Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 54 - Témoignages - Séance du matin
OTTAWA, le jeudi 3 avril 1997
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, l'étiquetage et la promotion des produits du tabac, modifiant une autre loi en conséquence et abrogeant certaines lois, se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour en faire l'examen.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, nous accueillons ce matin des porte-parole de la Conférence canadienne des arts, du 25th Street Theatre Centre, de Atlantic Federation of Musicians et du Théâtre du Nouvel-Ontario Inc.
Les témoins ont la parole.
M. Peter J. Power, président, Atlantic Federation of Musicians: Bonjour, sénateurs. L'Atlantic Federation of Musicians est une division régionale de l'un des plus grands organismes mondiaux des arts et du spectacle. Il représente tous les musiciens professionnels.
Cette semaine, vous entendez les témoignages de Canadiens de tous les coins du pays qui craignent d'être obligés d'annuler des événements qu'ils ont organisés si le gouvernement fédéral compromet leur financement en interdisant les commandites.
C'est une attaque en règle menée contre les arts. Le gouvernement a sabré dans tous les programmes de subvention des arts, imité en cela par les gouvernements provinciaux. Il met aujourd'hui en danger plus de 250 millions de dollars de commandite et de revenus publicitaires que les organisateurs d'événements artistiques et sportifs avaient réussi à obtenir de l'entreprise privée.
En Colombie-Britannique, on compte trois grands événements et trois organismes qui contribuent 23 millions de dollars à l'économie et qui créent 450 emplois. Dans les Prairies, à eux seuls, deux événements et deux organismes contribuent 15 millions de dollars à l'économie et créent 225 emplois. En Ontario, l'économie tire 115 millions de dollars et la création de 2 395 emplois de sept événements et organismes. Au Québec, les sept événements et organismes rapportent 86 millions de dollars et créent 1 898 emplois. À Halifax, le festival de jazz de l'Atlantique commandité par du Maurier représente un apport économique de 500 000 $ et fait vivre 15 travailleurs. Quant aux revenus tirés de ces événements, les consultants SECOR ont estimé que ces 20 événements rapportaient au moins 66 millions de dollars à des particuliers, 34 millions de dollars à des entreprises et 18 millions de dollars aux gouvernements.
La réalité est simple. Le projet de loi à l'étude nuira encore plus à notre capacité de monter des spectacles et de faire connaître des talents canadiens. Les commanditaires pourraient facilement décider de financer des événements se déroulant à moins de 200 kilomètres au sud, soit aux États-Unis, d'où ils pourraient être diffusés au Canada par les réseaux tant canadiens qu'américains. Les 60 millions de dollars que rapportent les courses que nous organisons iraient aux États-Unis.
En fait, 84 p. 100 des Canadiens conviennent avec l'Alliance for the Freedom of Sponsorship que ces événements sont importants.
Le Parti libéral n'hésite pas à accepter les dons des fabricants de produits du tabac, mais il nous interdit de le faire. Dans le Livre rouge du parti au pouvoir, on peut lire que la culture est l'essence même de l'identité nationale, qu'elle donne un sens à la vie de tous les Canadiens et enrichit le pays sur le plan social, politique et économique.
L'annulation de tous les événements culturels qui se tiennent au pays ne changera pas la statistique sur le tabagisme; toutefois, ses effets se feront sentir dans les données sur l'emploi et le tourisme. Les fabricants de produits du tabac sont les plus importants commanditaires des arts, des sports, de la mode, du spectacle et de la culture au Canada. En 1995, ils ont versé plus de 60 millions de dollars en commandite à plus de 370 organismes canadiens. Les commandites ne sont pas une oeuvre de philanthropie. Les fonds que versent les entreprises sont fonction de la publicité que cela leur rapportera. En interdisant la promotion des commandites, le projet de loi C-71 contribuera à retirer plus de 60 millions de dollars en commandite directe versée par l'industrie du tabac à plus de 375 événements et organismes canadiens du secteur des arts, des sports, de la mode, du spectacle et de la culture. À eux seuls, 20 de ces événements rapportent 240 millions de dollars de recettes touristiques et créent 5 000 emplois. Ce sont des données statistiques réunies par SECOR, en septembre 1996.
Vous souhaitez savoir ce qui incite vraiment quelqu'un à fumer? Je vais vous le dire, moi. C'est le taux de chômage élevé, les faibles salaires, les pressions exercées sur les travailleurs canadiens et la pauvreté. Même l'honorable David Dingwall, ministre de la Santé, a reconnu, lorsqu'il a comparu devant votre comité le 19 mars dernier, que les jeunes ne se mettent pas à fumer parce qu'ils ont vu une affiche de Jacques Villeneuve portant le logo de Rothman; pourtant, cette même affiche sera, aux termes du projet de loi C-71, illégale, à quelques exceptions près.
Si c'est éliminer le milieu des arts que vise le gouvernement fédéral, il n'y pas de meilleur moyen. On commence par lui retirer les subventions gouvernementales, puis on s'en prend au partenariat avec l'entreprise privée. Il y a une importante distinction à faire entre la commandite d'un fabricant de produits du tabac -- qui permet de faire connaître l'événement -- et la publicité du même fabricant qui cherche à accroître les ventes de son produit.
La liberté de commandite au Canada n'a rien à voir avec le tabagisme. Nos événements n'encouragent pas les jeunes à fumer. C'est plutôt une question de financement des arts et de la culture au Canada. La Charte canadienne des droits et libertés est une garantie constitutionnelle que tous les Canadiens jouissent des mêmes libertés fondamentales -- de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression --, y compris la liberté de la presse et des autres médias.
L'interdiction absolue et l'autorisation de certaines promotions minimales prévues dans le projet de loi C-71 sont contraires au paragraphe 2b) de la Charte, en ce sens qu'elles interdisent aux organisateurs de tenir des événements commandités par des fabricants de produits du tabac ou qu'elles dictent le contenu des promotions et la manière de les faire.
Cela n'a rien à voir avec le tabagisme, mais bien avec la liberté de commandite. Je vous ai souligné certaines des plus fâcheuses conséquences du projet de loi. La véritable victime est le libre exercice des droits au pays. Si l'on vous laisse faire maintenant, quelle sera votre cible, la prochaine fois? Si nous vous permettons d'établir pareil précédent, nous serons extrêmement chanceux si nous arrivons à trouver d'autres commanditaires. Ce n'est pas ainsi que les choses se font. Le budget de commandite des autres entreprises est déjà affecté. Il n'inclut pas de «provision pour imprévus».
Béni soit ce merveilleux groupe de Canadiens qui luttent pour un Canada sans fumée! Toutefois, nous savons tous que son idéal est utopique, que son objectif ne se réalisera jamais. La prohibition de l'alcool nous a appris que l'on ne cessera pas de consommer parce que c'est interdit, qu'il se développera une économie souterraine. Ce qui compte, ce n'est pas de chercher à éliminer complètement le phénomène, mais bien de diriger le pays en sachant qu'il faut composer avec certaines réalités. Toutefois, les résultats obtenus ne compenseront jamais les dommages.
Comme disait mon père: «Prends garde, mon fils; la plus petite fissure peut faire sombrer le plus gros navire». Si le projet de loi C-71 est une petite fissure, nos droits de la personne y passeront bientôt. Le projet de loi à l'étude contribuera à édulcorer les droits de la personne. La réputation du Canada en souffrira dans le monde entier.
Parmi les peines sévères prévues pour les organisateurs, participants et commanditaires d'événements qui violent la loi, on compte l'imposition d'amendes pouvant atteindre 300 000 $ et l'emprisonnement pendant deux ans. Les meurtriers sont mieux traités que nous au Canada. Nul ne voudra courir le risque, nul ne voudra avoir un rapport quelconque avec ces événements. C'est donc la fin de ce genre de commandite. Il n'existe rien qui puisse remplacer le système actuel, dans le cadre duquel nous sommes libres d'exercer nos droits. La Cour suprême du Canada a déjà statué en faveur de ces libertés, et je soupçonne que, si le projet de loi est adopté, elle aura à se prononcer à nouveau.
Le gouvernement fédéral souhaite-t-il un milieu artistique prospère au Canada? Si c'est ce qu'il veut, il doit alors rejeter le projet de loi à l'étude.
Honorables sénateurs, c'est tout ce que j'avais à dire. Merci.
La présidente: Monsieur Power, je vous remercie. Vous avez dit que les commandites totalisaient 250 millions de dollars. Par souci de clarté, je tiens à préciser que, d'après l'association des fabricants de produits du tabac, c'est 60 millions de dollars qu'ils ont versés en commandite. Je veux vérifier que nous parlons bien de la même chose.
M. Power: Il faudrait que je vérifie auprès de ma source, madame la présidente. Cependant, le gouvernement fédéral s'en prend bel et bien à plus de 250 millions de dollars de commandites et de revenus publicitaires versés par l'entreprise privée.
La présidente: C'est donc 250 millions de dollars au total, dont 60 millions proviennent de l'industrie du tabac?
M. Power: Oui.
Mme Karen Planden, directrice générale, 25th St. Theatre Centre Inc.: Bonjour. Je m'appelle Karen Planden et je suis ici en tant que porte-parole du 25th St. Theatre de Saskatoon, en Saskatchewan. Avant tout, cependant, je suis ici en tant que Canadienne.
En ma qualité de directrice générale d'une troupe théâtrale à but non lucratif, je dois m'occuper de questions concernant la commandite du tabac, parfois tous les jours. Le 25th St. Theatre a bénéficié de la commandite des Arts du Maurier Limitée à trois occasions différentes. La dernière commandite a représenté 10 000 $ pour la pièce Sacred Places, dont la dernière représentation a eu lieu dimanche dernier. Bien qu'on ait dit beaucoup de choses au sujet des sources de fonds qui pourraient remplacer la commandite des producteurs de tabac, je suis ici pour vous dire que ce n'est tout simplement pas vrai, surtout pour une petite troupe des Prairies en pleine croissance. La Banque Royale du Canada, une des plus riches sociétés canadiennes, est notre deuxième commanditaire. Elle verse généreusement 1 000 $, ce qui, paraît-il, est le maximum autorisé. À mesure que diminuent les fonds gouvernementaux, de plus en plus d'organismes rivalisent pour obtenir des fonds limités des entreprises. Toutes les entreprises -- pas seulement les fabricants de produits du tabac --, y compris le gouvernement du Canada, commanditent des événements pour se faire de la publicité et améliorer leur image. C'est ainsi que nous sommes tenus par le Conseil des arts du Canada d'inclure sa publicité sur nos affiches. Il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui sont disposées à commanditer une troupe théâtrale dont le mandat est de développer, de produire et de présenter des oeuvres canadiennes.
Le 25th St. Theatre est l'une des quatre troupes professionnelles de la Saskatchewan. Elle n'est pas très connue, et de nombreuses sociétés jugent que le théâtre expérimental est trop risqué. Toutefois, elle est essentielle à la croissance et au développement soutenu du théâtre, non seulement chez nous, mais partout au pays.
Comme vous, je suis responsable du bien-être d'autres personnes. J'aimerais donc vous dire ce que signifient ces 10 000 $ pour une troupe comme 25th St. Theatre. Ces 10 000 $ paient le salaire de cinq acteurs et d'un décorateur et tous les costumes et accessoires requis pour une seule production. Ces 10 000 $ représentent plus que tout notre budget de publicité annuel et ils équivalent à notre loyer annuel.
Le 25th St. Theatre est l'une des troupes théâtrales les plus anciennes du Canada. Elle a produit plus de 80 pièces originales, a permis de faire connaître des auteurs dramatiques nouveaux et contribue activement à donner une voix sur la scène à la collectivité métisse. Il importe au plus haut point de souligner que les Arts du Maurier ont catégoriquement refusé de commanditer toute production conçue pour les jeunes, s'adressant à eux ou les faisant participer.
Ces 10 000 $ vous semblent peut-être dérisoires, et vous croyez peut-être qu'on peut facilement les remplacer, mais ils représentent 2 p. 100 de mon budget annuel global et 38 p. 100 du budget de la production Sacred Places, à laquelle ils ont été affectés.
Certains soutiennent que les troupes théâtrales et autres organismes sans but lucratif devraient être plus autosuffisants. C'est ce que le gouvernement nous dit et c'est certes évident dans les continuelles compressions que nous font subir les trois ordres de gouvernement.
En tant que Canadienne, le fait que le tabac soit un produit légal au Canada, mais que les producteurs de tabac ne puissent faire comme les autres sociétés légales m'inquiète. On leur permet effectivement de donner de l'argent à des organismes actuellement, mais qui en fera les frais, si on le leur interdit? Ce seront les organismes sans but lucratif. Dites-moi ce que représente pour vous 38 p. 100 de votre budget, 2 p. 100 de votre budget total. Combien de temps faut-il au gouvernement du Canada pour réunir les fonds représentant 2 p. 100 de votre budget?
Pourquoi pénalise-t-on les organismes à but non lucratif qui font face à des amendes et à des peines d'emprisonnement alors que le gouvernement taxe la vente des produits du tabac mais s'en défend en disant qu'il utilise l'argent à de meilleures fins? On a prétendu que des millions de dollars et des milliers de vies sont perdus chaque année à cause des effets directs et indirects du tabagisme. Si c'est vrai, déclarez le tabagisme illégal. N'est-ce pas là votre raison d'être? Soyez braves. Ne le faites pas sur le dos des organismes qui se battent pour leur survie, qui luttent pour être plus autonomes et qui éprouvent des difficultés à obtenir des dollars de plus en plus rares des entreprises. Si le gouvernement peut garder la tête haute et continuer de taxer les cigarettes en invoquant qu'il utilise l'argent à des fins meilleures, je suppose, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire, nous aussi?
Sur une note plus personnelle, mon père a appris qu'il avait le cancer du poumon, cette année. Je connais donc très bien les effets dévastateurs du tabagisme, mais la décision de fumer est une question de choix personnel. Je n'ai jamais fumé. J'ai souvent assisté à des événements commandités par des fabricants de produits du tabac, mais je n'ai jamais eu envie de griller une cigarette. Tous les jours, je fréquente des fumeurs et, pourtant, je n'ai toujours pas envie de fumer. Je ne l'ai jamais eue, ni en tant qu'adulte, ni en tant qu'adolescente. Mon père a commencé à fumer par choix. C'est par choix qu'on se met à fumer, qu'on continue de fumer et qu'on arrête de fumer.
Il existe de nombreuses substances engendrant une dépendance qui sont tout à fait légales et que nous pouvons acheter n'importe où au pays, allant du tabac aux pulvérisations nasales. C'est la liberté de choix qui fait la grandeur du Canada, qui nous distingue des autres. Si vous souhaitez donner l'exemple, faites-le, mais cessez de faire du «deux poids, deux mesures». Si vous éliminez les sources de financement des organismes qui font la force de ce pays et qui enrichissent sa culture, il vous faudra offrir d'autres sources de financement. Si vous souhaitez arrêter les gens de fumer, faites-le, mais ne demandez pas à d'autres d'assumer les conséquences de vos décisions.
Que cela vous plaise ou non, j'aimerais évoquer ce que représente pour moi le fait de me retrouver dans une foule de 1000 personnes assistant au Festival des lumières. Il y a le simple plaisir, l'émerveillement et beaucoup d'émotions. Comme nous l'a si bien appris le dernier référendum, les émotions peuvent faire l'unité d'un pays ou provoquer son éclatement.
Que l'argent vienne du tabac, de l'alcool ou de l'uranium, tant que le gouvernement du Canada permettra la production, la vente, l'achat et la consommation du produit, il faudra laisser les sociétés libres d'agir en conséquence.
Dernier point: la boutique de l'hôpital dirigée par le gouvernement où séjournait mon père vendait des cigarettes. N'est-ce pas ironique? Je serais curieuse de connaître le montant des recettes fiscales que le gouvernement a tirées de la vente des cigarettes dans cette seule boutique.
Je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole aujourd'hui. Je trouve remarquable que nous vivions dans une société démocratique où tous, peu importe leurs origines ou leur occupation, ont le droit de se faire entendre. C'est, je crois, ce que l'on entend par liberté. Je vous remercie.
La présidente: C'est nous qui vous remercions. J'avoue que la raison pour laquelle vous êtes ici est, en partie, le fait que vous représentiez une petite troupe théâtrale des Prairies.
Je cède maintenant la parole à M. Gagné, qui représente une petite troupe théâtrale francophone du nord de l'Ontario.
[Français]
M. Robert Gagné, administrateur, Théâtre du Nouvel-Ontario Inc: Madame la présidente, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous ce matin. Je m'appelle Robert Gagné et je suis administrateur du Théâtre du Nouvel-Ontario.
Le Théâtre du Nouvel-Ontario ou TNO est la seule compagnie de théâtre francophone professionnel dans le Nord de l'Ontario. Situé à Sudbury, le TNO célèbre cette année son 25e anniversaire.
1977 est une année charnière pour nous, car le TNO est le premier théâtre francophone à l'extérieur du Québec à bâtir sa salle de spectacles. Dans six mois, le théâtre ouvrira ses nouvelles portes et mettra derrière lui 15 années de travail acharné. Le projet aura coûté 1,7 million de dollars et sera complété grâce, entre autres, à un appui majeur du gouvernement du Canada par le biais du ministère du Patrimoine canadien.
La compagnie a développé, au fil des ans, plusieurs différents volets d'activités. Un volet tournée amène ses productions partout en Ontario, au Canada et à l'occasion outre-mer. Notre production communautaire annuelle nous permet de développer le talent local et d'attirer de nouveaux spectateurs. Un volet jeunesse reprend vie depuis un an et nous permettra de renouer nos liens avec le marché scolaire, ce marché si important pour développer le public de l'avenir. Le volet développement de la dramaturgie nous amène à y travailler avec des auteurs franco-ontariens afin de développer de nouveaux textes susceptibles d'être produits dans une saison future.
Enfin, notre volet création est celui par lequel le TNO crée des oeuvres toutes nouvelles, inédites, à contenu canadien complètement original. La création est au coeur du mandat de la compagnie et lui a valu une reconnaissance nationale, alors que dans les 8 dernières années, deux de ses auteurs se sont mérité le Prix du gouverneur général du Canada pour des pièces de théâtre développées et créées au TNO.
