Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 60 - Témoignages - Séance du matin
OTTAWA, le lundi 21 avril 1997
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-17, Loi modifiant le Code criminel et certaines lois, se réunit aujourd'hui à 10 h 04 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Nous entamons ce matin l'étude du projet de loi C-17, Loi modifiant le Code criminel et certaines lois. Nous entendrons le témoignage des fonctionnaires sur le projet de loi C-17 ce matin. Les représentants de l'Association du Barreau canadien et du Barreau du Québec ne peuvent comparaître avant demain. Ils le feront donc demain après-midi, de même que ceux de la Criminal Lawyers Association.
Le sénateur Jessiman: Les témoins de ce matin ont-ils eu l'occasion de prendre connaissance des recommandations de l'Association du Barreau canadien?
La présidente: Oui, j'ai communiqué ces recommandations aux témoins et je leur ai demandé de les commenter.
Nous accueillons ce matin Fred Bobiasz, avocat général, section de la politique en matière de droit pénal, et Catherine Kane, conseillère juridique, secteur des politiques pénales. Je vous souhaite la bienvenue. Je vous invite à faire votre déclaration liminaire et à traiter des recommandations sommaires que nous avons reçues de l'Association du Barreau canadien.
Le sénateur Corbin: Une précision. Quelle est la différence entre la section de la politique en matière de droit pénal et le secteur des politiques pénales?
M. Fred Bobiasz, avocat général, section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice: Je pourrais commencer par là et enchaîner avec mes observations.
La section de la politique en matière de droit pénal est un service, à l'intérieur d'un secteur des politiques plus large, au ministère de la Justice, qui est chargé du domaine pénal. Le secteur a des composantes chargées du droit public, du programme des armes à feu, des jeunes contrevenants et de la détermination de la peine. Nous avons aussi divers sous-éléments appelés groupes ou sections, selon la façon dont ils sont apparus.
Ma collègue, Catherine Kane, et moi-même travaillons à la section de la politique en matière de droit pénal, et nous sommes chargés de l'élaboration de la politique en matière pénale, ce qui englobe la rédaction des projets de loi. Mme Kane et moi avons participé à l'élaboration de projets de loi comme celui-ci et comme l'autre dont vous serez saisis cette semaine.
J'ai comparu il y a un peu plus de deux ans au sujet d'un projet de loi semblable au projet de loi C-17. Il portait le numéro C-42. Il a été adopté sous le titre de Loi de 1984 modifiant le droit pénal et était désigné comme loi apportant des modifications diverses au droit pénal. À bien des égards, ce projet de loi est dans la même foulée, et je crois même que, lors de notre comparution, nous avons alors dit qu'il y aurait un autre projet de loi semblable.
Le projet de loi à l'étude ne porte pas le même titre, mais plutôt celui de Loi de 1996 visant à améliorer la législation pénale. Ce titre un peu ronflant a été choisi délibérément parce que votre comité a fait remarquer que le titre du projet de loi C-42 a amené certaines gens à croire, à tort, qu'il s'agissait de modifications mineures, de modifications de forme ou de simples corrections. À l'examen, on a constaté que le projet de loi C-42 contenait des dispositions d'importance.
C'est le cas de ce projet de loi. Même si presque toutes ses dispositions sont plutôt techniques, bon nombre d'entre elles ont une certaine importance, même si elles portent sur la procédure, et d'autres dispositions dépassent la procédure et portent sur des questions de fond en droit pénal et sur la preuve. Le discours de deuxième lecture qui a été fait au Sénat a donné du projet de loi une vue d'ensemble suffisante pour que vous compreniez tous que, même s'il y a bien des questions techniques et mineures, beaucoup d'autres ont une certaine importance.
Plutôt que de centrer mes observations sur les recommandations de l'ABC, je vais aborder quelques questions qui les préoccupent, je le sais, et d'une partie du projet de loi qui apporte passablement de changements au sujet des produits de la criminalité.
En 1988, la partie 12.1 du Code criminel a été adoptée. Elle prévoyait la saisie initiale des produits qu'on soupçonnait provenir de la criminalité et leur confiscation définitive. Le projet de loi à l'étude apporte des modifications à cet aspect de la loi. L'une d'elles découle même des délibérations du Sénat, en 1987. L'engagement avait été pris de faire en sorte que le juge soit mis au courant d'une demande antérieure de mise en détention ou de mandat de perquisition spécial, et le projet de loi donne suite à cet engagement.
Plus important encore, en ce qui concerne les produits de la criminalité, les modifications permettent aux policiers chargés de faire enquête à ce sujet d'agir de manière plus proactive dans certaines opérations d'infiltration. Les dispositions proposées soustraient les policiers à toute responsabilité criminelle lorsqu'ils participent à ces opérations avec des personnes qu'on soupçonne de blanchiment d'argent. Cela leur permet de ne pas violer, techniquement, les moyens de défense au fond. Par conséquent, des modifications sont apportées au Code criminel ainsi qu'à d'autres lois fédérales en cause dans les affaires de produits de la criminalité, comme la Loi sur les stupéfiants, la Loi sur les aliments et drogues, une loi qui sera bientôt en vigueur, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur les douanes et la Loi sur l'accise.
D'autres modifications relatives aux produits de la criminalité permettront d'étendre à d'autres provinces l'effet juridique de mesures prises dans une province. Il arrive souvent que l'activité criminelle ne soit pas limitée au territoire d'une seule province. Dans le cas du recyclage d'argent et des autres questions de produits de la criminalité, la chose est même fréquente, et les activités s'étendent même parfois d'un océan à l'autre. Des dispositions portant sur les compétences s'imposaient donc pour permettre une application plus efficace dans ce domaine de la loi.
Une disposition proposée à la demande de l'Association du Barreau canadien concerne la possibilité pour un prévenu, lorsque des biens ont été saisis et qu'on croit qu'ils proviennent d'activités criminelles, d'avoir accès à ces produits pour assumer des frais de subsistance raisonnables et les frais juridiques. Cela fait partie du régime existant, mais il est parfois arrivé que les policiers ou les forces de l'ordre saisissent des biens dont on soupçonne qu'ils proviennent du crime en vertu d'autres dispositions législatives comme un mandat de perquisition ordinaire. Il a donc été admis que, si la politique justifiant l'accès à ces produits en vertu d'une partie du Code criminel était valable, elle devait l'être aussi lorsque les produits sont saisis en vertu d'une autre partie de cette loi. Nous avons donc proposé une modification en conséquence.
Il est également question dans le mémoire de l'ABC d'une série de changements qui modifient les définitions de certaines infractions. Il s'agit surtout des ballades dans des voitures volées, du fait de prendre place dans une voiture volée, des infractions concernant l'usage frauduleux de cartes de crédit, des fraudes dans les services de télécommunication et des méfaits en informatique.
Nous apportons quelques rajustements à des dispositions sur des infractions parce que certains types de crime augmentent: des criminels profitent de la haute technologie pour faire le trafic d'information sur les cartes afin de produire des fausses cartes de crédit, d'entrer dans des systèmes informatiques et de commettre des fraudes qui n'étaient pas envisageables il y a 15 ou 20 ans, avant l'époque des ordinateurs et des télécommunications.
Le sénateur Jessiman: Êtes-vous en train de parcourir le résumé des recommandations?
M. Bobiasz: Pas vraiment.
Le sénateur Jessiman: Où en êtes-vous? Il y a un résumé à la page 25. Quand vous parlez d'un article en particulier, pourriez-vous nous dire où nous pouvons suivre? Je suis un peu perdu. Le mémoire présente 15 recommandations.
M. Bobiasz: Au lieu de faire mes observations comme j'avais prévu, je peux suivre la liste des recommandations, si vous préférez.
Le sénateur Jessiman: À votre guise. J'ai lu une partie du document et j'en connais le contenu. Je voudrais savoir ce que vous répondez aux objections de l'association. Par exemple, elle dit que la police ne doit pas avoir le dernier mot et qu'il devrait y avoir confirmation judiciaire. Je voudrais que vous me disiez pourquoi nous n'en avons pas besoin. L'association dit que, étant donné une certaine ambiguïté de l'article 7 ou pour d'autres raisons, à l'article 15, ces deux dispositions devraient disparaître du projet de loi. Je voudrais que vous me disiez pourquoi ils ont tort ou pourquoi vous pensez que tout doit rester tel quel.
Le sénateur Pearson: Je voudrais que nous écoutions le reste de l'exposé, et nous reviendrons ensuite là-dessus.
Le sénateur Jessiman: Je croyais qu'il parlait de cela. Sinon, cela me va.
Le sénateur Beaudoin: Il nous faut connaître la réaction du ministère de la Justice aux recommandations de l'Association du Barreau canadien, et les réactions de l'Association aux positions du ministère.
La présidente: Nous devrions finir d'écouter les observations des fonctionnaires et nous leur demanderons ensuite de passer les recommandations en revue.
Le sénateur Corbin: Est-ce que j'ai bien compris? Avez-vous dit que le Barreau canadien allait comparaître devant le comité?
La présidente: Oui.
Le sénateur Corbin: Sommes-nous en train d'étudier son mémoire avant d'avoir entendu son témoignage? Cela ne me dérange pas, mais la façon de procéder sort de l'ordinaire.
Le sénateur Jessiman: Autrement, il faudrait les faire revenir plus tard.
Le sénateur Corbin: Cela me paraît étonnant.
La présidente: Ce n'est pas la procédure normale, mais nous sommes très pressés par le temps.
Le sénateur Corbin: Que cela ne devienne pas un précédent.
La présidente: Puisque les fonctionnaires sont là et que nous ne pourrons peut-être pas les convoquer de nouveau, nous tenons à ce qu'ils commentent les points de vue de l'Association du Barreau canadien et à ce qu'ils nous expliquent pourquoi le projet de loi doit rester tel quel.
