Délibérations du sous-comité de l'enseignement
postsecondaire
du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 3 - Témoignages du 28 novembre
OTTAWA, le jeudi 28 novembre 1996
Le sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, se réunit aujourd'hui à 9 heures pour poursuivre son étude de l'interpellation sur l'enseignement postsecondaire au Canada.
Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais avoir une motion d'adoption de notre budget de déplacement, lequel sera ensuite envoyé au comité plénier pour approbation et ensuite, à la Régie interne.
Le sénateur Losier-Cool: Je propose la motion, monsieur le président.
Le sénateur DeWare: J'appuie la motion.
Le président: Le sénateur Losier-Cool, appuyée par le sénateur DeWare, propose que le budget de déplacement de notre comité soit approuvé.
Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le président: Nous recevons aujourd'hui Mme Susanna Wiesner, présidente, et Mme Judy Stymest, vice-présidente de l'Association canadienne des responsables de l'aide financière aux étudiants. Bienvenue au sous-comité de l'enseignement postsecondaire.
Mme Susanna Wiesner, présidente, Association canadienne des responsables de l'aide financière aux étudiants: Je suis directrice de l'aide financière à l'Université du Nouveau-Brunswick, à Fredericton, et Judy Stymest est directrice de l'aide financière à l'Université McGill. Nous travaillons toutes les deux dans le domaine de l'aide financière depuis plus de 20 ans et possédons donc une assez vaste expérience à cet égard. Nous allons traiter de l'un des grands enjeux de l'enseignement postsecondaire, à savoir l'amélioration de l'aide financière aux étudiants.
L'ACRAFE, notre association, représente les administrateurs de l'aide financière et des bourses qui travaillent dans les établissements postsecondaires du Canada. Nous avons l'occasion unique de rencontrer un fort pourcentage de la population étudiante. Notre clientèle est variée. Les étudiants viennent de toutes les régions du pays, sont inscrits dans toutes les disciplines et appartiennent à divers milieux socio-économiques; par ailleurs, beaucoup d'entre eux ont des responsabilités de parents. Non seulement nous occupons-nous de clients qui sortent directement de l'école secondaire, mais aussi d'un nombre croissant d'étudiants d'âge mûr, dont certains sont chefs de famille monoparentale et ont des obligations financières différentes de celles de la clientèle de l'école secondaire ou de la clientèle formée par les jeunes.
Nous administrons l'aide financière offerte par les établissements d'enseignement et offrons des services de consultation. Par ailleurs, nous jouons un rôle important dans la prestation des programmes publics d'aide financière aux étudiants. Nous aidons les étudiants à dénouer des situations administratives complexes; nous offrons des options financières et donnons des renseignements et des conseils sur la planification et la gestion financières. Nous veillons à ce que les étudiants reçoivent l'appui financier pertinent, qu'il s'agisse de prêts du gouvernement, d'aide de l'université, de prêts bancaires, d'emplois à temps partiel, tout ce qui consiste à aider les étudiants à s'acquitter de leurs obligations financières.
Nous établissons une relation privilégiée avec les étudiants qui nous confient leurs problèmes personnels et exceptionnels. Nous pensons jouer un rôle tout à fait unique dans nos établissements à cet égard. Nous voyons un fort pourcentage de nos étudiants. Je vois probablement près de 20 p. 100 de la population des étudiants à plein temps à l'Université du Nouveau-Brunswick. Nous fournissons aux étudiants l'aide dont ils ont besoin pour actualiser leur potentiel universitaire et croyons participer à la mission universitaire de notre établissement.
Les soucis financiers sont actuellement le plus grand facteur de stress externe des étudiants de nos établissements. Nous croyons donc avoir un rôle très important à jouer dans le domaine de l'aide financière aux étudiants qui, assurément, s'inquiètent actuellement énormément de leur endettement et de leur avenir financier.
Mme Judy Stymest, vice-présidente, Association canadienne des responsables de l'aide financière aux étudiants: L'autre soir, après avoir entendu le témoignage des étudiants, ma collègue et moi-même avons réalisé jusqu'à quel point la situation des étudiants universitaires d'aujourd'hui diffère de celle qui a été la nôtre dans les années 60 et 70. Les temps ont bien changé.
Dans les années 60, les frais de scolarité oscillaient entre 400 et 800 $; aujourd'hui, ils peuvent atteindre les 4 000 $, les moins coûteux étant pratiqués dans la province du Québec. Dans les années 60, les frais de subsistance s'élevaient à moins de 1 000 $ pour deux semestres; aujourd'hui, ils s'élèvent à près de 9 000 $. Dans les années 60, nous étions en mesure de gagner suffisamment d'argent au cours de l'été pour payer nos frais de scolarité; aujourd'hui, lorsqu'un étudiant a la chance de trouver un emploi loin de chez lui, cela lui permet de vivre pendant l'été uniquement. Il est beaucoup plus rare aujourd'hui que les étudiants puissent mettre de côté suffisamment d'argent pendant l'été pour payer leurs frais de scolarité.
A cette époque, il était beaucoup plus facile de retourner chez les parents, je crois. Actuellement, dans de nombreux cas, les parents se trouvent eux-mêmes dans une situation financière difficile. Qu'il s'agisse de compressions du personnel sur le lieu du travail, de retraite anticipée, d'éclatement de la famille, tous ces facteurs, ainsi que d'autres, ont contribué à une diminution de l'aide apportée par les parents. Je ne pense pas que beaucoup d'argent soit mis de côté pour l'université.
En outre, non seulement était-il assez facile d'obtenir des prêts à cette époque, mais aussi, le processus était très simple. On recevait un certificat de prêt et il suffisait de se rendre à la banque locale où le gérant nous signait un chèque. Bien sûr, on ne nous parlait pas de l'endettement, car cela ne posait pas vraiment de problème à cette époque.
Aujourd'hui, c'est un bureau central de traitement qui s'occupe des prêts aux étudiants; par conséquent, les banques locales ont un rôle moins important à jouer à cet égard. Les étudiants peuvent composer un numéro 1-800 pour obtenir toutes sortes de renseignements, mais la façon d'obtenir un prêt a bien changé. Nous avions également des programmes de bourses très généreux dans les années 60 et 70; même dans les années 80, tous les étudiants recevaient un prêt nominal et tout ce dont ils avaient besoin en plus leur était donné sous forme de bourses; en plus, nos établissements avaient des fonds de bourses dans lesquels ils pouvaient puiser. Les bourses sont maintenant chose du passé. Les établissements sont limités également dans la façon dont ils peuvent aider l'étudiant, car au-delà d'un certain point, l'aide n'est plus fournie par le gouvernement.
Nous estimons, de manière peu scientifique dois-je ajouter, qu'en moyenne, la dette s'élevait à environ 2 000 $. Aujourd'hui, il est courant pour les étudiants d'avoir un niveau d'endettement de 30 000 à 40 000 $. J'ai vu un exemple d'endettement de 60 000 $ et j'ai entendu parler d'un étudiant dont le niveau d'endettement était de 80 000 $. L'éventail est certainement plus vaste que les moyennes à cet égard.
En conclusion, nous avions très peu de difficulté à rembourser nos prêts du gouvernement, car le marché du travail était assez avantageux. Habituellement, une ou deux possibilités d'emploi s'offraient à nous tandis qu'aujourd'hui, il faut beaucoup plus de temps pour trouver un premier emploi.
Mme Wiesner: J'ai pensé aborder maintenant la question du niveau d'endettement qui a été largement débattue l'autre soir par les étudiants. Actuellement, les programmes fédéraux et provinciaux d'aide aux étudiants, dans la plupart des compétences, offrent surtout des prêts, ce qui est un changement des traditions. Ce changement qui consiste essentiellement à passer des programmes de prêts et bourses à des programmes de prêts essentiellement, s'est produit dans la plupart des provinces dans les années 90.
Certains établissements postsecondaires, y compris le nôtre, signalent une diminution de la proportion des étudiants bénéficiaires d'aide gouvernementale, depuis que l'accent a été mis surtout sur les prêts, assortis d'un petit élément de bourse dans certaines provinces.
Ceux d'entre nous qui nous spécialisons dans ce domaine depuis longtemps avions prédit que cette tendance inquiéterait les étudiants et leurs familles. Nous rencontrons tous les jours des étudiants, des étudiants potentiels, des parents ou des familles qui sont inquiets, se demandant comment ils vont pouvoir rembourser ces prêts importants.
Si la situation et le marché de l'emploi étaient stables, la plupart d'entre eux seraient prêts à s'installer, à devenir des citoyens et des contribuables responsables. Mais, compte tenu de la situation actuelle, le marché de l'emploi est extrêmement inquiétant pour les étudiants.
Dans la province du Nouveau-Brunswick -- et je prends cet exemple, car c'est la province que je connais le mieux --, un étudiant qui toucherait le montant maximum des prêts offerts par le gouvernement fédéral et par la province aurait, après quatre ans d'études, compte tenu d'une petite remise de 500 $ par an pour résultats scolaires satisfaisants, une dette de 31 300 $.
En outre, un grand nombre d'étudiants ont besoin d'un an de plus pour obtenir leur diplôme, parce qu'ils travaillent à temps partiel. Je connais de nombreux étudiants qui travaillent jusqu'à 30 ou 40 heures par semaine à temps partiel, non seulement en raison de financement insuffisant, mais aussi parce qu'ils cherchent à faire baisser leur niveau d'endettement.
L'autre soir, je disais à Judy que l'on ne connaissait pas un seul étudiant qui, lorsqu'on fréquentait l'université dans les années 60, était obligé de travailler. La qualité de l'éducation était alors importante et on pouvait faire des études sans avoir à travailler le soir chez Tim Horton -- ce qui semble l'endroit le plus populaire dans ma ville.
Après cinq ans d'études, le niveau d'endettement s'élève dans les 39 000 $. À cet égard, le marché actuel de l'emploi ne garantit pas la stabilité de revenu ni la capacité de gagner sa vie qui permettraient aux étudiants de rembourser ce genre de dette.
Le ministère du Développement des ressources humaines m'a envoyé hier des chiffres dont j'aimerais vous faire part. Si, par exemple, vous empruntez 30 000 $ et remboursez ce prêt sur 10 ans, vos versements mensuels s'élèvent à 430 $; sur cinq ans, ils s'élèvent à 667 $. Si vous empruntez 40 000 $ sur dix ans, les versements mensuels s'élèvent à 514 $; sur cinq ans, ils s'élèvent à 890 $. Avec un salaire médian progressif de 32 000 $ pour un diplômé du premier cycle, vous pouvez voir que le rapport entre les dettes et le revenu est certainement impossible à gérer.
Il semble probable que l'augmentation des niveaux d'endettement va réduire l'accessibilité à des études postsecondaires pour les étudiants financièrement défavorisés et réduire l'accessibilité à des programmes d'études coûteux. Cela nous préoccupe énormément. Nous avons vu beaucoup d'étudiants qui, pour des raisons financières, ont décidé de ne pas faire d'études supérieures. Cela pose un grand problème pour nous tous.
Nous devons alors nous pencher sur la question de la gestion de l'endettement et sur ce que nous pouvons faire au sujet des stratégies à cet égard. Dans mon mémoire, j'ai en fait intitulé cette partie «Nouvelles stratégies possibles de gestion de l'endettement des étudiants» et mes collègues de l'ACRAFE m'ont rappelé que nous avons fait plusieurs exposés de principes sur ces sujets au fil des ans.