C'est pour ces projets de création et pour l'accueil des créations d'autres théâtres, que le TNO reçoit, depuis 8 ans maintenant, un appui du Conseil des arts du Maurier. Mon objectif ce matin est d'essayer de vous décrire un peu le contexte dans lequel oeuvre notre compagnie et l'impact du projet de loi C-71, dont la forme actuelle entraînerait certainement pour le TNO la perte d'un partenaire extrêmement important.
Ces dernières années, le budget global du TNO oscille autour des 400 000 $. Le théâtre a un personnel permanent de 3 employés, une directrice artistique, un administrateur, un agent de communication. Depuis 6 ans, le niveau d'appui du Conseil des arts du Maurier se fixe à 10 000 $ annuellement, et ce pour le projet de création du TNO.
En faisant le calcul, vous constaterez que ce 10 000 $ constitue effectivement 2 p. 100 de notre budget global. Mais, si on regarde les revenus générés par la compagnie -- je parle de commandites, la vente de billets, la vente d'annonces, les coproductions --, la valeur de cette commandite grimpe à 10 p. 100. Si l'on isole notre projet de création, le projet pour lequel on reçoit cet appui, le 10 000$ représente entre 25 et 35 p. 100 des revenus de ce projet.
Après les Arts du Maurier, nos commanditaires les plus importants donnent 1 500 $ seulement et ce, pour notre projet de spectacle communautaire. Si le TNO perd ce 10 000 $, cet argent sera à toutes fins pratiques perdu pour de bon. Il n'y a pas localement un autre partenaire de cette taille qui serait prêt à investir une somme aussi importante dans un produit artistique. Nous avons déjà énormément de travail tout simplement à maintenir nos collaborateurs acquis. D'ailleurs, traditionnellement la création a toujours été difficile à vendre, car on ne peut pas garantir la nature de la nouvelle pièce. On ne connaît pas le produit final tant que la production n'est pas complétée. C'est notre plus grand défi dans la recherche de commanditaires. Les entreprises et corporations hésitent d'associer leur nom à un produit à risque.
J'aimerais prendre un moment pour vous résumer en quelques mots la situation de notre financement public depuis six ans, avec l'exemple de nos quatre principaux bâilleurs de fonds.
La subvention annuelle du Conseil des arts du Canada est gelée depuis six ans. La subvention de fonctionnement du Conseil des arts de l'Ontario est gelée également depuis six ans, et a même connu une réduction symbolique de 1 000 $ l'an passé. En Ontario, le Conseil des arts s'attend à de nouvelles compressions pouvant atteindre les 25 p. 100. Le soutien financier du programme d'appui aux langues officielles a été réduit de 30 p. 100 depuis 6 ans. Enfin, à la ville de Sudbury, nous avons connu des réductions de 27 p. 100 et le tout est menacé de disparaître complètement l'an prochain quand la ville devra réagir aux nouvelles coupures provinciales.
Nous comprenons et acceptons la nécessité de réduire les finances publiques. Comme organisme artistique, nous avons fait nos devoirs. Nous avons réduit nos propres coûts. Nous avons augmenté l'efficacité de notre fonctionnement. Nous accomplissons un travail monstre avec une équipe réduite. En plus, nous menons de front un projet d'infrastructure. Dans la dernière année, le TNO est allé chercher 150 000 $ dans la communauté et devra aller en prélever un autre 150 000 $ dans les mois qui viennent, pour terminer son projet de construction.
Depuis un an, nous avons cogné à toutes les portes dans le cadre de cette campagne et nous retournons une deuxième et une troisième fois quand elles sont fermées. Nous sommes donc bien placés pour connaître les pressions immenses qui s'exercent sur le secteur privé pour répondre au déluge de besoins dans la communauté.
Avant de lancer cette campagne, nous avons fait une recension des campagnes majeures en cours ou en voie d'être lancées à Sudbury. Je parle seulement des plus importantes et non pas des multitudes petites levées de fonds lancées par tout un chacun. Dans la région de Sudbury, qui compte un bassin de population d'environ 150 000 personnes, les collèges, les universités, les hôpitaux, Centraide et d'autres sollicitent actuellement 41 millions de dollars dans la communauté. À cela pourront s'ajouter des coûts supplémentaires reliés à la restructuration hospitalière, lesquels pourraient s'élever jusqu'à 20 millions de dollars pour la communauté.
Dans les discours autour de ce projet de loi, il y en a qui suggèrent que les organismes artistiques ont développé une dépendance envers l'argent des compagnies de tabac. La métaphore est bien trouvée! Mais à ce compte, employons-la à sa juste valeur. Vous constaterez que nous souffrons de dépendances multiples; à commencer par notre dépendance au financement du Conseil des arts du Canada, au programme d'appui aux langue officielles, aux Conseils des arts provinciaux et municipaux. Nous avons une grave dépendance aux revenus des loteries, des bingos, des casinos, au secteur privé. La dépendance la plus insidieuse est envers notre public acheteur de billets. Je vous assure que nous avons plusieurs vices et que tous nos revenus, chaque billet vendu, chaque annonce vendue dans le programme, chaque commandite, chaque 20 $ ou 100 $ que l'on ramasse en dons est indispensable au financement de la compagnie.
Nous comprenons les inquiétudes du gouvernement en ce qui a trait à l'usage du tabac, particulièrement chez les jeunes. Nous croyons qu'il y a moyen de faire des ajustements au projet actuel, qui permettraient des ententes de commandite tout en mettant des restrictions précises autour de la visibilité accordée. Pour notre part, notre produit s'adresse principalement à un public adulte. Comme vous pouvez le constater, la visibilité de la compagnie de tabac prend déjà une place minime sur l'affiche du spectacle. J'ai amené ici en exemple, une affiche typique de spectacle qui est commandité par les Arts du Maurier. Cela vous a probablement déjà pris un moment juste pour trouver le logo, il est en bas ici. Il représente déjà à peine 2 p. 100 de la surface totale de l'affiche. Dans l'éventualité où ce projet de loi passe, on devra payer une amende, jusqu'à 300 000 $, et on pourrait peut-être passer 2 ans en prison pour cette affiche à l'extérieur de nos lieux de représentation.
J'espère vous avoir communiqué un autre point de vue ce matin, pas celui d'un événement qui injecte des millions de dollars dans l'économie et qui embauche des milliers de travailleurs, mais celui d'une petite entreprise artistique en région qui sera durement éprouvée par l'impact de ce projet de loi.
Si le projet de loi passe tel quel, le TNO ne sera pas appelé à disparaître, mais cela va être un dur coup, alors qu'on est à bout de souffle, à bout de ressources, alors qu'on se démène pour trouver des alternatives de financement dans un contexte économique impossible, on se sent balayé par ce projet de loi, comme le bébé avec l'eau du bain.
[Traduction]
M. Keith Kelly, directeur national, Conférence canadienne des arts: La Conférence canadienne des arts, qui a vu le jour en 1945, est le plus important et le plus vieil organisme de défense des arts au Canada. Elle représente approximativement 250 000 travailleurs du milieu artistique et de l'industrie culturelle du Canada.
Je ne prétendrai certes pas, aujourd'hui, que la commandite du tabac fait l'unanimité dans le milieu artistique. En fait, elle éveille beaucoup d'émotions, comme partout ailleurs dans la société canadienne. Toutefois, mettons de côté ces émotions pour un instant. Nous avons entendu le point de vue des artistes et des organismes artistiques qui s'opposent vivement à la commandite du tabac, sous toutes ses formes. Nous avons aussi entendu le point de vue d'organismes -- ceux d'aujourd'hui en sont un bon exemple -- pour lesquels la santé publique, même s'ils ne la considèrent pas comme une question secondaire, passe après la survie.
Mon organisme aimerait s'attarder surtout aux effets pratico-pratiques du projet de loi à l'étude. Je conviens volontiers avec Mme Planden que la source de nos préoccupations est le pelletage des responsabilités dans la cour des administrateurs et des employés des organismes qui acceptent de se faire commanditer par des fabricants de produits du tabac.
Le projet de loi C-71 prévoit de lourdes mesures punitives pour tout non-respect des restrictions imposées. Comme l'a dit M. Power, elles sont suffisamment lourdes pour laisser entendre que la plupart des organismes devront y réfléchir à deux fois avant d'accepter un sou des sociétés de tabac.
Fait étrange, les conseils d'administration sont tenus responsables de toute infraction éventuelle à la loi, alors qu'en même temps, la loi retire à ces conseils d'administration la liberté de décider quels commanditaires sont compatibles avec les objectifs et les activités de leur organisme.
Les conseils d'administration des organismes à but non lucratif ont une responsabilité fiduciaire en ce qui a trait à la gestion de leur organisme. Si leur organisme cesse de fonctionner, ces administrateurs sont responsables de supporter les coûts que l'organisme ne pouvait payer.
Ces administrateurs -- c'est-à-dire des bénévoles, des gens qui donnent gratuitement leur temps et leur énergie -- ont du mal à accepter les contingences des années 90, alors que les gouvernements de tous les paliers diminuent le financement et que les organismes de charité de tout genre se tournent vers le secteur privé pour obtenir un appui financier.
La Conférence canadienne des arts est d'avis qu'il est inopportun que les responsables de la gestion des affaires publiques rendent le travail de ces administrateurs plus difficile qu'il ne l'est déjà. Laissez-leur prendre chaque jour des décisions éclairées et réfléchies de manière à assurer la vitalité de leur organisme. Laissez-les prendre des décisions quant au choix de commanditaires, lesquels doivent être compatibles avec le genre de valeurs que représente leur organisme. Ne les punissez pas par des amendes et des peines que l'on n'impose même pas à de grands criminels dans notre pays, ainsi que l'a dit M. Power.
Tout au long de cette discussion -- qui a été longue --, la CCA a soutenu que la meilleure façon de procéder consiste à s'appuyer sur des règlements raisonnables visant à s'assurer que les objectifs du gouvernement en matière de santé publique sont atteints, tout en préservant la marge de manoeuvre nécessaire des conseils d'administration. C'est ce que nous vous demandons de faire aujourd'hui.
Dans le cadre de votre examen du projet de loi, voyons si l'on n'impose pas une charge trop lourde à ces conseils d'administration bénévoles qui sont déjà légalement responsables du fonctionnement de leur organisme et qui doivent trouver l'argent nécessaire pour payer leurs employés et leur location. C'est un aspect de cette mesure législative qui nous inquiète.
Même si un organisme s'applique à respecter les restrictions prévues par le projet de loi C-71, les risques de mésaventure sont élevés. Par exemple, supposons que vous avez reçu une subvention pour organiser un festival de jazz et que vous avez respecté les conditions de cette mesure législative. Vous produisez du matériel publicitaire à utiliser sur les lieux du festival et un autre, à utiliser à l'extérieur. Mes collègues ont déjà informé les sénateurs des réalités de la dotation au sein de la plupart des organismes artistiques. Il n'est pas difficile d'imaginer que vous avez payé l'impression des deux genres de matériel publicitaire et que vous avez embauché une personne pour agrafer des affiches aux poteaux téléphoniques, et cetera, dans toute la ville; vous avez parfaitement observé les règlements. Toutefois, vous n'avez pas de personnel. Vous avez une réceptionniste à temps partiel. Le jeune vient chercher les affiches; la réceptionniste se trompe et ne lui donne pas les bonnes affiches. Ce jeune homme ou cette jeune fille les agrafe sur chaque poteau téléphonique de la ville. Chaque affiche, chaque jour représente une infraction distincte. Donc, en cas de bévue, lorsque la réceptionniste se trompe, l'organisme en question fait non seulement faillite, mais encore, son conseil d'administration bénévole court personnellement le risque d'amendes et de peines susceptibles de représenter des millions et des millions de dollars. C'est là qu'il faut rajuster le tir.
La question des aménagements fixes se pose également. Au fil des ans, nous avons vu le Théâtre du Maurier à Harbourfront, par exemple, recevoir considérablement d'argent pour que les mots du Maurier figurent dans son nom officiel. Cette mesure législative donne au gouvernement le droit de prendre des règlements au sujet de ce genre de don.
Dans le cas de ce théâtre qui est connu depuis 10 ou 20 ans sous le nom «Théâtre du Maurier», le fait de ne pas pouvoir indiquer ce nom dans sa publicité va compliquer les choses lorsque viendra le temps d'annoncer les événements qui doivent s'y dérouler. Les gens le connaissent sous le nom Théâtre du Maurier et sous aucun autre nom. Vous compliquez la vie de ces organismes et de leurs conseils d'administration, sauf si les règlements sont rédigés de manière à permettre que toutes les installations qui ont actuellement ces genres d'ententes soient protégées.
Le sort des commandites de titres est difficile. Le nom d'une marque de tabac figure dans le titre de certains événements. Si l'on ne peut plus conclure de telles ententes ou maintenir celles qui existent, le sort de ces événements est clair: ils n'auront plus la même ampleur, la même qualité ou le même attrait pour les spectateurs et les touristes.
La CCA pense que le gouvernement a raison de poursuivre les objectifs de santé publique indiqués dans le projet de loi C-71. Toutefois, nous croyons que cette mesure législative, sous sa forme actuelle, fait peser un poids déraisonnable sur les administrateurs d'organismes à but non lucratif commandités et modifie leur capacité d'attirer des spectateurs et d'autres commanditaires pour ainsi continuer à offrir dans chaque région du pays des événements artistiques canadiens de qualité. Nous vous encourageons fortement à examiner la question d'équilibre raisonnable.
Enfin, nous arrivons à la question du financement de remplacement. Ce débat nous occupe depuis longtemps. Le sénateur Kenny a avancé l'idée de recettes de remplacement par l'entremise du régime fiscal pour remplacer les recettes des sociétés de tabac.
Ce que nous connaissons des recettes spécialement affectées est loin d'être positif. Lorsque les loteries provinciales ont été créées, les groupes artistiques, les groupes communautaires, la condition physique et le sport amateur devaient en être les principaux bénéficiaires. Les artistes ne tirent pratiquement aucun avantage de la plupart des loteries. La plupart des recettes de ces activités sont versées au Trésor des provinces. Au palier fédéral, nous avons examiné les chiffres relatifs à la surtaxe sur les profits des sociétés de tabac, surtaxe créée pour générer des recettes destinées à la santé publique; la dernière fois que nous nous sommes informés, cette surtaxe avait généré 72 milliards de dollars et seulement 22 millions avaient été en fait consacrés à la santé publique. Le reste avait été versé au Trésor. Par conséquent, l'idée de recettes de remplacement ne nous inspire pas trop.
Nous cherchons à diversifier les appuis financiers des groupes artistiques et devons le faire en partenariat direct avec le secteur privé. Si cette mesure législative a pour effet de dissuader les sociétés de tabac et les organismes artistiques de maintenir leurs rapports, nous encourageons alors les ministres de la Santé, du Patrimoine canadien et des Finances d'utiliser tous les moyens dont ils disposent pour créer des incitatifs de manière que d'autres sociétés puissent devenir commanditaires; par ailleurs, ils ne devraient pas mettre ces restrictions en vigueur tant que nous n'aurons pas trouvé des commanditaires de remplacement capables de contribuer aux arts de la même manière que les sociétés de tabac.
Je sais que le processus est aussi très long pour vous et je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de présenter mon point de vue et celui de la CCA aujourd'hui.
Le sénateur Kenny: Il s'agit, à mon avis, du groupe le plus important que nous ayons entendu jusqu'ici. Je regrette que les journalistes ne soient pas aussi nombreux que lors de la comparution des représentants des sociétés de tabac.
Honorables sénateurs, nous avons devant nous des victimes de cette mesure législative auxquelles nous n'avons pas pensé et je ne vois pas comment nous allons pouvoir nous occuper de leur sort. C'est une grave omission du projet de loi. Je crois que ce que nous avons entendu aujourd'hui est essentiellement exact. Je suis en désaccord avec certains points, mais en général, j'ai l'impression que ce groupe fait les frais de ce projet de loi; c'est une réalité à laquelle nous n'avons pas pensé; en tant que législateurs, nous n'avons pas pensé à la survie des groupes artistiques. Je pense que c'est à nous qu'il incombe de trouver une solution à cet égard.
M. Kelly a raison; nous avons déjà eu l'honneur de débattre de cette question au Ottawa Little Theatre. Nous l'avons examinée sous toutes les coutures et je crois qu'à cette époque il avait fait des remarques intéressantes. Le financement du gouvernement, à tous les paliers et des deux côtés, n'a pas été constant, c'est le moins qu'on puisse dire. C'est une façon aimable de présenter les choses. À de nombreux égards, ces groupes sont nos éternels parents pauvres.
Cela étant dit, la question est grave. Il est difficile de penser à une question qui revête plus d'importance pour le gouvernement du Canada. Je crois que nous le reconnaissons tous. Nous devons également admettre que la situation va changer après cette année. Ce sera une toute autre histoire.
Je serais heureux de connaître vos suggestions. Nous avons parlé de la possibilité d'un fonds transitoire, monsieur Kelly. Il y a d'autres options. Après tout, les sociétés de tabac qui ont comparu devant nous ont elles-mêmes déclaré qu'elles ne souhaitent pas non plus que les jeunes de moins de 18 ans fument. On pourrait prévoir un droit au lieu d'une taxe. Rien n'empêche le Sénat d'amender des projets de loi pour prélever des droits au lieu de taxes. On pourrait prévoir un droit afin d'assurer le financement pendant un certain temps.
Que pensez-vous de l'idée d'une aide transitoire? Pensez-vous qu'une transition de cinq ans ou de trois ans vous donnerait le temps nécessaire pour permettre à vos organismes de s'adapter?
M. Kelly: La question de la transition est importante. Toutefois, le problème, c'est qu'il n'y a apparemment pas de sociétés prêtes à remplacer les sociétés de tabac et à proposer 25 millions de dollars par an.