Je vous en prie, poursuivez votre exposé. Nous passerons ensuite à l'autre étape.
M. Bobiasz: J'allais parler des ballades en voiture volée. Il en est question au point 3 du mémoire de l'ABC. L'association refuse cette modification.
En ce moment, celui qui conduit un véhicule pris sans le consentement du propriétaire se rend coupable d'une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité au lieu de la procédure normale, qui en ferait un vol de voiture ou possession d'un véhicule d'une certaine valeur. La disposition sur les ballades en voiture volée a été adoptée il y a quelques années comme position de repli pour traiter avec moins de sévérité ce type de délit commis par des jeunes. Il arrive souvent qu'ils s'emparent ainsi d'un véhicule pour impressionner leurs amis. La première chose qu'ils font, c'est ramasser leurs amis pour aller faire une promenade.
À l'heure actuelle, cette disposition permet de porter des accusations contre le conducteur. Si on veut porter des accusations contre les amis, il faut les accuser de possession d'un véhicule volé, puisqu'ils jouent un rôle actif dans l'utilisation du véhicule volé. C'est là une infraction plus grave. Il a donc été recommandé dans certains milieux que l'infraction d'utilisation non autorisée d'un véhicule s'applique également aux passagers du véhicule. Cette proposition se retrouve à l'article 15 du projet de loi.
Cette modification découle également des positions préconisées par l'Association canadienne des chefs de police, le Bureau d'assurance du Canada et une enquête de coroner. Souvent, un véhicule qui a été volé et où prennent place un certain nombre de personnes a un accident, parfois à cause de poursuites à haute vitesse, et tout le monde prend la fuite. À cette étape-là, il est souvent difficile de savoir qui conduisait et qui était simplement passager. La disposition vise à imposer une certaine responsabilité à tous les occupants qui savent que le véhicule a été volé.
Il faut comprendre qu'on dispose expressément que le contrevenant doit être au courant que le véhicule a été volé. Il y a même une disposition qui donne un délai raisonnable à l'individu qui n'a appris qu'au bout d'un certain temps après y avoir pris place que le véhicule a été volé. Cela permet à cette personne de quitter le véhicule.
C'est à cette disposition que l'Association du Barreau canadien fait allusion. Je ne vois pas pourquoi elle n'en veut pas. Nous croyons que c'est une infraction logique. Elle se défend bien pour un certain nombre de raisons, dont l'une est qu'elle sera à l'avantage des jeunes, vu que la seule possibilité, actuellement, dans le cas des passagers, est de porter une accusation de vol. La solution que nous préconisons est une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité. S'il s'agit de jeunes, la cause sera entendue par un tribunal pour les jeunes. C'est un moyen de rendre tout le monde responsable de ses actes, y compris les jeunes.
Le sénateur Jessiman: L'association dit que le simple fait d'être passager vous rend coupable sans qu'il y ait intention criminelle. Selon elle, la loi doit exiger une certaine preuve de participation, au lieu de criminaliser le simple acquiescement.
La présidente: Sénateur, le paragraphe 335(1.1.) qui est proposé dans le projet de loi dit que l'infraction ne s'applique pas à l'occupant qui a essayé de quitter le véhicule si les circonstances le permettaient ou l'a effectivement quitté. Une fois que les occupants savent que le véhicule a été volé et acceptent d'y rester...
Le sénateur Jessiman: La question est de savoir s'ils savent.
M. Bobiasz: En outre, il faut une preuve. C'est ce qu'on trouve au paragraphe 335(1):
Sous réserve du paragraphe (1.1), est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, sans le consentement du propriétaire, prend un véhicule à moteur ou un bateau avec l'intention de le conduire ou de l'utiliser ou de le faire conduire ou utiliser ou [...]
Voilà l'élément nouveau.
[...] sachant que le véhicule ou le bateau a été ainsi pris, se trouve à son bord.
Pour répondre à l'Association du Barreau canadien, il y a là une intention criminelle. Et il est plutôt difficile d'en établir la preuve.
Le sénateur Jessiman: Cela semble logique. L'occupant sait que le véhicule est volé et y reste quand même.
M. Bobiasz: Plusieurs modifications sont apportées aux dispositions du Code criminel sur la conduite en état d'ébriété. Elles donnent suite à des arrêts de la Cour suprême du Canada.
La modification la plus importante concerne une situation où une femme a été arrêtée, était soupçonnée de conduite en état d'ébriété, a été invitée à se soumettre à l'alcootest et a été conduite au poste de police. Deux tests sont nécessaires. Le premier a donné un certain taux d'alcoolémie. La conductrice s'est absentée pour aller aux toilettes. En revenant, elle a dit qu'elle était si nerveuse qu'elle avait dû prendre un petit coup, une petite bouteille de deux onces comme on les distribue dans les avions. La police a procédé au deuxième test, et les résultats étaient à peu près identiques.
Au procès, le procureur a essayé d'utiliser le certificat d'analyse, mais, à cause de l'alcool qui avait été consommé après, la cour ne pouvait pas présumer que le taux d'alcoolémie mesuré était le même que lorsque la conductrice était au volant. Elle a tiré cette conclusion à cause de la manière dont la loi est conçue. Le juge a dit que ce n'était pas une défense particulièrement utile, mais qu'il fallait l'accepter, étant donné le libellé de l'article.
La modification changera cette situation. Avant que les résultats d'un test ne puissent être invalidés, il doit y avoir des preuves non seulement que le taux d'alcoolémie aurait pu être différent au moment de la conduite, mais aussi que la différence est telle qu'il est inférieur à la limite légale. C'est là une des principales dispositions au sujet de la conduite en état d'ébriété.
Le sénateur Jessiman: Elle n'a pas subi le test. Elle a été appréhendée avant, puis elle est allée aux toilettes et a consommé de l'alcool. Ou a-t-elle d'abord subi un test?
M. Bobiasz: Il faut deux tests.
Le sénateur Jessiman: Elle a subi le premier, elle a consommé de l'alcool et elle a ensuite subi le deuxième.
Le sénateur Gigantès: Pourriez-vous préciser? Vous avez dit qu'il devrait y avoir une preuve que le taux d'alcoolémie avant le premier test était en deçà d'un certain niveau. De quel genre de preuve peut-il s'agir?
Mme Catherine Kane, conseillère juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice: En ce moment, dans le Code criminel, nous avons un certain nombre de présomptions auxquelles le ministère public peut faire appel pour faciliter la preuve dans les causes de conduite en état d'ébriété, mais elles sont toutes soumises à la preuve adverse, car il incombe au ministère public de prouver tous les éléments de l'infraction au-delà de tout doute raisonnable. Si l'accusé peut réfuter la présomption, il incombe au ministère public de prouver au-delà de tout doute raisonnable que le prévenu avait un taux d'alcoolémie supérieur à la limite lorsqu'il était au volant.
La présomption du Code criminel est que le taux d'alcoolémie au moment du test, correctement effectué, est censé être le même qu'au moment où le conducteur était au volant, s'il est fait dans les deux heures qui suivent. On évite ainsi d'avoir à convoquer un toxicologue devant les tribunaux pour faire des extrapolations et établir avec précision le taux au moment où la personne était au volant. Le taux est probablement plus élevé, mais, dépendant du moment où l'alcool a été consommé, il peut être en progression ou en diminution.
Comme le Code criminel dit qu'il y a présomption en l'absence de preuves contraires, Mme Saint-Pierre, l'accusée dans cette affaire, a pu prétendre que son taux d'alcoolémie était probablement différent parce qu'elle était allée aux toilettes pendant l'attente de 15 minutes et avait consommé encore de l'alcool, ce qui a pu faire augmenter le taux.
Le sénateur Jessiman: C'est-à-dire après le premier test.
Mme Kane: D'après le test effectué le long de la route, le taux se situait dans la zone dangereuse. Les policiers ont amené la conductrice au poste, lui ont donné la possibilité de consulter un avocat, et elle a accepté de se soumettre à l'alcootest. On fait un test, on attend un quart d'heure, et on recommence. Le Code criminel dit que c'est le taux le plus bas qui est retenu, le premier ou le deuxième. Elle a soutenu: «Vous ne pouvez pas vous fier à cette présomption pour prétendre que le taux était de 0,17, parce que, selon ma preuve à l'effet contraire, il ne pouvait pas être aussi élevé étant donné que, entre temps, j'avais bu encore. J'ai pris ma petite vodka.»
Le sénateur Jessiman: Elle a subi un test sur les lieux et un autre après?
Mme Kane: Le test qui a lieu sur la route permet simplement à la police de dire s'il y a probablement ébriété et d'exiger un test dans des conditions strictes, à la salle de l'alcootest, au poste.
Le sénateur Jessiman: Lorsqu'elle a subi le premier test, parmi les deux qui comptent, elle n'avait pas consommé d'alcool?
Mme Kane: Elle en avait consommé beaucoup.
Le sénateur Jessiman: Je veux parler de la bouteille de deux onces. Nous savons qu'elle était en état d'ébriété.
Mme Kane: Sans doute pas. Puis elle a dit: «Excusez-moi», et elle est partie aux toilettes.
Le sénateur Jessiman: Dans le test qui a précédé la consommation des deux onces d'alcool, elle dépassait la limite?
Mme Kane: Oui.
Le sénateur Jessiman: Au deuxième test, elle était encore plus largement au-dessus de la limite?
Mme Kane: Pas nécessairement. Étant donné le mode d'absorption de l'alcool, il peut y avoir un délai d'une heure ou deux avant que cela se mesure à l'alcootest. Néanmoins, cela aurait pu modifier le résultat. Elle a prétendu qu'elle avait une preuve du contraire, que les résultats ne pouvaient être les mêmes, que les résultats n'étaient pas exacts. Le tribunal a décidé, en interprétant strictement le Code criminel, que les termes «preuve du contraire» voulaient dire différent et non pas inférieur. Cela veut dire différent, et il aurait pu y avoir une différence.