Il y a eu un débat sur les bourses initiales, ce dont il a été fait mention l'autre soir. Nous pensons qu'il s'agit d'une bonne solution pour une population ciblée... les étudiants nécessiteux et les chefs de familles monoparentales, par exemple. En ce qui concerne l'accessibilité, à en juger par des travaux de recherche américains, l'octroi de bourses d'études aux étudiants de première année dans le besoin pourrait être un bon moyen d'accroître l'accessibilité aux études. Apparemment, d'après ces travaux de recherche, les étudiants de ce groupe seraient plus disposés à assumer des dettes une fois qu'ils ont confiance dans leur capacité de réussir leurs études. C'est un point qu'il faudrait, à notre avis, explorer; cela permettrait également de régler la question du niveau d'endettement. En tant que responsable des archives de l'ACRAFE, je me suis aperçue que nous avions fait pareille recommandation au début des années 80.
La deuxième option dont nous voulons débattre est celle des modalités de remboursements souples qui devraient être offertes aux étudiants et être adaptées aux cas individuels. Il semble qu'actuellement, les conditions de remboursement sont strictes et sans aucune souplesse. D'après notre expérience -- que nous tirons strictement de notre clientèle estudiantine --, l'emprunteur qui éprouve de telles difficultés a peu de recours. Nous pensons que toute nouvelle option de remboursement devrait inclure une forme de remise de dettes ou d'intérêts pour les étudiants qui ont tout fait pour s'acquitter de leurs obligations financières, mais qui ne peuvent pas rembourser leur emprunt en raison de la mauvaise situation de l'emploi.
Plusieurs options sont examinées à l'heure actuelle. Nous savons que le ministère du Développement des ressources humaines examine certaines options et ses représentants vous en parleront peut-être. Les options à envisager -- une fois d'autres solutions examinées, comme la consolidation de la dette et les programmes fédéraux d'exemption d'intérêts -- devraient comprendre une forme de remise et de dégrèvement temporaires pour les étudiants qui ne peuvent tout simplement pas s'acquitter de leurs obligations. Nous rencontrons beaucoup d'étudiants qui ont essayé de s'acquitter de leurs obligations. Il ne s'agit pas de personnes qui disparaissent et qui ne font aucun effort. Il s'agit d'étudiants qui font des efforts, mais qui, temporairement, ne sont tout simplement pas en mesure de faire leurs paiements. Compte tenu de la frustration et de l'anxiété ressenties par de nombreux étudiants à propos de leur avenir, une telle option permettrait de montrer aux étudiants que nous leur faisons confiance et que nous croyons qu'il vaut la peine de leur donner la chance de démarrer dans la vie.
Un programme fédéral travail-études est une autre proposition que nous avions faite au gouvernement fédéral en 1984. L'ACRAFE a fait mention dans son mémoire d'un genre de programme travail-études. Ce programme existe dans deux des provinces canadiennes depuis quelque temps et est offert dans certains établissements. Notre établissement n'a pas de programme de cette nature, mais les établissements qui en bénéficient sont d'avis qu'il s'agit d'un outil extrêmement précieux. Les étudiants sont embauchés sur le campus pour un nombre fixe d'heures par semaine. Cette expérience, non seulement améliore leurs chances de trouver du travail à la fin de leurs études, mais aussi permet de réduire la dette accumulée. Nous souhaitons examiner cette question de plus près.
Mme Stymest: La communication et l'éducation sont très importantes dans le contexte actuel. Étant donné que l'augmentation de l'endettement semble inévitable dans le contexte actuel de restrictions budgétaires, il est essentiel d'offrir aux étudiants les outils et l'information dont ils ont besoin pour bien gérer leurs finances et devenir des emprunteurs responsables. Nous devons amener les étudiants à un point où ils empruntent moins d'argent, en les conseillant sur des solutions autres que celles que représentent les prêts.
Nous croyons fermement que les étudiants veulent être des emprunteurs responsables. Cependant, le système actuel est si complexe -- un étudiant peut avoir un prêt fédéral dans une banque, un prêt provincial dans une autre et recevoir jusqu'à six documents d'emprunt par année -- qu'il est bien difficile pour les étudiants d'apprécier l'impact de la dette totale qu'ils ont accumulée.
Certains étudiants sont aussi forcés d'emprunter des sommes additionnelles auprès de prêteurs qui administrent leurs propres programmes de prêts aux étudiants. Un étudiant peut donc avoir trois emprunts assortis de taux d'intérêt différents et de modalités de remboursement rigides.
À la fin de leurs études, les étudiants doivent opter pour un taux d'intérêt fixe ou variable, avant consolidation de leurs dettes et souvent en fonction de renseignements fournis par téléphone. La plupart des étudiants ne connaissent même pas bien la signification de ces termes et encore moins l'impact que les paiements auront sur leur avenir. Les administrateurs de l'aide financière et des bourses ont des relations privilégiées avec les étudiants. Nous offrons un filet de sécurité, conseillons les étudiants sur la manière de gérer leur argent, sur les autres sources de revenus et sur la manière d'emprunter raisonnablement, en plus d'intervenir directement pour résoudre des problèmes administratifs. Ces services sont conçus pour fournir aux étudiants l'aide dont ils ont besoin pour actualiser leur potentiel universitaire.
Les institutions financières sont aussi un élément important de ce processus. La plupart des étudiants ont peu d'expérience du crédit et des prêts aux étudiants. Or, en tant que consommateurs, il est vital qu'ils comprennent bien le fonctionnement du crédit... ratio du service de la dette, taux d'intérêt, coûts d'emprunt, et ainsi de suite. Ils doivent être aussi informés de leurs droits et de leurs responsabilités relativement aux exemptions d'intérêts dont ils peuvent bénéficier.
Les prêteurs doivent fournir aux étudiants de l'information sur les programmes publics d'exemption d'intérêts et sur les choix qui s'offrent à eux en matière de remboursement. Il faudrait instituer des normes de service établies par les autorités fédérales et provinciales pour garantir que les étudiants bénéficient de conseils sur leur endettement et sur la consolidation de leurs dettes.
Tous les intervenants dans l'aide aux étudiants ont un rôle à jouer à cet égard. Les gouvernements ne doivent pas se désengager du processus de l'information. Ils doivent fixer des normes à l'intention des prêteurs et des établissements d'enseignement et veiller à ce que les étudiants disposent d'une information suffisante et appropriée.
Le président: Vous avez parlé de l'octroi de bourses initiales pour les étudiants nécessiteux. Dans tout le Canada, combien d'étudiants cela représente-t-il?
Mme Stymest: Il est très difficile de répondre à cette question, car s'ils n'arrivent pas dans nos établissements... nous ne pouvons pas vraiment estimer le nombre de personnes qui renoncent à poursuivre leurs études. Toutefois, nous savons que dans les provinces où les frais de scolarité ont augmenté, le nombre d'étudiants universitaires a diminué. Par conséquent, nous concluons qu'il y a un rapport entre le coût de l'éducation et le nombre des étudiants fréquentant l'université. Nous ne savons pas vraiment combien nous en perdons pour cette raison.
Mme Wiesner: Le nombre d'étudiants d'âge mûr et qui sont chefs de famille monoparentale a augmenté, mais je ne sais pas dans quelle proportion.
Le président: Qu'est-ce que vous entendez par étudiant nécessiteux? Que voulez-vous dire par «nécessiteux»?
Mme Stymest: Ce pourrait être un étudiant issu d'une famille à faible revenu, ou encore d'une famille de la classe moyenne qui compte plusieurs enfants qui sont tous inscrits à un programme d'études postsecondaires.
Toutefois, pour la plupart, les étudiants nécessiteux viennent de familles à faible revenu ou encore ont des personnes à leur charge -- des parents célibataires qui ont des frais de garde d'enfants et autres obligations financières, en plus de celles qu'ont habituellement les étudiants traditionnels qui terminent leur secondaire.
Mme Wiesner: Ce groupe d'étudiants n'a pas non plus de filet de sécurité. Bon nombre d'étudiants dans ma région souffrent parce que la famille a perdu son emploi ou parce que le chômage dans la région est chronique.
Certains de ces étudiants, en fait, aident financièrement leurs parents... et il s'agit d'un phénomène nouveau depuis que je m'occupe de prêts étudiants. Certains de ces étudiants aident leurs parents avec l'argent qu'ils ont gagné pendant l'été; et dans certains cas, une partie de leur prêt sert à aider la famille.
Le président: Quel genre de bourses seriez-vous prêt à offrir? Est-ce qu'un montant de 500 $ est jugé trop peu? Est qu'un montant de 2 000 $ est jugé trop élevé? Quelle est votre opinion là-dessus?
Mme Stymest: L'octroi d'une bourse de 500 $ n'encouragerait probablement pas un étudiant à s'inscrire à l'université. Il faudrait sans doute établir une échelle mobile en fonction des frais de scolarité; je pense que la bourse devrait varier entre 1 000 $ et 2 000 $.
Le président: Vous avez également dit qu'une dette de 40 000 $ serait jugée excessive. À votre avis, qu'est-ce qui constituerait une dette raisonnable?
Mme Stymest: Eh bien, après en avoir longuement discuté, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il n'y a pas de réponse à cette question. Une dette de 40 000 $, ce n'est peut-être pas excessif pour un étudiant qui se spécialise en dentisterie, en médecine ou en génie, mais ça l'est pour un étudiant qui se spécialise dans un domaine moins rémunérateur. Par conséquent, pour savoir ce qui constitue une dette raisonnable, il faut connaître non seulement la situation personnelle de l'étudiant, mais également son domaine de spécialisation.
Mme Wiesner: C'est pour cela que nous sommes d'accord avec l'idée d'associer toute forme de remise de dettes. Une fois que l'étudiant a consolidé ses dettes et que nous connaissons sa situation d'emploi, nous pouvons déterminer si son niveau d'endettement est raisonnable. À notre avis, il l'est par rapport à sa situation d'emploi.
Le président: Vous avez également parlé d'un programme travail-études. Pouvez-vous nous fournir une copie du programme que vous avez proposé en 1994?
Mme Wiesner: Oui.
Le président: Pouvez-vous remettre ce document au greffier du comité?
Mme Wiesner: D'accord.
Le président: À la page 5 de votre mémoire, vous dites:
Il faudrait instituer des normes de service établies par les autorités fédérales et provinciales pour garantir que les étudiants bénéficient de conseils sur leur endettement et sur la consolidation de leur dette.
Êtes-vous en train de dire qu'ils ne reçoivent pas de conseils à l'heure actuelle?
Mme Wiesner: D'après mon expérience, certains étudiants ne reçoivent pas l'information dont ils ont besoin pour prendre les décisions qui s'imposent; ce ne sont pas tous les étudiants, mais certains. À notre avis, tous les étudiants devraient avoir accès à un tel service, peu importe l'institution avec qui ils font affaire.
Le sénateur Forest: Vous parlez de programmes travail-études. L'Université de l'Alberta a mis sur pied, à l'époque où je fréquentais cet établissement, un programme d'études incluant des stages en entreprise. Les étudiants étaient obligés de faire une année de plus, mais le programme leur permettait, en effet, d'acquérir de l'expérience au sein d'une entreprise dans leur domaine de spécialisation, et aussi de toucher un revenu. Ils bénéficiaient donc d'une certaine stabilité, éprouvaient moins d'anxiété et finissaient souvent par trouver un emploi permanent.