Toutefois, je crois que si le gouvernement respecte ses engagements à l'égard des arts et s'il adopte ce projet de loi tout en prolongeant la période de transition, les ministres qui décident qu'il s'agit de la politique officielle du gouvernement fédéral devront forcer la main à d'autres sociétés pour remplacer ces recettes; il ne me semble pas que cela puisse se produire tout de suite.
Le sénateur Kenny: Lorsque je parle de transition, je ne veux pas parler d'un report de la mise en vigueur de cette loi, mais du fait qu'il faut trouver d'autres sources de financement pour vos organismes. Je ne dis pas qu'il faut reporter ou ralentir le processus. Le problème du tabac se pose bel et bien, il est grave, il est réel, il touche votre père et 40 000 autres Canadiens et nous devons prendre dès maintenant des mesures pour le régler.
Si je suis mis au pied du mur et que je dois faire un choix, je choisirai ce qui permettra de faire avancer les choses en ce qui concerne le problème du tabac, au détriment de vos organismes, si nécessaire. Cela étant dit, ce n'est pas ce que je souhaite et c'est la raison pour laquelle je dis que le projet de loi est imparfait. Il faut trouver un moyen de s'en sortir.
Le problème du financement des groupes artistiques s'est posé bien avant ce projet de loi. À mon avis, vous avez commencé à être les parents pauvres du système il y a des dizaines d'années déjà. Ce n'est pas subitement arrivé et ce n'est pas arrivé à cause du ministre de la Santé. C'est quelque chose que les Canadiens n'ont pas fait correctement pendant longtemps et qu'ils devraient commencer à faire correctement.
J'aimerais connaître vos suggestions ou avoir des précisions sur le scénario que vous proposez, lequel fait intervenir le ministre du Patrimoine et le ministre des Finances, mais ne venez pas me dire qu'il faut reporter la mise en vigueur du projet de loi, car en ce qui me concerne, là n'est pas la question.
M. Kelly: Si vous permettez, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. J'ai parlé en fait de la disposition du projet de loi C-71 qui prévoit une période de transition avant l'application des restrictions en matière de commandite. Lorsque vous parlez de transition, c'est ce que j'ai compris -- vous voulez parler de la période envisagée par le gouvernement avant la mise en application des restrictions en matière de commandite.
Le sénateur Kenny: Il n'est pas question pour moi de prolonger ce délai, mais lorsque vous parlez des poteaux téléphoniques et des affiches, je suis fort inquiet. Vous éveillez notre attention lorsque vous parlez de ces problèmes, car nous comprenons alors que vous travaillez avec des bénévoles et des groupes qui connaissent des difficultés organisationnelles.
Il serait utile pour le comité que vous parliez davantage de cette question, ainsi que de celle du financement en général.
M. Kelly: La lourde responsabilité imposée aux conseils d'administration bénévoles de ces organismes est pour nous l'essentiel du problème. Il semble que l'on se trompe de cible. Vous dites que vous ne voulez pas que les sociétés de tabac se servent de la commandite de ces événements pour faire la promotion du produit ou encourager la consommation du tabac chez les jeunes.
Je crois, sans en être absolument certain, que dans le cas de la publicité et des promotions de l'alcool, s'il y a infraction, c'est le commanditaire qui est tenu responsable et non l'organisme commandité. Il me semble que ce serait un important transfert de responsabilité. J'ajouterais que cela ne devrait pas empêcher les organismes de faire en sorte que leurs activités sont en accord avec la loi.
Le problème du financement est réel. Nous avons connu des compressions importantes du financement à tous les niveaux. Le financement qui existe est assorti de conditions, si vous voulez. Il fut un temps, surtout au gouvernement fédéral, où les subventions étaient la principale forme d'appui apporté aux arts. Maintenant, dans la plupart des cas, ces subventions sont des contributions, ce qui crée des relations contractuelles entre le bailleur de fonds et l'organisme bénéficiaire. Par conséquent, des travaux livrables sont attendus et les fonds ne peuvent être utilisés pour financer les coûts de fonctionnement, et cetera.
Non seulement le montant total du financement a-t-il diminué, mais encore, la marge de manoeuvre des organismes en ce qui concerne la façon de dépenser cet argent pour appuyer leur fonctionnement, a été considérablement réduite. L'adoption de politiques en matière de gestion de trésorerie a changé les choses; par exemple, il y a quelques années, lorsque l'on recevait une subvention d'un million de dollars, on recevait un chèque d'un million de dollars que l'on pouvait placer à la banque et qui pouvait faire de l'intérêt. Cet intérêt pouvait être utilisé pour financer d'autres secteurs d'activités. Dans le cadre du nouveau système de gestion de trésorerie et des ententes relatives aux contributions, les versements nous arrivent tous les trois ou quatre mois. Non seulement cela se traduit-il par une diminution de la somme globale, mais aussi, cela influe sur la souplesse et la possibilité d'utiliser cet argent pour produire d'autres recettes nécessaires à l'appui des activités.
Les services de la santé, de l'environnement, les services sociaux et de l'éducation sollicitent tous les sociétés. Il n'y a pas un seul secteur de la vie au Canada qui ne doive faire des efforts acharnés pour obtenir un financement auprès des sociétés.
L'un de nos organismes artistiques a écrit à 200 sociétés en Ontario pour leur demander d'appuyer ses activités. Il n'a reçu aucune réponse positive. Maintenant que les organismes de charité sollicitent de plus en plus l'appui des sociétés, celles-ci ont des choix difficiles à faire. Les perspectives de succès échappent à la plupart des organismes de notre pays.
Le sénateur Kenny: Quelles sont donc les solutions possibles si l'on ne fait plus appel aux sociétés de tabac?
Mme Planden: Si j'ai parlé de mon père, c'est parce que je suis directement intéressée par les causes et les effets de l'usage du tabac. Pour moi, ce projet de loi crée toutes sortes de problèmes. Vous parlez de commandites d'autres sociétés. D'autres sociétés vendent des produits et peuvent donner leur argent à des organismes à but non lucratif. Jusqu'où allons-nous? Le gouvernement va-t-il commencer à dicter aux sociétés la façon dont elles peuvent utiliser leur argent?
À certains égards, la question dépasse celle des effets nocifs du tabac, effets qui ont été prouvés et que peuvent reconnaître les sociétés de tabac. Il s'agit en fait d'une question de choix et de liberté dans un pays où les sociétés devraient pouvoir fonctionner comme elles le désirent.
La question est plus vaste. Si vous demandez: «Quelles sont les autres solutions?», je répondrais que je n'en sais rien. On pourrait proposer telle ou telle solution pour cette semaine, mais la semaine prochaine, vous pourriez revenir nous dire: «Arrêtez. Vous ne pouvez accepter l'argent de cette société.»
Le sénateur Kenny: Avec tout le respect que je vous dois, vous pouvez invoquer comme argument la liberté de choix, un argument que je comprends et que je respecte. Cela dit, toutefois, le gouvernement est obligé à un certain moment de dire que le problème a pris trop d'ampleur, qu'il coûte trop cher en vies et en argent.
Mme Planden: Alors rendez le produit illégal.
Le sénateur Kenny: Ce n'est pas une solution raisonnable. Nous le comprenons tous les deux. Nous allons revenir aux années folles, avec tous les problèmes que suscite la prohibition et faire en sorte que beaucoup de Canadiens défient la loi. Nous devons trouver une solution plus complexe et plus astucieuse au tabagisme.
Mme Planden: Sommes-nous censés le faire pour vous?
Le sénateur Kenny: Vous devez apporter votre contribution.
Le sénateur Pearson: Madame la présidente, j'ai trouvé l'exposé de M. Kelly utile. En tant que personne qui a longtemps oeuvré au sein d'organismes à but non lucratif, la question que je me pose est toujours la suivante: «Quelle est la responsabilité du conseil d'administration?» Avez-vous des recommandations qui permettraient d'alléger en partie ce fardeau?
La dernière fois que j'ai participé au démantèlement d'un organisme, je me suis rendu compte que notre responsabilité n'était pas aussi grande que je l'avais craint. Je ne sais pas très bien s'il s'agit de quelque chose qui se trouve dans la loi ou dans le règlement.
M. Kelly: Je crois que la loi impose la peine à chacun des membres du conseil d'administration. Les peines sont déterminées par cas et par jour.
Le sénateur Pearson: Avez-vous une recommandation précise à faire ou aimeriez-vous en faire une?
M. Kelly: Oui, j'en aurais une à faire. Il faut absolument que nous allégions de ce fardeau les membres bénévoles des conseils d'administration. Vous vous rendez compte que les organismes subiront de fortes pressions pour trouver des gens compétents appelés à siéger au sein de leurs conseils d'administration.
Le sénateur Pearson: Je comprends cela et c'est la raison pour laquelle je m'intéresse à votre recommandation.
En me rendant à la séance du comité ce matin, j'ai entendu de bonnes nouvelles à la radio. On y disait que l'Orchestre symphonique d'Edmonton touchera un million de dollars du gouvernement de l'Alberta aux fins de stabilisation. Personnellement, je ne crois pas que la tendance soit tout à fait à la baisse. C'est une conséquence des tentatives déployées par les gouvernements pour stabiliser leurs finances. J'ai bon espoir que les divers paliers de gouvernement injecteront de nouveaux crédits dans les arts.
J'apprécie l'observation au sujet de du Maurier. Que pense-t-on du changement du nom O'Keefe en celui d'Hummingbird?
M. Kelly: Comme vous pouvez vous l'imaginer, les choses ne se sont pas passées en douceur. La plupart des gens se demandent encore ce qu'est le Centre Hummingbird. Il faudra du temps et de l'argent. Tant le commanditaire que le centre ont reconnu qu'il faudrait dépenser de l'argent pour amener le public à faire le lien entre le Centre O'Keefe et le Centre Hummingbird. Il s'agit peut-être d'une autre disposition transitoire dont il faut aussi tenir compte dans l'équation.
Le sénateur Pearson: Si ce projet de loi, quelle que soit sa forme éventuelle, contribue un peu à réduire le nombre de jeunes qui commencent à fumer, il y aura moins d'argent pour les fabricants de tabac de toute façon. Il revient à chacun de chercher tôt ou tard d'autres solutions. Nous rêvons peut-être, mais nous espérons que le projet de loi incitera moins d'enfants à commencer à fumer.
La présidente: L'article pertinent qui vous intéresse, sénateur, c'est l'article 50. En voici le libellé:
En cas de perpétration par une personne morale d'une infraction à la présente loi, l'administrateur ou le dirigeant qui y a donné son autorisation ou son acquiescement est considéré comme coauteur de l'infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité, de la peine prévue...
Le sénateur Lewis: C'est la même chose que s'il s'agissait d'un particulier.
[Français]
Le sénateur Nolin: Je vous remercie, monsieur Gagné, j'ai bien aimé votre affiche. J'aimerais que vous la dépliiez. On va faire un peu de travail didactique. Cela va vous obliger à la tenir debout tout au long de votre exposé. Si quelqu'un pouvait la tenir...
[Traduction]
C'est bien, l'important, c'est que tout le monde la voie. Le témoin peut-il expliquer s'il peut produire ce genre d'affiche? Dans l'affirmative, où peut-il l'installer et pourquoi?
[Français]
Le sénateur Nolin: C'est ma question. Vous avez référé à cette affiche. Je vois que le nom du Maurier occupe, de toute évidence, moins de 10 p. 100 de l'affiche au bas de l'affiche. Mais en lisant le projet de loi, je m'aperçois que cette affiche, vous ne pourriez l'afficher qu'à l'intérieur de votre théâtre.
M. Gagné: C'est ma compréhension également.
Le sénateur Nolin: C'est la mienne aussi. Vous ne pourriez pas mettre cette affiche qui me semble de toute évidence très régulière, même intéressante, parce qu'il y a le mot du Maurier en bas qui occupe à peu près 1 p. 100 de l'affiche. Vous ne pourriez pas la mettre sur un poteau de téléphone?
M. Gagné: On placarde plus de 800 affiches dans la grande région de Sudbury. Pour nous, ce n'est pas tellement utile d'avoir les affiches à l'intérieur de notre théâtre. On a besoin d'affiches à l'extérieur de notre théâtre pour attirer les gens.
Le sénateur Nolin: C'est d'habitude pour cela que l'on fait des affiches.
M. Gagné: Exact, cela serait impossible pour nous de continuer à les afficher, de poursuivre avec cette visibilité, cela nous tire le tapis sous les pieds. Nous avons besoin de tous les moyens à notre disposition pour nous rendre visibles et attirer vraiment les spectateurs à nos spectacles.
[Traduction]
Le sénateur Lewis: Pourriez-vous indiquer la partie du Maurier?
M. Gagné: C'est un autre exemple d'un autre spectacle -- du Maurier et les commanditaires médiatiques. Il y a aussi la SRC et le Sudbury Star, une autre station radiophonique.
Le sénateur Kenny: Veuillez s'il vous plaît montrer l'affiche à la caméra qui se trouve derrière vous pour que tout le monde puisse la voir.
M. Gagné: Je ne crois pas que la visibilité soit déraisonnable.
Le sénateur Nolin: Monsieur Gagné, pour être juste avec ce projet de loi, cette affiche pourrait être installée dans un bar, dans un lieu auquel les jeunes n'ont pas accès.
M. Gagné: Oui.
[Français]
Le sénateur Nolin: Si la loi est adoptée, de toute évidence, vous allez continuer à faire des affiches. Est-ce que vous avez commencé à discuter avec vos publicistes à savoir quelles seraient les alternatives?
M. Gagné: Si la loi passe, nous aurons certainement beaucoup plus de difficultés à payer des affiches parce que c'est un 10 000 $ que nous n'aurons plus dans le cadre de cette production. La perte de cette commandite va sérieusement handicaper nos moyens de faire la publicité pour attirer le public et l'inciter à venir dans nos salles. Je ne suis pas sûr que nous allons pouvoir nous payer la production de ces affiches. Nous n'avons pas commencé à en discuter encore. Nous allons devoir sérieusement revoir nos activités de promotion, et c'est très inquiétant.
Le sénateur Nolin: Votre conseil d'administration autorise-t-il des affiches avant qu'elles ne soient mises en circulation?
M. Gagné: Actuellement, non, puisqu'il n'y a pas de gros problèmes. C'est plus le fonctionnement interne de la direction générale. J'autorise les affiches lorsqu'elles me sont présentées par mon agent de communication. Les affiches sont également présentées à nos commanditaires pour s'assurer que la visibilité leur convient.
Le sénateur Nolin: Avez-vous, à l'intérieur du théâtre, des affiches où le nom du Maurier est davatange mis en évidence?
M. Gagné: J'ai l'exemple d'une autre affiche qui reflète la visibilité typique que l'on donne aux Arts du Maurier. On y voit le logo encadré en noir dans le coin en bas à droite. Cela représente un ou deux p. 100 de la superficie de l'affiche.
Le sénateur Nolin: Cette affiche est aussi en circulation à l'extérieur de votre établissement, de toute évidence?
M. Gagné: Justement.
Le sénateur Nolin: À l'intérieur de l'établissement, est-ce qu'il y a des affiches qui disent aux gens que du Maurier a financé la production?
M. Gagné: La visibilité sur nos programmes est la principale forme de visibilité lorsque les spectateurs sont au théâtre. À ce moment, on accorde un logo, un mot ou une annonce sur le programme. Lorsque le spectateur est dans la salle, nous n'avons plus besoin de faire de publicité pour le spectacle. Si nous mettons des affiches, c'est plutôt à des fins esthétiques.
Le sénateur Nolin: Est-ce qu'il est permis de fumer dans votre établissement?
M. Gagné: Nous n'avons pas notre propre théâtre, nous devons louer des salles jusqu'à ce que l'on complète la construction. Dans notre nouveau théâtre, il ne sera pas permis de fumer.
[Traduction]
Le sénateur Jessiman: Les autres commanditaires dont le nom figure sous celui de du Maurier vous donnent-ils à peu près le même montant?
M. Gagné: Les commanditaires dont le nom figure au-dessous, sont des commanditaires médiatiques. Il s'agit de commanditaires saisonniers. Nous calculons la valeur de la visibilité qu'ils nous donnent sur les ondes, qu'il s'agisse de la radio ou de la télévision. Certains, comme la SRC, considèrent une valeur équivalente d'environ 15 000 $ en temps d'antenne.
Le sénateur Jessiman: La visibilité que vous obtenez dépend-elle du montant que vous donnez? Les fabricants de tabac vous donnent 10 000 $, dites-vous?
M. Gagné: C'est exact.
Le sénateur Jessiman: Que vous donne la SRC dans ce cas?
M. Gagné: Elle nous donne l'équivalent de 15 000 $ en temps d'antenne pour la visibilité qu'elle a ici ainsi que sur les programmes et les dépliants.
Le sénateur Jessiman: Est-ce que le nombre en dollars ou la valeur de la contribution influe sur la visibilité qu'ils obtiennent?
M. Gagné: Oui. Voici un exemple d'un autre genre de production. Nous avons une production communautaire annuelle. Nous avons plusieurs commanditaires qui nous versent 1 000 ou 1500 $. Ils sont inscrits par ordre de priorité et en fonction du montant de la commandite. Ici, du Maurier est le seul commanditaire. Tous ceux-ci sont des commanditaires médiatiques saisonniers. Nous leur assurons pendant toute la saison une visibilité équivalente au temps d'antenne qu'ils nous donnent. Du Maurier est aussi le seul commanditaire de cette activité particulière.
Le sénateur Jessiman: Pouvez-vous l'indiquer? Où se trouve-t-il?
M. Gagné: C'est le carré noir ici, dans le coin inférieur de l'affiche.
Le sénateur Kenny: Un carré noir. Comme c'est approprié!
M. Power: Je suis assis ici à écouter les arguments au sujet de solutions de rechange. Existe-t-il des preuves tangibles que les commandites, par exemple celle de du Maurier pour le concert symphonique ou le festival de jazz, incitent les jeunes à fumer?
Le sénateur Nolin: Non.
