Délibérations du sous-comité de l'enseignement
postsecondaire
du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 4 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 6 février 1997
Le Sous-comité de l'enseignement postsecondaire du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 8 h 40 pour poursuivre son étude de la situation de l'enseignement postsecondaire au Canada.
Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui des représentants du ministère du Développement des ressources humaines.
Mme Martha Nixon, directrice générale principale, Direction générale de l'investissement dans les ressources humaines, ministère du Développement des ressources humaines: Monsieur le président, nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui. Vous vous souviendrez peut-être que nous étions l'un des premiers groupes à comparaître devant vous en octobre. À l'époque, nous nous étions attachés à situer le contexte de l'enseignement postsecondaire et à parler du rôle des gouvernements fédéral et provinciaux dans ce domaine. D'après ce que je crois comprendre, comme vous avez eu depuis l'occasion d'entendre un certain nombre de personnes, vous aimeriez que nous abordions certains éléments essentiels du Programme canadien de prêts aux étudiants afin que votre comité comprenne en quoi il consiste, comment il est exécuté et quels en sont les différents volets.
Nous avons préparé à votre intention une présentation dont nous aborderons les grands points.
Vous savez probablement que le Programme canadien de prêts aux étudiants est en vigueur depuis 1964. Jusqu'à maintenant, nous avons aidé en tout 2,4 millions d'étudiants, ce qui représente plus de 12 milliards de dollars en prêts subventionnés.
L'aide aux étudiants est l'un des domaines où le partenariat fédéral-provincial fonctionne raisonnablement bien. Il s'agit d'un programme fédéral exécuté par les provinces. Il est en vigueur à l'heure actuelle dans neuf provinces et au Yukon. Comme vous le savez, le Québec et les Territoires du Nord-Ouest ont préféré se retirer du programme et mettre sur pied des programmes que nous considérons similaires et pour lesquels nous leur versons des paiements compensatoires.
Au cours des années 90, nous avons remanié en profondeur le programme de prêts aux étudiants pour qu'il corresponde davantage aux observations communiquées par les étudiants et les provinces et pour tenir compte de l'évolution de la situation à laquelle font face les étudiants en ces temps difficiles.
Notre budget de fonctionnement général s'élève actuellement à 600 millions de dollars par année.
À la page 2, vous verrez qui reçoit des prêts aux étudiants. Il importe de se rendre compte qu'il s'agit d'un programme découlant d'une loi et fondé sur les besoins. Une aide financière est fournie à tous les étudiants admissibles dans le besoin, quels que soient leur domaine d'études ou leurs antécédents en matière de crédit.
Le nombre d'étudiants qui reçoit une aide financière a augmenté assez considérablement depuis 1991-1992, soit d'environ 25 p. 100, ce qui porte la valeur de l'aide financière à 800 millions de dollars. À l'heure actuelle, environ 340 000 étudiants sont inscrits au programme de prêts aux étudiants. Depuis 1990, nous avons constaté non seulement une augmentation du nombre d'étudiants qui ont demandé des prêts mais également une augmentation du montant des prêts accordés. Ce montant a augmenté d'environ 60 p. 100. Il est passé de 800 millions de dollars en 1990-1991 à 1,3 milliard de dollars aujourd'hui.
Vous constaterez qu'environ 50 p. 100 des bénéficiaires de prêts sont inscrits à des programmes universitaires. Environ 35 p. 100 étudient dans des collèges communautaires et 15 p. 100 fréquentent des écoles professionnelles privées.
Aujourd'hui, les deux tiers des bénéficiaires ont moins de 24 ans et le tiers a 25 ans et plus. C'est un phénomène différent de celui constaté ces dernières années. De plus en plus, les étudiants ne sont pas forcément ce que nous appelons des «jeunes».
À l'heure actuelle, 40 p. 100 des étudiants dépendent de l'aide financière de leurs parents. Quarante-cinq pour cent sont considérés comme indépendants. Lorsque nous déterminons l'admissibilité, nous faisons la distinction entre ces deux catégories. Par ailleurs, 15 p. 100 des étudiants qui reçoivent des prêts sont mariés ou seuls soutiens de famille et environ 20 000 d'entre eux ont des enfants à charge.
La page suivante présente le pourcentage d'étudiants qui négocient des prêts d'étude dans chaque province. Vous pouvez constater qu'en Ontario le pourcentage d'étudiants est supérieur à 55 p. 100.
La page 4 traite du fonctionnement du programme. Il importe de comprendre que ce sont les provinces participantes qui mettent en oeuvre la majeure partie du programme. Les étudiants ne remplissent qu'une seule demande qui vaut pour le programme fédéral et le programme provincial. Il existe des critères fédéraux d'admissibilité. Les provinces évaluent les besoins et déterminent l'admissibilité de chaque étudiant en fonction de nos critères.
Les provinces évaluent également les besoins de l'étudiant. Elles émettent des certificats de prêts que les étudiants peuvent alors présenter à la banque. Les provinces désignent les établissements qui peuvent accorder des prêts aux étudiants.
Il importe de comprendre que l'évaluation des besoins représente un élément clé du PCPE. Nous tâchons de diriger l'aide financière vers ceux qui en ont le plus besoin.
On veut que le programme de prêts aux étudiants complète les ressources provenant d'un emploi, de bourses d'étude et des familles.
Si les étudiants ont la possibilité de travailler, nous nous attendons à ce que cela réduise leur prêt et ce facteur est pris en compte pour déterminer les étudiants les plus nécessiteux au moment de l'évaluation de leur admissibilité.
À la page 5, nous abordons le fonctionnement du programme de prêts aux étudiants. Le programme fédéral répond à 60 p. 100 des besoins d'un étudiant à temps plein, jusqu'à concurrence d'une limite hebdomadaire de 165 $. Les provinces décident alors de la façon dont elles combleront le reste des besoins évalués et du montant qu'elles verseront à cet égard. Cela correspond parfois à 40 p. 100, ce qui porte le total à 100 p. 100; parfois c'est un peu moins.
Un étudiant très nécessiteux qui a besoin d'environ 9 300 $ pendant une année scolaire de 34 semaines pourrait recevoir 5 600 $ du programme fédéral et 3 700 $ de la province. C'est de cette façon que le montant est réparti. Habituellement, l'étudiant ignore qui lui accorde quel montant mais il le saura à la fin du programme.
Une fois que l'étudiant a été jugé admissible à un prêt de la province, il remet le certificat de prêt à un prêteur, une institution financière, qui lui verse alors le prêt. Au cours de la période d'étude, le programme du gouvernement fédéral accorde une bonification d'intérêt intégrale au prêteur. C'est nous qui payons l'intérêt et non l'étudiant.
Un prêt étudiant de 5 600 $ pour un programme de quatre ans coûtera au gouvernement environ 4 000 $, ce qui représente une aide financière assez considérable offerte par le gouvernement aux étudiants.
Une fois que les étudiants terminent leurs études, ils peuvent consolider leurs emprunts. Ils ont six mois pour se trouver un emploi avant que nous leur demandions de commencer à rembourser le ou les prêts.
S'ils n'obtiennent qu'un emploi très mal rémunéré ou s'ils ont de la difficulté à se trouver un emploi une fois leurs études terminées, nous leur offrons jusqu'à 18 mois d'exemption d'intérêt. Il faut toutefois qu'ils en fassent la demande. Au cours de cette période, nous payons l'intérêt et ils n'ont pas à faire de paiements pour rembourser l'intérêt.
Ils sont admissibles à ces 18 mois d'exemption d'intérêt pendant les cinq premières années qui suivent la fin de leurs études. Par exemple, si un étudiant a des difficultés au cours de la première année, il peut demander une exemption d'intérêt de trois mois. Il peut ensuite trouver un emploi, puis retomber au chômage. Il a alors la possibilité de nous présenter à nouveau une autre demande n'importe quand au cours de cette première période de cinq ans jusqu'à concurrence d'un total de 18 mois d'exemption d'intérêt. Cela permet une certaine marge de manoeuvre.
Les emprunteurs qui ont une invalidité ou qui deviennent invalides pendant leurs études peuvent obtenir la remise de leur dette.
Nous avons également un petit programme de prêts pour études à temps partiel qui permet aux étudiants de ne payer que les intérêts pendant leurs études. Nous pensons que ce programme aidera un nombre de plus en plus grand d'étudiants.
Dans le cadre des subventions pour initiatives spéciales, nous offrons également un financement initial à trois groupes d'étudiants. Environ 1 700 étudiants reçoivent maintenant de l'aide dans le cadre de ce programme, auquel on a consacré environ 3,5 millions de dollars en 1995-1996. Il s'agit des étudiants ayant une invalidité, des étudiants à temps partiel très nécessiteux et des femmes qui font des études de doctorat dans certaines disciplines où la présence des femmes est rare.
Il est important de comprendre qu'à l'heure actuelle le programme fédéral de prêts aux étudiants est devenu plus compliqué parce qu'au cours des deux dernières années, nous avons commencé à introduire de nouveaux mécanismes financiers et parce qu'un grand nombre d'étudiants qui bénéficient du programme sont visés par les anciens mécanismes financiers. En vertu de ces anciens mécanismes, nous fournissions des garanties à l'égard des prêts et c'était aux banques d'essayer de recouvrer les prêts. Si cela leur était impossible, le gouvernement les payait. Ce processus n'incitait pas vraiment les banques à recouvrer les prêts. Nous sommes passés à un nouveau régime selon lequel nous versons une prime aux banques, un facteur risque ou une prime de risque, et elles sont responsables du recouvrement des prêts. Nous ne leur fournissons plus de garantie.
Les pages 7 et 8 décrivent les anciens mécanismes financiers et je n'ai pas l'intention de m'y attarder. Cela intéressera peut-être ceux d'entre vous qui s'occupent de la dure gestion de cas entourant les problèmes de prêts de certains de vos commettants parce qu'on y décrit la façon dont nous faisons appel à des agences de recouvrement privées, à des mandataires et à des compensations fiscales pour recouvrer ces prêts. Nous serons obligés de procéder ainsi jusqu'à ce que nous n'ayons plus d'étudiants visés par l'ancien régime et qu'il ne nous reste plus que le groupe visé par le nouveau régime. Nous vous en parlerons dans un instant.
La page 9 traite du non-remboursement et vous avez probablement entendu plusieurs témoignages à ce sujet. Il est important de comprendre que la majorité des emprunteurs, soit 75 à 80 p. 100 d'entre eux, remboursent leurs prêts intégralement et dans les délais prévus. Pour ce qui est du reste, c'est-à-dire les 10 à 15 p. 100 de prêts en souffrance, nous arrivons à obtenir le remboursement d'une grande partie d'entre eux en utilisant diverses mesures de recouvrement.
Le taux de perte courant du programme est d'environ 10 p. 100. C'est, bien entendu, trop élevé. Nous préférerions éviter les non-remboursements. Cependant, nous devons tenir compte du caractère non garanti des prêts aux étudiants; du fait que nous ne demandons pas de nantissement, ni de cosignataire comme le font les banques lorsqu'elles offrent un prêt étudiant de leur propre initiative; et de la nature de la clientèle qui souvent n'a pas d'antécédent de crédit. Par le passé, nous accordions une garantie intégrale aux banques, ce qui n'incite pas vraiment les prêteurs à faire preuve de diligence. Il est donc important de considérer le taux de perte dans ce contexte.
Des non-remboursements de 200 millions de dollars représentent une somme importante. Nous sommes en train d'essayer de déterminer comment remédier à ce problème de non-remboursement et d'en mieux comprendre les causes. Nous parlerons plus longuement de plusieurs études en cours à ce sujet.
La page 10 traite de la question de la désignation. Les provinces sont responsables de la désignation des établissements d'enseignement dont les étudiants peuvent recevoir un prêt étudiant. Les critères de désignation varient d'une province à l'autre; cependant, comme vous le savez, la plupart des établissements d'enseignement du pays sont effectivement désignés.
Le Programme canadien de prêts aux étudiants est entièrement transférable. Nous avons plus de 1 500 établissements d'enseignement au Canada et des milliers d'autres à travers le monde où les étudiants étudient grâce à un prêt étudiant.
Par le passé, nous avons constaté que les provinces désignaient certains établissements aux fins de l'aide financière du PCPE mais ne les approuvaient pas aux fins de l'aide provinciale, en fonction de leur évaluation des programmes qui y étaient offerts.
La question de savoir si un taux de non-remboursement pouvait influer sur la désignation a fait l'objet de vifs débats. Si le taux de non-remboursement est élevé parmi les anciens étudiants d'un établissement d'enseignement donné, faudrait-il refuser de désigner cet établissement aux fins de l'aide financière aux étudiants?
Pour l'instant, nous préférons essayer de mieux comprendre les raisons pour lesquelles les étudiants ne remboursent pas leurs prêts. Nous devrions en discuter et en débattre avec les établissements où ces problèmes sont les plus fréquents et tâcher de déterminer, en collaboration avec eux, pourquoi le taux de non-remboursement est aussi élevé parmi leurs anciens étudiants.
Nous sommes en train de faire une étude, et nous avons demandé aux évaluateurs qui travaillent avec nous d'évaluer le programme de prêts aux étudiants en mettant l'accent sur cet htmect. Compte tenu de la nouvelle structure financière en vigueur -- et vous avez probablement parlé avec certains des prêteurs qui participent à notre programme -- nous espérons que les banques s'efforceront de trouver des moyens meilleurs et plus souples d'aider les étudiants à rembourser leur prêt. Nous vous ferons part des résultats de l'évaluation de cet htmect du programme et d'autres htmects au fur et à mesure que nous les recevrons. Nous continuons à viser le printemps mais nous ignorons si ce sera à la fin ou au début du printemps.
M. Scrimger va maintenant vous parler de la nouvelle structure financière et de certaines autres questions.
M. Tom Scrimger, directeur général par intérim, Apprentissage et alphabétisation, ministère du Développement des ressources humaines: Le 1er août 1995, la nouvelle structure financière du Programme canadien de prêts aux étudiants est entrée en vigueur et des contrats ont été signés avec neuf prêteurs participants du secteur privé.
En vertu du contrat, les prêteurs assument désormais une responsabilité beaucoup plus grande relativement au service et au recouvrement en matière de prêts. Le principal changement apporté, c'est que la garantie intégrale qui était la marque du programme jusqu'en 1995, a été remplacée par une prime de risque de 5 p. 100 à l'intention des prêteurs. Autrement dit, le versement d'une prime de risque de 5 p. 100 aux banques signifie qu'au moment du remboursement des prêts, le gouvernement ne fournit aucune autre garantie aux banques.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: Appparemment, vous ne parlez jamais français, en tant que bons fonctionnaires, il n'y a pas un mot de français. Est-ce à la page 10?
M. Scrimger: Oui, la page 10.
Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce que vous recevez une prime au bilinguisme?
M. Scrimger: Oui. On peut parler français si vous le voulez.
[Traduction]
Un autre élément que nous considérons important concerne les normes de service auxquelles se trouvent liées par contrat les banques pour ce qui est d'assurer des services aux étudiants, c'est-à-dire verser les prêts dans les délais prévus, offrir le service dans les deux langues officielles, des lignes téléphoniques sans frais pour les demandes de renseignement et des conseils financiers.
Il importe de souligner qu'en vertu des nouvelles règles, les banques ne déterminent pas l'admissibilité aux prêts et ne participent d'aucune façon aux décisions concernant les étudiants admissibles. Ce processus continue d'être assuré par le gouvernement fédéral et par l'entremise d'un processus administré pour nous par les provinces.
Selon l'ancien programme, les emprunteurs devaient accepter un taux d'intérêt fixe établi en fonction du rendement des obligations du Canada. Selon le nouveau programme, on leur offre la même option que beaucoup d'entre nous avons, c'est-à-dire choisir un taux variable en fonction du taux préférentiel de la banque plus 2,5 p. 100, ou un taux fixe basé sur le taux préférentiel de la banque plus 5 p. 100 pour la période que choisit l'étudiant.
Somme toute, la nouvelle structure financière incite davantage les prêteurs à travailler avec les emprunteurs pour éviter le non-remboursement des prêts puisque ce sont désormais les prêteurs, et non le gouvernement, qui doivent assumer la perte découlant du non-remboursement.
Comme cette nouvelle structure n'est sur pied que depuis 18 ou 20 mois, il est probablement trop tôt pour évaluer si les taux de non-remboursement et de perte qui en découlent se sont aggravés ou se sont améliorés par rapport à l'ancienne structure. La plupart des étudiants bénéficiaires de nouveaux prêts sont toujours aux études et il nous faudra probablement attendre que ce premier groupe d'étudiants ait terminé ses études, c'est-à-dire 12 à 18 mois, avant d'avoir une idée des taux de pertes sur prêts.
Lorsque la nouvelle structure financière a été mise sur pied, les prêteurs ont surtout tâché d'adapter leurs systèmes d'information et de former leur personnel pour qu'il s'occupe du versement proprement dit des prêts. Nous constatons maintenant, en travaillant avec eux, qu'ils accordent plus d'attention aux questions de remboursement et au counselling.
Nous surveillons de près les nouveaux mécanismes de financement. Ce mois-ci, et jusqu'en avril ou mai, les banques font l'objet d'une vérification par une tierce partie. Cette vérification met l'accent sur deux éléments: vérifier si les factures que nous envoient les banques sont correctes et si les services que les banques sont censées offrir aux étudiants sont effectivement offerts selon les modalités prévues par le contrat.
Enfin, nous aimerions signaler qu'une publication récente de l'Institut C.D. Howe, préparée par les professeurs Finnie et Schwartz, traitait de façon très positive de la nouvelle structure financière et des possibilités qu'elle offre.
À la page 17, il est question de l'endettement des étudiants, une question très importante pour les organismes qui s'intéressent à l'éducation postsecondaire ou qui accordent une aide financière aux étudiants. De nombreux facteurs ont contribué à faire augmenter le niveau d'endettement, dont la hausse des frais de scolarité. Depuis cinq ou six ans, l'aide financière provinciale, auparavant versée sous forme de bourses, est composée essentiellement de prêts.
En 1990, la dette moyenne des étudiants ayant obtenu des prêts fédéraux et provinciaux atteignait 8 700 $. On estime que, dans un an, cette dette sera d'environ 25 000 $.
Il n'existe pas de définition unique de la dette gérable. La réflexion du ministère, qui a certainement évolué depuis 1993-1994, l'amène à voir l'endettement des étudiants en fonction de leur revenu. Nous sommes en train d'explorer d'autres méthodes possibles de gestion de la dette avec les provinces, les établissements de crédit et les groupes d'intérêt.
Comme vous le savez sans doute, une coalition de sept groupes du milieu de l'enseignement, dirigée par l'Association des universités et collèges du Canada, a récemment dévoilé une proposition visant à limiter l'endettement des étudiants.
Je passe maintenant à la page 19, qui traite des limites de prêt. Les coûts de l'éducation postsecondaire ont augmenté rapidement au cours des dernières années. Il n'est pas rare qu'un étudiant doive débourser entre 10 000 $ et 13 000 $ pour étudier une année à l'extérieur de sa ville.
Nous avons, en 1994, augmenté la limite de prêt du PCPE après un gel de 10 ans. La limite est passée de 105 $ à 165 $ par semaine. Par suite de la dernière Conférence des premiers ministres, les provinces, représentées par le premier ministre Tobin, demandent qu'on augmente davantage la limite de prêt.
Même si, d'après notre analyse, la limite de prêt actuelle semble suffisante pour la majorité des étudiants, on pourrait examiner de façon plus poussée la situation de certaines catégories d'étudiants, comme ceux ayant des personnes à charge. Avant d'augmenter la limite de prêt, nous devons voir si les étudiants sont en mesure de gérer une dette plus lourde. La question fait actuellement l'objet de discussions avec les représentants provinciaux et les groupes d'intérêt.
Passons maintenant aux faillites. Les médias s'intéressent beaucoup aux faillites en général, et notamment aux faillites touchant les prêts aux étudiants. Cette question ne préoccupe pas uniquement le gouvernement fédéral. Tous les programmes provinciaux connaissent une hausse, parfois très marquée, du nombre de faillites impliquant des prêts aux étudiants.
Au cours des six ou sept dernières années, la valeur des réclamations pour pertes liées à une faillite est passée de 20 à 70 millions par année. Autrement dit, une faillite personnelle sur neuf au Canada implique sans doute un prêt pour étudiant.
Dans le nouveau régime, les prêts étudiants ne sont plus garantis une fois que les étudiants commencent à rembourser leur dette. Bien entendu, les banques vont chercher à obtenir un dédommagement accru si le nombre de faillites demeure élevé. Il est dans notre intérêt de voir si nous pouvons faire quelque chose pour maîtriser le taux de faillites.
Je tiens à rappeler que la plupart des étudiants remboursent leur prêt intégralement et dans les délais. Toutefois, bon nombre d'entre eux, peut-être parce qu'ils sont mal informés, ne profitent pas de la protection de 24 mois qui est offerte par le biais du programme d'exemption d'intérêt et de la période de grâce que nous accordons.
Les modifications proposées à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité dans le projet de loi C-5, qui est à l'étude au Sénat, empêcheraient les étudiants d'être libérés de leur dette pendant deux ans après leurs études. Cela correspond à la protection fournie en vertu du programme.
À la page 21, nous abordons la question du remboursement en fonction du revenu. En vertu de ce régime, les emprunteurs rembourseraient leur prêt en fonction du revenu qu'ils toucheraient après leurs études. Cette formule remplacerait les modalités de remboursement plus traditionnelles qu'offrent les prêteurs.
Dans un régime de prêt remboursable en fonction du revenu, le remboursement du prêt serait fondé sur le revenu de l'emprunteur pendant toute la période de remboursement. De nombreuses personnes utilisent comme exemple une période de 25 ans. Dans certains régimes, le solde impayé à la fin de cette période est annulé, que ce soit par le gouvernement ou par le biais d'un paiement versé au prêteur.
Dans un programme de remboursement en fonction du revenu, le concept d'antisélection et ses effets sur les coûts du programme ont une grande importance. Essentiellement, les emprunteurs qui sont en mesure de rembourser leur prêt peuvent opter pour un programme conventionnel où ils rembourseraient plus vite, réduisant au minimum les frais d'intérêt. Ceux qui ne sont pas en mesure de le faire rembourseraient leur prêt sur une période plus longue et verseraient des intérêts plus élevés.
Il existe deux modèles dans le monde. Dans un régime de remboursement en fonction du revenu pur, qui correspond au modèle australien et néo-zélandais, les prêts sont normalement disponibles universellement. Autrement dit, ils ne sont pas fonction des besoins. Il n'y a normalement aucune bonification d'intérêt pendant les études; à l'heure actuelle, cette bonification s'élève en moyenne à 4 000$. Pour simplifier les formalités administratives et parce que les prêteurs n'aiment pas l'incertitude à long terme, les prêts sont habituellement financés par le gouvernement, les remboursements étant perçus au moyen du régime fiscal.
Ces modèles présentent des variations, mais ce sont les traits communs que l'on retrouve dans la plupart d'entre eux. Il y a un deuxième modèle, soit le modèle américain, où le remboursement en fonction du revenu s'ajoute aux autres options ou modalités de remboursement plus traditionnelles offertes par les banques. Au départ, le programme est semblable pour tous les emprunteurs. Le processus d'évaluation des besoins est maintenu; toutefois, quand les emprunteurs commencent à rembourser, ils optent pour des modalités de remboursement standard ou pour le remboursement en fonction du revenu. Dans le modèle américain, les prêts sont financés par le gouvernement, mais recouvrés par une agence, et non par le régime fiscal.
Au cours des derniers mois, l'Ontario s'est dit en faveur d'un programme de prêts remboursables en fonction du revenu. Nous collaborons avec la province en vue d'établir un modèle de micro-simulation pour analyser et déterminer le coût de diverses options de remboursement de prêts aux étudiants, en fonction des différents paramètres de conception établis par l'Ontario.
Mme Nixon: Certains d'entre vous ont peut-être vu l'article dans l'édition de ce matin du Ottawa Citizen, où il est question des mesures annoncées hier soir par le gouvernement de l'Ontario concernant les prêts étudiants et l'aide financière accordée aux étudiants. Le ministre de l'Éducation et de la Formation, John Snobelen, a proposé à Pierre Pettigrew, le ministre fédéral du Développement des ressources humaines, de mettre en oeuvre, en collaboration avec l'Ontario, un programme où le remboursement des prêts serait fonction du revenu que toucheraient les étudiants une fois leurs études terminées. M. Snobelen a ajouté qu'une entente doit être conclue rapidement si l'on veut que le programme soit mis en oeuvre en 1997. Il a également annoncé la création d'un programme de bourses pour les étudiants qui excellent dans leurs études, de même que la mise sur pied d'un fonds d'aide de 100 millions de dollars, constitué de subventions de contrepartie du secteur privé.
Nous avons essayé de vous donner un vaste aperçu de notre programme.
[Français]
Alors nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions ou à discuter du sujet plus profondément si vous le voulez.
[Traduction]
Le sénateur Cools: Merci pour votre exposé très détaillé.