Ce facteur n'est-il pas important? Je ne sais pas ce qu'ont fait les autres universités, mais cette formule semblait fonctionner. Nous avons commencé par l'appliquer aux programmes d'études commerciales et techniques, mais depuis, nous l'avons étendu à d'autres programmes. Est-ce que l'étudiant en bénéficie?
Mme Wiesner: Oui. L'Université du Nouveau-Brunswick a mis sur pied un important programme d'enseignement coopératif qui connaît beaucoup de succès. Je n'ai pas de chiffres avec moi, mais un très grand nombre d'étudiants finissent par trouver un emploi permanent dès qu'ils ont obtenu leur diplôme.
Le sénateur Forest: Mais vous ne savez pas combien d'étudiants, à l'échelle nationale, participent à ces programmes?
Mme Wiesner: Non. Toutefois, je crois que nous pouvons trouver ces renseignement et vous les communiquer.
Le sénateur Forest: Vous avez parlé des paiements qui doivent être versés tous les mois pour rembourser une dette de 30 000 $ ou de 40 000 $. L'étudiant aux prises avec une telle dette serait obligé de la rembourser à quel taux d'intérêt? Je sais que le taux varierait en fonction des modalités de remboursement, du taux en vigueur, ainsi de suite, mais j'aimerais avoir une idée générale. Que versent-ils comme taux d'intérêt? Est-ce que cette dette de 40 000 $ leur coûte, en fait, 60 000 $?
Mme Wiesner: D'après le tableau que nous a fourni le ministère du Développement des ressources humaines, pour une dette de 40 000 $ amortie sur dix ans, le montant total du remboursement serait de 68 886 $.
Le sénateur DeWare: Pouvez-vous nous donner plus de précisions au sujet de l'exemption d'intérêts de six mois, par exemple, lorsqu'un étudiant essaie de trouver un emploi ou de mettre sur pied une entreprise? Je crois comprendre aussi qu'un étudiant peut bénéficier de 18 mois d'exemption d'intérêts s'il ne trouve pas un emploi parce qu'il est malade, ou pour une autre raison. Qu'est-ce qui se passe quand des étudiants bénéficient de ces exemptions?
Mme Wiesner: Il faut comprendre que la période de six mois équivaut à un délai de grâce, mais que l'intérêt continue de s'accumuler. Il s'agit là d'un changement. Dans le passé -- et je ne sais plus quand le programme a été modifié --, le prêt était exempté d'intérêts pendant un certain temps. Ce n'est plus le cas. Il n'est pas nécessaire de rembourser avant six mois, mais l'intérêt est calculé à partir du premier jour.
En ce qui concerne le Programme canadien de prêts aux étudiants, vous pouvez demander jusqu'à 18 mois d'exemption d'intérêts une fois votre prêt consolidé. Il s'agit d'un bon programme, sauf qu'il n'est pas assez connu. Beaucoup d'étudiants ne savent pas qu'il existe. Toutefois, l'exemption d'intérêts n'est pas offerte par toutes les provinces. Certains étudiants sont donc non seulement confus, mais également vexés s'ils vivent dans une province où ils peuvent bénéficier d'une remise d'intérêt sur le prêt obtenu dans le cadre du programme canadien, mais pas sur le prêt provincial. S'ils ne sont pas en mesure de rembourser leur dette, je ne sais pas qu'elle est la réponse. Nous devrions peut-être poser cette question aux représentants des banques, plus tard ce matin.
Le sénateur DeWare: Ce prêt provincial serait donc géré par le gouvernement provincial?
Mme Wiesner: Oui. Certaines provinces n'ont pas prévu cette modalité dans les contrats conclus avec les banques.
Le sénateur DeWare: Combien de provinces n'offrent pas d'exemption?
Mme Wiesner: La plupart. Le Nouveau-Brunswick n'offre pas d'exemption. L'Alberta, la Saskatchewan, l'Ontario, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve en offrent une, mais pas la Colombie-Britannique, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur DeWare: Comment la même banque parvient-elle à coordonner les prêts fédéraux-provinciaux?
Mme Wiesner: Il faudrait poser cette question aux banquiers.
Le sénateur DeWare: Il n'est pas logique qu'un étudiant obtienne un prêt auprès de deux ou trois institutions. Comme vous le dites, s'ils sont confus, je comprends pourquoi.
Mme Wiesner: Il serait intéressant de poser cette question aux représentants des banques et du ministère du Développement des ressources humaines. Nous espérons que les choses pourront être simplifiées.
Le sénateur DeWare: Lorsque des étudiants demandent un prêt, est-ce qu'il y en a qui sont victimes de discrimination parce qu'ils ont, par exemple, travaillé ou abandonné leurs études pendant un an ou deux? Est-ce qu'ils sont pénalisés à cause de cela?
Mme Wiesner: On effectue une évaluation des besoins dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants. Il serait utile de poser cette question aux représentants du ministère du Développement des ressources humaines. Ils pourraient vous expliquer en quoi consiste cette évaluation. En ce qui concerne les étudiants qui ont déjà des responsabilités financières, des dettes, qui sont chefs de famille monoparentale, ainsi de suite, ces obligations ne sont pas prises en considération dans l'évaluation des besoins. Il y a beaucoup d'étudiants de première année qui font de sérieux efforts pour rembourser leur dette avant de s'inscrire à l'université. Toutefois, on ne tient pas compte de cela dans l'évaluation. Dans ces cas, l'institution essaie de faire en sorte que les étudiants aient suffisamment d'argent à leur disposition.
Le sénateur DeWare: Parce que cela montre clairement qu'ils sont très responsables.
Mme Wiesner: C'est exact.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: Ma question concerne les bourses et les prêts. Mardi soir, on nous a dit que dans les provinces de l'Atlantique, depuis les années 1992-1993, il n'y a plus de bourses. Est-ce que ce sont des bourses des institutions ou des bourses du gouvernement?
Mme Stymest: Les bourses des institutions. Ce sont les bourses de la province qui sont amoindries. Il en reste quelques-unes, mais les bourses que nous avions auparavant n'existent plus.
Le sénateur Losier-Cool: Si l'on regarde cette étude faite par la Commission de l'enseignement supérieur des provinces de l'Atlantique, on y retrouve quelques exceptions où l'étudiant reçoit, tel qu'indiqué à la page 35, une bourse d'un certain montant.
[Traduction]
Mme Wiesner: Le Nouveau-Brunswick offre un programme de bourses, c'est vrai. Les autres provinces, les provinces de l'Atlantique, n'en offrent pas. Les étudiants peuvent obtenir une bourse en vertu de ce programme; toutefois, pour y avoir accès, ils doivent avoir touché le montant maximum des prêts offerts par le gouvernement fédéral et par la province. Donc, le niveau d'endettement des ces étudiants resterait le même. Ils ont accès à certaines bourses, oui, mais certaines provinces n'offrent que des prêts.
Le sénateur Losier-Cool: Je pensais que le Nouveau-Brunswick avait lui aussi supprimé son programme de bourses en 1993, mais vous me dites que ce n'est pas le cas?
Mme Wiesner: Non, la province ne l'a pas supprimé... et c'est d'ailleurs quelque chose que je tenais à clarifier. La Fédération canadienne des étudiants et étudiantes s'est trompée. Ce programme existe toujours au Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Andreychuk: Il y a plusieurs années, le gouvernement et le public étaient fort inquiets au sujet des abus qui étaient commis... le non-remboursement des paiements, ainsi de suite. Quelle est la situation aujourd'hui? Croyez-vous que les étudiants sont prêts à se montrer responsables et à rembourser leurs dettes?
Mme Stymest: Les problèmes que nous avons connus dans le passé étaient en partie attribuables à un manque d'information et à la complexité inhérente du système. Dans bien des cas, ce n'est pas que les étudiants étaient irresponsables, mais plutôt qu'il était très difficile d'obtenir des renseignements et très facile de ne pas effectuer des paiements, d'où l'idée que les étudiants étaient irresponsables. Il y a sans doute un pourcentage d'étudiants, tout comme il y a un pourcentage de la population en général, qui sont irresponsables. Toutefois, je ne crois pas que les étudiants, de manière générale, sont irresponsables ou qu'ils l'ont été, mais plutôt qu'il était facile pour eux, en raison du système, de ne pas rembourser leur prêt -- mentionnons, par exemple, l'imposition de modalités de remboursement rigides. S'ils n'avaient pas d'emploi, mais voulaient rembourser leur prêt, ils ne pouvaient pas rembourser leur dette de toute façon, mais c'était avant que n'entrent en vigueur les régimes d'exemption d'intérêts.
Le sénateur Andreychuk: Donc, vous croyez que les régimes d'exemption d'intérêts ont permis de régler la majorité des problèmes?
Mme Stymest: Ils ont permis de les réduire.
Le sénateur Andreychuk: Y a-t-il d'autres moyens que nous pourrions utiliser? Avez-vous un plan ou une solution à proposer?
Mme Stymest: Je crois que, dans certains cas, il faudrait offrir de l'aide aux étudiants qui ont terminé leurs études et qui ont un niveau d'endettement élevé. Il y a des cas où certains étudiants ont accumulé des dettes excessives qu'ils ne sont pas en mesure de rembourser.
Le sénateur Andreychuk: Vous évaluez les besoins financiers des étudiants. Essentiellement, ce que nous essayons de faire, c'est de donner de l'argent aux étudiants qui en ont vraiment besoin. Nous avons depuis toujours l'impression -- même quand je fréquentais l'université -- que certains étudiants ne font pas vraiment d'efforts pour trouver d'autres sources de financement et que certains parents évitent de leur prêter de l'argent, et donc, que les étudiants qui finissent par obtenir des prêts bénéficient en quelque sorte d'un traitement de faveur par rapport à ceux qui font de sérieux efforts pour trouver d'autres sources de financement ou dont les familles les soutiennent financièrement. Que peut-on faire pour dissiper cette impression?
Mme Stymest: Nous rencontrons les étudiants individuellement, ce qui nous permet de les regrouper. L'association joue à ce chapitre un rôle très important puisqu'elle aide les étudiants qui n'ont pas suffisamment d'argent.
Le sénateur Andreychuk: Est-ce que vous jetez un coup d'oeil uniquement sur les chiffres, ou est-ce que vous tenez compte d'autres facteurs?
Mme Wiesner: Le programme du gouvernement est très sévère pour ce qui est de l'évaluation des besoins. Les critères sont très différents de ceux que nous appliquerions. Les règles d'admissibilité fixées par le programme sont très rigides.
Le sénateur Andreychuk: Je dirais plutôt le contraire. Si vous vous contentez tout simplement d'accepter quelqu'un parce qu'il dit ne pas avoir d'argent, ne pas avoir de fonds dans son compte, et cetera, on ne peut pas dire que ce critère est aussi sévère que celui qui consiste à évaluer leur capacité à améliorer leur situation.
Mme Wiesner: C'est vrai. Je fais partie du comité d'appel du Nouveau-Brunswick depuis des années, et dans bien des cas, on voit des étudiants dont les parents ont un coefficient d'endettement qui correspond à 60 ou à 80 p. 100 de leur revenu. Ces étudiants sont pénalisés parce que l'évaluation du programme du gouvernement précise que les parents doivent verser un certain montant d'argent en guise de contribution. L'étudiant a l'impression d'être privé d'une éducation à cause de ses parents. Dans ces cas, nous disons à l'étudiant que cela n'est pas juste et nous essayons de corriger la situation. Nous voyons beaucoup de cas où cela constitue un problème.
