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Sous-comité de l'éducation postsecondaire au Canada

 

Délibérations du sous-comité de l'enseignement postsecondaire
du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 3 - Témoignages du 26 novembre


OTTAWA, le mardi 26 novembre 1996

Le sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 19 h 30 pour continuer l'étude de l'interpellation sur l'enseignement postsecondaire au Canada.

Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous poursuivons ce soir notre étude sur l'enseignement postsecondaire. Nos premiers témoins représentent le Conseil national des étudiants diplômés. Bienvenue; veuillez vous présenter et faire votre exposé.

M. Steve Wilson, président, Conseil national des étudiants diplômés: Je suis en quatrième année de doctorat à la faculté des sciences de l'agriculture de l'Université de Colombie-Britannique.

Mme Stephannie Roy, secrétaire-trésorière, Conseil national des étudiants diplômés: Je suis en première année de doctorat en sociologie et éducation à l'Université de Toronto.

Mme Tracey Henry, représentante de l'exécutif national, Conseil national des étudiants diplômés: Je fais actuellement une maîtrise en biochimie à l'Université de Guelph.

M. Wilson: Comme les étudiants diplômés semblent parfois former un groupe mystérieux au Canada, j'ai pensé commencer par dire qui nous sommes et comment nous nous distinguons d'autres étudiants que vous voyez peut-être plus régulièrement.

Comme vous pouvez probablement vous en apercevoir, les étudiants diplômés sont habituellement un peu plus âgés, parce que nous passons deux à trois fois plus de temps à nos études postsecondaires que les étudiants prédiplômés. Étant plus âgés, nous sommes plus susceptibles d'avoir des responsabilités familiales et d'être financièrement indépendants de nos parents.

Ce que l'on oublie souvent, c'est que nous fréquentons l'université 12 mois par an. Il n'y a pas de congé ni d'emploi d'été pour les étudiants diplômés.

Beaucoup de questions touchant les étudiants pré-diplômés, comme celle de l'aide aux étudiants, touchent aussi les étudiants diplômés. Elles ont des répercussions beaucoup plus profondes sur les étudiants diplômés.

Par ailleurs, nous sommes plus mobiles que beaucoup d'autres étudiants. Nous sommes plus susceptibles d'aller dans une autre province et dans un autre pays pour nos études, car nous sommes habituellement liés de près à certaines personnes avec lesquelles nous voulons travailler dans certains domaines. C'est pour cette raison que nous sommes très sensibles au rôle fédéral en matière d'enseignement postsecondaire et très liés à l'engagement fédéral. C'est dans une perspective nationale que nous envisageons les genres de travaux que nous voulons accomplir.

Fait tout aussi unique au sujet des étudiants diplômés, c'est que nous ne sommes pas juste des étudiants; nous sommes aussi des enseignants et des chercheurs. Nos travaux de recherche sont des plus importants à nos yeux dans notre travail quotidien et bon nombre d'entre nous espèrent faire de la recherche en vue d'une éventuelle carrière après leurs études. J'aimerais ce soir m'attarder sur ce rôle de recherche.

Nous reconnaissons certainement le rôle de leadership du gouvernement fédéral qui s'est engagé à développer une culture de recherche et développement au Canada. Nous appuyons fortement la tradition en matière de recherche pure et appliquée et de développement, rendue possible grâce aux conseils subventionnaires fédéraux, c'est-à-dire le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Conseil de recherches médicales du Canada. Ils sont au coeur de l'engagement du gouvernement fédéral en matière de recherche et développement dans notre pays.

Nos conseils subventionnaires sont bien respectés dans le monde entier. Les étudiants diplômés se rendent souvent à des congrès dans d'autres pays. À de nombreuses reprises, on m'a posé des questions sur le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie qui appuie mon travail. Tous ceux à qui je parle connaissent l'existence de notre conseil subventionnaire et sont extrêmement satisfaits du genre de travail effectué grâce aux subventions du conseil.

Les Canadiens devraient tirer fierté des conseils subventionnaires; ils représentent un excellent investissement pour les Canadiens qui voient ainsi fructifier leurs impôts.

Plus de 96 p. 100 du budget annuel du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie va directement à des subventions et des bourses de recherche, ainsi qu'à des bourses pour les étudiants diplômés, ce qui se fait uniquement grâce à la participation de centaines d'universitaires de tout le pays qui prennent part aux activités annuelles du conseil. Ce processus, ainsi qu'une ingérence politique minimale, garantissent l'excellence dans le genre de recherches effectuées au Canada. Nous avons bien lieu d'être fiers.

Par contre, nous nous inquiétons des récentes compressions imposées aux conseils subventionnaires, par exemple le CRSNG et le CRSH, bien qu'ils n'aient pas été autant touchés que les autres éléments du portefeuille de l'industrie. Comme très peu de frais généraux sont prévus dans ces budgets, toute diminution, aussi légère soit-elle, a un effet immédiat sur les universitaires.

Ces 10 à 15 dernières années, toute nouvelle ressource financière disponible a été directement affectée à des programmes particuliers plutôt qu'aux budgets de fonctionnement de ces conseils subventionnaires. Nous en comprenons l'esprit et appuyons bon nombre de ceux qui poursuivent d'importants objectifs sociaux. Je peux citer comme excellent exemple le National Network for Environments and Women qui examine le lien entre l'environnement, au sens large, et la santé des femmes. C'est un réseau national de chercheurs qui, sous le signe de la collaboration, s'efforcent de régler une question sociale commune.

Nous nous inquiétons de certains autres partenariats que le gouvernement encourage, soit par le financement de programmes imposés, soit par l'effet indirect des compressions imposées à l'enseignement postsecondaire. Nous nous inquiétons autant de l'impact sur les étudiants diplômés que de l'impact sur la collectivité dans son ensemble.

Nous croyons qu'il faut encourager la collaboration avec des partenaires privés dans le domaine de la recherche, lorsque les résultats de la recherche servent l'intérêt du public et lorsqu'ils sont largement accessibles à ce dernier.

À titre d'exemple de ce genre de recherche, je peux citer la subvention stratégique du CRSNG qui examine les effets des pratiques de l'industrie forestière sur la faune à l'intérieur de la Colombie-Britannique. De toute évidence, ce genre de recherche intéresse beaucoup le public et les résultats en seront accessibles à nous tous. Nous sommes très heureux de ces genres d'efforts en matière de recherche.

Les partenariats qui nous inquiètent toutefois sont ceux qui se traduisent par des contrats et qui donnent au secteur privé un contrôle partiel ou complet des résultats de la recherche. En effet, les étudiants diplômés sont particulièrement touchés, lorsqu'un organisme privé de financement contrôle la recherche ainsi que, dans une certaine mesure, la publication des résultats.

Nous croyons que la capacité de formuler ses propres questions de recherche et d'effectuer la recherche est l'un des htmects les plus importants de la formation des jeunes. Il est essentiel de pouvoir concevoir un programme indépendant de recherche.

Le fait que dans le cadre de contrats privés, les résultats de la recherche soient publiés avec un certain retard, peut également causer du tort aux étudiants diplômés, parce qu'ils ne peuvent pas communiquer leurs résultats de manière opportune à leurs confrères universitaires. L'indépendance de l'influence industrielle et politique est certainement la pierre angulaire de nos universités. Nous devons veiller à ce que la prochaine génération de chercheurs soit prête à poursuivre cette tradition.

Bien sûr, tout cela se rattache à une question plus vaste, certains secteurs de notre société manifestant de l'impatience à l'égard des efforts du Canada en matière de R et D. Des résultats de recherche à court terme, immédiats et mesurables sont de plus en plus exigés. Il est impératif que le gouvernement fédéral, en plus du milieu universitaire -- car nous avons certainement une responsabilité à cet égard également -- joue un rôle de leadership et résiste à ce changement d'orientation en matière de recherche, changement qui met l'accent sur la recherche à court terme, axée sur les résultats, au détriment de la recherche à long terme. Bien évidemment, les grandes économies mondiales comprennent la valeur de la recherche pure, fondamentale et à long terme. Il est certainement essentiel que le Canada fasse de même, s'il veut se trouver parmi les chefs de file du monde dans le domaine du développement social et économique.

Ceci étant dit, nous avons plusieurs suggestions à faire. Tout d'abord, nous croyons qu'il faut établir des critères pour régir la participation du secteur privé aux activités de recherche de nos établissements publics. Ces critères ne doivent pas compromettre la liberté intellectuelle des chercheurs et doivent respecter l'autonomie institutionnelle, qui sont évidemment d'importantes pierres angulaires de nos universités.

Les étudiants diplômés sont prêts à aider le gouvernement fédéral à rehausser son image d'investisseur dans la recherche et le développement. Nous pouvons faire plusieurs choses dans cette veine et aussi faire comprendre à la société canadienne l'importance cruciale de la recherche.

Nous appuyons fortement le programme d'action soumis conjointement par l'Association des universités et collèges du Canada, l'Association canadienne des professeurs d'université et le Consortium national des sociétés scientifiques et pédagogiques, qui prônent un regain d'investissement fédéral dans la structure canadienne de la recherche. Nous sommes tout particulièrement intéressés par la création d'ateliers communautaires de recherche qui sont un moyen novateur de rapprochement entre la recherche et nos collectivités.

Enfin, il faudrait s'opposer à toute autre réduction des budgets de fonctionnement des conseils subventionnaires fédéraux et à toute tentative d'affectation de leurs fonds à d'autres initiatives.

Nous nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup. Je suis heureux de vous avoir invités à ce débat sur l'enseignement supérieur au Canada, car vous êtes bien placés pour savoir l'orientation qu'il faudrait prendre.

Votre conseil a-t-il des données sur les niveaux d'emplois des étudiants diplômés en sciences humaines et sociales, par opposition aux étudiants diplômés en génie et en sciences?

M. Wilson: Nous avons quelques données comparatives, par discipline. Par exemple, nous savons que les étudiants diplômés qui ont bénéficié de subventions fédérales dans le domaine des sciences connaissent très peu de chômage. En général, nous n'avons pas de données sur les genres d'emplois qu'ils ont trouvés. Nous ne savons pas s'ils se trouvent dans leur domaine de prédilection, mais nous savons que les taux de chômage sont très bas.

Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie a fait des enquêtes parmi ses anciens boursiers, mais nous n'avons pas de telles données pour les sciences sociales. Je ne crois pas qu'une enquête ait été faite.

Le président: Étant donné que les universités canadiennes n'embauchent pas de professeurs, où la plupart des titulaires de doctorat en sciences humaines trouvent-ils de l'emploi? Y a-t-il suffisamment d'emplois pour eux?

Mme Roy: Il n'y a pas suffisamment d'emplois pour les diplômés en sciences humaines et sociales. De toute évidence, ils trouvent du travail, car ils doivent vivre. Cela se reflète dans les chiffres d'emplois, mais cache le fait qu'ils ne travaillent pas toujours dans leur domaine.

Chose certaine cependant, ils partagent leurs connaissances dans les domaines où ils se trouvent. Il est très difficile pour les étudiants des sciences sociales et humaines de trouver un emploi, à cause de l'accent généralement mis sur la technologie. Certainement, les étudiants diplômés travaillent dans de nombreux domaines, surtout dans l'éducation et certaines des disciplines plus appliquées. Quant à la recherche pure, certains ont des postes de chargés de cours à temps partiel dans les universités, mais leur rémunération est très peu élevée. Beaucoup espèrent obtenir un emploi à l'université à l'avenir et font tout pour ce faire, même s'ils occupent d'autres postes.

Le président: Une des critiques formulées à l'endroit des étudiants diplômés en sciences humaines qui enseignent dans les universités, c'est qu'ils ne savent pas comment enseigner. N'ont-ils jamais eu une formation d'enseignant? Ils peuvent être érudits, mais ne savent pas comment transmettre leur savoir. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

Mme Roy: En fait, certaines universités se sont efforcées de donner une formation d'enseignant aux étudiants en doctorat, contrairement à d'autres. Dans mon cas personnel, à l'Université de Toronto, il est possible de suivre des cours d'enseignement en option. Toutefois, il y en a de moins en moins, ou alors ils coûtent très cher. Malheureusement, l'université s'écarte de cette orientation.

Le Conseil national des étudiants diplômés s'inquiète également de ce que nos études supérieures ne comprennent pas cet htmect de formation d'enseignant. Nous avons essayé de faire ajouter cet élément à nos études supérieures. Les universités ont quelque peu négligé de le faire. Ma situation est différente, puisque je suis à la faculté d'éducation. Ces cours sont toutefois de moins en moins offerts, souvent à cause des restrictions budgétaires.

Le président: Êtes-vous enseignante?

Mme Roy: J'ai déjà enseigné. Je commence mon doctorat. Je ne suis pas encore prête à enseigner, mais j'ai été assistante à l'enseignement à Lakehead University. Ces aptitudes s'acquièrent. Je vais suivre le cours offert à l'Université de Toronto afin de poursuivre ma formation à cet égard.

Le président: Vous n'avez toutefois pas suivi de formation d'enseignant en tant que telle?

Mme Roy: Non. La formation universitaire est différente de la formation d'enseignant. Le fait d'être en salle de classe, ce qui est mon cas maintenant, nous en donne une certaine idée.

La formation d'enseignant est quelque peu différente à ce niveau et elle s'acquiert progressivement. Mes professeurs me servent également de mentors, ce qui me donne l'occasion d'améliorer mes aptitudes à l'enseignement. C'est ce qui s'est également produit au cours de mes études de maîtrise.