La modification vise à préciser les choses. Lorsqu'on recourt à la preuve contraire pour réfuter une présomption, cette preuve doit établir que le taux d'alcoolémie aurait été inférieur à 0,08, ce qui est la limite légale. Vous avez le droit de prétendre que vous n'avez pas bu ou que la machine ne fonctionnait pas correctement, peu importe la défense, mais la preuve doit être telle que, selon la prépondérance des probabilités, la cour peut dire que vous aviez un taux inférieur à la limite légale, et non que le taux était simplement différent.
Le sénateur Milne: Où cela se trouve-t-il dans le projet de loi?
Mme Kane: À l'article 10, sous-alinéa 258(1)d)(i).
La présidente: Le Barreau canadien n'avait rien à dire à propos de cette disposition.
Le sénateur Gigantès: Vous avez parlé d'une période de deux heures. Le métabolisme joue beaucoup dans l'absorption d'alcool, étant donné certaines conditions du foie. Il se peut qu'on doive faire venir un toxicologue quand même, peu importe la nouvelle disposition, puisque l'alcool est métabolisé plus ou moins rapidement selon l'individu.
Mme Kane: Le Code criminel prévoit des présomptions pour que nous n'ayons pas à convoquer des experts. Le ministère public peut s'appuyer sur ces présomptions. La défense a le loisir de convoquer un expert pour essayer d'établir que la limite légale n'était pas atteinte, mais le ministère public a le droit d'utiliser cette présomption. Si la défense fait naître des doutes raisonnables au sujet du taux d'alcoolémie, il incombe au ministère public de prouver que le prévenu avait un taux supérieur à la limite, et il peut alors avoir à convoquer un expert.
S'il fallait convoquer un expert dans toutes les poursuites pour conduite en état d'ébriété, l'administration de la justice serait débordée à cause de l'importance et de la durée des témoignages d'experts. Toutes ces présomptions ont été conçues de manière à tenir compte de vos préoccupations au sujet du rythme d'absorption de l'alcool. Ces dispositions du Code criminel doivent être respectées scrupuleusement si on veut que le ministère public se prévale de ces présomptions.
Le sénateur Gigantès: Les présomptions ne me plaisent pas.
Mme Kane: On peut les réfuter.
Le sénateur Beaudoin: Nous en avons besoin dans l'administration de la justice.
M. Bobiasz: Un certain nombre d'autres dispositions visent à rajuster les règles qui régissent la libération provisoire, libération qui est permise soit par un policier, soit par le tribunal. La première recommandation de l'Association du Barreau canadien dit que les conditions de mise en liberté doivent être confirmées par un juge avant que des poursuites ne soient intentées.
Le projet de loi C-42 a rendu possible la mise en liberté par un agent de police si la personne en cause était disposée à accepter une ou plusieurs conditions contenues dans une liste limitée. Cela est à l'avantage des prévenus, de la police et de ceux qui doivent administrer les séances de libération sous caution. Souvent, la police est tout à fait satisfaite qu'une personne ne soit pas mise en détention pourvu qu'elle respecte certaines conditions, comme de ne pas communiquer avec les témoins, de ne pas retourner dans une maison où il y a eu altercation, souvent une querelle conjugale.
Avant l'adoption du projet de loi C-42, il fallait mettre le prévenu en détention de 6 à 48 heures, le temps qu'on puisse organiser une comparution devant le juge de paix pour l'audience de libération sous caution. À cette comparution, le prévenu, souvent par l'entremise de son avocat, acceptait l'une des conditions qui est sur la liste. Résultat net, le prévenu passait inutilement du temps en détention. Les tribunaux étaient engorgés, et on gaspillait ainsi le temps des procureurs et des fonctionnaires de la cour.
Les modifications apportées par le projet de loi C-42 ont eu passablement de succès, mais divers changements ont été proposés pour améliorer ces dispositions, et elles se retrouvent dans ce projet de loi. L'un de ces changements consiste à autoriser la police à tenir compte d'un plus grand nombre de conditions. Les deux principales conditions proposées ici sont de ne pas avoir d'armes à feu en sa possession et de s'abstenir d'alcool ou de drogues. Un autre changement vise à permettre, avec le consentement du procureur, de modifier ces conditions sans qu'il faille comparaître devant le tribunal, sans audience en bonne et due forme.
Le dernier changement se rapporte à l'observation de l'Association du Barreau canadien voulant qu'il y ait confirmation judiciaire des conditions. Cela découle d'une restructuration de l'infraction au paragraphe 145(3), qui a été modifié par le projet de loi C-42 mais prêtait à confusion, pour que le manquement à une condition acceptée par le prévenu constitue une infraction distincte.
Ce que dit l'Association à propos de l'infraction principale au paragraphe 145(3) est que, avant qu'on ne puisse prononcer la culpabilité pour non-respect d'un avis de comparution, il doit y avoir une forme quelconque de confirmation judiciaire. Cet élément a été éliminé de propos délibéré parce que, ce dont on a souvent besoin, c'est de l'assurance que les conditions seront respectées dès le départ, alors que la confirmation judiciaire demande entre 24 heures et six semaines, selon les endroits.
Dans bien des cas, une personne accepte une mise en liberté assortie d'une condition quelconque, comme de ne pas fréquenter tel endroit ou de ne pas communiquer avec la victime ou un témoin. Si, immédiatement ou peu de temps après, cette personne retourne à l'endroit interdit ou a des contacts avec la victime, il serait bien peu pratique d'exiger qu'il n'y ait des poursuites qu'un certain temps après, après qu'un juge aura confirmé les conditions. Par conséquent, la seule manière dont cette disposition peut s'appliquer, c'est que le prévenu doit répondre du non-respect d'une condition, qu'elle ait été confirmée ou non par un juge.
Nous avons donc beaucoup de mal à accepter la proposition de l'Association du Barreau canadien. À bien des égards, elle rendrait la disposition inapplicable et les policiers garderaient simplement les prévenus en détention de 6 à 48 heures, jusqu'à leur comparution devant un juge, qui accordera la mise en liberté à des conditions fixées par lui-même. Nous en reviendrons à la situation d'avant le projet de loi C-42.
Le sujet qui vient ensuite est celui des mandats. L'ABC a fait un certain nombre d'observations à ce propos. Nous apportons passablement de changements, mais aucun qui soit substantiel. Dans la plupart des cas, il s'agit simplement d'éclaircissements, de codifications ou d'améliorations d'un dispositif existant.
Un exemple d'amélioration, du point de vue des prévenus ou des personnes visées par les mandats...
Le sénateur Milne: De quel article du projet de loi parlez-vous?
La présidente: Des articles 45, 46 et 48, dont le Barreau canadien se préoccupe.
M. Bobiasz: Ce sont les pages 21 à 28. Il y a un certain nombre de changements dans toute cette partie du projet de loi.
L'une des modifications que l'Association accepte volontiers concerne l'exécution des mandats la nuit. En ce moment, la règle veut que les mandats soient exécutés le jour à moins qu'un juge ne permette de les exécuter la nuit. Après l'adoption du projet de loi, le juge devra prendre les raisons en considération. En ce moment, il n'est pas nécessaire de présenter des raisons. L'une des modifications porte là-dessus.
Une autre modification qui est à l'avantage des personnes qui font l'objet d'un mandat de perquisition est que les autorités peuvent désormais s'occuper des produits périssables. Si les biens saisis sont périssables, par exemple un plein camion de légumes, la seule chose que les autorités puissent faire en ce moment, c'est garder ces légumes qui, avec le temps, vont se perdre. Elles pourront désormais demander une ordonnance leur permettant de vendre les produits périssables pour remettre l'argent ainsi recueilli à celui qui sera reconnu comme le vrai propriétaire.
Au nombre des éclaircissements -- bien que l'Association du Barreau canadien ait fait des observations --, nous proposons une nouvelle disposition. Je crois que c'est l'article 487.11. C'est une codification des pouvoirs de perquisition que la police et d'autres personnes peuvent exercer en situation d'urgence.
En ce moment, le Code criminel permet d'obtenir un mandat, mais il n'est pas fait mention du pouvoir de saisie lorsqu'il est difficile d'obtenir un mandat directement d'un juge ou encore par télécommunication ou télécopieur. Il est reconnu dans ces cas qu'il est possible d'exécuter un mandat dans ces circonstances.
La principale raison qui nous pousse à ajouter cette disposition est que, au fil des ans, c'est-à-dire depuis l'entrée en vigueur de la Charte, en 1982, de plus en plus de lois fédérales comportent cette disposition sur les situations urgentes. Cela a commencé parce que, même si on peut sans aucun doute se prévaloir de la common law, dans les affaires pénales, la chose n'était pas aussi certaine pour les perquisitions prévues par règlement. En 1986, nous avons adopté une loi pour assurer la conformité des lois à la Charte et prévu dans beaucoup de lois fédérales le cas des situations urgentes.
Cela se rapporte davantage au Code criminel, pour le fond. Il y a deux ans, dans le projet de loi C-8 réglementant certaines drogues et autres substances, on a prévu une disposition permettant les perquisitions dans les affaires de drogue dans les situations urgentes. Il nous a alors été conseillé de faire la même chose dans le Code criminel. Pour l'essentiel, nous avons repris la disposition du projet de loi C-8 et nous l'avons adoptée comme article 487.11.
Le Barreau canadien dit que nous devrions préciser ce qu'on entend par situation urgente. Cela ne nous semble pas nécessaire. Cela n'a pas été jugé nécessaire dans le projet de loi C-8 ni dans d'autres lois fédérales. Au fond, il s'agit, mais non explicitement, des cas où les délais nécessaires pour obtenir un mandat entraîneraient la perte ou la destruction de preuves ou des risques pour la sécurité de personnes. Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence et elle se trouve dans certaines lois.