Vous soulevez de nombreux points, et il y en a un en particulier qui m'intéresse, soit le non-remboursement des dettes. Vous avez fait état d'un nombre élevé de faillites. Le comité permanent est en train d'examiner un autre projet de loi qui prévoit l'imposition de nouvelles pénalités pour le non-remboursement des dettes.
Pouvez-vous me dresser le profil de l'étudiant qui ne rembourserait pas ses dettes? J'aimerais également avoir le profil de l'étudiant qui serait susceptible de déclarer faillite. Comme nous avons tous déjà été étudiants, nous sommes sensibles à leurs besoins. Qui sont ces gens? Combien d'argent doivent-ils en moyenne? Quel est le montant minimal et maximal? Vous avez mentionné le chiffre de 200 millions de dollars par année. Ces gens ont manifestement besoin d'aide.
J'aimerais également en savoir plus au sujet des pénalités qui sont imposées en cas de non-remboursement des dettes. Pouvez-vous me donner une idée du nombre d'étudiants qui sont en défaut?
Mme Nixon: Mes collègues conviendraient avec moi qu'il est sans doute impossible de répondre aux deux premières questions. Nous n'avons pas ces renseignements.
M. Gerry Godsoe, gestionnaire du groupe, Programme canadien de prêts aux étudiants, ministères du Développement des ressources humaines: Nous sommes en train d'effectuer quelques études qui nous permettront d'avoir plus de précisions là-dessus. Au cours des 30 dernières années, nous avons constaté que le non-remboursement des dettes ne s'applique pas uniquement aux prêts. Une personne peut se trouver en difficulté, peu importe les dettes qu'elle a accumulées, si elle n'a pas de revenu. Ce sont souvent les décrocheurs qui ont tendance à avoir des problèmes financiers. Autrement dit, ils ont investi de l'argent et ils n'ont pas obtenu le certificat qui devrait leur permettrait de trouver un emploi et de rembourser leur prêt.
Le sénateur Cools: Quel est l'âge moyen des décrocheurs? Est-ce qu'ils sont plus nombreux chez les étudiants plus jeunes ou chez les étudiants plus âgés?
M. Godsoe: Je ne saurais vous le dire. La situation varie d'un établissement à l'autre. Les taux de non-remboursement ont tendance à être beaucoup moins élevés chez les étudiants d'université que chez les étudiants d'écoles privées. Les collèges communautaires se situent entre les deux.
Ce sont les motifs de non-remboursement qui suscitent encore le plus de questions. Les opinions semblent varier d'une étude à l'autre et au sein des groupes de discussion qui ont été formés dans le cadre du processus d'évaluation. Nous n'avons pas encore réussi à trouver une réponse précise.
Le sénateur Cools: Avez-vous des renseignements sur le sexe ou le milieu socioéconomique auxquelles ils appartiennent?
M. Godsoe: Il faut se rappeler que ces étudiants viennent d'un milieu plus pauvre, car pour avoir droit à un prêt, ils doivent être dans le besoin.
Un peu plus de 50 p. 100 des étudiants inscrits au programme sont des femmes. Ce qui est logique, si l'on tient compte de la composition de la population. Pour ce qui est de savoir si les femmes ont plus de difficulté que les hommes à rembourser leur prêt, c'est difficile à dire. D'après certaines études, elles ont plus de difficulté parce qu'elles touchent un revenu plus faible. Par ailleurs, elles semblent être au moins aussi diligentes que les hommes lorsque vient le temps de rembourser leur prêt. Les données, pour l'instant, sont plutôt contradictoires.
En 1994-1995, la réclamation moyenne était de 6 000 $.
M. Scrimger: La grande majorité des étudiants qui reçoivent des prêts ont moins de 25 ans. Entre 80 et 90 p. 100 des réclamations surviennent dans les trois ans qui suivent l'obtention du diplôme. Habituellement, les étudiants éprouvent des difficultés au tout début de la période qui suit la fin des études et l'entrée sur le marché du travail.
Cela dit, nous n'avons jamais compilé de données en fonction de l'âge. Je dirais que l'âge moyen est de 25 ans.
Le sénateur Cools: Donc, ce n'est pas un problème qui touche de manière précise les étudiants plus âgés ou les étudiants plus jeunes?
M. Scrimger: Ils sont un peu plus âgés parce qu'ils ont terminé leurs études. Ce ne sont pas les étudiants de 18 et de 19 ans qui sont touchés par ce problème.
Comme M. Godsoe l'a mentionné, ce sont entre autres les étudiants qui abandonnent leurs études qui posent problème, et cela s'applique à tous les groupes d'âge. Les réclamations s'élevaient, en moyenne, à 6 000 $ en 1994-1995. Je crois qu'elles oscillent autour de 7 000 $ aujourd'hui. Ce n'est peut-être pas énorme, mais les limites de prêts reflètent les limites moins élevées qui étaient en vigueur il y a cinq ou six ans. Elles augmentent chaque année.
Nous traitons probablement entre 45 000 et 50 000 réclamations par année. Sur ce nombre, entre 7 000 et 9 000 sont liées à des faillites. Nous pouvons confirmer ces chiffres, mais je sais qu'ils se situent dans cette marge.
Le sénateur Cools: Neuf mille réclamations liées à la faillite, cela représente quel pourcentage?
M. Scrimger: Sur 50 000 réclamations, environ 8 000 à 9 000 sont liées à une faillite.
Mme Nixon: Les étudiants ont souvent tendance à vous dire qu'il y a des gens qui sont prêts à les aider à déclarer faillite pour régler leurs problèmes de remboursement de dettes. Nous trouvons cela inquiétant. Cette pratique n'est pas généralisée, mais elle est inquiétante.
Le sénateur Cools: Savez-vous combien d'étudiants y ont recours?
Mme Nixon: Tout ce que nous savons, c'est combien d'étudiants ont déclaré faillite. Nous collaborons avec l'industrie pour faire en sorte que le projet de loi dont vous êtes saisi aborde cette question. Dans un sens, aucun étudiant ne devrait être obligé de déclarer faillite au cours de la période durant laquelle aucun paiement n'est requis; nous leur offrons même une exemption d'intérêt. Au cours des deux premières années, il ne devrait pas être nécessaire pour un étudiant de déclarer faillite pour rembourser son prêt. Cette mesure devrait nous aider à réduire le nombre de faillites.
M. Scrimger: Dans la plupart de ces faillites, le prêt étudiant représente la seule dette ou la dette la plus importante dont l'étudiant cherche à se libérer. Une personne peut devoir 10 000 $ en prêts étudiants et 1 000 $ sur sa carte Visa et elle va déclarer faillite pour se libérer de ses dettes. Je ne dis pas que les gens peuvent avoir de graves problèmes financiers ou d'autres dettes, mais il est rare qu'à cet âge-là les étudiants aient des hypothèques et des prêts-auto très élevés. Dans bien des cas, si le prêt étudiant n'est pas leur seule dette, il représente la dette la plus importante dont ils cherchent à se libérer.
Le sénateur Cools: Quelles sont les pénalités imposées en cas de non-remboursement des dettes?
M. Scrimger: La personne peut demander la protection en vertu de la Loi sur la faillite. La loi est là pour cela. En ce qui concerne le programme canadien de prêts aux étudiants, si les étudiants déclarent faillite, ils doivent attendre trois ans suivant leur libération avant de présenter une nouvelle demande.
Le sénateur Cools: Cette question est fort intéressante. Si des jeunes cherchent à se libérer de leurs dettes et à se déclarer insolvables alors qu'ils sont sur le point d'entreprendre une carrière, je trouve étonnant et étrange qu'ils le fassent au début de leur carrière. Il y a quelque chose qui ne va pas.
Nous devrions peut-être poser cette question à quelqu'un qui connaît bien la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
Le président: Madame le sénateur Cools, comme il nous reste peu de temps, vous pourriez peut-être aborder cette question devant l'autre comité.
Mme Nixon: Il serait peut-être intéressant aussi de parler à l'un des surintendants provinciaux des faillites pour obtenir le point de vue des provinces. Ils ont souvent une opinion bien arrêtée sur la question.
Le sénateur Forest: Le sénateur Cools a soulevé un certain nombre de points intéressants. Vous avez dit que certains établissements aident les étudiants à déclarer faillite alors que ce n'est pas nécessaire pour eux de le faire.
Mme Nixon: Je ne parlais pas des établissements d'enseignement.
Le sénateur Forest: Non, je faisais allusion aux institutions de crédit. Parmi les débiteurs en défaut qui déclarent faillite, combien le font délibérément? Je sais que cette question n'est pas facile.
M. Godsoe: Nous ne le savons pas vraiment. Toutefois, nous savons qu'environ le tiers des étudiants qui déclarent faillite le font deux ans après avoir terminé leurs études. Ils bénéficient d'une protection de deux ans et, manifestement, le gouvernement estime que l'étudiant devrait essayer de trouver un emploi et de respecter ses engagements en vertu du programme.
Le sénateur Forest: Depuis combien de temps l'Alberta utilise-t-elle les taux de non-remboursement comme critère pour désigner les établissements?
Mme Nixon: Je crois qu'elle le fait depuis quatre ou cinq ans.
Le sénateur Forest: Est-ce que le nombre de faillites a augmenté ces derniers temps?
Mme Nixon: Oui.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: À la page un de votre mémoire, vous dites que le Québec et les Territoires du Nord-Ouest recoivent des paiements compensatoires pour l'exécution de leur programme. Quel est le montant de ces paiements compensatoires?
[Traduction]
Mme Scrimger: Le dernier paiement, qui a été effectué la semaine dernière, soit le 31 janvier, était de 158 millions de dollars pour le Québec, et de 1,8 million de dollars pour les Territoires du Nord-Ouest.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez un certain droit de regard à savoir si ce 158 millions de dollars va réellement dans des services de prêt aux étudiants?
Gadsoe: Le Québec doit offrir un programme similaire au nôtre. Secundo, on sait que le Québec dépense plus de 158 millions de dollars à chaque année pour l'éducation dans la province. C'est la seule réponse que je peux vous donner.
Le sénateur Lavoie-Roux: J'imagine que les autres provinces dépensent plus à même leur propre budget.
M. Gadsoe: Oui, pour chaque province qui participe aux programmes.
Le sénateur Lavoie-Roux: Si le Québec dépensait seulement 158 millions, par hypothèse, cela voudrait dire que finalement, il ne donne pas grand-chose en prêts et bourses aux étudiants.
M. Gadsoe: Je peux vous dire que le Québec a un programme très favorable pour les étudiants. Il y a 156 millions de bourses à chaque année au Québec et 134 millions de prêts.
Le sénateur Losier-Cool: Au Québec, ce sont les étudiants les moins endettés.
M. Gadsoe: Oui, plus les bourses, ce sont des programmmes enrichis.
Le sénateur Lavoie-Roux: Maintenant à la page tête 17, vous dites que certains étudiants pourraient devoir jusqu'à 37 400 $. Est-ce que vous avez des suggestions à faire? En arrondissant les chiffres, un étudiant se retrouve après quatre ans avec 40 000 $ de dettes; c'est suffisant pour ne pas étudier. Est-ce que vous avez des propositions pour que le montant soit moins élevé? Il s'agit de gros montant d'argent pour un jeune qui veut se marier, avoir une famille et cetera. Ils sont dans la dèche pour un bon bout de temps.
Il faut rechercher des solutions. Tout le monde dit qu'il faut permettre aux étudiants d'étudier. Je ne sais pas ce qui manque. Les étudiants ne sont peut-être pas responsables. Je dis cela sous toute réserve. Peut-être n'aidons-nous pas suffisamment ceux qui viennent de famille plus pauvre? Cela ne vous inquiète pas que les gens puissent se retrouver avec 40 000 $ de dettes?
[Traduction]
M. Scrimger: Il y a un certain nombre de questions que les responsables des programmes d'aide aux étudiants doivent prendre en considération. D'abord, compte tenu du montant qu'une personne doit investir dans son éducation postsecondaire, entre 25 000 et 40 000 $, il faut qu'elle commence à planifier son avenir beaucoup plus tôt qu'elle ne le fait actuellement. Malheureusement, de nombreux étudiants commencent à planifier leur éducation au moment de présenter leur première demande de prêt, alors qu'ils devraient, avec leurs familles, se préparer de nombreuses années à l'avance. Il faut encourager les gens à planifier leur éducation postsecondaire de nombreuses années à l'avance. C'est le principal problème auquel sont confrontés les responsables des programmes d'aide aux étudiants. Oui, bon nombre de ces étudiants se retrouvent avec des dettes qui étaient inimaginables il y a 15 ou 20 ans.
Il faut se poser la question suivante. Quel est le juste équilibre entre l'aide fournie par les gouvernements et la responsabilité personnelle associée au remboursement de prêts qui constituent un investissement dont l'étudiant profite pour de nombreuses années à venir? Nous croyons qu'une partie de la solution, que nous avons déjà mis en oeuvre, réside dans les nouveaux mécanismes de financement mis à la disposition des prêteurs, où nous avons essayé d'éliminer les obstacles artificiels à la souplesse entre la banque et le particulier. Nous avons supprimé les périodes de remboursement préétablies. Nous avons supprimé tout ce qui empêche la souplesse tant pour la banque que pour l'étudiant. Nous avons déjà deux bonnes années de protection pour les étudiants pendant le difficile passage de l'école au marché du travail. Nous discutons avec toutes les provinces, des groupes d'étudiants et d'autres groupes, y compris des prêteurs, pour explorer de nouveaux services d'aide et de remboursement des dettes à l'intention des étudiants.
Nous n'avons pas encore fait de découvertes extraordinaires, mais nous explorons un certain nombre de possibilités.
Le sénateur Lavoie-Roux: Vous dites que les étudiants devraient considérer leur éducation comme un investissement. Cependant, un jeune de 15 ou 16 ans aura du mal à penser que son éducation est un investissement dont il profitera dans 15 ans. Il se peut que cet investissement ne soit pas rentable car, comme vous le savez, certains étudiants sortent de l'université et ne parviennent pas à trouver du travail. À moins que la jeune génération soit plus en mesure que la mienne de penser en fonction d'investissement et d'argent, il n'est pas naturel de planifier aussi loin.
Comme je n'ai pas de solution, je vous demande de m'en proposer une. Il faudrait en tenir compte vu que cela pourrait être un facteur de décrochage chez les étudiants. Ils peuvent obtenir un prêt ou une subvention, mais ils savent ce que cela va leur coûter à long terme.
Je ne jette le blâme sur aucun gouvernement.
Mme Nixon: Il n'y a pas de doute qu'il s'agit là de la principale préoccupation des gouvernements fédéral et provinciaux, de la coalition des éducateurs de même que des personnes qui s'intéressent à l'éducation. Des représentants de l'AUCC s'adresseront à vous plus tard ce matin.
À mesure que vous traverserez le pays, vous vous rendrez compte qu'il s'agit du principal problème. Il n'y a pas de solution unique. Il faut examiner un ensemble de questions. Nos discussions se poursuivent avec les gouvernements, mais nous devons trouver ensemble des solutions. Il est évident que l'Ontario croit avoir régler le problème avec les prêts remboursables en fonction du revenu. Je crois qu'il faut offrir un certain nombre d'options aux étudiants. Il n'y a pas de solution unique. Nous devrions songer à mettre en place une série de mesures qui s'appliqueront dès le début du processus. Nous devrions songer à offrir des programmes de formation et de sensibilisation. Nous devrions nous assurer que les gens ont des moyens pour épargner et investir. Nous devrions examiner les subventions initiales et les cibler. Nous devrions examiner quelles sont les options de travail et d'études qui peuvent être offertes aux étudiants pendant leurs études.
Nous devrions ensuite regarder à l'autre bout du spectre. Comment pouvons-nous assouplir les mécanismes de remboursement et quel genre d'aide pouvons-nous offrir? Nous avons besoin d'une gamme d'options provenant de différentes sources.
Le sénateur Lavoie-Roux: À la page 4 de votre mémoire vous dites:
Les parents sont censés payer une partie des études de leurs enfants jusqu'à quatre ans après que l'étudiant a terminé ses études secondaire ...
Vous ne dites pas qu'il s'agit d'un devoir, mais c'est tout comme. Vous poursuivez en disant:
... deux ans après son entrée sur le marché du travail, jusqu'à ce qu'il se marie ou devienne un parent sans conjoint.
Jusqu'à quand sommes-nous censés subvenir aux besoins de nos enfants?
[Français]
M. Gadsoe: Dans notre évaluation des besoins, il y a une obligation faite aux parents pour ce que vous avez mentionné. Cela prend quatre ans pour le baccalauréat.
Le sénateur Lavoie-Roux: Où prenez-vous cette idée? Que les parents soient responsables jusqu'à 18 ans, je peux comprendre. Après, où prenez-vous cette obligation qu'ils ont de subvenir aux besoins de leurs enfants? Je l'ai fait mais certains n'en sont pas capables.
M. Gadsoe: Il n'y a pas de lois au Canada à cet effet. Par contre, depuis 30 ans, c'est la règle du jeu pour les programmes fédéraux et provinciaux.
[Traduction]
Mme Nixon: Nous partons du principe que notre programme vise à aider les étudiants qui en ont besoin. Dans le cas d'un étudiant qui veut poursuivre des études qui sont avantageuses pour lui et qui peut compter sur l'aide de ses parents, j'aimerais insister sur le fait que les parents devraient apporter leur contribution pour que les subventions gouvernementales puissent servir à un étudiant qui ne peut obtenir l'aide de ses parents.
Lorsque vous devez appliquer des règles et des règlements, vous devez fixer un délai. Il n'y a pas de formule magique. Vous faites ce qui semble logique. Lorsqu'un étudiant n'habite plus chez ses parents depuis un certain temps, qu'il gère sa vie, nous le considérons comme une personne indépendante. Lorsque nous évaluons ses besoins, nous ne tenons pas compte de ses parents. Cela peut sembler arbitraire, mais lorsqu'il s'agit de faire l'évaluation et d'être le plus juste possible, c'est ainsi que nous procédons. Nous nous sommes fondés sur le principe que les parents devraient, dans la mesure du possible, apporter leur aide.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: C'est un critère que vous allez utiliser pour déterminer si quelqu'un a droit à un prêt. Comment faites-vous pour l'évaluer ? Que faites-vous des jeunes qui sont en rupture de ban complète avec leurs parents, même si leur père est le premier ministre du pays. Je ne veux pas insinuer quoi que ce soit.
M. Gadsoe: Effectivement, il y a des exemptions et de la flexibilité dans l'évaluation des besoins, par exemple, quand une famille ne fonctionne plus. En règle générale, l'obligation est faite aux parents de subventionner leurs enfants.
Le sénateur Lavoie-Roux: Ce n'est pas qu'une famille ne fonctionne plus. Il se peut qu'à l'intérieur de la famille, cet individu dise qu'il veut plus avoir rien à faire avec ses parents. Est-ce que vous tiendriez compte d'un tel facteur?
M. Gadsoe: Il y a toujours un choix à faire de la part de l'enfant.
Le sénateur Lavoie-Roux: De la part de la bureaucratie aussi?
Mme Nixon : Parfois, c'est une question de jugement.
Le sénateur Losier-Cool: Je suis heureuse de voir que vous avez mis dans votre document la présentation de la coalition des universités où on fait une certaine division entre des étudiants nécessiteux de première année et aussi de familles monoparentales. Cette obligation a suscité des discussions très vives à ce comité depuis deux semaines.
À la page 10, concernant le fait que les provinces désignent des établissements aux fins de l'aide financière en fonction de leur évaluation et des programmes, est-ce que vous connaissez ces programmes? Est-ce que ces programmmes ont un meilleur taux d'employabilité? Ils rembourseront mieux parce qu'ils auront une meilleure chance d'avoir un emploi. Comment désigne-t-on ces institutions?
M. Gadsoe: Cela varie selon les provinces. Il y a des règles différentes dans les programmes provinciaux. Il y a des restrictions dans les programmes provinciaux dans plusieurs provinces, par exemple, en Colombie-Britannique, en Alberta et au Québec. En règle générale, le programme fédéral s'applique partout au pays et dans des milliers d'institutions dans le monde.
Le sénateur Losier-Cool: L'Université de Moncton donne un cours de «common law» en français. Maintenant, c'est à Ottawa. Ce programme aurait-il une meilleure chance?
M.Gadsoe: Non, règle générale, toutes les institutions publiques au Canada sont désignées pour notre programme.
Le sénateur Losier-Cool: Que signifie le numéro quatre alors, en fonction de leur évaluation des programmes offerts?
M.Gadsoe: Les provinces peuvent avoir des règles différentes pour leurs programmes.
Mme Nixon: À titre d'exemple, une province peut décider qu'une école qui donne la formation de coiffeur ne soit pas désignée. C'est la province qui décide.
Le sénateur Losier-Cool: En consultation avec l'institution?
Mme Nixon: Parfois oui, parfois non.
[Traduction]
Le sénateur DeWare: J'ai une petite question au sujet des banques.
Lorsque les représentants des banques ont comparu devant nous, ils nous ont dit qu'ils aimeraient décider de l'attribution des prêts. Je me rends compte qu'il n'en est pas ainsi à l'heure actuelle. Cependant, si les banques prennent le risque, comment pouvez-vous les empêcher un jour ou l'autre de prendre le relais? C'est un sujet de grande inquiétude.
Essaient-elles d'avoir davantage leur mot à dire sur le choix des récipiendaires des prêts et sur leur administration? À l'heure actuelle, tous les étudiants à proprement parler ont accès aux études postsecondaires et nous voulons qu'il en reste ainsi. Est-ce que vous croyez que c'est ce qui se passe?
M. Scrimger: Je dirais que non. Nous continuons de discuter ouvertement avec tous les prêteurs du secteur privé en cause et nos relations sont bonnes et ouvertes. Elles comprennent et nous ont dit que c'est au gouvernement qu'il incombera d'établir les critères d'admissibilité et d'attribuer les prêts. Il n'y a jamais eu de discussion dans le sens contraire.
Les institutions financières aimeraient beaucoup avoir l'occasion de discuter de la question de l'octroi d'un prêt à un étudiant qui a déjà déclaré faillite ou qui a déjà eu un mauvais dossier de crédit. C'est sur ces questions beaucoup plus restreintes qu'elles soulèvent des inquiétudes.
Cela n'a pas été un sujet important de discussion mais elles comprennent et suivent manifestement le principe et les règles qui veulent que, si un étudiant se présente à leur établissement avec un certificat en règle, elles sont tenues de leur prêter l'argent. Il n'y a jamais eu de discussion sur la possibilité de changer cette règle.
Le sénateur DeWare: La question portait sur le certificat. S'ils s'adressent à nous et que la province a approuvé leur prêt, le reçoivent-ils alors?
M. Scrimger: Oui.
Le président: J'ai à peu près 10 questions ici, mais nous manquons de temps. Je vous propose de vous en remettre une copie. Vous pourrez peut-être y répondre par écrit pour que nous puissions les verser au dossier.
Mme Nixon: Nous y répondrons avec plaisir, monsieur le président.
Le président: Nos prochains témoins viennent de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université. Je vous prie de venir nous rejoindre à la table.
J'étais récemment à Taïwan. Tous les membres du cabinet y possèdent un doctorat de Cornell, de Cambridge ou d'une autre université. Ils attribuent la réussite économique de leur pays à leur système d'éducation.
[Français]
M. William Bruneau, Ph.D., président, Association canadienne des professeures et professeurs d'université: M. Donald Savage, le directeur exécutif de l'association m'accompagne.
[Traduction]
Nous nous partagerons l'exposé et nous serons heureux de répondre à vos questions. Je suis heureux d'être le porte-parole de l'association. Je vous remercie de votre invitation.
[Français]
Nous avons l'impression de faire face à une crise dans le monde universitaire. En tant qu'enseignant et chercheur, nous avons l'impression de faire face à une crise. C'est une crise culturelle. Dans le monde actuel, les emplois traditionnels disparaissent à une grande vitesse. La communication entre les voteurs, les citoyens et les travailleurs change radicalement d'un jour à l'autre. On a tendance à communiquer par ordinateur plutôt que par la voix téléphonique ou la voix humaine. Il y a des transformations fondamentales et très concrètes dans la vie de tous les jours au niveau de l'emploi ordinaire et de la communication personnelle. C'est une crise pour les universités. Nous sommes chargés de la formation des gens pour qu'ils participent activement à une réussite d'une vie en pleine transformation.
Face à cette crise de la transformation radicale et qui a lieu à une vitesse toujours croissante, qu'allons-nous faire? Dans le monde universitaire, il faudra nous transformer. Il y aussi la crise économique. Il y a une transformation des moyens de production, des marchés. Le marché devient mondial plutôt que nord-américain ou canadien. On fait face à un marché intellectuel autant qu'économique dans le sens classique mondial.
Il s'agit d'une deuxième transformation, d'une deuxième crise. Les universités sont-elles en mesure de faire face à ces deux crises? Nous croyons que oui mais qu'il faut accepter une transformation des moyens. Il faut aussi une conscientisation des gouvernements fédéral et provinciaux. Ils ont une tâche, une responsabilité lourde dans cette affaire.
