «par une route directe» est apparu d'abord en 1992. Il faut clarifier cette expression. Elle sème la confusion chez nos membres. Que signifie «route directe»? S'agit-il d'une route en ligne droite? Est-ce que si je traverse une ville importante, je ne peux pas faire un détour d'un kilomètre pour visiter un proche? Si je suis avec ma famille, est-ce que cela signifie que je ne peux pas aller magasiner? Il faut clarifier ces termes.

Les recommandations 8 et 13 répondent à une situation locale, encore que la Alberta Fish and Game Association a demandé la même clause, qui relève de «autorisations supplémentaires de transport». Cette clause s'appliquerait à la chasse de gros gibiers, telle qu'elle est réglementée par un gouvernement provincial; elle multiplierait les possibilités de chasse et attirerait donc plus de gens.

La chasse est actuellement en perte de vitesse, le nombre de chasseurs a diminué, et il faut saluer toute initiative visant à augmenter ce nombre et à favoriser ce sport.

Notre résolution spécifique, au congrès, s'appliquait à un camp militaire clôturé. Il s'agit donc d'un environnement contrôlé, qui ne constituerait pas un problème, mais on nous a dit que la loi fédérale actuelle n'autorisait pas ce genre de disposition. Voilà donc l'occasion de modifier la loi pour tenir compte, sans effets négatifs, des souhaits de ceux qui veulent utiliser les armes à feu à des fins de loisirs.

J'aimerais maintenant parler de la recommandation 14, qui concerne l'entreposage des armes à feu sans restrictions. Nous recommandons qu'une autre exemption soit faite au règlement d'entreposage pour les personnes résidant dans un camp de pleine nature, ce qui ne concernerait pas trop de gens. En effet, les gens qui sont dans ces camps peuvent avoir diverses raisons pour porter des armes à feu qui sont chargées, mais ce sont des personnes responsables, et cette recommandation faciliterait les choses pour les Autochtones.

Les recommandations 15, 16, 17 et 20 concernent une autre façon sécuritaire d'entreposer les armes à feu, soit en démontant une partie essentielle. Je ne suis toutefois pas sûr, à bien y réfléchir, que ce soit là une bonne recommandation car -- comme je le mentionnais en préambule -- le règlement sur l'entreposage est complexe, et quelque peu confus. Ceci donnerait aux gens une autre option.

La recommandation 19 porte sur la chasse même. J'ai proposé de reformuler le règlement de l'Alberta pour demander que, pour celui qui est à la chasse, une arme à feu chargée soit définie comme arme à feu dans laquelle il n'y a pas de cartouches dans la chambre ou dans la culasse. Autrement dit, il serait acceptable d'avoir le chargeur rempli. J'aimerais ensuite faire certaines remarques concernant le chargement par la bouche: nous apprécions le fait que ces changements aient été introduits dans la nouvelle version du règlement. La raison pour laquelle nous avons proposé ce changement est la suivante: imaginez que vous êtes à la chasse par une matinée où la température est de -26o et que vous deviez charger et décharger une arme à feu; vous auriez les doigts, dont la température est à peine supérieure à cela, complètement engourdis. Du point de vue strictement de la sécurité, il serait préférable, à mon avis, de laisser le chargeur rempli. C'est une considération de sécurité. Comme vous le voyez dans l'une des annexes, c'était l'argument de la Alberta Wildlife Association quand ce règlement s'appliquait, l'Alberta étant l'une des rares provinces à avoir cette définition de «arme à feu chargée».

La recommandation 24 porte sur les contrôleurs des armes à feu qui ne délivrent de permis qu'aux résidants de la province. Les paragraphes 2(1) et 2(3) semblent présenter une certaine contradiction. En promulguant la Loi sur les armes à feu, on visait à assurer une certaine harmonisation dans tout le Canada. Nous avons une population mobile: j'enseigne un cours de sécurité des armes à feu aux gens de ma région, et j'ai eu comme élèves des gens de l'Ontario et d'autres parties de la province, jusqu'à une distance de 300 ou 400 milles. La même chose s'appliquerait sans doute à des gens qui font une demande de permis.

La recommandation 31 porte sur un règlement technique qui ne concernerait pas beaucoup de gens, à savoir la possibilité, pour les gens qui ont déjà possédé certaines armes à feu, d'obtenir un certificat de possession. Il y est question d'armes à feu à autorisation non restreinte et à autorisation restreinte, mais il n'y est pas question d'armes à feu prohibées.

Le projet de loi a fait de 50 p. 100 des armes de poing une catégorie prohibée. Peut-être a-t-on négligé ainsi le cas de personnes qui ne pourraient obtenir un permis de possession, et qui ont auparavant été propriétaires d'une catégorie d'arme particulière. Cela signifie peut-être que cette personne est tenue de suivre un cours de sécurité et d'obtenir un permis de possession et d'acquisition. Il me semble qu'on a omis de tenir compte de ce genre de situation.

Ce sont là les recommandations que je souhaitais faire. Si vous avez des questions concernant les articles du règlement dont j'ai fait mention, ou toute autre recommandation que j'ai faite, je serai heureux d'y répondre.

La présidente: Vous avez fait là une analyse approfondie, tant dans votre mémoire que dans votre exposé, et nous vous en remercions.

Le sénateur Beaudoin: Vous souhaitez que le gouvernement rédige différemment les règlements, ce qui m'intrigue quelque peu. Vous dites que la langue des règlements devrait être simple. Je reconnais, avec vous, qu'elle devrait être aussi simple que possible. Mais quand on prépare un règlement en application d'une loi, il est nécessaire, par souci de précision et d'exactitude, d'utiliser certains termes juridiques qui correspondent aux termes employés dans la loi. J'admire beaucoup une constitution comme celle des États-Unis, qui est rédigée en termes limpides, mais il est parfois difficile d'en faire autant quand il s'agit de certaines lois, comme par exemple l'impôt sur le revenu et, probablement, les armes à feu.

Qu'entendez-vous au juste par «un langage simple»? Voudriez-vous voir employer des termes autres ceux qui figurent dans ce règlement?

M. Blue: Je voudrais que le règlement soit plus compréhensible pour le simple citoyen. Les règlements semblent parfois avoir été rédigés par des juristes et à l'intention de juristes, mais ce n'est pas le cas du simple utilisateur d'armes à feu. Au lieu de tout ce règlement d'entreposage, ne vaudrait-il pas mieux avoir deux règles simples: quand elle est entreposée, l'arme à feu ne doit pas être chargée, et ne doit pas pouvoir fonctionner.

Le sénateur Beaudoin: Je n'ai rien contre la simplicité, bien au contraire. Je pense également que nous devrions viser à nous exprimer aussi clairement que possible, ce qui est le cas de certains textes juridiques. Toutefois, les termes simples tendent à être d'ordre très général, et les tribunaux analysent et interprètent les termes, qu'il s'agisse de la Constitution ou des lois, et c'est bien ainsi que cela doit être.

Si la loi même a été rédigée en utilisant certains termes, ces termes doivent être repris dans le règlement, qui doit être conforme à la loi. Si cette dernière est complexe, le règlement ne saurait être simple, car il suit la loi, il l'applique et il ne peut aller à son encontre. Si la loi emploie des termes techniques, il n'est pas surprenant si ceux-ci figurent également dans le règlement.

Il est certes souhaitable que la langue soit compréhensible, mais le fait est que nous devons envisager tous les aspects d'un problème, ce qui n'est pas facile, dans la pratique. Je suis d'accord avec le principe, mais il n'est pas toujours possible d'éviter d'employer une langue très spécialisée, en particulier dans ce domaine. Ceci ne signifie pas pour autant que des améliorations ne seraient pas parfois souhaitables, mais c'est tout autre chose que de recommander une refonte complète du règlement.

Le sénateur Gigantès: L'anglais et le français sont deux langues nobles, capables de dire clairement les choses les plus abstruses. Il est parfaitement possible de rendre en termes limpides le jargon des juristes. À ce propos, après ma retraite, que je vais prendre dans 19 mois, j'ai l'intention, à 45 $ de l'heure, d'offrir mes services au gouvernement pour faire précisément cela: rédiger des textes en langue simple, que les gens puissent comprendre sans faire appel à un avocat. Les revenus de certains d'entre vous en seront écornés, mais j'enrage quand je lis un texte juridique. On peut dire exactement la même chose en anglais ou en français compréhensible, tout en étant précis et conforme à la loi, et sans susciter aucun doute, chez le juge, quant à la signification.

La présidente: Comme vous le voyez, monsieur Blue, c'est un sujet qui est toujours à l'ordre du jour de ce comité.

Le sénateur Gigantès: Je vous remercie de le mentionner.

La présidente: En théorie, je suis d'accord avec le sénateur Gigantès: on devrait viser au maximum la simplicité. Par ailleurs, je dois reconnaître, avec le sénateur Beaudoin, que tout règlement se doit de refléter fidèlement la loi, même si celle-ci est complexe. L'idéal, est c'est ce que nous cherchons, c'est la voie médiane, soit un texte compréhensible pour la plupart des gens.

Le sénateur Beaudoin: Il est vrai que la langue de ces textes pourrait être améliorée, mais il faudrait pour cela du temps, et du génie. Le premier jet d'un règlement laisse probablement beaucoup à désirer, mais si vous avez du temps et du talent -- il y a beaucoup de juristes de talent --, vous pourriez rédiger un règlement en termes simples, mais c'est le temps qui fait souvent défaut.

La présidente: Dans votre second commentaire vous mentionniez le besoin d'une campagne d'éducation du public, et sur ce point tous les sénateurs ici présents sont d'accord avec vous. Si ces règlements doivent être appliqués, si le public doit comprendre qu'il n'est pas si difficile d'obéir à la loi, il faut qu'il y ait des programmes d'éducation qui rendent cette loi claire pour tous. Les gens n'ont pas besoin de se dessaisir, contre leur gré, de leurs armes, pour la simple raison qu'ils ne comprennent pas le règlement.

Aussi notre comité fera-t-il savoir, dans l'une de ses recommandations, qu'un programme d'éducation du public s'impose si l'on veut que cette loi et, par conséquent, le règlement y afférent, soient appliqués.

M. Blue: Je vous en sais gré, car non seulement le règlement devrait être compréhensible pour ceux qui sont chargés de le faire appliquer, mais également pour le grand public qui, à l'heure actuelle, ne comprend bien en quoi il consiste. Quand le règlement sera mieux compris, quand les gens pourront apprécier quelle est la protection qu'il leur assure, il y aura beaucoup moins de mécontentement pour tout ce qui touche à l'utilisation des armes à feu.

La présidente: Il y a une autre question que vous n'avez pas abordée. J'aimerais que vous nous donniez quelques éclaircissements sur les règlements qui n'ont pas encore été rédigés.

M. Blue: Merci de soulever cette question, je l'avais oubliée. Ce que nous semblons beaucoup craindre, c'est un règlement concernant les champs de tir. Notre propre petit club en a trois, à l'usage de ses membres, mais également ouverts au public. Très peu de règles les gouvernent, on se fie surtout au bon sens. Ils sont installés dans des endroits sûrs, et les gens y pratiquent le tir en toute sécurité. Il n'y a pas eu de cas d'imprudence, mais nous craignons que le règlement qui s'y appliquera ne soit si compliqué que nous serons obligés de les fermer.

Le règlement pourrait exiger, par exemple, qu'il y ait une personne présente au club, qui vérifie que les tireurs ont une arme à feu à autorisation restreinte. À l'heure actuelle ça se fait à la bonne franquette: nous avons une vingtaine de personnes, dans notre club, qui pratiquent le tir avec arme à feu à autorisation restreinte sur deux champs de tir. Les gens se préparent à des concours, mais ils aiment aussi pouvoir s'exercer tout seuls, sans être dérangés. Un tel règlement causerait toutes sortes de problèmes, mais tout dépendra de la rigueur du règlement.

La présidente: Oui, je voulais bien préciser les choses. Il semble y avoir une confusion peut-être chez d'autres, en tout cas, sinon pour vous. Nous sommes saisis de ces règlements et une fois promulgués, ils seront mis en vigueur, mais ils doivent auparavant être examinés par ce comité.

M. Blue: Je comprends cela. J'ai mentionné cela parce que je me trouve ici, mais je ne pense pas revenir.

La présidente: Vous serez peut-être obligé de le faire s'il y a un règlement sur les champs de tir qui vous cause un certain problème.

Le sénateur Petten: Vous disiez, dans votre mémoire, que vos taux d'assurance sont très bas. Pourriez-vous nous donner quelques précisions?

M. Blue: Nous obtenons notre assurance par l'intermédiaire de la Alberta Fish and Game Association. Il est difficile d'obtenir une assurance et des taux d'assurance pour les champs de tir, et ce pour deux raisons: tout d'abord, à cause de ce mouvement anti-armes à feu, qui fait hésiter les compagnies d'assurance, ensuite parce que ces dernières n'ont pas vraiment de statistiques de demandes d'indemnité. Elles ne savent pas au juste à quoi s'attendre à cet égard, parce qu'à ce jour il n'y a pas eu de demandes d'indemnité.

Le sénateur Petten: Depuis combien d'années êtes-vous assurés pour votre champ de tir?

M. Blue: Voilà plus de 25 ans que ce champ de tir existe.

Le sénateur Petten: Et depuis combien est-il couvert par une assurance?

M. Blue: Nous étions assurés pour chaque année, par notre association, pour 150 $ par an.

Le sénateur Petten: Votre cote de sécurité est donc relativement bonne, n'est-ce pas?