Toutefois, étant donné la relation avec le Code criminel et les lois sur les drogues, nous estimons préférable de ne rien changer. La jurisprudence semble très claire, mais il reste possible de tenir compte d'une autre série de circonstances dans lesquelles la police aurait raison d'agir sans mandat.
Il est clair pour la plupart des juristes, qu'ils soient procureurs de la Couronne ou avocats de la défense, que l'article 8 de la Charte, qui protège le citoyen de toute perquisition déraisonnable, exige que la poursuite justifie toute perquisition effectuée sans mandat. Par conséquent, toute inquiétude que peut avoir la défense, craignant qu'il n'y ait là un élargissement des pouvoirs, est sans fondement, car, dans la plupart des cas, il y aura vérification après coup.
À propos d'une question semblable, l'Association du Barreau canadien, se reportant à des modifications apportées à l'article 489...
Le sénateur Beaudoin: Avant que vous ne passiez à l'article 489, je voudrais poser quelques questions sur l'article 488. Le Barreau dit que, si on saisit des objets qui ne sont pas mentionnés dans le premier mandat, il faut en obtenir un autre. Cela me semble raisonnable, mais vous avez une position différente. Vous dites que la personne qui exécute un mandat peut saisir, en plus des objets mentionnés, tout ce qu'elle croit, pour des motifs raisonnables, etc. Vous avez peut-être raison, mais je voudrais en savoir un peu plus long. Pourquoi adoptez-vous cette position?
M. Bobiasz: J'en arrivais là. Il ne s'agit pas des situations urgentes, mais du principe de la saisie des choses bien en vue.
La présidente: C'est la différence entre les recommandations nos 8 et 10 du Barreau.
Le sénateur Beaudoin: Vous avez raison.
La présidente: Nous pouvons donc passer au point suivant.
Le sénateur Jessiman: Mais il incombe au ministère public de prouver qu'il aurait pu obtenir un mandat.
M. Bobiasz: Exactement. On en revient aux situations d'urgence. Les conditions nécessaires à l'obtention d'un mandat existent, mais on invoque l'urgence parce qu'il est trop difficile de faire les démarches.
Le sénateur Jessiman: C'est à la Couronne de le prouver.
M. Bobiasz: Exactement.
Il faut bien comprendre que l'article 489 existe déjà et permet la saisie de certains objets dans le cadre de l'exécution d'un mandat. Deux prolongements de ce pouvoir sont proposés ici. L'un est assez minime et l'autre est un peu plus important.
Lorsque les autorités exécutent un mandat, elles peuvent saisir des objets non mentionnés dans le mandat s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'ils ont été acquis au moyen d'une infraction au code ou à une autre loi.
La présidente: Les sénateurs nous suivent-ils? Nous en sommes à la page 24, article 489.
M. Bobiasz: Encore une fois, il doit y avoir des motifs raisonnables de croire que les objets ont été utilisés pour commettre une infraction. Nous proposons d'ajouter les motifs raisonnables de croire qu'ils peuvent servir de preuve touchant la perpétration d'une infraction. On élargit simplement les catégories pour couvrir toutes les possibilités. C'est une autre modification qui a été jugée nécessaire à cause des dispositions du projet de loi C-8, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Le sénateur Beaudoin: Cet élargissement des pouvoirs a-t-il été confirmé par les tribunaux?
M. Bobiasz: Je crois que oui. Dans certaines causes, les tribunaux ont reconnu que, si on aborde la question sous l'angle du principe de la saisie des choses bien en vue, la police peut saisir ces objets lorsqu'elle exécute un mandat de perquisition et trouve des objets dont elle a des motifs raisonnables de croire qu'ils peuvent servir de preuve.
Le sénateur Beaudoin: Et s'ils ont tort?
M. Bobiasz: La perquisition serait jugée irrégulière et, si elle est contestée en vertu de la Charte, il est probable que les preuves seraient récusées dans des poursuites subséquentes.
Le sénateur Gigantès: Et tous les autres objets saisis pendant la perquisition?
M. Bobiasz: Je ne sais pas.
Le sénateur Gigantès: Est-ce que toute la perquisition se trouve invalidée?
M. Bobiasz: Si d'autres circonstances se matérialisent, il se peut que toute la perquisition devienne invalide si elle n'a pas été menée correctement.
Le sénateur Beaudoin: Vous prenez un risque calculé.
M. Bobiasz: Effectivement.
Le sénateur Beaudoin: C'est la vie.
Le sénateur Gigantès: Compte tenu de la faible intelligence de certains policiers, cela m'inquiète.
M. Bobiasz: Je ne voudrais pas me laisser entraîner dans une discussion sur l'intelligence relative de quiconque.
Le sénateur Gigantès: C'est une opinion personnelle.
M. Bobiasz: Je le souhaite.
Nous élargissons aussi l'application de l'article 489 dans les cas où la police remplit légalement des fonctions et, ce faisant, se trouve en présence du même type d'objet.
La présidente: Il s'agit de l'article qui permet de ne pas demander un deuxième mandat?
M. Bobiasz: Les policiers ne demandent pas un deuxième mandat, ou bien ils sont en train de faire autre chose qu'exécuter un mandat. Par exemple, ils peuvent avoir arrêté une voiture en vertu du Code de la route et ils voient dans le véhicule de la contrebande, des drogues, des armes, peu importe. S'il y a des motifs raisonnables et suffisants pour agir, ils peuvent saisir les objets s'ils se trouvent dans une des catégories énumérées. Ils n'auraient pas à quitter les lieux pour aller chercher un mandat, au risque que le conducteur prenne la fuite.
Le sénateur Kenny: Pourraient-ils ouvrir un camion?
M. Bobiasz: Non. Il s'agit d'un pouvoir de saisie et non de perquisition. La distinction est importante.
Le sénateur Milne: Les objets doivent être en pleine vue.
M. Bobiasz: C'est juste. Il existe une importante jurisprudence au Canada et aux États-Unis, des causes où des policiers ont remarqué par exemple un appareil stéréo, le retournent pour voir le numéro de série, le tapent sur leur ordinateur et constatent que l'appareil a été volé. Il a été décidé que c'était là une saisie illégale, parce que le numéro n'était pas en pleine vue. Une forme de perquisition avait été nécessaire. Cela a entraîné l'annulation de la procédure, de la même manière que si le mandat permettait de chercher une arme ou un fusil et si les policiers commençaient à chercher dans les tiroirs et voyaient en pleine vue un objet appartenant à ces catégories, la perquisition ne serait pas valide, puisque, lorsqu'on cherche un fusil, on n'a pas le droit de regarder dans les tiroirs.
Le sénateur Kenny: Pourquoi pas?
M. Bobiasz: Quand on exécute un mandat, il faut le faire raisonnablement. Si les objets ne peuvent se trouver que dans certains endroits, on doit s'en tenir à ces endroits.
Le sénateur Jessiman: Il n'est-il pas raisonnable de s'attendre à trouver un fusil dans un tiroir ordinaire.
M. Bobiasz: C'est juste. Dans certains arrêts aux États-Unis, on a dit que, si on cherche un éléphant, on ne peut pas regarder dans un placard.
Le sénateur Kenny: Je vous ai perdu lorsque vous avez parlé de la voiture arrêtée pour infraction au Code de la route et de l'appareil stéréo qui était en pleine vue. Vous avez dit qu'il y avait une difficulté si les policiers retournaient l'appareil.
M. Bobiasz: Si, pour déterminer si c'était un bien volé, le policier devait examiner l'appareil, il s'agirait d'une perquisition, et la doctrine de la saisie des choses en pleine vue autorise seulement la saisie des objets en évidence.
Le sénateur Jessiman: Vous devez savoir que c'est un bien volé, mais sans vérifier le numéro de série?
M. Bobiasz: Oui. Si vous arrêtez un camion, par exemple et y voyez 16 caisses de matériel stéréo ou de magnétoscopes, et si cela se passe au milieu de la nuit dans un quartier où il y a des magasins ou des entrepôts où on fait le commerce de ce matériel, eh bien toutes ces circonstances donnent des motifs raisonnables de croire qu'il s'agit de biens volés, et vous pouvez les saisir.
Toutefois, la doctrine de la saisie des objets en pleine vue permet les saisies, mais non les perquisitions. Si vous arrêtez une voiture pour infraction au code de la route, il n'y a aucune raison, à moins qu'autre chose ne survienne, que vous regardiez dans le coffre. Si vous le faites, il y a des chances que vous compromettiez toute la procédure, parce que cela dépasse la portée de ce qu'on doit normalement faire en arrêtant une voiture.
Une autre question importante, à propos des mandats, et dont je dois parler puisque l'ABC le fait, fait l'objet de la recommandation no 7, traitant de l'article 45 du projet de loi. Il est dit dans sa recommandation: «[...] que ces dispositions soient conformes aux garanties prévues par le projet de loi C-104.» L'article 45 du projet de loi permet à un juge de paix de délivrer un mandat pour obtenir des empreintes corporelles, par exemple des empreintes des pieds, des doigts, des mains et des dents.
Le sénateur Kenny: C'est tout?
M. Bobiasz: Non, mais je ne veux pas entrer là-dedans.
Le sénateur Jessiman: Ce peut être n'importe quelle partie du corps.
M. Bobiasz: Cette proposition découle d'une recommandation que le Nouveau-Brunswick a faite à la Conférence sur l'uniformisation des lois au Canada il y a plusieurs années. Nous ne le savions pas à l'époque, mais cette proposition était liée à une affaire qui s'était produite au Nouveau-Brunswick, le meurtre sordide d'une jeune personne.