Le président: Sénateurs, nous allons maintenant accueillir des représentants de la Canadian Imperial Bank of Commerce Finance Inc. Monsieur Lapointe, vous avez la parole.
M. Mike Lapointe, président-directeur général, CIBC Finance Inc.: Nous vous avons soumis un mémoire détaillé. J'aimerais toutefois commenter certaines des principales recommandations que nous avons formulées.
La CIBC Finance Inc. est une filiale de la CIBC qui s'occupe de prêts étudiants. Nous souhaitons aujourd'hui vous expliquer notre rôle en tant qu'un des principaux fournisseurs de prêts étudiants parrainés par le gouvernement au Canada.
La CIBC dessert non seulement plus de 350 000 étudiants clients, mais s'intéresse également aux questions touchant la jeunesse et l'emploi chez les jeunes.
Ces audiences constituent une excellente occasion de procéder à un examen de l'enseignement postsecondaire au Canada. Il est absolument essentiel, pour le développement économique futur du Canada, que nous nous assurions de posséder un système d'aide et de prêts aux étudiants de première qualité. La CIBC s'engage à oeuvrer de concert avec le gouvernement pour résoudre un certain nombre de graves problèmes qui touchent le programme de prêts aux étudiants.
En 1994, la CIBC a comparu devant le comité permanent du développement des ressources humaines de la Chambre des communes. Elle a accueilli favorablement le projet de loi C-28, qui modifiait la Loi canadienne sur les prêts aux étudiants, y voyant le début d'un nouveau partenariat entre le gouvernement fédéral et la communauté financière. Nous croyons et continuons de croire que ce partenariat favorise à la fois les étudiants, les contribuables et les établissements financiers.
La participation de la CIBC au programme de prêts étudiants parrainés par le gouvernement nous donne l'occasion d'établir avec les jeunes Canadiens des relations étroites et concrètes qui se poursuivront tout au long de leur vie. Même avant que la CIBC ne conclue des ententes avec le gouvernement fédéral et plusieurs gouvernements provinciaux, elle n'ignorait pas que les prêts aux étudiants constituaient une activité peu rentable. Toutefois, en appliquant notre savoir-faire, en centralisant nos opérations liées aux prêts étudiants et en créant un service national pour traiter les prêts rapidement et efficacement, la CIBC demeurait convaincue que le coût lié à la prestation des prêts étudiants serait très concurrentiel.
Or, malgré nos investissements, les améliorations apportées au traitement des demandes et aux services offerts aux étudiants, l'expérience de la CIBC à l'égard des programmes de prêts étudiants n'est pas à la hauteur des attentes initiales. Les taux de défaut de paiement sont plus élevés que prévus. Cette situation est attribuable à un certain nombre de facteurs, dont le chômage élevé chez les jeunes, le sous-emploi, les niveaux d'endettement élevés, les changements apportés aux programmes sociaux, qui ont modifié le profil des risques associés aux bénéficiaires de prêts étudiants, et la législation sur la faillite qui permet aux étudiants de ne pas rembourser leurs prêts. Ces nouveaux éléments ont provoqué un changement important du profil des risques associés aux prêts aux étudiants et du niveau d'endettement des étudiants depuis la signature, en 1995, de l'entente originale entre le gouvernement fédéral et les institutions financières.
Nous soumettons au comité deux séries de recommandations au comité. La première porte sur la gestion du risque.
Étant donné notre expérience jusqu'à maintenant, c'est à se demander si le système actuel de prêts aux étudiants peut être maintenu à l'expiration, en 1999, du contrat passé entre le gouvernement et les établissements financiers. Pour préserver la viabilité financière du Programme canadien de prêts aux étudiants (PCPE) à long terme, les institutions financières et le gouvernement fédéral devraient commencer à collaborer en vue de parvenir à un partage plus équitable des risques inhérents à l'administration du programme.
Toutes les solutions susceptibles d'améliorer la gestion du risque financier associé à l'administration du programme par les institutions financières devraient être étudiées, y compris l'exemption d'intérêts et l'allégement de la dette pour les étudiants qui sont incapables de remplir leurs obligations à la fin de leurs études. Le gouvernement devrait aussi réévaluer la structure des primes de risque et le montant payé aux institutions financières.
Avant de mettre en oeuvre les changements projetés dans les programmes sociaux qui encouragent le recyclage et la rééducation, le gouvernement devrait effectuer une analyse des conséquences qu'auront ces changements sur le Programme canadien de prêts aux étudiants. Une analyse de ce genre contribuera à évaluer l'impact de ces mesures sur le profil des risques associés au PCPE et sur l'endettement des étudiants. Les institutions financières participantes devraient être consultées avant que ces changements soient entrepris. Les gouvernements et le secteur privé devraient oeuvrer ensemble pour trouver de nouveaux moyens de réduire le taux de chômage chez les jeunes.
Dans le projet de loi C-5 amendant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, les sections qui ont pour effet de resserrer les conditions permettant aux bénéficiaires d'un prêt étudiant de déclarer faillite devraient être promulguées. Comme vous le savez, le comité sénatorial des banques et du commerce étudie à l'heure actuelle le projet de loi C-5.
Les étudiants doivent être mieux préparés pour prendre des décisions judicieuses en matière de finances personnelles et ils doivent apprendre comment utiliser leur crédit et leur prêt étudiant durant leurs études. Tous les partenaires devraient parrainer des services d'orientation financière, des séminaires et des ateliers à l'intention de l'ensemble de la population estudiantine.
Notre seconde série de recommandations porte sur des problèmes administratifs.
Le système actuel de prêts aux étudiants est inefficace, incohérent et inutilement complexe. Par exemple, monsieur le président, il est possible pour des étudiants qui obtiennent un prêt étudiant provincial et fédéral de signer 16 certificats et 16 ententes de prêts durant leurs quatre ans d'études. Des inefficacités de ce genre font augmenter les coûts administratifs et font diminuer le degré de satisfaction des étudiants à l'égard du programme de même que la compréhension qu'ils en ont. Elles compliquent et rendent plus difficile la perception des prêts.
Nous recommandons donc que le gouvernement, les institutions financières et les établissements d'enseignement collaborent dans le but de simplifier l'administration des programmes de prêts aux étudiants au Canada. Les programmes de prêts étudiants fédéral et provinciaux devraient être regroupés en un seul programme, dont le coût serait partagé par les différents paliers de gouvernement. Cette mesure aurait pour effet de réduire les formalités que les étudiants ont à remplir, de simplifier les exigences administratives que les étudiants et les institutions financières doivent respecter, de faire économiser de l'argent aux contribuables et de fournir aux étudiants un accès universel aux outils de gestion des dettes.
L'élimination des tracasseries administratives pour les étudiants et l'amélioration de leur satisfaction à l'égard du Programme canadien de prêts aux étudiants devrait faire partie des principaux objectifs de toute modification du PCPE. Les gouvernements, les institutions financières et les établissements d'enseignement devraient partager davantage l'information qu'ils détiennent afin de rationaliser l'administration du programme. Si l'on ne parvient pas à résoudre la question du partage des risques et les problèmes administratifs, l'avenir du programme sera compromis, un programme qui s'impose si l'on veut que les Canadiens possèdent l'instruction et les compétences nécessaires, pour assurer non seulement leur propre avenir mais aussi la capacité concurrentielle et la prospérité futures du pays.
La CIBC s'engage à servir le marché des jeunes et est fière du travail qu'elle accomplit pour traiter et consentir des prêts étudiants parrainés par le gouvernement. Cependant, les problèmes auxquels le Programme de prêts aux étudiants fait face nécessitent notre attention d'urgence si nous voulons continuer à relever le défi. La CIBC est prête à offrir sa collaboration et à contribuer à une discussion constructive avec le gouvernement afin de trouver une solution à ces problèmes.
Mme Ferguson et moi-même répondrons avec plaisir aux questions portant sur les prêts que nous consentons aux étudiants et, en fait, sur n'importe quelle autre initiative de la CIBC destinée à la jeunesse.
Le président: Je lisais dans le journal tout juste l'autre jour que les banques devraient faire d'avantage pour aider les étudiants. Par exemple, lorsqu'un étudiant a contracté un prêt avec la CIBC, s'il se lance en affaires après avoir obtenu son diplôme, il fait de nouveau appel à votre banque; lorsqu'il commence à faire de l'argent, il dépose chez vous ses économies et lorsqu'il se marie, il se tourne de nouveau vers votre banque. Le prêt étudiant vous permet d'avoir le premier contact avec cette jeune personne énergique qui a de meilleures chances de dénicher un emploi et de toucher un revenu plus élevé. Il s'agit donc d'un meilleur client pour votre banque. Croyez-vous, comme le suggère l'article, que vous devriez faire davantage?
M. Lapointe: Je crois que c'est exactement ce que nous faisons. Nous sommes bien sûr conscients de tout le potentiel que représente cette clientèle. Nous avons été l'une des banques les plus dynamiques dans le secteur des prêts aux étudiants pour deux raisons. La première, c'est que nous voulons établir un lien avec la jeunesse d'aujourd'hui, non seulement pour remplir nos obligations sociales mais aussi pour les perspectives commerciales que cela représente pour l'entreprise, cela ne fait aucun doute. La deuxième raison c'est que, comme beaucoup de nos clients actuels veulent faire profiter leurs familles des programmes de prêts étudiants, il nous a semblé important de participer à ces programmes afin d'offrir ce service à nos clients actuels.
Nous ne consentons pas des prêts étudiants pour faire de l'argent. Nous contribuons au profil de risque du programme. La prime de risque que nous recevons ne suffit pas à couvrir les pertes futures associées au programme. Nous compensons cette différence en puisant dans nos recettes. Nous avons mis sur pied le Centre national CIBC pour étudiants il y a deux ans sous l'égide de la filiale. Nous n'avons réalisé aucun bénéfice sur les prêts étudiants et nous sommes prêts à continuer de la sorte.
Ce qui nous préoccupe c'est qu'il y a, en ce qui a trait au chômage et au sous-emploi, un important changement démographique associé à l'endettement en forte croissance qui rendent non rentable le programme tel qu'il était à l'origine. Bien que nous soyons prêts à contribuer et que nous estimons faire beaucoup à cet égard, nous ne sommes pas disposés à accepter, au nom de nos actionnaires, une part excessive de risques attribuable à la politique sociale et aux objectifs structurels.
Le président: Vous avez dit dans votre mémoire que la valeur des réclamations présentées dans le cadre du PCPE est passée à 70 millions de dollars. Avez-vous des chiffres correspondants en ce qui a trait aux réclamations présentées dans le cadre de programmes provinciaux?
Mme Sandra Ferguson, vice-présidente, Gestion des produits pour étudiants, CIBC Finance Inc.: Nous disposons de beaucoup de données, mais nous ne les avons pas sous la main pour l'instant. Les tendances sont très similaires à l'égard de tous les htmects des programmes auxquels nous participons.
Le président: Pourriez-vous rassembler ces données et les transmettre à notre greffier?
Mme Ferguson: Bien sûr.
Le président: Dans votre recommandation I.a), vous parlez d'exemption d'intérêt et d'allégement de la dette pour les étudiants. Ne s'agit-il pas déjà d'un htmect du programme? Ou dites-vous qu'il faut offrir davantage de programmes en ce qui a trait à l'exemption d'intérêts et à l'allégement de la dette et que votre banque doit se pencher dès maintenant sur cette question?