[Traduction]
Dans un certain sens, vous nous demandez de parler de notre capacité de faire face à ces deux grands changements; vous nous demandez aussi si nous sommes en mesure -- nous en avons certes la responsabilité -- avec l'aide du gouvernement fédéral et des provinces, de faire face à ces deux crises. Nous estimons pouvoir de le faire, mais nous avons besoin de l'aide de la collectivité qui exprime sa volonté à cet égard par l'entremise du gouvernement fédéral et des provinces.
La tâche consiste aujourd'hui, telle que je la comprends, à parler de la responsabilité que le gouvernement fédéral et les provinces partagent avec nous, nous qui enseignons et faisons de la recherche dans les universités, et avec les étudiants qui y acquièrent des connaissances alors que nous faisons face à cette double crise.
Le gouvernement fédéral joue depuis longtemps un rôle important dans le constant renouveau économique et industriel du pays. Il assume une lourde responsabilité, fort importante, celle d'assurer le renouveau continu du Canada. Nous aussi, nous estimons avoir une part de responsabilité à cet égard.
Parallèlement, il a une autre responsabilité, celle de l'évolution culturelle constante du pays. Il lui faut voir, d'une part, à l'économie et, d'autre part, à la culture. Le gouvernement fédéral occupe depuis longtemps une place de choix dans ce domaine, grâce aux organismes qui octroient des subventions de recherche, soit le Conseil des Arts du Canada, le Conseil de recherche en sciences humaines et les conseils finançant la recherche scientifique, soit le Conseil de recherches médicales, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, et ainsi de suite.
Dans les faits, le gouvernement fédéral a essayé de subventionner et d'appuyer l'enseignement supérieur pour que l'offre de services d'enseignement soit raisonnablement uniforme partout au pays -- d'une région à l'autre et d'une province à l'autre -- et qu'il y ait aussi égalité d'accès raisonnable. Nous venons tout juste d'entendre parler des prêts aux étudiants et des subventions comme moyens de faire en sorte que les étudiants jouissent d'une égalité d'accès partout au pays, indifféremment de leur classe sociale.
[Français]
Pour que les personnes qui viennent des couches inférieures, comme on le disait il y a 100 ans, donc les personnes un peu plus pauvres par ailleurs que la moyenne...
[Traduction]
... que ces personnes puissent aussi avoir accès à l'enseignement supérieur au même titre que les autres. Le programme de prêts aux étudiants a permis de réaliser cet objectif et continuera de le faire à mesure qu'il change, lui aussi.
Le système a assez bien réussi à offrir un accès de qualité, mais il fait maintenant face à des crises et doit lui-même changer.
Auparavant, le système avait pour objectif de former le caractère. Dans le bon vieux temps, c'est-à-dire il y a un siècle, quand on allait à l'université, c'était pour former son caractère, pour apprendre à respecter la règle du droit, les droits de l'État et, peut-être, pour obtenir une éducation libérale dans son sens très général. Ce n'est plus le cas. Aujourd'hui, on se préoccupe davantage de développer l'esprit critique et l'intelligence et de créer un nouveau savoir. Il y a cent ans, pareil objectif aurait été jugé plutôt risqué. Il faut, d'après nous, que les universités, et les étudiants et professeurs qui en font partie, jouent un rôle direct dans le renouveau économique et culturel du pays. Nous essayons de le faire avec beaucoup de transparence.
Il y a un siècle, les universités étaient des établissements plutôt hermétiques, relativement privés qui jouissaient d'assez peu d'appuis publics. Elles étaient en grande partie dirigées et financées sous diverses formes par des intérêts privés, souvent par des organismes ecclésiastiques. Bien sûr, la situation est tout autre actuellement. Les universités ont changé radicalement au cours des 100 dernières années. Le changement a été encore plus draconien et rapide à partir de 1945.
Il semble que ce changement continuera de s'effectuer à un rythme encore plus accéléré, si cela est possible. La critique selon laquelle les universités ont été réticentes à s'adapter aux changements et incapables de le faire me semble plutôt ridicule. Si vous comparez l'université de 1945 à l'université d'aujourd'hui, cette critique paraît sans fondement.
Voilà qui décrit en termes généraux notre position concernant le financement et la régie de l'enseignement supérieur au Canada. Nous sommes confrontés à deux transformations radicales. Nous avons déjà pris de nombreuses mesures pour nous adapter à ces deux grandes crises de la culture et de l'économie canadiennes, mais il reste encore beaucoup à faire.
Notre mémoire est articulé autour de deux grands thèmes. D'une part, au cours des 10 à 15 prochaines années, la meilleure façon dont le gouvernement fédéral peut nous aider à nous adapter à ces grands changements et à mieux préserver les intérêts du pays sera d'appuyer notre capacité de recherche, l'infrastructure de recherche -- c'est-à-dire les laboratoires et ceux qui y travaillent --, notre savoir et la capacité de le communiquer par divers moyens, qu'il s'agisse d'Internet ou de meilleurs services documentaires, en somme, d'appuyer l'infrastructure générale. C'est ainsi, selon nous, que le gouvernement fédéral pourra nous être le plus utile.
L'autre moyen a déjà été mentionné ce matin, soit l'aide financière aux étudiants. Ces étudiants sont la préoccupation première, naturellement, des corps professoraux canadiens. Nous sommes des professeurs et des chercheurs. Or, il se trouve que ces deux fonctions sont symétriques. C'est une raison en soi, je suppose, pour ajouter cette préoccupation au sujet des étudiants et de leur accès à l'enseignement supérieur.
Nous avons essayé de vous montrer que notre préoccupation n'est pas simplement une question de morale bienveillante, mais un calcul à froid. Si nous aidons les étudiants à participer pleinement à l'enseignement supérieur, sans avoir à trop s'inquiéter de l'endettement, nous faisons un investissement direct et effectif immédiat dans la culture, l'économie et la société. C'est le genre d'investissement qui, d'après nous, inspirera confiance dans le rôle de l'État -- point qui doit vous préoccuper -- et dans l'université comme telle -- point dont, de toute évidence, nous nous préoccupons en fin de compte en tant que chercheurs et enseignants.
Si les étudiants et leurs familles croient qu'ils ont autant de chances que les autres d'accéder à l'enseignement supérieur, ils feront confiance au système et au pays.
Notre message n'est pas que d'ordre économique. Il renferme aussi une certaine morale. En affirmant que nous appuyons les étudiants et la possibilité que tous aient accès à l'enseignement supérieur et puissent y participer, nous vous disons que vous avez ici la chance d'inspirer aux Canadiens et Canadiennes confiance à la fois dans leur gouvernement, leur l'État, leur société et leurs universités. Il existe donc une double raison d'investir des fonds publics dans nos étudiants.
J'ai simplement effleuré les thèmes. Dans les 12 pages de notre mémoire, nous avons avancé bien d'autres raisons et faits à l'appui de notre position et soulevé de nombreux points. Je suis sûr que vous avez eu l'occasion de lire le mémoire bien qu'il soit, je l'avoue, un peu compliqué. Nous y avons aussi joint des annexes qui sont encore plus compliquées. J'ai donc cru plus utile de vous brosser les grandes lignes du document que de vous en faire la lecture ou de n'en lire que quelques passages.
Quelqu'un a mentionné aujourd'hui une coalition qui a récemment annoncé qu'elle préconisait une série de propositions concernant l'aide aux étudiants. L'Association canadienne des professeures et des professeurs d'université en fait partie. Nous sommes heureux d'avoir pu en arriver à une entente aussi vaste au sujet d'une question aussi fondamentale.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: J'ai beaucoup aimé votre présentation. Le Conference Board of Canada nous mentionnait un des critères que vous avez soulevé: nous voulons former des étudiants «with a critical and well-furnished mind». Ce sont les étudiants qui ont une meilleure chance. C'est un des critères d'emploi. Les employeurs le recherchent. Nous ne parlerons pas d'endettement ni de coûts avec vous. Nous en avons parlé avec des institutions financières déjà.
Pourriez-vous me dire de quelle façon, en 1999, les universités s'adapteront dans ces changements significatifs? J'ai été longtemps dans le système d'éducation. Les changements s'y font beaucoup plus lentement que dans l'entreprise privée. Donnez-moi une façon pour que je puisse les comparer. M. White, il me semble, le président de l'Université du Québec à Hull, parlait dernièrement à ce sujet. Pouvez-vous nous donner un exemple des services offerts dans les universités au niveau du personnel, au niveau de l'équipement? Est-ce encore des cours magistraux que vous donnez?
M. Bruneau : Je vais vous donner deux exemples. Je vais inviter M. Savage à ajouter à mes exemples. Certains étudiants chez nous en 1997 n'existaient pas il y a 25 ans. Les étudiants aborigènes des Premières nations, par exemple, les étudiants de cette partie de la population n'existaient pas il y a 25 ans. C'est un renouvellement important et fondamental dans un certain sens. Il y a une participation qui vient de cette partie de la population où il n'y en avait pas il y 25 ans. C'est un renouvellement important et fondamental dans un certain sens, là il y a une participation où il n'y en avait pas il y a 25 ans. C'est un exemple d'un renouvellement assez fondamental, un changement d'attitude assez fondamental et profond.
Un deuxième exemple au niveau des programmes: l'évolution de l'informatique depuis 25 ans est rapide et radicale. Il y a des programmes qui existent en 1997 qui n'existaient pas évidemment il y a 25 ans. C'est un renouvellement assez profond, assez important et qui répond aux exigences du monde économique. Ce sont deux exemples, peut-être, d'une demande qui a favorisé chez-nous des renouvellements et des changements au niveau des programmes du personnel estudiantin.
En fait, vous me posez une autre question, parce que là on répond à quelque chose. Avons-nous la possibilité d'agir au niveau du leadership, c'est à dire de faire quelque chose avant qu'on nous le demande? Je peux vous donner un exemple aussi. C'est l'exemple des programmes multidisciplinaires où il y a des recherches et des enseignements qui posent des questions, qui exigent des connaissances non seulement en histoire ou en sociologie mais peut-être aussi en mathématiques et en biologie. La question par exemple de la compréhension la famille humaine ou l'évolution biologique des espèces ou des questions énormes auxquelles ont ne peut répondre en apprenant ou en faisant des recherches que dans un seul domaine mais en plusieurs domaines. Cet apprentissage et ces recherches multidisciplinaires ont lieu dans presque toutes les universités du pays. Nous sommes en train de poser des questions et de faire des recherches. Ce n'est pas une réponse à une question qui nous a été posée. C'est nous qui posons les questions. C'est une question pour nous de leadership. Nous posons des questions, nous essayons de former les esprits avant même que les problèmes s'annoncent.
[Traduction]
M. Donald Savage, Ph.D., directeur exécutif, Association canadienne des professeures et professeurs d'université: Je vais vous en donner un autre exemple, puis je ferai peut-être une mise en garde.
Dans cette dernière génération d'universités canadiennes, il est beaucoup plus facile d'étudier les cultures étrangères, les langues étrangères, l'économie politique étrangère, et ainsi de suite. Toutes ces connaissances me semblent absolument essentielles si l'on veut être compétitif à l'échelle internationale. Cette transformation est venue en grande partie de l'intérieur. Elle est née au sein même de l'université, ce dont il faudrait la féliciter. Toutefois, à mesure que se tarissent les fonds de recherche, ce sont précisément ces programmes qui sont les plus vulnérables. Nous courons le risque d'annuler les efforts de toute une génération en vue de mettre en place une infrastructure de recherche et de produire des chercheurs canadiens.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: J'aurais une autre question technique à vous poser. Est-ce que les universités francophones hors Québec font partie de votre Association canadienne, par exemple l'Université de Moncton ?
M. Bruneau: Oui.
M. Savage: Oui.
Le sénateur Losier-Cool: Je vous remercie.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je regrette, je ne l'ai pas lu votre mémoire, je pense que nous l'avons eu ce matin de toute façon. J'aurais une question touchant la recherche et le développement. Elle préoccupe tous les gens que l'on rencontre. Les gens qui font des démarches auprès de nous semblent très inquiets ou préoccupés du fait que les fonds semblent être à sec. Est-ce que vous faites des représentations auprès du gouvernement à cet effet? Comment est-ce que cela se passe ou quelle est la réception?
[Traduction]
M. Savage: Nous faisons des représentations à ce sujet depuis de nombreuses années. Le comité des finances de la Chambre des communes y a partiellement donné suite, par exemple en ce qui concerne l'importance des subventions de recherche versées par les trois organismes fédéraux. Nous espérons que M. Martin sera attentif, cette fois-ci, aux représentations faites tant par nous que par ces conseils.
J'aimerais aussi attirer votre attention sur une autre coalition qui s'intéresse à la recherche et qui a produit le document relatif à l'infrastructure de recherche qui figure en annexe de notre mémoire.
Nous avons proposé au gouvernement tout un train de mesures visant à mieux cibler peut-être les fonds de recherche pour permettre de s'attaquer aux nouveaux domaines.
On parle de l'importance de faire en sorte que les structures de recherche, c'est-à-dire les laboratoires et tout le reste, n'accusent pas de retard. Nous proposons que des fonds soient affectés à un programme particulier de transition destiné aux diplômés, particulièrement en sciences et en génie par exemple, qui veulent aller travailler dans le secteur privé. Nous pourrions peut-être faire mieux dans ce domaine particulier.
Nous avons donné notre appui aux propositions du Conseil de recherches en sciences humaines qui a fait remarquer que la recherche n'est pas simplement le fait d'alliances avec le secteur privé, que la capacité de recherche de l'université devrait être à la disposition de tous les organismes de la collectivité qui en ont besoin. Les Hollandais ont été les premiers à le faire, il y a de nombreuses années, et la Humanities and Social Sciences Federation presse le gouvernement d'aider les universités à le faire au Canada, de sorte que les groupes communautaires -- par exemple, les groupes sans but lucratif et les syndicats -- puissent faire appel aux services de recherche des universités.
Nous exhortons le gouvernement à agir depuis de nombreuses années. Cette année, nous avons présenté, de concert avec les autres membres de la coalition, une série de propositions détaillées concernant ce que le Canada pourrait faire pour mieux appuyer la recherche universitaire.
M. Bruneau: L'Université de la Colombie-Britannique illustre bien deux exemples de crise résultant de cette énorme réduction des transferts provinciaux. Une des nouvelles réalités est l'émergence d'une nouvelle catégorie d'employés, soit l'aide-enseignant à vie, comme nous l'appelons. Cet employé, dont la rémunération est dérisoire, est chaque année embauché en septembre et licencié en avril. Nous sommes obligés de le faire pour nous acquitter de la lourde tâche d'enseignement et de recherche que nous imposent le grand nombre d'étudiants et l'envergure de la recherche dans laquelle nous nous sommes lancés. Il faut continuer ce travail, mais nous n'avons plus les moyens d'engager à long terme, parfois en permanence. Au contraire, nous sommes obligés d'engager beaucoup de gens pour huit ou neuf mois de travail, puis de les laisser partir. Il est malheureux que nous soyons obligés d'avoir de telles relations de travail avec eux. Il n'est pas dans l'intérêt à long terme des universités de ne pas avoir de chercheurs permanents. Toutefois, vous voyez là le résultat des problèmes de financement auxquels nous avons dû faire face au cours des cinq dernières années.
Autre exemple, la semaine dernière, j'ai visité un laboratoire de notre université où toute la peinture s'était détachée du plafond. On pouvait y voir de petits carreaux d'amiante qui commençaient, eux aussi, à tomber. La peinture était tout ce qui les retenait au plafond. L'université est un peu coincée parce que, à la fin de janvier, elle avait déjà épuisé les fonds réservés à l'entretien. Je suppose qu'il faudra laisser le reste du plafond tomber.
Ces petits exemples illustrent une crise importante de financement dans l'infrastructure, ressource fondamentale sans laquelle nous n'aurions pas les personnes, le savoir et les ressources matérielles dont nous avons besoin pour bien faire notre travail.
Nous voulons apprendre à nos étudiants à devenir de véritables penseurs à l'esprit critique et les inciter à faire carrière en recherche. On parle d'apprentissage permanent. Je ne puis m'empêcher d'ajouter qu'il faudrait aussi parler d'emploi de chercheur permanent. Pour survivre au XXIe siècle, il faudra faire de la recherche. C'est une exigence incontournable.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: Vous avez fait état au tout début, un peu comme une entrée en matière, de votre préoccupation des changements apportés par la technologie de l'information que ce soit au niveau de l'Internet ou autres et aussi des difficultés à trouver de l'emploi et ainsi de suite. Est-ce qu'il y a des universités qui se penchent sur le problème? Nous sommes tous à acheter la nouvelle technologie comme étant une chose merveilleuse. À bien des égards, elle l'est, mais sans se préoccuper de ce que cela veut dire. L'université se préoccupe-t-elle de la façon de transmettre ailleurs, à d'autres gens qui n'ont pas vécu à l'heure de l'Internet? Quel effet ces choses ont-elles sur l'emploi? Je vous référerais au livre de Jeremy Rifken La mort du travail. C'est préoccupant. Nous pouvons bien parler d'économie, mais tout le monde réalise qu'il s'agit d'un facteur très important? Est-ce que les universités, du point de vue sociologique, se penchent sur ce problème? Comment envisagez-vous transmettre à la population qui n'est plus dans des universités et qui ne reviendra pas à l'université toutes ces nouvelles données qui vont conditionner de plus en plus leur vie? Les universités se penchent-elles là-dessus?
M. Bruneau: La réponse la plus simple c'est non. Dans un sens, on aimerait se pencher sur ce problème. On le fait dans une certaine mesure mais dans notre Association, par exemple, on se propose de tenir une assemblée spéciale l'automne prochain pour discuter précisément de ces questions. Nous voulons répondre à ces questions mais c'est un peu tôt. La recherche sur la sociologie de cette affaire commence seulement. C'est tout ce que je peux vous dire. Ce n'est pas une réponse très nette et satisfaisante.
Le sénateur Lavoie-Roux: Du moment que vous vous en préoccupez, c'est déjà un début.
M. Bruneau: Nous nous préoccupons de cette question.
[Traduction]
M. Savage: Cette situation inquiète bien des gens à l'université, car il semble tout à fait concevable que cette nouvelle technologie et Internet ne fassent que renforcer les classes sociales plutôt que les éliminer. Ceux qui auront accès à l'enseignement supérieur et à Internet auront le privilège d'utiliser cette technologie. Le reste de la société pourrait bien être exclu. Voilà qui explique l'importance du raisonnement à la base des contrats de recherche scientifique. Il faut examiner comment la capacité de recherche de l'université peut être mise au service de la collectivité.
Sur le plan technique, vous en avez un exemple ici même, à Ottawa. Les chercheurs en informatique de l'Université Carleton ont beaucoup contribué à la création de Freenet, qui est à la disposition de quiconque habite à Ottawa, à condition de pouvoir se brancher. Il faudrait que l'on ait recours à cette solution beaucoup plus souvent.
Le sénateur Lavoie-Roux: Pour l'instant, nous avons l'impression que les seuls à s'en préoccuper sont...
[Français]
Ce sont les vendeurs de technologie. Je pense qu'il y a un lien qui devrait se faire, que ce soit avec les universités ou avec les collèges communautaires dans les autres provinces, peu importe. Cela me préoccupe parce que la rupture va devenir de plus en plus profonde entre différents groupes de notre société, sans compter tout l'impact que ceci a sur la création de l'emploi.
[Traduction]
Vancouver compte deux universités, Simon Fraser et l'Université de la Colombie-Britannique.
M. Bruneau: Oui.
Le sénateur Lavoie-Roux: On en compte au moins quatre à Montréal. Nous soignons nos minorités, et elles prennent bien soin d'elles-mêmes, ce dont je les félicite.
[Français]
Compte tenu de la raréfaction, si le mot est français, des ressources financières, quels sont les efforts qui sont faits pour ajuster les universités les unes aux autres au niveau des programmes et de l'établissement des priorités? Il va falloir regarder cela de plus près parce que cela coûte de plus en plus cher. On nous dit qu'il y a moins d'argent mais je ne suis pas sûr que l'argent est toujours dépensé au bon endroit. Je ne parle pas seulement des universités, je parle de façon générale. Il y a quand même une rationalisation à faire dans tous les domaines. Je me demandais si vous êtes engagés dans ce genre de rationalisation et dans quelle mesure? Je ne sais pas combien de villes ont le plus d'universités? Est qu'il n'y a qu'une seule université à Toronto?
M. Savage: Il y en a trois.
Le sénateur Lavoie-Roux: Quel est le nom des autres ?
M. Savage: L'Université York et l'Université Ryerson.
[Traduction]
M. Bruneau: En Colombie-Britannique, il y a, diraient certains, presque trop de différences entre les établissements. En fait, c'est ainsi que nous avons essayé de régler le problème.
L'Université de la Colombie-Britannique est une université de recherche. Du moins, c'est ainsi qu'elle se qualifie. Cette université de recherche met beaucoup l'accent sur les subventions des gouvernements et de l'industrie. Nous entretenons des relations très étroites avec les autres établissements de recherche du Canada et du monde entier.
L'université Simon Fraser est aussi une université de recherche, mais davantage axée sur l'enseignement au premier cycle, d'après certains.
L'Université de Victoria, elle, est un établissement d'éducation libérale qui s'efforce d'attirer la population de l'intérieur des terres de la province. Elle s'est spécialisée dans les programmes de premier cycle. Ceux qui font des études de premier cycle là s'y sentent bien. Il faut faire une distinction entre ce que fait l'Université Simon Fraser à son campus du centre-ville et son orientation «Études commerciales», l'Université de la Colombie-Britannique, qui est un grand établissement représentant tout pour tous et, enfin, l'Université de Victoria, qui vise comme clientèle la population de l'intérieur des terres de la Colombie-Britannique. Ces établissements se complètent. Une université ne cherche pas à tout faire elle-même. Ce serait d'ailleurs impossible.
La réalité financière et notre passé nous ont forcés à le faire. L'Université de Victoria n'a pas du tout le même passé que nous, et nous acceptons ces différences. Toutefois, certains sont inquiets parce que les études libérales sont universelles. L'étude des langues, des cultures, de l'histoire et des sciences pures doit se faire dans chaque établissement. Nous ne pouvons pas éviter certains dédoublements. En fait, il faut qu'il y en ait. Des raisons d'ordre familial et l'érudition du corps professoral ont une influence. La même situation s'applique dans d'autres provinces.
M. Savage: Au cours des cinq dernières années, nous avons été témoins de beaucoup de concertations entre les universités et les programmes coopératifs. Ainsi, si vous examinez ce qui se passe dans le centre de l'Ontario et dans des universités comme Wilfrid Laurier, Guelph et l'Université de Waterloo, vous constaterez qu'elles ont conclu des ententes de coopération en matière de ressources documentaires en vue de mettre en commun les services. Elles se complètent l'une l'autre dans leurs achats, et les étudiants utilisent indifféremment une bibliothèque ou l'autre.
Elles ont fait la même chose en ce qui concerne des cours spécialisés qui coûtent très cher à offrir. Pourquoi les offrir dans trois établissements? Il faudrait faire en sorte que les étudiants des trois établissements puissent fréquenter n'importe lequel, particulièrement pour suivre des cours spécialisés de premier cycle. En Nouvelle-Écosse par exemple, les universités ont mis sur pied une structure qui leur permet de se concerter grâce à leurs bibliothèques. Cela se fait aussi dans le centre de l'Ontario. Ainsi, dans les écoles de génie de Toronto et de McMaster, des programmes ont été mis sur pied pour faire en sorte que les étudiants puissent, encore une fois dans des domaines spécialisés, profiter de la compétence des deux établissements. Ici même, à Ottawa, à toutes fins pratiques, les programmes de deuxième et de troisième cycles de l'Université Carleton et de l'Université d'Ottawa sont intégrés, en ce sens que vous pouvez suivre un cours à l'une ou à l'autre, indifféremment de l'établissement où vous êtes inscrit. Les bibliothèques des étudiants de deuxième et de troisième cycles sont ouvertes à tous.
La nécessité est incontestablement mère de l'invention à cet égard. Cependant, le fait met en évidence un autre élément très important. Ce genre de restructuration s'effectue avec un minimum de bureaucratie, entre établissements où de vraies personnes qui éprouvent de réelles difficultés peuvent vraiment les résoudre. L'idée de créer une autre lourde bureaucratie pour diriger tout cela nous inquiète. C'est pourquoi nous étions opposés au programme de rationalisation du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, il y a environ un an. Le programme semblait davantage axé sur la bureaucratie que sur le savoir.
Le sénateur Lavoie-Roux: Êtes-vous d'accord que, là où il y a moyen de rationaliser, il faudrait le faire dès maintenant?
M. Savage: Oui.
Le sénateur Lavoie-Roux: Il ne faudrait pas que la rationalisation se fasse à tout prix, mais il faudrait faire une utilisation plus efficace des ressources, n'est-ce-pas?
M. Savage: Effectivement.
Le sénateur Forest: Je connais très bien le milieu universitaire. Il n'est pas nécessaire de me convaincre, particulièrement en ce qui concerne la recherche. Monsieur Savage, votre nouveau président, qui était à l'époque notre vice-président de la recherche, est un atout appréciable pour vous et une perte pour nous.