Le président: Pensez-vous que tous les enseignants que vous avez eus étaient bons? C'était peut-être des personnes agréables et sympathiques. C'était peut-être aussi des personnes intelligentes qui savaient ce qu'elles faisaient, mais savaient-elles enseigner?

Mme Roy: J'ai eu d'excellents professeurs. C'est en partie la raison pour laquelle je fais un doctorat. On m'a encouragée à exceller à l'université. On m'a incitée à continuer mes études et certains de mes enseignants insistent là-dessus. Je ne peux pas dire qu'ils étaient tous merveilleux -- en fait, certains n'ont pas été très bons -- mais, dans l'ensemble, j'ai eu d'excellents professeurs au cours de mes études supérieures et j'en ai profité.

Je pense avoir beaucoup appris en tant que chercheur et étudiante grâce aux possibilités qui m'ont été offertes ainsi qu'aux professeurs et aux universitaires avec lesquels j'ai pu travailler.

Le président: Vous avez acquis beaucoup de connaissances et d'expérience à l'université, mais pouvez-vous dire que vous avez eu de bons enseignants à l'école primaire?

Mme Roy: Oui.

Le président: Lorsque l'on reçoit le traitement d'un titulaire de doctorat, on devrait être capable d'enseigner. Si les professeurs n'ont pas de méthode, de moyens de motivation ou d'autres outils pour encourager leurs étudiants à apprendre, c'est du ghtmillage. Vous pouvez être un grand scientifique, un grand spécialiste en sciences humaines et un grand philosophe, mais si vous ne pouvez pas transmettre ce savoir à un étudiant de manière qu'il se souvienne de l'information que vous lui donnez, vous n'êtes pas un bon enseignant.

J'ai passé près de cinq ans à l'université avant de savoir comment me souvenir de l'information transmise. J'ai dû l'apprendre tout seul. Parfois, je pense qu'il faudrait enseigner aux étudiants comment apprendre et comment se souvenir de l'information transmise. Allez-vous apprendre à le faire au cours de votre formation d'enseignant?

Mme Roy: Cela fait partie de la formation. J'ai déjà entendu dire qu'on apprend si l'on nous a insufflé le goût d'apprendre, et ce goût d'apprendre se communique en salle de classe. J'ai l'intention de devenir enseignante par l'entremise de la recherche, en apprenant comment faire de la recherche et comment transmettre ce savoir aux autres, tout en jouant un rôle actif dans le milieu universitaire.

Ce que vous dites est important. Il est parfois arrivé que je ne réussisse pas parce que certains professeurs n'enseignaient pas bien. J'en ai aussi tiré une leçon. Devenir professeur, c'est un apprentissage.

Il s'agit là d'un seul htmect. Je dois me doter des outils qui me permettront d'acquérir les connaissances à transmettre à ces étudiants. Je ne voudrais pas me contenter de lire l'information et de la régurgiter à mes étudiants. Je dois pouvoir acquérir de nouvelles habiletés, m'ouvrir de nouvelles perspectives et me montrer critique. Je dois constamment réévaluer tout ce que je fais pour bâtir ce goût d'apprendre.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur Wilson, j'aimerais que nous revenions à vos préoccupations en ce qui a trait à la recherche et au secteur privé. Vous pourriez peut-être préciser votre pensée à cet égard.

Pour vous, les conseils subventionnaires laissent une certaine liberté, sont de l'évaluation pure et, dans l'ensemble, le processus est fructueux. Je conviens avec vous que les compressions ne sont pas la décision la plus indiquée. Même si elles ont été moindres dans ce domaine que dans d'autres, il va sans dire qu'il faudrait augmenter les fonds si nous nous soucions le moindrement de notre avenir. Vous voudrez peut-être préciser votre pensée à cet égard.

Vous trouvez que la recherche liée au secteur privé est assortie de beaucoup trop de conditions. Selon le Conseil national des étudiants diplômés, cette recherche passe-t-elle surtout par les conseils subventionnaires ou est-elle contrôlée indépendamment par les universités, les facultés ou que sais-je encore? Autrement dit, à quel niveau accepte-t-on ce genre de recherche assortie de conditions? Avez-vous des suggestions à faire quant à la façon d'améliorer les choses, étant donné que cela semble être le secteur de croissance d'une économie en décroissance?

M. Wilson: Il y a là deux htmects. L'argent est accepté du secteur privé et fait l'objet d'un examen au niveau des universités par rapport à leurs propres politiques et par l'entremise de bureaux de liaison industrielle comme on en trouve de plus en plus sur les campus des universités canadiennes. Comme les universités sont à court, elles se sentent bien sûr contraintes d'accepter cet argent. C'est un problème en soi. Où fixer la limite en ce qui a trait à la participation du secteur privé? Il n'y a pas pour ainsi dire pas d'uniformité dans les universités.

Industrie Canada, par exemple, avec ses conseils subventionnaires, tente d'utiliser les dollars consacrés aux subventions fédérales pour augmenter le montant d'argent consacré par le secteur privé à la recherche. Même si cela a des htmects positifs -- de toute évidence, plus d'argent et plus de formation pour les étudiants --, il arrive souvent que l'argent provenant du secteur privé soit assorti de conditions. Bien sûr, cela doit passer par les politiques des universités portant sur la participation du secteur privé.

Ces programmes créent des pressions.

Le sénateur Andreychuk: Je m'intéresse à l'htmect de l'indépendance de la recherche. Dites-vous que les conditions sont imposées à l'égard de l'objet de la recherche et de la façon dont elle peut-être publiée?

M. Wilson: C'est surtout dans l'établissement des paramètres de ce qui peut faire l'objet d'une recherche. Souvent, cela contraint l'étudiant à produire dans un but orienté plutôt qu'à créer de la connaissance. C'est le principal problème qui se pose aux étudiants diplômés. Certains d'entre eux estiment qu'ils abattent beaucoup de travail. Cependant, ils ne parviennent pas à mesurer leurs progrès en tant que chercheurs indépendants étant donné toutes les choses sur lesquelles ils n'exercent aucun contrôle. Il n'en va pas ainsi dans toutes les disciplines. C'est à coup sûr beaucoup plus commun dans le domaine biomédical, par exemple. Dans nombre de disciplines plus techniques, plus orientées vers les laboratoires, cette pression existe. De toute évidence, il n'en va pas de même dans certaines sciences sociales.

Il y a aussi la pression qu'exerce un retard dans la publication, qui est souvent temporaire. Cependant, pour un étudiant diplômé dont la carrière est très courte, même de petits retards peuvent avoir un impact.

Le sénateur Andreychuk: Je croyais que la plupart des universités disposaient de lignes directrices sur l'impartialité de la recherche. Autrement dit, la mesure dans laquelle on vous laisse libres de poursuivre la recherche une fois que vous en connaissez l'objet. Vous nous dites que ce n'est pas là que réside le problème, mais plutôt à la première étape, au moment de la négociation du contrat, alors que vos possibilités de recherches sont limitées.

M. Wilson: C'est exact. De plus, certaines des politiques excluent précisément la recherche contractuelle. Les universités disent alors qu'elles ont bel et bien une politique en ce qui a trait à l'impartialité de la recherche, mais qu'elles se réservent le droit de négocier des contrats de manière à utiliser les ressources de l'université, un droit qui l'emporte sur cette politique.

Le sénateur Andreychuk: En va-t-il de même partout?

M. Wilson: Non. L'autonomie dont jouissent les établissements fait en sorte qu'il y a autant de politiques que d'universités.

Le sénateur Forest: Heureusement que j'ai eu affaire aux universités alors qu'il y avait de l'argent. Je me suis depuis inquiétée du fait que nous avions peut-être perdu une génération de chercheurs, surtout en sciences sociales de même qu'en lettres et en sciences humaines. Je prétends qu'aucune université ne devient grande tant qu'elle ne prête pas autant attention à cet htmect de l'éducation que le font les écoles professionnelles.

Au fur et à mesure que les dollars se raréfiaient, nous savions qu'on laissait émettre les contrats au secteur privé, ce qui a eu pour effet d'empiéter sur l'autonomie de l'université et la liberté des chercheurs. Qui paie les violons choisit la musique, bien sûr. Croyez-vous qu'on en soit venu au point où c'est un important facteur négatif?

Ma deuxième question est plus précise. Elle porte sur les ateliers communautaires de recherche. Pouvez-vous me dire ce que vous entendez par là?

Mme Henry: En ce qui a trait à votre première question, cela devient manifestement un grave problème. Je suis en biochimie. Il y a un fort pourcentage de chercheurs dans notre département qui ont modifié dans une certaine mesure leur programme de recherche. De toute évidence, ils ne changent pas complètement de discipline, mais leur programme de recherche a bel et bien été modifié.

L'un des principaux changements, c'est que les objectifs sont désormais à beaucoup plus court terme, les contrats n'étant alors que d'un an ou deux. Sans perspectives à long terme, le programme de recherche peut devenir quelque peu décentralisé.

Cela devient sans aucun doute un problème. La plupart des chercheurs de mon département se tournent vers des contrats du secteur privé étant donné les compressions imposées aux budgets du CRSNG et du CRM.

L'un des principaux objets de préoccupation, c'est que la recherche qui n'a pas une application directe, commerciale ou collective, évidente ne sera pas financée. La recherche qui comporte ces avantages évidents sera manifestement financée par l'entremise du secteur privé et obtiendra peut-être des crédits supplémentaires par l'entremise du secteur public grâce à ces programmes de jumelage des fonds. Cependant, ces programmes de jumelage des fonds publics-privés monopolisent des sommes provenant de deniers publics qui sont directement consacrés à une recherche plus fondamentale. C'est là un problème important, mais nous n'en connaîtrons probablement pas les répercussions avant 10 ou 15 ans.

M. Wilson: L'atelier communautaire de recherche est une idée qui a été lancée, je crois, aux Pays-Bas. Il s'agit pour ainsi dire de rapprocher un tant soit peu la tour d'ivoire de la communauté à laquelle elle appartient et qu'elle dessert. L'idée consiste à pouvoir utiliser l'expertise de l'université pour trouver des solutions à certains des problèmes qui se posent avec lesquels la communauté est aux prises.

Nous avons une école de géonémie à l'Université de la Colombie-Britannique. De toute évidence, étant donné ce qui se passe dans la vallée du bas Fraser depuis dix ans, toutes les occasions sont bonnes pour recourir à cette expertise lorsqu'il s'agit de résoudre les problèmes immédiats de la communauté. Il s'agit d'un moyen extraordinaire de créer des liens et de laisser la collectivité en comprendre la valeur, sans compter les débouchés qu'il permet d'ouvrir à nos diplômés. Ils créent ainsi des liens qui peuvent mener à des emplois ou ouvrir des débouchés pour le travail indépendant.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Vous avez mentionné la recherche faite au niveau de la communauté, du secteur privé ou de l'industrie comme l'a mentionné le sénateur Andreychuk. J'aimerais revenir, monsieur Wilson, à la question des études internationales.

Est-ce que vos recherches ont pour but d'étudier les débouchés possibles au niveau international ou à l'étranger ou sont-elles faites pour bien préparer les Canadiens et les Canadiennes à ces débouchés au niveau international?

Est-ce que vos recherches démontrent que les Canadiens et les Canadiennes de nos universités canadiennes sont bien préparés pour les débouchés au niveau international ou à l'étranger?

[Traduction]

Mme Roy: Me demandez-vous si nous avons été formés pour établir des liens internationaux et être les leaders d'une collectivité?

Le sénateur Losier-Cool: Je vous demande si vous disposez de données indiquant que les étudiants canadiens sont bien préparés pour le marché international. Sont-ils bien préparés?

[Français]

Est-ce qu'ils sont bien cotés? Sont-ils capables d'aller travailler?

[Traduction]

Mme Roy: J'ai assisté récemment à une conférence sur l'internationalisation qu'avait organisée l'Association des universités et collèges du Canada. Certains des participants ont fait valoir qu'il est important d'avoir une association étudiante centrée sur le marché international et que les diplômés ne doivent pas y contribuer. On a considéré que les universités sont là pour trouver des moyens d'y parvenir.

Les étudiants eux-mêmes disaient que les occasions d'apprendre une autre langue, d'étudier à l'étranger ou d'établir des liens internationaux sont encore limitées. Cela est en partie dû à la lenteur avec laquelle les universités cherchent ces programmes et établissent des liens et des partenariats avec des universités d'autres pays. Cette conférence cherchait à mettre au point des stratégies pour amorcer ce processus qui donnerait aux étudiants une perspective plus globale.

En ce qui concerne les diplômés, je crois que leur champ est beaucoup plus international. Ils ne se contentent pas d'observer ce que font les Canadiens mais la communauté dans son ensemble et ce qui s'offre à eux. J'ai parlé de ma recherche à des personnes en Angleterre et aux États-Unis. Nous sommes des gens qui assistons à des conférences qui sont souvent d'envergure internationale. Nous parlons de nos débouchés et de notre recherche.

Les diplômés sont bien placés pour agir de la sorte. Cependant, je crois que l'on pourrait faire un petit quelque chose pour élargir notre expérience internationale. Comme certaines de ces choses coûtent cher, les étudiants ont besoin d'un bon appui.

Nous sommes dans une bonne position. Les universités se sont bien sûr engagées à améliorer la situation. Nous sommes dans la bonne voie.

Le sénateur Losier-Cool: Votre conseil représente-t-il des étudiants de toutes les provinces du Canada?