Des preuves ont été recueillies de façon tout à fait irrégulière, d'après la Cour suprême, car la police a obligé le suspect à donner l'empreinte de ses dents, qui correspondait aux morsures observées sur la victime. Il y avait d'autres problèmes dans cette affaire et, il y a plusieurs mois, la Cour suprême du Canada a ordonné la tenue d'un nouveau procès, qui doit avoir lieu à l'automne. L'association s'intéresse à cette disposition, car elle souhaite une autorisation judiciaire pour le prélèvement d'empreintes dentaires à titre de preuve dans ce procès. Je signale ce fait simplement pour montrer qu'il ne faut pas se laisser induire en erreur sur la nature de ces changements, car certains sont passablement importants.
L'Association du Barreau canadien compare les empreintes prélevées en vertu de ce mandat aux dispositions adoptées il y a un an ou deux pour autoriser le prélèvement de substances permettant l'analyse génétique. Elle semble dire que les mêmes considérations s'appliqueraient.
Nous ne sommes pas de cet avis. Les atteintes à la vie privée qui sont en cause et le degré d'intrusion que comportent les mandats relatifs aux analyses génétiques sont bien plus considérables que ce n'est le cas pour les empreintes de parties du corps, allant des empreintes digitales aux empreintes dentaires. Par comparaison aux autres mandats, ce qui est proposé ici est tout à fait défendable.
Si on examine les dispositions que le ministère de la Justice a fait adopter ces dernières années, on constate que nous faisons des distinctions entre la gravité perçue et l'indiscrétion de la procédure. Lorsque nous estimons qu'il y a lieu d'imposer plus de contraintes et de tenir compte de considérations plus élevées, nous le faisons. C'est ainsi que nous avons agi dans le cas des analyses génétiques, pour le mandat général de l'article 47.01 et la surveillance électronique.
Par ailleurs, une procédure comme celle-ci est relativement indolore; nous estimons donc qu'il convient de permettre la délivrance de mandats à des conditions semblables à celles des mandats de perquisition.
Le sénateur Corbin: Je voudrais des éclaircissements à propos de la cause entendue au Nouveau-Brunswick. Avez-vous bien dit que l'article visait simplement à préciser des dispositions existantes ou s'agit-il de quelque chose d'entièrement nouveau?
M. Bobiasz: C'est une nouvelle disposition. On croyait que l'actuel article 47.01, qui autorise un juge de la cour provinciale ou un juge d'une instance supérieure à faire certaines choses pour lesquelles il n'existe aucune disposition et qui nécessitent un mandat, pouvait être utilisé, mais il comporte une contrainte quant au respect de l'intégrité corporelle.
Le sénateur Corbin: Avez-vous dit que cette affaire était toujours devant les tribunaux?
M. Bobiasz: Oui.
Le sénateur Corbin: Nous légiférons de façon rétroactive.
M. Bobiasz: Pas du tout. Les dispositions sur la procédure ne valent que pour l'avenir.
La présidente: Ces dispositions n'entrent pas en vigueur, et, comme le procès est déjà en cours, elles n'y changeront rien.
Le sénateur Corbin: Est-ce qu'elles ne s'appliqueront pas à ce procès?
M. Bobiasz: Oui.
Le sénateur Corbin: J'ai du mal à accepter cela. Chaque fois qu'on se heurte à un problème devant les tribunaux, on va voir le ministre de la Justice et on lui demande d'adopter des dispositions pour incriminer un prévenu.
Le sénateur Beaudoin: Comment pouvez-vous intervenir de cette manière?
Le sénateur Corbin: C'est l'impression que me donnent les observations du témoin. J'espère me tromper.
M. Bobiasz: Vous faites erreur en disant que chaque fois qu'il y a un problème, on peut aller demander une solution au ministre de la Justice. Vous avez tort, car toute loi peut être adoptée avec effet rétroactif, mais celle-ci ne s'appliquera qu'à l'avenir. C'est la même chose. Ainsi, l'une des conséquences de la loi sur les analyses génétiques adoptée il y a quelques années est qu'on a pu se prévaloir de ces nouvelles dispositions pour obtenir des mandats concernant des affaires qui peuvent remonter à six mois ou 20 ans en arrière, simplement parce qu'une disposition sur la procédure s'applique à partir de son adoption.
Le sénateur Beaudoin: À l'avenir seulement.
M. Bobiasz: Elle peut s'appliquer à un événement passé.
Le sénateur Pearson: Comme dans l'affaire Jessop ou Guy Paul Morin?
La présidente: Dites-vous que ces articles ont un effet rétroactif?
M. Bobiasz: Ils peuvent s'appliquer, dès qu'ils entrent en vigueur, à des événements passés.
Le sénateur Kenny: Vous dites que, si les autorités n'ont pris aucune mesure jusqu'à maintenant et découvrent quelque chose qui est arrivé par le passé, les dispositions peuvent s'appliquer, mais que, si des poursuites judiciaires sont déjà en cours, ce n'est pas le cas?
M. Bobiasz: Je n'ai pas dit cela.
Le sénateur Kenny: Je ne vous comprends pas non plus.
M. Bobiasz: Je dis seulement que si l'affaire est toujours devant les tribunaux, si la décision finale n'a pas été rendue...
Le sénateur Jessiman: À quelle étape, devant les tribunaux? Au niveau de l'appel, du procès en première instance?
Le sénateur Beaudoin: Donnez-nous un exemple.
Le sénateur Jessiman: Cela s'applique-t-il au cas du Nouveau-Brunswick?
M. Bobiasz: Les procureurs le croient.
Le sénateur Jessiman: Où en est cette cause, en ce moment?
Le sénateur Beaudoin: On attend le procès.
M. Bobiasz: Il y a eu un procès, mais il a été invalidé. On attend le début du procès.
La présidente: Il y a donc là une petite possibilité.
M. Bobiasz: Effectivement.
La présidente: Ces dispositions pourraient aussi servir dans le cas d'un crime pour lequel on n'a trouvé aucun suspect. Dans toutes les situations de cette nature, ces règles peuvent s'appliquer.
M. Bobiasz: Pour reprendre l'exemple des analyses génétiques, on pourrait revoir les dossiers de la police datant d'un certain nombre d'années et y vérifier des éléments de preuve. Si on peut identifier un suspect grâce à une procédure nouvelle, les données ainsi obtenues peuvent certainement être utilisées en preuve. C'est l'un des avantages des mandats autorisant les analyses génétiques.
La présidente: Dans l'affaire Guy Paul Morin, on ne pouvait pas se servir des analyses génétiques, puisqu'elles ne se faisaient pas à l'époque. Maintenant que nous avons ce moyen, nous pouvons l'utiliser.
Pour distinguer clairement ce qui est proposé ici et les preuves fondées sur les analyses génétiques, vous dites bien que, dans le cas des échantillons de sang pour analyse génétique ou d'échantillons de cheveux ou de salive pour la même fin, il faut invoquer les dispositions de la loi sur les analyses génétiques?
M. Bobiasz: C'est juste.
La présidente: Les dispositions dont nous discutons ici concernent les empreintes du pied, de la main ou des doigts. La procédure qui me préoccupe, parce qu'il y a intrusion, ce sont les empreintes des dents. Comment les obtenir sans intrusion?
M. Bobiasz: C'est pourquoi il faut, selon nous, demander une autorisation judiciaire.
La présidente: Je comprends.
Le sénateur Pearson: La distinction entre la loi sur les analyses génétiques et le projet que nous étudions a été utile. Mais je m'inquiète de l'application rétroactive. Dans l'affaire Morin, les nouvelles preuves ont permis de le libérer, pas de l'acquitter. C'est différent.
M. Bobiasz: Assurément. Que la loi sur les analyses génétiques ait existé ou non, on aurait pu l'utiliser à cette fin. Nous avons des règles qui permettent d'utiliser, pour aider une personne, des preuves recueillies après coup.
Le sénateur Pearson: Oui, elles existent déjà.
M. Bobiasz: Effectivement.
Le sénateur Gigantès: Dans les cas où une personne en aurait mordu une autre et laissé des traces, alors il faudrait avoir une empreinte des dents pour établir la preuve. C'est bien cela?
M. Bobiasz: Ce serait utile.
Le sénateur Gigantès: Elle prouverait que telle personne a fait la morsure, et cela corroborerait le témoignage de la personne qui a été mordue?
M. Bobiasz: Le lien serait établi entre le suspect et la victime.
La recommandation no 6 du mémoire de l'ABC se rapporte à une autre disposition sur les perquisitions et les saisies, l'article 41 du projet de loi, à la page 21.
Cette disposition propose des règles de procédures pour les perquisitions faites en vertu de l'article 487.01 relativement à un système informatique. Elle ne prévoit pas de perquisition dans un ordinateur, mais dit simplement que, lorsqu'un mandat est accordé relativement à un ordinateur ou à un système informatique, les nouvelles règles s'appliquent. Elles sont nécessaires parce que les ordinateurs, vu leur nature, donnent lieu à toutes sortes de problèmes.
Si je comprends bien le point de vue de l'association, elle craint que ce type de perquisition ne soit trop large et elle croit qu'il faudrait la circonscrire de quelque manière. Nous ne voyons pas comment. L'ampleur de la perquisition dépend du juge, qui doit considérer l'information pour accorder un mandat et délimiter la perquisition comme il se doit. C'est le juge qui donne ces garanties.
L'article 41 prévoit des garanties pour que les policiers puissent obtenir l'information pertinente dans un système informatique sans déranger indûment le propriétaire par une saisie de l'ordinateur. Il y a eu des cas où la police a estimé que le seul moyen d'exécuter correctement un mandat était de saisir l'ordinateur, de le débrancher et de l'emporter dans ses laboratoires pour l'examiner, provoquant parfois des ennuis à l'organisation propriétaire de l'appareil. Ces dispositions disent clairement que, aux yeux de la loi, il est possible de faire la recherche sur place, de chercher l'information qui fait l'objet du mandat et de faire des copies sans prendre tout l'ordinateur.