M. Power: Le ministre lui-même a dit que non et pourtant, aucun des magasins fréquentés par les enfants à Halifax ne sera touché. Ils peuvent continuer à annoncer les cigarettes. Je vais dans des magasins comme The Candy Bowl, non parce que j'aime les bonbons, mais pour y acheter par exemple un cadeau que je veux offrir à quelqu'un qui est à l'hôpital. On y emballe les cadeaux de façon professionnelle. Ce magasin est situé près d'une école.
J'y suis allé alors que 40 enfants y couraient çà et là. On y trouve sur un seul mur tout un étalage de cigarettes, de cigares et de produits du tabac. Il est beaucoup plus difficile pour les jeunes de résister à la tentation et pourtant aucune loi n'empêchera cela.
Où est la preuve tangible? Sur quoi argumentons-nous? Le fait est que cela n'empêche pas les gens de fumer. On en fait pourtant l'objet d'un projet de loi en prétendant que cela va régler le problème du tabagisme. La seule statistique qui sera touchée par ce projet de loi, c'est celle de l'emploi.
Le sénateur Nolin: L'emploi dans votre industrie.
La présidente: C'est la raison pour laquelle nous entendons beaucoup de témoins dont certains ont un point de vue différent du vôtre.
Le sénateur Beaudoin: J'aimerais revenir à la question posée par le sénateur Kenny concernant les objectifs de ce projet de loi. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut faire quelque chose.
Il est aussi question de culture ici. Je suis surpris que les témoins que nous avons entendus jusqu'à maintenant n'aient pas parlé d'autres options pour subventionner la culture. Ont-ils perdu espoir dans cette possibilité? J'aimerais en entendre davantage à ce sujet.
Peut-être considèrent-t-ils qu'il ne sert à rien d'envisager d'autres possibilités parce que le gouvernement n'a pas d'argent et ne peut donc pas subventionner la culture. Cependant, à mon avis, la culture est importante et je crois que l'État ou une autre instance devrait intervenir. J'aimerais qu'on approfondisse cette question. Pourquoi se limite-t-on à l'industrie du tabac? C'est un problème en soi. Nous devons subventionner la culture et la meilleure façon de le faire n'est probablement pas de recourir à la commandite des compagnies de tabac. Il serait sans doute préférable de trouver une autre solution.
M. Kelly: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Si le gouvernement du Canada avait pris au sérieux sa responsabilité envers le milieu des arts, nous ne serions pas en train d'avoir cette discussion. Mais il ne l'a pas fait.
Je déteste en parler parce que c'est gênant. Le Livre rouge, par exemple, a promis un financement pluriannuel stable aux institutions culturelles nationales. Cela ne s'est jamais concrétisé. Nous avons eu un financement pluriannuel mais il diminue chaque année. Tous les organismes de financement ont subi des compressions.
Comme je l'ai dit, nous avons constaté un changement majeur dans l'administration de ces programmes et dans la forme que prend le financement.
Le sénateur Beaudoin: Permettez-moi de vous interrompre. En vertu de la Constitution, la culture ne relève pas uniquement du gouvernement fédéral.
M. Kelly: Sans le leadership du gouvernement fédéral, nous savons ce que feront les provinces et nous l'avons d'ailleurs constaté.
Le sénateur Beaudoin: Les provinces ont une grande responsabilité en matière de culture. L'instance fédérale a un rôle à jouer et même le grand public.
M. Kelly: Tout à fait. Là où on pourrait faire des progrès, et je crois que mes collègues seront d'accord avec moi, ce n'est pas tant au niveau de la contribution financière du gouvernement mais au niveau des recettes, c'est-à-dire les ventes de billets, les abonnements et l'aide des sociétés.
Nous préférerions de beaucoup ne pas avoir à discuter de cette question. Nous préférerions de beaucoup ne pas avoir à venir ici insister sur l'importance de modérer ce projet de loi pour que le milieu des arts n'en fasse pas les frais. Cependant, nous n'avons pas vraiment d'espoir et ce n'est pas parce que nous sommes restés les bras croisés. Nous avons travaillé activement avec chaque palier de gouvernement. Chaque organisation ici présente et toutes les organisations intéressées ont comparu devant leurs gouvernements municipal et provincial. La Conférence canadienne des arts collabore depuis 53 ans avec le gouvernement fédéral. Nous continuons à entendre des paroles extrêmement encourageantes qui malheureusement ne débouchent jamais sur du concret. C'est la réalité avec laquelle nous devons composer.
Oui, nous aimerions parler de solutions de rechange. Malheureusement, c'est un dialogue de sourds. Nous parlons mais le gouvernement ne nous écoute pas.
Le sénateur Beaudoin: Autrement dit, dans les faits, nous manquons peut-être d'imagination.
M. Kelly: Ce qui manque, c'est le leadership dont doit faire preuve le gouvernement fédéral dans la promotion de l'expression artistique au pays.
Le sénateur Beaudoin: Je n'en laisserais pas entièrement la responsabilité au gouvernement. Dans une société civilisée, peut-être avec d'autres sources, cela pourrait exister.
Mme Planden: Pour reprendre ce que M. Kelly vient de dire, il existe des moyens par lesquels le gouvernement peut montrer la voie. À titre d'exemple, j'envoie à chaque parlementaire de la Saskatchewan des invitations à assister aux premières de nos pièces de théâtre. Je suis sûre que tous les sénateurs ici présents peuvent probablement obtenir un compte de frais et déduire le prix du billet.
La présidente: Ce n'est pas le cas.
Mme Planden: Peu importe. Là où je voulais en venir, c'est que peu d'entre eux répondent aux invitations.
Si vous voulez jouer un rôle de leadership, la meilleure forme de financement que vous pouvez accorder à une organisation artistique, c'est votre présence. Allez assister aux pièces de théâtre. Montrez au public que vous allez voir des pièces de théâtre. Amenez votre femme, vos amis, vos enfants et vos petits-enfants au théâtre. Si vous voulez que nous cessions d'être commandités par des sociétés que vous désapprouvez, soutenez la culture au Canada.
Est-ce que la culture existe dans ce pays? Elle est partout, mais même le dirigeant de notre pays ne vient pas l'appuyer. Donnez-moi les 14 $ pour ce billet. Si j'arrive à vendre même 65 p. 100 de ma maison, je n'aurai pas à me faire du souci, mais je ne le peux pas.
Comme je sais maintenant que vous n'avez pas de compte de frais, je ne vous inviterai pas. Je vous enverrai une facture. Oui, vous pouvez nous aider.
Le sénateur Beaudoin: Je vous félicite. C'est la première fois que cette question est soulevée. Nous semblons entendre: «C'est impossible, donc ne dites rien à ce sujet». Je ne suis pas convaincu que ce soit impossible. Nous devons trouver une solution.
Le sénateur Jessiman: Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent réduire les dépenses parce qu'ils doivent éliminer le déficit. Jusqu'à ce que nous affichions un surplus partout au Canada, les gouvernements ne pourront pas aider le milieu des arts.
Il est encourageant d'entendre que le gouvernement a assumé la plus grande partie de la responsabilité pour la plupart des compressions. C'est la première fois qu'il l'admet et qu'il apporte une contribution d'un million de dollars.
Espérons, quel que soit le prochain gouvernement qui sera élu, qu'il finira par éliminer le déficit et ramener la dette à un niveau raisonnable pour pouvoir aider des gens comme vous. Je me demande s'il n'est pas trop tôt pour faire ce que nous sommes en train de faire ici, mais c'est une autre histoire.
Si la dette est réduite d'ici cinq ans et que nous affichons un surplus, les impôts seront moins élevés et des gens comme vous pourront recevoir l'aide entre autres du gouvernement.
M. Gagné: Dans cinq ans d'ici, les institutions qui ont 15, 20 ou 30 ans auront été éliminées.
Il y aura peut-être de l'argent frais, mais nous devrons recommencer à zéro et nous aurons beaucoup perdu.
Le sénateur Nolin: Nous devrions peut-être lier la transition à la date à laquelle nous nous serons débarrassés du déficit.
Monsieur Kelly, vous représentez une organisation nationale. En quelques phrases, pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle et les types de consultations que vous avez offerts à Santé Canada -- c'est-à-dire, s'ils vous ont demandé de le faire?
M. Kelly: La Conférence canadienne des arts est une organisation à but non lucratif, politique indépendante, qui représente des organisations de production et de services dans toutes les disciplines -- c'est-à-dire la musique, le théâtre, la danse, les arts visuels, l'écriture, la publication, le cinéma, l'enregistrement du son, l'édition, l'architecture, l'artisanat -- et qui s'occupe de toute la gamme des activités artistiques au pays.
Avons-nous participé à des consultations? En 1995, nous avons reçu un contrat de Santé Canada pour réunir des représentants du milieu de la santé et du milieu des arts afin d'essayer d'arriver à certains compromis qui nous permettraient de trouver un terrain d'entente en prévision du débat actuel. J'ai le regret de vous indiquer que, bien que nous ayons tenu des réunions dans six villes d'un bout à l'autre pays, nous ne sommes pas arrivés à un compromis. Le milieu de la santé tient autant à son point de vue que le milieu des arts.
Bien que nous ayons proposé d'avoir une commandite tout en prévoyant peut-être certaines restrictions qui permettraient au gouvernement de donner suite à ses préoccupations en matière de santé publique, en général, les organisations du domaine de la santé ont réclamé l'élimination complète de la commandite des compagnies de tabac.
Vers la fin de ce processus, nous sommes restés en liaison avec nos membres. Le milieu des arts n'hésite pas à faire connaître son point de vue surtout à ses propres organisations. J'ai certainement reçu, de première main, tout un éventail d'opinions d'artistes et d'organisations sur cette question, indiquant de toute évidence l'absence d'un consensus clair.
Nous avons en outre offert notre aide à Santé Canada pour réunir les organisations qui seront touchées par ce projet de loi afin d'examiner les règlements qui en découleront et leur demander de participer à des consultations avec nous au début du processus d'élaboration. Nous avons renouvelé cette invitation trois fois et nous n'avons toujours pas reçu de réponse du ministre de la Santé ou de ses collaborateurs.
La présidente: Je tiens à tous vous remercier de vos présentations ce matin. Je tiens à vous assurer, Mme Planden, qu'il existe des politiciens provinciaux qui assistent à un certain nombre d'activités culturelles. J'en fais partie. Je tiens également à préciser -- et cela n'est pas bien compris -- que je reçois en moyenne 25 invitations par semaine. Le choix est parfois difficile.
Mme Planden: J'en conviens et je suis reconnaissante à ceux qui répondent aux invitations. En réponse à la question concernant la façon dont le gouvernement peut montrer la voie, il serait bon que vous ayez un compte de frais qui vous permette de venir assister à nos pièces de théâtre.
La présidente: Nous avons parmi nous le président du comité de la régie interne qui, avec l'aide de ses collègues, établit le budget des sénateurs.
Le sénateur Kenny: Je tiens à préciser que les sénateurs n'ont pas de compte de frais mais que nous avons entendu certaines propositions formidables de ce côté-ci de la table.
La présidente: Nous accueillons notre prochain groupe de témoins ce matin. Il s'agit des représentants du Conseil canadien de la distribution alimentaire, de la Fédération canadienne des épiciers indépendants et de la Coalition canadienne pour une pratique responsable du commerce du tabac. Je vous demanderais de prendre place à la table.
[Français]
M. Michel Nadeau, vice-président, Affaires publiques et Services aux membres, Conseil canadien de la distribution alimentaire: Madame la présidente, je vais vous demander lors de la période de question de bien vouloir vous servir de votre micro compte tenu que je suis malentendant. Sans plus tarder, j'aimerais très brièvement vous donner un aperçu des préoccupations de la distribution alimentaire.
Tout d'abord, permettez-moi de vous expliquer en quelques mots qui nous sommes. Le Conseil canadien de la distribution alimentaire est une association nationale sans but lucratif qui regroupe de petits et grands détaillants et grossistes en alimentation. Ces derniers, pour vous donner un ordre de grandeur, distribuent à travers les quelque 27 000 magasins d'alimentation au Canada des produits d'épicerie et d'alimentation. Ces produits représentent 53 milliards de chiffre d'affaires et notre association représente environ 80 p. 100 de l'ensemble des ventes réalisées par ces entreprises. J'aimerais souligner que notre industrie emploie au Canada quelque 400 000 personnes dans les secteurs du détail et du gros. Je crois également qu'il est important de vous souligner que le magasin du coin est souvent le premier emploi de nos jeunes étudiants. Nous avons des préoccupations particulières en ce qui touche l'emploi. Je vais élaborer davantage sur cet aspect dans mon mémoire.
Permettez-moi de vous faire un bref historique pour vous démontrer les démarches que notre association a effectuées jusqu'à maintenant dans le dossier de la Loi sur le tabac. En janvier 1996, nous avons reçu le document de Santé Canada intitulé «La lutte contre le tabac: Plan d'action pour protéger la santé des Canadiens et des Canadiennes», qui faisait état de la politique que le gouvernement entendait mettre de l'avant pour lutter contre la consommation de tabac.
Nous avons écrit au ministre Dingwall à ce sujet. Nous avons, par la suite, rencontré des responsables de Santé Canada pour leur exprimer nos préoccupations quant à un certain nombre d'aspects qui étaient inclus dans ce document dont, notamment, l'interdiction de la publicité, la restriction de la promotion, de la commandite, de l'accès et des points de vente, les exigences en matière d'emballage et d'étiquetage, et les obligations en matière de rapport.
Nous n'avons reçu aucune réponse à nos préoccupations. Nous avons alors écrit à nouveau au ministre en novembre 1996. Par la suite, le projet de loi a été déposé au début du mois de décembre dernier, et il ne tenait toujours pas compte des préoccupations de notre secteur.
Au début du mois de décembre, nous avons écrit au premier ministre, M. Jean Chrétien, pour lui faire part de notre mécontentement quant au traitement accéléré qu'on voulait accorder à ce projet de loi en vue de le faire adopter avant l'ajournement des travaux. Le 10 décembre, nous avons réitéré nos préoccupations auprès du comité permanent de la santé à Ottawa. Le 18 février 1997, nous écrivions à nouveau au premier ministre pour que des modifications soient apportées au projet de loi. En février, nous savons tous que Santé Canada a publié un bulletin d'information dans le but d'expliquer l'article 8(1) du projet de loi concernant les commis vendeurs de moins de 18 ans.
Toujours en février, le ministre de la Santé a répondu à notre lettre du 7 novembre précisant que le but du projet de loi C-71 n'était pas de limiter l'étalage des produits de tabac à vendre un paquet par marque compte tenu que la loi était très vague et très large. On demeure encore très sceptique quand à la finalité de ce que l'on va retrouver dans les règlements. Ceci m'amène à vous présenter les préoccupations du Conseil canadien de la distribution alimentaire quant au projet de loi C-71.
Le sénateur Nolin: M. Nadeau, si vous me le permettez, vous venez de faire référence à une lettre, avez-vous ce document?
M. Nadeau: J'ai une copie de la lettre du ministre, oui.
Le sénateur Nolin: Est-ce que vous pourriez nous remettre une copie de cette lettre, si cela est possible?
M. Nadeau: Oui, certainement.
Le sénateur Nolin: Lorsque vous parlez du contenu de cette lettre, c'est très préoccupant, parce que si le ministre a dit dans sa lettre que ce projet de loi était trop vague et que la réglementation était pour préciser l'étendue de cette loi, nous faisons alors face à un problème majeur.
M. Nadeau: Je l'ai mentionné dans la lettre et ce que l'on voit dans le projet de loi est encore très vague. Ma préoccupation est la suivante: est-ce que ce que M. le ministre me dit dans sa lettre va être reflété dans les amendements?
Le sénateur Nolin: Si nous pouvions avoir copie de la lettre, on pourrait suivre votre raisonnement.
M. Nadeau: C'est parfait. Au niveau des préoccupations, il y a peut-être une quatorzaine d'articles, je ne veux pas entrer dans les détails en termes d'abrogation ou de paragraphes modifiés. L'important est de vous donner une saveur des préoccupations générales qui sont un souci pour notre industrie compte tenu des répercussions que ces amendements pourront avoir sur notre industrie.
Avant tout, nous désirons souligner notre appui au principe d'une loi visant à décourager le tabagisme chez les jeunes. Nous sommes convaincus qu'une sensibilisation soutenue et à long terme permettra d'atteindre des résultats tangibles en terme d'éducation du consommateur face aux dangers du tabagisme. À cet égard, il est essentiel que les adultes et cela c'est nous tous ici, les amis, les parents, les professeurs, tous ceux qui sont entourés par nos jeunes, mettent l'épaule à la roue parce qu'on peut jouer un rôle très important pour convaincre nos jeunes à ne pas commencer à fumer.
C'est pour éviter que tout le fardeau soit sur les épaules des détaillants parce qu'on leur impose un paquet de contraintes en termes de réglementation. Tout le monde doit apporter sa contribution. Nos membres participent activement à la campagne carte d'identité qui vise à soumettre la vente du tabac dans chaque province à un âge minimum. Tous nos membres ont participé activement à cette campagne.
Mes collègues de 12 associations pourront vous montrer le genre de matériel développé par une coalition de l'industrie à cet effet un peu plus tard. Par le passé, ce n'est pas la première fois que l'on s'implique; nous avons soutenu des initiatives semblables avec les associations de chef de police du Canada entre autres.
Bien que nous appuyions le gouvernement dans ses efforts pour améliorer la santé des Canadiens, le CCDA a un certain nombre de préoccupations sur les articles que je vais vous mentionner.
Avec le premier, l'article 8.1, on a des problèmes avec la terminologie du mot «fournir». Quand on dit qu'il est interdit dans des lieux publics et dans les lieux où le public a normalement accès de fournir des produits de tabac à un jeune, l'interprétation de cet article peut laisser à confusion. Pour nous, il serait important que ce que les gens du ministre de la Santé ont écrit dans la lettre de clarification soit reflété dans les règlements afin de faire en sorte que l'on distingue clairement que celui qui vend et celui qui achète sont deux personnes différentes.
Dans notre industrie, vous allez comprendre que des jeunes qui ont moins de 18 ans sont appelés à manipuler, par exemple, la commande de cigarettes qui arrive au magasin.