La recherche est un de mes dadas. J'étais encore à l'université quand toutes ces compressions ont commencé à se faire sentir. Nous craignions à ce moment-là de perdre toute une génération de chercheurs. Je constate actuellement le phénomène chez les docteurs, obligés d'aller travailler aux États-Unis parce qu'ils ne peuvent le faire ici. Même aux États, les contrats de travail ne sont que d'un an. Cela nuit beaucoup aux institutions et à la raison d'être des universités.
Selon vous, avons-nous perdu une génération de savants? La question est grave et elle a d'énormes répercussions sur notre avenir. Voilà toute une génération de chercheurs qui, plutôt que d'avoir eu l'occasion d'enseigner et de poursuivre leurs recherches, ont un contrat d'un an dans différentes universités un peu partout en Amérique du Nord.
M. Bruneau: Vous avez vous-même répondu à la question.
On pourrait rétorquer, comme certains le font, qu'en Europe, où pendant un siècle on a produit trop de diplômés -- il s'effectue beaucoup de recherche au sujet du rôle de ces personnes dans la société --, ce n'est pas une catastrophe monumentale. Ces personnes jouent un rôle actif dans les affaires et dans la vie sociale. Nous n'avons pas entièrement perdu leur compétence et leur talent. Elles ont été formées pour faire de la recherche en enseignement. C'est ce qu'elles voulaient faire et qu'elles ne font pas. Bien trop souvent, ces personnes sont sous-employées et frustrées.
Avons-nous irrémédiablement perdu toute une génération? Pour être tout à fait honnête, non, je ne le crois pas. Cependant, on utilise mal leur énorme talent. Il faut trouver des moyens de les réintégrer au milieu de la recherche et de l'enseignement.
Le sénateur Forest: Les compressions ont poussé les universités à conclure certains partenariats avec des entreprises. C'est peut-être une bonne chose. Pour que nous effectuions la recherche dont elles ont besoin, elles la financent. Toutefois, il y a un danger inhérent à cette situation, et j'aimerais que vous me donniez votre opinion à ce sujet.
M. Bruneau: Je demanderais à M. Savage de donner, lui aussi, son opinion.
L'Université de la Colombie-Britannique travaille en étroite collaboration avec les entreprises forestières et minières, par exemple. À côté des grands immeubles qu'elles ont jusqu'à un certain point subventionnés, ces industries possèdent des installations très visibles. Il s'agit de savoir si ce sont elles qui décident de l'embauchage, des programmes d'études et du genre de recherche effectuée. La possibilité que ces industries exercent peut-être un peu trop d'influence sur le genre de recherche effectuée nous préoccupe.
S'il faut que les relations de travail entre l'entreprise privée et le secteur public soient aisées, il faut aussi accepter que la formation générale des étudiants exige l'exécution de recherches dans toutes sortes de domaines qui ne rapporteront peut-être pas immédiatement. Faire de la recherche fondamentale en sciences pourrait ne pas correspondre à l'intérêt économique d'une entreprise qui souhaite équilibrer son bilan l'année suivante ou le mois suivant.
J'ai l'impression que vous serez d'accord avec moi au sujet de la plupart de ces points, mais il conviendrait peut-être d'énumérer toutes les raisons pour lesquelles une telle façon de procéder est risquée.
Le sénateur Losier-Cool: Quelle est la position de votre association au sujet de la question soulevée par le sénateur Forest? Préféreriez-vous qu'il y ait plus de subventions?
[Français]
Voulez-vous plus de subventions du secteur public qui pourraient avoir une influence sur les programmes offerts? Je n'ai pas compris votre position.
[Traduction]
M. Savage: Durant les quelques dernières années, nous avons réuni des conseils à l'intention des universités quant à la façon d'agir dans pareille situation. Nous ne sommes pas opposés aux programmes conjoints financés par l'entreprise privée, tout comme nous ne sommes pas opposés au financement des programmes par le gouvernement fédéral. Par contre, il importe, selon nous, de protéger notre indépendance sur plusieurs plans névralgiques.
Il est important que les étudiants diplômés inscrits à ces programmes puissent rédiger leur thèse sans risque de se voir interdire par une entreprise d'étudier un sujet particulier parce qu'il touche à ses secrets commerciaux. La plupart des universités ont réglé le problème en prévoyant des règles à ce sujet.
De plus, comme l'a mentionné M. Bruneau, nous nous préoccupons énormément de l'importance de pouvoir effectuer librement de la recherche dont les résultats sont rendus publics. La recherche effectuée à l'université est publique, non pas secrète. Si l'on doit conclure des accords avec l'entreprise privée, il faut prévoir des règles strictes quant à la période durant laquelle ces travaux doivent demeurer secrets. Nous comprenons qu'il faut demander des brevets et tout le reste -- que pareil processus est un peu long --, mais, au bout de deux ans, c'est fait. Dès lors, la recherche devrait relever du domaine public.
Actuellement, la recherche universitaire est publique, de manière que l'on puisse en faire la critique. C'est ainsi que l'on sait si les résultats sont bons ou pas. Si la recherche est secrète et privée, comment un membre du milieu universitaire peut-il savoir si ses résultats sont valables? Voilà le problème fondamental. Nous estimons que les universités doivent adopter ce genre de règles pour traiter de pareille situation. Il faut qu'elles adoptent des règles claires et musclées en cas de conflits d'intérêts. Nous avons décrit avec précision ce qu'elles devraient être. Il existe des modèles pour ce genre de situation.
Notre réponse est donc affirmative. Bien sûr, il faut que le financement des universités vienne de diverses sources, mais quelle qu'elle soit -- gouvernement, entreprise privée ou autre --, il faut fixer des règles nettes et bien comprises, qui mettent en évidence le fait que les universités sont différentes de leurs partenaires.
Le président: J'aurais aimé vous poser plusieurs questions, mais nous n'en avons plus le temps. J'ai permis aux autres membres de poser leurs questions en premier. Je vous enverrai donc mes questions par écrit et je vous saurais gré d'y répondre de la même façon.
Le sénateur DeWare: Chaque fois qu'il est question de financement, d'universités, de professeurs et de jeunes enseignants en quête d'emploi, on nous parle de permanence. Plusieurs professeurs ont la permanence au Canada, tout comme certains enseignants des écoles locales. Si les professeurs de la faculté sont tous permanents et font de l'excellent travail, est-ce là une des raisons pour lesquelles on ne peut en recruter de nouveaux? Avez-vous les mains liées à cet égard? La permanence est-elle un problème?
M. Bruneau: J'aimerais souligner une différence. La permanence nous protège contre les universités qui voudraient nous mettre à la porte parce que nous avons fait une déclaration politique ou concernant notre travail universitaire qui les mettent dans l'embarras. Elles ne peuvent nous mettre à la porte sans raison valable. Cette raison ne peut être d'ordre politique. Elle doit avoir trait à notre rendement en tant que chercheur ou enseignant. C'est un principe important que nous tenons à préserver, quelle que soit la décision concernant la sécurité d'emploi, objet de votre question.
Quant à la sécurité d'emploi, quand on prend des engagements à long terme en matière de recherche et d'enseignement, il n'est tout simplement pas logique d'embaucher et de licencier chaque année. Tous seront d'accord pour dire qu'il faut prendre des engagements à long terme à l'égard des hommes et des femmes qui enseignent et qui font la recherche à l'université, sans quoi les programmes de recherche et d'enseignement ne résisteront pas à l'épreuve du temps.
Simultanément, l'université s'est depuis longtemps rendu compte qu'il lui faut la présence de toute une gamme d'hommes et de femmes d'âges différents et issus de divers groupes sociaux pour bien faire son travail. Ce renouveau du corps professoral s'effectue à un rythme effarant depuis 25 ans. Il y a énormément de renouveau. Nous aimerions qu'il y en ait encore plus.
La réduction des fonds de transfert, dont on vous a parlé trois ou quatre fois ce matin, explique en très grande partie le fait que nous soyons incapables de renouveler le corps professoral aussi vite que nous l'aimerions.
M. Savage: Il faut que les universités canadiennes soient compétitives dans la société nord-américaine. Chaque grande université américaine a un corps professoral permanent. Si nous voulons attirer des professeurs et chercheurs de qualité dans les universités canadiennes, il faut offrir l'équivalent. Nous sommes certes incapables de payer les mêmes salaires. S'il fallait en plus dire à des chercheurs de renommée mondiale qu'il n'y a pas de permanence, de toute évidence, ils ne viendraient pas travailler chez nous. On peut supposer que bon nombre de nos meilleurs chercheurs concluraient qu'il vaut mieux aller travailler aux États-Unis si, en plus de leur offrir des salaires plus bas, nous sommes incapables de leur offrir la permanence.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Chacun d'entre vous recevra des questions auxquelles nous aimerions obtenir une réponse officielle.
Nous entendons maintenant M. Tom Norton, président de l'Association des collèges communautaires du Canada.
M. Tom Norton, président, Association des collèges communautaires du Canada: Monsieur le président, j'aimerais vous présenter M. Gerald Brown, qui m'accompagne aujourd'hui. Il est directeur général du collège John Abbott, à Sainte-Anne-de-Bellevue, au Québec. M. Brown est aussi actif au sein de notre réseau de présidents de collège, soit le groupe de 175 présidents de collèges, de cégeps et d'écoles techniques.
Dans notre exposé, nous nous efforcerons de vous décrire notre position tant du point de vue de l'association nationale que de celui des établissements individuels.
Le Canada compte 175 collèges répartis dans toutes les provinces, même si leur appellation change d'une à l'autre. Très peu de ces établissements sont appelés des «collèges communautaires». Les collèges typiques ont 30 ans environ. Bien qu'ils relèvent de 12 compétences différentes, ils ont beaucoup de points en commun.
Environ 400 000 étudiants sont inscrits à plein temps et environ 1,5 million à temps partiel dans ces établissements. Enfin, c'est chez nous que viennent les travailleurs canadiens qui veulent poursuivre leurs études et leur formation.
On ne peut parler de société du savoir sans parler du rôle des universités. Il est tout aussi important, selon nous, de comprendre que, si les travailleurs canadiens ne renouvellent pas constamment leurs compétences, si les techniciens et technologues n'accroissent pas continuellement leur savoir, il n'y aura pas d'économie. La valeur ajoutée au travail que représente l'acquisition constante de connaissances est si grande actuellement que ce sont les travailleurs canadiens qui nous font vivre.
Nous avons essayé de faire valoir des arguments puissants dans notre mémoire. Nous n'avons pas l'intention de vous en faire la lecture. Avec votre permission, je demanderais plutôt à M. Brown de vous en brosser les grandes lignes.
M. Gerald Brown, directeur général, collège John Abbott: Monsieur le président, notre mémoire est essentiellement centré sur notre préoccupation au sujet de nos étudiants, qui sont notre raison d'être. Par conséquent, nous parlons des besoins de ces étudiants.
Nous sommes conscients que l'enseignement est un domaine de compétence provinciale et qu'il est donc difficile d'aborder l'enseignement postsecondaire dans une optique pancanadienne. Cela étant dit, nous nous rendons compte que c'est une façon névralgique et efficace pour le gouvernement fédéral d'intervenir, d'appuyer et de compléter nombre des efforts entrepris dans diverses régions du pays.
Le rôle qui convient le mieux au gouvernement fédéral dans cette question est, d'après nous, de faciliter l'établissement d'un cadre d'aide aux étudiants. La réalité des études, c'est qu'elles s'inscrivent dans un continuum -- les études menant à l'éducation postsecondaire; l'éducation postsecondaire comme telle; la fin des études postsecondaires; puis, le retour aux études postsecondaires. Il est vrai que l'enseignement postsecondaire relève de la compétence provinciale. Toutefois, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle utile en vue de faciliter l'accès au début et vers la fin, quand les étudiants quittent le système.
Quand les étudiants se préparent à passer à des établissements d'enseignement postsecondaire, il importe qu'ils comprennent les possibilités qui s'offriront à eux. Bien que les systèmes varient d'un bout à l'autre du pays et qu'ils présentent toute une gamme d'options et de possibilités, de plus en plus, les présidents de collège, les conseillers en orientation professionnelle et en enseignement, de même que des porte-parole de l'industrie, nous disent que l'économie canadienne souffre d'une pénurie de travailleurs qualifiés. On vous l'a probablement répété au cours des derniers mois. Il semble aussi qu'il y ait un besoin criant dans le domaine des sciences et de la technologie. Nous sommes capables de répondre à la demande dans le secteur des lettres et des sciences humaines et à une certaine demande en sciences sociales, mais, de plus en plus, il est question de sciences et de technologie. Par conséquent, nous croyons que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle névralgique ici, en ce sens qu'il est capable d'aider les étudiants dans leur réflexion au sujet de leur avenir.
Nos recommandations visent deux secteurs en particulier. D'une part, nous aimerions que le gouvernement fédéral entreprenne une campagne de sensibilisation comme celle qu'il a menée sur le tabagisme. Nous estimons qu'il a un rôle réel à jouer en vue de faire prendre conscience aux Canadiens qu'il existe de bons débouchés pour les étudiants de niveau postsecondaire, particulièrement dans le domaine des sciences et de la technologie. La tâche serait d'autant plus facile s'il mettait en oeuvre un programme de bourses visant spécifiquement à encourager les étudiants à s'inscrire aux programmes de sciences, de technologie et de génie.
La principale difficulté de nos étudiants consiste à savoir ce que leur réserve un avenir extrêmement difficile à cerner. Grâce à un programme de sensibilisation et de bourses, on pourrait faire valoir qu'il existe des débouchés pour les diplômés d'études postsecondaires, surtout dans le domaine des sciences et de la technologie.
Pendant qu'ils font leurs études postsecondaires, les étudiants accumulent une dette phénoménale. Je puis en témoigner non seulement en tant que président de collège, mais aussi comme père d'un garçon qui a étudié dans le domaine où il voulait faire carrière.
Nous sommes tous d'une génération qui a fait des études à peu de frais. Or, ce n'est plus le cas pour la génération X. De plus en plus, nous nous orientons vers le modèle américain où les frais de scolarité augmentent à un rythme effarant. Nos diplômés sont lourdement endettés lorsqu'ils quittent nos établissements.
Le collège John Abbott est situé dans l'ouest de Montréal. Ceux d'entre vous qui connaissent bien ce coin de pays savent que c'est là qu'habite l'élite montréalaise, c'est-à-dire la plupart des dirigeants d'entreprise et des cadres supérieurs. Mon établissement est donc privilégié de se trouver au sein de cette collectivité. Depuis trois ou quatre ans, le nombre d'étudiants qui ont demandé des prêts étudiants a doublé chez nous. Nous parlons là du Québec, où les études sont gratuites. Dans les autres provinces canadiennes, le fardeau des études est de plus en plus assumé par les étudiants, à mesure que les gouvernements provinciaux se retirent de ce champ.
Nous avons présenté plusieurs recommandations concernant l'importance de prévoir un régime quelconque d'allégement de la dette qui nous permettra d'aider nos étudiants lorsqu'ils quittent l'établissement ... que le remboursement des prêts se fasse en fonction du revenu ou que l'étudiant puisse faire du travail qui diminue sa dette. Quelles que soient les modalités envisagées, il est essentiel que nous le fassions dès maintenant.
Donc, nos étudiants terminent leurs études avec une lourde dette et se cherchent du travail. Il importe de faciliter cette transition. De nombreux étudiants reçoivent de l'aide durant cette période. L'édition d'aujourd'hui du Globe and Mail mentionne plusieurs forme d'aide que fournit le gouvernement fédéral, et nous l'en félicitons.
Toutefois, selon les employeurs, l'industrie et les syndicats, une fois membres de la population active, ces diplômés doivent rapidement retourner aux études. Il faut leur faciliter le retour. L'éducation et l'apprentissage permanents représentent maintenant une réalité de la vie. Vous avez entendu parler des études selon lesquelles il n'est plus possible d'avoir le même emploi pendant 35 ans. Pour la plupart de nos étudiants, une carrière dure maintenant de trois à quatre ans. Il est donc essentiel pour eux de pouvoir retourner aux études et se ressourcer.
Malheureusement, notre système, surtout dans l'optique des allégements fiscaux, se fonde essentiellement sur l'ancien modèle où on allait à l'école, puis on travaillait, on versait des impôts et, si on prenait un cours à l'occasion, on obtenait un crédit d'impôt. Pour avoir droit aux crédits d'impôt, il faut maintenant être inscrit à plein temps. Il faut trouver un moyen de modifier la fiscalité en vue de compenser ceux qui poursuivent des études.
Comme nous n'en sommes pas à notre premier témoignage devant un comité, nous savons que la partie importante du processus est la période de questions et de réponses. De toute évidence, cette question relève de la compétence provinciale, mais nous y voyons aussi un rôle névralgique pour le gouvernement fédéral en ce sens qu'il peut faciliter les premières études, le passage à la vie professionnelle, puis le retour aux études.
M. Norton: Afin d'éviter d'avoir des problèmes à l'avenir en ce qui concerne le financement des étudiants et de nos établissements d'enseignement postsecondaire, nous devons concevoir dès maintenant des programmes qui encourageront les parents à commencer à économiser, comme on le fait aux États-Unis, pratiquement dès la naissance de leurs enfants.
Nous aimerions présenter entre autres comme option l'achat d'obligations d'épargne du Canada bénéficiant d'un abri fiscal beaucoup plus large que le Régime enregistré d'épargne-études. Ces obligations pourraient être achetées selon le principe des fonds mutuels d'un REER, à l'aide de dollars avant impôt, et l'intérêt gagné pourrait être protégé. Cela aiderait non seulement les parents à économiser et les encouragerait à le faire, mais cela permettrait également de rapatrier notre dette, ce qui constitue de toute évidence une priorité ... qui passe sans doute après la réduction de la dette, mais n'en reste pas moins une priorité.
Il faut se donner comme priorité d'aider la génération des parents d'enfants de trois et quatre ans à économiser dès maintenant en prévision de ce nouvel environnement, puis de créer des mécanismes intéressants pour les inciter à le faire, car autrement, il ne s'agira plus d'une période d'endettement inacceptable de 10 ou 12 ans mais bien d'un problème qui se répercutera sur plusieurs générations et qui risque de réduire considérablement la participation aux études supérieures.
J'aimerais également mentionner l'importance capitale du rôle joué par le gouvernement fédéral sur la scène internationale. Il y a une vingtaine d'années, nos collèges définissaient l'adjectif «communautaire» comme la communauté immédiate les entourant. La communauté dans laquelle nos diplômés travaillent maintenant est de toute évidence une communauté mondiale. Aujourd'hui, nos jeunes techniciens travaillent dans tous les pays du monde à réparer des climatiseurs et à participer à la mise au point de systèmes de navigation. Nous sommes en train de devenir des exportateurs de gens hautement qualifiés. D'importants employeurs au Canada nous ont indiqué que nos diplômés doivent se rendre compte qu'ils pourraient passer près de la moitié de leur vie professionnelle à travailler à l'étranger pour des employeurs canadiens. À moins que nos étudiants aient l'occasion pendant qu'ils fréquentent un collège ou une université de s'ouvrir au phénomène de l'internationalisation, de travailler avec des étudiants d'autres cultures, d'être à l'aise lorsqu'ils travaillent avec d'autres cultures, ils se verront privés d'une aptitude professionnelle fondamentale.
Le gouvernement fédéral a joué un rôle exceptionnel par l'entremise de l'ACDI et des Affaires étrangères en offrant aux étudiants la possibilité d'aller à l'étranger pour y travailler avec l'industrie canadienne installée là-bas. Il a également permis aux étudiants munis de visas de venir au Canada pour y fréquenter nos établissements et en modifier ainsi le fonctionnement. Leur présence offre la possibilité de discuter, en classe et dans les laboratoires, d'autres pays et de l'application de programmes destinés aux entreprises à l'étranger.
Ces deux éléments sont très importants. Dans le cadre de l'examen par le gouvernement de ses priorités en matière d'aide internationale au développement, nous espérons qu'il tiendra compte de la contribution que l'aide internationale au développement apporte à l'apprentissage des étudiants au niveau de l'enseignement supérieur et à leur internationalisation naissante. Sans cela, nous risquons de gravement défavoriser nos propres étudiants et chacun d'entre nous au Canada sera obligé d'en payer le prix, plus tard. Notre pays dépend davantage des exportations que tout autre pays de l'OCDE. À moins que nous encouragions et élargissions ces aptitudes, nos étudiants en paieront le prix.
Je vous remercie de votre indulgence. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le sénateur DeWare: Je considère ces questions importantes. J'ignore si vous êtes au courant de mes antécédents, mais pendant cinq ans, j'ai été la ministre responsable des collèges communautaires au Nouveau-Brunswick. Je comprends certains des problèmes qui touchent ces programmes, tant à titre de sénateur que de parent, car mon fils a suivi ce genre de programmes.
Lorsque j'étais ministre, on m'a entre autres signalé que l'âge moyen de nos techniciens d'entretien d'aéronefs au Nouveau-Brunswick était de 55 ans. Nous pouvions prévoir qu'une crise se préparait. Nous avons alors mis sur pied un programme pour assurer une formation dans ce domaine et nous avons réussi à combler cette lacune.
Lorsque nous avons étudié le projet de loi sur l'assurance-emploi, le ministre Doug Young a comparu devant notre comité.
Il nous a parlé des fonds qui devaient être transférés aux provinces pour la formation. Nous avions deux préoccupations à cet égard. Tout d'abord, nous nous demandions si vous, c'est-à-dire les présidents responsables des collèges communautaires, auriez accès aux fonds destinés à la formation. Deuxièmement, nous voulions savoir si les établissements privés auraient accès à ces fonds car nous craignions que trop de gens du secteur privé essaient d'en profiter et empêchent ainsi le gouvernement de s'en servir pour les programmes des collèges communautaires.
M. Norton: La réponse à cette question varierait selon les provinces. Il y a une dizaine d'années, le gouvernement fédéral jouait un rôle énorme et positif dans le recyclage des chômeurs par l'intermédiaire du ministère du Développement des ressources humaines et des ministères qui l'ont précédé. Il a apporté une importante contribution financière aux collèges et instituts technologiques de l'ensemble du Canada.
Comme vous le savez sans doute, cette contribution a diminué au point où, d'une part, le recyclage des chômeurs n'est plus considéré comme un mécanisme vraiment efficace d'adaptation au marché du travail. D'autre part, le gouvernement fédéral est en train de se retirer du domaine de l'éducation en général et de la formation en particulier.
Le montant total des fonds consacrés à l'achat de cours de formation auprès des collèges a diminué. Le secteur privé, de façon très raisonnable dans bien des cas, soumissionne activement pour cette formation. Il existe également des écoles privées au Canada qui sont des établissements de grande réputation. Cela dit, il faut également reconnaître que cela a permis l'éclosion de certains établissements de formation privés qui sont loin d'être exceptionnels.
Nous craignons que sans règles du jeu équitables, c'est-à-dire sans une norme à laquelle les diplômés doivent satisfaire, les étudiants risquent d'être sérieusement défavorisés. Nous ne sommes pas contre l'existence d'écoles de formation privées ni contre le fait qu'elles aient accès à ces fonds mais il faut que leurs normes soient les mêmes pour tous leurs diplômés. Les diplômés doivent satisfaire aux mêmes normes peu importe l'établissement qu'ils fréquentent.
Le sénateur DeWare: Comment établissez-vous cette norme? Qui établit cette norme?
M. Norton: Les normes d'apprentissage relèvent vraiment de la responsabilité de la province mais le gouvernement fédéral conserve un intérêt dans le marché du travail. Le gouvernement national a une occasion exceptionnelle de définir, en collaboration avec le Conseil des ministres de l'éducation, des normes nationales de réussite dans ces domaines de formation professionnelle. Il ne fait aucun doute qu'un partenariat pourrait être établi à cet égard.
Grâce à ce partenariat, il serait possible de remédier à la foule de problèmes que nous connaissons à l'heure actuelle. Il faut toutefois reconnaître que cela risque de créer d'autres problèmes.
Il faut également assurer la participation de ceux qui emploient des diplômés car ils se trouvent à être dans ce cas-ci les consommateurs, pour ainsi dire. L'industrie et les syndicats doivent être des participants actifs.
Sans normes nationales, on ne pourra jamais s'assurer que l'investissement fait par chaque Canadien et par les gouvernements national et provinciaux dans le perfectionnement des compétences de nos citoyens est un investissement efficace dont les résultats permettent de répondre à de véritables besoins.
M. Brown: Il est vrai que nous avons été relativement privilégiés en ce sens que nous avons eu directement accès à cette aide financière. En tant que présidents de collèges, nous sommes pour la plupart prêts à relever le défi que nous lance le secteur privé. L'un des atouts de nos collèges, c'est leur souplesse. Contrairement à bien des systèmes d'enseignement postsecondaire, nous nous adaptons facilement. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de montrer notre force. La concurrence est saine. Il faut produire un bon produit et pouvoir le vendre. Nous réussirons parce que nous pouvons assurer à l'industrie et aux étudiants que ce type de travail et d'études sera reconnu.