M. Wilson: Nous représentons des diplômés de toutes les provinces, à l'exception de l'Alberta et du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Lavoie-Roux: Plusieurs conseils représentent les lettres et les sciences humaines, les sciences naturelles et la recherche médicale. Croyez-vous que chacun d'entre eux obtient sa quote-part de financement?

Les gens qui travaillent dans le secteur des lettres et des sciences humaines s'estiment les parents pauvres. Que pensez-vous de la distribution des subventions? S'il y avait davantage d'argent, comment devrait-on le répartir à votre avis? Devrait-on accorder plus d'attention à un secteur au détriment de l'autre? Les lettres et les sciences humaines ont la vie dure.

Mme Roy: En ce qui concerne les crédits versés aux diplômés par les conseils subventionnaires, les sciences sociales de même que les lettres et les sciences humaines sont les parents pauvres. Les étudiants inscrits à la maîtrise n'ont droit à aucun financement. Les étudiants au niveau du doctorat obtiennent de l'argent à un rythme plus lent et certains n'en reçoivent pas du tout. Il va sans dire que, par chercheur, nous n'obtenons autant que les étudiants en sciences.

Cela dit, il ne faut pas tant d'argent que cela pour effectuer de la recherche en sciences sociales, en lettres et en sciences humaines. Je parle des bourses de recherche qui sont versées aux étudiants pour leur apprentissage. Il en coûte de toute évidence moins cher pour faire de la recherche. Il va sans dire que la recherche scientifique peut exiger des montants très élevés, ce dont il faut tenir compte lors de l'attribution des subventions.

Il y a moins de chercheurs et, à coup sûr moins de diplômés, qui obtiennent des subventions en sciences sociales de même qu'en lettres et sciences humaines.

Le sénateur Lavoie-Roux: Nous avons parlé de liens avec le secteur privé. Il me semble qu'il y a beaucoup moins de chance que les lettres et les sciences humaines soient parrainées par Bell Canada, par exemple. En règle générale, est-ce que ces études ou ces recherches privées en lettres et sciences humaines sont financées par le secteur privé?

Mme Roy: Il y a bel et bien du financement. Certaines personnes qui font des recherches sur les autochtones touchent de l'argent, même si cela peut se faire indirectement par l'entremise du gouvernement.

Dans certains cas, des sociétés veulent connaître l'impact qu'aura certains produits qu'elles sont à mettre au point. Ils se tourneront vers des chercheurs dans ces domaines. Je sais que Kraft a confié à un anthropologue la tâche de déterminer pourquoi les Canadiens sont si friands de dîners Kraft.

Il y a beaucoup d'entreprises du secteur privé qui ne mènent pas des recherches aussi poussées. Elles vont confier des contrats à d'autres pour qu'ils fassent le travail à leur place. Mais cela ne se produit pas tellement souvent. J'effectue des recherches sur les nouvelles technologies de reproduction. Les entreprises pharmaceutiques me paient pour que je sonde le public afin de connaître son opinion sur la question ou que j'analyse les répercussions de ces technologies sur la société.

Souvent, la recherche porte sur le court terme. Comme bon nombre des produits dont il est question ici comportent des effets à long terme et que les recherches demandent beaucoup de temps, les entreprises ne sont pas prêtes à investir dans ce genre de travaux. Souvent, c'est parce que les résultats des études vont porter un jugement très sévère sur ce qu'elles font. Les entreprises veulent des résultats rapides et des produits qui sont commercialisables.

Le sénateur Lavoie-Roux: Devrions-nous recommander au gouvernement d'assurer une meilleure répartition des subventions dans chaque domaine? Nous sommes tous d'accord pour dire que la recherche scientifique et médicale est essentielle, mais je crois que nous perdons beaucoup en n'accordant pas autant d'importance aux sciences humaines.

Mme Henry: Nous devrions sans aucun doute continuer de financer la recherche. Les iniquités sont tellement évidentes. Cela contribuerait sans aucun doute à accroître le financement accordé à la recherche.

Il est très difficile de décider quelles subventions devraient être réduites ou éliminées. Le fait est que nous pouvons, avec un certain montant d'argent, financer un plus grand nombre de subventions du CRSH que du CRSNG. J'aimerais qu'on accorde plus de fonds aux sciences sociales que ce n'est le cas actuellement.

Le sénateur Roux: Êtes-vous du même avis?

Mme Roy: Oui.

Le sénateur DeWare: Le problème au Canada, c'est qu'une grande partie de nos travaux de recherche sont menés dans le secret. Nous avons beaucoup entendu parler du bras spatial canadien et nous en sommes tous très fiers, mais nous serions également fiers de nos autres réalisations si nous en savions plus à leur sujet. Lorsqu'on fait publiquement état du succès de ces réalisations, l'argent semble toujours être plus facilement accessible.

Le Canada a mis au point un type de ciment qui est très expansif. On s'en sert maintenant aux États-Unis pour réparer des barrages. On est en train aussi de développer un nouveau projet d'autoroute au moyen de fibres, qui sont plus solides que l'acier. Ils sont en train d'en construire une à Hamilton. Des capteurs seront branchés à un ordinateur, ce qui nous permettra de déceler les problèmes. C'est là que réside l'avenir de notre pays.

Comme la tendance est à l'ouverture des marchés mondiaux, est-ce que nous sommes en train de former nos jeunes pour l'avenir? Les gens s'intéressent à l'environnement et à la santé mondiale. Est-ce que les universités sont en train de modifier leurs programmes de recherche pour les adapter aux réalités de demain?

M. Wilson: Oui, je le pense. Mon superviseur ne cesse de répéter que ce qu'il trouve de plus intéressant dans son travail, c'est que, chaque année, il voit arriver dans son bureau un grand nombre d'étudiants très brillants qui ont toujours des idées très originales à proposer.

Souvent, les étudiants ont des idées très avancées dans certains domaines. Les programmes de deuxième cycle visent en partie à encourager le développement de ces idées, parce que ce sont elles qui nous guideront vers l'avenir. Les jeunes ont beaucoup d'idées intéressantes au sujet de l'avenir de ce pays, et nous les encourageons à les développer par l'entremise des programmes de deuxième cycle. Nous n'aurons aucun mal à relever le défi.

Le sénateur Perrault: Monsieur le président, l'année 1997 sera celle du Pacifique. Je suis originaire de la Colombie-Britannique. Des représentants de tous les pays du Pacifique se rendront à Vancouver cette année et assisteront à de nombreuses conférences, y compris celle de l'APEC.

Est-ce que le Canada déploie suffisamment d'efforts pour développer les compétences linguistiques de nos étudiants en vue de la prochaine décennie? Il y a cinq ans, je me suis rendu à Bangkok, dans le cadre d'une mission commerciale. Un agent de commerce m'a dit que des gens d'affaires de Winnipeg, Vancouver, Montréal et Toronto arrivaient dans le pays avec l'idée de conclure une entente en deux jours. Ils repartaient habituellement bredouilles. Ils ne connaissaient rien de l'histoire ou de la langue de la Thaïlande et de la Malaisie, de sorte qu'ils ont développé des idées négatives au sujet de ces pays. Or, cette région est considérée comme étant la plus dynamique au monde sur le plan économique. Le PNB a augmenté de façon remarquable.

Nos étudiants devraient acquérir des compétences linguistiques. En fait, des cours de langues asiatiques sont donnés au collègue Capilano, en Colombie-Britannique. L'Université Simon Fraser effectue également du bon travail dans ce domaine. Des jeunes de toutes les provinces au Canada suivent des cours au collège Capilano et travaillent ensemble pour apprendre ces langues étrangères, dont certaines sont très répandues. Grâce à la collaboration du secteur privé, ces étudiants sont envoyés dans la région du Pacifique et ils aident à développer de nouveaux marchés, de nouveaux échanges, de nouveaux emplois et de nouveaux projets pour l'industrie canadienne. C'est une façon très efficace d'utiliser les talents de nos jeunes étudiants. Il devrait y avoir plus de gens qui suivent des cours de langue.

Est-ce que le Canada fait assez dans ce domaine? Je crois comprendre que certains établissements d'enseignement au Canada offrent aujourd'hui moins de cours de langue qu'il y a dix ans. Avez-vous des chiffres là-dessus? La connaissance des langues offre d'immenses débouchés. Je crois que nous sommes toujours le principal pays exportateur au monde, par habitant. Nous devons nous atteler à la tâche et développer les marchés qui existent.

Un autre agent de commerce m'a dit que le Japon a décidé, il y a 15 ou 20 ans, d'inclure la Malaisie dans sa sphère économique. Il a choisi des jeunes extrêmement intelligents, et leur a enseigné les langues, les coutumes et les habitudes de la péninsule malaysienne. Ces entrepreneurs sont maintenant en place. Une invasion économique est en train de se produire. Ils savent exactement comment déployer leurs forces. Leurs jeunes connaissent très bien les langues, les habitudes et les usages de cette région.

Est-ce que le Canada déploie suffisamment d'efforts dans ce domaine? Ne doit-on pas développer cette compétence pour que les jeunes puissent obtenir des emplois?

Mme Henry: Je crois qu'il est important de développer les compétences linguistiques. Nous avons vu ce soir à quel point il est important de connaître plusieurs langues. Toutefois, je n'aime pas tellement la suggestion voulant que nos programmes de formation sont essentiellement axés sur l'acquisition de compétences qui nous permettront d'aller nous installer dans ces pays et tirer partie de leur situation économique.

Le sénateur Perrault: Je n'ai pas dit cela.

Mme Henry: De nombreux facteurs doivent être pris en considération.

Le sénateur Perrault: Il y a un volet culturel à cet échange.

Mme Henry: Le volet culturel est excellent mais, en même temps, lorsqu'on met l'accent sur l'htmect économique, il y a beaucoup d'autres facteurs que je voudrais prendre en considération avant d'encourager la mise sur pied d'un programme qui vise à permettre aux étudiants d'acquérir des compétences et d'aller dans ces pays afin de les exploiter.

Le sénateur Perrault: Je vous suggère de visiter le collège Capilano. Ces étudiants ne sont pas formés dans le but de servir le capitalisme. Ce sont des étudiants brillants et intelligents qui veulent vendre l'expertise canadienne à l'étranger.

Mme Roy: Le secteur privé a lui aussi un rôle à jouer, et il tire également partie des compétences linguistiques des étudiants. Je trouve inquiétant qu'on demande aux universités d'être tout à la fois. Cette responsabilité leur incombe en partie, mais les collèges communautaires et l'industrie ont aussi un rôle à jouer. Lors de la conférence sur la mondialisation, les étudiants ont fait valoir qu'ils aimeraient posséder ces compétences linguistiques, mais qu'ils veulent d'abord un emploi. S'ils apprennent le chinois et qu'ils obtiennent ensuite un emploi au Japon, cela ne leur donne pas grand-chose.

Le sénateur Perrault: Tout est coordonné. Je pense que vous auriez intérêt à rencontrer ces jeunes. Ils pourraient vous dire à quel point le programme fonctionne bien.

Mme Roy: Les employeurs exigent ces compétences. Malheureusement, les universités ne veulent pas financer ces programmes. Nous devons voir ce que peut faire le secteur privé au chapitre de la formation. Les entreprises ont des intérêts dans ces domaines. Elles peuvent donc mettre sur pied des programmes d'échange où les étudiants non seulement apprennent la langue, mais également la culture de ces pays. Cela contribuerait à renforcer leur position.

Le sénateur Perrault: Le secteur privé participe activement au programme du collège Capilano. C'est lui qui le finance. Ces jeunes sont d'une grande utilité aux entreprises du secteur privé parce qu'ils sont en mesure de les aider à développer des marchés.

Mme Roy: Ce rôle est très différent de celui que jouent les universités dans le domaine de la formation professionnelle. Je crois que le collège est un excellent lieu d'apprentissage.

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce que vous effectuez des études en vue d'obtenir votre doctorat?

Mme Roy: Oui.

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce que l'université exige que vous possédiez au moins trois langues?

Mme Roy: Non. Elle n'a aucune exigence linguistique.

Le sénateur Lavoie-Roux: Au Québec, pour obtenir votre doctorat, vous devez habituellement connaître trois langues.

Mme Roy: Les choses ont changé. Plus j'avance, plus je suis déterminée à réapprendre le français.

Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant des représentants de l'Alliance canadienne des associations étudiantes.

[Français]

M. Irving Gold, chargé de recherche supérieur, Alliance canadienne des associations étudiantes: Honorables sénateurs, je m'appelle Irving Gold et je suis le chargé de recherche supérieur à l'Alliance canadienne des associations étudiantes.

Les étudiants de l'Alliance canadienne des associations d'étudiants désirent remercier les membres du Sénat du Canada qui ont appuyé une étude sur l'enseignement postsecondaire et qui y participeront.

Selon nous, la discussion, le débat, la consultation et la coopération seront les piliers permettant de trouver des solutions aux nombreux défis qu'ont à relever nos universités. Nous désirons reconnaître aussi l'engagement particulier du sénateur Bonnel qui, en qualité de parrain de cette étude, a offert une tribune des plus nécessaires pour la discussion de l'éducation au Canada.

[Traduction]

Matthew Hough, directeur national, Alliance canadienne des associations étudiantes: Les étudiants que nous représentons désirent remercier les sénateurs qui ont appuyé une étude sur l'enseignement postsecondaire et qui y participeront. Selon nous, la discussion, le débat, la consultation et la coopération seront les piliers permettant de trouver des solutions aux nombreux défis qu'ont à relever nos universités.