M. Lapointe: Il faut absolument trouver de nouveaux moyens pour améliorer le programme d'exemption d'intérêt et d'allégement de la dette. À vrai dire, étant donné l'augmentation de l'endettement chez les étudiants et l'augmentation du chômage et du sous-emploi, les outils qui s'offrent à l'heure actuelle, plus particulièrement le programme d'allégement de la dette, ne permettent pas de répondre aux besoins futurs. Ce programme ne date pas d'hier et, en toute franchise, il n'y a pas autant d'étudiants qui peuvent y avoir accès. En effet, les exigences en matière de revenus sont telles qu'il a été conçu pour répondre au niveau d'endettement d'il y a peut-être cinq ou dix ans qui atteignait alors quelque 8 700 $. Aujourd'hui, un étudiant doit s'attendre à quitter l'école avec une dette de 17 000 $ -- et je parle d'une moyenne -- et on s'attend à ce que ce chiffre passe à 25 000 $ d'ici deux ou trois ans. Le programme n'a pas suivi ce rythme. Pour répondre aux besoins futurs, il faut mettre au point des programmes tant en ce qui concerne l'exemption d'intérêt que l'allégement de la dette.
Le président: Avez-vous des suggestions à faire?
M. Lapointe: Pour l'instant, Développement des ressources humaines Canada examine un certain nombre de propositions de même que de nombreuses variantes de ces dernières. Essentiellement, nous n'en choisirons pas une en particulier. La question centrale pour nous, c'est que les outils d'allégement de la dette devraient intervenir après l'obtention du diplôme, en fonction des besoins de l'étudiant, de son niveau d'endettement et de ses chances de gagner un revenu. Il faudrait donc les évaluer périodiquement en fonction des besoins. Si, parce qu'il est en chômage ou sous-employé, l'étudiant ne peut tout simplement pas rembourser sa dette dans une période raisonnable, il faudrait alors faire intervenir ces outils d'exemption d'intérêt et d'allégement de la dette pour ramener l'endettement à un niveau plus raisonnable.
Le président: Les banques apporteront-elles dès maintenant des changements à ces outils d'allégement de la dette ou attendront-elles la signature de la nouvelle entente?
M. Lapointe: Nous aimerions que ces outils soient mis en place dès maintenant, mais cela n'est pas de notre ressort. Ils doivent être rendus obligatoires par le gouvernement fédéral. En fait, nous aimerions qu'ils soient harmonisés et coordonnés avec tous les gouvernements provinciaux pour éviter la confusion qui règne à l'heure actuelle.
Le président: En ce qui a trait à votre recommandation I.d), vous y faites allusion aux modifications proposées à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Ces modifications dont vous avez parlé resserraient les conditions permettant aux bénéficiaires d'un prêt étudiant de déclarer faillite dans les deux premières années suivant l'obtention du diplôme. Avez-vous des données sur le nombre d'étudiants qui ont déclaré faillite dans les deux ans qui ont suivi la fin de leurs études?
M. Lapointe: Non, nous n'en avons pas.
Le président: Vous n'avez rien?
M. Lapointe: Non, nous ne possédons aucune donnée. Nous nous engagerons à fournir certaines données. Nous ne nous occupons que des prêts étudiants parrainés par le gouvernement. Votre question est beaucoup plus vaste. Cependant, nous nous engagerons, si ces données existent, à les fournir au sous-comité à une date ultérieure.
Le sénateur Forest: Vous avez dit que le risque s'était considérablement accru et que vous n'aviez pas réalisé de bénéfices. Avez-vous une idée ou pouvez-vous nous donner une idée de l'importance de vos pertes?
M. Lapointe: Le nouveau Programme canadien de prêts aux étudiants est assez récent. Les changements apportés au programme, parmi lesquels se range le paiement par les banques d'une prime de risque, ont été promulgués il y a deux ans. Il est beaucoup trop tôt pour nous prononcer. Les étudiants commencent tout juste maintenant à rembourser les premiers prêts. Au cours de l'année prochaine, nous serons en mesure de mieux connaître la situation.
Cependant, avant que les modifications soient apportées au Programme canadien de prêts aux étudiants, nous avons conclu un certain nombre d'ententes avec les provinces. Nous croyons que ces dernières sont un reflet assez fidèle de ce qui va se passer avec le programme fédéral. Ces expériences, qui viennent s'ajouter à l'endettement plus élevé et au problème de chômage dont je viens tout juste de parler, nous ont convaincus que les défauts de paiement seront plus nombreux que ce que nous avions prévu à l'origine.
Le sénateur Forest: Votre observation s'appuyait donc sur les pertes futures et non sur les pertes actuelles?
M. Lapointe: C'est exact.
Le sénateur Forest: Vous parlez de la nécessité de rationaliser et de collaborer... et je suis tout à fait d'accord avec cela. Vous parlez de meilleures conditions ou d'une meilleure réglementation régissant l'allégement des intérêts et de la dette. Il y a trois groupes en cause: le gouvernement fédéral, les provinces et les banques. Les banques sont-elles prêtes à assumer une partie de cet allégement?
M. Lapointe: Nous le sommes. Nous croyons que tout devrait être mis sur la table, y compris l'allégement de la dette et les structures de la prime de risque. Comme je l'ai dit plus tôt, la compensation que nous recevons est beaucoup moindre que le taux réel des défauts de paiement. Nous subventionnons donc à l'heure actuelle le programme en puisant dans nos recettes. Nous sommes disposés à examiner la restructuration complète des dispositions concernant le risque, y compris notre participation à l'allégement des intérêts et de la dette.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: Au début de l'année universitaire, on sait que des représentants des différentes institutions financières se rendent au campus de l'université où ils essaient d'éduquer, si on peut dire, ou du moins de donner de l'information aux élèves et aux étudiants sur la façon à suivre pour obtenir des prêts et bourses. Qu'il y ait différents critères pour des prêts, je peux le comprendre. Il est certain que l'élève va peut-être regarder les taux d'intérêt; mais l'institution financière doit certainement regarder, aussi, la capacité financière des parents à rembourser ou la contribution que les parents doivent donner. On nous l'a dit tout à l'heure.
Est-ce que la discipline choisie par l'élève peut être un critère vis-à-vis son prêt? En d'autres mots, est-ce qu'il y a des disciplines qui sont plus aptes à déboucher sur un emploi au bout de quatre ans? On dit toujours que, si on va dans les arts, peut-être qu'il sera plus difficile de rembourser un prêt. Est-ce que la discipline que l'élève choisit est un critère pour avoir un prêt?
[Traduction]
Mme Ferguson: Les programmes de prêts aux étudiants parrainés par le gouvernement se fondent sur une évaluation effectuée par les gouvernements. Les institutions bancaires ne participent pas au processus. En général, les banques interviennent dans l'évaluation des besoins plutôt que de la solvabilité. DRHC peut vous dire s'il examine les disciplines dans le cadre du processus éducatif lorsqu'il évalue les besoins. À ma connaissance, cela n'en fait pas partie.
Le sénateur Losier-Cool: Pourtant, vous voulez que ce prêt soit remboursé autant que faire se peut. Vous voulez aussi la garantie d'emprunt. Dans le cadre du processus de prêt, demandez-vous à l'étudiant son domaine de spécialité?
M. Lapointe: Non, nous ne le faisons pas. Nous n'avons absolument aucune influence, qu'il s'agisse des étudiants admissibles à un prêt étudiant ou de l'importance du prêt qu'ils toucheront. Une fois que le gouvernement a fait ce choix, nous sommes obligés d'avancer les sommes nécessaires. Il n'y a aucune discussion. Nous n'avons même pas cette information. Le gouvernement nous fait savoir qu'un étudiant en particulier a droit à un certain montant d'argent et, conformément au contrat que nous avons conclu avec lui, nous sommes obligés de débourser cet argent sans poser de questions sur le dossier de crédit.
Le sénateur Andreychuk: Je veux revenir à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Vous avez dit avec éloquence que les étudiants sont, à l'heure actuelle, aux prises avec des difficultés financières à cause de la façon dont le gouvernement fédéral et d'autres gouvernements, je dirais, administrent les programmes sociaux et à cause du manque de débouchés professionnels. Votre recommandation semble laisser entendre que les étudiants se prévalent inopportunément, pour une raison ou pour une autre, des dispositions de la Loi sur la faillite.
Tout de même, si des gens sont désespérés, ils devraient pouvoir utiliser tous les outils légalement mis à leur disposition pour alléger leur endettement. C'est là l'objet de la Loi sur la faillite. Pourquoi croyez-vous que l'on devrait apporter un changement pour les étudiants et pourquoi croyez-vous qu'ils font une chose d'abominable, si je peux m'exprimer ainsi?
M. Lapointe: Premièrement, laissez-moi vous dire que nous sommes tout à fait d'accord pour dire que si les étudiants sont désespérés, ils devraient pouvoir se mettre sous la protection de la Loi sur la faillite. Permettez-moi de vous donner quelques explications, si j'en suis capable.
L'ancien Programme canadien de prêts aux étudiants était un programme garanti par le gouvernement. Les étudiants qui ne pouvaient satisfaire à ses exigences n'en subissaient pas les conséquences sur leur dossier de crédit. Le gouvernement remboursait alors la banque et le dossier de crédit de l'étudiant n'était pas touché. Cela n'a jamais empêché un étudiant d'obtenir d'autres prêts à la consommation. Il n'en va plus de même maintenant. Avec le nouveau programme, là où le risque est assumé par les banques, nous appliquons nos techniques normales de gestion de la dette, y compris le rapport aux agences d'évaluation de crédit, et ainsi de suite, lorsque nous ne pouvons communiquer avec l'étudiant.
Cela étant dit, nous ne disposons aujourd'hui de données qui indique une augmentation du nombre d'étudiants proposant cela. Nous voulons dire, tout d'abord, que le taux des faillites de particuliers au Canada, pour tous les segments, sont en très forte hausse, aux alentours de 30 p. 100 par an au cours de l'année. Nous voulions, en collaboration avec Développement des ressources humaine Canada, éviter ce que nous pourrions appeler des «faillites stratégiques». Il s'agit du cas où un étudiant pourrait sortir directement de l'université, ne pas essayer d'honorer ses obligations -- ce qui est tout à fait différent de ne pas être en mesure de -- et se prévaloir immédiatement des dispositions d'une loi qui n'a pas été conçue à cette fin. C'est la raison pour laquelle nous avons recommandé, si vous voulez, un moratoire de deux ans qui découragerait un étudiant de se mettre prématurément sous la protection de la Loi sur la faillite.
Le sénateur Andreychuk: Et cela est prévu dans le projet de loi C-5? Je n'ai pas encore eu l'occasion de l'étudier.
M. Lapointe: À cet effet, oui. Les dispositions font encore l'objet de débats et de discussions puisque ce projet de loi n'a pas encore été promulgué.
Le sénateur Andreychuk: Vous êtes donc d'accord avec les modifications qu'apporterait le projet de loi C-5?
M. Lapointe: Oui.
Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit qu'il faudrait prévoir un plus grand nombre de mesures d'allégement de la dette, y compris l'annulation de la dette, si je peux m'exprimer ainsi, et que ces mesures devraient faire l'objet de discussions avec les gouvernements. Est-ce que ces mesures, à votre avis, devraient être offertes et par les provinces, et par le gouvernement fédéral?