Les normes proviendront de l'industrie. C'est elle qui les établira. Beaucoup de ces normes sont élaborées à l'échelle nationale.
Le sénateur DeWare: Nous aurons une certaine concurrence, ce qui est bien.
M. Brown: Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur DeWare: Comment se compare le niveau d'endettement d'un étudiant qui fréquente un collège communautaire et d'un étudiant qui fréquente une université? Quelle est la gravité du problème? Selon les chiffres fournis par les universités, un programme de quatre ans peut coûter jusqu'à 35 000 $. Je suppose que cela dépend des cours que suivent les étudiants.
M. Norton: Il n'y a aucune raison de croire qu'à la longue, il coûtera moins cher de s'inscrire à un collège que de s'inscrire à une université.
L'une des différences, c'est que les étudiants qui fréquentent les collèges ont tendance à être en moyenne un peu plus âgés. Un plus grand nombre de nos étudiants travaillent à temps partiel. Cela est positif d'une façon. D'une autre façon, cela signifie qu'il est très compliqué pour ces étudiants de faire des études à temps plein.
Plus de la moitié de nos étudiants travaillent 20 heures ou plus par semaine dans le cadre de programmes de formation professionnelle. C'est un véritable défi. D'après les renseignements dont nous disposons, le niveau d'endettement de nos étudiants d'une année à l'autre sera le même que pour les étudiants d'université.
Il faut également tenir compte d'un autre htmect important. Dans certains de nos collèges, près de 20 p. 100 de nos étudiants sont des diplômés d'universités. Les universités, il est vrai, n'ont pas pour tâche de préparer systématiquement les étudiants au marché du travail. Elles ont d'autres objectifs tout aussi importants. Selon notre modèle canadien unique, de plus en plus d'étudiants terminent leurs études universitaires puis s'inscrivent à un collège pendant un an et transfèrent leur dette d'un établissement à l'autre. On peut parler d'endettement en pyramide. En ce sens, c'est un réel problème.
Le sénateur DeWare: Que se passe-t-il en ce qui concerne l'éducation à distance?
M. Norton: C'est un domaine si intéressant; j'aurais préféré que vous ne me posiez pas cette question.
Le sénateur DeWare: Ce doit l'être en effet.
M. Norton: Assez bizarrement, ce ne sont pas les étudiants qui vivent assez loin des établissements d'enseignement qui ont adopté le plus rapidement ce type de formation. Souvent, l'étudiant qui participe à ce programme vit juste en face de l'établissement.
Il ne fait aucun doute que pour les jeunes, la fréquentation d'un établissement, comme lieu social, comme lieu de transition des études secondaires au travail, demeurera un facteur important et capital. La fréquentation ne diminuera pas beaucoup. En ce qui concerne l'étudiant qui conjugue travail et études, l'éducation à distance lui offre une possibilité exceptionnelle et qui est finalement en train de se concrétiser grâce à l'Internet et aux multimédias. C'est un domaine qui prendra une expansion énorme au cours des dix prochaines années. Je pense également que ce sera un débouché incroyable pour les établissements canadiens sur la scène internationale. Nous serons en mesure de vendre aux autres pays le savoir-faire que nous développerons naturellement dans le domaine de l'éducation à distance.
Je vous renvoie au travail accompli par nos universités dans le cadre du programme de maîtrise en administration des affaires. Les professeurs sont omniprésents à la télévision.
M. Brown: J'ai présidé un conseil de 170 présidents de collèges au Canada. Nous avions l'habitude de tenir régulièrement des séances pour aborder les questions qui nous préoccupent. Il est intéressant de constater l'évolution qui s'est produite parmi les présidents de collèges. Il y a cinq ans, ils auraient accordé la priorité à la planification stratégique, puis aux compressions budgétaires. Cela reste des réalités, mais lors de notre toute dernière séance, l'accent a surtout porté sur les nouvelles technologies et leur utilisation dans le domaine de l'enseignement.
J'ai d'abord cru que l'éducation à distance s'adresserait aux étudiants vivant loin d'un établissement d'enseignement. Or, cela n'est pas toujours le cas. Dans l'ouest de l'île de Montréal, il y a de nombreuses sociétés pharmaceutiques et notre établissement donne des cours dans leurs usines mêmes alors qu'il ne faudrait probablement pas plus de cinq minutes pour s'y rendre en voiture.
Le président: Je m'intéresse à votre recommandation concernant la transférabilité des unités au niveau des collèges et je l'appuie. Pourriez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet?
M. Norton: Nous l'avons incluse en espérant que personne au sein du gouvernement national ne la remarquerait, mais vous nous avez pris sur le fait.
Laissez-moi vous donner d'abord la réponse classique. C'est un problème qui touche les établissements provinciaux et dont doit s'occuper le Conseil des ministres de l'éducation.
Cela dit, il s'agit pour le gouvernement national d'une occasion remarquable de montrer la voie. Les provinces ont de la difficulté à simplement obtenir l'articulation des programmes, c'est-à-dire le passage du niveau secondaire au niveau collégial, puis du niveau collégial au niveau universitaire. Nous avons toutefois fait de nets progrès par rapport aux cinq dernières années.
Il n'existe pratiquement pas de protocoles permettant de tenir compte de la situation d'un travailleur qui déménage du Nouveau-Brunswick en Ontario et qui veut poursuivre ses études tout en travaillant. Rien n'incite un établissement strictement provincial à s'occuper d'une telle question, non pas par manque d'intérêt mais parce que ce n'est pas une question primordiale pour les provinces.
On pourrait envisager de mettre sur pied un programme appuyé par le gouvernement fédéral pour déterminer comment assurer la transférabilité des crédits. Que pouvons-nous faire pour permettre aux Canadiens de transférer sans problème leurs titres de compétences et leurs crédits d'un bout à l'autre du Canada? C'est facile à dire mais pas facile à faire dans le milieu universitaire. De premiers travaux permettront d'établir des protocoles entre les établissements, sinon entre les provinces.
C'est une question fondamentale. À notre avis, le mécanisme pour nous permettre de commencer à y travailler existe et le gouvernement national peut montrer la voie et soutenir le Conseil des ministres de l'éducation afin qu'il s'occupe de cette question.
Le président: Quel serait le coût du projet-pilote que vous recommandez?
M. Norton: La mise en oeuvre de ce projet pilote coûterait moins de 200 000 $ et il faudrait que d'autres établissements paient leur part.
On ne peut pas s'attendre à ce que le gouvernement fédéral finance tout. Si d'autres instances considèrent ce projet important, elles devraient être invitées à y participer. Je pense qu'une aide financière de 200 000 $ du gouvernement fédéral permettrait de lancer le projet.
Le président: Quels sont, selon vous, les principaux obstacles à la coopération entre les universités et les collèges au Canada?
M. Norton: Nous avons vu l'ennemi et l'ennemi, c'est nous. J'aimerais pouvoir rejeter la faute sur quelqu'un d'autre. Nous pouvons nous en prendre à notre histoire et au fait que les universités ont une très fière tradition de liberté et d'indépendance, qui remonte à 900 ans, caractéristique des établissements dirigés par un conseil. Nos collèges sont de plus en plus axés sur le marché et souvent ne comprennent pas les complexités des universités.
Cela dit, en Alberta, en Colombie-Britannique et bien sûr au Québec, nous avons de merveilleux exemples de collèges et d'universités où le transfert des étudiants d'un établissement à l'autre se fait avec relativement de facilité. Nous préférons ne pas donner d'exemples d'endroits où cela n'est pas encore le cas.
M. Brown: Les grands problèmes que connaissent les collèges et les universités sont caractéristiques des problèmes de tout partenariat. Nous reconnaissons que nous faisons tous partie d'un continuum de quatre, cinq ou six années d'études postsecondaires et que nous avons chacun un rôle à jouer.
Comme M. Scrimger l'a indiqué, diverses provinces sont en train de s'orienter dans cette voie. Certains collèges ont des mandats qui se rapprochent beaucoup de celui des universités.
Le système des cégeps au Québec n'est pas un système parallèle mais un système qui s'inscrit dans un continuum. Nous y avons mis le temps mais nous sommes arrivés au stade où les crédits que nous exigeons au niveau du cégep sont exactement les mêmes que ceux exigés au niveau universitaire, ailleurs.
Le problème de la transférabilité entre les provinces, dont nous parlons souvent, s'est en fait avéré un problème au sein des provinces mêmes. On y travaille. Comme dans tout partenariat, c'est une question de confiance, de respect et de trouver une solution où tout le monde est gagnant.
Le président: Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails sur la situation des collèges communautaires sur le plan international?
M. Norton: Pour l'instant, nos collèges travaillent dans 72 pays. Notre participation sur la scène internationale a débuté il y a une quinzaine d'années avec de petits programmes financés par l'ACDI. Ces programmes nous ont permis d'établir des liens entre les établissements au Canada et les établissements qui sont leurs partenaires à l'étranger afin de les aider à atteindre leurs propres objectifs.
Aujourd'hui, nous avons des collèges qui tirent une part importante de leurs revenus d'exploitation des contrats qu'ils ont conclus avec la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement et d'autres pays, non seulement dans le domaine du développement institutionnel, mais aussi dans celui des ressources humaines. Ce sont de grands mots qui signifient tout simplement ceci: Comment doter notre main-d'oeuvre des compétences dont elle a besoin pour tirer parti des possibilités d'emploi qu'entraînent les changements économiques?
Il faut aussi voir dans quelle mesure nous sommes prêts à accueillir des étudiants d'autres pays dans nos établissements. J'ai déjà indiqué plus tôt à quel point cette question est importante. Le collège Holland par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard, accueille l'été des étudiants japonais. La présence de ces étudiants compte pour une part de plus en plus importante de ses revenus.
J'aimerais terminer en disant que le partenariat établi entre les collèges canadiens et l'industrie est en train de devenir un produit exportable important et unique. Nous pouvons nous associer à une entreprise canadienne qui veut vendre ses biens à un autre pays, et offrir de former dans ce pays des travailleurs qui seront capables d'assembler, de fabriquer et de réparer cette technologie, donnant ainsi aux entreprises canadiennes un avantage dans ce marché.
Pour des collèges comme le British Columbia Institute of Technology, le Southern Alberta Institute of Technology, le collège Édouard-Montpetit, et sans aucun doute le Seneca College, à Toronto, pour ne citer que ceux-là, ce partenariat contribue pour beaucoup au succès économique de la communauté.
Le sénateur DeWare: Cela vaut aussi à l'interne, n'est-ce pas? Lorsqu'une nouvelle entreprise s'installe dans une province et qu'elle a besoin de travailleurs qualifiés, est-ce que vous venez à sa rescousse?
M. Brown: Non seulement nous nous occupons du développement des ressources humaines dans les pays étrangers, mais nous jouons un rôle de plus en plus grand à ce chapitre à l'échelle nationale par le biais de partenariats. Nos établissements collaborent avec la chambre de commerce en vue d'organiser des missions internationales pour d'autres provinces et pays. Nous participons à des programmes conjoints de formation via le secteur industriel.
Ces efforts ont des répercussions positives. Non seulement le développement international favorise-t-il le transfert de la formation des ressources humaines, mais les programmes d'échanges d'étudiants jouent un rôle important au sein de nos établissements. Plus les étudiants étrangers sont nombreux au sein de nos établissements et de nos programmes d'études, plus ils prennent conscience de la communauté globale à laquelle nous appartenons. Cela a un impact incroyable sur l'internationalisation de nos programmes d'études. Nos programmes de sciences humaines et sociales, de même que les cours d'anglais langue seconde font tous partie de cette composante internationale.
Le sénateur Carstairs: J'aimerais avoir des précisions, et je crois que cela pourrait être utile aux autres sénateurs. Je ne fais pas partie de ce comité-ci, mais j'ai décidé d'assister à la réunion quand j'ai appris que vous deviez comparaître comme témoins.
Ma question a trait à l'écart qui existe entre les taux d'inscription des collèges communautaires d'une province à l'autre. Lorsque j'étais membre de l'assemblée législative du Manitoba, cette province présentait le plus faible taux d'inscription au Canada. Est-ce que cette tendance se maintient? Est-ce que les taux sont en train de s'équilibrer? Est-ce qu'on reconnaît l'importance des collèges communautaires dans les dix provinces et deux territoires?
M. Norton: L'écart est encore très grand, madame le sénateur. Dans certaines provinces, les collèges étaient à l'origine le prolongement du gouvernement. Leur rôle était d'appliquer les principes d'action du gouvernement provincial central. Nous avons constaté que, plus un établissement est près de la communauté, plus il est en mesure de répondre aux besoins économiques et sociaux de cette communauté, et plus cette dernière se montre prête à soutenir l'établissement avec ses votes et ses objectifs politiques. Le Manitoba a mis du temps à réagir; la communauté a mis du temps à exprimer le fait que ce collège, cet établissement lui appartient et à le faire savoir aux politiciens. Les établissements comme Red River, South Winnipeg Tech et Assiniboine Community College, jouent maintenant un rôle très actif et très dynamique au sein de la communauté, et je suis certain que les pressions qui s'exercent au Manitoba sont maintenant très fortes.
En Colombie-Britannique, les pressions exercées par la communauté pour que l'accès à l'enseignement supérieur soit garanti ont donné naissance non seulement à des collèges, mais à de nouvelles institutions, comme les collèges universitaires.
Les collèges diffèrent d'une province à l'autre. Il y a, par exemple, de grandes différences entre les collèges du Québec et ceux de l'Ontario.
Le sénateur Carstairs: Merci.
Le président: Malheureusement, nous manquons de temps. Monsieur Norton, si je vous soumettais une dizaine de questions, est-ce que vous pourriez y répondre de façon détaillée?
M. Norton: Vous pouvez compter sur moi.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association des universités et collèges du Canada.
M. Robert J. Giroux, président, Association des universités et collèges du Canada: J'aimerais résumer quelques points importants du mémoire que nous avons soumis au comité il y a plusieurs jours. Vous devriez tous avoir une copie de mes remarques d'introduction, auxquelles sont annexées les recommandations tirées de notre mémoire. Nous aimerions, si possible, qu'elles figurent dans compte rendu officiel de la réunion d'aujourd'hui. Nous laissons cela entre vos mains, monsieur le président.
Une fois ma déclaration terminée, M. Davenport fera quelques brefs commentaires, après quoi nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
[Français]
Monsieur le président, il ne fait pas de doute qu'une décennie après la grande étude du Sénat sur la politique fédérale en matière d'enseignement post-secondaire, les universités sont plongées dans un milieu bien différent, comportant de nouveaux défis et de nouvelles possibilités, que nous résumons dans notre mémoire. Votre enquête vient incontestablement à point et nous vous savons infiniment gré de nous avoir invités à comparaître.
Tous les partenaires de l'enseignement post-secondaire, les gouvernements fédéral et provinciaux, les établissements eux-mêmes, les étudiants et les professeurs doivent aborder ensemble les défis et les possibilités que je viens de mentionner. L'AUCC a adopté trois secteurs d'action prioritaire: la recherche universitaire, l'internationalisation et l'aide aux étudiants. Je dirai quelques mots sur chacun d'eux.
[Traduction]
Nos universités comptent pour un quart du volume de recherche effectuée au Canada, beaucoup plus que dans d'autres pays. Partout dans le monde, le Canada a la réputation d'avoir une communauté de recherche universitaire dynamique et productive. C'est grâce à un système de financement qui met l'accent sur l'excellence où qu'elle se trouve et aussi au soigneux choix de programmes des conseils subventionnaires fédéraux. Néanmoins, l'effort de recherche du Canada est faible comparé à celui de nos partenaires commerciaux. Les réductions annoncées lors des deux derniers budgets fédéraux auront eu pour effet de réduire le niveau réel de l'aide des conseils à la recherche universitaire de plus de 25 p. 100 entre 1994 et 1998. Nous admettons sans hésiter que des contraintes financières s'exercent sur le gouvernement, mais il est essentiel que le Canada améliore son rendement global dans les sciences et la technologie à divers égards pour que le pays puisse prospérer autant comme société du savoir qu'il a prospéré comme société industrielle.
Dans une économie du savoir mondialisée, le volume de recherche du Canada doit rester à la hauteur de celui de ses principaux partenaires de l'OCDE. Mais pour commencer à rétrécir l'écart entre notre effort de R-D et la moyenne de l'OCDE, il faudra revenir à une pratique d'investissement à longue échéance dans la R-D. Il faudra aussi que tous les participants accroissent leurs investissements. L'AUCC, de concert avec l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université et le Consortium canadien pour la recherche, ont publié récemment «Mettre le savoir à contribution», un plan d'action concertée sous direction fédérale qui s'attaquerait à trois fronts principaux pendant les cinq prochaines années: favoriser les carrières en recherche, mettre un frein à l'érosion de l'infrastructure de recherche et renforcer le partenariat pour favoriser la diffusion des connaissances et des techniques.
Les propositions détaillées dans le plan d'action sont exposées dans notre mémoire. Nous croyons que «Mettre le savoir à contribution» est réaliste et réalisable et nous invitons respectueusement votre comité à donner son appui au plan d'action proposé.
[Français]
Deuxièmement, monsieur le président, le gouvernement fédéral et les universités croient à l'importance de faire la promotion de l'internationalisation, de doter nos jeunes gens de compétences utiles sur le plan international et de favoriser le commerce du Canada.
À ce dernier chef, par exemple, les universités canadiennes ont pris une part active à la récente mission d'Équipe Canada en Corée du Sud, en Thaïlande et aux Philippines. Nous nous sommes efforcés de forger des liens avec le secteur privé en faisant valoir que le partenariat entre les universités et le secteur privé peut aider à accroître les exportations d'une entreprise et mener à de nouveaux débouchés commerciaux. Nos universités s'ouvrent de plus en plus sur le monde, groupent un vaste bassin de technicité et collaborent avec un réseau florissant de partenaires étrangers; ce sont des avantages concurrentiels qui ajoutent de la valeur aux initiatives de promotion commerciale du Canada. Nous nous sommes aussi efforcés de faire connaître les universités canadiennes à des clients éventuels des trois pays, tant comme établissements d'accueil de grande qualité à prix concurrentiel pour leurs étudiants que comme établissements groupant des compétences particulières en formation, aide technique et transmission de techniques.
[Traduction]
La collaboration de nos universités avec des partenaires de pays industrialisés et en développement est aussi un puissant moyen de faire rayonner les valeurs et la culture canadiennes à l'étranger. Les relations culturelles, scientifiques et éducatives sont à la base du troisième pilier de la politique étrangère du Canada, une grande priorité recommandée par le Comité parlementaire mixte spécial chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada, et que le gouvernement fédéral a adoptée officiellement dans le document intitulé «Le Canada dans le monde».
Il reste que la mise en oeuvre du troisième pilier a été décevante. Les compressions budgétaires ont provoqué une réduction radicale des programmes de relations interuniversitaires. D'autres compressions sont loin d'être exclues. Il s'ensuit que le Canada perd l'avantage de l'influence politique et économique à long terme qui découle des relations avec le milieu de l'éducation des pays industrialisés et en développement.
Il est nécessaire de mettre au point une stratégie globale dans ce secteur important de la politique étrangère, en collaboration avec des ministères clés des deux ordres de gouvernement et avec le secteur de l'enseignement postsecondaire, afin de maximiser les retombées de nos relations interuniversitaires à l'étranger. L'AUCC et ses membres seraient heureux de lier un partenariat plus actif avec le gouvernement à cette fin.
Enfin, un programme national d'aide aux étudiants est une pierre d'assise sous laquelle reposent la mobilité et l'égalité des chances sans lesquelles beaucoup de sujets parmi les plus brillants seraient incapables de poursuivre leurs études.
[Français]
C'est avec appréhension que nous avons observé des faits récents qui pourraient créer des obstacles à l'accessibilité et à la mobilité. Par exemple, plusieurs provinces ont pris des mesures pour limiter la transférabilité de l'aide financière aux étudiants. Il y a aussi l'accroissement de leur endettement. Le ministère du Développement des ressources humaines estime que la dette moyenne, qui était d'environ 17 000 $ en 1996, passera à 25 000 $ d'ici 1998, un fardeau très élevé en comparaison à d'autres pays. Même si le fait de s'endetter jusqu'à un certain point pour faire des études universitaires est encore un très bon placement pour l'avenir, un niveau d'endettement très élevé et l'aversion pour les dettes peuvent constituer de réels obstacles pour des personnes douées pour les études mais défavorisées sur le plan financier.
[Traduction]
Le Programme canadien de prêts aux étudiants a été une grande réussite qui a ouvert la voie des études à des centaines de milliers de Canadiens depuis trois décennies. Mais on a rappelé périodiquement ces dernières années la possibilité que le gouvernement fédéral se retire de l'aide aux étudiants. Il ne faut pas que cela arrive. Nous recommandons à votre comité de presser instamment le gouvernement de demeurer partenaire à part entière de l'aide aux étudiants dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants, afin de lutter contre le problème de plus en plus menaçant de l'endettement et de chercher des solutions à ce problème, de concert avec les provinces et d'autres partenaires dans le monde de l'enseignement postsecondaire.
C'est ce qui a poussé l'AUCC a entamer l'automne dernier des discussions avec des représentants de ces autres groupes de l'enseignement postsecondaire. Ensemble, nous avons mis au point un train de mesures que nous avons intitulé «Renouvellement de l'aide financière étudiante au Canada: l'initiative de réforme de l'aide financière étudiante», que nous avons rendu public à la fin de janvier. Il s'agit d'un ensemble équilibré de propositions, conjuguant des prêts, des subventions, des programmes travail-études et des mesures fiscales visant à aider les étudiants avant, pendant et après leurs études selon les besoins. Là encore, nous serions heureux que votre comité appuie ces propositions qui sont décrites plus en détail dans les documents que chacun de vous a reçus.
Et maintenant, monsieur le président, je demande à M. Davenport d'ajouter quelques commentaires.
[Français]
M. Paul Davenport, Ph. D., vice-président du conseil d'administration de l'AUCC. Recteur, Université de Western Ontario: D'abord, monsieur le président, j'aimerais vous remercier, et également vos collègues, pour l'établissement de ce comité, qui vient à un moment critique pour nos universités au Canada. M. Giroux a mentionné que je suis le président de Western; je suis aussi économiste, et c'est un peu de l'impact de nos universités sur l'économie dont j'aimerais parler ce matin.
[Traduction]
Nous pressons aujourd'hui le gouvernement d'accorder un meilleur soutien financier à nos établissements. Nous savons que nos gouvernements ont plusieurs défis à relever. En effet, deux grands objectifs semblent guider la politique gouvernementale aussi bien au palier fédéral que provincial: il y a d'abord la maîtrise des déficits, et ensuite la croissance économique et la création d'emplois.
Mon domaine de spécialisation est la croissance économique. Je suis convaincu que ce sont les universités, et le système d'éducation en général, qui favoriseront à l'avenir la création d'emplois au Canada. Nous évoluons dans une économie axée sur le savoir, une économie que Peter Drucker décrit dans son ouvrage intitulé Post Capitalist Economy, où les principaux intrants économiques ne reposent plus sur les ressources foncières et naturelles, l'importance de la main-d'oeuvre et les capitaux, mais sur le savoir et les travailleurs qui peuvent créer le savoir, le gérer et l'appliquer. Par exemple, il est étonnant de constater que, au cours des six dernières années, dans ma province de l'Ontario, tous les nouveaux emplois créés ont été comblés par des diplômés du niveau postsecondaire. Les autres catégories de travailleurs ont vu le nombre d'emplois disponibles diminuer, ce qui prouve nettement que nous évoluons dans une économie axée sur le savoir, même quand il y a une récession. Ce n'est pas seulement l'emploi des diplômés eux-mêmes qui compte -- leur expérience pratique et le fait que leur taux de chômage corresponde à la moitié de la moyenne nationale --, mais les emplois que créent nos diplômés pour d'autres. Bien entendu, nos chercheurs favorisent la recherche, laquelle permet de relancer l'économie par le biais d'innovations technologiques qui, on l'a maintes fois démontré, constituent le moteur de la croissance économique.
M. Giroux a fait allusion aux trois grands objectifs des universités canadiennes ... un meilleur financement de la recherche, une meilleure coordination de nos efforts à l'échelle internationale et l'amélioration des programmes de prêts aux étudiants. Nous estimons que ces objectifs servent non seulement les intérêts des universités canadiennes et de nos diplômés, mais également ceux de la société dans son ensemble. En effet, les initiatives de ce genre favorisent la création d'emplois et la croissance économique, dont notre pays a grandement besoin.
M. Giroux a présenté un excellent résumé et j'ai très peu de commentaires à ajouter. J'aimerais vous parler pendant quelques instants de l'aide aux étudiants.