Nous désirons souligner l'engagement particulier du sénateur Bonnell qui, en qualité de parrain de cette étude, a offert une tribune des plus nécessaires pour la discussion de l'éducation au Canada. Merci.

L'Alliance canadienne des associations d'étudiants est un organisme qui représente 163 000 étudiants membres de 13 associations d'étudiants de huit provinces.

Nous représentons les étudiants au niveau fédéral et interprovincial; nous fournissons une tribune pour le débat public sur les questions touchant l'enseignement postsecondaire; et nous travaillons à la réalisation des niveaux de qualité et d'accessibilité les plus élevés dans tout le système d'enseignement postsecondaire canadien. Nous sommes indubitablement un organisme animé par le consensus à la base.

[Français]

M. Gold: L'Alliance canadienne est un organisme dont les objectifs sont les suivants: représenter les étudiants au niveau fédéral et interprovincial sur les questions associées à l'enseignement postsecondaire; offrir une tribune pour le débat public sur les questions touchant l'enseignement postsecondaire au Canada; et, travailler à la réalisation des degrés de qualité et d'accessibilité les plus élevés dans tout le système d'enseignement postsecondaire canadien.

[Traduction]

M. Hough: L'ACAE est un nouvel organisme qui n'a qu'un an et demi d'existence. Le conseil reconnaît que les problèmes qu'affrontent les étudiants et le système d'enseignement postsecondaire sont complexes. Ils s'inscrivent dans le système de la démographie, des politiques et de l'économie du Canada.

Notre mandat n'est pas simplement de nous plaindre, mais d'aider les organismes législatifs de tout le pays à élaborer des stratégies d'orientation qui ont du sens, qui porteront le Canada à l'avant-plan de la communauté technique et intellectuelle.

Notre exposé englobe toute une gamme de questions et met l'accent sur les problèmes importants auxquels sont confrontés les étudiants aujourd'hui. Nous ne vous bombarderons pas de statistiques, étant donné que je suis sûr que vous les avez déjà.

Sur le sujet de l'importance que revêt l'enseignement postsecondaire pour le Canada, Frederick Harbison a dit:

Les ressources humaines constituent la base ultime de la richesse des pays. Les ressources financières et naturelles sont des facteurs de production passifs; les êtres humains sont les agents actifs qui accumulent le capital, exploitent les ressources naturelles, développent les organisations sociales, économiques et politiques, et assurent la croissance du pays.

Le gouvernement fédéral, et tous les paliers de gouvernement d'ailleurs, ont clairement défini les objectifs importants auxquels ils travaillent... réduction de la dette, création de la richesse et création d'emplois, entre autres.

Afin de réaliser ces objectifs, le pays a besoin d'une main-d'oeuvre très compétente, productive et souple. La création de la richesse ne peut plus dépendre des ressources naturelles ou d'un investissement dans l'infrastructure traditionnelle. Dans l'avenir, nous devons compter sur les compétences et sur l'ingéniosité de notre main-d'oeuvre pour ajouter une valeur aux secteurs traditionnels et nouveaux de l'activité économique. L'enseignement postsecondaire est un investissement qui est d'une importance fondamentale pour le bien-être économique à long terme du pays.

Une population bien formée est une condition préalable à la croissance économique et au développement social. L'éducation donne aux Canadiens les connaissances, les compétences, les attitudes et les expériences qui leur permettent de façonner leur avenir.

Elle produit les penseurs indépendants et critiques qui sont nécessaires pour établir le changement de notre société et elle produit la main d'oeuvre souple et responsable nécessaire pour s'adapter à ces besoins en évolution. L'éducation débouche directement sur la recherche et sur le changement technologique, et elle rehausse la capacité de la population de miser sur ces changements. L'éducation encourage la démocratie en créant une population instruite et bien informée, elle réduit les taux de criminalité et diminue la dépendance des programmes de santé et de bien-être social. L'éducation permet aux Canadiens de se connaître, d'interagir et de vivre ensemble dans la paix.

[Français]

M. Gold: On prévoit que près de 45 p. 100 des nouveaux emplois créés d'ici l'an 2000 nécessiteront des travailleurs ayant plus de 16 ans de scolarité.

En 1994, le taux de chômage des diplômés universitaires était de 4,7 p. 100 alors que le taux moyen canadien était de 9,3 p. 100.

Le diplômé universitaire moyen au Canada a payé 10,155 $ d'impôt en 1993. Pendant la même période, le diplômé moyen de l'enseignement secondaire a payé 4275 $.

[Traduction]

Dans une étude non officielle, on a constaté que les universités où il se fait beaucoup de recherches au Canada fournissent environ 2,6 fois leurs subventions de fonctionnement gouvernemental à l'économie de la province grâce aux dépenses directes et indirectes, aux transactions des étudiants, du personnel et des visiteurs, ainsi qu'aux retombées des recherches.

M. Hough: Avant de passer à la partie que j'ai intitulée «L'éducation pour un pays», j'aimerais attirer votre attention sur la note de la diapositive: donner une vision nationale à l'éducation. Cela sera la prochaine partie de notre exposé. Le dernier point se rapporte à la promotion de l'éducation par l'entremise de campagnes de publicité.

Une question a été posée plus tôt au sujet de la promotion du travail des universités. Au cours des trois prochains mois, l'Alliance canadienne des associations d'étudiants lancera une promotion de l'enseignement postsecondaire à l'échelle nationale. Nous avons toutes sortes d'idées et de titres percutants pour transmettre nos messages à la population dans son ensemble. Restez à l'écoute.

Afin de s'assurer que le Canada sera capable de répondre aux besoins en matière d'éducation pour le prochain millénaire, on doit reconnaître et relever rapidement certains défis. Nous avons déterminé quatre principaux champs de préoccupation pour les étudiants de tout le Canada. Le premier est l'endettement des étudiants. Comme l'ont noté de nombreuses personnes dans les discussions sur l'éducation, l'accessibilité est liée directement à la capacité de payer. Les frais de scolarité ont augmenté radicalement dans presque tous les établissements du Canada et se sont accompagnés d'augmentation des frais supplémentaires et d'autres dépenses, comme les livres et les ordinateurs. Les étudiants devraient pouvoir fréquenter l'université de leur choix, n'importe où au pays, d'après leur mérite scolaire uniquement et non leur capacité de payer.

Les prêts aux étudiants sont la principale source d'aide financière qui s'offre à eux, tellement qu'on a prédit que cette année, l'endettement moyen combiné des étudiants s'établit à 17 000 $ et continuera d'augmenter jusqu'à 25 000 $ d'ici 1998.

L'effet que ces augmentations de l'endettement auront sur l'accessibilité reste à déterminer. Dans une comparaison récente avec l'endettement aux États-Unis, en 1993, la dette nette moyenne des diplômés universitaires canadiens était de 13 000 $ contre 11 000 $ pour les Américains. Tout cela est bien sûr en dollars canadiens. Les étudiants canadiens sont nettement défavorisés par le système actuel d'aide aux étudiants.

[Français]

M. Gold: L'ACAE recommande à tous les gouvernements que les prêts aux étudiants soient traités comme un moyen d'accroître l'accessibilité; que l'effet d'un endettement élevé sur l'accessibilité soit étudié avant d'accroître la dépendance de l'aide; que les programmes de prêts aux étudiants obtiennent le financement de programmes de bourses afin de limiter l'endettement de ceux qui ont besoin d'une aide supplémentaire; que le remboursement des prêts aux étudiants soit rendu plus souple et moins coûteux en réduisant les taux d'intérêt et en offrant des allégements fiscaux pour l'intérêt versé sur les prêts aux étudiants.

[Traduction]

M. Hough: Nous aimerions maintenant aborder la question de la mobilité des étudiants. La mobilité des étudiants, tant scolaire que financière, est de première importance pour le système et pour le Canada. Les difficultés qu'affrontent les étudiants qui veulent fréquenter un établissement d'une autre province vont à l'encontre du principe d'égalité et de mobilité défini dans notre Charte des droits et libertés.

[Français]

M. Gold: Les restrictions financières proposées par le gouvernement du Québec aussi récemment que la semaine dernière ont mis en lumière le problème. À ce jour, les obstacles à la mobilité des étudiants sont les suivants: la retenue des prêts provinciaux pour les étudiants qui veulent étudier hors de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de la Saskatchewan, la proposition du gouvernement québécois de limiter les prêts aux étudiants uniquement à ceux et celles qui choisissent d'étudier au Québec ou qui choisissent d'étudier en français et non en anglais à l'extérieur de la province, et la proposition de la ministre de l'Éducation du Québec, Pauline Marois, d'augmenter les frais de scolarité de tous les étudiants de l'extérieur de la province mais de geler les frais de scolarité pour les résidents québécois.

[Traduction]

M. Hough: L'ACAE recommande, grâce à la coopération entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, que l'engagement pris par chacune des provinces envers les principes de la Loi canadienne sur les prêts aux étudiants soient réaffirmés, et que toutes les provinces qui ne respectent pas les principes de la Charte des droits et libertés voient leurs transferts pour les prêts retenus.

Le prochain point traite des programmes de travail. Afin de s'assurer que les étudiants acquièrent une expérience adéquate dans leur discipline et aient accès à d'autres fonds pour financer leurs études, des initiatives travail-études devraient être entreprises. Les programmes reliant les prêts aux étudiants au travail sur le campus, au travail communautaire ou au travail dans le secteur privé sont tous des programmes qui pourraient être mis en oeuvre à grande échelle. L'ACAE recommande, grâce à la coopération entre les gouvernements, les établissements, le secteur privé et celui des organismes de bienfaisance, que des programmes de travail soient établis pour contribuer à l'éducation et au financement des étudiants.

[Français]

Gold: Finalement, en ce qui concerne la qualité de l'éducation, en raison des réductions budgétaires frappant les établissements d'enseignement du pays, des questions se posent quant au degré de qualité dans les établissements de tout le pays. Les étudiants sont les premiers à voir l'accroissement des classes, la réduction du nombre de professeurs permanents et le manque de technologie des plus nécessaires.

En fait, on a constaté qu'en conséquence du rythme des coupures budgétaires au cours des cinq dernières années, de nombreuses universités du Canada ont de graves problèmes d'entretien différés. Cela touche immédiatement le niveau de recherche entreprise et la qualité du personnel enseignant des établissements.

On recommande, grâce à la coopération entre les intéressés en éducation: que des fonds soient affectés aux besoins des universités de tout le pays.

[Traduction]

M. Hough: En conclusion, tous les problèmes qu'affronte le système d'enseignement postsecondaire au Canada sont des problèmes d'une importance nationale vitale et devraient être abordés comme tels. La tribune idéale pour discuter des problèmes nationaux est le gouvernement fédéral ou un organisme décisionnaire dans lequel tous les gouvernements sont représentés. Les gouvernements provinciaux devraient administrer les établissements d'enseignement postsecondaire dans le cadre d'un système, et non sous la forme d'une série d'unités éducatives individuelles. Tout en maintenant l'autonomie universitaire des établissements, la considération primordiale d'un gouvernement doit être la nécessité de créer un système qui est complet, rentable et accessible.

Chaque établissement doit jouer un rôle dans la réalisation de cet objectif à la grandeur du système. Les gouvernements provinciaux auront la responsabilité de s'assurer que chaque établissement coopère avec les autres établissements pour réaliser des objectifs communs en éducation.

[Français]

M. Gold: Reconnaissant que tous les Canadiens tirent des avantages de l'enseignement postsecondaire, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont la responsabilité de financer l'enseignement postsecondaire et de rendre compte de ce financement. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux doivent établir leur vision, leur mission et leur mandat pour l'enseignement postsecondaire. À l'avenir, le changement peut et devrait se réaliser dans le cadre de principes fondamentaux en matière d'éducation qui guident les décisions budgétaires et non dans l'autre sens.

[Traduction]

M. Hough: L'Alliance canadienne des associations d'étudiants espère que des mesures seront prises dans un proche avenir pour guider l'éducation au Canada. En ce moment, nous avons 10 systèmes d'éducation en danger. Un système qui en est un de qualité et qui est abordable et accessible à tous les étudiants devrait être l'objectif de tous les intervenants du système d'enseignement postsecondaire. Il se peut que les provinces aient compétence en matière d'éducation, mais le pays a besoin d'une vision.

Le président: Je conviens avez vous que la mobilité des étudiants d'une province à l'autre pose un problème. Quelle est d'après vous la cause qui a empêché les étudiants de fréquenter l'université ou le collège de leur choix? Auparavant, les étudiants pouvaient aller d'une province à l'autre, mais cela semble maintenant être moins possible.

M. Hough: Le point essentiel de notre exposé porte sur la mobilité financière des étudiants. Le nombre d'étudiants qui étudient dans une autre province est passé de 14 p. 100 il y a 10 ans, à 8 p. 100 aujourd'hui, ce qui représente une diminution importante. En même temps, le coût de l'éducation est monté en flèche.

M. Gold: Nous avons appris les changements que propose le gouvernement du Québec en matière d'aide financière lorsque la nouvelle est arrivée à l'Alliance canadienne des associations étudiantes et à l'Université d'Ottawa. Une étudiante nous a téléphoné après avoir entendu dire qu'elle risquait de perdre ses prêts si elle voulait étudier en dehors de la province du Québec. Elle a appelé notre bureau pour voir si nous pouvions examiner la question pour elle.