M. Lapointe: Absolument. Les nombreux programmes offerts par les divers paliers de gouvernement sont très complexes. Certains, comme nous l'avons entendu plus tôt, offrent, par exemple, une exemption d'intérêts, et d'autres, non. Par conséquent, les étudiants n'ont pas accès aux mêmes mesures d'allégement de la dette et d'exemption d'intérêts. Nous proposons qu'un régime universel de gestion des dettes soit établi, et que les programmes fédéraux et provinciaux soient coordonnés et simplifiés pour que les étudiants puissent bénéficier des mêmes mécanismes d'exemption d'intérêts et d'allégement de la dette.
Le sénateur Andreychuk: À la page 9 de votre mémoire, vous dites que les étudiants doivent être mieux préparés pour prendre des décisions judicieuses en matière de finances personnelles, ainsi de suite. Cela s'impose, à mon avis. Mais vous ajoutez que les gouvernements devraient parrainer un plus grand nombre de services d'orientation financière, de séminaires et d'ateliers. Les écoles secondaires n'ont-elles pas un rôle à jouer dans ce domaine? Le système bancaire, à l'époque où j'étais étudiante, était très simple. Au cours de ces quatre années, j'ai appris à comprendre le fonctionnement du crédit, les risques qui y étaient associés, et ces renseignements m'ont été d'une grande utilité, car ces principes m'ont été inculqués très tôt. Il me semble que si ces ateliers sont donnés à la fin des études, il est trop tard pour changer les comportements, les attitudes, ainsi de suite. Ne devrions-nous pas faire plus au niveau secondaire?
Mme Ferguson: Comme nous l'avons mentionné plus tôt, notre banque a été une des premières à s'intéresser à la question du partage des risques. Nous entretenons des liens étroits avec nos clients à l'échelle du pays. L'année dernière, nous nous sommes rendu compte qu'il est important de renseigner très tôt les étudiants et leurs parents, parce qu'ils seront ainsi mieux en mesure de déterminer s'ils peuvent financer leurs études et, s'ils ne le peuvent pas, quels outils leur sont accessibles pour avoir accès à cette éducation.
Nous avons une équipe qui organise des ateliers dans les écoles secondaires lors des journées de formation et d'orientation. Nous nous rendons dans les écoles pour rencontrer les parents, s'ils sont présents, et les étudiants et discuter avec eux de crédit, ce qu'on entend par cela, les conditions qui y sont rattachées, les outils qui leur sont offerts pour financer leurs études. Nous nous sommes rendu compte qu'un tel besoin existait et nous avons mis sur pied un programme.
Le sénateur Andreychuk: Mais ces renseignements ne devraient-ils pas être fournis dans le cadre du programme d'études générales, le plus tôt possible?
M. Lapointe: C'est ce que nous pensons. Nous croyons faire des progrès à ce chapitre. Par exemple, l'année dernière, nous avons organisé 300 ateliers, mais cela ne suffit pas. Il faut faire encore plus dans ce domaine.
Le sénateur Losier-Cool: Dans votre mémoire, vous parlez du «gouvernement». Mais dans vos réponses, vous parlez de tous les intervenants... est-ce que vous faites partie de ce groupe?
M. Lapointe: Absolument.
Le sénateur Losier-Cool: J'estime que cette responsabilité n'incombe pas seulement aux gouvernements, mais à tous les intervenants.
M. Lapointe: Oui. Nous sommes conscients de nos responsabilités. Comme nous l'avons mentionné, nous prenons des mesures et nous prévoyons en adopter d'autres. Mais nous estimons également qu'il faudrait faire plus dans d'autres domaines... pour l'ensemble de la population, par exemple.
Le sénateur DeWare: Pour ce qui est de l'allégement de la dette, je crois que le gouvernement garantit maintenant 5 p. 100 de la valeur des prêts -- vous voulez que ce pourcentage soit majoré. Si tout le monde collaborait ensemble -- comme vous le soulignez, vous perdez de l'argent, mais si vous étiez prêt à abandonner votre prime de risque, plus celle du gouvernement, nous pourrions peut-être réduire la dette. Les banques perdent de l'argent à l'égard des prêts étudiants, mais pas à l'égard de l'ensemble de leurs opérations.
Le sénateur Losier-Cool: Elles le trouvent ailleurs.
Le sénateur DeWare: Est-ce que le ministère du Développement des ressources humaines devrait jouer un plus grand rôle en matière de création d'emplois pour les étudiants?
M. Lapointe: Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère et nous sommes fort impressionnés par les diverses propositions qui sont à l'étude. Ses bases de données sont excellentes. Il connaît très bien les enjeux et participe de façon active aux discussions sur le sujet.
Le sénateur DeWare: Combien de temps faut-il pour mettre tout cela en place?
M. Lapointe: Je ne le sais pas.
Le sénateur DeWare: Les étudiants souffrent pendant ce temps-là.
M. Lapointe: Cette question relève des pouvoirs publics.
Le sénateur DeWare: J'ai examiné les documents du ministère et j'ai vu que, d'après les critères d'admissibilité, les étudiants sont répartis en diverses catégories: il y a l'étudiant à charge, l'étudiant à charge qui vit à domicile, à l'extérieur, et l'étudiant autonome. Prenons l'exemple de l'étudiant autonome qui a travaillé pendant quelques années, qui a investi de l'argent dans des RÉER auprès de votre banque ou sur le marché monétaire, mais qui ne veut pas se servir de cet argent pour financer ses études. Il vient vous voir pour obtenir un prêt, mais le gouvernement dit qu'il va tenir compte de ce facteur et lui prêter moins d'argent parce qu'il est financièrement indépendant. Est-ce que cet étudiant est censé encaisser ses RÉER? C'est un citoyen responsable et vous devriez sûrement vouloir l'avoir comme client pour les années à venir.
M. Lapointe: Encore une fois, ce n'est pas nous qui décidons quel étudiant obtiendra un prêt. Les règles sont fixées par le gouvernement. Je tiens à préciser que nous accordons des prêts aux étudiants qui ne sont pas admissibles aux prêts parrainés par le gouvernement.
Le sénateur DeWare: De façon tout à fait indépendante?
M. Lapointe: Oui. Nous avons parlé jusqu'ici des prêts parrainés par le gouvernement. Nous offrons des programmes qui s'adressent spécialement aux étudiants et à leurs familles et qui leur permettent d'avoir accès à des prêts assortis de modalités de paiement fixes. Nous sommes très actifs dans ce marché.
Le sénateur DeWare: Mais si un étudiant qui n'est pas à la charge de sa famille vient vous voir pour obtenir un prêt?
M. Lapointe: Nous allons tenir compte, dans une certaine mesure, de son degré de solvabilité, de ses gains futurs possibles, ainsi de suite. Mais encore une fois, les modalités sont beaucoup plus souples que les conditions normales d'octroi de crédit que nous appliquons habituellement. Donc, en effet, lorsque nous rencontrons un étudiant comme celui que vous venez de décrire -- c'est-à-dire un étudiant qui n'est pas admissible à un prêt du gouvernement --, nous sommes prêts à l'aider.
Le président: Est-ce que la banque estime qu'elle devrait avoir son mot à dire au sujet des critères d'évaluation?
M. Lapointe: Les politiques sociales, je vais être très franc avec vous, ne sont pas de notre ressort. Toutefois, si l'évaluation a une incidence sur le profil des risques qui sont associés au programme auquel nous participons, nous croyons alors que nous devrions être consultés et que nous devrions pouvoir faire des recommandations au gouvernement pour que les programmes soient structurés de manière à tenir compte de cette réalité. C'est le gouvernement qui décide des changements qui seront apportés au programme. Toutefois, le programme lui-même, le partage des risques et le profil des risques sont tous des facteurs qui devraient être pris en considération. Des changements s'imposent peut-être à cet égard.
Le président: Ne pouvez-vous pas formuler des recommandations au gouvernement à n'importe quel moment et sur n'importe quel htmect du programme... et il n'est pas obligé d'en tenir compte?
M. Lapointe: Je suppose que oui.
Le président: Faites-vous des recommandations au gouvernement?
M. Lapointe: Nous formulons des recommandations, comme nous l'avons décrit ici, sur les changements qui devraient être apportés au programme. Nous n'avons pas de recommandation précise à faire au sujet de l'évaluation des besoins.
Le sénateur Forest: Je voulais revenir à la question des services d'orientation, puisqu'il s'agit-là, à mon avis, de quelque chose de très important. Je suis heureuse de voir que des mesures ont été prises à cet égard. J'ai travaillé dans divers systèmes scolaires pendant de nombreuses années. Les programmes d'études secondaires offrent habituellement des services d'orientation, mais je ne crois pas que cela soit suffisant.
Ma question est la suivante: lorsqu'un étudiant vient vous voir pour obtenir un prêt du gouvernement, est-ce que vous lui fournissez des conseils si vous croyez que son niveau d'endettement risque de devenir excessif, ou estimez-vous que cela n'est pas de votre ressort?
M. Lapointe: Nous aimerions jouer un plus grand rôle à ce chapitre. Encore une fois, nous n'avons aucun mot à dire au sujet de l'évaluation des besoins. Lorsqu'un étudiant vient nous voir, il sait déjà combien d'argent il veut, combien d'argent il lui faut, et il a déjà obtenu les autorisations nécessaires. Nous aimerions intervenir plus tôt dans le processus afin de pouvoir lui fournir ces conseils.
Le sénateur DeWare: Lorsque les ministres provinciaux de l'Éducation se réunissent, est-ce qu'ils vous invitent à prendre part à leurs discussions?
Mme Ferguson: Nous participons régulièrement à leurs discussions; toutefois, ils rencontrent souvent les représentants du gouvernement fédéral pour discuter de diverses questions relatives aux prêts étudiants, mais nous ne participons pas à ces rencontres. Nous avons demandé à y être invités.
Le sénateur DeWare: Et les sous-ministres, est-ce qu'ils vous invitent à leurs réunions?
Mme Ferguson: Non.
M. Lapointe: J'aimerais ajouter que nous collaborons de près avec les directeurs de tous les programmes. Nous les rencontrons régulièrement et nous participons activement aux discussions qui ont lieu à ce niveau.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lapointe et madame Ferguson.
Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant Mme Jane Weatherbie, qui est la vice-présidente du Service des prêts personnels auprès de la Banque de Montréal.
Mme Jane Weatherbie, vice-présidente, Service de prêts personnels, Banque de Montréal: Je compte aujourd'hui vous présenter un résumé du mémoire que nous avons déjà fourni au greffier.
L'éducation postsecondaire intéresse non seulement les écoles et les gouvernements, mais aussi le secteur privé. Il me fait plaisir aujourd'hui de vous parler de la Banque de Montréal et du rôle qu'elle a à jouer dans l'éducation postsecondaire. Bien entendu, nous sommes une banque, de sorte que les étudiants représentent un segment vital pour nous. Nous sommes aussi un employeur important et nous avons une grande foi en l'éducation permanente. Enfin, nous venons en aide aux établissements d'études postsecondaires dans les collectivités où nous faisons des affaires.
L'éducation a beaucoup évolué au cours des dernières années. En 1993, la Banque de Montréal a décidé de changer d'approche à l'égard des étudiants. En lançant notre Programme d'initiatives financières, nous sommes devenus la première banque à concevoir des produits de marque visant exclusivement le marché étudiant. Le Programme d'initiatives financières s'est enrichi, à partir d'août 1995, d'une marge-crédit aux étudiants, offerte comme solution de rechange au Programme canadien de prêts aux étudiants.