Le document intitulé «Renouvellement de l'aide financière étudiante au Canada», que nous avons mis au point avec plusieurs groupes, y compris des associations de professeurs et d'étudiants, propose diverses mesures pour venir en aide aux étudiants canadiens. Il prévoit des subventions de démarrage pour favoriser l'accès à l'université; un programme de remise de la dette en fonction du revenu, pour aider les étudiants à rembourser leurs prêts; des mesures fiscales visant à encourager l'épargne pour les études universitaires et le remboursement des prêts; un programme travail-études visant à aider l'étudiant à acquérir de l'expérience pratique tout en poursuivant ses études. J'encourage le comité à examiner ce document avec soin parce qu'il fait l'objet d'un consensus unique entre étudiants, professeurs et administrateurs. Nous espérons qu'il servira de fondement à la réforme de l'aide financière étudiante, dont l'objectif est de faire en sorte qu'aucun Canadien ne se voie refuser l'accès à l'université parce qu'il n'a pas les moyens de financer ses études. Nous devons à tout prix éviter que cela se produise si nous voulons rester compétitifs et préserver nos valeurs fondamentales. Nous devons tout faire pour éviter cela. Seul le rendement scolaire devrait servir de critère pour déterminer l'accès à l'université.
Le sénateur Carstairs: Je viens de recevoir le document intitulé «Renouvellement de l'aide financière étudiante au Canada». J'en avais déjà lu certaines parties, puisqu'elles avaient été rendues publiques.
J'ai trouvé particulièrement intéressante la discussion concernant l'étudiant de Yale et l'étudiant de Harvard. Ma fille a étudié à Harvard. Ils font allusion au faible niveau d'endettement des étudiants, mais certains de leurs arguments ne me paraissent pas fondés.
D'abord, deux tiers des étudiants qui fréquentent l'Université Harvard reçoivent une aide financière. En toute honnêteté, le tiers des étudiants n'en reçoivent pas parce qu'ils n'y ont pas droit. Mon mari et moi avons été obligés de fournir des exemplaires de nos déclarations d'impôts. On a ensuite déterminé que ma fille n'avait pas besoin d'aide financière. Toutefois, ils ont fait quelque chose d'assez particulier, et nous devrions nous en inspirer ici au Canada. Ma fille a été désignée étudiante boursière. Elle n'a rien reçu pendant ses quatre années à Harvard. Il était tout à fait normal qu'on accorde l'argent aux étudiants qui en avaient besoin. Ce n'était pas son cas. Entre-temps, elle a continué d'être considérée comme une étudiante boursière, en reconnaissance de son rendement scolaire. Elle se trouve maintenant dans le même dilemme. Elle a obtenu une subvention du CRSH. Elle fréquente l'Université de Toronto, où elle prépare un doctorat. Elle reçoit une subvention, mais se sent coupable parce qu'elle n'a pas de dettes. Ses compagnons d'études n'ont pas de subvention du CRSH et sont tous lourdement endettés. Elle sait que le fait d'avoir une subvention du CRSH lui sera utile dans son CV si elle veut entreprendre une carrière universitaire. Comment pouvons-nous contourner certains de ces dilemmes et problèmes?
M. Giroux: Je ne m'attendais pas à une telle question. Nous devrons y réfléchir. Nous sommes accompagnés aujourd'hui de Bob Best, qui connaît très bien les programmes d'aide aux étudiants. M. Davenport aimerait également dire quelques mots à ce sujet.
M. Paul Davenport, Ph.D., vice-président du conseil d'administration de l'AUCC, recteur de l'Université Western Ontario: Les universités canadiennes font une distinction entre le premier cycle et les cycles supérieurs. Pour les études de premier cycle, la plupart de nos programmes de prêts sont fondés sur le revenu familial. On évalue les besoins de la famille et ceux de l'étudiant. La majorité des fonds -- à l'interne et à l'externe --, sont attribués en fonction des besoins de l'étudiant.
La reconnaissance du rendement scolaire exceptionnel, en se fondant sur le palmarès du doyen et les bourses d'études reçues au niveau du premier cycle, n'influe pas vraiment sur la façon dont nous distribuons l'argent. Au niveau du premier cycle, nos ressources sont allouées aux étudiants nécessiteux. M. Snobelen a déclaré récemment que nous devons, dorénavant, mieux cibler l'aide gouvernementale afin de la distribuer aux étudiants qui en ont vraiment besoin.
En ce qui concerne les étudiants du deuxième cycle -- je peux me tromper, mais je crois que c'est une conception générale -- nous tendons à penser qu'ils se débrouillent seuls et qu'ils ne sont plus aidés financièrement par leurs parents. Par conséquent, nous associons les subventions CRSH, CRSNG et autres à un rendement exceptionnel, puisque nous supposons que l'étudiant n'est plus une personne à charge ou qu'il n'a plus accès aux autres ressources familiales.
Le soutien de base à ce niveau prend en général d'autres formes. Je pense au grand nombre de postes d'assistants à l'enseignement que nous avons dans nos universités et qui visent à ce que la plupart des étudiants et, dans certains départements, tous les étudiants, bénéficient d'un soutien minimum.
Vous avez raison. Les prestigieuses bourses d'études au deuxième cycle, comme les bourses CRSH, CRSNG et CMR sont associées à un rendement exceptionnel plutôt qu'aux besoins des étudiants.
Le sénateur DeWare: Ou en est-on du programme d'étudiants étrangers? Combien d'étudiants étrangers pouvons-nous accepter au Canada et quel effet cela a-t-il sur l'admission de nos propres étudiants à l'université, et cetera?
M. Giroux: Tout d'abord, toutes les universités canadiennes tiennent absolument à augmenter le nombre de leurs étudiants étrangers. Certains pensent que c'est uniquement pour des raisons économiques, car les étudiants étrangers paient le plein tarif et contribuent financièrement à la collectivité, et cetera. Il est aussi extrêmement important d'internationaliser l'université et ses programmes d'études. À notre avis, dans pratiquement tous les domaines, la présence d'étudiants d'origines culturelles diverses qui étudient ensemble est d'une importance capitale pour la croissance économique du Canada.
Notre pays exporte actuellement près de 40 p. 100 de son produit intérieur brut, ce qui revient à dire que notre économie est axée sur les exportations. Pour réussir, il faut connaître les diverses cultures du monde. Il faut connaître la façon dont pensent les gens et dont ils envisagent les questions, façon qui souvent ne correspond absolument pas à la nôtre. Il faut comprendre dans le cas de l'Asie par exemple, qu'il n'est pas question de conclure une affaire dès la première rencontre. Il faut établir des liens et créer des amitiés, et cetera. C'est extrêmement important des deux points de vue.
Bien que cela l'ait été dit publiquement, rien n'indique que les étudiants étrangers prennent la place des étudiants canadiens. Nos établissements sont en mesure de recevoir des étudiants étrangers. Dans certaines de nos facultés et départements de deuxième cycle, la présence des étudiants étrangers est essentielle au maintien de nos programmes. Un certain nombre de nos étudiants canadiens de deuxième cycle peuvent souhaiter faire leurs études aux États-Unis et les étudiants étrangers comblent les lacunes. Ils contribuent aux programmes de recherche de nos départements de deuxième cycle. C'est une situation où tout le monde sort gagnant.
Le sénateur DeWare: Mon autre question porte sur l'importance accordée au commerce international dans certains genres de formation. Assiste-t-on actuellement à un changement dans l'orientation des programmes du fait que nos échanges se font actuellement à l'échelle de la planète?
M. Giroux: M. Davenport est mieux placé que moi pour répondre à cette question. Certaines universités indiquent dans leur publicité qu'elles souhaitent apporter une dimension internationale à leurs programmes. On pense tout de suite aux écoles commerciales, en raison des htmects liés aux échanges. Nous avons des programmes MBA ou autres programmes d'affaires internationaux. Dans beaucoup d'autres programmes, cette dimension internationale occupe de plus en plus de place. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un cours en tant que tel, cette dimension internationale trouve sa place en raison de l'interaction entre les étudiants étrangers et nos étudiants canadiens.
M. Davenport: J'aimerais souligner ce que vient de dire M. Giroux, à savoir que l'intérêt que nous portons aux étudiants étrangers est purement universitaire. Ce n'est pas un intérêt économique au sens où ces étudiants payent des frais plus élevés.
Jusqu'à cette année, les universités de l'Ontario mettaient en commun tous les frais versés par les étudiants étrangers. Personne ne recrutait des étudiants étrangers pour des raisons économiques. Nous le faisons depuis des années, car nous croyons que ces étudiants ajoutent un élément important à nos programmes d'études du premier cycle. Grâce à eux, l'enseignement est plus diversifié et plus intéressant pour nos étudiants canadiens.
A l'Université Western, les étudiants étrangers représentent moins de 3 p. 100 de nos étudiants du 1er cycle. Selon nous, ce pourcentage n'est pas assez élevé compte tenu du milieu que nous souhaitons pour nos étudiants canadiens et nous nous efforçons de l'augmenter. Cela n'a rien à voir avec les frais que paient ces étudiants.
Votre deuxième question est très intéressante: dans quelle mesure nos programmes d'études changent à la lumière de cette économie internationale basée sur la connaissance dont j'ai parlé?
Cette réalité est probablement plus facilement admise dans des domaines comme celui des affaires, où les programmes commerciaux dans nos établissements s'internationalisent de plus en plus. On se rend compte qu'il n'est pas possible de réussir au Canada à moins de savoir comment négocier à l'échelle internationale. Cela apparaît également dans des domaines comme les lettres et les sciences humaines et on remarque un intérêt accru pour les langues étrangères.
J'ai rencontré le président d'une banque l'autre jour qui m'a demandé si nous pouvions produire plus de diplômés capables de parler correctement l'espagnol. Nous avons d'énormes possibilités en Amérique latine et nous n'avons pas suffisamment de diplômés universitaires qui parlent un bon espagnol. Ces cours de langues pourraient s'inscrire dans le cadre de cours d'histoire, de civilisation, et cetera.
Si nous réagissons en tant que corps professoral, c'est non seulement parce que nous y croyons, mais aussi parce que nos étudiants l'exigent. Ils se rendent compte qu'ils ont besoin de ces compétences pour réussir dans le contexte de l'économie future.
Le sénateur DeWare: Nous avons fait du chemin en l'espace de 50 ans.
Vos recommandations fiscales me semblent bonnes. En ce qui concerne les REEE, certaines sociétés vendent des régimes d'épargne-études non transférables, même dans le cas où l'enfant désigné ne les utilise pas. Il faudrait rectifier la situation, car il se pourrait bien qu'un autre enfant de la famille puisse en avoir besoin. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
M. Robert Best, directeur, Relations gouvernementales et affaires publiques, Association des universités et collèges du Canada: Nous avons conscience du problème. Lorsque nous avons réuni toutes les données sur l'aide aux étudiants, nous avons dit que les REEE pouvaient servir d'instruments d'épargne pour les gens qui veulent économiser pour eux-mêmes ou pour leurs enfants. Le problème à propos des REEE, c'est que très peu de gens y participent. Les REEE ne sont pas très attrayants. Alors que nous ne sommes pas vraiment allés dans les détails, nous avons fait quelques recommandations au sujet de la déductibilité des cotisations REEE, ce qui, à notre avis, permettrait de les rendre beaucoup plus attrayants.
Nous avons parlé à des fonctionnaires fédéraux d'autres façons possibles de rendre les REEE plus attrayants. Nous avons posé la question suivante: si l'enfant pour lequel l'épargne a été faite, choisit de ne pas faire d'études postsecondaires, serait-il possible de transférer l'argent épargné et l'intérêt accumulé dans un REER, par exemple? De cette façon, le parent serait encouragé à épargner sans pour autant s'inquiéter de perdre tout l'intérêt.
Nous avons fait ressortir une façon importante de rendre les REEE plus attrayants comme instruments d'épargne pour les études, mais il y a d'autres solutions.
Le sénateur DeWare: Je propose que les recommandations de ce groupe soient annexées au procès-verbal d'aujourd'hui.
Le président: D'accord?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Carstairs: Dans votre recherche sur les REEE et autres, avez-vous examiné la question des cotisations versées par les grands-parents? Aux États-Unis, à cause des droits de succession, beaucoup de grands-parents lèguent leur argent à leurs petits-enfants et non à leurs enfants, ce qui fait que les droits de succession ne sont payés qu'une seule fois. Les enfants se servent de ces fonds pour financer leurs études. Je crois que beaucoup de grands-parents canadiens seraient tout à fait prêts à contribuer aux études de leurs petits-enfants s'ils pouvaient obtenir une déduction de l'impôt à cet égard. Vous êtes-vous penchés sur cette question?
M. Giroux: Je vais demander à M. Best de vous répondre, mais votre question retient mon attention; en tant que grand-parent, je trouve le concept intéressant.
M. Best: Nous n'avons pas examiné la question en détail. Veuillez me corriger si je me trompe, mais je crois qu'il est possible d'acheter un REEE au nom d'un petit-enfant. C'est un instrument d'épargne pour les études. Il s'agit de le rendre le plus attrayant possible.
Nous ne nous sommes pas attardés sur la façon de le faire. J'imagine toutefois que la déductibilité des cotisations REEE en ferait un instrument beaucoup plus attrayant pour les grands-parents, les parents ou ceux qui veulent épargner pour leurs études.
Le sénateur Carstairs: Comme vous le savez, on ne peut plus cotiser à un REER lorsque l'on atteint l'âge de 69 ans, si bien qu'il est possible que des grands-parents souhaitent cotiser à un REEE. Il faudrait évidemment se pencher sur la question, comme sur celle des paiements faits par les grands-parents, paiements qui pourraient donner lieu à une déduction pure et simple.
M. Best: Nous avons fait une recommandation au sujet de la déductibilité des cotisations.
Le sénateur Carstairs: Je ne parle pas des cotisations; je parle des grands-parents qui paient les frais de scolarité.
M. Best: Voulez-vous dire qu'il faudrait accorder un crédit d'impôt pour les frais de scolarité?
Le sénateur Carstairs: Exactement.
M. Best: Il faudrait que je vérifie, mais je crois que le crédit pour frais de scolarité est actuellement transférable à un grand-parent.
Le sénateur Carstairs: Je ne crois pas que les grands-parents soient au courant.
Le président: Avez-vous fait des recherches sur l'exode des chercheurs canadiens?
M. Giroux: Nous avons essayé de quantifier l'exode des chercheurs, monsieur le président, sans beaucoup de succès. C'est une question difficile à cerner. Nous savons que plusieurs sociétés de haute technologie ont dit publiquement qu'elles avaient du mal à recruter des diplômés canadiens en sciences informatiques et autres, à cause du caractère attrayant des emplois, tant au plan des salaires que des conditions fiscales, qui sont offerts aux États-Unis.
Nous ne savons pas si la situation est aussi grave en ce qui concerne les diplômés d'un doctorat. Toutefois, le Conseil de recherches en sciences nationales et en génie a effectué une étude aux environs de 1990 pour savoir où se trouvaient les chercheurs qu'il avait financés et ce qu'ils avaient fait. Cette étude a montré qu'environ neuf ans après l'obtention du diplôme, environ un étudiant sur cinq se trouvait à l'extérieur du pays. Sur ce nombre, un sur cinq, soit près de 50 p. 100 a déclaré qu'il reviendrait, mais pas pour des raisons financières ou fiscales. Ces chercheurs reviendraient au Canada si les établissements pouvaient leur offrir le genre d'infrastructure, d'équipement et d'installations de recherche leur permettant de poursuivre leurs recherches. Ils sont très motivés au plan de la qualité de la recherche qu'ils souhaitent faire.
Cela confirme bien sûr ce que nous disons: il faut prévoir au Canada une bonne infrastructure pour la recherche afin d'attirer et de conserver les meilleurs chercheurs de manière qu'ils puissent faire de la recherche au Canada pour les Canadiens.
En ce qui concerne les carrières de recherche, nous voulions offrir des incitatifs pour que les meilleurs jeunes chercheurs puissent débuter. C'est également un élément essentiel de notre proposition.
M. Davenport: Il est difficile de faire de la recherche à ce sujet, mais chaque recteur d'université, chaque doyen, chaque vice-recteur à l'enseignement du pays, connaît des cas particuliers de chercheurs remarquables qui sont partis aux États-Unis, pays qui représente selon eux le seul endroit où ils peuvent poursuivre leur carrière. Ils pensent que le Canada ne pourra pas leur offrir l'appui et l'infrastructure nécessaires pour faire leur travail.
La question a été soulevée dans le récent rapport Smith publié en Ontario. M. Smith a rencontré des recteurs d'université. Nous ne pouvons pas citer de noms dans le cadre d'une audience publique comme celle-ci, mais nous savons qui ils sont. Nous voulons faire concurrence aux meilleures universités d'État aux États-Unis. D'après le rapport Smith, notre financement actuel correspond à près de 75 p. 100 du financement que reçoivent les universités d'État par étudiant -- je ne parle de Harvard et de Yale, mais des universités d'État -- et nous arrivons de moins en moins à conserver nos meilleurs chercheurs.
Lorsque j'étais recteur de l'Université de l'Alberta, Dick Taylor, originaire de l'Alberta, a été le premier Canadien à gagner le prix Nobel de physique. C'est un physicien des particules. Après son diplôme à l'Université de l'Alberta, il est allé à Stanford. Après avoir reçu son prix, il a fait pendant deux ans des discours sur l'importance du financement de la recherche au Canada. Il a déclaré: «Si j'étais resté au Canada, je n'aurais jamais reçu le prix Nobel. La seule façon pour moi d'obtenir ce prix était d'aller là où je pouvais avoir le soutien dont j'avais besoin.»
M. Taylor est une exception. Le prix Nobel est attribué pour un travail exceptionnel. On peut dire que pour chaque lauréat comme M. Taylor, il y a cent autres chercheurs qui craignent de ne pas pouvoir poursuivre les carrières auxquelles ils ont droit à cause d'un manque de soutien financier au Canada.
Le sénateur DeWare: C'est dommage, surtout que notre pays est merveilleux.
M. Davenport: Effectivement; c'est la raison pour laquelle notre corps professoral reste ici. La plupart de nos professeurs restent au Canada, parce qu'ils aiment le pays et que c'est un endroit où il fait bon vivre. Nous aimerions qu'ils puissent poursuivre ici des carrières sans pareil et bénéficier du soutien de la société pour effectuer de remarquables travaux de recherche et contribuer pleinement à la société.
Le président: Pouvez-vous quantifier la perte de fonds publics que l'on a investis pour ces diplômés qui décident de quitter le Canada?
M. Giroux: Je répondrais très brièvement que non, monsieur le président. C'est certainement un domaine de recherche fort intéressant.
M. Davenport: Cette perte est très importante. Si vous prenez le cas d'un diplômé universitaire, d'un diplômé de doctorat notamment, vous devez cumuler tout ce que la société a investi au cours des 15, 16, 18 années d'études. C'est juste au moment où ce diplômé est prêt à commencer à payer des impôts et, en fait, à rembourser la société pour tout ce qu'elle a fait pour lui, qu'il s'en va. Nous n'avons pas de chiffres pour vous, monsieur le sénateur, mais ils sont importants.
Le président: Avez-vous estimé le coût total que représentent vos propositions de réforme de l'aide aux étudiants?
M. Best: Nous avons fait un calcul des coûts qui se trouve à la fin de la version la plus longue du document qui résume l'ensemble de la documentation que nous vous avons fournie.
Je dirais qu'il s'agit d'un calcul préliminaire, fondé essentiellement sur des données publiquement disponibles. Bien entendu, en ce qui concerne certaines des mesures fiscales, ce calcul est extrêmement provisoire. Si toutes les mesures étaient complètement mises en oeuvre, le coût total pourrait se chiffrer entre 400 et 600 millions de dollars; la moitié de cette somme représente les recettes reportées en raison des mesures fiscales. Je souligne qu'il s'agit d'estimations assez approximatives.
Le président: Dans votre mémoire, vous indiquez que vos propositions en matière de recherche et développement sont réalistes et réalisables. Disons par exemple que vos recommandations sur l'aide aux étudiants étrangers soient réalistes et réalisables. Je ne crois pas que les trois grandes lignes de vos recommandations soient réalistes et réalisables en même temps. Quels changements apporteriez-vous tout de suite et quels changements laisseriez-vous en attente?
M. Giroux: Monsieur le président, il ne fait aucun doute que les propositions en matière de recherche ont été très influencées par l'intention du gouvernement, en septembre dernier, au sujet de la seconde phase du Programme de travaux d'infrastructure Canada. Par conséquent, nos programmes de recherche, en grande partie -- plus d'un milliard de dollars -- étaient fondés sur le fait que le gouvernement allait accorder près de 20 p. 100 d'un nouveau Programme de travaux d'infrastructure à l'infrastructure nécessaire à la recherche universitaire.
Depuis, la situation a changé, puisque le gouvernement a décidé de prolonger d'une année le Programme de travaux d'infrastructure Canada, et d'accorder un montant beaucoup plus modeste. Ce programme ne comprend pas d'élément d'infrastructure pour la recherche universitaire, même si les provinces, le gouvernement fédéral et les municipalités sont libres de conclure des accords au sujet de projets de ce genre.
D'un point de vue fiscal, le reste de notre programme est, à notre avis, beaucoup plus pratique, car il s'étale sur cinq ans et ne représente pas de très gros chiffres. Nous continuons toutefois à affirmer qu'il faudrait prévoir un élément d'infrastructure pour la recherche universitaire, mais pas dans le contexte du Programme de travaux d'infrastructure Canada.
En ce qui concerne les autres éléments du programme, nous comprenons que certains ne seront pas réalisables en même temps. Ils ont fait l'objet d'un examen très approfondi. Nous sommes parvenus à un consensus tant au sein de l'AUCC qu'à l'extérieur, avec nos organisations partenaires. Nous allons voir ce que nous réservent les prochains budgets. Nous prévoyons bien sûr maintenir la pression et atteindre nos objectifs au cours des exercices budgétaires à venir. Nous sommes tout à fait ouverts à des discussions avec le gouvernement et d'autres groupes au sujet d'autres solutions que nous pourrions retenir ou de modifications que nous pourrions adopter, tant que les objectifs inhérents à ces trois initiatives seront atteints.
Le président: Merci beaucoup. Après nos déplacements à Vancouver, à Regina et à Halifax, il se peut que nous ayons d'autres questions à vous poser. Si nous vous les envoyons, pourrez-vous y répondre avec votre personnel? De cette façon, nous pourrons appuyer certaines de vos très bonnes recommandations, lorsque nous présenterons notre rapport.
M. Giroux: Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions et de vous transmettre des données documentaires, monsieur le président.
Le sénateur Carstairs: Que pensez-vous des prêts remboursables en fonction du revenu?
M. Giroux: Notre point de vue est indiqué dans le document, madame le sénateur. Il faut adopter diverses approches à propos du remboursement de la dette et de l'aide aux étudiants qui ont besoin d'un certain allégement du remboursement de leur dette. Cela peut toutefois se faire sans nécessairement adopter la solution de prêts remboursables en fonction du revenu. Les solutions que nous proposons sont beaucoup plus souples et ouvertes. On peut aborder la question de diverses façons.
M. Davenport: En règle générale, nous acceptons la solution des prêts remboursables en fonction du revenu. Toutefois, il importe de comprendre, et cela ressort clairement dans notre mémoire, qu'il s'agit d'une seule option. Il existe d'autres façons d'établir un lien entre la gestion de la dette des étudiants et le revenu, après l'obtention du diplôme, le problème clé.
Nous avons pu obtenir un meilleur consensus à propos d'une autre méthode, soit l'annulation de la dette en fonction du revenu: on évalue le revenu à un moment donné après l'obtention du diplôme et s'il se situe en dessous d'un certain seuil, le prêt peut être annulé, en partie; il est en fait reporté. Ces solutions sont parallèles et tout à fait compatibles.
Certaines des études effectuées aux États-Unis sont très utiles à cet égard. Une récente étude réalisée dans le Wisconsin révèle que pour chaque dollar de subvention versé aux étudiants du premier cycle, l'État récupère 5 dollars d'impôts. C'est le genre d'effet de levier dont nous parlons.
Lorsque nous disons: «Donnons une meilleure chance aux étudiants en ce qui concerne leurs prêts», cela ne veut pas dire qu'il faut jeter l'argent par les fenêtres. Nous investissons cet argent non seulement dans l'avenir de la personne en question, mais aussi dans l'avenir de la société.
Le sénateur Carstairs: Pourriez-vous nous envoyer un exemplaire de cette étude?
M. Davenport: Je vais téléphoner à mon bureau pour qu'on vous l'envoie immédiatement.
Le président: Merci beaucoup pour votre excellent mémoire.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nos prochains témoins représentent le Consortium canadien pour la recherche. Je vous cède la parole.
M. Paul Hough, Ph.D., président, Consortium canadien pour la recherche; directeur, Fédération canadienne des sociétés de biologie: Monsieur le président, je suis accompagné aujourd'hui par M. John Service, directeur de la Société canadienne de psychologie, et par M. Roy Bonin, ancien président de la Société canadienne pour l'étude de l'enseignement supérieur. M. Bonin fait également partie du corps professoral de l'Université Concordia, à Montréal.
Le Consortium canadien pour la recherche s'appelait autrefois Consortium national des sociétés scientifiques et pédagogiques. Pour beaucoup d'entre nous, ce n'était pas un nom que l'on pouvait citer sans hésitation et il ne représentait pas non plus nécessairement notre principal intérêt, soit la recherche faite surtout au sein des universités, mais pas nécessairement dans ce milieu exclusivement.