Quand j'avais un magasin, j'allais chercher un emballeur en avant et je lui disais que je venais de recevoir mes caisses de cigarettes, et je lui disais: «Peux-tu placer les cigarettes dans le comptoir de courtoisie pour que les clients puissent se servir?»
Nous craingnons que si cet article est pris à la lettre par certaines personnes qui veulent jouer sur les mots, cela pourrait porter à confusion et faire en sorte que les gens de moins de 18 ans ne pourraient pas faire ces manipulations.
Si le ministère de la Santé a pris le temps de faire une feuille d'explication, pourquoi ne pas l'inclure dans la loi et l'éclaircir une fois pour toutes et mentionner que la personne qui achète les produits du tabac est différente de celle qui les vend et que celle qui vend n'a pas la contrainte de l'âge minimum de 18 ans?
Deux autres articles, 15 et 46, nous préoccupent. Ces articles infligent une peine aux détaillants pour tout l'étiquetage fourni par le fabricant qui violerait les dispositions de la loi avec des amendes de 50 000 dollars. Comme détaillants, nous ne sommes pas les fabricants. C'est exagéré de pénaliser les détaillants pour les produits pour lesquels nous n'avons pas la responsabilité ni l'expertise pour dire que cela doit être de telle grandeur et de telle couleur. À ce niveau, il y a des amendements qui devraient être apportés pour distinguer la responsabilité du fabricant par rapport à la responsabilité du détaillant.
Les articles 18 et 19 sont des articles clés, à notre point de vue. Ils mettent en lumière toute la question de la promotion. La promotion devrait être clairement et précisément définie dans le syllabus au début du texte de loi, à savoir: qu'est-ce que qu'on entend par promotion que l'on veut interdire? De la façon dont cela est rédigé dans le libellé, c'est tellement large que cela élimine pratiquement tout ce que l'on peut faire comme promotion.
Les deux autres articles, 22 et 24, viennent menacer le revenu de quelque 27 000 détaillants en alimentation au Canada en éliminant les loyers et les primes qu'ils recoivent sur la vente de publicité des produits du tabac.
On demande des amendements à ces articles parce que fondamentalement, on ne croit pas qu'en amenant des règlements, des restrictions de cette nature, on va changer quoi que ce soit au tabagisme. Je vais y revenir plus loin. Nous croyons fondamentalement que la personne qui entre dans nos magasins a déjà pris sa décision. Elle est déjà fumeuse. Elle vient chercher un paquet de telle marque. Tout ce qui peut changer, en bout de ligne, c'est qu'elle achète la marque «A» plutôt que la marque «B». Sa décision est déjà prise. Qu'elle voit une ou 15 annonces du produit, que ce soit caché sous des tablettes ou non, cela ne changera rien. Mettons nos efforts ailleurs.
Les paramètres de l'article 26 limitent également la vente et la promotion d'un accessoire qui étale un élément d'une marque ou d'un produit relié à un produit du tabac. Là aussi, il y aurait lieu d'abroger ces paragraphes. Que ce soit l'horloge d'une marque, cela ne changera pas demain matin les idées des gens qui fument parce qu'ils voient l'horloge avec le logo d'une telle compagnie.
Au paragraphe 30, on dicte des règlements sur le format des présentoirs, le nombre, la taille, et le libellé des affiches en magasin. On s'oppose à toute forme d'ingérence gouvernementale en ce qui a trait à la manière dont nous, comme détaillants, devons mettre en marché un produit licite, légal.
Dans la mesure où l'on respecte l'âge minimum, je pense que les détaillants sont assez responsables et sont capables de faire la mise en marché de ces produits sans aller dans des exagérations.
Le règlement pourrait occasionner à nos membres un investissement absolument inutile, un nouveau présentoir, plus de travail, des ralentissements des services au caisse, autrement dit causer des désagréments au client, même à ceux qui ne fument pas. Cela va ralentir le temps que l'on prend pour servir le client.
Nous croyons que la commercialisation d'un produit licite ne devrait pas être du ressort du gouvernement ni de son domaine et, en conséquence, nous croyons qu'il y a lieu d'amender ce paragraphe.
Un autre articles, l'article 33, interdit le libre service et l'étalage au comptoir. Il réglemente également le nombre de paquets mis en étalage. C'est l'article spécifique auquel je fais référence et au sujet duquel M. Dingwall nous a répondu.
Le CCDA soutient totalement le gouvernement dans son objectif de réduction de la consommation des produits du tabac, mais nous sommes en désaccord avec les moyens proposés pour l'atteindre.
Lorsque le client entre dans le point de ventes, sa décision est prise et ce n'est pas cela qui va le faire changer d'avis.
Permettez-moi de vous souligner une expérience qui me fait croire qu'à long terme, avec de l'éducation bien orchestrée à l'égard des groupes cibles, nous sommes capables de faire un travail extraordinaire.
Il y a de cela une dizaine d'années, regardez ce qui s'est fait avec le fonds Éduc-Alcool où les fabricants de boissons alcoolisées se sont regroupés et ont établie un fonds collectif. Ils se sont donné comme mission de faire la promotion des dangers de l'abus d'alcool.
En regardant le comportement de nos jeunes -- je suis le père de deux adolescents --, je peux vous dire qu'ils ont un comportement beaucoup plus responsable que nous à leur âge. Aujourd'hui, quand ils vont à une fête, il y a toujours une personne qui a les clés et qui ne consomme pas d'alcool. C'est devenu un automatisme chez ces gens. C'est devenu une façon de faire.
Si nous avons été capables, au cours des 10 ou 15 dernières années, de changer les comportements de nos jeunes de telle sorte, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas faire la même chose avec le tabagisme. Nous pouvons organiser de bonnes campagnes, bien orchestrées, auprès des jeunes, des bouts de choux, lorsqu'ils commencent à aller à l'école, afin de les empêcher de commencer à fumer lorsqu'ils arrivent à l'adolescence, cette période critique où les pressions des pairs sont tellement fortes. Je me dis que si nous orchestrons pendant les 10 prochaines années des efforts soutenus, avec une communication intelligente auprès de ces jeunes sur les dangers du tabagisme, d'ici la prochaine décennie, nos jeunes auront un comportement très responsable vis-à-vis le tabagisme et la décision de commencer à fumer. C'est dans ce sens qu'il faut orienter les efforts du gouvernement.
Les articles 35, 39 et 49 permettent la perquisition et la saisie des produits du tabac sans mandat. Il n'y a rien pour nous qui justifie d'investir des investisseurs du pouvoir, d'inspecter sans motif valable le magasin ou l'entrepôt. Pour nous, il faut que ces articles soient amendés.
Enfin, à l'article 53, on parle du fardeau de la preuve qui revient à l'accusé. Dans notre régime démocratique canadien, cela vient à l'encontre du principe adopté qui veut que la présomption d'innocence existe. Il nous faudrait abroger ce paragraphe.
En conclusion, nous croyons qu'il y a des failles importantes dans ce projet de loi. Nous demandons au gouvernement de refaire ses devoirs et de tenir compte de nos préoccupations et faire en sorte que le projet de loi qui va être adopté reflète la réalité et l'objectif que l'on vise réellement, qui est de réduire le tabagisme chez les jeunes et non pas d'amener des règlements coercitifs qui, en bout de ligne, n'auront aucun impact sur l'objectif fondamental de ce projet de loi.
En conclusion, je tiens à vous remercier de votre attention et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
[Traduction]
M. John Scott, président, Fédération canadienne des épiciers indépendants: Je vous remercie de cette occasion de comparaître devant vous.
La Fédération canadienne des épiciers indépendants est une association commerciale à but non lucratif fondée en 1962 pour promouvoir les intérêts uniques des supermarchés indépendants et franchisés du Canada. À l'heure actuelle, nous comptons environ 3 800 membres, ce qui représente environ 27,8 p. 100 des ventes alimentaires au détail au Canada. La différence entre le groupe de M. Nadeau et le mien, c'est que nos membres sont des détaillants et que beaucoup de nos membres achètent auprès des nombreux membres de son organisation. Je vous en nommerai quelques-uns que vous connaissez sans doute bien, IGA, Your Independent Grocer, Foodland, Full Independents, Farm Boy, Penner's, Coleman's, Highland Farms et Knob Hill Farms.
J'aimerais vous communiquer certaines réserves concernant le projet de loi C-71. Je tiens tout d'abord à préciser que les membres de la fédération appuient fermement l'objectif visé par le gouvernement, à savoir empêcher les jeunes de commencer à fumer ou d'en développer l'habitude. Je tiens à assurer le comité que nos membres se composent de détaillants dignes de confiance qui jouent un rôle important dans les milliers de localités de chaque région du pays. Bien souvent, ils sont le pivot central de leur localité et ont des liens très étroits avec leurs clients. Ils ont une conscience sociale solide qui se traduit par un respect rigoureux des lois, y compris, bien entendu, des lois sur le contrôle du tabac.
Nos réserves au sujet du projet de loi C-71 concernent principalement ses répercussions sur les détaillants et leur gagne-pain. L'industrie canadienne des aliments au détail, et particulièrement le secteur de l'épicerie, est extrêmement compétitive. L'évolution du marché ces dernières années a soumis un grand pourcentage de nos membres à de fortes pressions. L'avènement des magasins-entrepôts et l'expansion des magasins américains à très grande surface de vente dans notre pays ont créé un niveau de concurrence sans précédent, qui ne fait que s'intensifier. Cela se traduit par des marges bénéficiaires très faibles. Par conséquent, l'industrie de l'épicerie est arrivée à un stade où les rabais accordés par les fournisseurs de l'industrie servent à compenser les coûts que nous devons assumer lorsque nous vendons de nombreux produits à faible marge bénéficiaire.
Le projet de loi C-71 risque d'éliminer les rabais sur les produits du tabac. Le projet de loi ne tient pas compte du fait que l'élimination de ces rabais obligera les détaillants à vendre les produits du tabac pratiquement à perte. À première vue, cela pourrait sembler une mesure de dissuasion de la vente au détail des produits du tabac, qui correspond à l'objectif général du projet de loi, c'est-à-dire réduire l'accès des mineurs aux produits du tabac. Je tiens toutefois à vous assurer que le marché dictera aux détaillants de continuer à vendre des produits du tabac, simplement parce qu'il existe une demande de la part du consommateur.
En fait, la disposition du projet de loi C-71, qui interdit les rabais privera les détaillants d'une importante source de revenus. Certaines de ces entreprises et un grand nombre d'entreprises qui font partie de notre groupe sont très petites. Le pourcentage des ventes sur les produits du tabac est très élevé et la perte de cette source de revenus sera importante.
En plus de la perte de revenu causée par l'élimination des rabais, le projet de loi C-71 autorise les organismes de réglementation à imposer des restrictions au point de vente qui auront pour résultat d'obliger la majorité des détaillants à modifier leur étalage avant, ce qui nécessitera d'importantes dépenses en capital. Ici encore, le fardeau pour le petit détaillant sera important.
La grande majorité de nos détaillants emploie des jeunes. C'est une tradition que nous avons maintenue. Nous sommes nombreux à avoir travaillé dans des magasins pendant nos études universitaires. M. Nadeau a déjà exprimé la même préoccupation que nous à propos de l'impact que risque d'avoir le projet de loi sur la manipulation des produits par des jeunes de moins de 18 ans. Nous estimons que cela pourrait nous empêcher de continuer à employer des jeunes dans nos établissements.
Enfin, l'une de nos plus grandes préoccupations, c'est que le projet de loi C-71 prévoit un transfert de pouvoirs apparemment sans précédent du Parlement aux organismes de réglementation. Cela devient d'autant plus inquiétant si l'on considère que le libellé d'une bonne partie du projet de loi est vague et assujetti à des règlements qui n'ont pas encore été rédigés et qui, une fois qu'ils le seront, devront être approuvés par le Parlement. Je n'ai pas besoin de vous dire que les détaillants de Selkirk, Pouce Coupé, ou Come-By-Chance ne lisent pas la Gazette du Canada pour se tenir au courant des règlements. Le projet de loi renferme très peu de détails mais influe considérablement sur le gagne-pain de milliers de personnes, partout au pays.
C'est une lacune importante du projet de loi. Nous devons connaître les lois. Vous, les parlementaires du Canada, fonctionnez selon des lois qui s'appuient sur une tradition qui s'est développée sur des centaines d'années. Vous êtes en train de demander à nos détaillants de modifier instantanément leurs activités en fonction du caprice de certains organismes de réglementation. Ce n'est tout simplement pas juste. Il faut qu'ils connaissent les règles qui leur permettent de fonctionner. Procéder par voie réglementaire est une façon détournée d'agir.
Madame la présidente, je tiens à vous remercier d'avoir permis à notre fédération de vous présenter les préoccupations de nos membres. Nous espérons sincèrement que vous tiendrez compte des aspects qui ont été soulevés par nous-mêmes et par les groupes qui ont comparu avant nous. Des amendements s'imposent à ce projet de loi. Nous en appuyons l'objet, mais il reste à régler certains problèmes.
M. Peter K. Flach, président, Coalition canadienne pour une pratique responsable du commerce du tabac, Opération carte d'identité (Markham, Ontario): Je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion d'exprimer nos préoccupations à propos du projet de loi C-71. J'aimerais également profiter de cette occasion pour vous offrir au moins une solution partielle à ce que nous considérons être le problème le plus important que présente ce projet de loi.
La coalition se compose entre autres d'importants syndicats et associations de grossistes à l'échelle du pays, ainsi que de l'association industrielle regroupant les trois principaux fabricants de produits du tabac au Canada. En d'autres termes, elle représente tous les secteurs qui participent à la commercialisation du tabac -- soit les secteurs de la fabrication, de la distribution et de la vente au détail, qui, ensemble, visent un but commun: réduire la vente de tabac aux mineurs.
Le mémoire que j'ai préparé contient une liste des membres et des participants à l'Opération carte d'identité, lancée l'automne dernier dans pratiquement tous les dépanneurs et les supermarchés. Toutes les importantes sociétés pétrolières y participent ainsi que la plupart des petites sociétés pétrolières régionales et des milliers d'exploitants de magasins indépendants.
L'Opération carte d'identité est une initiative nationale contre la vente de tabac aux mineurs. Elle veut aider les détaillants à adopter une politique de tolérance zéro à l'égard des jeunes, en leur fournissant du matériel comme des enseignes, des affiches placées sur les caisses enregistreuses et des étalages sur les comptoirs, et leur fournir du matériel de formation pour enseigner à leur personnel à demander une preuve d'âge en cas de doute.
J'ai avec moi, et vous l'avez probablement déjà vu, un modèle d'une trousse que nous envoyons aux détaillants. Voici un présentoir de comptoir. Depuis octobre dernier, nous en avons envoyé 70 000 aux détaillants qui se sont inscrits au programme partout au pays. La réaction a été phénoménale. Nous estimons que cette trousse est efficace parce que nous avons fait nos devoirs et vérifié auprès des détaillants s'ils croient que cette trousse sera efficace. Ils ont donc eu l'occasion de faire connaître leur opinion. Ils trouvent que cette trousse est moins intimidante que le matériel fourni par le gouvernement.
Le programme est surtout efficace, et c'est un point sur lequel je tiens à insister, parce que les participants ont décidé d'en assumer eux-mêmes l'exécution et veulent qu'il fonctionne. Vous trouverez, annexée à mon mémoire, une lettre du Conseil régional de la santé d'Ottawa-Carleton à cet effet.
Selon un sondage récent, la chaîne locale des dépanneurs Quickie appuie sans réserve ce programme et chacun d'entre eux respecte la loi à la lettre. Cela prouve que les choses fonctionnent lorsque les gens au lieu de critiquer s'efforcent de collaborer.
Nous n'avons aucune objection à propos des dispositions du projet de loi C-71 relatives à la vente de produits du tabac aux mineurs. Je tiens à ce que cela soit clair. Nous convenons que les mineurs ne devraient pas fumer, un point c'est tout. Nous convenons également que les détaillants qui vendent en toute connaissance de cause des produits du tabac aux mineurs devraient perdre le droit de vendre ce produit sans exception -- tolérance zéro. Quelles sont par conséquent les dispositions du projet de loi C-71 auxquelles nous nous opposons?
Si le projet de loi est adopté tel quel, il nous obligera à mettre à pied les employés adolescents. L'article 8 du projet de loi interdit aux jeunes de moins de 18 ans de manipuler des cigarettes. Bien qu'on nous dise que ce n'est pas le sens de cet article, c'est ce qu'il indique. C'est un aspect facile à corriger et je vous recommande fortement d'y songer.
Le deuxième point a déjà été soulevé et est d'une extrême importance pour nos membres -- l'élimination des tarifs de location que les détaillants reçoivent des compagnies de tabac pour la publicité et l'affichage. Comme cette pratique sera désormais interdite, le projet de loi privera les détaillants respectueux des lois de revenus d'environ 60 millions de dollars. Un grand nombre d'entre eux ont besoin de cet argent pour survivre. Pour beaucoup d'entre eux, ce sont ces tarifs de location qui les sauvent de la faillite. Il y a 20 ans que je travaille dans ce domaine et je n'exagère pas les dommages possibles.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur le raisonnement du projet de loi: si les jeunes ne peuvent pas acheter de cigarettes, comment peut-on influer sur leur décision de fumer en interdisant la publicité préférentielle et en imposant des restrictions en ce qui concerne les étalages de cigarettes?
Le troisième point, c'est que le projet de loi réglemente la façon dont les détaillants peuvent présenter les produits du tabac, y compris le nombre de paquets mis en étalage. Cela entraînera d'énormes coûts de reconstruction et de réaménagement des magasins. À notre avis, cette disposition ne donnera absolument aucun résultat et devrait être éliminée.