M. Blue: À mon avis, elle est impeccable.

Le sénateur Beaudoin: Madame la présidente, je voudrais poser une question concernant l'éducation du public, qui me paraît une bonne chose, et à laquelle je crois, mais est-il de notre mandat de faire une recommandation dans ce sens?

La présidente: Certainement.

Le sénateur Beaudoin: On pourrait en faire autant pour la plupart des lois adoptées par le Parlement du Canada.

La présidente: Vous n'ignorez pas que notre mandat est limité, sénateur Beaudoin. Nous ne pouvons qu'étudier ces règlements et formuler des recommandations, ce n'est pas à nous de les adopter ou de les rejeter. Tout ce que nous pouvons faire, c'est présenter des recommandations à leur égard. Il est donc tout à fait de notre mandat de dire: «Nous avons examiné les règlements et voudrions présenter certaines recommandations au gouvernement». L'une de ces recommandations, c'est que le gouvernement mette sur pied un vaste programme d'éducation pour informer les citoyens non seulement de la loi, mais également des règlements y afférents.

Le sénateur Beaudoin: Il ne fait certainement aucun doute, l'éducation du public est souhaitable.

La présidente: C'est exact.

Le sénateur Jessiman: Aux termes de la recommandation 15, nous ajouterions les mots «enlever une partie essentielle qui empêchera la décharge de l'arme à feu». Avez-vous jamais comparu devant le comité pour ces règlements? Est-ce la première fois que vous les voyez?

M. Blue: Oui.

Le sénateur Jessiman: Savez-vous si, aux États-Unis ou ailleurs, les termes que vous employez ont été utilisés? La procédure normale, pour rendre les armes à feu inopérables, n'est-elle pas d'enlever la culasse? N'est-ce pas là ce que l'on fait généralement?

M. Blue: Oui, c'est possible, mais nous touchons là à la technologie des armes à feu. Il peut y avoir d'autres parties essentielles, par exemple le percuteur. Malheureusement, on ne voit pas à l'inspection si cette partie a été enlevée, mais cela en assurerait certainement la sécurité. Pour d'autres armes à feu on pourrait enlever la gâchette, ce qui est facile. La culasse ne s'enlève pas toujours facilement, mais cette recommandation permettrait d'autres options.

Le sénateur Jessiman: Avez-vous parlé de ces règlements à d'autres personnes du gouvernement?

M. Blue: Non, je ne l'ai pas fait. Si nous avons le temps, j'aimerais mentionner certaines autres parties du règlement, par exemple les droits. À cet égard, nous ne voyons pas les choses du même oeil.

Nous n'avons pas parlé des droits de possession et d'acquisition. Nous avons actuellement une autorisation d'acquisition d'arme à feu qui est relativement acceptable en termes de droit, mais l'autre recommandation que nous voudrions faire à cet égard, c'est que le gouvernement renonce à tous les droits afin d'encourager ces mesures.

Les articles 6 et 7 portent sur l'exemption des droits pour ceux qui pratiquent la chasse ou le piégeage avec des armes à feu, pour assurer leur subsistance ou celle de leurs familles. Au lieu de donner à ces termes un sens très étroit, nous recommandons une interprétation très large, car toute cette question de moyens de subsistance est très délicate, et cause de frictions entre propriétaires d'armes à feu. Je pratique beaucoup la chasse, le gibier tient une bonne place dans mon menu.

Le sénateur Jessiman: Ne risquez-vous pas d'ouvrir les vannes en demandant d'être exempts de droits? Il faut payer des droits pour beaucoup de choses, pas seulement pour la chasse.

M. Blue: Certes, mais il y a bien des choses pour lesquelles je paie, en tant que contribuable, et dont je ne profite pas personnellement.

Le sénateur Jessiman: A-t-on jamais reçu quelque chose de gratuit? L'application de cette recommandation sera très coûteuse. Ce matin, quelqu'un a dit qu'il espérait voir de la souplesse dans l'application des droits que devront payer les Autochtones. Cependant, il faut maintenir le contrôle des droits, sinon, il pourrait y avoir des répercussions au niveau de tous les impôts.

M. Blue: C'est pour cela que j'ai suggéré l'élimination des droits particuliers. Par exemple, pourquoi ne pas éliminer les droits pour les mineurs.

Selon moi, il faut encourager les gens à devenir responsables en tant que propriétaires et utilisateurs d'armes à feu. Il faut encourager les chasseurs à devenir responsables, afin d'assurer la gestion de la faune. J'aimerais que, pour cette loi, on encourage les gens à se servir des armes à feu en éliminant certains droits, par exemple les droits pour les mineurs.

Le propriétaire d'une arme à feu a deux options: être propriétaire d'armes à feu à l'intérieur du système ou à l'extérieur du système. Je préférerais que les gens soient propriétaires d'armes à feu à l'intérieur du système.

Le sénateur Gigantès: Avez-vous dit que vous voulez encourager les gens à devenir propriétaires d'armes à feu?

M. Blue: Oui.

Le sénateur Gigantès: Pourquoi?

M. Blue: Afin de pouvoir encourager les gens à apprécier une partie de ma culture et de ma tradition, comme je vous l'ai montré dans les photos que j'ai partagées avec vous.

Le sénateur Gigantès: Je ne suis pas propriétaire d'une arme à feu, je n'en ai pas tenu à la main depuis la guerre; y a-t-il quelque chose qui m'échappe?

M. Blue: Peut-être. C'est à vous de décider. Il y a une possibilité de se livrer à un loisir, parmi une variété d'activités possibles.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Blue. Nous avons grandement apprécié votre exposé.

M. Blue: J'apprécie la possibilité de participer. J'apprécie l'occasion de faire consigner ce que j'ai recommandé, et le fait que ces recommandations seront acheminées aux responsables du Centre canadien des armes à feu. Ils choisiront peut-être de les examiner, que vous décidiez ou non de faire des recommandations précises.

La présidente: Nous allons maintenant entendre M. Robert Paddon, président du comité des armes à feu de la B.C. Wildlife Federation.

Puisque vous n'étiez pas présent au début de la séance de cet après-midi, je tiens à vous souligner que nos discussions ne portent pas sur la loi proprement dite, mais sur ses règlements d'application.

M. Robert Paddon, président, comité des armes à feu de la B.C. Wildlife Federation: Merci. Je suis accompagné de Linda Thom. Mme Thom est membre de la B.C. Wildlife Federation, et elle est aussi membre de l'Association of Women Shooters of Canada.

La présidente: Bienvenue, madame Thom.

Mme Linda Thom, présidente, Association of Women Shooters of Canada: Merci.

M. Paddon: J'ai remis au greffier du comité trois documents que vous devriez avoir devant vous. Le premier est notre réponse à la législation proposée pour les armes à feu. J'ai déjà envoyé un avant-projet par télécopieur, et j'ai avec moi la version officielle. J'ai aussi mes notes pour l'exposé. Le troisième document est un dépliant sur la sécurité des armes à feu, à l'intention des enfants, que nous venons d'élaborer afin de montrer les types et moyens d'éducation pour améliorer la sécurité pour tous.

La B.C. Wildlife Federation est la plus grande et la plus vieille organisation bénévole provinciale de conservation qui représente les citoyens de la Colombie-Britannique. Créée en 1956, la BCWF compte actuellement 32 000 membres, et 147 clubs de chasse et pêche associés. Nous sommes aussi membre en règle de la Coalition nationale de fédérations provinciales et territoriales. Cette fédération nationale représente plus de 500 000 membres de toutes les régions du pays.

La BCWF et la fédération nationale ont déjà exprimé leur opposition à l'endroit du projet de loi C-68 lors d'instances présentées au ministre de la Justice et aux comités de la Chambre des communes et du Sénat, et par la voie d'énoncés de principe et d'autres tribunes.

Si nous sommes venus témoigner aujourd'hui, ce n'est pas parce que nous approuvons le projet de loi C-68. Nous le faisons pour vous permettre de mieux comprendre notre point de vue, la façon dont ces règlements proposés pour les armes à feu se répercuteront sur les utilisateurs et les propriétaires, la police, les administrations et le grand public.

Nous avons fait 31 recommandations de changement à 8 des 11 projets de règlement. Ces recommandations ne doivent pas être interprétées comme l'expression de l'appui aux règlements; il s'agit plutôt d'une solution de rechange visant à atténuer l'impact du règlement sur les propriétaires d'armes à feu, pour réduire la paperasse inutile, à l'avantage de la police, de la bureaucratie et des utilisateurs d'armes à feu, et pour réduire les dépenses de deniers publics qu'entraînera la mise en oeuvre du projet de loi C-68. Ces règlements sont mal écrits et vagues. Ils ne correspondent pas aux critères de justice et d'efficacité, et ils seront difficiles à appliquer et ne sont pas abordables pour tous les Canadiens. Des changements importants s'imposent.

La politique partisane doit être exclue du débat et des recommandations quant aux changements à apporter aux projets de règlement. Nous avons bon espoir que le Parlement du Canada prendra le temps d'envisager sérieusement de modifier en profondeur ses projets de règlements et même de les récrire entièrement.

C'est le ministre de la Justice qui est la principale source de difficulté dans ce processus. Les comités permanents, les députés et les sénateurs doivent convaincre Allan Rock d'apporter d'importantes modifications à ces projets de règlements sur les armes à feu. Rien ne presse; il n'est pas nécessaire de les adopter en 1997. Il faut un débat approfondi, de la recherche efficace et une mise à l'essai avant de les adopter. Nous avons besoin de règlements qui correspondent aux besoins du public, et non pas à des fins politiques.

En lisant ces projets de règlements, on a plus de questions que de réponses. Par exemple: quel sera l'avantage pour la société canadienne, la sécurité publique, le contrôle de la criminalité, les questions de santé et le contrôle des armes à feu? Quelle est l'intention du législateur? Où trouve-t-on des définitions pour les mots clés et les déclarations vagues? Quel est le coût et qui paiera? En quoi ces règlements saperont-ils l'appui de la police et des utilisateurs d'armes à feu? Nous craignons que ces règlements n'aient été conçus pour rendre la propriété d'armes à feu trop compliquée, de manière à dissuader les Canadiens ordinaires de se livrer à la chasse, au tir à la cible ou à la collection d'armes.

Après avoir lu ces projets de règlements, nos craintes sont bien fondées. Certains diront «très bien, débarrassons-nous de la chasse et des armes à feu». Toutefois, quelle sera l'incidence de cette mesure à courte vue? Cela entraînera des pertes d'emplois, la fermeture d'entreprises -- cela arrive déjà -- le déclin du tourisme, la perte du patrimoine et de la culture du Canada.

Un aspect dont on discute rarement dans tout ce débat, c'est l'incidence de ce règlement sur les utilisateurs d'armes à feu et sur les agences d'application de la loi au Canada. Les utilisateurs d'armes à feu font partie de l'infrastructure de l'application de la loi au Canada. Nous fournissons à nos membres des installations pour l'utilisation sécuritaire des armes à feu, ainsi qu'au public et aux agents de police. La police locale et provinciale, les agents de conservation, les douaniers et les militaires utilisent nos installations. Nous enseignons la sécurité à la chasse et le maniement sécuritaire des armes. Nous donnons des cours sur le maniement sécuritaire des armes à feu et sur les principes moraux et juridiques en cause.

Beaucoup de candidats aux postes d'agent de police suivent nos cours et deviennent membres. La réglementation acharnée entraînera la baisse du nombre des membres et la fermeture de clubs. Où la police aura-t-elle son entraînement au tir si nos installations n'existent plus? Les divers gouvernements sont-ils disposés à acheter des terrains, à bâtir des installations, afin de combler cette pénurie?

La disparition des chasseurs signifierait le démantèlement de nos programmes efficaces de gestion de la faune. Les chasseurs contribuent, par les permis de chasse et les projets de clubs, aux programmes de conservation de l'habitat. Le programme Wilderness Watch, initiative de notre organisation visant à empêcher le braconnage et à aider les agents de conservation, serait sérieusement menacé si nos membres n'étaient pas sur le terrain.

Les utilisateurs des armes à feu, c'est aussi le grand public. Sans l'appui du public, la police ne peut pas faire son travail. La législation sur le contrôle des armes à feu de ces dernières années a érigé un mur entre les utilisateurs des armes à feu et la police. On a semé la méfiance et celle-ci ne cesse de croître. Nous sommes témoins du début de la fin de l'appui à la police de la part des propriétaires d'armes à feu. Les commis de bureau et les agents de police qui sont sur le terrain en font le constat chaque jour quand ils ont affaire à des propriétaires d'armes à feu et à l'actuel système d'enregistrement. Les membres de clubs, dans certains cas, ne veulent pas louer des installations aux agences d'application de la loi parce que la GRC, les chefs de police et les associations de police ont tous appuyé le projet de loi C-68.

Les initiatives de contrôle des armes à feu des projets de loi C-17 et C-68 ne sont pas entérinées par la masse des gens qui possèdent des armes à feu. Les deux lois sont actuellement contestées devant les tribunaux. Comment ces initiatives pourraient-elles donner des résultats quand les provinces et les gens qui sont directement concernés n'acceptent pas de participer?

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'étudier attentivement l'analyse du ministère de la Justice sur l'impact réglementaire. Nous ne sommes pas d'accord avec ceux qui prétendent que ces règlements ont un impact très limité sur les particuliers et les entreprises. Nous considérons que le ministère de la Justice a une fois de plus sous-estimé l'impact du projet de loi C-68 et de ces règlements. Il est temps de faire une pause et de réfléchir aux véritables avantages et aux véritables coûts du projet de loi C-68 et de ces règlements. Permettront-ils de sauver, ne serait-ce qu'une vie humaine? Oui. Serait-il possible de sauver d'autres vies humaines en réduisant la charge administrative que ces dispositions représentent pour la police et l'administration? Oui, mais pas avec ce projet de règlement.