La marge-crédit aux étudiants est un produit de crédit renouvelable. Notre mémoire décrit certaines des caractéristiques du programme, mais j'aimerais vous en expliquer quelques-unes. Ce produit se distingue des nombreux autres qui sont offerts sur le marché en ce qu'il constitue une entente de crédit renouvelable. Cela veut dire que les étudiants retirent uniquement les sommes dont ils ont besoin, et non pas une somme forfaitaire. Ils peuvent commencer à effectuer des remboursements à n'importe quel moment. De plus, ceux qui ont la chance d'avoir un emploi à temps partiel ou un emploi d'été peuvent utiliser l'argent qu'ils ont gagné pour réduire leur dette.
En bénéficiant d'une marge de crédit, les étudiants peuvent réduire leurs dettes, mais également mieux gérer leurs finances. Donc, comme je l'ai mentionné, la marge-crédit aux étudiants est un produit de crédit renouvelable. Il comporte une limite de crédit maximale de 5 000 $ par année d'études et par étudiant, jusqu'à concurrence de 20 000 $. Ce programme vise la population que forme environ 70 p. 100 des étudiants qui ne sont pas admissibles aux programmes gouvernementaux ou qui ont besoin de financement supplémentaire.
La marge-crédit est offerte aux étudiants de premier cycle et diplômés qui sont inscrits à temps plein ou à temps partiel dans une université, un collège ou un autre établissement postsecondaire au Canada ou à l'étranger. Cela englobe également les nombreuses écoles techniques ou professionnelles qui ne font pas nécessairement partie des programmes de prêts provinciaux. Beaucoup d'étudiants demandent des prêts pour suivre des cours dans des établissements autres que les universités.
Les étudiants doivent répondre aux conditions normales d'octroi du crédit et, dans bien des cas, ils ont besoin d'un cosignataire. Les étudiants retirent uniquement les sommes dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin, et ils ne payent de l'intérêt que sur les fonds utilisés pendant toutes leurs études, jusqu'à un an après l'obtention de leur diplôme. Ils n'ont pas de frais à payer pour la marge de crédit et ils reçoivent des relevés mensuels qui indiquent les montants prélevés, le solde et l'intérêt à payer.
Tarifée au taux préférentiel plus un pour cent, la marge-crédit aux étudiants constitue un mode de financement peu coûteux comportant des versements abordables. Dans bien des cas, les étudiants économisent puisqu'ils ne payent de l'intérêt que sur les sommes réellement utilisées, et non sur le montant total du crédit disponible. À l'instar des programmes de prêts étudiants gouvernementaux, nous fournissons un répit aux étudiants qui ont de la difficulté à effectuer leurs versements. Toutefois, notre programme se distingue des autres en ce que les étudiants ne versent, pendant cette période, que l'intérêt. La plupart des autres programmes fédéraux ou provinciaux exigent que l'étudiant continue de rembourser le capital, le gouvernement leur venant en aide avec les paiements d'intérêt pendant cette période difficile.
Vous trouverez à l'annexe A des renseignements et des statistiques sur la marge-crédit aux étudiants que nous offrons.
Grâce à nos programmes, nous essayons de tisser des liens avec les étudiants et, dans certains cas, avec les établissements d'enseignement eux-mêmes. Par ses envois de relevés mensuels et ses contacts personnels avec les étudiants, la banque espère nouer des relations qui se prolongeront bien au-delà de la période de remboursement du prêt.
En ce qui concerne les établissements d'enseignement, nous pouvons créer à leur intention des programmes de prêts souples et personnalisés qui répondent à leurs besoins et à ceux de leurs étudiants. Notre rôle, dans ce cas, est d'octroyer et d'administrer les prêts. Par exemple, nous avons récemment conclu une entente de services financiers avec le Collège CDI de technologie et des affaires, et avec l'Institut de technologie de l'information. Cette entente a permis aux écoles d'offrir à leurs étudiants des solutions de financement; elle profite aussi à la banque en lui permettant d'établir des relations d'affaires avec de nouveaux clients.
Ces programmes visent à tenir compte des besoins des établissements particuliers. J'ai parlé de la limite de crédit maximale de 5 000 $ par année d'études et par étudiant. Les frais de scolarité de certains de ces collèges techniques sont plus élevés, mais les programmes sont de plus courte durée. Pour ces établissements, la limite est fixée à 15 000 $.
Nous avons parlé plus tôt de l'importance que revêt la formation et l'éducation, et aussi de la nécessité de sensibiliser les étudiants aux questions relatives à la gestion financière et au crédit. Nous avons un rôle à jouer dans ce domaine. Par exemple, nous avons publié un petit guide intitulé «Comment boucler son budget pendant les études»; j'en ai une copie avec moi. Nous distribuons ce guide à tous les finissants des écoles secondaires, ainsi qu'aux étudiants de première année d'université. Ce guide fournit toute une gamme de conseils aux étudiants sur la façon de gérer leurs dettes et sur leurs obligations financières. Il comprend également des renseignements sur le programme canadien de prêts aux étudiants et sur le programme offert par la Banque de Montréal.
Nos directeurs de succursale se rendent dans les écoles secondaires de tout le pays pour présenter aux étudiants finissants un exposé intitulé «En route vers les études postsecondaires» -- cela ressemble à ce que font nos collègues de la CIBC. Cet exposé est également donné au cours de la semaine d'orientation des étudiants de première année d'université et de collège.
En ce qui concerne le rôle de l'employeur, nous croyons fermement que les entreprises doivent s'engager dans la voie de l'éducation permanente. L'Académie de la Banque de Montréal encourage une culture de formation continue pour tous les échelons de l'entreprise. L'année dernière, la Banque de Montréal a dépensé 62 millions de dollars pour la formation à l'Académie, ce qui équivaut, en moyenne, à presque six jours de formation payée, spécialisée, offerte à chaque employé. De plus, nous avons versé près de 1,4 millions de dollars en remboursements de frais de scolarité à nos employés -- nous subventionnons leurs frais de scolarité, alors qu'ils poursuivent leur perfectionnement à l'extérieur de la banque.
Les entreprises ont également la responsabilité d'apporter un soutien aux collectivités dans lesquelles elles se trouvent. Les établissements postsecondaires dans bon nombre de ces collectivités en sont un volet important. En 1996, l'engagement financier total de la Banque de Montréal s'élevait à plus de 7 millions de dollars en ce qui concerne les établissements d'enseignement postsecondaire au Canada. Notre mémoire donne quelques exemples des partenariats que nous avons mis sur pied avec des établissements postsecondaires, non seulement des partenariats de financement, mais aussi des partenariats de collaboration avec étudiants et professeurs pour l'élaboration du programme d'études. J'aimerais toutefois attirer votre attention sur un de ces exemples en particulier.
Plus tôt ce mois-ci, la Banque de Montréal a consacré 3 millions de dollars à un programme de bourses qui permettra aux meilleurs élèves des écoles secondaires du Canada de fréquenter l'Université de Toronto. Notre don se compose d'un don direct de 2 millions de dollars et d'un don de un million de dollars qui est une combinaison des contributions des employés et de la direction doublée par un programme spécial de la banque. Notre don de 3 millions de dollars est à son tour doublé par le fonds d'affectation spéciale aux étudiants de l'Ontario et le propre programme de versements en contrepartie de l'Université de Toronto, ce qui crée ainsi le programme national des bourses d'études de la Banque de Montréal de 9 millions de dollars à l'Université de Toronto. Les bourses seront offertes à compter de l'année universitaire 1998 et représenteront chaque année de 7 500 $ à 12 500 $ par étudiant, selon les besoins de l'étudiant. En d'autres termes, trois fois plus d'étudiants pourront bénéficier du programme national de bourses d'études à l'Université de Toronto.
En conclusion, la Banque de Montréal appuie l'examen de votre sous-comité et croit fermement en l'importance des questions présentées à ces débats.
Le président: Votre banque s'intéresse-t-elle à d'autres universités du Canada, en Saskatchewan, par exemple?
Mme Weatherbie: J'ai pris la liberté de souligner un exemple. Toutefois, notre mémoire en fait mention de plusieurs autres. Nous remettons des contributions pendant les campagnes de souscription de plus de 40 établissements dans tout le pays, dont la Memorial University, l'Université du Nouveau-Brunswick, l'Université Laval, l'Université de Toronto -- dont nous venons de parler -- le Humber College et le Capilano College, pour n'en nommer que quelques-uns.
Le président: Oui, mais le programme le plus important, qui vaut des millions de dollars, a été mis sur pied pour l'Université de Toronto.
Mme Weatherbie: L'exemple que je vous ai donné est effectivement celui du programme national de bourses d'études à l'Université de Toronto.
Le président: Avez-vous des programmes de bourses d'études comme celui-ci pour Capilano, en Colombie-Britannique, par exemple?
Mme Weatherbie: J'ai simplement choisi cet exemple, mais je pourrais certainement vous donner plus de détails sur le genre de programmes de bourses d'études que nous avons dans d'autres universités.
Le président: Pourriez-vous les transmettre à notre greffier?
Mme Weatherbie: Absolument.
Le président: Au cours de votre exposé, vous aviez trois ou quatre feuilles en main dont l'une était intitulée «Programme d'initiatives financières pour étudiants». Pourriez-vous envoyer 10 copies de chacune de ces feuilles à notre greffier de manière que les autres membres du comité puissent se rendre compte des merveilleux services que la Banque de Montréal rend à nos étudiants?
Mme Weatherbie: Certainement.
Le sénateur Forest: Vous ai-je bien compris? Vous dites que l'étudiant paye de l'intérêt sur ses prêts étudiants de la Banque de Montréal au cours de ses années d'études...
Mme Weatherbie: Oui.
Le sénateur Forest: Ce n'est pas comme les autres prêts pour lesquels ils ne sont pas tenus de payer?
Mme Weatherbie: Non, cela ne fait pas partie du Programme canadien de prêts aux étudiants ni des programmes provinciaux où le gouvernement subventionne en fait l'intérêt pendant les années d'études. Avec un prêt étudiant de la Banque de Montréal, l'étudiant verse des intérêts seulement pendant ses études.
Le sénateur Forest: Vous avez parlé de 7 millions de dollars, 3 millions de dollars, soit un total de 10 millions de dollars. Compte tenu des gains de la banque récemment annoncés, pensez-vous que pour une grande société comme la Banque de Montréal, cela représente une somme réinjectée dans la collectivité qui soit suffisante?
Mme Weatherbie: Nous tirons fierté du fait que la Banque de Montréal est l'une des dix premières sociétés donatrices de tout le Canada et du fait que nous faisons chaque année des dons de plus de 10 millions de dollars, non seulement aux écoles, mais aussi à d'autres organismes de charité ou groupes de soutien communautaire.
Le sénateur Andreychuk: Ne pensez-vous pas que votre banque est privilégiée par rapport à d'autres entreprises, puisque chaque bourse et chaque contact représentent un investissement pour votre avenir, ainsi que pour l'avenir de l'étudiant et du Canada? Vous établissez des contacts et obtenez des clients privilégiés, dans la mesure où vous les traitez correctement et où des possibilités s'offrent à eux. La banque devrait certainement se demander de nouveau si l'investissement qu'elle fait dans la jeunesse du Canada est suffisant, compte tenu de la situation des banques dans les cercles financiers canadiens.
