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Sous-comité de l'éducation postsecondaire au Canada

 

Délibérations du sous-comité de l'enseignement postsecondaire
du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 6 - Témoignages - Séance du matin


VANCOUVER, le mardi 11 février 1997

Le sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 heures, afin de poursuivre son étude de l'interpellation au sujet de l'enseignement postsecondaire au Canada.

Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous sommes au magnifique Capilano College pour poursuivre notre étude de l'enseignement postsecondaire au Canada. Plus tôt ce matin, nous avons visité ce superbe campus.

Notre premier témoin ce matin est M. William Saywell, président de la Fondation Asie-Pacifique du Canada. J'espère que votre exposé nous laissera un peu de temps pour vous poser des questions.

M. William Saywell, président, Fondation Asie-Pacifique du Canada: Monsieur le président, comme je suis venu ici à votre demande, mon intervention n'équivaudra pas à une longue liste de souhaits, et nous passerons très rapidement aux questions.

Mon expérience est essentiellement dans le secteur de l'enseignement postsecondaire, les dernières fonctions que j'ai assumées pendant 10 ans, avant de devenir président de la fondation, ayant été celles de recteur de l'Université Simon Fraser. Si vous voulez mettre à contribution ma mémoire un peu rouillée, j'essaierai avec plaisir de vous faire part de points de vue associés à ce milieu. Je crois toutefois avoir été invité ici aujourd'hui parce que, dans un exposé que j'ai fait devant le comité sénatorial des affaires étrangères, en novembre, puis à Vancouver, la semaine dernière, j'ai parlé d'un projet que la Fondation Asie-Pacifique a entrepris et qui consiste à commercialiser, à l'échelle internationale, la formation et l'enseignement dispensés au Canada, notamment, mais pas exclusivement, au niveau postsecondaire, bien qu'une grande importance ait été accordée à ce secteur. Certains honorables sénateurs ont pensé qu'il serait utile que j'apporte des précisions sur ce projet, et c'est donc à cela que se limitera mon intervention. Si vous avez des questions, j'y répondrai ensuite.

Lorsque je suis arrivé du milieu universitaire à la Fondation Asie-Pacifique du Canada, organisme créé par le Parlement du Canada afin de promouvoir les relations entre le Canada et l'Asie, j'ai voulu voir si la fondation pourrait, en s'appuyant sur son mandat, aider les milieux canadiens de l'éducation à commercialiser leurs programmes dans la région Asie-Pacifique.

Après d'assez longues négociations avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, l'ACDI et Citoyenneté et Immigration Canada, nous avons conclu un accord de partenariat unique avec ces ministères et le secteur privé dont nous faisons partie. Bien que notre organisation soit indépendante, elle est largement tributaire des fonds publics et du gouvernement du Canada pour aider tout établissement légitime de formation ou d'enseignement de notre pays à commercialiser ses services dans la partie du monde qui connaît l'expansion économique la plus rapide, soit la région Asie-Pacifique. Environ 55 p. 100 des étudiants étrangers au Canada viennent de cette région.

Nous avons mis sur pied un réseau de centres d'éducation canadiens, aussi appelés CEC. Il existait un prototype à Séoul et un centre semblable à Taiwan, mais nous en avons créé d'autres et, depuis sept ans, il y a sept centres du genre qui sont entièrement opérationnels. Au cours des six prochaines semaines, nous en ouvrirons deux nouveaux, un à New Delhi, l'autre à Mexico. Les sept premiers centres dont j'ai parlé sont situés à Séoul, à Taipei, à Hong Kong, à Singapour, à Jakarta, à Kuala Lumpur et à Bangkok.

Ces centres, qu'ils soient situés dans les locaux de l'ambassade ou du haut-commissariat ou à proximité de ceux-ci, s'emploient essentiellement, lorsque c'est possible, à mettre sur pied un bureau qui commence avec un budget modeste et un personnel restreint composé de trois employés. Un établissement canadien peut verser une cotisation annuelle à notre fondation afin que nous présentions sa documentation à nos centres. Nos conseillers signaleront ensuite aux étudiants locaux les possibilités de faire des études dans les établissements membres qui ont cotisé à la fondation.

Les employés des centres participent aussi à des activités de diffusion externe, c'est-à-dire qu'ils vont faire des présentations dans les écoles et les collèges locaux, afin de parler des possibilités de faire des études au Canada.

Tous les ans, ils organisent des salons de l'éducation qui ressemblent à des foires commerciales pour la vente de produits. Les établissements membres qui veulent y participer paient des frais supplémentaires, y délèguent deux ou trois représentants et ont un kiosque où ils peuvent présenter leur documentation. En deux ou trois jours, des milliers d'étudiants se rendent au salon et peuvent obtenir des renseignements et des conseils sur les possibilités d'étudier au Canada.

Les centres ont aussi d'autres réalisations à leur actif... et je vous rappelle qu'ils n'existent que depuis deux ou trois ans. Nous sommes sur le point de commercialiser un CD-ROM qui contient de l'information exhaustive sur nos membres au Canada, ainsi que des répertoires sur papier d'établissements d'enseignement au Canada, répertoires imprimés pour chacun de ces centres, en anglais et dans la langue locale.