L'article ne permet pas au juge d'autoriser une perquisition allant au-delà de ce qui est permis par la portée du mandat. Loin d'être un pouvoir excessif, l'article vise au contraire à limiter la perquisition.
Le sénateur Pearson: Il est utile de faire appel à des exemples. C'est une affaire regrettable, mais je viens d'être mise au courant de cas de pornographie juvénile dans lesquels le mandat de perquisition a permis de saisir un ordinateur. Grâce aux nouvelles dispositions, vous pourriez aller chez quelqu'un et, s'il y a moyen d'imprimer les photos qui étaient destinées à la distribution, cela suffirait.
M. Bobiasz: Si les enquêteurs estiment que c'est tout ce qu'il leur faut, l'article permet de procéder de cette façon. Ils peuvent être d'avis qu'il faut plus. Au lieu d'imprimer les documents, ils peuvent se servir de logiciels spéciaux qui permettent d'examiner les fichiers effacés, par exemple, pour savoir si des photos pornographiques ont été effacées récemment.
Le sénateur Pearson: Combien de photos leur faut-il donc?
M. Bobiasz: Je ne suis pas enquêteur, mais l'article vise à rendre possible les perquisitions limitées comme celles dont vous venez de parler.
Le sénateur Pearson: Dans l'état actuel des choses, vous devez saisir l'ordinateur lui-même pour obtenir l'information, mais cet article permettra de faire la recherche sur place.
M. Bobiasz: On peut le faire sur place et aussi demander l'aide d'un opérateur. Si l'ordinateur en question est celui de mon bureau, par exemple, il se peut que j'aie des mots de passe ou d'autres dispositifs de protection qui compliquent l'accès à mes dossiers. L'un des changements proposés ici imposerait une obligation à l'opérateur, qui a toujours le contrôle des mots de passe du système, pour aider les autorités à consulter mes fichiers cachés.
Le sénateur Beaudoin: Je n'ai pas l'impression que les divergences entre vous et l'Association du Barreau canadien soient si grandes. Elle demande que, lorsque nous appliquons l'article 41, nous respections les obligations que la loi prévoit déjà. Pourquoi pas? Êtes-vous contre cela?
M. Bobiasz: Pas du tout. Au fond, nous devons dire dans chaque cas et à tous égards quelles sont toutes les autres exigences de la loi qui s'appliquent. Les procureurs et les avocats de la défense sont assez au courant des exigences de la loi pour savoir quand une perquisition reste conforme à la loi ou va trop loin.
Le sénateur Beaudoin: L'article 41 ne donne pas un pouvoir nouveau qui vous permettrait de vous soustraire à tous les principes généraux de la loi. Je ne saisis pas très bien ce que l'association veut dire. Ses énoncés restent très généraux. Comme les principes de la loi s'appliquent généralement, je ne vois pas de gros problèmes. Nous pourrons interroger l'association à ce sujet-là demain.
Le sénateur Corbin: Croyez-vous que les médecins s'opposeront fortement à cette disposition, vu le caractère confidentiel des relations entre médecin et patient? La question a été soulevée lorsque nous avons étudié la loi sur les conventions internationales concernant les drogues. Les médecins sont venus protester vigoureusement au comité. Y a-t-il un problème?
M. Bobiasz: Je ne pense pas que ce soit tant cet article qui pose un problème que la disposition existante qui autorise la perquisition chez le médecin. Cet article-ci n'autorise pas la perquisition. C'est l'article 487.01 qui le fait.
Les médecins peuvent trouver à redire contre un mandat de perquisition classique. Le mandat peut porter par exemple sur les dossiers sur papier. Cela peut faire problème pour eux, mais peut-être pas non plus. Cet article n'ajoute rien et ne retranche rien. Il ne confère pas de nouveaux pouvoirs de perquisition. Lorsqu'un juge accorde un mandat à bon droit, peu importe où il faut perquisitionner, eh bien s'il s'agit d'un ordinateur, ces nouvelles dispositions s'appliquent. Il peut y avoir des difficultés lorsqu'il s'agit de fouiller des dossiers médicaux, des dossiers bancaires ou des dossiers d'avocat. Il y a d'autres règles qui peuvent jouer.
Mme Kane va vous parler d'une question qui dérange beaucoup certains milieux médicaux, la perquisition dans des dossiers confidentiels de counselling. Mais il y a une série distincte de dispositions qui s'appliquent au traitement de l'information confidentielle ou protégée. Cet article-ci ne change rien à cet objet de préoccupation.
Le sénateur Jessiman: Cet article permet-il à la Couronne d'obliger la personne qui se trouve sur les lieux et possède l'ordinateur à utiliser l'appareil, ou bien est-ce que c'est celui qui perquisitionne qui doit l'utiliser? L'article dit: «utiliser ou faire utiliser tout ordinateur...» Cela veut-il dire que la Couronne peut demander au propriétaire de reproduire quelque chose ou de sortir certaines données de l'ordinateur, ou bien est-ce que la Couronne se présente avec ses propres techniciens?
M. Bobiasz: C'est d'habitude les deux. Ce peut être les deux. La disposition impose au responsable du système l'obligation de collaborer.
Le sénateur Jessiman: De donner sa permission. «Le responsable du lieu qui fait l'objet de la perquisition doit faire en sorte que la personne qui procède à celle-ci puisse procéder aux opérations...» L'article ne va pas aussi loin que je l'aurais cru, si les policiers veulent qu'une personne qui connaît bien l'ordinateur en question fasse ce qu'il faut pour en tirer l'information voulue. J'ignore si cet article va assez loin, mais il est possible que ce soit le cas. Comprenez-vous ce que je veux dire?
M. Bobiasz: Une disposition du code permet d'obtenir en même temps que le mandat une ordonnance d'assistance exigeant que des personnes aident la police ou la personne qui exécute le mandat.
Le sénateur Jessiman: Cet article ne va pas aussi loin. Il ne semble pas, en tout cas.
M. Bobiasz: Vous avez tout à fait raison.
Le sénateur Gigantès: Est-ce que vous demandez à la personne de s'incriminer elle-même?
M. Bobiasz: S'il s'agit du prévenu, cela peut être un problème, et il aurait probablement le droit de refuser sa collaboration.
Le sénateur Gigantès: S'il s'agit d'une personne liée au prévenu, il pourrait, pour le protéger, appuyer sur le mauvais bouton et faire planter l'ordinateur. Il serait fort peu judicieux de la part de celui qui exécute le mandat de laisser des personnes autres que ses propres experts toucher à l'ordinateur.
M. Bobiasz: Un enquêteur prudent tiendra peut-être compte de ce risque. J'ai même reçu un appel téléphonique, il y a plusieurs mois, d'un procureur de la Couronne qui aidait un policier à élaborer un plan d'enquête sur un réseau informatique. Il voulait savoir s'il était possible de demander à la compagnie de téléphone de couper les lignes téléphoniques du lieu où la perquisition devait avoir lieu, justement pour éviter le genre d'incident dont vous parlez.
La présidente: Nous avons vu les recommandations 1, 3, 6, 7, 10 et 12. Revenons en arrière pour examiner les questions que nous n'avons pas vues, en commençant par la recommandation no 2 de l'ABC, qui porte sur l'article 6.
M. Bobiasz: L'article 6 est une disposition sur la preuve qui a été proposée par la Fédération canadienne des municipalités au sujet de l'infraction relativement mineure de «désordre». Selon l'interprétation actuelle de la disposition, lorsqu'il y a désordre dans un lieu public, il faut que des témoins autres que le policier qui fait enquête prouvent l'infraction. La disposition permet de contourner une interprétation étroite selon laquelle un policier appelé pour faire enquête sur un désordre qui gêne le public ne fait pas partie lui-même du public. Elle permet simplement au policier de témoigner qu'il y a eu désordre dans un lieu public.
La présidente: Vous dites que, par le passé, si une personne était ivre et causait du désordre dans une petite municipalité et si la seule personne qui osait aller sur les lieux était un policier, il ne pouvait pas témoigner parce qu'il était considéré comme un policier et non comme une personne?
M. Bobiasz: Le policier n'était pas membre du public qui était dérangé par le désordre.
La présidente: Pourquoi le Barreau a-t-il des objections?
M. Bobiasz: Je l'ignore.
Le sénateur Jessiman: Il s'inquiète de l'interprétation des mots «flâner» et «gêne», alors qu'il peut s'agir de rencontres paisibles. L'interprétation est laissée aux policiers. Il peut simplement s'agir d'amis qui se rencontrent. L'association dit que les discussions et les manifestations politiques peuvent être visées par les pouvoirs d'arrestation élargis que peut conférer cette disposition.
M. Bobiasz: Si tel est le cas, elle s'oppose à l'infraction même plutôt qu'à l'objet de la disposition du projet de loi, qui permet simplement d'établir la preuve d'un certain élément de l'infraction en utilisant le témoignage d'un policier.
Le sénateur Beaudoin: Mais si la seule personne présente est un policier, l'association conclut que le public n'est pas présent. Le public n'est pas dérangé s'il n'y a pas de public. Je le comprends bien. Mais s'il y a un policier, est-ce qu'il ne fait pas indirectement partie du public lui aussi?
M. Bobiasz: La disposition permet d'éviter de convoquer des témoins choisis dans le public en autorisant l'agent de la paix à témoigner qu'il y a eu gêne. Elle ne permet pas de prouver qu'il y a eu gêne s'il n'y en a pas eu, mais seulement d'accepter en preuve le témoignage de l'agent de la paix. Des preuves contraires peuvent aussi être présentées. C'est une question juridique. L'infraction n'est pas modifiée et il n'est pas possible de porter des accusations pour désordre qui ne peuvent être portées maintenant. La disposition permet d'éviter à des membres du public le désagrément d'être convoqués comme témoins. Il se pourrait qu'il y ait davantage de condamnations, car il arrive souvent que des membres du public ne veuillent pas être mêlés aux poursuites.