Je vais maintenant demander à Mme Thom de dire quelques mots.

Mme Thom: Lorsque M. Rock a déposé ce projet de loi, il a promis aux tireurs sportifs et aux chasseurs que cela n'aurait aucun impact sur leur sport respectif. Or, nous avons déjà constaté un impact considérable. Les clubs ont vu le nombre de leurs membres tomber en flèche; les associations de chasseurs également ont perdu des membres. Ce qui est encore pire, c'est que des emplois ont disparu à cause de ce projet de loi. Une fois de plus, une promesse n'a pas été tenue. Apparemment, les législateurs ne se sont pas rendu compte de l'impact de ce projet de loi et de ces règlements. Dans les deux cas, ils sont mal compris et mal administrés. La résistance est considérable puisque le nombre des membres de tous ces regroupements ne cesse de diminuer.

J'aimerais revenir à ce que M. Paddon a dit dans sa déclaration d'ouverture. Ce sont des choses auxquelles on assiste en ce moment. Cela ne fait aucun doute. Des emplois ont disparu et des industries entières ont été touchées par ce changement. Il ne s'agit pas uniquement de la propriété des armes à feu.

La loi semble partir du principe que l'enregistrement améliorera la sécurité du public. En réalité, ce n'est pas le cas. Cela pourrait même être le contraire. Si l'enregistrement permettait d'améliorer la sécurité, nos routes et nos autoroutes seraient les endroits les plus sécuritaires au Canada puisque tous les véhicules sont enregistrés. Or, ce gouvernement n'a jamais réussi à fournir la moindre preuve que l'enregistrement permettait de sauver des vies. Ce n'est pas le cas. Par contre, cela signifie une administration très lourde, des dépenses très considérables, non seulement pour les propriétaires d'armes à feu, mais également pour les contribuables. À mon avis, les contribuables ne se rendent pas compte qu'ils vont devoir payer très cher pour un système qui ne donnera pas les résultats dont on leur a parlé.

Toutefois, les propriétaires d'armes à feu, les propriétaires raisonnables, savent ce qu'il faut faire pour épargner des vies humaines, ils savent que cela passe par l'éducation et l'application de lois raisonnables. Depuis des décennies, nous avons prouvé qu'en éduquant les gens, en observant certaines pratiques pour le maniement, le transport et l'entreposage des armes à feu, il était possible de sauver des vies humaines. Vous n'avez qu'à voir les statistiques sur la sécurité de la chasse dans toutes nos provinces. Elles sont admirables.

La même chose est vraie pour les cours élaborés par les clubs, des cours qui sont donnés aux membres de ces clubs. Je dois vous dire qu'en dépit des efforts de tous ceux qui s'opposent à la propriété des armes à feu, ce sont les propriétaires d'armes à feu et les chasseurs du Canada qui ont mis au point ces programmes de sécurité, et qui, ce faisant, ont permis d'épargner des vies humaines et également d'aider la police et les agents de conservation à appliquer la loi. Malheureusement, cette nouvelle loi va enlever à beaucoup de Canadiens ordinaires le respect qu'ils ont pour ceux qui sont chargés d'appliquer la loi. En même temps, cela va créer beaucoup d'appréhension. Jusqu'à maintenant, nous avons travaillé en étroite collaboration avec la police. Nous nous entendions. Aujourd'hui, tout cela s'effondre, disparaît.

On peut comparer cela à la prolifération excessive des panneaux de stop dans nos localités. Personne ne voudrait qu'on les supprime tous. De même, aucun propriétaire responsable d'arme à feu ne voudrait d'une absence totale de contrôle. Ce serait ridicule. Toute notre vie, nous avons pratiqué le contrôle des armes à feu. Toutefois, plus il y a de panneaux de stop, plus on a tendance à les ignorer. De nos jours, les gens ne s'arrêtent plus, et ils brûlent même les feux rouges. Un climat comparable va s'installer avec cette loi qui ne s'attaque pas au problème et qui est accompagnée de règlements difficiles, vagues et impossibles à interpréter, des règlements qui portent constamment à demander une interprétation à des tribunaux déjà surchargés. C'est vraiment ridicule.

Je tiens à vous remercier de nous avoir invités aujourd'hui, et en même temps, je m'associe aux observations de la B.C. Wildlife Federation.

M. Paddon: J'ajoute que ce mémoire a été communiqué à la Historical Arms Collectors Society de Colombie-Britannique et à la Vancouver Arms Collectors Society, qui s'associent également à ces observations.

Le sénateur Gigantès: Merci pour votre exposé. D'autres témoins nous ont cité des statistiques qui tendent à prouver que plus il y a d'armes à feu dans une région, plus il y a d'incidents de violence familiale mettant en cause des armes à feu. Les statistiques semblent le confirmer, nous les avons vérifiées. C'est un aspect qui nous préoccupe.

Je suis prêt à reconnaître que les chasseurs et les gens dont vous parlez ne tiennent pas à encourager les violences familiales qui aboutissent à des homicides mettant en cause des armes à feu. Toutefois, il n'en reste pas moins que ce genre d'incident se produit là où il y a beaucoup d'armes à feu, ce qui pourrait nous conduire à une conclusion qui vous semble superficielle, le fait que ce serait probablement une bonne idée de décourager les gens de posséder des armes à feu.

J'ai vu des affaires dont l'horreur ne m'a jamais quitté. Dans les années 60, le rédacteur d'un des plus grands journaux canadiens avait un fils tout à fait extraordinaire, c'était le meilleur étudiant, le meilleur athlète. Il était beau garçon, les filles lui couraient après. Un jour, il se trouvait au chalet de ses parents, il a pris le fusil de chasse à double canons de son père et il s'est fait sauter la cervelle. D'après certaines études, lorsqu'une arme à feu est disponible, c'est le moyen qu'on choisit de préférence à un autre pour se suicider, et c'est irréversible. Par contre, quand les gens avalent des pilules, c'est souvent réversible.

J'aimerais entendre ce que vous pensez de tout cela, et en même temps, vous avez dit que ces règlements faisaient peur aux propriétaires d'armes à feu. Je trouve cela particulièrement bizarre.

M. Paddon: Je vais commencer par vous répondre au sujet de la disponibilité des armes à feu et de la violence familiale. Je pense à une situation particulière qui s'est produite dans ma ville, à Abbotsford, en Colombie-Britannique. Évidemment, les séparations en cas de divorce ne sont jamais particulièrement amicales, ou en tout cas, c'est plutôt rare. Dans le cas auquel je pense, le mari s'en prenait sans cesse à sa femme. Il l'importunait, il persistait. Un jour, il est arrivé avec un fusil de chasse. Ils se sont mis à rouler dans toute la ville, elle conduisait et il la menaçait de son fusil. Il l'a forcée à rouler vers les collines et il avait l'intention de la tuer avant de se suicider. Toutefois, avant de pouvoir le faire, il s'est effondré, il ne pouvait pas. Heureusement, la femme s'est sauvée. La police a intervenu, a confisqué les armes à feu -- jusque-là, très bien. On lui a enlevé son AAAF, très bien aussi. On l'a mis en prison. Quand on l'a libéré, on ne l'a pas forcé à suivre un programme de réhabilitation pour la toxicomanie ou l'alcoolisme. Il avait déclaré qu'il était toxicomane et alcoolique. Deux mois plus tard, il a poignardé sa femme de huit coups de couteau. C'était un acte de violence familiale. La femme a survécu à ses huit blessures, ce qui est étonnant, car elle avait été poignardée avec beaucoup de violence. Le système n'avait pas réussi à prévenir cette violence familiale.

Vous pouvez considérer l'outil et dire: «Si nous supprimons l'outil, nous allons éliminer la violence familiale». Or, c'est la cause de la violence familiale qu'il faut considérer, c'est cela qu'il faut résoudre. On obtient souvent des ordonnances d'interdiction de communiquer, mais elles ne sont pas observées, et la violence familiale continue.

Mme Thom: En ce qui concerne les plaintes de violence familiale lorsqu'il y a des armes à feu dans un foyer, il y a quelques années, une étude a été publiée sur la violence contre les femmes au Canada. Je sais que vous en avez tous eu un exemplaire. Dans cette étude, les cas de femmes qui étaient inquiètes de la présence d'armes dans leur maison, de femmes qui avaient peur ou qui se sentaient menacées à cause de cela, étaient très rares. Ce qui est étonnant, c'est que lorsque la loi sur les armes à feu a été présentée, on a demandé l'opinion de certaines femmes, et tout d'un coup, elles se sont mises à dire qu'effectivement, elles avaient «peur parce qu'il possédait des armes». Ce genre de chose est suspect parce qu'il n'en était absolument pas question dans ce premier rapport qui n'est pas si vieux.

D'autre part, il faut tenir compte des circonstances économiques. Vous dites qu'il semble y avoir un rapport entre la présence d'armes et la violence. Mais que faites-vous des circonstances économiques et du milieu dans lequel vivent ces gens-là? Autrement dit, que faites-vous des causes profondes de la violence, à la fois violence familiale et violence dans la société en général? Si vous considérez les statistiques générales sur une certaine période, vous verrez que le nombre de suicides et de cas de violence familiale, quelle qu'en soit la cause, quel que soit l'outil utilisé, a un rapport très net avec le cycle des affaires et le cycle économique.

Tout comme vous, j'ai entendu que les suicides par d'autres moyens étaient réversibles, mais ils ne le sont pas tant que cela. D'un autre côté, les gens ont survécu à un suicide avec une arme à feu. Toutefois, si vous allez un peu plus en profondeur, si vous cherchez à analyser les motifs des gens, les méthodes qu'ils choisissent, lorsqu'ils choisissent une arme à feu, c'est parce que c'est définitif. Lorsqu'ils choisissent de sauter d'un pont ou d'un immeuble, c'est définitif aussi. Ils veulent mourir. C'est très triste, et je suis loin d'approuver, mais ce sont des moyens qu'ils choisissent quand ils veulent mettre fin à leur vie. Il y a également un rapport avec le sexe. Le plus souvent, les gens qui font appel à des méthodes violentes sont des hommes et non pas des femmes.

Lorsque je faisais partie du comité des armes à feu chargé de conseiller le ministre de la Justice du précédent gouvernement, j'ai appris que la très grande majorité des décès par armes à feu sont des suicides. J'ai appris que 75 à 80 p. 100 des décès par arme à feu sont des suicides. Je m'étais dit: «Voilà une occasion rêvée de sauver des vies humaines, considérons cela de près, adoptons des lois et des règlements qui nous permettront de réduire au minimum le nombre des décès dus à la violence familiale, à des accidents ou à des suicides».

Nous avions avec nous beaucoup d'experts; il y avait parmi eux des psychologues, des psychiatres, des épidémiologistes, dont certains, je crois, ont comparu également devant votre comité. Plus nous approfondissions la question, plus nous nous rendions compte que les gens qui veulent vraiment en finir, veulent vraiment en finir. Si on leur enlève les armes à feu, ils choisiront tous d'autres moyens. C'est très triste.

Le projet de loi précédent, le projet de loi C-17, contenait de nombreuses mesures bien précises pour régler ces problèmes que vous signalez. Malheureusement, ce projet de loi-là n'a jamais abouti. Encore aujourd'hui, nous ne savons pas si le ministre de la Justice a l'intention de faire des études approfondies pour déterminer les effets de cette loi. Maintenant, nous ne connaîtrons jamais les effets du projet de loi C-17 parce qu'une autre loi nous arrive qui va l'étouffer complètement.

Si les propriétaires d'armes à feu ont peur de ce projet de loi, c'est que par le passé ils ont vu des cas où les gens étaient harcelés, des circonstances où les démarches étaient prolongées inutilement. On leur a opposé des obstacles, on leur a mis des bâtons dans les roues. Certains ont mal interprété la réglementation, ou du moins en ont limité l'interprétation. Je vous parle du passé. Les gens se souviennent, ils savent ce qui s'est produit.

En même temps, ils voient une chose qui m'effraie moi-même lorsqu'ils regardent la société canadienne actuelle. Indépendamment de l'application des règles concernant les armes à feu, la police peut se présenter à la porte de votre maison, juste avant l'aube, ils sont habillés de noir ou de couleurs sombres, ils ne présentent pas d'identification et ils pénètrent dans votre maison. C'est tout à fait effrayant. Dans tout le pays, il y a des gens qui citent de tels incidents. Cela les terrorise, et cela me terrorise aussi. Je vous assure. Je ne veux pas me réveiller au milieu de la nuit pour voir une bande de policiers -- si toutefois ce sont vraiment des policiers -- qui donnent suite à la plainte d'un voisin, qui se précipite dans ma maison sous prétexte que d'après leur registre, je possède une arme à feu. Effectivement, cela me fait peur.

M. Paddon: J'aimerais ajouter un exemple: Douanes Canada avait obtenu un mandat pour perquisitionner dans les locaux d'une compagnie appelée Marstar. Lorsque les agents se sont présentés pour chercher certains documents, au lieu de frapper à la porte et d'entrer dans les locaux de l'entreprise, ils se sont fait accompagner d'une équipe de choc de la police provinciale de l'Ontario et d'un hélicoptère. Circonstances heureuses, lorsqu'ils s'étaient arrêtés au détachement local de la Police provinciale, le sergent leur avait dit: «Pourquoi ne frappons-nous pas simplement à la porte, John nous fera entrer?» Au départ, ils avaient l'intention de prendre l'immeuble d'assaut.