J'ai téléphoné à l'Université McGill et à divers autres endroits. J'ai découvert tout à fait par hasard que le gouvernement du Québec avait rédigé un document sur les changements proposés, à savoir que les étudiants ne pouvaient pas étudier en dehors de la province s'ils étaient étudiants québécois et s'ils prévoyaient étudier une discipline offerte dans la province du Québec. Ce document avait été rédigé et présenté à de nombreux membres du gouvernement et des diverses collectivités. Personne n'en savait rien. Je l'ai découvert par hasard. Cela nous a inquiétés et nous avons tenu une conférence de presse peu de temps après.

Tels sont les genres d'obstacles à la mobilité qui nous inquiètent profondément.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Sur cette question du financement ou de l'annonce de la ministre Marois, on sait que les frais des universités du Québec sont les plus bas du Canada. C'est dommage qu'il soit question de ce principe, c'est-à-dire de faire une sélection des élèves étrangers.

Je pense que si le gouvernement du Québec avait dit: «On augmente tous les frais de scolarité», il me semble que j'aurais été plus à l'aise avec ce principe, venant de l'extérieur.

Je veux savoir, afin de bien me situer par rapport à votre organisme, si vous avez déjà eu des plaintes concernant le programme canadien de prêts aux étudiants.

Est-ce que ces plaintes sont au niveau national ou si elles restent au niveau de la province? Si c'est le programme canadien des prêts, est-ce qu'il relève de votre organisme?

M. Gold: Est-ce que nos plaintes sont...

Le sénateur Losier-Cool: Si quelqu'un porte plainte concernant son prêt et que cela touche le programme canadien.

M. Gold: Cette étudiante que je viens de mentionner était une étudiante québécoise qui recevait des prêts provinciaux du Québec.

Le sénateur Losier-Cool: Disons que la plainte n'était pas reliée au Québec?

M. Gold: Oui, c'est exact. Ce n'était pas une plainte, elle voulait un renseignement tout simplement. Elle ne savait pas ce qui se passait, alors elle m'a appelé. C'est moi qui ai commencé à faire des recherches. En fait, c'est nous qui avons commencé à porter plainte.

Le sénateur Losier-Cool: Est-ce qu'une plainte relative au programme canadien des prêts aux étudiants, au niveau national, va se rendre à votre organisme?

M. Gold: Oui.

Le sénateur Losier-Cool: Oui? Ce n'est pas la province, ce n'est pas l'Association provinciale des huit associations que vous regroupez?

[Traduction]

M. Hough: La situation qui est apparue au Québec au deuxième semestre de l'an passé visait les étudiants qui souhaitaient étudier en dehors de la province de Québec. C'est la raison pour laquelle, à l'Université d'Ottawa, nous nous sommes associés avec l'association pour révéler la question au grand jour. Les étudiants qui faisaient déjà des études en dehors du Québec ont été indignés d'apprendre qu'ils risquaient apparemment de ne plus avoir accès à leurs prêts du Québec l'année suivante pour poursuivre leurs études.

D'autres étudiants nous ont contactés par l'entremise de nos membres à l'Université McGill. Ce sont des étudiants qui pourraient souhaiter faire leurs études à l'extérieur de la province à l'avenir et qui n'auraient pas accès aux prêts. Une fois révélée au grand jour, cette question a vivement intéressé les étudiants que nous représentons.

M. Gold: En plus, notre première réaction...

[Français]

La première chose que l'on a faite quand on a entendu cela, on a appelé le gouvernement du Canada. On leur a demandé ceci: «Si on a des élèves qui veulent étudier en Colombie-Britannique et que le gouvernement du Québec ne veut pas leur donner de l'argent, est-ce que vous seriez prêts à financer ces étudiants, à prêter de l'argent?» Nous n'avons pas reçu de réponse affirmative.

[Traduction]

Le président: Par suite aux réponses que vous avez données, est-il vrai qu'un étudiant dans la province du Québec qui souhaite suivre un cours de sciences à l'Université de Colombie-Britannique, ne peut pas obtenir un prêt d'étudiant du Programme canadien dont s'occupe la province du Québec? Cette province a-t-elle un accord distinct avec le gouvernement du Canada selon lequel l'étudiant ne peut pas avoir accès à ce prêt d'étudiant du gouvernement du Canada?

M. Gold: Oui.

Le président: Est-il stipulé que l'étudiant doit étudier en français et donc uniquement à Ottawa ou au Nouveau-Brunswick?

M. Gold: C'est en quelque sorte le cas. Si l'étudiant voulait fréquenter une université en Colombie-Britannique, il ne serait pas admissible aux prêts aux étudiants du Programme canadien, car, techniquement parlant, il est admissible au Québec. On ne peut pas être admissible à plus d'un seul endroit.

Si vous vous trouvez dans le système québécois, vous êtes admissible à des prêts du Québec. Si vous devenez inadmissible, car vous étudiez un programme que le gouvernement québécois ne reconnaît pas dans son système de prêts, rien n'est prévu dans votre cas. C'est ce qui nous inquiète le plus.

Le gouvernement du Québec a dit par exemple que des équivalences seront prévues pour certaines universités, mais nous pensons qu'il ne s'agit pas là d'un système équitable. Je devrais pouvoir étudier dans n'importe quelle université du pays que je veux.

S'il était précisé dans le Programme canadien de prêts aux étudiants qu'un prêt est accordé à l'étudiant si le gouvernement québécois n'en accorde pas, cela allégerait certains des problèmes. Toutefois, je ne crois pas que cela réglerait le plus gros problème. En effet, même si cela permettait de tirer d'affaire certains étudiants, il reste que ce genre de situation ne devrait pas exister. Les étudiants peuvent en fait se voir exclus du système de prêts, parce qu'ils choisissent d'étudier dans une province non reconnue.

Le président: Vous ai-je également bien entendu dire qu'un étudiant étranger au Québec doit payer des frais de scolarité plus élevés à l'université au Québec? Lorsque vous dites «étudiant étranger», vous ne voulez pas parler d'un étudiant venant de la Colombie-Britannique, de l'Alberta ou de l'Île-du-Prince-Édouard? Les appelons-nous «étrangers»?

M. Hough: Non, nous préférons ne pas le faire.

Le président: Sont-ils considérés comme étudiants étrangers en ce qui concerne l'université?

Le sénateur Lavoie-Roux: Ce n'est que depuis la semaine dernière.

M. Hough: Si vous me permettez de préciser la question, nous parlons ici de propositions qui sont actuellement à l'étude. Lorsque nous avons protesté haut et fort contre le fait que le gouvernement québécois se proposait de limiter ses prêts à la majorité des étudiants qui étudient dans sa province, la ministre a reporté le tout pour une année. Nous travaillons toujours là-dessus.

L'autre question qui a surgi la semaine dernière vise les droits différentiels qui, ainsi que nous le soulignons dans notre exposé, sont de la discrimination pure et simple. Il est discriminatoire de considérer les étudiants d'autres provinces comme des «étudiants étrangers» et de leur faire payer des frais plus élevés que la moyenne nationale.

J'ai parlé aux étudiants de l'Université McGill qui envisagent maintenant de poursuivre le gouvernement du Québec. Il est ridicule que des associations d'étudiants se voient dans l'obligation de saisir les tribunaux d'une question d'égalité fondamentale.

Les étudiants de l'Université Bishop se sont plus inquiétés du fait qu'ils seraient traités différemment que de la légère augmentation de leurs frais de scolarité les quelques prochaines années. Cela m'a choqué, tout comme eux et nous travaillons sur ce point.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: À la Partie IV de votre étude, on mentionne que les prêts aux étudiants sont la principale source d'aide financière. Vous parlez de l'endettement des étudiants qui était de 17 000 $ et qui va augmenter jusqu'à 25 000 $ en 1993.

Ce qui m'étonne, c'est que dans une comparaison récente avec l'endettement aux États-Unis, en 1993, la dette nette moyenne des diplômés universitaires canadiens était de 13 000 $ comparativement à 11 000 $ pour les Américains. Cela me surprend beaucoup parce que les frais de scolarité sont très élevés aux États-Unis comparativement à nous, sauf qu'il y a peut-être plus de bourses. Est-ce exact?

M. Gold: C'est exact, il y a beaucoup de bourses.

[Traduction]

M. Hough: Si des bourses, d'autres formes d'aide aux étudiants et des programmes travail-études sont offerts aux États-Unis, c'est pour que l'endettement des étudiants reste peu élevé.

L'étude dont j'ai fait mention a été publiée la semaine dernière par l'un de nos membres à l'Université de Calgary. Beaucoup de mois ont été consacrés à cette étude et c'est la conclusion à laquelle ils sont arrivés.

L'autre point qui n'a pas été pris en compte, c'est la manière dont les familles américaines envisagent l'éducation; elle est fort différente de celle des familles canadiennes et vise les régimes d'épargne-études. La principale raison notée dans cette étude, c'est que les bourses et autres appuis financiers sont prévus pour les étudiants une fois qu'ils entrent dans un établissement. Si cela vous intéresse, nous pourrions transmettre ces renseignements au comité.

Le sénateur Lavoie-Roux: Nous avons parlé du Québec et des dernières décisions qui ont été prises. Je n'y souscris pas. Vous avez souligné certains obstacles à la mobilité des étudiants.

[Français]

...la retenue des prêts provinciaux pour les étudiants qui veulent étudier hors de la Colombie-britannique, de l'Alberta, et de la Saskatchewan.

[Traduction]

D'autres provinces semblent également se heurter à quelques difficultés.

M. Hough: Absolument. En fait, dès que la question du Québec s'est posée, nous nous sommes intéressés à la Colombie-Britannique, à l'Alberta et à la Saskatchewan, qui conservent la partie provinciale de leurs prêts. Tout prêt d'étudiant se divise en deux parties: l'une correspond au montant fédéral, l'autre, au montant provincial. Si un étudiant souhaite faire ses études à l'extérieur de l'Alberta, par exemple, il y a des exceptions à la règle, surtout lorsque les études se font dans le cadre de programmes qui ne sont pas offerts dans une province donnée. La médecine vétérinaire en est un exemple.

Nous voulons savoir quel sera l'effet de la retenue de la partie provinciale des prêts. C'est un montant assez important. Ce sera certainement un point que voudront considérer les étudiants qui envisagent de faire des études à l'extérieur de la province.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous avez parlé en général de la situation de l'enseignement postsecondaire au Canada, de l'endettement des étudiants, et cetera. Vous avez dit que la dette augmentera de 17 000 $ à 25 000 $, et peut-être même plus. Recommandez-vous une plus grande générosité en matière de prêts de la part du gouvernement fédéral ou des provinces? Avez-vous des suggestions pratiques? Si oui, je ne les ai pas vues dans votre mémoire.

M. Hough: Les recommandations figurent dans le document. Tout d'abord, les programmes de prêts aux étudiants devraient être financés. Malheureusement, cela correspondrait à un financement supplémentaire permettant d'offrir, par exemple, des programmes de bourses d'études afin de limiter les prêts d'étudiant pour ceux qui, après leur diplôme, ne peuvent rembourser leur dette car ils ne trouvent pas d'emploi. C'est une question qui est examinée à Ottawa en ce moment. Nous sommes en faveur de tels genres de programmes.

Deuxièmement, le remboursement des prêts d'étudiant devrait être assoupli. D'après les allocutions faites au Sénat, que j'ai lues, les prêts d'étudiants sont coûteux. Si un étudiant choisit un taux d'intérêt fixe plus 5 p. 100, cela peut devenir très cher.

Troisièmement -- cette idée est également discutée par de nombreuses personnes --, il faudrait prévoir des allégements fiscaux pour l'intérêt versé sur les prêts aux étudiants. Cela ressemblerait aux allégements fiscaux consentis aux entreprises dans le cadre des prêts à l'entreprise.

Ce sont des idées pratiques. Toutefois, elles dépendent de nouvelles affectations de fonds. Nous aimerions établir un lien entre d'une part, l'aide aux étudiants et les coûts d'éducation, et, d'autre part, les programmes de travail. Nous l'indiquons à la fin de notre mémoire. Peut-être n'ai-je pas exposé ce lien assez clairement. J'ai parlé avec plusieurs députés de la possibilité de relier les programmes travail-études à l'expérience avant, après ou pendant les études, pour que les prêts restent peu élevés -- que cela se fasse au moyen de bourses, de l'engagement d'un étudiant de faire du travail de bienfaisance ou directement sous forme de paiements versés à l'étudiant par une entreprise du secteur privé. Nous essayons de donner forme à de telles idées.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous dites que le remboursement de la dette pourrait être assoupli. Est-ce qu'un prêt du gouvernement fédéral doit être remboursé immédiatement ou seulement lorsque l'étudiant a un emploi?

M. Hough: À l'heure actuelle, dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants, un étudiant dispose de six mois après son diplôme avant de commencer à rembourser. Toutefois, s'il n'est pas en mesure de le faire, il a 18 mois pour essayer d'obtenir un emploi et combler son retard. Des régimes d'exemption d'intérêts et autres sont prévus; nous ne nous plaignons pas de cette souplesse.

C'est le remboursement des prêts qui pose problème. Quel rapport y a-t-il entre le revenu et le montant des mensualités? Actuellement, il n'est pas très stable. Il paraît que, si vous gagnez 20 000 $ par année, vous n'êtes pas obligé de rembourser tout de suite. Par contre, si vous gagnez 20 001 $ par année, il faut prévoir rembourser 300 $ par mois. Il serait utile de prévoir une gradation. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pourraient y inciter les banques.