Nous nous opposons à l'adoption de mesures d'application draconiennes dont un grand nombre contreviennent, à notre avis, à la Charte des droits et libertés. Je fais allusion à la perquisition des lieux sans mandat, à la saisie et à la confiscation arbitraires des produits, aux amendes tellement élevées qu'elles dépassent l'entendement d'un petit détaillant et bien entendu le fardeau de la preuve qui revient à l'accusé. J'ai toujours cru qu'on était présumé innocent jusqu'à preuve du contraire. Nous n'arrivons pas à comprendre comment on peut justifier de telles dispositions et comment elles correspondent à l'objet du projet de loi.
Nous sommes convaincus que la solution à ce problème ne consiste pas à s'en prendre à ceux qui essaient de gagner leur vie légalement et de façon responsable. Nous croyons que la solution consiste à collaborer avec la population et à l'aider à accomplir ce que nous voulons tous accomplir.
C'est pourquoi je vous préconise de modifier les aspects du projet de loi que je vous ai mentionnés pour que nous puissions poursuivre nos activités légitimes. Nous appuyons l'adoption de dispositions claires, raisonnables et réalisables concernant la promotion et la vente des produits du tabac. Nous croyons également qu'avec votre aide, le projet de loi C-71 peut être une loi que tous respecteront et appuieront et qui permettra de faire évoluer le dossier du tabac dans le sens voulu. Je vous remercie.
La présidente: Merci. Monsieur Flach, que reprochez-vous en particulier à l'article 8 du projet de loi? J'ai relu cet article plusieurs fois et je n'y vois aucune disposition obligeant la personne qui vend les produits à avoir plus de 18 ans. Je constate toutefois qu'elle doit vérifier si la personne à qui elle vend les produits a bien 18 ans.
M. Flach: Le verbe est «fournir». Je ne suis pas avocat, madame la présidente. Cependant, si cela me pose problème, j'imagine que ce sera également un problème pour bien des petits détaillants. Je peux vous dire que j'ai reçu des centaines d'appels téléphoniques de détaillants d'un peu partout au pays qui me demandent carrément s'ils doivent renvoyer leurs employés âgés de moins de 18 ans. Je leur dis que je ne crois pas que ce soit le sens de cette disposition mais si je devais l'interpréter, je dirais que oui, ils doivent renvoyer tout employé âgé de moins de 18 ans. Si ce n'est pas l'intention de cet article, il faudrait alors éclaircir la situation sans tarder.
Le sénateur Beaudoin: Quel est le problème au juste, madame la présidente?
La présidente: La définition se lit comme suit:
«fournir» Vendre, prêter, céder, donner...
Le sénateur Beaudoin: Le verbe «fournir» est très vague.
La présidente: Le paragraphe 8(1) énonce:
Il est interdit, dans des lieux publics... de fournir des produits du tabac à un jeune.
Le paragraphe 8(2) énonce qu'une personne ne peut être reconnue coupable d'une infraction s'il est établi qu'elle a compté obtenir une pièce d'identité de la personne afin de vérifier si elle avait 18 ans.
Le sénateur Jessiman: Une personne de plus de 18 ans qui vend un produit du tabac à un mineur se trouve à commettre un crime.
La présidente: Ce n'est pas ce que dit M. Flach.
Le sénateur Jessiman: Ce qu'il dit, c'est que l'employé ne peut pas remettre le produit à un mineur. Il ne peut pas manipuler le produit.
M. Flach: Il ne peut même pas y toucher. Par exemple, selon cette loi, si nous recevons une commande de produits du tabac, le commis d'entrepôt ne peut même pas ranger le produit dans l'entrepôt.
La présidente: Nous avons une importante différence d'opinion ici.
Le sénateur Lewis: Vous dites que dans un magasin, un commis de moins de 16 ans ne peut pas manipuler le produit. Ce n'est pas ce que dit cet article.
M. Flach: L'article énonce qu'il est interdit de fournir un produit à quelqu'un de cet âge. Si un grossiste livre un produit à un mineur chargé de le ranger dans l'entrepôt, il se trouve à enfreindre la loi. C'est ce que dit l'article.
Le sénateur Nolin: Je suis sûr que des représentants de Santé Canada nous expliqueront ces dispositions.
Le sénateur Lewis: Leur bulletin à ce sujet est très clair.
Le sénateur Nolin: Nous en comprenons l'objet mais il est tellement général.
Le sénateur Beaudoin: Il est nuancé par le mot «accès.»
La présidente: Je voulais savoir plus précisément ce qui leur posait problème.
Le sénateur Doyle: Monsieur Scott, peut-être pourriez-vous nous aider. J'ai été impressionné par le léger esclandre que vient de faire un petit groupe de gens qui ont passé un certain temps sur cette question et sur la plupart des documents qui s'y rapportent et qui ne comprennent toujours pas l'intention du gouvernement en raison de la façon dont il a masqué ce que nous supposons être ses bonnes intentions.
J'ai trouvé votre présentation intéressante. Je me demande si vous l'avez abrégée parce que la présidente vous a recommandé d'être bref. Avez-vous avec vous une liste des dispositions du projet de loi que vous considérez injustes, et qui risquent de causer du tort aux personnes qui travaillent dans les épiceries que vous représentez, de causer du tort à leurs employés et surtout sans doute de causer du tort à leurs clients?
M. Scott: Je n'ai pas de liste à proprement parler. Cependant, nous pouvons certainement vous en fournir une à très brève échéance.
Vous me demandez si j'ai abrégé ma présentation. La réponse est oui, mais pas de beaucoup. Il s'agissait entre autres de certaines dispositions concernant les mineurs, qui restent obscures pour bien des gens, ce qui m'amène à aborder un point. En ce qui concerne la liste et les répercussions sur les détaillants, il est parfois difficile d'interpréter une loi de manière à ce que le détaillant sache comment l'appliquer dans son magasin.
Nous devrons alors interpréter les dispositions vagues de ce projet de loi et les règlements sans doute aussi vagues qui en découleront -- ou ils pourraient être assez machiavéliques. Qui sait? Il faudra que l'interprétation qui sera communiquée aux détaillants soit très précise pour assurer des règles du jeu équitables et peut-être éviter certaines des difficultés mentionnées par M. Flach.
Le sénateur Doyle: Je ne veux pas vous donner plus de travail. Parfois, il suffit de prendre un exemplaire du projet de loi et d'écrire dans la marge: «Je ne comprends pas cette disposition.» Vous pourriez souligner les passages que vous ne comprenez pas. Ces messages nous sont utiles lorsqu'à la fin du processus nous discutons entre nous des témoignages que nous avons entendus.
M. Scott: C'est ce que je ferai, sénateur. Nous pouvons procéder très rapidement.
Le sénateur Jessiman: Monsieur Flach, vous dites que vous avez envoyé 70 000 trousses. Combien de magasins avez-vous en tout?
M. Flach: Nous partons du principe qu'il y a une trousse pour chaque magasin. Certaines trousses sont toujours chez nos grossistes. Comme je l'ai mentionné, c'est une initiative à laquelle participent non seulement les détaillants mais aussi les grossistes. Comme nous avons envoyé 70 000 trousses, pratiquement tous ceux qui vendent des produits du tabac devraient en recevoir une.
Le sénateur Jessiman: Quand cela a-t-il commencé?
M. Flach: Cela a commencé en octobre et se poursuit toujours.
Le sénateur Jessiman: Comment procédez-vous? Avez-vous des gens qui supervisent cette initiative? J'aimerais que vous m'expliquiez également ce qui se trouve dans cette trousse.
M. Flach: Ce qui distingue ce programme des autres programmes, c'est que l'impulsion vient des participants. C'est un type de programme ascendant. Il n'a été imposé à personne. Nous avons téléphoné à des gens un peu partout au pays afin de leur demander s'ils étaient prêts à participer à ce programme et ils ont accepté. Il s'agit d'un programme proactif dont l'objet n'est pas de réagir à un problème mais de le régler avant qu'il devienne ingérable.
Nous avons fait des démarches auprès des cadres supérieurs de chacune des entreprises participantes, ce qui a donné d'excellents résultats.
Nous avons essayé d'aller jusqu'au plus haut échelon. Nous leur avons demandé de faire de ce programme une partie intégrante de leur politique et en fait d'y apposer leur signature.
Cela peut sembler un peu bébête, mais ils ont signé une promesse où ils s'engagent à ne pas vendre de produits du tabac aux mineurs, à adopter une politique de tolérance zéro et à offrir des programmes de formation à leurs employés. C'est dans les magasins. Cela devient alors leur programme à eux et non pas une ligne de conduite qui leur est imposée par le gouvernement et qu'ils doivent respecter sous peine de se voir imposer une amende de 100 000 $.
Bien entendu, cela comporte des conséquences. Les gens savent qu'ils risquent de perdre leur emploi s'ils vendent ce genre de produits à un mineur. Ces entreprises ont adopté une politique et c'est la raison pour laquelle cette initiative fonctionne.
Le sénateur Jessiman: Y a-t-il eu des infractions qui ont entraîné le renvoi de certaines personnes?
M. Flach: Je ne suis pas au courant de tous ceux qui sont renvoyés. Je peux vous dire que j'ai rencontré le président d'une compagnie hier soir, une personne de la localité qui administre les magasins Quickie. Il n'a pas mâché ses mots. Il a dit qu'il ne pouvait pas affirmer que cela ne se produirait jamais, mais que ses employés savent que s'ils sont surpris en train d'enfreindre cette politique, ils devront se trouver un emploi ailleurs. C'est sans doute l'une des raisons pour laquelle tous les magasins suivent cette politique à la lettre.
Le sénateur Jessiman: Est-ce que cela est affiché dans les magasins?
M. Flach: C'est affiché dans chaque magasin.
Le sénateur Nolin: Montrez-le-nous. Expliquez-nous ce qui se trouve dans cette boîte.
M. Flach: Laissez-moi vous l'expliquer. Ceci est la version française.
Le sénateur Nolin: C'est très bien.
M. Flach: Il y a toutes sortes de matériel. Ceci est un présentoir qu'on installe sur le comptoir.
Le sénateur Nolin: Nous avons une autre boîte où se trouve probablement la version anglaise.
La présidente: Nous avons une trousse ici. Les sénateurs qui souhaitent l'examiner dans leur bureau, quand ils en auront le temps, peuvent en faire la demande et je m'arrangerai pour qu'elle leur soit livrée.
M. Flach: Elle comprend deux parties très importantes; l'une d'elles est le guide de formation. Vous seriez étonnés du nombre de gens qui travaillent dans des magasins, de jeunes surtout, qui ne connaissent absolument pas la loi. Je reçois des appels de centaines de gens qui disent qu'ils ignoraient qu'il leur était interdit de vendre à des jeunes de moins de 19 ans. Je reçois des appels où on me demande si le papier à cigarettes fait partie des produits du tabac. D'autres disent qu'on les a encouragés à ne pas vendre à des mineurs mais qu'ils ne savaient pas que c'était contre la loi ou qu'ils ne savent pas comment dire non à leurs pairs ou à leurs camarades d'école. Nous leur expliquons comment faire. C'est un effort constant.
Nous avons également mis à la disposition de tous les participants leur propre programme de magasinage mystère où ils chargent une compagnie d'aller vérifier si les magasins respectent la loi. Cela est beaucoup plus efficace que certains programmes gouvernementaux.
Je vous en donnerai un exemple. Hier, j'ai reçu dix copies des résultats d'un sondage fait en décembre. À quoi sert un sondage qui remonte à trois mois lorsqu'il s'agit de régler le problème maintenant? Il faut agir plus rapidement et c'est ce qui se passe ici.
Le sénateur Jessiman: S'agit-il d'une idée qui a pris naissance au Canada ou sommes-nous en train de copier un autre pays? Le savez-vous?
M. Flach: Il s'agit d'une initiative canadienne. Je ne dis pas qu'elle n'existe pas ailleurs sous une forme semblable. Il ne s'agit quand même pas d'astrophysique. L'avantage de cette initiative, c'est sa simplicité. Chaque magasin en est responsable et c'est pourquoi elle fonctionne.
Le sénateur Nolin: Expliquez-nous un peu plus comment cette Opération carte d'identité a commencé. Vous l'avez annoncée l'automne dernier mais s'agit-il d'un projet de neuf mois ou d'un an? Quand a-t-il commencé?
M. Flach: Il a en fait commencé en juillet de l'année dernière. C'est à cette époque que nous avons décidé de procéder différemment et de ne pas nous contenter d'envoyer du matériel et de demander aux gens de le suspendre au mur. Nous voulions avoir la pleine participation des magasins. Nous avons organisé des groupes de consultation auxquels nous avons invité des détaillants. Nous leur avons alors indiqué que c'était leur programme et leur avons demandé comment ils l'envisageaient.
Ce processus nous a amenés jusqu'en octobre. C'est là où la mise en oeuvre a débuté. Il s'agit d'une initiative permanente.
[Français]
Le sénateur Nolin: Monsieur Nadeau, lorsqu'un fabricant de tabac donne à un de vos membres une ristourne, un rabais ou une prime pour un étalage spécial, comment cela fonctionne-t-il?
M. Nadeau: Les fabricants de tabac voient nos membres comme leurs clients, que cela soit au niveau du gros ou du détail. Ce dont vous parlez se produit au niveau du détail. Pour faire une analogie, prenons les magasins de John Scott: ces magasins sont la propriété des opérateurs indépendants alors que les magasins de détail de nos membres sont des magasins corporatifs, c'est-à-dire qu'ils appartiennent en propre au grossiste, que ce soit Loblaws ou Provigo. Ce sont des gérants qui sont dans le magasin tandis que les membres de la fédération de M. Scott sont des propriétaires. Ce sont quand même des détaillants.
Donc, pour répondre à votre question, sénateur Nolin, le fabricant vient dans le magasin et au comptoir courtoisie, à l'avant du magasin, où sont vendues les cigarettes. Il y a des espaces à l'arrière de la caisse où vous voyez les étalages qui peuvent être au nombre de 1, 2, 3, 10 ou 20 par marques, selon le fabricant, et c'est le travail du fabricant de convaincre son détaillant, de lui dire: «Dans ton magasin, si tu me donnes 20 «facing» de telle marque je vais te donner tel genre d'allocation». Chaque fabricant vient faire sa présentation et, selon les parts de marché de chaque marque de cigarette et la région géographique du magasin, il se fait un travail de négociation qui permet au détaillant d'aller chercher des revenus mensuels ou annuels à partir des sommes octroyées pour donner au fabricant l'exposition du nombre de «facing» de ces marques dans son magasin.
Il peut y avoir d'autres exemples qui touchent les accessoires, par exemple. Un fabricant peut dire: «Si tu mets une horloge avec le logo de ma marque de cigarette, je vais te donner tant par mois pour ton comptoir de courtoisie». Pour des petits magasins tels les dépanneurs ou des petits magasins indépendants, ce sont des sommes importantes. Comme on l'expliquait tout à l'heure, les marges de profits sont tellement minces...
Le sénateur Nolin: Quand vous parlez de marge, vous parlez de marge bénéficiaire?
M. Nadeau: On parle des marges brutes, et non des profits nets. Dans l'industrie de l'alimentation, on parle d'un «mixte», c'est-à-dire la composition de l'ensemble des produits et, en bout de ligne, il faut que le magasin fasse en moyenne de 18 à 22 p. 100 de marges brutes à partir desquelles toutes les dépenses d'opération du magasin sont calculées. En fin de compte, il reste souvent moins de 1 p. 100 de profit net pour un magasin d'opération. C'est vous dire que tous les à-côtés qu'un détaillant indépendant ou corporatif peut aller chercher lui permettent d'opérer son commerce. Les petites surfaces ont un volume très élevé au niveau des produits du tabac, et c'est souvent ce qui peut faire la différence entre être sur le bord de la faillite et continuer à opérer.
Ces éléments, selon nous, ne feront pas changer fondamentalement le consommateur face au tabagisme. Ces méthodes ne peuvent qu'influencer le consommateur à changer de marque par rapport à une autre marque. Nous sommes convaincus que sa décision de fumer ne changera pas. Les gens qui opèrent des commerces depuis des années peuvent en témoigner.
[Traduction]
M. Scott: Simplement pour apporter des éclaircissements à ce que M. Nadeau vient de dire, tout le secteur de l'épicerie fonctionne selon le principe des rabais et des primes. Cette situation n'est pas particulière aux produits du tabac. C'est la façon dont fonctionne toute l'industrie.
Le sénateur Nolin: Vous avez entendu sa réponse. C'est un aspect qui est probablement plus important pour vos membres que pour les siens.
M. Scott: Je parle du principe que ses membres s'en tirent mieux; c'est simplement une supposition. C'est un aspect qu'il serait intéressant d'examiner. J'ai fait des appels hier un peu partout dans le pays pour avoir une petite idée du pourcentage des ventes de tabac dans chaque magasin. Dans les supermarchés de certaines régions rurales, le pourcentage général des ventes de tabac est plus élevé que dans les supermarchés des régions urbaines.
Dans les régions urbaines, certains magasins ne vendent pas de produits du tabac parce qu'il n'y a pas de demande; cependant, dans une région rurale, le pourcentage sera plus élevé. La combinaison des produits est importante. La combinaison des produits d'un magasin doit correspondre aux besoins de sa clientèle particulière.
Le sénateur Maheu: M. Scott a parlé de réglementation et du transfert des pouvoirs du Parlement aux organismes de réglementation. Cela m'intéresse puisque je fais partie du comité chargé d'étudier les règlements découlant des projets de loi adoptés par la Chambre et le Sénat.
Vous avez fort bien dit que beaucoup de gens n'ont pas l'habitude de lire les règlements; c'est ce qui m'inquiète. Plus particulièrement, le propriétaire de la petite épicerie du coin, le dépanneur chez nous, n'est même pas au courant de l'existence des règlements annexés à de nombreux projets de loi.
Avez-vous un mécanisme en place, ou dans le cas des entreprises dont vous vous occupez, avez-vous un moyen de vous assurer que vos détaillants, propriétaires et gérants sont parfaitement au courant de tous les règlements, lesquels pourraient leur créer des difficultés s'ils ne les connaissent pas?
M. Scott: Vous parlez de deux problèmes. Le premier est celui des règlements proposés et de la façon dont on y réagit. Tout d'abord, comment en prend-t-on connaissance?