Mme Thom: Ils avaient un bélier. Ils allaient enfoncer la porte.

M. Paddon: Cela va se produire et cela se produit. Lorsqu'on entend des histoires au sujet de ce genre d'abus de pouvoir, cela nous fait trembler devant ce que l'avenir nous réserve.

Le sénateur Gigantès: Si vous avez respecté tous les règlements et si les armes que vous avez chez vous sont bien entreposées et inopérables, si vous avez fait tout cela, qu'est-ce que vous avez à craindre?

Mme Thom: Vous devez craindre exactement ce que je vous ai décrit. Je vais vous donner un autre exemple: un septuagénaire de Mississauga collectionne les armes à feu. Il s'est brouillé avec sa voisine au sujet de l'emplacement d'une clôture, je crois, bien que je ne sois pas certains des détails. C'était une petite chicane de voisins. Sa voisine a porté plainte à la police en disant qu'il l'avait menacée de mort. L'équipe d'armes spéciales et tactiques est arrivée. Ils ont fait sortir cet homme de chez lui et l'ont fait étendre sur le sol. Je ne sais pas si vous avez déjà vu ces équipes au travail, mais on dirige une arme très puissante sur vous pendant que vous êtes étendu sur le sol. La police est entrée et a apporté toutes ses armes à feu. Plus tard, sa voisine après avoir réfléchi a décidé d'avouer à la police que sa plainte n'était pas fondée, que cet homme ne l'avait pas menacée de mort. Aux dernières nouvelles, on n'avait toujours pas rendu à cet homme ses armes à feu. Je crois comprendre également qu'aucune plainte n'a été déposée quant à la façon dont ses armes à feu étaient entreposées.

Le problème, c'est que n'importe qui peut déposer une plainte, qu'elle soit justifiée ou non. Que mes armes à feu soient bien entreposées ou non, monsieur le sénateur, ça n'empêche pas une équipe d'armes spéciales et tactiques d'entrer chez moi, à mon domicile ou au travail. C'est une expérience extrêmement traumatisante.

Le sénateur Gigantès: Vous pouvez en fait les poursuivre s'ils font une telle chose sans que ce soit justifié. Je ne bois pas. La police m'a déjà arrêté en voiture dans le temps des Fêtes. On m'a demandé de descendre de ma voiture. Il y a eu des campagnes de lutte contre l'alcool au volant au Québec. Ils m'ont vérifié et m'ont laissé repartir. Devrais-je dire que parce qu'ils ont vérifié quelqu'un qui était tout à fait innocent, comme moi, que c'est une mauvaise chose que de vérifier s'il y a des gens qui pourraient être coupables?

Mme Thom: Je n'ai certainement aucune objection à ce genre de campagne. On m'a moi-même déjà arrêtée pour ce genre de vérification. Cependant, il y a une grande différence entre se faire arrêter pour ce genre de chose et recevoir une visite d'une équipe de choc à l'aurore. Je dirais même que cela pourrait causer des problèmes de santé. Vous pourriez avoir une attaque ou faire une crise cardiaque. Cela n'est pas plaisant. Oui, vous pouvez les poursuivre devant les tribunaux par la suite, mais nos tribunaux sont déjà suffisamment congestionnés. Quelle satisfaction pouvez-vous retirer de traîner une telle affaire devant les tribunaux lorsque vous avez été secoué de cette façon? Vous pouvez bien sûr porter plainte, mais ce genre de chose ne devrait pas se produire au départ.

Le sénateur Gigantès: Vous avez la satisfaction de retrouver ce qui vous appartient et de voir que ces gens se font taper sur les doigts pour avoir fait quelque chose qui n'était pas justifié. Il n'est pas possible d'éviter une telle situation.

Mme Thom: Oui, cela est possible. Dans l'ancienne loi, il y avait effectivement une disposition prévoyant que la police devait communiquer avec les propriétaires d'armes à feu pour s'assurer que leurs armes à feu étaient bien entreposées. Je n'ai aucune objection à ce genre de chose lorsqu'on spécifie qu'il faut prendre rendez-vous avez la personne. Il ne s'agit pas d'une visite par une équipe d'armes spéciales et tactiques. Il faut communiquer avec la personne pour prendre rendez-vous.

Je pense que c'est une approche positive. Cependant, ce n'est pas ce qui se passe. M. Paddon peut vous en parler lui aussi.

Le sénateur Gigantès: Voulez-vous dire qu'il y a eu des visites d'équipes d'armes spéciales et tactiques alors que les anciens règlements étaient en vigueur?

Mme Thom: Non, monsieur.

Le sénateur Gigantès: Les nouveaux règlements ne sont pas encore en vigueur.

Mme Thom: Mais il y a eu des visites de l'équipe d'armes spéciales et tactiques.

Le sénateur Gigantès: Alors que les anciens règlements étaient en vigueur?

Mme Thom: En vertu de la loi actuelle. Pourquoi utiliser un marteau à air comprimé si on n'en a pas besoin? Les cas dont j'ai parlé montrent qu'il n'est pas nécessaire d'intervenir avec ce genre de force. Partout au Canada, nous avons l'habitude d'une intervention beaucoup plus bénigne et raisonnable lorsque les policiers se présentent chez vous. On n'envoyait jamais des équipes d'armes spéciales et tactiques. Si nous acceptons cette façon de faire au Canada, alors le Canada deviendra un pays très différent de celui dans lequel nous vivons.

Le sénateur Gigantès: Vous ne comprenez pas ce que je veux dire.

La présidente: Sénateur Gigantès, il y a un certain nombre de sénateurs qui voudraient poser des questions. Encore une fois, je souligne que nous devons nous tenir aux règlements. Le projet de loi C-68 est une mesure législative. Vous avez proposé 31 recommandations en vue de modifier ces projets de règlements. Si c'est possible, j'aimerais que nous nous en tenions aux changements que vous avez recommandés.

M. Paddon: Nous sommes prêts à répondre à vos questions à ce sujet.

La présidente: Dans votre première recommandation, par exemple, vous dites qu'un seul permis de possession ou permis de possession et d'acquisition devrait suffire. En fait, c'est ce que dit le règlement.

Dans votre deuxième recommandation, vous dites que le conjoint devrait pouvoir être nommé comme référence. Je ne suis pas d'accord avec cela. Franchement, lorsque le conjoint a été nommé comme référence et a été menacé -- ce qui est, si on veut être honnête, plutôt l'exception que la norme -- ce conjoint ou cette conjointe se retrouve alors dans une situation très dangereuse. Il ou elle peut être menacé par l'arme même que nous voulons tenter d'éviter.

Dans votre troisième recommandation, vous dites que le préposé aux armes à feu ou la personne nommée dans la demande devrait pouvoir confirmer que la photographie identifie le demandeur de façon précise. C'est déjà dans le règlement. Le règlement dit que la référence doit être signée par une personne qui connaît le requérant depuis au moins trois ans et que son nom doit être inscrit de façon lisible sur la demande, confirmant que la photographie identifie le requérant.

M. Paddon: Si vous lisez notre mémoire, monsieur le sénateur, vous verrez que nous avons indiqué qu'à l'heure actuelle c'est le préposé aux armes à feu qui donne la référence. Nous croyons que le préposé aux armes à feu devrait être autorisé à faire cela également. Si j'utilise comme référence quelqu'un qui est à l'extérieur de la ville ou de la province et que je n'ai pas vu depuis deux ans, alors je dois lui envoyer une nouvelle photographie et lui dire: «Au fait, j'ai changé la couleur de mes cheveux», ou elle doit me voir en personne. Nous disons que ces deux méthodes peuvent fonctionner. On peut permettre à la personne dont le nom a été donné en référence ou au préposé aux armes à feu de le faire. Nous voulons que le policier puisse le faire. Aux termes de ce projet de règlement, le préposé n'a pas cette possibilité. C'est la personne dont le nom a été donné en référence qui doit faire ce travail.

Pour ce qui est de notre deuxième recommandation, il y a confusion entre l'alinéa 3(1)c) et le paragraphe 4(2) du règlement. L'alinéa 3(1)c) dit qu'un conjoint ne peut pas signer l'attestation tandis que le paragraphe 4(2) dit que si le conjoint signe l'attestation, il n'est pas nécessaire de donner un avis. Nous voulons savoir si le conjoint peut ou non servir de référence? Nous croyons que le conjoint devrait avoir cette possibilité, s'il le souhaite.

Pour ce qui est de la question du permis de possession ou permis de possession et d'acquisition, d'après le tableau des frais, il y a trois permis de possession et d'acquisition distincts. Nous nous demandons si le fait d'être propriétaire d'une arme prohibée donne automatiquement droit à un permis d'arme à autorisation restreinte et d'arme à autorisation non restreinte. Après une première lecture du projet de loi, nous nous sommes posé des questions à ce sujet. Depuis, nous avons parlé à des représentants du ministère de la Justice et ils nous ont dit: «Si vous obtenez un permis de possession et d'acquisition pour une arme prohibée, vous vous qualifierez automatiquement pour une arme à autorisation restreinte ou non restreinte». Ce n'est pas ce que nous comprenons lorsque nous lisons ce règlement. Nous comprenons qu'il y a trois permis et trois montants à payer. Je dis qu'avec une AAAF qui me coûte 50 $, je pourrais tous les acheter. Or, j'ai besoin de trois permis qui me coûteront 220 $. L'intention et l'application portent à confusion étant donné la façon dont le règlement est rédigé. C'est pourquoi nous avons présenté cette recommandation.

La présidente: En ce qui a trait au conjoint, il s'agit de l'avis. Le conjoint ne peut donner une attestation.

M. Paddon: Permettez-moi de vérifier le règlement ici.

La présidente: Si vous voulez faire des recommandations au ministre de la Justice, elles doivent être claires.

Le sénateur Pearson: J'ai une question précise au sujet de la validité des permis individuels au Canada. C'est le genre de question que les gens soulèvent relativement à l'immatriculation des véhicules. Quiconque connaît les problèmes que l'on rencontre lorsqu'on déménage de l'Ontario au Québec sait qu'il faut obtenir un nouveau certificat d'immatriculation lorsqu'on déménage dans une autre province.

M. Paddon: J'aimerais souligner que le Code criminel stipule qu'une AAAF est valable partout au Canada. C'est ce que dit la loi actuelle. Nous voulons nous assurer que cela sera toujours le cas.

Je vis en Colombie-Britannique, mais je voyage en Ontario et en Saskatchewan. Lorsque je suis dans ces provinces, je vais à des expositions d'armes à feu et je visite des commerces qui vendent des armes à feu. J'aimerais acheter une arme à feu, mais avec un permis de la Colombie-Britannique, serais-je autorisé à en acheter une en Ontario? Cela n'est pas clair. Il s'agit ici d'une mesure législative fédérale. Elle devrait s'appliquer dans tout le pays. Les permis de conduire sont admis par les provinces en vertu de la Loi sur les véhicules automobiles. On peut utiliser son permis pendant 30 à 60 jours après être devenu résident d'une autre province. Nous disons que cela manque de clarté.

J'aimerais revenir à ce que disait le président. Le paragraphe 4(2) du Règlement sur la délivrance des permis d'armes à feu dit:

Le contrôleur des armes à feu peut délivrer un permis sans aviser un conjoint visé à l'alinéa... qui a signé la demande.

La présidente: Le conjoint n'a pas signé l'attestation ici. Cela veut dire qu'il a reçu avis que son ou sa conjointe avait présenté une demande. Il s'agit d'un article tout à fait différent.

M. Paddon: Je voudrais avoir un petit éclaircissement: lorsqu'on parle de la personne qui a signé la demande, est-ce qu'on parle du requérant ou de la personne qui donne son attestation? Ce n'était pas clair pour nous lorsque nous avons lu le règlement. C'est pour cette raison que nous vous posons la question.

La présidente: Le conjoint a signé la demande en disant qu'il sait que son ou sa conjointe a présenté une demande de permis de possession ou d'une AAAF. Le conjoint n'est pas la personne qui donne l'attestation.

M. Paddon: Nous disons que le ou la conjointe devrait avoir la possibilité de donner une attestation. Nous ne voyons aucun problème. Je vais vous raconter quelque chose qui m'est arrivé. Lorsque j'ai présenté ma dernière demande d'AAAF, ma femme ne l'a pas signée. Le service de police m'a dit: «Votre femme ne l'a pas signée. Elle doit donner son attestation». J'ai répondu: «Elle n'est pas obligée de donner son attestation. C'est son choix». Ils m'ont ensuite répondu: «Pourquoi n'a-t-elle pas donné son attestation?» J'ai répondu: «C'était qu'elle déteste le gouvernement et la bureaucratie et encore plus la paperasse. Elle ne veut pas être mêlée à ce processus. C'était son choix.» Ils m'ont alors répondu: «Nous allons lui téléphoner». J'ai dit: «Allez-y. Je suis instructeur en maniement d'armes à feu. J'ai plus de 100 armes à feu chez moi. Je pense que ma femme est au courant que j'ai des armes à feu et elle m'appuie.»

Il s'agit ici d'une question de choix. À l'heure actuelle, selon la procédure en vigueur pour obtenir une AAAF, bon nombre de personnes âgées ont de la difficulté à obtenir une attestation parce que tous les gens qu'ils connaissent sont en train de mourir. C'est la même chose pour les jeunes. Ils doivent demander à leur conjoint ou à leur conjointe de donner leur attestation parce qu'ils connaissent très peu de gens dans leur collectivité. C'est pourquoi cette option devrait être maintenue pour ces personnes.