Le sénateur Lavoie-Roux: Au Québec, l'étudiant n'a pas à rembourser son prêt tant qu'il n'a pas un emploi permanent. Cette règle s'applique-t-elle aussi au niveau fédéral?

Le sénateur Andreychuk: Oui, mais l'intérêt continue de courir.

Le sénateur Lavoie-Roux: La règle n'est donc pas la même.

[Français]

M. Gold: C'est sûrement la question des intérêts.

Le sénateur Lavoie-Roux: Qui est différente.

[Traduction]

J'aimerais que vous m'expliquiez ce que vous envisagez comme système. Vous pouvez me le décrire en anglais ou en français, ou encore passer de l'un à l'autre, si vous préférez.

M. Hough: Tout au long du document, nous avons décrit un système d'enseignement accessible, à prix abordable et de qualité fonctionnant dans un cadre coopératif... c'est-à-dire un seul système d'enseignement pour tout le Canada. Bien que la façon dont nous l'avons décrit puisse peut-être sembler très simple, nous avons présenté certaines idées quant à la manière de le faire.

Actuellement, il existe 10 systèmes d'enseignement différents. Nous aimerions que se poursuive le débat amorcé ici. Avec un peu de chance, les provinces y participeraient à un certain moment donné et s'engageraient à respecter les points que je viens de faire valoir.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez mentionné que l'on devrait ne pas verser aux provinces qui ne respectent pas les principes de la Charte des droits et libertés les transferts auxquelles elles ont droit. Avez-vous cherché à établir si la loi permettait de le faire ou ne faites-vous qu'invoquer l'application de la Charte? Ce n'est pas ainsi que je comprends l'expression «mobilité», au sens de la Charte des droits et libertés.

M. Hough: Il s'agit effectivement d'un point de droit au sujet duquel nous avons consulté des avocats. Ceux que nous avons consultés étaient prêts à aller de l'avant, pas tellement pour défendre la mobilité des étudiants, mais parce que la question est liée au Québec. Cela nous a fait reculer un peu.

La question a trait non seulement à la Charte des droits et libertés, mais aussi à la Loi canadienne sur les prêts aux étudiants.

Le sénateur Andreychuk: Je connais très bien la Loi canadienne sur les prêts aux étudiants. J'étais tout simplement intriguée: je me demandais si vous estimiez pouvoir invoquer la Charte devant les tribunaux.

Ce commentaire se fondait-il sur la situation au Québec ou sur toutes les situations que vous avez mentionnées?

M. Hough: Il a surtout rapport à la question au Québec. Cependant, la Loi canadienne sur les prêts aux étudiants a un rapport avec le reste. Notre équipe au Québec a aussi consulté des avocats et s'apprête à poursuivre le gouvernement. Elle est convaincue qu'il s'agit de discrimination caractérisée.

Le sénateur Andreychuk: Les quatre problèmes que vous avez relevés sont les prix abordables, la transférabilité, la qualité de l'enseignement et l'absence d'un seul système pancanadien. Un autre problème dont il a été question, bien que ce ne soit pas vous qui l'ayez soulevé, est le manque de compétitivité de notre système par rapport aux autres. Notre système est-il égal ou meilleur à ce qu'il était quand j'étais moi-même étudiante? Nous voulions faire en sorte, lorsque nous sortions d'une université canadienne, quelle que soit notre discipline, de pouvoir nous comparer avantageusement aux autres.

De tous ces facteurs, lequel représente, selon vous, le problème le plus pressant?

M. Hough: Le problème le plus pressant qu'ont les étudiants ou le système?

Le sénateur Andreychuk: L'un ou l'autre; à vous de choisir. Sur quel point insisteriez-vous?

M. Hough: Assurément, nous mettrions l'accent sur les étudiants.

Le sénateur Andreychuk: Au sujet de quel problème?

M. Hough: Durant une tournée que j'ai effectuée récemment au Canada, les finances étaient le thème le plus fréquent. Avant de quitter Ottawa, je me suis demandé si je découvrirais que les étudiants du pays éprouvaient tous le même genre de difficultés. La question qui revenait constamment sur le tapis était non seulement le coût de l'éducation, mais aussi l'endettement des étudiants et l'effet qu'il a sur leurs études.

Le sénateur Andreychuk: Nous avions l'habitude de prévoir des programmes d'emploi pour les étudiants. Il n'était pas question de prêts étudiants, mais d'emploi. Il existait toutes sortes de programmes d'emploi d'été pour les étudiants. Est-ce une solution qu'il faudrait envisager à nouveau, plutôt que de mettre l'accent sur les prêts étudiants?

M. Hough: Absolument. Cette option est préférable à la constante accumulation de dettes. Si les étudiants étaient capables d'acquérir de l'expérience sur le marché du travail, cela résoudrait bon nombre de leurs problèmes.

Le sénateur Andreychuk: Est-ce ce que vous entendiez par programmes de travail à établir?

M. Hough: Tout à fait.

Le sénateur Andreychuk: Il n'était pas question de programmes coopératifs?

M. Gold: Il est question de tout ce qui peut améliorer l'employabilité des étudiants, à la fin de leurs études.

M. Hough: Oui, ainsi que leur capacité de payer.

Le sénateur Forest: La situation financière des étudiants vous préoccupe. Nous savons que l'argent est rare au niveau fédéral et provincial; du moins est-ce ce qu'on nous dit.

Les prêts consentis par les banques le sont dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants. Compte tenu des six milliards de dollars de profits réalisés par les banques, avez-vous déjà imaginé un programme qui piquerait l'amour-propre des banquiers pour les obliger à investir dans l'avenir des étudiants?

Je suis sérieuse. Les organisations étudiantes pourraient avoir une grande influence sur la politique des banques, et j'estime que les taux d'intérêt qu'exigent celles-ci des étudiants devraient leur imposer certaines responsabilités. Ce serait une très bonne publicité pour elles si elles décidaient d'investir au Canada en donnant un répit aux étudiants.

Le sénateur Losier-Cool: Il en était question dans le Globe and Mail, ce matin.

Le sénateur Forest: Désolée, mais je ne l'ai pas vu.

Le sénateur DeWare: Il y a une raison pour laquelle les banques vont dans les universités chercher la clientèle des étudiants. Une fois que les étudiants ont contracté un prêt auprès d'une banque particulière, elles savent qu'ils y achèteront aussi leur régime enregistré d'épargne-retraite, qu'ils y prendront leur hypothèque et tout le reste.

Le sénateur Forest: Raison de plus pour alléger leur fardeau.

M. Hough: Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Le sénateur DeWare: Connaissez-vous des cas d'étudiants qui ont essayé d'obtenir un prêt pour financer des études à l'étranger? Je connais un étudiant de l'Ontario qui l'a fait auprès du gouvernement provincial. Son prêt a été diminué de moitié parce qu'il allait étudier à l'étranger.

M. Hough: Le montant des prêts consentis aux étudiants qui vont à l'étranger est une autre situation qui varie énormément d'un bout à l'autre du pays. De toutes les questions dont nous avons parlé ce soir, savoir si les provinces financent les étudiants qui vont étudier à l'étranger est celle à laquelle j'ai eu le plus de difficulté à obtenir une réponse concrète. Ce n'est qu'un htmect de la mobilité des étudiants.

J'en ai discuté avec des étudiants. Certains réussissent à financer 100 p. 100 de leurs études, alors que d'autres n'obtiennent que 50 p. 100. Nous sommes en train d'essayer de brosser le tableau à cet égard.

Le président: Je vous remercie de votre exposé. Je vous conseille de suivre nos audiences dans l'intérêt de vos étudiants. Vous pourrez peut-être nous proposer des recommandations à inclure dans notre rapport.

Nous passons maintenant aux porte-parole de la Fédération canadienne des étudiants et étudiantes.

Mme Jennifer Storey, représentante de l'exécutif national des femmes, Fédération canadienne des étudiants et étudiantes: Monsieur le président, notre document s'intitule «Le piège de l'endettement». Si je puis y ajouter une petite touche personnelle, je suis moi-même l'illustration parfaite de l'étudiant pris dans ce piège. J'ai accumulé une dette de 35 000 $ en prêts étudiants grâce aux régimes d'aide aux étudiants du Canada et de l'Ontario, auxquels s'ajoutent 5 000 $ de prêts privés. J'en suis à mon dernier semestre d'études, après quoi il faudra commencer à rembourser.

Le sénateur Lavoie-Roux: Quel genre d'études faites-vous?

Mme Storey: Je suis étudiante de quatrième année en anglais, à l'Université de Guelph.

Il y aurait beaucoup à dire sur l'état déplorable dans lequel se trouve l'enseignement postsecondaire au Canada. Nous pourrions discuter des transferts fédéraux pour les 45 prochaines minutes sans crainte de vider la question. Nous avons plutôt choisi d'aborder un sujet qui illustre bien jusqu'à quel point le manque de concertation entre les différents ordres de gouvernement, de même que les réductions budgétaires aveugles effectuées au cours des dernières années, mettent en péril l'accès à l'enseignement postsecondaire.

Dans le passé, les représentants du gouvernement fédéral ne se sont pas gênés pour dire que les étudiants devraient considérer l'aide financière aux étudiants comme un dernier recours, après avoir soigneusement exploré toutes les autres sources éventuelles de financement. On trouve encore, en fait, ce curieux conseil dans plusieurs documents publiés par le gouvernement, ce qui est tout de même surprenant lorsqu'on sait que les étudiants ont de plus en plus souvent recours aux programmes d'aide financière offerts par les divers ordres de gouvernement, surtout depuis six ans. Selon les chiffres publiés dans l'Enquête nationale auprès des diplômés, l'endettement moyen chez les emprunteurs ayant obtenu leur diplôme universitaire en 1990 et ayant bénéficié d'aide aux étudiants atteignait 8 700 $. Depuis lors, la situation s'est nettement détériorée. En effet, les frais de scolarité ont subi une hausse vertigineuse, le gouvernement fédéral a considérablement relevé le plafond des prêts, et de nombreuses provinces ont aboli leur programme de bourses. Examinons brièvement chacun de ces facteurs, dont le premier est les frais de scolarité.

Depuis dix ans, le rythme de croissance des revenus tirés des frais de scolarité a augmenté deux fois plus rapidement que celui des subventions gouvernementales aux collèges et universités. Entre 1986 et 1991 par exemple, les revenus et dépenses d'exploitation des universités par étudiant équivalent à temps plein ont augmenté de 30 p. 100 environ, soit une croissance annuelle moyenne d'un peu plus de 4 p. 100. Pendant ce temps, les frais de scolarité ont progressé de 60,8 p. 100, soit une croissance annuelle moyenne de 8,2 p. 100. À titre de comparaison, l'indice des prix à la consommation a connu une augmentation de seulement 28,1 p. 100, soit une croissance annuelle moyenne de 4,2 p. 100.

Si le Québec est exclu, la gamme des frais de scolarité exigés chaque année au Canada va de 2 300 $ en Colombie-Britannique à 3 700 $ en Nouvelle-Écosse. L'Université Acadia, par exemple, qui a les droits de scolarité les plus élevés au pays, exige aussi de ses étudiants de première année qu'ils versent 1 200 $ pour la location d'un ordinateur portatif. Bien entendu, les programmes d'aide financière aux étudiants ont été modifiés pour tenir compte de la croissance des coûts assumés par les étudiants.

Ainsi, en 1995, le gouvernement fédéral a augmenté l'allocation hebdomadaire maximale octroyée aux étudiants célibataires qui est passée de 104 $ à 165 $. La réaction du milieu étudiant, surtout de nos membres, a été mitigée. Cependant, piqué au vif, le gouvernement a rétorqué qu'il ne faisait que répondre aux demandes répétées des étudiants, et c'est la vérité. Il faut toutefois préciser que ces demandes avaient été faites bien avant 1985, à une époque où la plupart des provinces offraient encore à leurs étudiants un programme de bourses digne de ce nom, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

Presque toutes les provinces ont aboli leur programme de bourses ou l'ont sensiblement réduit. À Terre-Neuve, à l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse, il n'y a plus de programme de bourses depuis 1993-1994. C'est la même chose en Ontario et au Manitoba. Le Nouveau-Brunswick a aboli son programme en 1992-1993 et la Saskatchewan, en 1985-1986. Par contre, en Colombie-Britannique, en Alberta et au Québec, il en existe encore.

On n'a pas encore mesuré pleinement toutes les conséquences de ces changements, plus particulièrement des plus récents, soit de l'augmentation de l'allocation hebdomadaire maximale versée à ceux qui bénéficient d'un prêt étudiant du Canada. De plus, certaines provinces ne prennent pas la peine de mesurer la dette accumulée par leurs étudiants. Toutefois, les données que nous possédons ont de quoi nous inquiéter. En Ontario, par exemple, le prêt moyen par étudiant s'élevait à 4 755 $ pour l'année scolaire 1991-1992. Quatre ans plus tard, il atteignait 6 430 $. Ailleurs, le prêt moyen par étudiant frisait aussi le plafond symbolique des 6 000 $. En Nouvelle-Écosse, il atteignait 5 997 $ et en Colombie-Britannique, 5 996 $.

Le nombre d'étudiants emprunteurs a également augmenté en Ontario, où il est passé de 142 000 en 1991-1992 à 211 000 en 1995-1996. Sur cinq ans, cela revient à une augmentation de 600 étudiants. En Ontario, quelque 30,5 p. 100 de tous les étudiants inscrits à l'université et 39,6 p. 100 de tous les étudiants inscrits au collège ont demandé un prêt étudiant. En 1995-1996, les taux de participation avaient atteint 42,2 p. 100 et 55,6 p. 100 respectivement. Malheureusement, nous ne connaîtrons pas pour un an encore les résultats de la dernière Enquête nationale auprès des diplômés.