Si je soulève ce point, c'est à cause d'un débat sur la situation privilégiée de nos banques à charte par rapport à d'autres banques offshores. Pensez-vous que le Canada devrait donner l'avantage aux banques à charte si elles ne réinvestissent pas un montant correspondant dans l'avenir de nos jeunes?
Mme Weatherbie: Ce domaine ne relève pas directement de ma compétence, toutefois, je répondrais de deux façons. Vous abordez, je pense, deux questions distinctes, mais complémentaires. Premièrement, notre mécénat... et je le répète, nous sommes l'une des dix plus grandes sociétés donatrices du Canada. Ce mécénat est distinct de l'établissement de rapports avec les étudiants. En ce qui concerne le mécénat, il n'apparaît pas toujours clairement que c'est la Banque de Montréal qui finance un laboratoire informatique ou un projet de recherche scientifique en particulier.
L'autre question est celle du marché étudiant que nous visons par l'entremise de nos services de prêts et de nos services bancaires aux étudiants. Nous sommes une entreprise et envisageons la question sous l'angle d'un investissement pour l'avenir. Pour cette raison, les plans et les services que nous offrons aux étudiants sont fortement escomptés. Les services bancaires offerts aux étudiants sont escomptés de 70 p. 100 par rapport à la norme.
Le sénateur Andreychuk: Même s'il y a cet escompte, utile pour l'étudiant, vous arrivez toutefois à un seuil de rentabilité pour ce qui est de toutes vos transactions dans ce domaine; vous ne pouvez pas dire que cela épuise d'autres services financiers.
Mme Weatherbie: En toute honnêteté, je ne sais pas si les services bancaires que nous offrons aux étudiants rapportent ou non.
Le sénateur Andreychuk: Ma question n'est pas de savoir si vous faites de l'argent, mais vous n'en perdez pas non plus?
Mme Weatherbie: Je ne sais pas si nous perdons de l'argent. De toute évidence, nous avons eu une excellente année et je ne vais pas crier misère au nom de la banque. En ce qui concerne les services aux étudiants, je ne sais pas si nous atteignons un seuil de rentabilité ou non. Mais bien sûr, les étudiants sont notre avenir; s'ils sont en fait des clients pilotes, c'est une bonne décision d'investissement de notre part.
Le sénateur Andreychuk: À mon avis, la Banque de Montréal a été très novatrice dans son rôle de mécène. Je suis parfaitement au courant du don qu'elle a récemment fait au programme autochtone de l'Université de Regina. C'est une des meilleures initiatives que j'ai jamais vues, tout le mérite revenant à l'un des vice-présidents. Ce don permettra d'assurer l'éducation des Autochtones. Je suis heureuse de voir que de nombreux programmes semblables en ont découlé. C'est bel et bien du mécénat; évidemment, on peut toujours se demander si la société en question est généreuse ou non et si elle peut se permettre pareilles dépenses.
A notre époque, ne croyez-vous pas que si nous n'investissons pas dans les jeunes du Canada, étant donné la situation dans laquelle ils se trouvent, l'ensemble du pays se retrouvera en mauvaise posture, y compris nos banques à charte? Je cherche des solutions novatrices de la part des banques pour un programme de bourses d'études qui dépasse celui de l'Université de Toronto. Est-ce que la banque réfléchit, a un sentiment de responsabilité, se rend compte que les étudiants, les jeunes de notre pays, se trouvent à un point critique et que nous devons tous trouver un moyen d'assurer leur avenir et partant, le nôtre. À mon avis, le moment est critique, ce ne sont pas que les banques que je pointe du doigt. J'espère que nous examinerons d'autres industries et d'autres institutions. Les banques viennent à l'esprit, à cause de leur situation apparemment stable. Je ne dis pas qu'elles réalisent des profits exorbitants, mais plutôt que ce sont probablement les entités qui survivent le mieux dans le marché d'aujourd'hui.
Est-ce que le système bancaire a une réflexion novatrice et ressent une certaine responsabilité à l'égard des jeunes du Canada?
Mme Weatherbie: J'appuie fortement le mandat de ce comité qui examine clairement cette question et c'est la raison pour laquelle nous avons tenté de répondre aux points soulevés dans trois domaines: (1) que faisons-nous pour les étudiants comme secteur d'activité; (2) comment envisageons-nous l'éducation, compte tenu de notre rôle d'employeur important... le fait que l'éducation ne soit pas seulement la responsabilité du gouvernement ou des institutions d'enseignement; et (3) comment envisageons-nous la question en tant qu'importante société donatrice.
Je pense avoir la liberté de dire que la Banque de Montréal annoncera un projet novateur ce vendredi, projet lié aux questions de nos jeunes et de l'éducation. Tout ce que je peux dire, c'est qu'une annonce sera faite vendredi au sujet d'une fondation d'éducation. Cette annonce sera faite par M. Barrett, notre président.
Le président: Pourriez-vous envoyer une copie de ce communiqué à notre greffier, le moment venu, s'il vous plaît?
Mme Weatherbie: Avec plaisir.
Le président: La Banque de Montréal ne souscrit pas à l'entente fédérale sur le partage des risques, n'est-ce pas?
Mme Weatherbie: Non.
Le président: Pourquoi?
Mme Weatherbie: Nous avons choisi de nous intéresser aux 70 p. 100 d'étudiants qui ne sont pas admissibles à une aide de l'État ou qui ont besoin d'un financement complémentaire. C'était une question de priorités. Nous avons pensé pouvoir mettre au point quelque chose de tout nouveau sur le marché, soit la marge de crédit. La marge de crédit que nous offrons aux étudiants n'est pas en concurrence avec des programmes de prêts aux étudiants du gouvernement. À notre avis, elle est complémentaire; elle vise un créneau du marché que les programmes du gouvernement n'atteignent pas nécessairement.
Le sénateur Forest: Les étudiants qui reçoivent ces prêts dans le cadre de la marge de crédit, et qui les remboursent, auront également une bonne cote de solvabilité.
Mme Weatherbie: Oh, absolument.
Le président: Dans le cadre du Programme d'initiatives financières pour étudiants, combien d'intérêts l'étudiant qui reçoit un prêt maximum pendant quatre ans doit-il verser par mois?
Mme Weatherbie: Nous avons fait quelques calculs rapides plus tôt aujourd'hui. En moyenne, le solde impayé relatif à la marge de crédit des étudiants s'élève à 4 771 $.
Le président: Sur un prêt de 5 000 $, ce serait l'intérêt?
Mme Weatherbie: Non, il s'agit du solde impayé approximatif. Lorsqu'il fait ses études, l'étudiant ne paye que de l'intérêt. Par conséquent, au taux d'aujourd'hui, cela équivaut à environ 23 $ par mois de paiements d'intérêts. Ce n'est pas beaucoup plus que le prix d'une pizza.
Le sénateur DeWare: Madame Weatherbie, puis-je vous demander où vous habitez?
M. Weatherbie: À Toronto.
Le sénateur DeWare: Si je pose cette question, c'est parce que je connais un étudiant potentiel qui a appelé la banque de Montréal pour demander s'il serait admissible à une marge de crédit. On lui a dit que s'il avait un emploi, la Banque serait sûre qu'il pourrait payer l'intérêt. C'est la seule façon dont il pourrait obtenir une marge de crédit.
Mme Weatherbie: Je suis désolée qu'il ait obtenu pareille réponse. À certains égards, elle est juste, mais elle reste incomplète.
Le sénateur DeWare: Cela s'est passé ici, à Ottawa.
Mme Weatherbie: Malheureusement, ce n'est pas tout. Comme je le disais dans mon exposé, les étudiants doivent avoir un cosignataire -- car nous observons les mêmes critères que pour un octroi normal de crédit -- s'ils n'ont pas d'emploi à temps partiel et s'ils ne peuvent pas prouver qu'ils sont capables de faire les versements.
Le sénateur DeWare: Dans le cas dont je parle, l'étudiant potentiel ne serait admissible que s'il avait un emploi garantissant qu'il peut payer l'intérêt.
Mme Weatherbie: En pareils cas, nous demandons un cosignataire qui serait prêt à respecter les conditions de paiement du prêt de l'étudiant. Il semble que l'étudiant dont vous parlez n'a pas obtenu de réponse complète, mais plutôt une réponse partielle.
Le sénateur DeWare: J'aimerais soulever un autre point -- et je voulais en parler à la CIBC -- dans de nombreux cas, les étudiants n'obtiennent pas le genre de conseils et de renseignements dont ils ont besoin, lorsqu'ils appellent les banques au sujet d'un prêt d'étudiant. On leur dit, dans certains cas, qu'ils devraient contacter les fonctionnaires responsables des prêts aux étudiants. Ils n'obtiennent pas l'information voulue et c'est très décourageant. Je sais que cela s'est produit et cela me déçoit. Votre personnel devrait être mis davantage au courant des services que vous offrez aux étudiants.
Mme Weatherbie: Peut-être pourriez-vous me donner des détails sur ces cas particuliers après la séance du comité de manière que je puisse me renseigner pour vous.
Le sénateur DeWare: Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que la formation est maintenant un investissement constant. En tant qu'ancien ministre de l'Enseignement supérieur dans la province du Nouveau-Brunswick, je reconnais que l'apprentissage et la formation ne cessent jamais. Les jeunes d'aujourd'hui auront trois ou quatre emplois au cours de leur vie. Il est important qu'ils puissent améliorer leurs compétences et se recycler, compte tenu en particulier des progrès technologiques d'aujourd'hui. Ils seront obligés de se recycler et d'améliorer leurs compétences; c'est une expérience de vie, même pour les gens de mon âge.
Mme Weatherbie: Pour nous tous.
Le président: Ce qui m'étonne, c'est que, en tant que vice-présidente du service des prêts personnels, vous ne savez pas si votre programme de prêts aux étudiants rapporte ou non. Si votre président apprend que vous tenez de tels propos, vous risquez de vous retrouver au chômage, comme bien d'autres personnes.
Le sénateur DeWare: Elle n'a pas la liberté de le dire, monsieur le président.
Mme Weatherbie: Je vais compter sur votre discrétion.
Le président: Est-ce parce que vous pensez que ce n'est pas à vous de divulguer les gains ou les pertes de ce programme, ou n'en savez-vous vraiment rien?
Mme Weatherbie: Je peux préciser.
Le président: Je crois que ce serait une bonne idée.
Mme Weatherbie: En ce qui concerne les prêts personnels, je sais que nous sommes très satisfaits de notre marge-crédit aux étudiants. Même si c'est un programme assez récent, nous n'avons pas de cas de défaillance. En fait, je peux dire que nous avons atteint un seuil de rentabilité, et que même nous réalisons un modeste profit.
Je ne peux pas faire d'observations toutefois sur l'éventail complet de tous les services aux étudiants, y compris, par exemple, les services bancaires, qui sont escomptés de 70 p. 100 par rapport aux prix courants. Ce n'est pas mon domaine, je ne m'occupe pas des dépôts. Par conséquent, je ne peux pas dire si tous les services aux étudiants sont rentables ou non.
Le président: Savez-vous toutefois si ce dont vous vous occupez, c'est-à-dire la marge-crédit aux étudiants, fait ou perd de l'argent?
Mme Weatherbie: Jusqu'à présent, il semble que les résultats soient positifs. C'est un programme assez récent, mais jusqu'à présent, tout va bien.
La séance est levée.