Le sénateur Gigantès: Devrait-il y avoir une limite d'âge ou une limite relative à la santé pour être propriétaire d'une arme à feu?

M. Paddon: Quel rapport cela a-t-il avec la question de la signature du conjoint ou de la conjointe?

Le sénateur Gigantès: Je ne suis pas sûr qu'une personne âgée vivant complètement seule devrait avoir une arme à feu. Moi-même, j'ai cessé de conduire le jour où je me suis réveillé derrière mon volant. Je me suis dit: «Ça y est; je ne conduirai plus jamais car je risque de heurter un bon libéral fédéraliste -- autre que moi-même, bien sûr.» J'ai donc cessé de conduire.

La présidente: Sénateur Pearson, vous votre gouverne, voici ce que dit le paragraphe 63(1) de la loi:

Sous réserve du paragraphe (2), les permis, les certificats d'enregistrement, les autorisations de transport, d'exportation ou d'importation sont valides partout au Canada.

M. Paddon: De quel article s'agit-il? De l'article 63?

La présidente: Oui, du paragraphe 63(1).

Le sénateur Beaudoin: Je crois savoir que vous étiez satisfaits de l'ancienne loi et que vous ne l'êtes pas de la loi actuelle. Par conséquent, vous n'êtes pas non plus satisfaits des règlements qui en découlent. Il faut comprendre évidemment que ces règlements correspondent à la loi qui a été adoptée. Dans le cas qui nous occupe, il devient donc difficile de débattre de ces règlements. Si vous ne souscrivez pas à la loi actuelle, c'est donc que vous souscriviez sans réserve à la loi précédente et que vous ne jugez pas important de modifier la loi précédente. Dans ce cas, à quoi cela servirait-il de discuter des règlements proposés? Ceux-ci, je vous le rappelle, correspondent à la nouvelle loi qui vient d'être adoptée par le Parlement.

Est-il vrai que vous souscriviez à l'ancienne loi et que vous ne voyez aucunement l'utilité d'en avoir une nouvelle ni d'avoir ce nouveau règlement?

M. Paddon: La B.C. Wildlife Federation ne souscrit pas entièrement au projet de loi C-17. Certaines dispositions du projet de loi ne nous convenaient aucunement, mais elles ont été reproduites dans les règlements, et je pense notamment aux règlements sur l'entreposage. Ils sont alambiqués et difficiles à comprendre par les utilisateurs d'armes à feu. Voilà pourquoi nous disons approuver les principes sous-tendant les règlements sur l'entreposage dans le projet de loi C-17, mais les modalités d'application laissent à désirer. Au fond, on les a simplement reconduites.

En tant qu'instructeur pour le maniement d'armes à feu, j'ai constaté que ceux qui ont étudié en vue de passer les examens se trompent souvent dans l'application des règlements sur l'entreposage entre les armes à utilisation restreinte et les armes sans restrictions. Il y a des gens qui ne savent même pas qu'il existe des règles en matière d'entreposage. Nous, nous prétendons que ces règles devraient être simplifiées. Il suffirait que l'arme à feu soit déchargée et rendue inutilisable. Les tribunaux ont beau affirmer que les méthodes à suivre sont les méthodes stipulées dans les règlements, il faudrait savoir aussi que d'autres méthodes peuvent être raisonnables et prudentes. Autrement dit, si certaines méthodes non prescrites donnent néanmoins des résultats, il ne faudrait pas porter des accusations contre quelqu'un du simple fait qu'il n'aurait pas suivi les méthodes prescrites. Il est aisé, par exemple, de faire glisser le mécanisme d'une arme de poing semi-automatique ou d'en retirer le canon. Dans la mesure où le canon est entreposé ailleurs que le reste de l'arme dans la maison, l'arme est rendue inutilisable. Pourtant, d'après les règlements, vous auriez enfreint la loi si c'est ce que vous aviez fait, car vous n'auriez pas utilisé les méthodes prescrites. Nous disons, pour notre part, que si l'arme est déchargée et rendue inutilisable, cela suffirait; à vous de suggérer des façons d'y parvenir, tel que retirer le verrou, la glissière et le canon. Autrement dit, c'est une façon de traiter toutes les armes à feu de la même façon.

Un des membres de l'association a vu sa maison cambriolée. Lorsqu'elle est venue chez lui, la police lui a demandé s'il avait un dispositif sûr de verrouillage sur son arme à feu. Le propriétaire a répondu que sa carabine était équipée d'un verrou de sécurité et a tendu la clé au policier. Celui-ci lui a alors expliqué qu'il devait porter contre lui des accusations pour avoir enfreint les règlements sur l'entreposage, puisque la carabine n'était pas entreposée dans un contenant verrouillé. Le prévenu a rétorqué fermement au policier en expliquant à ce dernier qu'il vaudrait mieux qu'il recommunique avec le procureur de la Couronne, puisqu'il s'agissait d'une arme à feu sans restrictions qui ne devait pas nécessairement être entreposée dans un contenant verrouillé. C'est l'agent de police qui ne connaissait pas les lois sur l'entreposage. Je connais des policiers qui sont venus passer l'examen et qui ont bloqué sur les questions traitant de l'entreposage, c'est-à-dire les règlements qu'ils sont justement censés faire respecter. Ces règlements sont alambiqués, ils sont difficiles à comprendre et l'on a omis de les expliquer à la population.

Je vous ai fait distribuer une brochure qui s'intitule «Gun Safety for Children». On essaie d'y faire comprendre à un enfant qu'il ne doit jamais toucher à une arme à feu tant que l'un de ses parents ne lui aura pas dit qu'il peut le faire en toute sécurité. Que doit-il faire s'il trouve une arme à feu? On lui dit de faire exactement la même chose que s'il trouvait une aiguille sur le terrain de jeu, c'est-à-dire de ne pas y toucher, de quitter le terrain de jeu et d'aller avertir un adulte. La dernière page de la brochure contient un message qui s'adresse aux parents.

Les lois sur l'entreposage existent déjà. La semaine dernière, j'ai organisé une exposition sur la sécurité des armes à feu à l'école de ma fille. Certains parents m'ont demandé s'il existait des lois sur l'entreposage. Lorsque je leur demandais quel type d'arme ils possédaient, s'il s'agissait d'une arme à feu à autorisation restreinte ou pas, ils me répondaient qu'ils n'en savaient rien. J'étais obligé de leur expliquer quelles étaient les catégories inscrites dans la loi. Une fois l'explication donnée, je leur demandais de me dire quelles étaient les armes à feu sans restrictions, et ils me répondaient: «les carabines et les fusils». J'étais obligé de les reprendre et de leur expliquer que les carabines pouvaient être soit l'une soit l'autre. Lorsque je leur demandais s'ils connaissaient le décret et s'ils savaient que leur arme était une arme à autorisation restreinte, ils me répondaient qu'ils n'en savaient rien. Ces dispositions sont écrites de façon à semer la confusion dans le milieu des armes à feu et dans la population. Elles devraient être simplifiées.

Le sénateur Beaudoin: D'autres témoins ce matin nous ont parlé de la sécurité dans l'entreposage, et vos propres recommandations, les recommandations 18 et 19, portent sur l'entreposage, l'étalage, et cetera. Mais vous ne suggérez rien de précis, et vous ne faites qu'énoncer les principes généraux.

Nous sommes saisis ici de règlements découlant d'une loi. Les règlements doivent être précis et correspondre au cadre de la loi. Si vous voulez nous faire des recommandations au sujet de la sécurité dans l'entreposage, vous devez nous proposer une recommandation qui porte spécifiquement sur la sécurité relative à l'entreposage. D'après ce que je vois, vous en avez plutôt contre la question d'un point de vue philosophique, et ce ne sont pas tant les règlements qui vous embêtent. Pouvez-vous nous suggérer quelque chose de précis en matière de sécurité de l'entreposage?

M. Paddon: Vous nous demandez des méthodes précises. Les armes à feu ne sont pas toutes identiques les unes aux autres et fonctionnent différemment les unes des autres. Il existe 106 variantes dans les armes à feu, et il est impossible de prescrire dans les règlements 106 méthodes d'entreposage. Vous pourriez suggérer de retirer le verrou ou la glissière, ou d'installer un dispositif de verrouillage sûr, ou même obliger le propriétaire à laisser son arme dans un contenant verrouillé; ou vous pourriez suggérer toute autre méthode qui permettrait de décharger l'arme à feu et de la rendre inutilisable. En cinquième option, vous pourriez faire un énoncé d'ordre général.

Si quelqu'un vous disait qu'il avait retiré le canon de son arme de poing, vous pourriez rétorquer que cette méthode n'est pas prescrite dans les règlements, alors qu'il pourrait vous répliquer que cette façon de faire rend l'arme à feu inutilisable, car elle est déchargée. Vous pourriez ajouter au règlement un énoncé général qui s'appliquerait à toutes les options.

Mme Thom: La B.C. Wildlife Federation fait exactement ce que vous avez demandé: elle s'est penchée sur les règlements et a demandé des précisions, en plus de faire des recommandations. Lorsque j'ai demandé comment je devais libeller les recommandations -- dans le cas d'un autre mémoire --, on m'a répondu de ne pas essayer d'être trop précis dans le libellé mais plutôt de laisser tout cela entre les mains des rédacteurs législatifs du ministère de la Justice. On m'a plutôt suggéré d'être aussi claire que possible dans mes objections et mes recommandations. Or, c'est ce que fait notre mémoire.

Le sénateur Beaudoin: Peut-être bien, mais à première vue, tout cela me semble assez général. Vous savez, on ne peut pas faire dire absolument tout à une loi. La loi donne au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements en vue de mettre en vigueur la loi. Dans la pratique, les règlements pourraient être beaucoup plus précis que la loi. La loi énonce des principes de droit, alors que les règlements vont au coeur de la question et servent à mettre en pratique les principes. Si c'est ce que vous recherchez, vous trouverez tout cela dans les règlements; toutefois, vos recommandations ne me semblent pas suffisamment précises.

M. Paddon: Monsieur le sénateur, c'est pourtant ce que nous avons fait. Nous vous disons que vous pourriez prôner les méthodes A, B, puis C, tout en expliquant comme quatrième méthode, que l'utilisateur pourrait faire tout autre chose qui rendrait inutilisable l'arme à feu. Vous n'auriez qu'à proposer trois ou quatre méthodes spécifiques, chapeautées d'un énoncé général qui aiderait à comprendre le principe.

Le sénateur Beaudoin: Si vous faites l'objet de poursuite et que, dans le cadre de votre défense, vous invoquez le manque de précision de la loi, vous gagnerez votre cause. Nous devons être précis. Si une chose est interdite, il faut que ce soit dit aussi clairement que possible. Si la disposition n'est pas claire, les tribunaux interpréteront la loi ou les règlements qui en découlent.

Nous devons adopter les meilleures lois possible. La meilleure loi possible, c'est une loi qui énonce clairement les principes et dont les règlements d'application sont libellés clairement. Que nous approuvions ou non les règlements, si nous souhaitons y apporter des changements, il faut que ce soit en vue de les améliorer.

M. Paddon: Il y a eu une affaire à Vancouver, je ne me rappelle pas le nom exact, où une personne a été accusée d'avoir adopté de mauvaises méthodes d'entreposage. Le juge a déclaré que, en principe, cette personne avait enfreint les règlements puisqu'elle n'avait suivi aucune des méthodes prévues. Toutefois, le juge a ajouté qu'il ne condamnerait pas cette personne car elle avait fait preuve de diligence raisonnable et avait pris toutes les mesures qu'aurait pris un homme raisonnable.

Mme Thom: Pour rendre l'arme inutilisable et la décharger.

M. Paddon: Par la suite, le règlement a été précisé grâce à ce précédent. La méthode prescrite ainsi que la déclaration générale permettent au tribunal de déclarer que la personne a l'intention d'entreposer son arme dans un endroit sûr. La question fondamentale qui se pose est la suivante: y a-t-il eu diligence raisonnable? Oui. Cela est conforme à l'objet des règlements, et nous l'autoriserons.

Le sénateur Gigantès: Mettez-vous un instant à notre place. Vous avez dit que l'arme doit être déchargée et inutilisable. Je n'ai pas manié d'arme à feu depuis la Seconde Guerre mondiale, à l'époque où je pourchassais d'autres personnes munies d'armes, et je ne connais rien aux armes modernes. Vous dites que vous en possédez 100.

M. Paddon: Oui.

Le sénateur Gigantès: Peut-il exister un litige quant à savoir si une arme donnée est vraiment inutilisable? Autrement dit, pourriez-vous me dire: «À mon avis, cette arme est inutilisable», tandis qu'une autre personne dirait: «Eh bien, vous pensez peut-être qu'elle est inutilisable, mais je pense que je pourrais quand même tirer un coup de feu à bout portant et elle ne serait donc pas nécessairement inutilisable»?

M. Paddon: On dit qu'une arme est «inutilisable» s'il est impossible de loger une cartouche dans la chambre ou encore si une cartouche qui est logée dans la chambre ne fait pas «bang» au moment où l'on appuie sur la gâchette. S'il n'y a pas de «bang», l'arme est inutilisable.

Le sénateur Gigantès: J'ai du mal à imaginer un juge en train de dire: «tirer sur moi pour voir si ça fait «bang».»

M. Paddon: Les laboratoires médico-légaux examineront l'arme à feu. Ils décideront si elle était utilisable ou non à ce moment-là. Cette décision a toujours été très claire. Ce n'est pas une question litigieuse.