Le fait est qu'à moins d'appartenir à un groupe comme celui de M. Nadeau qui informe ses membres des règlements proposés, rien ne permet d'y réagir. Vous ne faites tout simplement pas la une contrairement à ce projet de loi.
Le deuxième élément est intéressant: une fois qu'un règlement est mis en place, comment en informez-vous les magasins? C'est difficile. Cela ne relève pas de notre responsabilité ni de celle de M. Nadeau. Cela relève de la responsabilité de ses membres à l'égard de tous leurs revendeurs, lesquels sont probablement informés à deux ou trois reprises. Ils reçoivent les documents standard du gouvernement qui sont toujours recherchés. Vous les amenez à la maison; cela ne fait aucun doute.
Le sénateur Maheu: On les lit habituellement chez soi?
M. Scott: Absolument. Ils lisent ensuite notre interprétation et après cela, la version des grossistes.
Je ferais remarquer à notre honneur qu'au fil des ans nous avons collectivement trouvé une façon de transmettre l'information. Un propriétaire ou un gérant de magasin est assez bien au courant de ce qui va arriver. Toutefois, ce n'est pas la même chose dans le cas de l'interprétation transmise aux vendeurs. Je ne veux pas parler uniquement de la question du tabac. Cela s'applique au règlement sur l'inspection des viandes, des fruits et légumes, et cetera.
C'est quelque chose de difficile à faire à cause des caractéristiques de l'industrie qui écoule ses produits si rapidement. Nous allons faire de notre mieux. Donnez-nous toutefois la possibilité de faire des observations sur les règlements.
Le sénateur Lewis: Madame la présidente, M. Nadeau a indiqué plus tôt que selon vous, il y a un problème ou une restriction quant au nombre de produits du tabac -- une marque -- que l'on peut exposer.
Le ministère a publié un bulletin indiquant que c'était ce qui avait été prévu à l'origine, un seul paquet. Toutefois, après consultation avec le secteur de la vente au détail -- il doit y avoir eu des consultations -- le ministère a dit que cette proposition ne semblait pas pratique et qu'elle occasionnerait des frais supplémentaires aux détaillants. À cause des préoccupations exprimées au cours des consultations, la proposition initiale n'a pas été retenue. Ce n'est pas une restriction. Vous n'êtes pas limité à un seul paquet.
M. Nadeau: Je suis heureux de l'entendre, monsieur le sénateur, car c'était un sujet de préoccupation. Je vais demander de nouveau que la lettre de M. Dingwall figure au procès-verbal.
M. Dingwall dit effectivement que le projet de loi C-71 ne propose pas de limiter à un seul paquet par marque l'exposition des produits de tabac en vue de la vente. Ce qui nous inquiète, c'est que cette restriction risque d'apparaître dans les règlements. Pour l'instant, il s'agit d'un paquet par marque, mais qu'est-ce que les règlements vont nous imposer?
Nous devons informer nos détaillants et, vu qu'il y en a quelque 20 000 dans tout le pays, imaginez le travail que cela représente. Nous essayons d'établir la meilleure communication possible entre le secteur de la vente en gros, le secteur de la vente au détail et chaque chaîne en indiquant notre interprétation et nos orientations. Les responsables des opérations visitent les magasins dans la zone géographique qui leur est assignée pour être sûrs que la norme de la chaîne est bien respectée, et cetera.
Il y a toutefois une limite à ce que nous pouvons faire. Nous demandons au législateur d'être clair et d'énoncer dans la loi ce que nous devons attendre de nos détaillants.
Le sénateur Lewis: C'est une inquiétude bien fondée. M. Scott a parlé des rabais et des ristournes et du fait que vous alliez probablement les perdre. Pouvez-vous nous en parler?
M. Scott: Diverses ristournes sont offertes. Parfois il s'agit d'une ristourne promotionnelle et d'autres fois, d'une simple ristourne. Il y a 17 façons de décrire une ristourne.
Le sénateur Lewis: J'imagine que c'est ce que vise l'article 29 du projet de loi, que je cite:
Il est interdit au fabricant et au détaillant
a) d'offrir ou de donner, directement ou indirectement une contrepartie pour l'achat d'un produit du tabac, notamment un cadeau à l'acheteur ou à un tiers, une prime, un rabais ou le droit de participer à un tirage, à une loterie ou à un concours.
C'est ce qui vous inquiète.
M. Scott: Effectivement.
Le sénateur Lewis: J'ai une certaine interprétation de cet article, mais nous n'allons pas nous lancer dans une telle discussion.
M. Scott: Il s'agit de l'une de ces questions qui crée la confusion. En ce qui nous concerne, monsieur le sénateur, c'est ainsi que fonctionne notre industrie. Une commission royale s'est déjà penchée sur la question des ristournes. Elle en a conclu qu'elle ne savait pas comment cela fonctionnait, mais que cela marchait; par conséquent, n'y touchons pas.
Nous disons en fait que vous ne devriez pas essayer d'isoler un produit. Laissons le système en place, car l'éventail des produits que nous devons offrir dans les magasins monte et baisse selon le point de vente; laissons le système des ristournes fonctionner comme il fonctionne actuellement.
Le sénateur Lewis: C'est une interprétation -- et je dirais que ce n'est pas la seule, mais c'est tout un autre débat. Il me semble que ce que l'on veut dire ici c'est que, en tant que détaillant, vous ne l'offririez pas aux clients.
M. Scott: Je conviens que c'est une interprétation, tout comme notre version.
Le sénateur Lewis: Nous n'allons pas nous lancer dans un débat à ce sujet mais, apparemment, le secteur de la vente au détail a été consulté? Y a-t-il eu des discussions au sujet de cette disposition?
M. Scott: Au cours de nos discussions préliminaires qui ont eu lieu il y a un an, nous avons parlé de cet article. La présidente pourra probablement vous confirmer qu'elle a également reçu des lettres de moi-même, du Conseil canadien du commerce de détail et de l'Association canadienne des chaînes de pharmacie exprimant la même inquiétude. Nous n'avons pas l'impression que l'on se rende compte de l'importance de ce problème particulier. Vous vous mêlez de la logistique commerciale. Cela n'a rien à voir avec la question du tabac.
Le sénateur Lewis: Vous avez donc eu des discussions avec le ministère à cet égard, mais la question n'a pas été réglée comme vous l'auriez souhaitée?
M. Scott: Non, je ne le pense pas, mais cela ne veut pas dire que nos discussions aient été antagonistes.
J'aimerais ajouter un point. Cela nous ramène à votre discussion avec M. Nadeau et mes observations déplacées dans mon introduction. Les gens d'affaires doivent connaître les règles. Vous ne pouvez pas avoir de vagues paramètres et vous attendre à ce que nous les respections. Proposez des règles claires. Donnez-nous la possibilité de faire des observations à leur sujet et de parvenir à une entente quant à vos objectifs et aux nôtres, soit le maintien et la poursuite d'opérations commerciales profitables.
Le sénateur Kenny: Si je vous comprends bien, monsieur, vous dites que si le gouvernement était plus précis, vous seriez prêt à adapter votre système dans une certaine mesure? En d'autres termes, vous pensez qu'il est opportun et raisonnable d'adapter votre système, même s'il fonctionne maintenant comme vous le souhaitez, compte tenu de la gravité de la question que pose ce projet de loi?
M. Scott: Je peux probablement parler au nom de M. Nadeau en disant que notre industrie est toujours prête à parvenir à un compromis de manière à trouver une solution à un problème donné.
M. Nadeau: J'aimerais répondre également au nom de mes membres. Il ne fait aucun doute que nos membres sont des citoyens responsables. Quelle que soit la loi, nous la respecterons. Hier, alors que je terminais le mémoire pour mon exposé, j'ai reçu le premier projet de règlement. Nous disposons de 15 jours pour réagir à la teneur d'une documentation très volumineuse qui exige des conseils et de l'expertise juridiques que nous ne possédons pas. Nous ne sommes pas des avocats. Ce dont M. Scott et moi-même nous plaignons, c'est que nous avons besoin d'un laps de temps raisonnable pour réagir et vous donner le point de vue de notre industrie quant à ce qui est faisable et à ce qui ne l'est pas. Pour réagir et vous faire quelques suggestions, nous avons besoin de quelque chose de clair. Lorsque certaines dispositions sont vagues au point de donner lieu à n'importe quelle interprétation, comment pouvons-nous vous répondre au sujet de cet aspect particulier?
Nous demandons au gouvernement d'exposer clairement les règles. Dites-nous exactement ce que vous voulez dire par «promotion» et «publicité», et ce que vous voulez imposer comme restrictions. Nous ferons alors des observations. Nous dirons si nous sommes d'accord ou non pour telle et telle raison et nous vous proposerons d'autres mesures. En toute justice cependant, en tant qu'entreprises, nous avons besoin de suffisamment de temps, ne serait-ce que pour vous donner des chiffres. Comment pouvons-nous vous donner des chiffres sur les coûts éventuels, lorsque nous ne connaissons pas l'intention exacte du législateur?
[Français]
La présidente: Sénateur Beaudoin, avec une question toute petite!
Le sénateur Beaudoin: Vous dites que 50 jours n'est pas assez, que proposez-vous?
M. Nadeau: Pardon?
Le sénateur Nolin: Combien de jours proposez-vous?
Le sénateur Maheu: C'est 15 jours et non pas 50 jours.
Le sénateur Beaudoin: Ah! il s'agit de 15 jours. La question était importante.
Le sénateur Nolin: Oui, oui.
Le sénateur Kenny: Et il le sait!
[Traduction]
M. Scott: Nous ne passons pas notre temps à attendre vos règlements. Nous faisons bien d'autres choses. Comme l'a dit Michelle, les règlements qui découlent de ce projet de loi, notamment, pourraient avoir de très graves répercussions sur la façon dont nous exploitons nos entreprises. Ce n'est pas quelque chose que vous examinez en l'espace de 15 jours seulement.
[Français]
Le sénateur Beaudoin: Une période de temps raisonnable serait de quelle durée? De plus en plus, le législateur fait des lois cadres. Nous avons aussi beaucoup de réglementation dans les règlements. C'est une tendance moderne. Je me mets à la place du public et je vous comprends. Ce n'est pas facile de réagir rapidement à 300 pages de textes réglementaires. Pourriez-vous me dire ce qu'est pour vous «une période raisonnable pour pouvoir prendre connaissance des règlements»?
M. Nadeau: Je vais vous parler de notre association et comment nous fonctionnons en tant que responsables des affaires publiques, lorsqu'un règlement est présenté que nous devons commenter. Le processus est le suivant. Nous envoyons une communication à tous nos membres à travers le Canada, et nous leur demandons de nous fournir des informations. Il nous faut consulter nos aviseurs légaux et autres. Cela nous prend au minimum un ou deux mois pour être capables d'effectuer un travail sérieux. Un délai de 15 jours est nécessaire pour mettre le processus en branle et envoyer les lettres par la poste pour que les gens les reçoivent. Les gens reçoivent tellement de fax maintenant qu'il n'y a plus de différence entre ce qui est envoyé par la poste ou par fax, tout est urgent dans notre industrie. Cela peut donc prendre un minimum d'un ou deux mois. C'est super urgent, on peut toujours essayer de faire des miracles à l'intérieur d'un mois, mais c'est exagéré.
[Traduction]
M. Scott: Il s'agit de communiquer avec tous les intervenants du pays, puisque cela vise leur entreprise. Il s'agit d'obtenir leurs commentaires pour que nous puissions vous présenter une position. Une période de 90 jours n'est pas déraisonnable, contrairement à 15 jours, qui représente une période absolument ridicule. Le gouvernement fait véritablement preuve d'arrogance à cet égard.
M. Flach: Je parle au nom de dizaines de milliers de dépanneurs. Ils n'ont pas la moindre idée de ce qui se passe, alors qu'ils sont probablement plus touchés que la plupart des grandes chaînes de supermarché. Dans de nombreux cas, les ventes de cigarettes représentent la moitié du total des ventes des dépanneurs. Il faudrait leur demander leur avis, chose qui n'a pas été faite. C'est vraiment lamentable.
La présidente: Merci. Vous nous avez donné de précieux renseignements ce matin.
Honorables sénateurs, notre prochain groupe de témoins représente le Regroupement des exploitations de distributrices automatiques de cigarettes.
[Français]
M. Raymond Laporte, président du comité du suivi législatif, M. Pierre Patenaude, président, M. Luc Fontaine, vice-président et Mme Diane Lamb, secrétaire.
M. Pierre Patenaude, président du Regroupement des exploitants de distributrices automatiques de cigarettes (REDAC): Permettez-nous tout d'abord, au nom de tous nos membres, de vous remercier de bien vouloir prendre le temps nécessaire afin de discuter et d'échanger sur certains éléments qui se veulent d'une importance sans précédent pour la survie de notre industrie.
D'ailleurs, nous avons aujourd'hui avec nous des membres de tous les coins de la province de Québec, qui sont des plus inquiets de l'issue de ces audiences; entre autres, ces gens viennent d'aussi loin que Dolbeau, Québec, Rivière-du-Loup, Rouyn-Noranda, pour n'en nommer que quelques-uns. Je profite de l'occasion pour les saluer et les remercier de leur présence.
Notre association, le REDAC, regroupe les exploitants de distributrices de cigarettes de la province de Québec. Nous sommes une association indépendante dont le but est de représenter exclusivement les intérêts de nos membres. Nous sommes autonomes et entièrement indépendants face aux divers groupes et intervenants représentant l'industrie du tabac. Nous ne recevons aucune subvention ou gratuité de leur part et ne faisons pas de publicité pour eux.
Chacun de nos membres est une PME qui contribue à la création d'emplois. En fait, notre industrie crée et maintient près de 1 200 emplois directs et indirects à travers la province de Québec.
Nous parlons donc ici de près de 60 PME qui se voient menacées de disparaître si le projet de loi C-71 est adopté tel que libellé actuellement. Nous sommes donc heureux de l'opportunité offerte aujourd'hui de discuter de cette question avec vous car ce n'est rien de moins que de notre survie dont nous allons vous parler.
S'il est maintenu dans sa forme actuelle, l'article 12 de cette loi entraînera la fin de nos opérations et la fermeture inévitable de nos entreprises car il deviendra impossible de rentabiliser nos opérations. C'est donc l'élimination pure et simple d'une industrie qui a toujours collaboré dans la mesure de ses capacités aux objectifs du gouvernement reliés à la création d'emplois. Pour nous, et vous en conviendrez sûrement, cet article se veut une injustice pour les membres de notre industrie et représente un acte discriminatoire.
Comme vous le savez, l'article 12 sous sa forme actuelle interdit de fournir ou de laisser fournir des produits du tabac au moyen d'un appareil distributeur sauf si celui-ci, a) se trouve dans un lieu où le public n'a pas normalement accès, ou b) se trouve dans un bar, une taverne ou un établissement semblable et est muni d'un mécanisme de sécurité réglementaire.
Si l'on regarde le point a), en termes clairs, celui-ci nous indique qu'il faudrait cacher les distributrices dans des lieux auxquels le public n'a pas accès, comme par exemple la cuisine, les placards, les sous-sols ou autres, ce qui représente un non-sens pour les propriétaires de ces lieux, sans compter que la plupart de ces endroits n'ont pas l'espace physique pour le faire.
C'est, de plus, beaucoup de tracas et d'inconvénients pour ces personnes qui, dans les faits, retirent peu ou pas de bénéfices de la vente de cigarettes puisque c'est avant tout un service mis à la disposition de leur clientèle. L'incitatif financier étant faible et les sources de tracas élevées, il est à prévoir que la très grande majorité des commerçants ne voudra plus opérer une distributrice de cigarettes, ce qui, pour nous, représente la fermeture de nombreuses entreprises et la perte d'un nombre élevé d'emplois.
Tout cela alors qu'il suffit simplement d'ajouter un mécanisme de sécurité réglementaire qui se veut incontournable. C'est d'ailleurs ce qui se fait actuellement pour chaque distributrice qui se trouve dans un endroit public accessible aux personnes de moins de 18 ans et ce, sans exception.
Au point b), le texte de loi mentionne qu'il est possible d'avoir des distributrices accessibles au public dans un bar, une taverne ou un établissement semblable à condition que ces distriburices soient munies d'un mécanisme de sécurité réglementaire.
Nous tenons à informer les distingués membres de ce comité que le REDAC a déjà ajouté un dispositif à toutes ses distributrices situées dans un lieu public accessible à des personnes de moins de 18 ans. Il y a donc vérification de la preuve d'âge du client avant que la distributrice puisse être actionnée par celui-ci et ce, à chaque transaction, sans exception.
Ce qui nous semble difficile à comprendre, voire même illogique, c'est que l'on veuille imposer ce même mécanisme à des distributrices qui se situent à l'intérieur d'établissements interdits aux personnes de moins de 18 ans. Ces établissements contrôlent déjà l'âge de leur clientèle et ce, de façon beaucoup plus stricte que ne le fait un dépanneur lorsqu'il s'agit de vendre des cigarettes.
La clientèle de ces établissemnts est âgée de plus de 18 ans, donc exclue des diverses mesures prévues par la loi concernant la vente de cigarettes aux mineurs. Il nous est particulièrement difficile de comprendre l'existence d'une telle mesure qui se veut à la fois incohérente et injuste à l'égard de notre industrie.
Par ailleurs, l'alinéa (2)c) de l'article 22 du projet de loi C-71 permet la publicité sans restriction pour ce qui est des réclames publicitaires placées dans les lieux publics interdits aux personnes de moins de 18 ans. C'est donc dire que la loi considère que les gens qui ont accès à de tels endroits sont des adultes responsables et conscients des conséquences et des effets de l'utilisation du tabac.
Par contre, l'article 12 de cette même loi interdit à ces mêmes personnes d'avoir libre accès aux distributrices situées dans ces endroits.
Pour nous, il y a là une contradiction flagrante qui découle d'une mesure manquant de cohérence et qui cause un préjudice immense à notre industrie. Il est clair que les propriétaires ou gestionnaires de tels endroits n'ont pas les ressources ni le temps requis pour superviser de façon constante la vente de cigarettes à des gens qui, de toute façon, ont l'âge légal pour se les procurer. Il faut se rappeler que l'objectif de la loi est d'interdire l'accès des produits du tabac à des personnes de moins de 18 ans et non pas d'en interdire l'accès tout court.