Il s'agit en fait d'un quasi-organisme, dans le sens où 21 groupes différents représentant toutes les disciplines, pas seulement les sciences naturelles ou les sciences sociales, mais un véritable ensemble de disciplines, se réunissent régulièrement. Les personnes qui organisent les activités du Consortium sont essentiellement des bénévoles qui proviennent des organismes constitutifs.
Le Consortium représente plus de 50 000 chercheurs, rattachés à des universités et des laboratoires du gouvernement et aussi au secteur privé; il s'agit donc de l'organisme qui représente le plus grand nombre de chercheurs au Canada.
Nous avons préparé un court mémoire, présenté il y a quelques temps au comité. Je n'ai pas l'intention de parcourir ce mémoire en détail. Je préfère plutôt soulever plusieurs points avant de lancer le débat. Je demanderais à mes collègues d'améliorer mes propos s'ils jugent bon de le faire. Je vais prévoir autant de temps que possible pour la discussion.
Comme je le disais, le Consortium s'intéresse essentiellement à la santé et à l'état de la recherche dans notre pays. Actuellement, il semble que le gouvernement et d'autres organismes visent essentiellement la réduction des coûts.
À notre avis, cette orientation doit changer et elle changera, car les valeurs essentielles sont généralement cycliques. Dans le milieu, on craint vraiment qu'entre-temps, la capacité de recherche de notre pays ne subisse un coup tel qu'elle ne pourra pas se régénérer et atteindre le niveau qui peut et doit devenir le sien à l'avenir.
La réduction des coûts peut encourager de nouvelles approches dont certaines ont été soulignées par des témoins précédents. Elle provoque également des alliances dont il a aussi été question ce matin.
En tant que groupe, nous craignons que l'impact des nombreuses mesures mises en oeuvre se fasse sentir pendant longtemps si les effets potentiels de ces restrictions, surtout dans le domaine de la recherche, ne sont pas examinés de près.
Nous demandons tout d'abord au comité sénatorial de souligner au gouvernement qu'il doit examiner l'impact de toute compression proposée.
De même, on dit souvent que les réductions des dépenses doivent se faire dans tous les secteurs, sans tenir compte des priorités nationales.
La recherche n'est pas une activité que l'on peut ouvrir et fermer comme un robinet. Ce n'est pas une activité que l'on peut ralentir simplement parce que la situation fiscale, entre autres, semble le justifier et ensuite s'attendre à ce qu'elle réapparaisse avec la même vigueur et la même impulsion.
Le Canada a acquis une très bonne réputation dans de nombreux domaines pour l'excellence de sa recherche, malgré le peu de soutien accordé à la recherche; ainsi, beaucoup d'étudiants diplômés et d'autres se voient offrir des bourses de recherches postdoctorales et d'autres activités à l'étranger.
À cause du faible soutien apporté à la recherche, nous encourageons vivement le comité sénatorial à recommander vigoureusement que le Canada augmente progressivement le financement de la recherche pour qu'il parvienne à des niveaux semblables à celui des autres pays de l'OCDE. À l'heure actuelle, le financement de la recherche au Canada correspond à 1,4 p. 100 ou 1,5 p. 100 du PIB, tandis que dans la plupart des pays de l'OCDE, il correspond à plus ou moins 2 p. 100.
On a dit ce matin que les universités canadiennes sont un élément absolument crucial de la recherche dans notre pays. À tort ou à raison, c'est dans les universités que se fait une partie importante de la recherche fondamentale. Si je dis «à tort ou à raison», c'est parce que d'autres pays procèdent différemment. Il n'y a pas de solution magique.
Nous devons miser sur nos points forts. Si c'est dans les universités que se fait la recherche fondamentale, misons là dessus et tirons en parti de toutes les façons qui ont été évoquées ce matin.
Nous encourageons vivement le comité à admettre cette réalité et à faire des recommandations qui renforceront les milieux universitaires à cet égard.
La recherche a connu une grande expansion dans les années 60, lorsque les attentes et les besoins en matière d'enseignement postsecondaire occupaient la première place. Aujourd'hui, la situation est tout aussi exigeante du point de vue de la mondialisation. Nous encourageons donc vivement le comité sénatorial à admettre cette réalité et à appuyer sans équivoque l'activité de recherche dans les universités canadiennes, activité qui doit devenir une priorité pour le gouvernement fédéral.
M. Roy Bonin, ancien président, Société canadienne pour l'étude de l'enseignement supérieur: Jusqu'à tout récemment, et je dirais même actuellement, les universités canadiennes ont joui et jouissent d'un avantage concurrentiel par rapport à d'autres universités dans le monde grâce aux frais de scolarité peu élevés que nous pratiquons au Canada. Au fur et à mesure qu'augmentent les frais de scolarité, nous perdons notre avantage concurrentiel, pas radicalement, mais lentement. Ainsi que le disait le sénateur Carstairs un peu plus tôt, même dans le cas des établissements américains prestigieux où les frais oscillent entre 30 000 $ et 50 000 $, le fait est que pratiquement aucun étudiant ne paie de tels frais.
Compte tenu de l'augmentation de l'endettement des étudiants universitaires canadiens, les nouveaux étudiants disent simplement: «Si je dois payer de tels montants, je devrais aller là où c'est le plus rentable pour moi». Il se peut que les universités canadiennes perdent l'avantage concurrentiel qu'elles tiennent pour acquis depuis de si nombreuses années.
M. Hough: Une autre réalité fondamentale de la recherche qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'il s'agit d'une ressource nationale qui transcende les frontières. C'est la raison essentielle pour laquelle nous disons que le gouvernement fédéral a une responsabilité explicite à cet égard; il a activement appuyé la recherche dans les universités pendant de nombreuses années et doit continuer de le faire.
La recherche produit essentiellement des gens qui pensent et qui ont des connaissances spécialisées, que ce soit à l'université, dans le secteur privé ou ailleurs. La plupart du financement de la recherche par des conseils de subvention, par exemple, permet de préparer les gens.
M. Bonin: Dans le cadre des compressions économiques au sein des universités, ce sont ceux que nous considérons comme étant notre «produit» qui sont les premiers touchés.
Plus le financement de la recherche dépend de contrats extérieurs, moins il est possible d'embaucher des assistants à la recherche. Dans la première série de compressions, les premières personnes touchées ont été celles occupant des postes pour une période déterminée ou des postes sessionnels. Ce sont ceux qui n'ont pas de permanence ni d'emploi garanti qui sont les plus touchés dans la première série de compressions. Malheureusement, il y a des personnes très qualifiées qui ne trouvent pas de place. C'est ce qui explique peut-être la notion d'exode des chercheurs. Les gens ne choisissent pas nécessairement d'aller aux États-Unis. Il suffit toutefois d'examiner les offres d'emploi qui paraissent dans le bulletin ou les publications de l'Association canadienne des professeurs d'université pour s'apercevoir que le rapport est de cinq pour un. Les gens vont là où ils trouvent du travail.
M. Hough: Autre htmect important de la recherche: les divers secteurs -- universités, secteur privé, gouvernement, et cetera -- jouent des rôles distincts, mais complémentaires. Il est vrai que dans une large mesure, le secteur privé canalise ses activités de recherche en fonction de sa vocation commerciale, ce qui est normal, mais en même temps, il essaie de trouver la capacité de recherche à créneaux la mieux cotée, pas nécessairement dans les établissements locaux. Le secteur privé cherche l'expertise là où elle se trouve. Par conséquent, il est extrêmement important de soutenir la capacité de recherche au Canada et de créer une expertise qui non seulement est de haut niveau, mais qui aussi suscite ce genre d'interaction.
Enfin, l'expression «la recherche éclaire l'enseignement et l'enseignement éclaire la recherche», me plaît. Les deux sont un ensemble et cela s'applique tant au deuxième qu'au premier cycles. Permettez-moi de citer mon exemple: lorsque je suis entré à l'université, je n'avais nullement l'intention de faire un Ph.D. Les Ph.D. étaient réservés aux gens vraiment intelligents. C'est au cours de ma quatrième année, alors que je travaillais à un projet, que je me suis rendu compte que je voulais faire de la recherche. C'est uniquement parce que je devais participer à ce genre de projet que j'ai compris quelle était ma vocation. C'est pour cela qu'il faut que tous nos établissements offrent des activités de recherche.
M. Bonin: Bien des gens ne savent pas que la plupart des groupes de chercheurs dans la plupart des universités sont vraiment peu nombreux. Il ne s'agit pas de centres de recherche de 60 ou 70 personnes. C'est atypique. Vous vous rendrez compte que les gens qui font de la recherche font aussi de l'enseignement. Il est devenu politiquement correct de supposer qu'il existe une dichotomie entre l'enseignement et la recherche. Actuellement, il est plus politiquement correct de mettre l'accent sur l'enseignement. Le fait est qu'une journée ne compte que 24 heures et une semaine que sept jours. Par conséquent, à cause de l'augmentation du nombre d'étudiants par classe, à cause de la diminution du nombre d'assistants à l'enseignement et à cause de l'augmentation du nombre de sections, il est de moins en moins possible de faire de la recherche. Ce sont les mêmes personnes qui remplissent les deux fonctions.
J'ignore d'où vient cette impression, l'idée de ces professeurs qui n'enseignent pas, mais je n'en ai certes jamais rencontrés. Pourtant, j'ai travaillé dans quatre universités. La plus grande partie de la charge d'enseignement est assumée par des personnes qui font aussi de la recherche. Si vous accroissez leur charge d'enseignement, simplement parce qu'il n'y a personne d'autre pour le faire, elles ont alors moins de temps à consacrer à la recherche.
M. Hough: Dernier point, j'aimerais parler des chercheurs canadiens qui sont invités à prendre part à de la recherche coopérative internationale, qui acceptent l'invitation et qui contribuent. On n'est pas invité à prendre part à ce genre de recherche si l'on a pas quelque chose à contribuer. Or, pour avoir quelque chose à contribuer, il faut être reconnu comme une autorité en quelque chose. Nous craignons que, si l'on permet un autre recul de notre effort de recherche, nous soyons beaucoup moins en mesure de travailler au sein de groupes internationaux.
Il y a bien d'autres sujets que nous pourrions aborder avec vous, par exemple le niveau d'interaction entre les universités et l'entreprise privée, l'influence des centres d'excellence et le nombre de postes de président. Il se passe beaucoup de choses excitantes dans les universités, actuellement. En réalité, les chercheurs font face à des exigences croissantes. L'expression à la mode, actuellement, est la «commercialisation» de la recherche. Elle convient tout à fait. Si le produit ou les résultats de la recherche ont une application rentable et qu'ils peuvent être commercialisés, c'est parfait. Cependant, ceux qui en ont l'idée et qui effectuent la recherche ne sont pas forcément les mêmes qui peuvent en commercialiser le résultat.
C'est ici que prend fin mon sermon. Je répondrai maintenant volontiers à vos questions.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Le sénateur DeWare: Vous recommandez que l'on accroisse le niveau de recherche, mais vous n'avez pas précisé de combien. Pouvez-vous nous citer un chiffre, un pourcentage? Vous devez avoir une idée de la mesure dans laquelle il a diminué.
M. Hough: Tout dépend du secteur à l'étude. Par exemple, dans les deux derniers budgets fédéraux, on a réduit de 25 p. 100 les budgets de fonctionnement des organismes accordant des subventions pour la période allant de 1994-1995 à 1998-1999. C'est une baisse appréciable. Ce n'est pas comme si tous ceux qui demandent des subventions les recevaient. Lors des derniers concours tenus par le Conseil de recherches médicales, qui est un organisme plutôt important au pays, seulement 20 p. 100 des nouvelles demandes ont été acceptées. Le conseil a une très longue liste de projets qui lui ont été soumis et qui répondent à tous les critères d'approbation, mais ces projets n'ont pas reçu un seul sou parce que les coffres de l'organisme étaient vides.
Pour redresser cette situation, il faudrait débloquer environ 150 millions de dollars par année pour les trois conseils.
Le sénateur DeWare: Est-ce ce qu'il faut réinjecter dans la recherche?
M. Hough: Oui, simplement pour en revenir à la case départ.
Le Canada investit en tout entre 1,45 p. 100 et 1,5 p. 100 approximativement de son produit intérieur brut dans la recherche. Le seul autre pays membre du G-7, par exemple, à investir moins -- et il nous suit de très près -- est l'Italie. Tous les autres pays, y compris ceux de la Scandinavie, investissent beaucoup plus dans la recherche. La plupart y consacrent environ 3 p. 100 de leur produit intérieur brut. À notre avis, il faudrait graduellement accroître cet investissement de manière à ce qu'il se rapproche le plus possible de 2 p. 100.
Le sénateur DeWare: Vous recommandez que soit renouvelé le mandat des Réseaux de centres d'excellence au niveau actuel de financement pour les quatre prochaines années. Craignez-vous qu'il ne soit pas renouvelé?
M. Hough: Nous craignons plus une baisse des crédits qu'une abolition du programme. Actuellement, le financement est d'environ 50 millions à 60 millions de dollars par année. S'il était abaissé à 60 p. 100 de ce montant par exemple, bien des centres existants qui, de l'avis de tous, répondent aux attentes et aux critères seraient naturellement condamnés, ce qui, bien sûr, rendrait plus difficile l'accès à d'autres centres. Nul, dans les milieux de recherche, ne croit qu'un centre d'excellence est éternel, du simple fait qu'il existe aujourd'hui. Il y aura une évolution, et nous croyons qu'il faudrait avoir en place un programme durable.
Le sénateur DeWare: Vous dites que, lorsque des compressions sont effectuées, cela ne signifie pas pour autant qu'un centre ferme. Je puis comprendre le raisonnement, mais le vôtre est tout à fait différent. Vous dites qu'il faudrait les garder ouverts, mais, que si l'un d'entre eux était excédentaire, il faudrait le fermer.
M. Hough: Parfaitement.
Le sénateur Carstairs: J'ai bien aimé l'image que vous avez utilisée lorsque vous avez dit que la recherche n'est pas comme un robinet que l'on peut ouvrir et fermer à volonté. C'est là quelque chose que comprennent très mal les Canadiens. Bon nombre d'entre eux croient, au contraire, que l'on peut effectivement y mettre fin comme cela, que les chercheurs reprendront leurs travaux si le robinet est ouvert à nouveau. Entre temps, que font-ils, où vont-ils, ces chercheurs?
Quand j'ai commencé à faire ma maîtrise en 1962, c'était plutôt mal vu. Je puis imaginer la réaction quand vous avez décidé de faire votre doctorat. Je me souviens de la réaction quand le sénateur Michael Kirby nous a annoncé à tous qu'il faisait son doctorat, en 1963. Nous l'avions jugé extrêmement bizarre.
Je ne crois pas que de nombreux jeunes qui entrent à l'université ont en tête de faire un doctorat. Certains htmirent certes à devenir médecins ou avocats, mais peu commencent leurs études de premier cycle en sachant qu'ils feront un doctorat.
Sommes-nous en train de perdre un nombre disproportionné de chercheurs? En d'autres mots, est-il plus facile au Canada de retenir ceux des sciences sociales, des sciences politiques et de l'économie que nos docteurs en chimie ou en physique?
M. Hough: Voilà une question intrigante. Je ne crois pas que nous puissions vous répondre, sénateur. J'ai l'impression que ce n'est pas le cas, en raison de la dimension mondiale des problèmes d'économie, de sciences, d'histoire, d'anthropologie et de sciences sociales. Les diplômés des sciences ont peut-être un peu plus la possibilité d'aller travailler ailleurs en raison des plus forts niveaux de financement dans leur domaine. Je n'ai jamais vu de données à ce sujet.
M. Bonin: Vous constateriez peut-être que le coût de conserver, par exemple, un diplômé en tant qu'assistant de recherche, quelle que soit la discipline, est le même si vous pouvez rayer du matériel des listes en sciences exactes. Par contre, on investira probablement bien plus volontiers, particulièrement pour de la recherche sous contrat, dans le domaine du génie et des sciences exactes que, par exemple, en histoire ou dans le domaine social. Je soupçonne que l'un compenserait pour l'autre. Si vous radiez le coût de l'équipement, les coûts sont à peu près les mêmes. L'aide-enseignant en philosophie ne gagne pas moins que l'aide-enseignant en chimie.
Le sénateur Carstairs: On a l'impression que la recherche en chimie ou en physique est beaucoup plus coûteuse que la recherche en histoire, qu'il faudrait concentrer notre argent dans les sciences parce que les chercheurs en sociologie peuvent se débrouiller. Il ne leur faut que quelques livres. Naturellement, j'exagère.
Que faut-il faire pour changer cette image? Quel genre de données exactes faut-il rassembler pour faire mieux comprendre aux Canadiens le rôle de toute cette recherche?
M. Hough: C'est là, selon moi, un excellent défi à lancer à tous les chercheurs, soit de faire connaître leurs travaux et la raison pour laquelle ils les effectuent dans un langage clair et facile à comprendre. Je sais que la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales tient assez régulièrement des petits déjeuners-causeries sur la Colline, par exemple, et qu'elle y invite des chercheurs pour discuter de ce qu'ils font. Ces petits déjeuners ont lieu chaque mois ou chaque trimestre, je crois. C'est un premier pas dans la bonne direction. Tous les organes accordant des subventions, y compris le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, expliquent dans leurs publications et par l'intermédiaire de leur groupe de communication le genre de recherches qu'ils appuient et en quoi ces recherches sont liées aux préoccupations réelles des Canadiens.
C'est une exigence constante. Je crois aussi que ce serait une question légitime que votre comité et la classe politique pourrait poser au milieu de la recherche: «Que faites-vous et pourquoi le faites-vous?» Je suis sûr que vous obtiendriez d'excellentes réponses.
Je ne connais pas de cas où il s'effectue de la recherche simplement parce que quelqu'un a décidé, à son réveil, que c'est ce qu'il voulait faire. Chaque projet de recherche est assorti de raisons et d'objectifs précis. Les objectifs ne sont peut-être pas atteints, mais les chercheurs savent ce qu'ils essayent de faire.
M. John Service, Ph.D., membre exécutif du comité directeur, Consortium canadien pour la recherche: Moi, je suis un psychologue spécialisé en sciences sociales, alors que d'autres sont des neuropsychologues. Nous couvrons toute la gamme des spécialités.
Au Canada et aux États-Unis, on pense que les sciences sociales n'ont pas autant d'importance et n'obtiennent pas autant de financement que les autres disciplines. On a cette attitude depuis quelque temps déjà. Toutefois, la nouvelle selon laquelle ce serait en train de changer m'encourage vraiment.
Dans le dernier budget, le gouvernement a annoncé un fond de recherche en services de la santé qui mettrait l'accent sur les sciences sociales plutôt que sur les seules sciences de la médecine et de la biologie. Le Conseil de recherches médicales a maintenant une clientèle plus vaste et un mandat plus général. Le dernier forum sur la santé a clairement fait valoir qu'il faut étudier la population. L'étude des facteurs déterminants de la santé a été un échec. Il faut s'attaquer à la question de façon plus générale.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, sénateur, qu'il faut changer d'attitude. Par contre, je crois qu'elle est en train d'évoluer.
Je remarque que la commission d'enquête formée récemment par le gouvernement en vue d'examiner les militaires comprend trois historiens. J'en ai été étonné, mais pas parce qu'ils n'auraient rien eu à contribuer. Cependant, je n'ai pu m'empêcher de me demander pour quelle raison on y avait nommé trois historiens. Je crois que l'attitude est en train de changer.
Soixante pour cent des membres du corps professoral des universités sont des chercheurs en sciences sociales qui enseignent les lettres et les sciences humaines, où sont inscrits la plupart des étudiants. Les cours de psychologie continuent d'être très populaires. En essayant de changer les attitudes, nous réussirons peut-être à faire des progrès.
M. Hough: Ces étudiants aussi se trouvent des emplois. Je ne crois pas qu'il y ait autant de différence qu'on pourrait le croire dans l'emploi des diplômés, selon la discipline. Les sciences humaines et les sciences sociales sont utiles. J'ai fait mes études en génie, mais la plus grande partie du véritable travail que nous faisons consiste à interagir avec d'autres êtres humains. Soit que nous voulons vendre une idée, que nous essayons de convaincre de l'orientation à prendre, d'expliquer ce dont il est question, puis de convaincre de nous aider à y arriver. La plupart des relations, peu importe d'où on vient, sont interpersonnelles. Les sciences sociales en comportent certes beaucoup.
M. Bonin: L'exemple parfait est la renaissance de la philosophie, qui met maintenant l'accent sur l'éthique. Il existe un tout nouveau marché qui se languit depuis des années. Il vient de prendre son élan. Ceux qui enseignent et qui sont compétents dans ces domaines enseignent maintenant le marketing, les affaires et la gestion, de même que les disciplines traditionnelles de la philosophie.
Le président: Il y a quelques années, des fabricants de produits pharmaceutiques sont venus témoigner devant notre comité. Ils ont fidèlement promis que, si on leur accordait la protection de 20 ans et qu'on empêchait les fabricants de produits génériques de reproduire leurs médicaments, ils feraient un apport appréciable à la recherche au Canada. Combien d'argent les universités reçoivent-elles des pharmaceutiques pour effectuer de la recherche?
M. Hough: Elles ont accru leur financement à ce qu'elles admettraient comme recherche valable, en sus des engagements pris lorsque les projets de loi C-22 et C-91 ont été examinés. Elles ont dit que, dès 1996, elles consacreraient au moins 10 p. 100 de leurs chiffres d'affaires à la recherche. En fait, elles y ont contribué environ 11 p. 100 en 1995. En effet, elles ont affecté environ 132 millions de dollars cette année-là à des travaux reconnus comme étant de la recherche fondamentale. Presque 99 p. 100 de ces fonds sont allés aux universités.
En contrepartie, 69 p. 100 des fonds consacrés à la recherche considérée comme étant admissible sont allés à des essais cliniques. Cet argent est allé à des groupes différents, les fabricants de produits pharmaceutiques et les chercheurs utilisant le même mot, mais dans un contexte différent. La recherche peut avoir un sens différent selon chacun. Pour les fabricants de produits pharmaceutiques, est admissible toute recherche qui est liée à une découverte, à des tests, à des essais, et ainsi de suite. C'est ce que permet la Loi de l'impôt sur le revenu. Pour les chercheurs, recherche signifie acquisition d'un nouveau savoir. Les essais cliniques sont importants, mais ils ne nous apprennent pas forcément quelque chose de nouveau.
Le sénateur DeWare: S'ils donnent 90 p. 100 des fonds aux universités pour effectuer de la recherche, peuvent-ils dicter comment cet argent est affecté?
M. Hough: Pas vraiment. Les universités ont formé différents organes à l'intention des sociétés qui versent cet argent. L'un d'entre eux est un conseil de recherches médicales, le PMAC. Il s'agit d'un programme d'examen par des pairs uniquement. Les fabricants n'ont pas leur mot à dire. Ils sont représentés au sein du comité des affectations, mais c'est un processus d'examen par des pairs, et les sociétés ne peuvent dicter où va l'argent.
Le sénateur DeWare: Je suis contente de vous l'entendre dire.
M. Hough: Les chercheurs individuels qui travaillent dans des domaines qu'ils estiment être d'un intérêt primordial à une société en particulier peuvent de toute évidence dire à l'entreprise: «J'effectue des travaux susceptibles de vous intéresser. Me donneriez-vous 10 millions de dollars?» Cela se produit quelquefois. Habituellement, c'est le chercheur qui a l'idée. Il serait difficile d'essayer de prouver que les entreprises tentent d'orienter les travaux, parce que l'argent est investi dans des travaux qui, espèrent-elles, aboutiront à un produit plus tard. Elles ne disent pas: «Dans 6 mois, nous aurons un produit à vendre».
Le président: Combien de retard accusent nos laboratoires de recherche?
M. Hough: Certains laboratoires canadiens ont les mêmes compétences que d'autres, ailleurs. Chacun est un cas d'espèce. Souvent, des étudiants diplômés travaillent avec de l'équipement qui est plus âgé qu'eux.
M. Service: Des professeurs approchent de l'âge de la retraite. S'ils se retirent, nul ne saura comment faire fonctionner l'équipement, parce qu'ils sont les seuls à savoir comment.
M. Hough: Certains laboratoires ont de l'équipement de premier ordre. Le toit coule peut-être, et il faut évacuer la salle quand il pleut, mais le matériel comme tel est de tout premier ordre.
Le président: Quelle influence ont les nouvelles technologies sur la recherche et comment réagissez-vous au nouvel équipement qui devient très vite désuet?
M. Hough: Je suppose que, par «nouvelles technologies», vous entendez les communications, Internet et ainsi de suite. Quand on a discuté d'Internet, ce matin, il était intéressant d'apprendre qu'il a vu le jour grâce aux efforts de physiciens européens qui cherchaient un moyen de mieux communiquer entre eux. Depuis lors, il s'est transformé en autoroute de l'information qu'utilisent tous ceux qui ont accès à un terminal.