Le sénateur Gigantès: Ce que vous dites me paraît raisonnable. L'arme ne doit pas être chargée et elle doit être inutilisable. Reste à savoir si vous avez mis sous clé le canon ou si un enfant peut le trouver et le mettre dans le pistolet?

M. Paddon: Le problème des règlements visant l'entreposage -- et c'est pourquoi nous sommes préoccupés par l'exigence du double verrou visant les armes à feu à autorisation restreinte -- c'est que si la personne réussit à ouvrir le premier verrou, elle réussira à ouvrir le deuxième dans neuf fois sur dix.

Le sénateur Gigantès: Parlez-vous d'un enfant de 10 ans? Les enfants se sont déjà blessés avec des armes à feu ou en ont blessé d'autres accidentellement. Vous pourriez retirer le canon et le poser sur une étagère assez haute dans un endroit et poser le chargeur sur une autre étagère élevée. Mon petit-fils n'a que 20 mois et il grimpe déjà aux étagères de ma bibliothèque. Un petit enfant peut trouver ces deux pièces qu'il a déjà vu son père attacher ensemble, et «bang»; tandis que si ces articles sont sous clé, c'est un peu plus difficile. L'idée, c'est de rendre les choses plus difficiles pour éviter qu'une personne se tue ou tue quelqu'un d'autre accidentellement.

M. Paddon: Nous avons constaté que, pour bien des gens, il serait difficile de mettre dans un fusil Lee-Enfield, ce que l'on portait pendant la guerre.

Le sénateur Gigantès: En fait, j'avais un Sten.

M. Paddon: Dommage pour vous.

Le sénateur Gigantès: Ça arrose bien.

M. Paddon: Oui. Nous avons constaté qu'il faut de l'entraînement, de la compétence et de l'expérience pour remonter une arme à feu. Remettre le canon en place dans un revolver n'est pas facile. Il faut un tournevis ou d'autres outils et de l'expertise. On peut très bien le remonter à l'envers.

Par exemple, je peux installer un dispositif de verrouillage sur ma carabine, et c'est très bien. Toutefois, il me suffit de prendre un tournevis et de dévisser le dispositif de sûreté de la gâchette, le pontet. Celui-ci tombe, en même temps que le verrou de la gâchette. L'arme est désormais utilisable. Au départ, elle était entreposée dans un endroit fermé à clé.

Le sénateur Gigantès: Vous venez de dire qu'un enfant ne peut pas se servir d'un tournevis pour remettre le canon en place, mais il peut en utiliser un pour ôter le pontet. Soyons logiques. Est-ce qu'un enfant peut utiliser un tournevis oui ou non?

Mme Thom: Nous cherchons à vous faire comprendre qu'il n'est pas possible de prévoir toutes les situations dans la loi. C'est ce que m'ont dit des avocats et d'autres travailleurs des tribunaux: on ne peut pas prévoir tous les cas dans la loi. Les circonstances varient. Bien évidemment, il faut tenir compte des circonstances personnelles dans l'affaire. Le juge ou les responsables des tribunaux doivent essayer d'établir si une personne effectuait simplement les gestes, ou si elle a vraiment fait preuve de diligence raisonnable pour s'assurer que l'arme était déchargée et inutilisable.

Le sénateur Gigantès: Faut-il mettre les pièces sous clé quelque part ou les ranger n'importe où? Voilà la question.

La présidente: C'est ce qui est au coeur du problème. Il y a trois catégories d'armes. Il y a les armes à feu sans restrictions, les armes à feu à autorisation restreinte et les armes à feu prohibées. Les exigences relatives à l'entreposage, d'après mon interprétation des règlements, sont plus complexes selon le genre d'arme. Vous dites qu'il devrait y avoir une seule exigence. Faut-il retenir celle qui vise les armes prohibées, à autorisation restreinte ou sans restrictions?

M. Paddon: Il faut appliquer les critères visant les armes à feu sans restrictions.

La présidente: Cela ne changerait-il pas l'objet de la loi selon lequel une arme prohibée est plus dangereuse en puissance qu'une arme sans restrictions?

M. Paddon: N'importe quelle arme à feu peut tuer une personne. Peu importe qu'elle soit pleinement automatique ou semi-automatique. Ce que je veux dire, c'est que vous affirmez qu'il y a moins de risque si on la met dans un endroit verrouillé deux fois. Ce n'est pas le cas. Il est arrivé à maintes reprises que des armes à feu soient volées d'une résidence. Elles étaient peut-être entreposées en toute sécurité avec la culasse retirée. La culasse était peut-être ailleurs dans la maison. Elle n'a pas besoin d'être mise sous clé. Elle pourrait se trouver sous un oreiller ou dans une commode, ou autre, mais la culasse est retirée de l'arme.

Étant donné la conception de certaines armes, il est difficile parfois de retirer la culasse. Un propriétaire peut choisir l'option B ou C, installer un dispositif de verrouillage ou ranger ses armes dans un endroit verrouillé. Il est arrivé une fois qu'un voleur force l'armoire où se trouvaient les armes, voit les armes dont la culasse avait été retirée et laisse les armes derrière lui car il savait qu'elles étaient inutilisables. Il a vu les pontets ou les dispositifs de verrouillage sur les autres armes et a décidé qu'il pourrait se débrouiller avec cela, de sorte qu'il a pris toute l'arme. Donc, le voleur a eu accès à une arme parfaitement en état de marche.

Le sénateur Gigantès: Vous n'avez pas répondu à la contradiction au sujet de l'enfant qui peut se servir d'un tournevis pour ôter le pontet mais pas pour replacer le canon. C'est inquiétant.

M. Paddon: Le problème, c'est qu'on ne peut pas nécessairement replacer un canon. Dans certains cas, on n'a pas besoin d'outils mais simplement il faut être très adroit. Il faut savoir comment démonter et remonter l'arme. Dans l'armée, lorsqu'on assemble un Browning 9 millimètres à forte puissante, il est facile de monter le ressort à l'envers; à moins d'avoir reçu un entraînement. L'arme ne fonctionnera pas. Il faut savoir dans quel ordre démonter et remonter l'arme. L'enfant ne saura pas nécessairement tout cela. La plupart du temps, on n'a pas besoin d'outils.

Le sénateur Gigantès: Vous n'avez pas rencontré les enfants que j'ai rencontrés.

M. Paddon: S'ils veulent vraiment s'en servir et savent comment, ils contourneront tout système de sécurité que vous mettez en place.

Le sénateur Beaudoin: Pour que cela soit inscrit au procès-verbal, si une personne n'aime pas une loi, une loi du Parlement, elle ne peut pas modifier cette loi du Parlement en se servant des règlements. Les règlements sont sujets à la loi, non le contraire.

C'est important. Vous ne pouvez pas modifier une loi qui a déjà été adoptée par le Parlement en proposant de nouveaux règlements. Si vous proposez un nouveau règlement, ce nouveau règlement doit respecter la loi. Bien sûr, vous avez le droit d'approuver ou de désapprouver la loi, quoiqu'en pratique vous devez respecter la loi, bien sûr. Vous ne pouvez pas corriger la situation avec de nouveaux règlements. Seul le Parlement peut modifier la loi.

M. Paddon: Sénateur, je suis d'accord qu'on ne peut pas modifier la loi C-68. Comme la présidente l'a dit, c'est un fait accompli. Nous pourrions en discuter pendant des années. Nous sommes venus devant vous aujourd'hui pour vous dire qu'il y a une façon de faire fonctionner cette loi, et non pas pour la rendre plus ou moins acceptable pour nous. Nous pouvons vous suggérer des solutions de rechange pour des méthodes qui réduiraient la charge de travail des services policiers et de la bureaucratie, et pour limiter l'impact sur l'utilisateur des armes à feu. Nous savons que nos armes à feu seront enregistrées; la question est quand et comment.

Nous vous donnons des options pour que le système puisse mieux fonctionner et être plus convivial. Les services policiers ne seront pas aux prises avec une administration excessive, donc ils pourront accomplir leur vraie tâche.

Le sénateur Beaudoin: Je comprends.

Mme Thom: Si quelqu'un aussi instruit que M. Paddon a du mal à comprendre et à interpréter le règlement, vous pouvez imaginer jusqu'à quel point les autres membres de la population seront perdus.

Le sénateur Gigantès: Recommanderiez-vous un examen qui dit que si on ne comprend pas les règlements, on ne peut pas avoir une arme à feu?

Mme Thom: Il y a déjà un test.

M. Paddon: Il y a déjà un test. Ce test comprend déjà des questions qui portent sur les règlements.

Le sénateur Gigantès: Si on échoue, devrait-on quand même avoir le droit de posséder une arme à feu?

M. Paddon: Si on ne répond aux critères -- et l'examen en est un --, on ne peut pas obtenir une arme à feu en vertu de la loi actuelle.

Le sénateur Gigantès: C'est bien.

La présidente: Merci pour vos 31 recommandations que nous étudierons davantage avant de faire nos recommandations finales au ministre de la Justice pour ces règlements.

Honorables sénateurs, nous allons continuer nos délibérations sur les règlements en vertu de l'article 118 de la Loi sur les armes à feu. Nous souhaitons la bienvenue, de l'Association canadienne pour la santé des adolescents et de la Société canadienne de pédiatrie, aux docteurs Katherine Leonard et Danielle Grenier.

Comme je l'ai précisé à nos témoins aujourd'hui, nous ne discutons pas de la loi C-68 mais plutôt des règlements émanant de l'adoption de la loi C-68, parce que c'est seulement là-dessus que nous pouvons faire des recommandations. Le projet de loi C-68 a déjà été adoptée et est maintenant une loi. Cependant, nous avons le pouvoir de faire des suggestions et des recommandations au ministre de la Justice, et c'est là-dessus que nous demandons votre aide cet après-midi.

Nous avons hâte de vous écouter.

[Français]

Mme Danielle Grenier, vice-présidente directrice associée, Association canadienne de pédiatrie: Il me fait plaisir de comparaître devant ce comité sénatorial au nom de la Société canadienne de pédiatrie. La Société canadienne de pédiatrie représente 2 000 membres à travers le Canada et toutes les familles que nous rejoignons. Nous avons calculé à la Société canadienne de pédiatrie qu'il était important à ce moment-ci de se présenter devant votre comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles pour souligner notre fort appui à la loi sur le contrôle des armes à feu.

Cette loi représente un avancement important pour la protection des enfants et des adolescents canadiens ainsi que leur famille. Nous tenons personnellement en leurs noms et au nom de la Société canadienne de pédiatrie à vous en remercier. Nous ne voulons pas discuter de la loi mais bien des réglementations.

[Traduction]

Je suis heureuse d'être accompagnée par le docteur Leonard, une pédiatre qui travaille avec les adolescents. Elle est membre de notre section sur les adolescents et elle représente l'Association canadienne pour la santé des adolescents. Elle est aussi l'auteure principale de notre déclaration sur la prévention des décès dus aux armes à feu parmi les enfants et les adolescents canadiens. Elle a de bonnes suggestions en ce qui a trait aux règles et aux règlements.

Mme Katerine A. Leonard, docteure en médecine, comité de la défense, Association canadienne pour la santé des adolescents, membre, Société canadienne de pédiatrie: Merci beaucoup de nous avoir invitées à votre réunion. J'aimerais commencer en parlant de l'étendue du problème des décès dus aux armes à feu parmi les enfants et les adolescents, tout en sachant que j'en ai parlé il y a un an et demi devant ce comité. Je ne veux pas vous ennuyer. Il n'y aura pas d'examen à la fin. J'aimerais passer en revue certaines des questions portant sur le développement qui étaient importantes dans la rédaction de cette loi mais qui sont aussi importantes pour comprendre pourquoi les règlements auront un impact sur la sécurité des enfants et des adolescents.

J'ai quelques diapositives pour démontrer ce que je veux dire. En 1994, 95 adolescents entre l'âge de 15 et 19 ans sont morts des suites de blessures par balles. La majorité de ces décès étaient des suicides, suivis d'un nombre plus petit d'homicides, et d'un nombre encore plus petit de morts accidentelles et de morts au motif inconnu.

Parmi les décès chez les adolescents, la grande majorité sont les jeunes de sexe masculin. La diapositive suivante nous indique que 96 p. 100 des adolescents décédés entre 15 et 19 ans étaient des garçons. C'est essentiellement un phénomène masculin, au point où 11 p. 100 des garçons décédés entre 15 et 19 ans sont morts des suites de blessures par balles.

Les chiffres diffèrent un peu dans le cas des décès par balle avant l'adolescence. En 1994, il y a eu 25 décès dans ce groupe d'âge. Il y a toujours beaucoup de suicides parmi les préadolescents, mais les homicides et les morts accidentelles sont plus fréquentes dans ce groupe d'âge.

Les données vous montrent combien de jeunes gens sont morts par balle. Il est important de se rappeler qu'en plus de ceux qui sont des victimes directes des armes à feu, il y a tous les enfants qui sont touchés par la perte ou la blessure d'un ami, d'un frère, d'une soeur, ou d'un parent.

J'aimerais maintenant parler des caractéristiques de développement des enfants et des adolescents qui les rendent si vulnérables aux blessures par balle.