Par ailleurs, il est aussi utile de se rappeler que l'incitatif financier est faible pour ces personnes qui se servent de nos distributrices et que les sources d'inconvénients engendrées par de telles modifications étant élevées, il est évident que bon nombre d'entre eux délaisseront l'utilisation de distributrices dans leur commerce. Vous vous doutez bien que pour nous, cela représente une vraie castrastrophe économique qui amènera immédiatement la fermeture de plusieurs entreprises et la perte de nombreux emplois. Il faut aussi compter sur la possibilité qui se veut très réelle que ces mêmes commerçants se mettent à vendre des produits de contrebande sur lesquels aucun contrôle n'est applicable.
Avant d'aller plus loin, nous tenons à être clairs: le REDAC souscrit entièrement aux objectifs visés par le texte de loi C-71, plus particulièrement, en ce qui a trait à la restriction de l'accès des jeunes au produit du tabac.
Non seulement nous souscrivons à cet important objectif, mais nous avons pris des mesures claires pour contrôler et interdire la vente de cigarettes aux mineurs dans les endroits publics auxquels ceux-ci ont accès.
De plus, grâce aux efforts de l'ensemble de nos membres, près de 98 p. 100 des distributrices se trouvent loin des entrées des lieux publics réservés aux plus de 18 ans, et notre objectif est de s'assurer qu'il n'y en ait plus une seule d'ici quelques mois.
Ce sont là deux mesures qui démontrent notre bonne foi et la volonté ferme de notre industrie de limiter de façon non équivoque l'accès au produit du tabac pour les jeunes de moins de 18 ans.
Cependant, malgré tous les effort déployés par nos membres pour la mise en place de telles mesures et malgré l'efficacité de ces mesures dans l'enraiement de la vente de cigarettes aux jeunes de moins de 18 ans, l'article 12 du projet de loi s'attaque de façon directe et abusive à l'ensemble de nos activités commerciales. Cet article entraînera assurément la fermeture de la grande majorité de nos entreprises et la perte de centaines d'emplois au Québec.
Cette mesure se veut donc excessive. Tout ce qu'elle réussira à faire, c'est de jeter par terre l'ensemble de nos entreprises. Un point, c'est tout. Car il ne sert à rien de se le cacher, les gens qui ne pourront plus s'approvisionner auprès des distributrices achèteront leurs cigarettes à d'autres points de vente, ceux-ci étant parfois moins bien contrôlés que le système de distributrices tel qu'il fonctionne actuellement.
En d'autres termes, c'est l'élimination pure et simple des exploitants de distributrices au profit d'autres détaillants.
En fait, c'est là l'enjeu réel de ce que l'on discute aujourd'hui, car nos opérations sont en tout point similaires à celles des autres détaillants.
Nous sommes des détaillants au même titre que ces derniers, et ce en vertu de l'article 2 du projet de loi C-71. Ainsi, l'article 12 de ce même projet de loi éliminera tout simplement un détaillant au profit des autres. Notre industrie va donc disparaître alors que tous les autres points de vente demeureront.
C'est un peu comme si le gouvernement avait décidé d'abolir la libre concurrence et de favoriser certains détaillants au détriment de certains autres, qui, eux, se voient condamnés à mourir.
En fait, ce que nous demandons, c'est d'être traités au même titre que les autres détaillants de tabac tels les pharmacies, les dépanneurs, les magasins d'alimentation et autres, ainsi que d'être régis par les mêmes lois et les mêmes règlements. Nous voulons une justice saine et éclairée. Rien de plus, rien de moins.
Ce besoin de justice et d'équilibre fut d'ailleurs reconnu par le comité de la Chambre des communes sur la santé alors que celui-ci, suite à notre comparution du 9 décembre 1996, proposa d'amender l'article 12 afin de tenir compte de nos demandes qu'il jugeait légitimes et appropriées. Toutefois, malgré la justesse de ces recommandations, le ministère de la Santé a décidé de ne pas les retenir et ainsi d'aller à l'encontre des conclusions émanant de 11 députés chargés d'analyser les différents rapports et mémoires qui leur étaient soumis.
C'est ainsi que naquit l'article 12 sous sa forme actuelle, lequel n'aura comme effet que d'éliminer un type de détaillants au profit des autres.
Par ailleurs, au même moment, une autre motion issue de ce même comité fut rejetée par le ministère de la Santé. Cette motion, portant le numéro 6, en date du 30 janvier 1997, visait à rendre l'article 12 équitable tout en s'assurant que l'ensemble de la loi C-71 atteigne l'objectif essentiel de limiter aux jeunes l'accès aux produits du tabac.
Comme vous pouvez le constater, il est tout à fait possible de rééquilibrer l'article 12 en le rendant plus juste, tout en atteignant l'objectif fondamental relié à l'interdiction d'accès pour les jeunes aux produits du tabac.
Pour ce faire, le REDAC demande à votre comité de faire tout ce qui est en son pouvoir pour éviter qu'une grave injustice ne soit commise. Ainsi, nous proposons que l'article 12 du projet de loi C-71 soit modifié afin d'inclure la formulation suivante:
Il est interdit de fournir ou de laisser fournir des produits du tabac au moyen d'un appareil distributeur sauf si celui-ci: a) est muni d'un mécanisme de sécurité réglementaire ou; b) est situé est dans un endroit dont l'accès est interdit aux jeunes par la loi.
L'article 12, ainsi libellé, répond en tous points aux objectifs du ministère de la Santé. Il s'assure qu'un jeune de moins de 18 ans ne pourra se procurer un paquet de cigarettes sans qu'il ne soit obligé de produire une preuve de son âge, tel que prescrit par la réglementation de la Loi sur le tabac. Ce faisant, il évite aussi de créer une injustice et permet à notre industrie de survivre et de maintenir ses emplois.
Ainsi, le REDAC demande aux membres du comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles de bien vouloir considérer sa demande et de permettre que tous les détaillants de produits du tabac soient traités sur une même base sans qu'il n'y ait un avantage structurel pour un détaillant au détriment d'un autre.
Pour nous, il est clair que, dans un esprit de démocratie, une loi ne doit pas être discriminatoire mais plutôt juste et équitable pour tous les intervenants de la société. C'est donc dans ce but que nous vous demandons votre appui et votre collaboration.
Honorables sénateurs, nous vous remercions de l'intérêt et du suivi que vous accorderez à l'ensemble de nos propos et profitons de l'occasion pour vous souhaiter beaucoup de succès dans le déroulement de vos travaux.
C'est avec grand plaisir que nous demeurons à votre disposition pour répondre à toute question ou besoin d'information de votre part.
[Traduction]
Le sénateur Jessiman: Si 60 entreprises au Québec utilisent ces distributrices automatiques, il doit y en avoir d'autres dans le reste du Canada, n'est-ce pas?
[Français]
M. Raymond Laporte, président, comité du suivi législatif, Regroupement des exploitants de distributrices automatiques de cigarettes: Malheureusement, nous n'avions pas senti le besoin de former une association avant que le projet de loi ne soit présenté. Nous avions un début d'association il y a quelques années. Nous sommes déjà en voie de structurer au Québec. Nous n'avonspas eu le temps de contacter les autres provinces pour savoir si elles avaient des organismes similaires, alors nous ne pourrons pas répondre à votre question, mais nous pouvons présumer que les autres provinces comptent aussi des distributrices automatiques.
[Traduction]
Le sénateur Jessiman: Connaissez-vous l'article 4 de l'actuelle Loi sur la vente du tabac aux jeunes? Il dit que quiconque, dans le cadre d'une activité commerciale, fournit (à titre onéreux ou gratuit, notamment au moyen d'un appareil distributeur), à une personne âgée de moins de 18 ans des produits du tabac, pour l'usage de ceux-ci ou non, commet une infraction. Savez-vous si vos entreprises au Québec ont fait l'objet de beaucoup de poursuites à cet égard?
[Français]
M. Laporte: Le ministère de la Santé vérifie régulièrement les endroits de distribution; cela comprend les dépanneurs, les supermarchés et nos distributrices situées dans les restaurants, les bars et les autres endroits. Le ministère envoie des avis; on a eu connaissance, relativement à des dépanneurs, qu'il y a eu des avis envoyés dans les commerces où des produits du tabac étaient fournis à des jeunes de moins de 18 ans.
[Traduction]
Le sénateur Jessiman: Je me demandais si la vente de cigarettes dans des distributrices au Québec avait donné lieu à des poursuites en vertu de cette loi?
M. Laporte: Non, il n'y en a pas eu.
Le sénateur Jessiman: Pas à votre connaissance. Vous dites donc que la loi actuelle est satisfaisante en ce qui concerne les ventes aux mineurs. Vous dites qu'il est maintenant illégal de vendre aux mineurs des cigarettes dans des distributrices. Je vous demande si, à votre connaissance, vous avez eu des problèmes à cet égard? Y a-t-il eu beaucoup de poursuites? Pouvez-vous comprendre pourquoi le gouvernement veut renforcer la loi?
Vous êtes dans ce genre d'entreprise et, à votre connaissance, il n'y a pas eu de poursuites en vertu de cette loi?
[Français]
M. Laporte: La réponse à votre question est non. J'ajouterai qu'il y a deux ans, les membres de notre association ont fait des propositions au ministère de la Santé. On leur a mentionné que l'on était conscient des problèmes de l'accès aux distributrices automatiques et on a proposé au ministère d'installer un mécanisme de sécurité actionné à chaque transaction. Donc, le jeune qui veut s'acheter un paquet de cigarettes dans une distributrice à cigarettes doit nécessairement, dans les endroits publics, s'adresser à un représentant de l'endroit, soit un employé, un serveur ou le propriétaire, parce que nos machines, dans ces endroits, sont contrôlées. Autrement dit, vous mettez de l'argent dans la machine et l'argent passe tout droit. Il faut que la machine soit actionnée par un contrôle à distance. C'est comme un «remote control» pour les télévisions; vous pressez le bouton et la machine distributrice est actionnée, elle reçoit l'argent, un paquet de cigarettes tombe et ensuite, automatiquement, la machine ne fonctionne plus. Elle doit être activée à chaque transaction. Il y a donc moyen de vérifier la preuve d'âge dans les endroits publics au même titre qu'un dépanneur, une pharmacie ou un supermarché.
[Traduction]
Le sénateur Jessiman: Voulez-vous dire que si j'entre dans un magasin, que j'ai 18 ans ou moins, je dois demander l'autorisation d'utiliser la distributrice?
M. Laporte: Oui.
Le sénateur Jessiman: Si tel est le cas, quelle raison vous a donné le gouvernement au sujet de cette disposition?
Le sénateur Nolin: Nous pourrions peut-être le lui demander.
M. Laporte: Nous aimerions une réponse.
[Français]
Je dois préciser que lorsque nous avons installé ces systèmes, nous avons demandé l'avis du ministère de la Santé. Le contentieux du ministère de la Santé a émis une lettre. J'aimerais la déposer. Il s'agit d'une lettre qui précise que lorsque les machines sont équipées de ce système, elles ne tombent plus sous le feu de la loi parce qu'elles ne sont plus considérées comme des distributrices automatiques. Elles sont contrôlées, il y a moyen de vérifier l'âge, donc elles ne sont plus considérées par la loi comme des distributrices automatiques. C'est un point de vente au même titre qu'un autre. J'aimerais déposer ce document.
[Traduction]
Le sénateur Jessiman: On vous dit que vous ne tombez pas sous le coup de la loi si vous avez ce genre de système de sécurité pour les distributrices.
M. Laporte: Exactement.
Le sénateur Jessiman: Vous connaissez le système des distributrices et savez donc qu'elles permettent de vendre autre chose que des cigarettes. Vous devez vendre d'autres produits également. Si tel est le cas, quel pourcentage de vos produits sont des produits du tabac?
[Français]
M. Laporte: Notre association regroupe 60 membres au Québec et nous avons uniquement des distributrices à cigarettes. Nous ne distribuons aucun autre produit à l'intérieur de nos machines.
[Traduction]
M. Patenaude: Peut-être aimeriez-vous voir une unité de contrôle. Nous allons la faire circuler.
Le sénateur Jessiman: Merci. Cela ressemble à un ouvre-porte de garage.
Le sénateur Nolin: C'est exactement la lettre que j'ai demandé au ministre de déposer, lorsqu'il est venu témoigner le premier jour des audiences.
[Français]
Je veux juste que l'on soit clair. En vertu de la loi actuelle, pas le projet de loi que nous avons devant nous, mais la loi qui est en vigueur, celle à laquelle mon collègue Jessiman faisait référence il y a quelques instants, en vertu de cette loi, vous ne pouvez pas vendre un paquet de cigarettes à un mineur par le biais d'une distributrice automatique?
M. Patenaude: C'est exact.
Le sénateur Nolin: Vous avez, si je comprends bien, de votre propre chef, sans qu'on vous y oblige -- faisant abstraction de la loi qui vous oblige à ne pas vendre à un mineur -- imaginé, mis au point, développé le petit mécanisme qui circule autour de la table, c'est bien ça?
M. Laporte: C'est cela, exactement.
Le sénateur Nolin: Dois-je comprendre que vous avez demandé au ministère de la Santé de valider votre action?
M. Laporte: Exactement, c'est bien cela.
Le sénateur Nolin: La lettre, que nous avons devant nous est celle qui vous a informé que vous respectiez la loi et qu'on ne vous importunerait pas?
M. Laporte: Exactement.
Le sénateur Nolin: C'est bien cela?
M. Laporte: C'est bien cela.
Le sénateur Nolin: Est-ce que l'on peut avoir une copie de l'amendement que vous suggérez?
M. Laporte: Vous en avez une à l'intérieur du mémoire.
[Traduction]
Le sénateur Lewis: Si je comprends bien, messieurs, les distributrices de cigarettes sont interdites en Ontario et en Nouvelle-Écosse. Le saviez-vous?
[Français]
M. Laporte: Oui, nous en sommes conscients. Ils sont régis par une loi provinciale. Ce n'est pas la loi fédérale, ce sont les lois provinciales qui interdisent de vendre les produits du tabac par le biais d'une machine distributrice. Nous ne sommes pas au courant du déroulement du dossier lorsque la loi a été présentée, mais probablement que ces machines n'étaient pas contrôlées dans les endroits publics et que le gouvernement provincial avait raison à ce moment-là de prendre une telle action. Nous sommes allés au devant des coups et nos machines sont contrôlées. C'est un point de vente au même titre qu'un autre détaillant et nous avons toujours contribué à contrôler l'accès au tabac. Nos machines ne sont pas accessibles au moins de 18 ans. Et dans les bars, c'est normal que l'on demande que les machines ne soient pas contrôlées, parce que légalement parlant il y a une loi qui dit que les jeunes n'ont pas le droit d'entrer dans un bar. Pour quelles raisons devrait-on contrôler les machines distributrices de cigarettes dans un bar? C'est comme dire à des adultes qui ont le droit d'entrer dans les bars qu'ils n'ont pas le droit d'avoir accès à des paquets de cigarettes. Vous pouvez entrer dans les bars, mais vous ne pouvez pas avoir accès aux machines de cigarettes. Il y a un certain non-sens là-dedans.
D'ailleurs, si vous prenez l'article 22 du projet de loi, que nous citons dans le mémoire, il permet à une compagnie de tabac d'aller voir un tenancier de bar et de lui dire que l'on va placarder tous ses murs d'affiches. Cette procédure est légale, l'article 22(2)c) le permet. Par contre, la même loi dit, à l'article 12, que si un commerçant possède une machine à cigarettes, elle doit être activée. Et l'adulte qui voit la publicité et est en mesure de la juger, n'est pas suffisamment adulte pour avoir accès à une machine à cigarettes. C'est un non-sens.
[Traduction]
Le sénateur Lewis: La Loi sur la vente du tabac aux jeunes dont il a été fait mention plus tôt est entrée en vigueur en 1993. Depuis son entrée en vigueur, savez-vous si le nombre des distributrices de cigarettes a diminué?
[Français]
M. Laporte: Nous n'avons pas plus de renseignements que les membres du comité peuvent en avoir, et ce sont des renseignements et des études de Statistique Canada. Nous n'avons pas d'autres études. Nos machines, depuis 2 ans, sont contrôlérs. Nous savons que les jeunes de moins 18 ans n'y ont pas accès. Nous ne nous préoccupons donc pas de ce facteur, de cette statistique.
[Traduction]
Le sénateur Lewis: Nous poserons la question au ministère.
[Français]
Le sénateur Nolin: Lorsque vous parlez d'établissements ouverts au public, auxquels les jeunes ont accès. De quels établissements parlez-vous? Restaurants...
M. Laporte: Lorsque nous parlons d'accès au public, de libre accès public aux endroits, on parle de restaurants surtout. Lorsque l'on parle des établissements auxquels les jeunes n'ont pas accès, nous parlons des établissements qui détiennent des permis de bar exclusifs, où il n'y a pas de restauration.
Quarante pour cent environ de nos distributrices automatiques sont situées dans des restaurants auxquels les jeunes ont accès, et 60 p. 100 d'entre elles sont situées dans des bars. Si on applique l'article 12 tel que libellé actuellement, cela veut dire que nous amputons 40 p. 100 de notre chiffre d'affaires. À ce moment-là, il n'y a pas une de nos entreprises qui peut survivre.
Le sénateur Nolin: Votre prétention est de dire que comme la loi n'interdit pas la vente des produits du tabac dans les dépanneurs, les épiceries, les pharmacies, d'autres points de vente, d'autres détaillants, pourquoi vous empêcherait-elle, en tant que propriétaires de machines distributrices, de vendre dans un endroit public où il y a des jeunes? C'est là votre prétention?
M. Laporte: C'est cela. Nous sommes des détaillants, en vertu de l'article 2, au même titre que les autres.
[Traduction]
La présidente: Merci.
La séance est levée.