Il faut donc se rabattre sur les prévisions pour avoir une idée de l'endettement des étudiants lorsqu'ils obtiennent leur diplôme. Il est difficile de juger de sa croissance depuis 1990. Cependant, le ministère fédéral du Développement des ressources humaines estime actuellement à 17 000 $ à peu près la dette moyenne des emprunteurs cette année, et ce pour une seule année d'études. Il prévoit qu'elle pourrait grimper jusqu'à 25 000 $ en 1998.

De fait, les étudiants canadiens comptent maintenant parmi les plus endettés au monde. Au Canada, la dette étudiante moyenne contractée pour l'obtention d'un diplôme de premier cycle se compare aisément à celle des emprunteurs qui obtiennent le même diplôme dans une grande université américaine privée telle que Yale.

À la vue de pareils chiffres, il y en a que ce sombre portrait n'inquiète pas. À leurs yeux, l'enseignement postsecondaire demeure une bonne affaire pour les étudiants. Après tout, les diplômés ne mettent généralement pas de temps à se dénicher un emploi convenable, et leurs revenus dépassent de loin ceux des diplômés de l'école secondaire. Selon eux, l'endettement étudiant doit être simplement considéré comme un investissement, qui leur semble d'ailleurs très rentable. Toutefois, cet argument fait fi de certains faits élémentaires.

Tout d'abord, il passe sous silence le fait que ce ne sont pas tous les étudiants qui sont obligés d'emprunter pour profiter de leur investissement scolaire. Au Canada, l'aide financière aux étudiants est octroyée après une évaluation détaillée de leurs besoins et de leurs revenus, ce qui a pour effet de créer deux catégories de diplômés: d'une part, ceux qui obtiennent leur diplôme sans devoir emprunter et, d'autre part, ceux qui doivent emprunter pour obtenir leur diplôme -- ces personnes sont souvent issues de familles plus pauvres.

Selon des données statistiques préliminaires obtenues des provinces par le ministère du Développement des ressources humaines, en 1994-1995, 45 p. 100 de tous les étudiants ayant obtenu un prêt provenaient de familles dont le revenu annuel moyen ne dépassait pas 31 000 $. Bien entendu, il y a des exceptions. Par exemple, les étudiants qui habitent dans des régions où il n'y a pas d'établissement d'enseignement postsecondaire ou ceux dont l'établissement offre un choix de cours limité ont tendance à emprunter davantage parce qu'ils doivent aller étudier ailleurs.

Il faut aussi tenir compte de la situation des nouveaux diplômés qui joignent le marché du travail. On ne s'entend pas tout à fait sur le revenu gagné par la plupart des nouveaux diplômés universitaires au cours des 15 dernières années. Alors que, d'après certaines études, il est demeuré stable, d'autres soutiennent qu'en termes réels, il a baissé.

Quoi qu'il en soit, nos nouveaux diplômés devront assurément s'adapter à un marché du travail très différent. Le gouvernement fédéral lui-même semblait partager cet avis en 1994, lorsqu'il a déposé son Livre vert sur la réforme des programmes sociaux au Canada. Il affirmait en effet qu'au «XXIe siècle, le concept d'une sécurité d'emploi assurée au sein d'une entreprise ou d'une industrie sera périmé presque partout», admettant ainsi clairement que, sur le plan de l'emploi, la précarité deviendra bientôt une réalité incontournable pour les nouveaux diplômés.

Enfin, nul ne conteste le fait que les nouveaux diplômés doivent supporter un endettement plus lourd que leurs prédécesseurs. C'est du moins ce que l'on constate si l'on examine l'évolution récente du ratio d'endettement par rapport aux gains, ratio que l'on obtient en divisant la dette de l'étudiant par la somme de ses revenus annuels.

Je demanderais maintenant à M. Lavigne de prendre la relève.

M. Brad Lavigne, président, Fédération canadienne des étudiants et étudiantes: J'aimerais vous parler de ce que tout cela laisse présager et proposer au gouvernement fédéral des solutions concrètes qui contribueraient à atténuer certaines de ces tendances inquiétantes.

L'effet combiné des hausses de frais de scolarité et de la croissance de l'endettement, conjugué à la rareté des bourses d'études, aura forcément des répercussions sur les étudiants, surtout sur les étudiants issus de familles défavorisées. Nous sommes en effet sincèrement convaincus que les politiques actuelles, par suite des changements que nous venons de décrire, mettent en péril l'accès à l'enseignement supérieur, tant sur le plan du nombre absolu d'étudiants qui fréquentent les collèges et les universités que sur celui de la composition socio-économique de la population étudiante.

L'expérience américaine est intéressante à cet égard. Dans une étude publiée en 1990, le chercheur américain Thomas Mortenson a démontré que l'expansion considérable des programmes de bourses observée entre 1966 et 1970 a entraîné une croissance correspondante de la participation des étudiants issus de milieux défavorisés. En revanche, lorsque les prêts redevinrent la principale forme d'aide offerte aux étudiants durant les années 80, les étudiants issus de familles situées dans le quartile inférieur de la distribution des revenus ont vu s'évaporer une bonne part des progrès réalisés sur le plan de leur participation à l'enseignement supérieur, de 40 à 50 p. 100 s'il faut en croire Mortenson. Ce n'est pas très surprenant si l'on considère que les bourses représentaient près des deux tiers du total de l'aide offerte aux étudiants dans les années 70 alors qu'elles n'en représentaient plus que le tiers, dix ans plus tard.

Le chercheur affirme également que, pour diverses raisons socio-économiques, les étudiants issus d'un milieu défavorisé risquent davantage de ne pas terminer leurs études collégiales ou universitaires et donc de ne pas avoir un emploi bien rémunéré. C'est certes la situation que nous vivons ici, au Canada. Le chercheur a également comparé les attitudes des diverses catégories socio-économiques à l'égard de l'investissement dans la poursuite des études. Il n'est pas étonnant de constater que les étudiants d'un milieu moins favorisé se montrent plus réticents à l'idée de s'endetter pour pouvoir faire des études.

Plusieurs autres études ont révélé que l'octroi de bourses influe nettement sur la décision de l'étudiant de s'inscrire ou de poursuivre ses études. Ainsi, une récente étude publiée par le General Accounting Office des États-Unis révèle que les bourses d'entrée contribuent souvent à prévenir le décrochage scolaire des étudiants de première et de deuxième année issus de familles à faible revenu. De façon plus générale, la moins grande accessibilité de l'enseignement postsecondaire compromet l'efficacité des collèges et des universités comme moyens de se hisser dans l'échelle sociale.

Notre système d'enseignement postsecondaire a toujours joui d'un ferme appui des Canadiens. Aussi récemment qu'en 1992, 83 p. 100 des Canadiens estimaient que les universités faisaient du bon ou du très bon travail. Cet appui est d'autant plus surprenant quand on sait que seule une minorité de Canadiens fréquente ces établissements. Pourtant, ceux qui n'y ont pas accès acceptent de payer sans regimber. Comment peut-on expliquer ce phénomène? À notre avis, les Canadiens continueront de soutenir leur système d'enseignement postsecondaire tant qu'il demeurera accessible à tous. Il possède un caractère symbolique, en ce sens qu'aux yeux d'un grand nombre de Canadiens, il incarne l'espoir d'un avenir meilleur pour leurs enfants. Toutefois, cet appui pourrait bien disparaître si l'endettement forcené constitue la seule voie d'accès pour les enfants issus de la classe moyenne et des familles à faible revenu.

Que faudrait-il faire au sujet de ces niveaux d'endettement sans précédent? Au cours des dernières années, le débat centré sur ces questions a surtout gravité autour de moyens ingénieux d'aider les étudiants à mieux gérer leur dette, soit en prolongeant la période de remboursement, soit en ajustant les mensualités en fonction des revenus des diplômés, ou encore les deux à la fois. À notre avis, toute solution durable au problème de l'endettement étudiant passe par le rétablissement des programmes de bourses, particulièrement des bourses d'entrée. En fait, à long terme, nous aimerions que le Programme canadien de prêts aux étudiants devienne un programme canadien de bourses aux étudiants. Nous savons aussi, cependant, qu'il faudra de nombreuses années pour revigorer un système au bord de l'épuisement, meurtri par des centaines de compressions.

Entre-temps, il faut cibler les efforts de sorte que chaque nouveau dollar investi dans le programme serve à aider ceux et celles qui en ont le plus besoin, notamment ceux qui débutent leurs études, c'est-à-dire les étudiants de première et de deuxième année, ceux qui ont des responsabilités familiales et ceux qui éprouvent des difficultés persistantes à rembourser leurs prêts.

Selon nous, il faudrait créer un programme de bourses à l'entrée pour les deux premières catégories. On prétend que les bourses à l'entrée ne sont pas efficaces et qu'elles représentent un risque, en ce sens que le gouvernement peut perdre son investissement si le boursier abandonne ses études. Toutefois, nous avons déjà fait état des études qui démontrent que l'octroi de bourses peut prévenir le décrochage scolaire et, par le fait même, faire économiser de l'argent au gouvernement. Quand un étudiant abandonne ses études, les gouvernements perdent non seulement une partie de l'argent versé aux collèges et universités sous forme de subventions de fonctionnement, mais aussi toutes les recettes fiscales que rapporterait plus tard le diplômé, lorsqu'il aura un emploi. Selon nous, les bourses à l'entrée continuent de représenter un bon investissement, en ce sens qu'elles introduisent une certaine mesure d'équité sociale dans le système.

Ces bourses ne peuvent, au demeurant, être retirées, une fois qu'elles ont été versées. Comme bien d'autres Canadiens, les étudiants ont été les victimes des compressions faites par le gouvernement dans les programmes qui, quelques années auparavant, étaient réputés intouchables. On ne peut même plus tenir pour acquis les services gouvernementaux de base. D'après un sondage mené récemment par Ekos, 60 p. 100 des Canadiens sont moins certains qu'il y a cinq ans de pouvoir compter sur le système de santé lorsqu'ils en auront besoin. Il n'y a donc pas de quoi s'étonner du peu d'enthousiasme suscité par les bourses différées chez les étudiants qui hésitent déjà à s'endetter.

Nous convenons toutefois que ces bourses différées peuvent être utiles à ceux et à celles qui croulent sous le fardeau de leurs dettes. Il reste à savoir comment on déterminera la lourdeur de ce fardeau. Nous souhaiterions que l'on fasse une analyse détaillée de cet épineux problème de concert avec les membres du Groupe consultatif national sur l'aide financière aux étudiants.

Vous avez sans doute déjà deviné que nous aimerions voir le gouvernement fédéral jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration et la mise en oeuvre de ces programmes. La fédération a toujours été une chaude partisane de l'application de principes pancanadiens à l'enseignement postsecondaire.

Comme nous l'avons vu, les étudiants canadiens doivent composer avec, entre autres, des systèmes d'aide financière, des barèmes de droits de scolarité et des critères d'admissibilité très différents. Conscients du fait que nous allons à l'encontre de la grande vague décentralisatrice qui déferle actuellement sur le pays, nous persistons à vouloir que le gouvernement fédéral prenne les devants dans la lutte contre l'endettement étudiant. Bien que nous reconnaissions au Conseil des ministres de l'Éducation du Canada un rôle clé, en bout de ligne, c'est au gouvernement fédéral qu'il appartient de garantir à tous les Canadiens un minimum d'équité. Dans le cadre de l'aide financière aux étudiants, nous exhortons le gouvernement fédéral à combler le vide laissé par les provinces.

Voilà qui met fin à mon exposé. Nous sommes prêts à débattre de ces questions avec le comité.

Le président: Je vous remercie. Pouvez-vous me préciser ce que vous estimez être une dette raisonnable?

M. Lavigne: D'après moi, un Canadien ne devrait pas avoir à s'endetter pour obtenir une formation professionnelle et se perfectionner en vue de devenir un membre utile de la société.

Ce qu'il faudrait au Canada, c'est créer un système d'enseignement dans lequel l'étudiant riche et capable de payer des frais d'utilisation ou des droits de scolarité et celui qui vient d'une famille à faible revenu soient égaux, une fois diplômés. Pourquoi l'un doit-il s'endetter et l'autre, pas? C'est injuste. Les deux ont la même formation lorsqu'ils obtiennent leur diplôme; toutefois, comme nous l'ont montré les données statistiques, l'étudiant qui s'est endetté ne rattrape jamais vraiment celui qui n'a pas eu à emprunter.

Quel niveau d'endettement est raisonnable? Je soutiens qu'il ne devrait pas y avoir d'endettement.

Le président: Estimez-vous que les études devraient être gratuites?

M. Lavigne: Il faut que les étudiants financent une bonne partie de leurs études, mais, à notre avis, le régime actuel de frais d'utilisation initiaux et d'emprunts pour couvrir ces frais est inéquitable. Nous sommes en faveur d'un système dans le cadre duquel tous contribuent en fonction d'une fiscalité progressive analogue à celle qui s'applique aux autres programmes sociaux du Canada. Devrions-nous assumer le coût du système? En totalité? De quelle manière? Certes pas sous forme de frais d'utilisation initiaux.

Le président: Je vous remercie.