La présidente: Rien n'empêche le prévenu d'appeler des témoins qui déclareront que les faits allégués par les policiers n'ont pas eu lieu.
Le sénateur Beaudoin: Je l'espère bien.
M. Bobiasz: La disposition actuelle prévoit déjà ce genre de preuve pour l'élément de désordre que doit comporter l'infraction. L'article proposé permet simplement au policier de témoigner de l'élément de gêne, s'il y a lieu. Mais il doit y avoir eu gêne.
Le sénateur Beaudoin: S'il y a gêne, quel est l'objet de l'article?
M. Bobiasz: Permettre à l'agent de la paix de témoigner qu'il y a eu gêne, au lieu de faire appel au témoignage d'autres personnes.
Le sénateur Beaudoin: C'est une question de preuve.
M. Bobiasz: Purement. En vérifiant le compte rendu demain, je suis sûr que je constaterai que je me suis mal exprimé au début en disant que l'article permet à un agent de la paix de gêner. Je songeais en fait à la cause du désordre, ce dont il ne s'agit pas ici.
La cinquième recommandation de l'Association du Barreau canadien porte sur un point auquel j'ai fait allusion tout à l'heure en disant que des modifications permettront à la police de procéder à de l'infiltration relativement à certaines infractions, surtout le blanchiment d'argent.
Les crimes économiques comportent nécessairement le recyclage de montants considérables qui sont d'origine illicite pour qu'ils semblent être d'origine licite; ce recyclage est visé par les infractions sur le blanchiment d'argent. La police a essayé de mettre sur pied des entreprises en les faisant passer pour un moyen de blanchir les produits de la criminalité. Lorsque cela a commencé, il y a plusieurs années, cela semblait tout à fait normal. La jurisprudence donne à penser que la police ne peut pas employer ce moyen parce que, selon le libellé actuel de la loi, la police commettrait des infractions et prétendrait commettre des infractions. Nous disons ici que, lorsque la police, pour accomplir son devoir, recycle des fonds d'origine illicite, elle ne commet pas, pour cette raison seulement, une infraction.
Si je comprends bien les observations de l'Association du Barreau canadien, elle craint la provocation policière, elle redoute que la police ne soit trop agressive et n'incite des personnes à commettre des infractions alors qu'elles ne seraient pas portées à le faire. Nous ne croyons pas que ces craintes soient justifiées, car les dispositions réprimant ce comportement sont bien développées et elles ont été appliquées avec succès dans des cas où les forces policières sont allées trop loin, directement ou en recourant à des informateurs, en incitant des personnes à commettre des crimes.
Dans ces circonstances, la seule chose que la police puisse faire, c'est donner à des personnes prédisposées à commettre une infraction l'occasion de la commettre effectivement.
La présidente: Dans ce cas-ci, le Barreau semble souhaiter des garanties raisonnables contre les abus et les infiltrations dans lesquelles la police n'a pas de responsabilité criminelle, et il veut une définition claire et étroite. Je regroupe en fait les quatrième et cinquième recommandations. Ce genre d'incident s'est déjà produit.
C'est le problème que nous avons lorsque nous n'avons pas tout le texte de la loi sous les yeux. Vers la fin de la modification de l'article 462.31, nous lisons: «... proviennent, en totalité ou en partie, directement ou indirectement». Mais le Code criminel parle ensuite de la perpétration au Canada d'un crime, d'une infraction, d'une infraction désignée en matière de drogue, d'un acte ou d'une omission, n'importe où au Canada, qui constituerait une entreprise criminelle, une infraction criminelle ou une infraction désignée en matière de drogue. Il ne s'agit certainement pas de supprimer les alinéas a) et b), n'est-ce pas?
M. Bobiasz: Non, pas du tout. Ce que nous pouvons répondre à l'Association du Barreau canadien, c'est que les dispositions existantes donnent des moyens de défense aux prévenus qui estiment avoir été injustement incités à commettre un crime.
La présidente: La neuvième recommandation porte sur la saisie d'objets qui sont bien en vue.
M. Bobiasz: Le sénateur Beaudoin a abordé ce point lorsque je parlais des situations urgentes et que j'ai utilisé l'image de l'éléphant qu'on ne doit pas chercher dans les placards.
La présidente: La onzième recommandation se rapporte au paragraphe 503(3).
M. Bobiasz: Cette disposition concerne les difficultés qui surgissent parfois lorsqu'une personne est arrêtée ou découverte loin des lieux du crime ou de l'infraction. Je ne veux pas parler de fuite, mais du cas où un crime a été commis dans une région de la province et où le suspect est appréhendé dans une autre région.
Ce n'est pas un problème dans beaucoup de provinces pour la bonne raison que, dans un grand nombre d'entre elles, le juge de paix a compétence dans tout le territoire. Lorsqu'un suspect est arrêté et cité devant le juge, ce dernier ordonne son renvoi au tribunal qui a compétence à l'endroit où l'infraction a été commise. Dans certaines provinces, l'autorité du juge de paix est limitée au district judiciaire de son ressort. Ces provinces doivent avoir le moyen de faire en sorte que le juge du ressort où le suspect a été appréhendé puisse le renvoyer aux autorités judiciaires de l'endroit où l'infraction a été commise.
L'obligation principale, dans le Code criminel, et il nous semble qu'elle suffit en cas d'arrestation, est de faire sorte que le prévenu comparaisse le plus rapidement possible, au plus tard dans les 24 heures. Il s'agit du district où l'arrestation a lieu. J'ai l'impression que l'Association du Barreau canadien voudrait que nous imposions un délai par la suite, ce qui ne nous semble pas être une bonne idée, pour la simple raison que nous n'avons aucun contrôle, et que, souvent, les policiers ou les tribunaux n'ont pas de contrôle non plus permettant aux fonctionnaires de respecter des délais.
La présidente: Il est sûr que ce n'est pas très pratique, s'il s'agit d'une réserve du Nord. Il n'y aurait pas nécessairement un vol.
M. Bobiasz: C'est exactement le genre de situation que j'avais en tête, et nous avons d'autres dispositions qui permettent d'intervenir. Nous voulons pouvoir faire certaines choses par téléphone ou vidéoconférence à cause de l'étendue du territoire canadien. Je comprends les préoccupations de l'Association, mais je ne pense pas qu'on devrait nous obliger à libérer un prévenu simplement parce qu'un vol est en retard ou a été annulé.
La présidente: Parlez-nous de la recommandation no 14.
M. Bobiasz: Il y a ici plusieurs dispositions qui portent sur des aspects mineurs des coûts dans les affaires pénales. J'ai fait allusion par exemple à la capacité qu'ont les avocats de demander à ce que leurs frais soient prélevés sur les biens saisis et confisqués. Je ne pense pas que l'Association soit préoccupée par cette disposition.
Les seules dispositions auxquelles elle doit faire allusion sont celles qui permettent au tribunal de désigner un avocat pour un prévenu relativement à certains problèmes, et les deux questions traitées dans le projet de loi se rapportent à la partie du Code criminel concernant les troubles mentaux.
Nous veillons simplement à ce qu'il y ait certaines règles pour établir le montant des frais et qui doit les assumer lorsque cette procédure est invoquée.
La présidente: Où cela se trouve-t-il?
M. Bobiasz: Je ne sais pas.
La présidente: Est-ce que c'est seulement une recommandation générale de l'association?
M. Bobiasz: Je suis désolé. Ma collègue, Mme Kane, me dit qu'il s'agit d'une disposition tout à fait différente, l'article 94 qui se trouve à la page 43.
Jusqu'à l'adoption de la Charte, les coûts n'étaient jamais une question d'importance dans les poursuites au pénal. À la différence des litiges au civil, les frais n'étaient pas adjugés à l'avocat gagnant ou perdant.
Sous le régime de la Charte, et de plus en plus au cours des cinq dernières années, certains juges ont sanctionné une conduite jugée fautive de la part de la police ou de la poursuite, en imputant les frais à la Couronne s'il était constaté qu'il y avait eu violation d'un droit prévu par la Charte. Il y a là un déséquilibre. C'est probablement une bonne chose, car la sanction la plus courante est que l'élément de preuve est exclu ou la poursuite suspendue, ce qui, à bien des égards, n'est pas socialement souhaitable.
Toutefois, cela impose une charge aux autorités qui intentent les poursuites. Jusque récemment, et probablement encore maintenant, elles n'ont pas les budgets pour payer les frais ou des dommages. Cette nouvelle disposition est conçue pour donner à la cour d'appel le pouvoir de revoir l'ordonnance sur les frais.
L'Association du Barreau canadien semble penser qu'il doit y avoir un code complet. Nous pensons que c'est prématuré.
La présidente: Ce n'est pas ce qu'elle dit. Elle veut que le jugement soit prononcé dans un contexte socialement équilibré.
M. Bobiasz: Je ne vois pas ce que cela veut dire.
La présidente: Nous allons devoir nous en remettre au juge, je suppose.
Le sénateur Milne: J'allais poser la même question. Quelle est votre objection à la recommandation de l'association? Elle semble demander l'établissement de paramètres, au lieu de laisser aux tribunaux le soin d'adopter leurs propres principes au gré des causes.
M. Bobiasz: Notre objection tient au fait que, en ce moment, nous n'avons aucun moyen d'établir des paramètres judicieux. Je ne pense pas que ce soit nécessairement l'avis du ministère, mais je ne suis pas sûr, s'agissant d'une sanction imposée par le tribunal pour violation de la Charte, qu'il soit acceptable que le gouvernement encadre ce type d'ordonnance. C'est une question que nous allons devoir étudier. L'une des recommandations nous a inspiré des préoccupations à cet égard, et je vais en parler dans un instant.