Les enfants n'ont pas la capacité, à cause de leur stade de développement, de comprendre la permanence et le sérieux d'une blessure par balle. Ils pensent qu'ils sont capables de manier une arme à feu malgré le fait qu'ils n'ont pas la coordination motrice nécessaire et qu'ils ne connaissent pas le maniement et la sécurité des armes à feu. Un enfant typique penserait qu'on pourrait baisser la tête subitement pour éviter une balle ou, qu'une fois mort, on pourrait revenir en vie. Les enfants ont aussi une curiosité naturelle à propos des objets dans leur milieu, surtout les objets prohibés. Même s'il existe des règles ou de l'éducation à propos de la sécurité des armes à feu, les enfants ne peuvent parvenir à se maîtriser pour éviter de jouer avec des objets qui leur sont interdits. Tout le monde sait que la meilleure façon de permettre à un enfant d'obtenir quelque chose est de le cacher, parce qu'il va le trouver à coup sûr.

Les enfants sont impulsifs et agissent sans penser aux conséquences de leurs gestes.

La diapositive suivante nous montre un enfant qui s'adonne à un jeu imaginaire. Les enfants se perdent dans ces jeux, comme cette petite fille qui croit qu'elle est le général de l'armée dans son quartier. Pour elle, il ne s'agit pas d'un jeu, c'est la réalité. Quand les enfants se perdent dans ce type de jeu, ils ont tendance à oublier les messages qu'ils ont appris à propos de la sécurité, ou ils ne peuvent pas bien juger des risques qui se posent dans leur milieu.

La diapositive suivante donne la liste des questions importantes liées au développement des adolescents. D'abord, en ce qui concerne l'autonomie, nous savons que prendre des risques est une façon fréquemment utilisée par les adolescents pour affirmer leur autonomie. Malheureusement, le risque de se blesser avec une arme à feu est beaucoup plus grand que toute autre forme de risque.

Deuxièmement, en ce qui concerne les questions d'identité et d'influence des camarades, quand les adolescents essaient de découvrir leur identité, ils expérimentent souvent avec des comportements qu'ils perçoivent comme étant des comportements adultes. En plus de vouloir se sentir adultes eux-mêmes, ils veulent impressionner leurs camarades et être respectés et admirés par leurs camarades. Utiliser une arme à feu pourrait être une façon d'y parvenir.

La diapositive suivante illustre cela de façon humoristique. Ce jeune adolescent dit: «Papa, est-ce que je peux emprunter ton pistolet ce soir?» Cela démontre comment un adolescent pourrait se sentir plus vieux, plus important, plus comme son père, capable d'impressionner ses camarades, en se servant d'une arme à feu.

En ce qui concerne le comportement impulsif et le manque de maturité, les jeunes adolescents peuvent ne pas comprendre les conséquences de leur comportement dangereux. Les adolescents plus âgés peuvent sans doute faire le lien entre leur comportement et les conséquences ce leur comportement, mais ils continuent quand même parfois à avoir un comportement dangereux parce qu'ils se sentent invulnérables. Ils pensent que ça ne leur arrivera pas à eux.

Dans le cadre de mes consultations, j'informe abondamment les adolescents sur la réduction des risques en matière de sexualité. J'ai assez confiance que mes patients comprennent bien, sur le plan théorique, ce qui peut leur arriver s'ils ont des relations sexuelles sans protection. Pourtant, jour après jour, je les entends dire que bien qu'ils connaissent les dangers, ils continuent d'avoir des rapports sexuels sans protection. C'est parce qu'au fond ils ne croient pas vraiment qu'il pourrait leur arriver à eux d'avoir à faire face aux conséquences.

Enfin, sur cette diapositive, on montre que les adolescents sont de plus en plus avertis. Ils ont plus d'expérience. Ils sont plus en mesure de contourner les obstacles que leurs parents pourraient mettre sur leur chemin pour les empêcher d'avoir accès à des objets dangereux.

Il est également plus probable que les adolescents fassent l'expérience de substances intoxicantes ou abusent de substances comme l'alcool et les drogues. De nombreux décès par balle sont liés à la consommation d'une quantité importante d'alcool ou d'autres substances. L'alcool et les stupéfiants peuvent amener des adolescents à perdre leurs inhibitions et à agir de façon plus imprudente qu'ils ne le feraient s'ils étaient sobres.

Le moment serait sans doute bien choisi pour parler du suicide chez les adolescents et pour rappeler que le suicide occupe le deuxième rang parmi les causes de décès chez les adolescents au Canada. Les armes à feu sont le principal moyen employé pour se suicider. La plupart des adolescents qui se suicident ne le font pas à la suite d'une maladie chronique ou d'une maladie mentale grave. Un bon nombre de ces suicides sont commis de façon impulsive sous l'influence de l'alcool ou de drogues.

Pour ce qui est de la réglementation, la Société canadienne de pédiatrie et l'Association canadienne pour la santé des adolescents ont publiquement et fermement appuyé les exigences du projet de loi relatives à la délivrance de permis et à l'enregistrement. Je ne veux pas présenter à nouveau les arguments que nous avons évoqués ni les raisons pour lesquelles nous l'avons fait. Toutefois, j'aimerais parler plus particulièrement du règlement relatif à la notification du conjoint actuel ou passé du demandeur. Grâce à cette exigence, le conjoint ou l'ex-conjoint du demandeur aura l'occasion de faire état des préoccupations qu'il ou elle peut avoir relativement à sa sécurité ou à celle des autres, notamment celle des enfants de la famille.

Sur la diapositive suivante, on voit une coupure du Star de Toronto, où il est question d'un incident qui s'est produit il y a deux ou trois mois à Toronto. Une petite fille de huit ans se trouvait chez elle avec sa mère quand l'ex-conjoint de celle-ci est arrivé avec un fusil. La petite fille s'est réfugiée à l'étage et s'est cachée pendant que sa mère était abattue d'une balle dans le cou et d'une autre à la poitrine. Après le départ du conjoint, l'enfant s'est précipitée en bas, elle a vu sa mère qui gisait dans son sang et a traversé la rue pour aller chez sa grand-mère et appeler le 911. La petite fille a vraiment fait figure d'héroïne, ce qu'elle est effectivement.

Ce qui me frappe le plus dans cette affaire, c'est que cette petite fille ne fera pas partie des statistiques sur les blessures par balle. Pourtant, j'imagine ce qu'elle a dû ressentir en se cachant sans doute sous le lit -- c'est là que mes enfants ont tendance à se cacher -- et en entendant les coups de feu en bas. J'imagine les traumatismes psychologiques que cette expérience représente et tous les soins et toute l'aide dont elle aura probablement besoin tout le reste de sa vie pour se remettre de cette expérience.

Les divers droits à payer pour la délivrance d'un permis et pour la possession d'une arme à feu varient de 10 à 80 $ pour les permis de possession, les autorisations d'acquisition ou l'enregistrement d'armes à feu. Il est important de mettre ces droits en perspective. Si l'on compare les armes à feu à d'autres produits de consommation comme les automobiles, les droits à payer semblent bien modestes en comparaison de ceux qu'il faut verser pour le permis de conduire et l'enregistrement d'une voiture.

Plus tard, le docteur Grenier vous dira combien elle a dû payer pour ravoir son chien quand il s'est perdu et que la police l'a retrouvé. C'était cher.

Un casque pour cycliste coûte au moins 25 $, et parfois même jusqu'à 50 $. Un siège d'automobile pour enfant peut coûter de 40 à 100 $. Clôturer une piscine peut coûter des centaines sinon des milliers de dollars.

Nous parlerons maintenant de la réglementation concernant les communautés autochtones. Bien que les armes à feu puissent être une chose courante et acceptée dans les communautés rurales et autochtones, il importe de se rappeler que dans ces communautés aussi on enregistre des suicides, des homicides et des morts accidentelles par balle. Les taux de suicide et d'homicide dans ces collectivités sont supérieurs à ceux de l'ensemble de la population canadienne.

Enfin, j'aimerais faire quelques observations au sujet du projet de réglementation concernant l'entreposage. C'est avec plaisir que j'ai entendu ce matin le docteur Chapdelaine expliquer en détail les recommandations qui font suite à l'enquête du coroner du Québec, étant donné que nos recommandations se sont inspirées de cette étude et de ces recommandations. Nous avons été particulièrement influencés par la recommandation portant sur le fait que les différentes exigences concernant les armes à feu à autorisation restreinte et les autres portaient à confusion. Les auteurs de l'enquête recommandaient que tous les types d'armes à feu soient visés par une seule et même exigence en ce qui concerne leur entreposage sécuritaire.

Ils concluaient également que les exigences concernant le verrouillage des armes à feu étaient trop vagues et risquaient d'être interprétées au sens large, et qu'il faudrait accorder moins d'exemptions à ceux qui prétendent avoir besoin de mettre immédiatement la main sur leur arme à feu pour lutter contre des prédateurs et des animaux.

Le docteur Chapdelaine a aussi parlé des dispositifs de verrouillage du pontet, ce qui nous semble une méthode particulièrement efficace et économique de verrouiller une arme à feu. Elle rend l'arme inutilisable, et son coût est modéré.

J'aimerais revenir à la question des enfants et des adolescents. Le docteur Webster a fait une étude sur les propriétaires d'armes à feu au Maryland en 1991. Il a constaté que les parents qui possédaient des armes à feu s'illusionnaient quant à l'efficacité que peuvent avoir des mesures comme l'éducation et la surveillance étroite pour protéger leurs enfants.

La recherche en santé publique et nos connaissances du développement de l'enfant et de l'adolescent nous ont permis de constater que les stratégies de prévention les plus efficaces sont celles qui peuvent être mises en place et demeurer efficaces sans attention ni effort constant. Citons par exemple le fait d'installer une clôture autour d'une piscine plutôt que de surveiller un bambin à chaque instant; ou encore le fait d'installer un dispositif de verrouillage.

Certains propriétaires d'armes à feu vous diront que ces mesures présentent des inconvénients, mais si l'on possède une arme à feu pour pratiquer le tir à la cible ou la chasse, les quelques instants qu'il faudra pour déverrouiller l'arme et les munitions ne nuiront pas sensiblement à l'exercice de ces sports.

On peut avancer que si l'on doit utiliser une arme à feu pour assurer sa protection, on peut avoir besoin d'accéder sans délai à cette arme chargée.

Toutefois, au Canada, de façon générale, on n'accepte pas, sauf dans de rares cas, que cette raison pour l'utilisation d'une arme à feu soit considérée comme une raison légitime et justifiant la possession d'une arme à feu. Par conséquent, les inconvénients inhérents à l'entreposage sécuritaire des armes à feu doivent être considérés comme mineurs comparativement aux avantages qu'il y a à réduire l'utilisation abusive ou non autorisée des armes à feu.

Enfin, j'aimerais parler de nos recommandations. D'abord, la Société canadienne de pédiatrie et l'Association canadienne pour la santé des adolescents appuient fermement le projet de réglementation. Nous approuvons en particulier les règlements qui ont trait à la délivrance d'un permis, à l'enregistrement, à la notification des conjoints, aux communautés autochtones et à l'achat de munitions, qui devraient améliorer la sécurité pour les enfants, les adolescents et leurs familles. Les inconvénients ou les dépenses secondaires qui pourraient résulter de l'application de ces mesures sont parfaitement justifiables.

Deuxièmement, il devrait y avoir une exigence universelle et bien claire relativement à l'entreposage sécuritaire, et qui s'applique à toutes les armes à feu. Nous estimons que toute arme à feu devrait être entreposée non chargée et avec un dispositif de verrouillage. Idéalement, cette arme devrait être gardée dans un contenant verrouillée ou une pièce verrouillée et être gardée hors de la vue. La clé ou la combinaison ne devrait être accessible qu'au propriétaire. Les munitions devraient être gardées dans un lieu distinct, verrouillé lui aussi, et il faudrait veiller à l'observation rigoureuse des exigences de la loi concernant l'entreposage sécuritaire.

J'aimerais joindre ma voix à celle du docteur Chapdelaine pour réclamer aussi qu'on améliore ou qu'on intensifie les efforts de recherche, notamment la recherche sur l'effet des pratiques d'entreposage et sur certaines autres réglementations visent la sécurité des enfants et des adolescents.

L'été dernier, l'Association canadienne pour la santé des adolescents a présenté des recommandations au Centre canadien des armes à feu, demandant instamment que le programme de formation et de sécurité dans le maniement des armes à feu et la campagne de sensibilisation du public qui accompagneraient la mise en application du projet de loi C-68 mettent en lumière d'autres aspects. Il nous semble pour les avoir examinés, que les documents antérieurs portant sur la sécurité dans le maniement des armes à feu visaient surtout à réduire le nombre d'accidents de chasse et d'accidents liés au maniement des armes à feu et aux erreurs de maniement.

Nous aimerions que, tant dans le programme de sécurité dans le remaniement des armes à feu que dans la campagne d'éducation du public, on explique davantage aux gens les risques qu'il y a à posséder une arme à feu chez soi et l'importance des différents aspects du règlement sur l'entreposage sécuritaire pour protéger les enfants et les adolescents, et qu'on leur fournisse de l'information sur le suicide, et plus particulièrement sur les risques que pose pour les jeunes hommes le fait de posséder une arme à feu à la maison.

Nous serons heureuses de répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.

La présidente: Docteur Grenier, avez-vous des observations à faire avant que nous entamions la période de questions?

Mme Grenier: Une question a surgi au cours de la discussion ce matin, à savoir: si quelqu'un n'entrepose pas une arme à feu comme il se doit, devrait-on lui infliger une amende? Le chien du docteur Leonard s'est enfui et elle a dû payer une amende de 100 $ pour le ravoir. Elle avait commis une infraction et a dû payer. Il nous faut une règle simple qui puisse être appliquée. Cela faciliterait la tâche à tous.