Il a profondément modifié la capacité et la facilité de communication entre les chercheurs. L'idée des centres d'excellence a été, à l'origine, accueillie avec un certain scepticisme. La question la plus souvent posée était: «Si les gens ne se rencontrent plus physiquement, comment peuvent-ils travailler en groupe?» En fait, une fois qu'ils se connaissent -- et ils se rencontrent à des conférences, et ainsi de suite -- l'interaction par ce moyen est facile. Cela a eu une influence profonde et favorable sur la recherche. On peut facilement échanger des idées et des données. On peut obtenir la réaction instantanée des collègues à une idée, savoir si elle est farfelue ou si elle est intéressante et si elle cadre avec leurs propres données. On a une meilleure idée de l'agencement des fichiers de sorte que, quand un autre travaille à un programme similaire, on peut les regrouper pour en faire des données complémentaires. J'estime que l'effet est dans l'ensemble positif.
M. Service: Cette technologie permettra également aux collectivités et aux particuliers d'avoir un meilleur accès aux résultats des travaux de recherche. Grâce, entre autres, au Réseau scolaire canadien et au projet de création d'ateliers scientifiques mis sur pied par la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales, qui s'est inspirée du modèle créé aux Pays-Bas, les citoyens et les gens d'affaires pourront avoir accès à des renseignements précieux. Je crois que les collectivités et les entreprises vont en tirer de grands avantages.
M. Bonin: Il convient aussi de préciser que nous ne pourrions pas survivre sans cette technologie, compte tenu des coupures qui ont été effectuées dans certains programmes. Les professeurs ne peuvent pas tous avoir une secrétaire. Ils sont peut-être 14 à compter sur les services d'une secrétaire. L'époque où l'on écrivait nos notes à la main et où l'on demandait à la secrétaire de les dactylographier et de les envoyer à l'éditeur est révolue. Aujourd'hui, on les dactylographie soi-même sur un ordinateur personnel et on les envoie ensuite par courrier électronique à l'éditeur. Il les soumet à cinq ou six personnes pour qu'elles les examinent et vous renvoie ensuite leurs commentaires, toujours par courrier électronique. On ne pourrait plus faire ce travail à la main, comme dans le passé. L'infrastructure n'existe tout simplement plus.
Vu sous cet angle, la technologie ne constitue pas une menace, mais tout simplement un outil de travail.
M. Hough: La plupart des organismes seraient incapables de fonctionner sans cette technologie. Je passe environ deux heures par jour à communiquer avec les membres de mon association par voie de courrier électronique.
Le sénateur DeWare: Avez-vous déjà essayé d'acheter un billet à l'aéroport alors que les terminaux étaient en panne? Rien ne fonctionne.
Le président: Nous avons sans doute d'autres questions à vous poser. Nous communiquerons à nouveau peut-être avec vous plus tard.
Je vous remercie pour votre excellent exposé. Nous communiquerons avec vous.
Nous allons maintenant entendre M. Howard Alper, de la Société royale du Canada. Vous avez la parole.
M. Howard Alper, vice-président, Académie des sciences, Société royale du Canada: La Société royale du Canada est heureuse de pouvoir faire connaître ses vues sur quelques-unes des questions soulevées par le Sous-comité sur l'enseignement postsecondaire. Composée de membres choisis par leurs pairs en fonction de leurs contributions exceptionnelles aux humanités, aux sciences et aux sciences naturelles, la Société royale a pour objectifs de promouvoir les plus hauts niveaux du savoir et de la recherche dans tous les domaines de la connaissance; de mettre à la disposition du Canada et des Canadiens le savoir vaste et varié de ses membres, en vue d'émettre des évaluations et des avis sur les questions sociales, culturelles, économiques et scientifiques de notre époque, comme par exemple le SIDA ou l'amiante; et de promouvoir les connaissances et les réalisations des Canadiens au plan international par des échanges avec les autres académies nationales.
Je suis professeur de chimie à l'Université d'Ottawa. J'ai la charge d'un groupe de recherche composé de 19 diplômés et boursiers de recherches postdoctorales. Notre recherche porte sur l'élaboration de processus utiles aux industries pharmaceutique, pétrochimique et chimique.
Voici maintenant mes vues sur quelques-unes des questions soulevées dans le mandat du sous-comité.
Le gouvernement fédéral a perdu beaucoup de son influence dans des dossiers nationaux comme l'enseignement postsecondaire. La réduction des transferts aux provinces jointe à l'érosion constante du soutien à la recherche a dans une large mesure marginalisé le rôle du gouvernement national dans la politique de l'enseignement postsecondaire.
Beaucoup de Canadiens trouvent particulièrement préoccupant que le gouvernement fédéral maintienne une forte présence dans le domaine de la santé alors qu'il laisse l'enseignement postsecondaire devenir une mosaïque de politiques et de niveaux de financement. Il est évident que le gouvernement fédéral doit, à l'échelle nationale, se préoccuper des normes, de l'accessibilité et de l'excellence.
En ce qui concerne la diversité des politiques, les sénateurs savent sans doute que le gouvernement du Québec vient d'annoncer que les étudiants de l'extérieur de la province devront payer des frais de scolarité sensiblement plus élevés pour fréquenter une université québécoise que les résidants. Une telle politique est contraire à la promotion de la transférabilité entre les établissements et de l'accessibilité nationale. Bien que les gouvernements provinciaux aient fait des efforts pour abolir les obstacles au commerce interprovincial, cette politique du gouvernement du Québec doit être considérée comme un obstacle à la circulation des étudiants et devrait être abolie. Ce que nous craignons, c'est que les gouvernements provinciaux continuent d'adopter des politiques sans que le gouvernement fédéral intervienne pour assurer des politiques nationales.
Une réforme de l'aide aux étudiants s'impose, comme d'autres l'ont mentionné ce matin. Idéalement, il faudrait lier le remboursement des prêts au revenu du diplômé. Ce serait plus juste et plus progressif que de mettre sur le même pied tous les étudiants, sans égard à leur revenu.
Nos banques à charte ont la capacité de financer un régime de prêts remboursables en fonction du revenu, ou un RPRR. Nous demandons au gouvernement fédéral d'amorcer les négociations avec les banques à charte en vue de mettre au point un tel programme national d'aide aux étudiants. Idéalement, il faudrait que le RPRR soit mis en oeuvre en tant que régime fédéral-provincial d'aide aux étudiants.
La Société royale du Canada se réjouit du projet de réforme de l'aide aux étudiants récemment mis de l'avant par un large éventail d'associations de professeurs et d'étudiants et par l'Association des universités et des collèges du Canada.
Il faut que le gouvernement fédéral modifie la législation fiscale afin de favoriser la philanthropie à l'égard des établissements publics. Nous croyons que beaucoup de Canadiens sont prêts à donner davantage aux établissements d'enseignement postsecondaire, mais qu'ils ne le font pas à cause des incidences fiscales. Le régime fiscal oblige les contribuables à payer l'impôt sur les gains en capital à l'égard de la plus-value d'une action ou d'une obligation qu'ils encaissent pour en faire don à une université. En outre, la pleine valeur d'un don ne peut être réclamée parce que seule la valeur comptable est reconnue à l'exclusion de la plus-value. Mentionnons, à titre d'exemple, les dons d'oeuvres d'art aux collèges et aux universités. Nous recommandons que le gouvernement abolisse l'impôt sur les gains en capital dans le cas des dons de bienfaisance.
Passons maintenant au volet «demande et objectifs». La demande estudiantine se concentre dans le domaine des arts, des sciences sociales et des sciences. Cependant, à en juger par les ressources et l'opinion publique, on veut que les universités offrent davantage de programmes de formation professionnelle et d'administration des affaires pour préparer les étudiants au marché. Ces pressions ont pour effet non seulement d'empêcher les universités de répondre à la demande, mais de miner la mission centrale dont elles sont investies de promouvoir la recherche dans un large éventail de domaines, les soi-disant domaines de l'esprit, qui sont essentiels à l'évolution des valeurs sociales et culturelles d'importance pour la qualité de vie au Canada.
Les études universitaires ont pour objectif de développer les connaissances, de favoriser la créativité, de poursuivre l'excellence et d'élaborer des protocoles d'étude et de résolution des problèmes dans divers domaines. Le dernier objectif est vital parce que, dans les cinq ans suivant l'obtention d'un baccalauréat ou d'un doctorat, une bonne part des diplômés exercent dans l'entreprise des responsabilités qui sont sensiblement différentes de celles pour lesquelles ils ont été formés.
Prenons le cas d'un docteur en chimie qui, nommé à un poste de chercheur dans une entreprise, se trouve, cinq ans après, à la tête d'un groupe de neuf personnes qui ne sont pas toutes des scientifiques. La méthodologie de résolution des problèmes acquise à l'université sera utile dans les deux genres d'emplois. La flexibilité et l'adaptabilité sont des qualités importantes pour qui veut réussir dans la vie. Par conséquent, les programmes de base aussi bien que les programmes de formation professionnelle sont essentiels à de bonnes études universitaires.
En ce qui concerne la dynamique universitaire, il est admis que, au lieu d'essayer d'exceller dans tous les domaines, il vaut mieux que les universités se concentrent sur le développement de leurs domaines d'excellence et sur l'élaboration sélective de nouveaux programmes pour le XXIe siècle. Les universités doivent fixer des priorités concernant les programmes à abolir, à maintenir tel quel, à recentrer ou encore à élargir ou à lancer comme nouvelles initiatives. Peu d'universités canadiennes se sont vraiment livrées à cette priorisation en dépit des fortes réductions de financement qu'elles ont essuyées. Des organismes comme l'AUCC doivent exercer un rôle directeur à cet égard.
Nous avons constamment fait allusion, ce matin, aux questions internationales. Ces questions comportent deux volets. Il y a d'abord les étudiants étrangers, qui contribuent grandement à la vitalité des établissements d'enseignement postsecondaire. En sensibilisant les étudiants, les professeurs et les employés de soutien canadiens aux autres cultures, ils favorisent la tolérance et la civilité dans notre société. Pour ces raisons, entre autres, les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux doivent encourager les programmes d'aide financière et de bourses à l'intention des étudiants étrangers.
Il y a ensuite la collaboration internationale. Comme la recherche est une activité planétaire, la recherche universitaire doit évoluer dans un contexte international. La collaboration internationale peut augmenter la valeur des projets menés au Canada. Malheureusement, les récentes compressions budgétaires des ministères fédéraux ont eu trop souvent pour conséquences involontaires l'abandon de programmes internationaux. La Société royale recommande qu'on se penche de toute urgence sur cette question.
Enfin, la recherche et la formation contribuent puissamment au développement des connaissances, qui est la raison d'être d'une université. C'est parce qu'elles entretiennent, en fait, une relation synergique que, par exemple, de grandes découvertes récentes ont influé sur l'élaboration des programmes d'études.
La recherche universitaire contribue pour beaucoup au dynamisme économique et à la qualité de vie des Canadiens. Un médicament élaboré par des chimistes pour le traitement de maladies de la prostate ou de l'équilibre hormonal, un programme informatique conçu pour améliorer l'efficacité des administrations, une mousse qui sert de résine pour les automobiles, une membrane qui sert au traitement et à l'élimination des déchets industriels, un nouveau paramètre d'analyse économique, une pièce de théâtre, un roman, un recueil de poèmes, voilà autant de découvertes qui exercent une profonde influence sur la vie des générations actuelles et futures de Canadiens.
Presque toute cette recherche vise essentiellement à préparer les étudiants au marché. Non seulement les entreprises bénéficient directement de cette formation, mais les inventions qui se font dans les universités conduisent souvent à la formation d'entreprises, autre source de richesse pour le Canada.
Au cours des trois à cinq dernières années, une crise s'est développée au Canada par suite de la compression des budgets des conseils subventionnaires fédéraux. Comme on l'a mentionné, cette compression a entraîné la détérioration, à un rythme alarmant, de l'infrastructure de recherche, ce qui a un impact sur l'enseignement. On a également de la difficulté à recruter d'excellents professeurs débutants -- les soi-disant fonds «de démarrage» --, et à conserver des «étoiles montantes» ainsi que des chercheurs éminents par suite de fortes restrictions budgétaires.
En vue de régler ces problèmes, la Société royale du Canada recommande que le gouvernement fédéral consacre de l'argent frais à l'effort de recherche.
D'abord, il faut établir un programme d'infrastructure de recherche pour subventionner la modernisation des laboratoires de recherche et l'achat, le fonctionnement et l'entretien du matériel afin que les universités puissent se livrer à de la recherche de pointe au même niveau qu'au moins certains autres pays industrialisés.
Ensuite, il faut établir un «Prix du premier ministre aux nouveaux chercheurs», c'est-à-dire un programme de subventions pour les professeurs nouvellement nommés.
Enfin, il faut établir un programme d'«Amélioration des perspectives d'avenir» --, c'est-à-dire un programme de subventions pour les étoiles montantes, afin de les encourager à rester au Canada.
Le président: Je vous remercie de votre excellent exposé.
Est-ce que la Société mène des études sur l'exode des cerveaux canadiens?
M. Alper: Oui. Cette question ne fait pas l'objet d'un projet de recherche particulier. Nous nous penchons sur diverses questions, dont celle-là.
Plusieurs chercheurs quittent le pays. Ils s'installent habituellement aux États-Unis, mais je tiens à préciser que plusieurs se tournent maintenant vers l'Europe.
Cinq personnes ont quitté mon groupe de recherche au cours des quatre derniers mois parce qu'elles avaient obtenu leur doctorat ou terminé leurs études postdoctorales. Deux chercheurs sont restés au Canada, deux sont allés aux États-Unis, et le cinquième s'est installé au Royaume-Uni. Cette tendance, à mon avis, est représentative d'un phénomène général où, sur un groupe de dix chercheurs, plusieurs vont quitter le pays pour une raison ou une autre, que ce soit parce qu'ils ont accès à de meilleures possibilités de recherche, de meilleures infrastructures ou encore des subventions de démarrage plus généreuses. Ils vont travailler pour le MIT ou l'Université Harvard, ou encore l'Université du Tennessee ou l'Université du Utah. Ce ne sont là que certaines raisons parmi d'autres pour lesquelles les chercheurs quittent le pays.
Le président: Est-ce qu'il y a beaucoup d'étudiants étrangers qui viennent au Canada pour obtenir leur doctorat et qui retournent ensuite dans leur pays?
M. Alper: Oui. C'est ce que fait la grande majorité d'entre eux. Il n'est pas facile pour un étudiant étranger d'obtenir un statut de résidant permanent au Canada, quoique cela ne soit pas impossible.
Le président: Mais même si ces étudiants étrangers viennent au Canada, reçoivent leur formation et retournent ensuite dans leur pays, est-ce que cela ne permet au Canada d'établir des contacts avec ce pays du fait que ces étudiants ont reçu leur formation ici?
M. Alper: Cela nous procure de grands avantages. La présence au Canada d'étudiants étrangers permet de sensibiliser nos collègues, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du milieu universitaire, aux différentes valeurs culturelles, ainsi de suite. Les réalisations importantes, nous l'espérons, des étudiants qui font des études de premier cycle en technologie de l'information ou des études supérieures en recherche médicale rehaussent la réputation des Canadiens qui coordonnent et dirigent leurs travaux de recherches. Il s'agit là d'un point important. Ces étudiants, lorsqu'ils retournent dans leurs pays, nous servent en quelque sorte d'ambassadeurs. Ils représentent, nous l'espérons, ce que notre pays a de mieux à offrir. Je suis fier du Canada et de notre qualité de vie, malgré les contraintes et les compressions budgétaires que nous subissons.
Lorsqu'ils retournent dans leurs pays -- et je le sais par expérience --, ils ouvrent la voie à de nouveaux partenariats de recherche, à de nouveaux échanges entre le Canada et leur pays d'origine.
Le sénateur DeWare: Vous avez parlé dans votre mémoire de la dynamique universitaire. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Vous avez dit que les universités doivent fixer des priorités concernant les programmes à abolir, à maintenir ou à modifier. Vous êtes le premier qui soulève ce point. Nous avons essayé d'amener les autres témoins à en discuter, mais ils n'étaient pas intéressés. Je crois que c'est un point important. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Alper: C'est une question capitale pour les universités. Il y en a une ou deux au Canada qui se sont livrées à cette priorisation, avec plus ou moins de succès. Certaines universités américaines ont très bien réussi dans ce domaine, et d'autres, moins bien.
Peu d'universités sont en mesure d'exceller dans tous les domaines. Cela s'applique aussi bien aux meilleures universités, comme celle de Toronto ou de la Colombie-Britannique, qu'aux établissements moyens ou au-dessous de la moyenne. Les universités doivent fixer des priorités concernant leurs programmes. Je ne dis pas qu'il faut créer des réseaux de centres d'excellence, mais plutôt établir des centres d'excellence au sein de l'université même, que ce soit dans un département ou dans un secteur en particulier. Elles doivent se concentrer sur ces domaines, surtout en ce qui concerne la recherche. Elles doivent mettre l'accent sur les programmes de base, même dans les domaines où elles n'excellent pas.
Permettez-moi de vous donner un exemple. L'année dernière, l'Université de Rochester a mis sur pied un comité pour examiner et prioriser les programmes d'études offerts par l'établissement. Par suite de cette évaluation, trois programmes du niveau supérieur ont été abolis. Sept ont été recentrés ou, si vous préférez, regroupés autour d'un seul thème, par exemple, la recherche historique. Plusieurs ont été maintenus tels quels et d'autres ont été élargis de façon considérable grâce à l'injection de fonds nouveaux.
Les universités doivent fixer des priorités, comme l'ont déjà fait les entreprises au cours des cinq dernières années. Le secteur privé a fait l'objet d'une restructuration en profondeur, tout comme le secteur public. Les conseils subventionnaires, comme le CRSNG, utilisent l'excellence comme critère pour distribuer des fonds.
Pour que nos universités survivent et demeurent des institutions dynamiques, les décisions qui seront prises en matière de restructuration et d'établissement des priorités sont fondamentales.
Lorsque des compressions importantes sont apportées dans différentes régions du pays, il faut parfois deux ou trois ans avant qu'on en ressente les effets. C'est uniquement à partir de ce moment-là que certains administrateurs s'apprêtent à réagir. Ceux qui réagissent dès le départ ou même à l'avance garantiront un avenir solide à leurs universités.
Le sénateur Carstairs: Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il pourrait être dangereux d'établir des frais qui varient d'une province à l'autre. Je donne l'exemple de ce qui s'est produit au Manitoba. Nous avons été la dernière province à adopter des frais différentiels pour les étudiants étrangers parce que nous reconnaissons la valeur de la présence d'étudiants étrangers à l'Université du Manitoba en particulier. Une fois que les neuf autres provinces eurent fini par adopter ces frais différentiels, le Manitoba a fait l'objet d'une telle pression publique qu'il a fini par succomber lui aussi.
Je crains que cela ne se produise. Une province, le Québec, l'a fait. Les autres lui emboîteront-elles le pas? Cela compromet la mobilité des étudiants d'une région à l'autre du pays.
Nous sommes en train de constater un mouvement en faveur d'une politique de frais différentiels au sein de la structure universitaire même. L'Université Queen's offre maintenant un programme de MBA de 20 000 $. L'Université Western quant à elle parle d'un programme de MBA de 18 000 $. Les frais diffèrent légèrement pour les étudiants en médecine. Il y a même, dans certaines universités, une légère différence en fonction des frais de laboratoire pour les étudiants en sciences.
Quels sont les dangers que comporte une telle orientation? Je peux y voir certains avantages. Si un étudiant obtient un MBA de l'Université Western et l'année d'après touche un revenu moyen de 88 000 $, il peut se permettre des frais d'inscription de 18 000 $. Prévoyez-vous des problèmes?
M. Alper: Personnellement, je m'inquiète de l'ampleur que pourrait prendre ce phénomène. Il ne s'agit pas simplement d'une question d'offre et de demande ou de ce qu'on peut se permettre. En toute franchise, un doctorat en chimie peut vous permettre de gagner un aussi bon salaire qu'un MBA, peut-être pas immédiatement mais trois à cinq ans après avoir été engagé. Les frais sont moins élevés en sciences qu'en administration à l'Université Western. C'est en partie pour donner du prestige au programme, un peu comme si vous achetiez une voiture de marque Hyundai au lieu d'une BMW. C'est en partie la mentalité qui sous-tend cette démarche.
En tâchant, par suite des compressions budgétaires, de récupérer plus d'argent de différentes sources, c'est-à-dire en partie auprès de leur clientèle, certaines universités ont envisagé d'offrir des programmes spéciaux comme une maîtrise en administration pour gens d'affaires mais aussi un MBA ordinaire et un programme de médecine. Il ne s'agit pas simplement d'imposer des frais mais de déterminer, en fonction de ces frais, la valeur que vous accordez à l'enseignement que vous offrez. Cet enseignement vaut-il 20 000 $? Vaut-il 10 000 $? Ce sont les questions qu'il faut se poser au lieu de chercher à déterminer combien on peut se permettre de payer en fonction du salaire qu'on touchera cinq ans après l'obtention de son diplôme.
Le sénateur Carstairs: Il est clair qu'un docteur en chimie qui décide de travailler pour une multinationale de produits chimiques peut très bien toucher un revenu de 100 000 $ après plusieurs années. Ce serait toutefois une autre histoire si ce même docteur en chimie décidait de devenir professeur d'université même si ce poste mène à la permanence. Il est peu probable que la situation change du jour au lendemain. Comment peut-on alors évaluer l'objectif à long terme d'un détenteur de doctorat?
M. Alper: Chaque domaine ou discipline offre toute une gamme de possibilités pour ce qui est du salaire que rapportera votre travail, que vous soyez professeur au niveau secondaire ou universitaire ou employé d'une multinationale. Il existe même des différences d'une multinationale à l'autre. Par exemple, les sociétés de produits pharmaceutiques offrent des salaires plus intéressants que les sociétés de produits pétrochimiques.
Ce sont tous des htmects dont il faut tenir compte et il appartient à chacun de décider ceux auxquels ils accordent la priorité en fonction de leurs htmirations professionnelles.
Le sénateur Carstairs: Chaque personne fait face à un dilemme différent. Les parents savent que lorsque leurs enfants partent pour l'université, ils ne reviendront peut-être plus jamais vivre auprès d'eux. L'étudiant diplômé peut décider d'élargir ses horizons et d'aller étudier à l'étranger.
Savez-vous si ces étudiants reviennent? Si, par exemple, l'étudiant qui a fait un doctorat en chimie décide de faire un diplôme postdoctoral à Genève, reviendra-t-il au Canada?
M. Alper: Oui, certains reviennent. Par exemple, parmi ceux qui ont quitté mon propre groupe il y a un an et demi, il y avait quatre détenteurs de doctorat. L'une est allée en Illinois dans le cadre d'une bourse d'études postdoctorales du CRSNG et est maintenant professeur adjoint en chimie à l'Université du Nouveau-Brunswick. Un autre est allé en Californie et est maintenant professeur adjoint à Montréal. Ils sont revenus. Les deux autres sont allés travailler pour l'industrie, l'un au Canada et l'autre aux États-Unis. Sur ces quatre personnes, on en a perdu une, pas pour toujours nécessairement, ce qui ne s'est pas produit dans le cas des trois autres et certainement pas dans le cas des deux autres qui sont allés à l'étranger. Ils font partie des meilleurs éléments et ils reviennent. C'est un htmect important. Car au bout du compte, il est très bon pour leur carrière qu'ils constatent comment les choses se font ailleurs et se familiarisent avec différentes écoles de pensée, que ce soit sur le plan de la recherche ou de l'administration d'un département d'université.
Le sénateur Carstairs: Pour ceux qui se sont donné comme objectif à long terme de travailler dans le milieu universitaire, sont-ils plus susceptibles de revenir que ceux qui ont des visées à long terme dans l'industrie?
M. Alper: Non, je ne crois pas. À l'heure actuelle, aux États-Unis, il existe de nombreux postes dans bien des domaines. Je ne parle pas uniquement du domaine scientifique. Il pourrait s'agir de sociologie, de sciences politiques ou d'histoire.
Il s'agit de déterminer les possibilités d'emploi, les avantages marginaux qu'offre le fait de se joindre à l'Université de l'Illinois, non pas en fonction du salaire ou de la pension, mais en fonction des fonds de démarrage dont vous pourriez disposer pour la recherche, de la charge d'enseignement et ainsi de suite.
Selon moi, il n'y pas une grande différence entre ceux qui décident de faire carrière dans le milieu universitaire et ceux qui décident de faire carrière dans l'industrie pour ce qui est de rester au Canada ou d'aller à l'étranger.
Le président: Je vous remercie, monsieur Alper, de votre excellent mémoire. Nous aurons sans doute davantage de questions au fur et à mesure que nous visiterons les différentes régions du pays et entendrons d'autres témoins. Nous aimerions pouvoir communiquer avec vous par lettre pour vous poser certaines questions et obtenir votre point de vue avant que nous rédigions notre rapport final. Cela serait-il possible?
M. Alper: Je le ferai avec plaisir.
Le président: Je tiens à vous remercier d'avoir été des nôtres et je vous remercie de votre mémoire.
La séance est levée.