Le sénateur Lavoie-Roux: Pouvez-vous m'expliquer la raison pour laquelle la plupart des provinces semblent s'être retirées du domaine des bourses? Les deux seules provinces qui en versent encore sont le Québec et la Colombie-Britannique. Pourquoi les autres provinces se sont-elles retirées de ce champ?

[Français]

M. Charron: Préférez-vous que je vous réponde en français ou en anglais?

Le sénateur Lavoie-Roux: Oui, j'aurais pu vous parler en français. J'avais oublié que vous parliez français.

M. Charron: Pour être tout à fait honnête avec vous, je me demande bien pourquoi les provinces ont fait cela. J'ai nettement l'impression que l'Ontario a une espèce de croyance, à la fois chez certains personnages politiques et aussi peut-être au sein de la fonction publique dans les différentes provinces, à l'effet que la demande pour l'enseignement supérieur n'est pas élastique, c'est-à-dire que peu importe le coût de l'enseignement supérieur, peu importe le type d'aide financière offert aux étudiants, les étudiants vont aller à l'université, au collège, et il n'y a pas de problème en ce sens-là.

Bien sûr qu'il fallait offrir de l'aide mais à leurs yeux, cela ne faisait aucune différence si cette aide-là se donnait sous forme de bourse ou de prêt.

Je pense que ce dont on s'aperçoit aujourd'hui, c'est que cela fait une différence. Je pense qu'il y a de plus en plus de gens qui s'en aperçoivent. Je pense que la baisse des inscriptions au niveau universitaire, surtout dans certaines provinces comme en Ontario dans certaines écoles, a ouvert plusieurs yeux. Il y a plusieurs personnes maintenant qui s'aperçoivent qu'il y a peut-être un effet là.

Si on regarde aussi les statistiques d'inscriptions au collège communautaire, on s'aperçoit que cela peut influencer le choix d'une personne. Si on a le choix entre un programme de quatre ans ou un programme de deux ans, si la seule façon d'y arriver est de s'endetter parce qu'on n'a pas les moyens de se le payer autrement, je pense que cela peut jouer un rôle sur le type de décision que les étudiants prennent. Quant à ce type de décision, il n'y a pas à choisir entre le collège communautaire ou l'université en termes de ce qui est la meilleure éducation postsecondaire, mais ce choix-là devrait être fait en fonction des préférences et des capacités de l'individu et non pas de sa capacité de payer.

Je pense que les gens commencent à se rendre compte de cela aussi maintenant. Mais à l'époque, on croyait qu'on pouvait le faire sans conséquence, et je pense que maintenant cela a changé.

Le sénateur Lavoie-Roux: Le fait qu'au Québec au niveau du Cégep se soit gratuit et qu'il y ait encore des prêts et bourses, est-ce qu'il y a une différence dans l'endettement des étudiants du Québec comparativement aux étudiants des autres provinces?

Mme Doherty-Delorme, recherchiste, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants: J'ai des statistiques à ce sujet. Le niveau de dettes, comme on l'a dit tout à l'heure, pour les étudiants hors Québec, nous soumettons que c'est 17 000 $ et que cela augmentera jusqu'à 25 000 $. Si je me souviens bien, une étude récente de l'université de Montréal montre que l'endettement pour les étudiants du Québec est seulement de 8 000 $ par année.

Le sénateur Lavoie-Roux: Ce qui veut dire que les prêts et bourses, surtout les bourses, font une grosse différence. L'équivalent de l'enseignement que vous appelez collégial au Québec et communautaire dans les autres provinces, l'un est gratuit et l'autre ne l'est pas, ceci fait aussi une grosse différence, probablement.

Le sénateur Losier-Cool: Et les jeunes peuvent aller à l'université et rester chez eux, tandis que si un francophone de la Saskatchewan veut venir à l'Université d'Ottawa... probablement que les niveaux d'endettement des francophones hors Québec sont plus élevés.

Par exemple, l'Université de Moncton est une petite université qui a très peu de bourses contrairement à Mount Allison à Sackville qui est une université riche, menée par des riches. À Toronto c'est la même chose. Mon argument en Ontario tiendrait aussi.

Le sénateur Lavoie-Roux: Dans les villes ou dans les universités, si l'on prend la ville de Montréal ou Québec, je comprends qu'il y a une université à Sherbrooke, il reste que ce sont les villes où il existe une plus grande pauvreté. Alors, l'accès à l'université n'est pas nécessairement facile parce que l'on habite dans une ville où il y a une université. Souvent, on est limité par une foule de facteurs sociaux-économiques et autres.

M. Charron: Vous soulevez un bon point parce que les étudiants qui vivent en région sont défavorisés par un système qui utilise uniquement des prêts. Cela est certain. S'il n'y a pas de choix dans la région en terme des cours à faire, ils doivent déménager, ils doivent vivre par eux-mêmes ou par elles-mêmes. Un système qui offre seulement des prêts défavorise ces gens, cela est certain. Et les francophones à l'extérieur du Québec, évidemment, vivent beaucoup ce genre de situation.

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce que vous prônez le retour au système de prêts et bourses pour les autres provinces?

M. Charron: En fait, il faut regarder ce que l'on espère à long terme, mais ce que l'on pense être possible à court terme. Il y a toujours ces deux éléments, évidemment.

Ce que l'on aimerait, à long terme, c'est que le gouvernement fédéral prenne la relève des provinces. Les provinces ont démontré qu'elles n'étaient pas intéressées à offrir des bourses, à offrir un système plus équitable. À court terme, ce que l'on aimerait, c'est qu'il y ait des bourses très ciblées qui soient offertes au niveau fédéral. Cela existe déjà avec ce que l'on appelle les subventions spéciales, c'est une très mauvaise traduction de «Special Opportunity Grants».

Elles existent pour les femmes qui font des études doctorales, pour les étudiants qui souffrent d'un handicap, et pour les étudiants à temps partiel qui ont de grands besoins. Donc, ce genre de bourse très ciblée existe déjà au niveau fédéral.

On aimerait, dans un premier temps que l'on examine la possibilité d'en créer d'autres, mais spécifiquement pour les gens qui ont de très hauts besoins ou de très grands besoins en première et en deuxième année. Donc, ce serait pour nous un bon commencement.

Il me semble qu'en ce moment, il y a un vide. Du moins, à l'extérieur du Québec, le gouvernement fédéral pourrait prendre les devants et offrir ce genre de choses. Évidemment, cela va prendre des années, en espérant que le Québec ne change pas son système, avant de pouvoir retourner à une situation un peu équivalente à celle du Québec où les bourses demeurent quand même substantielles.

Mme Doherty-Delorme: On pourrait ajouter que le Canada est le seul pays industrialisé qui n'offre pas un système national de bourses.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est le seul pays?

Mme Doherty-Delorme: C'est le seul pays.

Le sénateur Lavoie-Roux: Des pays occidentaux, j'imagine?

Mme Doherty-Delorme: Oui.

[Traduction]

Le président: Merci. Vous vous rendez compte, bien sûr, qu'au Canada, l'éducation est un champ de compétence provincial alors que, dans la plupart des autres pays, ce domaine relève du gouvernement fédéral.

M. Lavigne: Oui, mais le gouvernement fédéral est également celui qui prend les mesures d'aide aux étudiants. Même aux États-Unis, le gouvernement fédéral a un régime de bourses d'études. Bien que ce pays ait un régime de gouvernement différent du nôtre, chaque État a son université relevant à la fois du gouvernement fédéral et de l'État. Nous aurions avantage à étudier le modèle américain, car les étudiants là-bas sont un peu moins endettés que les nôtres, ce qui est étonnant.

Le président: J'ai eu l'impression que, d'après vous, les provinces ne sont pas intéressées à lancer ou à bonifier des programmes de bourses ou de prêts aux étudiants et qu'il faudrait donc que le gouvernement fédéral s'en charge. Si le gouvernement fédéral commence à trop s'immiscer dans ce domaine, certains ministres de l'Éducation ou premiers ministres des provinces l'accuseront de piétiner leurs plates-bandes. Il faut être extrêmement prudent dans la façon de structurer de tels programmes. Êtes-vous d'accord?

Mme Storey: Je suis d'accord avec vous, jusqu'à un certain point. Il est certain qu'il faut chercher le plus possible à obtenir leur coopération. Simultanément, il importe beaucoup de ne pas perdre de vue les objectifs. On peut faire des comparaisons avec le système de santé, par exemple. Il faudrait chercher à mettre en place une transférabilité maximale des possibilités d'accès à l'enseignement postsecondaire au Canada.

Plus tôt en soirée, il a longuement été question de ce point, surtout en ce qui concerne certains des changements en cours au Québec.

Si l'on veut conserver la transférabilité, il faut obtenir la coopération de chacun. Je ne suis pas forcément convaincue que de laisser le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada se charger de la question est la façon d'y parvenir. Il faut aussi que le gouvernement fédéral soit présent à la table pour négocier pareille entente.

Le président: D'après votre mémoire, j'ai cru comprendre que votre organisme appuierait l'octroi de bourses d'entrée aux étudiants qui en ont le plus besoin et à ceux qui ont des responsabilités familiales et que vous recommanderiez l'octroi de bourses différées aux étudiants handicapés.

À quel point les mesures fiscales prévues pour les étudiants et les parents d'étudiants sont-elles efficaces, en termes d'accessibilité et de capacité de payer des études postsecondaires?

M. Charron: Si l'on examine les mesures fiscales actuelles comme les crédits d'impôt non remboursables auxquels donnent droit les frais de scolarité, puis qu'on examine combien d'argent doit gagner un étudiant pour profiter pleinement des mesures existantes, on constate qu'il lui faut un revenu annuel plutôt élevé, soit quelque 11 000 $, pour en tirer avantage. Il y aurait moyen d'aider les étudiants grâce à des mesures fiscales. L'idée de les autoriser à déduire l'intérêt versé sur les prêts qu'ils remboursent mérite une réflexion.

Nous avons aussi examiné la possibilité d'inclure peut-être, dans le crédit d'impôt non remboursable, les frais obligatoires comme les frais accessoires et les cotisations versées au syndicat étudiant. Il faudrait peut-être envisager la possibilité d'un crédit d'impôt remboursable, une mesure plus progressive. Les étudiants à faible revenu récupéreraient une partie de leur argent, ce qui les aiderait. Toutefois, je mentirais si je disais que nous avons soigneusement examiné toutes les répercussions fiscales de pareilles mesures.

Nous avons mentionné cette question à Peter Adams, président du groupe de députés libéraux chargés du dossier de l'enseignement. Il a accepté de discuter de certaines idées avec de hauts fonctionnaires des Finances. À ce stade-ci, il n'est pas sûr que ce soit une très bonne idée.

Si nous avions à choisir entre des bourses d'entrée ou des bourses différées et des mesures fiscales, nous préférerions nettement les bourses.

Le sénateur Andreychuk: Le fait que votre mémoire s'intitule «Le piège de l'endettement» et qu'il porte uniquement sur les questions financières, au détriment des autres htmects de l'enseignement postsecondaire, m'intrigue. Est-ce la seule préoccupation que suscite chez vous l'enseignement postsecondaire ou est-ce plutôt la principale préoccupation sur laquelle vous vouliez vous concentrer? S'il s'agit simplement de votre principale préoccupation, y a-t-il d'autres domaines qui vous intéressent en tant qu'organisme étudiant?

M. Lavigne: Oui, nos préoccupations sont nombreuses. Lorsque nous témoignons devant des comités ou dans le cadre d'enquêtes gouvernementales, il nous faut restreindre la portée de notre exposé. Nous avons le choix soit d'aller au coeur d'une seule question ou de parler plus superficiellement de plusieurs d'entre elles. Cette fois-ci, nous avons choisi de parler d'une seule question.

Parmi les autres questions qui nous préoccupent, nous examinons les effets des compressions sur les transferts en matière d'éducation et le débat opposant la qualité de l'enseignement à l'accès. Ce débat est actuellement très populaire au pays, en raison surtout des cotes attribuées par Maclean's à la suite d'un sondage dont les résultats ont été publiés, il y a quelques semaines. Nous examinons le rôle de l'entreprise et le rôle du secteur privé dans le système d'enseignement postsecondaire, la privatisation, la récupération des coûts des programmes de maîtrise en administration des affaires et les frais différentiels des professionnels.

Le sénateur Andreychuk: Avez-vous produit des documents qui pourraient nous être utiles?

M. Lavigne: Nous en avons produit un grand nombre. Nous sommes constamment en train de mener des études. Nous nous sommes servis de notre exposé pour mettre en valeur la question au sujet de laquelle le Parlement peut agir, mais nous ferons volontiers parvenir ce que nous avons.

Le président: Pouvez-vous envoyer ces documents à notre greffière?

M. Lavigne: Oui.

Le président: Je vous remercie du temps et de l'effort que vous avez consacrés à nous faire connaître votre point de vue et vos réflexions.

J'en profite pour signaler la présence à nos audiences de deux étudiantes en journalisme de l'Université Carleton, Beverley McRae et Nahlah Ayed. Elles rédigeront un communiqué de presse faisant état de ce qui s'est dit ici, ce soir.

Je déposerai aussi un communiqué de presse diffusé la semaine dernière.

J'espère qu'elles seront des nôtres pour toute la durée de nos audiences à Ottawa. Par contre, j'ignore si elles pourront nous accompagner dans les différentes villes canadiennes où nous nous rendrons. Très enthousiastes, elles espèrent que leurs communiqués de presse nous plairont.

La séance est levée.


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