Il est difficile de trouver un juste équilibre entre le pouvoir que les tribunaux possèdent en vertu de la Charte et celui du Parlement, et de dire ce que peuvent faire chacun de leur côté le Parlement et l'ordre judiciaire. Ce n'était pas un problème considérable jusqu'à l'adoption de la Charte, mais la question devient de plus en plus délicate. Le projet de loi C-46, dont vous serez saisi bientôt, porte justement sur la question de savoir dans quelle mesure nous pouvons tenir compte des exigences de la Charte, interprétée par les tribunaux, et nous y adapter.
Si cela suffit, en ce qui concerne les frais, je vais passer à une autre disposition importante dans la liste de l'ABC. Il s'agit de la recommandation no 12:
[...] recommande de supprimer ou de définir plus clairement le troisième motif justifiant la détention provisoire figurant au paragraphe 515(10) du Code criminel.
C'est un changement dans les dispositions du Code criminel sur le cautionnement. Le paragraphe dit maintenant que la décision sur la mise en liberté provisoire ou la détention doit être prise en fonction du motif principal, d'un motif secondaire ou de tout autre motif qui est dans l'intérêt public. Les motifs principal et secondaire sont la sécurité du public et la garantie de la comparution au procès. Jusqu'à il y a quatre ans, il y avait un troisième motif qui était l'intérêt public, et les tribunaux conservaient une certaine latitude pour garder un prévenu en détention pour une raison autre que ces deux motifs.
Dans l'affaire Morales, les tribunaux ont estimé que le motif de l'intérêt public n'était pas acceptable, compte tenu de la Charte. Selon eux, la disposition existante, parce qu'elle autorisait la détention en des termes vagues et imprécis, permettait de refuser le cautionnement sans juste cause, ce qui contrevenait au paragraphe 11 e) de la Charte.
Pour donner suite aux démarches d'un certain nombre de provinces ou territoires, nous avons tenté de substituer à cette disposition le motif de l'intérêt public défini selon un ensemble plus précis de critères, de sorte que le juge puisse envisager la détention pour des motifs plus nets. Nous estimons que nous avons réussi et que les juges pourront prendre des décisions plus éclairées. Ce que nous proposons n'est ni trop vague ni trop imprécis. De toute évidence, l'Association du Barreau canadien ne partage pas notre avis.
La présidente: Enfin, la recommandation no 16. L'association recommande la suppression de l'article 95. Ses observations sont intéressantes. Elle dit que cet article semble laisser entendre que seul un juge de la cour d'appel peut prendre cette décision. La pratique en vigueur veut que, au moins dans certaines régions, la question soit laissée aux soins de la cour d'appel ou au tribunal de première instance. Estimez-vous que cet article comporte cette limitation?
M. Bobiasz: Je ne le crois pas. Selon nous, la situation qui existe actuellement dans les différentes régions en ce qui concerne le rôle des juges de la cour d'appel ou de la cour de première instance reste inchangée. Nous avons essayé de dire clairement, dans l'intérêt de l'accusé, que nous voulons que les critères qui s'appliquent à une personne arrêtée mais non jugée et qui a droit à la présomption d'innocence et de non-détention sont les mêmes lorsqu'elle a interjeté appel et qu'un nouveau procès a été ordonné.
La présidente: Dans le paragraphe 679(7) original, il n'est pas question de procès.
M. Bobiasz: Je ne crois pas que nous ayons modifié un seul mot concernant les responsabilités relatives de la cour d'appel ou de la cour de première instance.
La présidente: Merci.
Le sénateur Corbin: Le mémoire du Barreau est daté de novembre 1996, ce qui donne à penser qu'il a été présenté aux Communes.
M. Bobiasz: Il l'a été.
Le sénateur Corbin: Ai-je raison de croire qu'aucun amendement n'a été apporté au projet de loi à l'autre endroit?
M. Bobiasz: Le comité de la justice et des affaires juridiques de l'autre endroit a fait rapport du projet de loi sans propositions d'amendement. À l'étape du rapport, cependant, les députés ont donné le consentement unanime pour que soient présentés deux amendements qui auraient été normalement irrecevables parce qu'ils dépassaient la portée du projet de loi. Ces amendements se trouvent aux articles 107.1 et 139.1.
Le premier modifie une disposition d'adoption récente qui est entrée en vigueur en septembre avec le projet de loi C-41 sur la détermination de la peine. Depuis septembre, il y a eu une foule de décisions contradictoires quant aux critères que les juges de première instance doivent prendre en considération pour prononcer des sentences conditionnelles. Il s'agit d'un nouveau type de peine. Le juge peut, dans les circonstances appropriées, une fois qu'il a déterminé qu'une peine d'emprisonnement de moins de deux ans est justifiée, décider que la peine sera purgée dans la collectivité. C'est une disposition importante et elle est populaire, mais elle est interprétée différemment dans les diverses régions.
Cela a préoccupé le gouvernement parce que certains tribunaux ont décidé que le seul moment où les principes fondamentaux de la détermination de la peine doivent être pris en considération est celui où il faut décider si une peine de moins de deux ans est acceptable. Après, il suffit de se demander si la peine doit être purgée dans la communauté et si cela menacera la sécurité du public. Ce qui est ennuyeux, c'est que des personnes coupables d'infractions assez graves ont été condamnées à une peine conditionnelle; nous avons l'impression que le problème, à ce stade-ci, est que les juges n'accordaient pas une attention suffisante aux principes de base de la détermination de la peine.
L'article 107.1 a été ajouté après débat et se trouve à la page 47:
b) Lorsqu'une personne est déclarée coupable d'une infraction -- autre qu'une infraction pour laquelle une peine minimale d'emprisonnement est prévue -- et condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans, le tribunal peut, s'il est convaincu que le fait de purger la peine au sein de la collectivité ne met pas en danger la sécurité de celle-ci et est conforme à l'objectif et aux principes visés aux articles 718 à 718.2, ordonner au délinquant de purger sa peine dans la collectivité afin d'y surveiller le comportement de celui-ci, sous réserve de l'observation des conditions qui lui sont imposées en application de l'article 742.3.
C'est là une allusion aux principes de base de la détermination de la peine, qui doivent s'appliquer pour décider si l'emprisonnement est la peine qui s'impose et si la peine peut être purgée dans la collectivité.
Le sénateur Corbin: Cela concerne-t-il des infractions à caractère sexuel?
M. Bobiasz: Parfois, oui. Dans d'autres cas, il s'agit de violence ou d'infractions graves de fraude ou d'infractions contre des biens. L'application n'était pas uniforme, et le gouvernement a estimé que la solution consistait à apporter une modification.
L'autre modification est l'article 139.1 et elle concerne une autre mesure d'adoption récente, le projet de loi C-45.
La présidente: C'est à la page 66 du projet de loi.
M. Bobiasz: La modification proposée porte sur l'article 8 de la loi. Il s'agit de faire en sorte que les victimes puissent faire une déclaration aux audiences concernant le délai d'inadmissibilité à la libération conditionnelle.
Une disposition du projet de loi C-45 semblait limiter cette possibilité aux causes entendues après l'entrée en vigueur de la loi. Ce n'était pas l'intention du législateur. Il semblait inutile de ménager une période de transition, mais les premières interprétations paraissaient aller dans un autre sens. La Chambre a donc adopté cette modification à l'unanimité.
Le sénateur Corbin: Des dispositions ont donc été ajoutées au projet de loi.
M. Bobiasz: Pour en revenir à votre question, le comité de la justice et des affaires juridiques a étudié le mémoire de l'Association du Barreau canadien, le témoignage du Barreau du Québec et d'un autre témoin représentant le groupe ontarien qui examine le Code criminel en ce qui concerne les troubles mentaux. Il a fait rapport du projet de loi sans propositions d'amendement.
Le sénateur Corbin: Il n'a pas retenu les recommandations du Barreau?
M. Bobiasz: Non.
La présidente: Malheureusement, notre témoin est appelé à la Chambre.
Le sénateur Corbin: J'ai dénombré sept modifications à la version française. Ce sont des corrections ou des éclaircissements?
M. Bobiasz: Vous avez raison.
Le sénateur Corbin: Est-ce qu'elles découlent d'interprétations judiciaires ou bien est-ce simplement que, dans le cadre de l'examen normal que font les rédacteurs francophones, on a remarqué des failles dans la concordance?
M. Bobiasz: Un peu des deux. Les rédacteurs ont estimé qu'il y avait des écarts assez importants pour qu'on apporte des corrections, et des gouvernements ont aussi présenté des instances.
Le sénateur Corbin: Y a-t-il des corrections apportées au texte anglais du Code criminel?
M. Bobiasz: Je ne suis pas sûr que ce soit dans ce projet de loi. Soit dans ce projet, soit dans le C-42, nous avons fait l'inverse.
Le sénateur Corbin: Je reviens sans cesse à la charge. Je le fais depuis 28 ans. Je n'arrive toujours pas à comprendre que nous ne puissions pas avoir dès le départ un bon texte français correct.
M. Bobiasz: La politique du ministère, et elle me semble bonne, consiste à rédiger les lois indépendamment dans les deux langues. Autrefois, il n'y a pas si longtemps, l'une des versions était la traduction de l'autre. C'était probablement plus exact, et il y avait moins d'erreurs, mais cela n'était pas conforme à la politique officielle de bilinguisme et de biculturalisme. On a parfois parlé de «bijudicialisation». Je conviens avec vous que nous avons probablement entre les deux textes plus d'écarts qu'il ne faudrait, mais cela s'explique par la rédaction parallèle et indépendante.
La présidente: Merci. Madame Kane, nous vous reverrons pour discuter du projet de loi C-17 demain après-midi à la pièce 505 de l'édifice Victoria, à 16 heures. Si vous pouviez être là à ce moment-là, cela nous serait très utile.
La séance est levée.