Le sénateur Pearson: Merci beaucoup pour votre exposé. Il est intéressant de savoir que vos données remontent à 1994. Il sera intéressant de s'en servir pour évaluer quels changements pourront se produire au cours des quelques prochaines années.

En ce qui concerne les données statistiques sur les adolescents, les avez-vous ventilées en groupes spécifiques pour savoir où se sont produits ces suicides, de quel type de famille venaient ces jeunes, et ainsi de suite? Je constate que vous avez procédé à une classification par sexe.

Mme Leonard: Certaines études portent sur différentes caractéristiques des suicides d'adolescents. Diverses études ont porté sur différents facteurs de risque, par exemple s'il y avait des antécédents de maladie mentale ou de dépression dans la famille, ainsi que des facteurs socio-économiques. Il existe dans le domaine de la santé publique ainsi que dans la documentation médicale un vaste ensemble d'études portant sur les facteurs de risque liés aux suicides d'adolescents. Toutefois, s'il est un domaine où nous aurions intérêt à accroître la recherche, c'est bien celui des conséquences de l'accessibilité des enfants et des adolescents aux armes à feu.

Le sénateur Pearson: D'où vous viennent vos statistiques?

Mme Leonard: Ce sont les statistiques sur la mortalité de Statistique Canada.

Le sénateur Pearson: Ne sont-elles pas assez générales?

Mme Leonard: Oui. Ce sont des statistiques à l'échelle nationale.

Le sénateur Pearson: Savez-vous si ces statistiques ont trait d'une façon ou d'une autre à des familles qui possédaient une arme à feu chez elle? Pour faire une recherche à long terme, vous devez avoir ce type d'information.

Mme Leonard: C'est vrai.

L'enquête du coroner dont a parlé le docteur Chapdelaine ce matin fournissait beaucoup d'information de ce genre. Elle portait sur les différents facteurs qui augmentent la probabilité de voir se produire les tragédies qu'on a étudiées. Au moins deux ou trois des victimes dont on a étudié les cas au cours de cette enquête étaient des adolescents. Ce genre de renseignement est utile.

Le sénateur Pearson: Moyennant une aide, est-ce que l'Association canadienne pour la santé des adolescents serait disposée à contribuer à ce type de recherche si un financement était disponible?

Mme Leonard: Oui, avec plaisir.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Je vous remercie de votre présentation. Comme les témoins ce matin, vous faites un certain lien entre le suicide chez les jeunes et l'entreposage des armes à feu. Dois-je comprendre que vous recommandez que l'entreposage soit plus sécuritaire, si je peux ainsi dire? Est-ce que vous avez un texte à proposer directement là-dessus? Vous avez une recommandation assez générale. Vous voulez rendre l'accès aux armes plus difficile, évidemment dans le but d'enrayer la possibilité des suicides. Mais avez-vous des suggestions nouvelles sur ce plan ?

Je suis convaincu qu'il y a un lien entre les deux. Sûrement, il y a peut-être des jeunes qui se ne se seraient pas suicidés si les armes avaient été mieux entreposées. Mais est-ce que vous avez des suggestions nouvelles par rapport à ce qui existe déjà dans les présents règlements?

[Traduction]

Mme Leonard: Me demandez-vous si nous avons des recommandations autres que celles que nous avons présentées ici? Nos recommandations finales sont que chaque arme à feu devrait être entreposée avec un dispositif de verrouillage; que les armes à feu devraient être entreposées dans un contenant ou une pièce verrouillée, et qu'elles ne devraient pas être chargées, que la clé ou la combinaison de verrouillage ne devrait être accessible qu'au propriétaire; et que les munitions devraient être entreposées dans un lieu distinct, qui soit aussi verrouillé.

Il y a sans doute toute une gamme d'autres mesures qui pourraient être utiles. Souvent nous avons rêvé entre nous de voir apparaître une innovation technologique qu'on pourrait intégrer aux armes à feu et qu'on pourrait vendre en même temps que l'arme et qui ne demanderait aucun effort de la part du propriétaire, par exemple quelque chose comme un coussin gonflable. Quelque chose dont on n'aurait pas à se préoccuper mais qui fonctionnerait au besoin. Il n'existe pas pour l'instant d'innovation technologique de ce type. En attendant, nous estimons que les recommandations précises que nous soumettons constituent le meilleur moyen de réduire l'accès aux armes à feu dans les foyers.

Le sénateur Beaudoin: Supposons que l'arme à feu est utilisée à des fins de protection et que le propriétaire n'est pas là au moment où le danger se présente? Il ou elle est le seul à savoir comment utiliser cette arme à feu. Dans ce cas, ce pourrait être une mauvaise chose.

Mme Leonard: Vous supposez ainsi qu'avoir une arme à feu chez soi contribue à assurer sa protection.

Le sénateur Beaudoin: Je n'en suis pas trop certain. Qu'en pensez-vous?

Mme Leonard: C'est un des importants arguments que nous avançons depuis longtemps. Je crois que le docteur Chapdelaine a parlé brièvement de l'étude du docteur Kellerman qui portait sur l'utilité des armes à feu en matière d'autodéfense. L'étude a permis de conclure que pour chaque intrus tué par balle, il y avait beaucoup plus de suicides et d'homicides de membres de la famille ou de connaissances et de décès accidentels.

C'est comme l'argument qu'on invoque pour le port de la ceinture de sécurité. Je peux personnellement croire qu'il y a une possibilité sur un million pour que ma ceinture de sécurité me coince dans la voiture et soit la cause de mon décès. Cependant, pour chaque fois où cela pourrait se produire, il y a un nombre très supérieur de possibilités de voir la ceinture de sécurité fonctionner correctement et me protéger.

Je dirais qu'il vaut beaucoup mieux ne pas avoir accès à une arme à feu pour se protéger, ce qui est un besoin très peu probable, et faire en sorte qu'elle soit verrouillée et inaccessible, pour qu'un jeune de 15 ans qui vient de rompre avec sa petite amie ne puisse pas s'en servir pour se tuer.

Le sénateur Beaudoin: Vous avez parlé de certaines statistiques. Savez-vous dans quelle proportion on se sert des armes à feu pour assurer sa protection ou pour commettre un suicide ou un homicide?

Mme Leonard: L'étude Kellerman a montré que pour chaque cas où une arme à feu a été utilisée pour abattre un intrus, il y a eu 42 cas où une arme à feu gardée chez soi a servi pour un suicide ou pour tuer une connaissance ou un membre de la famille, ou a causé une mort accidentelle. L'utilisation d'une arme à feu pour assurer sa protection vient très loin derrière les utilisations non autorisées de cette arme à feu pour nuire à des membres de la famille ou à des connaissances.

Le sénateur Beaudoin: C'est un argument convaincant. Bien sûr, il se peut que le propriétaire, s'il ou elle doit quitter la maison, révèle le secret à quelqu'un d'autre. Alors il n'y aurait bien sûr pas de problème.

Mme Leonard: Je crois fermement que les armes à feu, si elles ne sont pas entreposées comme il se doit, et si elles sont accessibles à d'autres membres de la famille, seront vraisemblablement utilisées non pas pour repousser un intrus, mais à des fins tout à fait répréhensibles.

Le sénateur Beaudoin: Vous dites au paragraphe 4 qu'il faudrait faire rigoureusement respecter les exigences de la loi concernant l'entreposage sécuritaire. Laissez-vous entendre que la loi n'est pas appliquée ou qu'elle n'est pas appliquée assez strictement ou voulez-vous tout simplement qu'on fasse strictement observer la loi?

Mme Leonard: Je pense que l'observation de la loi en vigueur pose un véritable problème. Je ne suis ni avocate, ni experte en droit, mais je crois que la loi actuelle est vague et confuse.

Ce matin, le docteur Chapdelaine a mentionné le cas où la police est arrivée chez quelqu'un où il y a eu une entrée par effraction et a constaté que la porte principale était verrouillée. Il y avait une arme à feu entreposée dans la maison, pourtant la police n'a pas porté d'accusation pour entreposage non conforme à la loi parce que la porte principale était verrouillée et que par conséquent on a estimé que l'arme se trouvait dans un lieu verrouillé.

J'estime que les dispositions actuelles concernant l'entreposage sécuritaire se prêtent à de nombreuses interprétations. S'il y avait une exigence unique et simple relative à l'entreposage et qui s'appliquait aux armes à feu à autorisation restreinte comme aux autres, il serait beaucoup plus facile de faire respecter la loi. Je ne veux pas donner à entendre que la police devrait entrer sans invitation dans des résidences pour vérifier comment les gens entreposent leurs armes, mais s'il arrivait qu'on ait à s'interroger sur l'entreposage d'une arme à feu, le problème serait facile à résoudre parce que la loi serait simple et facile à comprendre. Si la loi était simple et facile à comprendre, les propriétaires d'armes à feu seraient incités à la respecter.

Le sénateur Gigantès: D'autres témoins ont dit que les gens qui se suicident ou qui tuent un membre de leur famille avec une arme à feu le font pour des raisons socio-économiques ou psychologiques. On a mentionné l'exemple de quelqu'un qui avait menacé sa femme avec une arme à feu mais, après qu'on lui eut retiré cette arme à feu, il est revenu et l'a poignardée à huit reprises avec un couteau. On nous a donc dit que nous faisions fausse piste, qu'avec ou sans arme à feu, il y aurait des suicides ou des homicides. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

Mme Leonard: Nous ne prétendons certainement pas qu'en réduisant l'accès aux armes à feu on changera les gens. Bien sûr, ce ne sera pas le cas. Il y aura toujours des problèmes conjugaux. Il y aura toujours des adolescents dépressifs, et toutes les étapes de développement de l'enfance et de l'adolescence dont nous avons parlé continueront d'exister.

Toutefois, il importe de se rappeler qu'il est ici question de l'efficacité mortelle des différentes méthodes employées. Le taux de tentatives de suicide chez les filles est très supérieur à ce qu'il est chez les garçons. Cependant, les filles ont tendance à choisir des méthodes de suicide moins mortelles et, par conséquent, elles parviennent au but moins souvent que les garçons.

Le sénateur Gigantès: Dans quelle proportion?

Mme Leonard: Moins de la moitié.

Le sénateur Gigantès: On peut leur faire subir un lavage d'estomac.

Mme Leonard: Tous les jours, je vois dans mon cabinet une jeune fille qui a tenté d'une façon ou d'une autre de se suicider. Nous avons à l'hôpital des patients qui ont pris des Tylenol en surdose. On peut soigner ces patients. Cependant, les armes à feu sont si mortelles que les tentatives de suicide de ce genre sont largement sans appel.

Comme on l'a mentionné, ce genre d'étude a aussi été effectuée dans le cas des disputes familiales. On a montré qu'en cas de disputes familiales, les risques de voir celles-ci se solder par un décès sont beaucoup plus élevés si on a recours à une arme à feu plutôt qu'à un couteau ou à un objet contondant.

La présidente: Quelqu'un cet après-midi a donné à entendre que si les jeunes garçons emploient des armes à feu pour tenter de se suicider, c'est qu'ils sont très déterminés. Ils choisissent l'arme à feu parce qu'elle est mortelle, contrairement aux jeunes filles qui peuvent absorber des comprimés en guise d'appel à l'aide. Quelles données avez-vous à ce sujet?

Mme Leonard: La personne qui a fait cette observation suppose que les tentatives de suicide sont toutes le résultat d'un plan à long terme très bien pensé. C'est le cas effectivement pour certaines tentatives de suicide, et il y a une certaine proportion de suicides qu'on ne pourra pas empêcher par la suppression d'une méthode mortelle. Cette personne, si elle est vraiment décidée, pourra trouver une autre méthode mortelle à employer.

Un pourcentage de ceux qui tentent de se suicider, s'ils n'ont pas accès à une méthode mortelle, vont soit choisir une méthode moins radicale et survivre, soit décider de ne pas tenter le coup du tout.

J'aimerais vous parler d'une étude sur les taux de suicide à Vancouver et à Seattle, dans l'État de Washington. On a étudié deux villes similaires sur le plan démographique et socio-économique et qui avaient des taux de criminalité similaires. On a étudié les taux de suicide par toutes les méthodes, y compris les taux de suicide par arme à feu dans ces deux villes. On s'est surtout intéressé à la tranche des 15 à 24 ans, en plus de la population en général. Dans ce groupe d'âge, le taux de suicide différait entre les deux villes. Le taux de suicide à Seattle, où les lois sur le contrôle des armes à feu sont moins strictes qu'à Vancouver, était plus élevé. L'écart était dû à un taux de suicide par arme à feu très supérieur à Seattle. Le taux de suicide par d'autres moyens était similaire dans les deux villes. Cette étude indique nettement que l'accessibilité aux armes à feu fait augmenter le taux de suicide total à Seattle.

La présidente: Pourquoi les jeunes garçons choisissent-ils des armes à feu de préférence à d'autres moyens?

Mme Leonard: Il y a plusieurs raisons à cela. La principale étant sans doute que les armes à feu font partie de notre société. Les médias, les livres, les revues et les films donnent à penser que posséder une arme à feu c'est être branché et émancipé ou encore que les armes à feu sont des objets courants qu'on trouve dans le premier tiroir venu. On montre que les armes à feu sont faciles à manier et à utiliser, mais on n'en montre pas les caractéristiques compliquées ni les difficultés de maniement. La réponse à votre question n'est pas simple, mais l'une des raisons, c'est qu'on a le sentiment de vivre dans une culture des armes à feu et que celles-ci deviennent de ce fait des objets attrayants.

La présidente: Merci beaucoup pour votre exposé de cet après-midi. Nous avons été très heureux de vous accueillir.

La séance est levée.


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