Après deux ans d'activités, nous, qui sommes partis de rien, avons réussi à recruter près de 200 établissements cotisants à l'échelle du Canada. Chaque province est représentée. Parmi nos membres, la représentation des établissements francophones est relativement faible, mais deux grandes universités francophones sont actuellement représentées. Le problème en l'occurrence -- et les établissements le comprennent -- c'est qu'une grande partie des étudiants asiatiques veulent faire leurs études en anglais. Il existe des créneaux commerciaux pour nos établissements francophones, et nous élaborons avec eux des stratégies pour les aider à pénétrer ces marchés.

Il y a, par exemple, des milliers d'étudiants coréens de niveaux collégial et universitaire qui font une majeure en français et en littérature française et qui vont, dans une large proportion, étudier en France. Il n'y a vraiment aucune raison nous empêchant de leur vendre le Québec comme un endroit intéressant pour y recevoir une partie de leur formation et y faire une partie de leurs études.

Depuis six à neuf mois -- et seulement dans certains centres, parce que, je le répète, le projet est encore jeune -- nous avons commencé à chercher pour nos membres des contrats prévoyant l'exécution de programmes de formation spéciaux au Canada ou en Asie ou aux deux endroits. Si je ne m'abuse, je crois que nous avons soumissionné pour environ 35 contrats et que nous en avons obtenu 22 qui sont évalués à deux millions de dollars pour nos cotisants. Nous agissons comme un courtier et nous percevons des honoraires pour effectuer ce travail. Permettez-moi de donner un exemple.

Nous avons décroché notre premier contrat à la suite des efforts que les employés de nos centres ont déployés en s'entretenant avec des représentants du secteur privé et d'organismes gouvernementaux de Singapour et de Séoul, en s'enquérant des contrats qu'ils avaient à adjuger, en leur demandant pourquoi ils envoyaient des groupes aux États-Unis, en Australie ou en Grande-Bretagne et ce qu'ils pensaient du Canada comme destination. Notre premier contrat nous a été octroyé par le gouvernement de Hong Kong. Celui-ci voulait envoyer au Canada deux personnes afin qu'elles étudient notre façon de gérer nos abattoirs. Il s'agissait d'un contrat de 10 000 $ seulement, mais nous avons examiné notre liste de membres et nous avons donné le nom de huit établissements probablement en mesure d'organiser un programme à cet égard.

Nous annonçons le projet dans notre réseau, nous expliquons à nos membres comment soumissionner, comment inclure dans leur budget nos honoraires qui représentent de 5 à 7 p. 100 de la valeur du contrat. Nous transmettons ensuite les propositions à notre client asiatique, qui décide alors à quel établissement il veut confier le contrat. Il peut s'agir du Capilano College, de l'Université de Montréal ou d'un autre établissement.

Notre contrat le plus important était évalué à quelque 400 000 $ et il prévoyait une formation à l'intention de gestionnaires en milieu de carrière d'une grande société privée coréenne, ainsi qu'une formation en anglais, langue seconde ou ALS. L'Université de la Colombie-Britannique a obtenu ce contrat qui, je le répète, valait près de 400 000 $.

La formation et l'enseignement sont un vaste marché, notamment en Asie, et ils commencent à le devenir en Amérique latine et dans d'autres régions du monde, pour une raison bien simple. Ces pays ont vu leur développement économique grimper en flèche. Il y a des pays d'Asie qui connaissent un taux de croissance dans les deux chiffres depuis dix ans. Ils accusent un retard important en ce qui concerne le développement de leurs ressources humaines et ils ont désespérément besoin de rattraper ce retard et de produire toutes sortes de spécialistes, des ingénieurs aux informaticiens en passant par des gestionnaires et du personnel dans le domaine médical.

Il y a, dans toutes ces économies, une classe moyenne constituée de centaines de milliers de personnes qui ont financièrement les moyens d'envoyer leurs filles et leurs fils étudier à l'étranger, que ce soit pour y suivre des cours d'anglais ou de français, langue seconde, pour y recevoir une formation technique ou pour y faire des études universitaires de premier cycle ou encore des études supérieures ou autres.

Ayant passé ma vie dans le milieu de l'enseignement postsecondaire, j'ai été, comme tout le monde, critique envers notre système. Nous sommes d'ailleurs peut-être plus critiques envers nous-mêmes que toute autre société.

La vérité, c'est que nous avons, dans notre pays, un excellent système d'enseignement et de formation. Il est exhaustif, il est unique, par certains htmects, comme en témoigne le programme d'études collégiales et universitaires de cette province, il est d'excellente qualité et ses prix sont concurrentiels à l'échelle internationale. Notre système est relativement peu coûteux comparativement à celui de nos principaux concurrents aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Australie, et les étudiants étrangers qui viennent au Canada peuvent y poursuivre des études dans un contexte multiculturel relativement amical et hospitalier. La seule chose que nous n'ayons pas faite, c'est de commercialiser ce système. Or, les gens dans le monde n'achèteront pas un produit ou un service, aussi bon soit-il, s'ils ne le connaissent pas.

Avant que nous mettions sur pied ce réseau de centres d'éducation canadiens, le nombre d'étudiants étrangers qui venaient au Canada était à la baisse. Nous croyons que nous sommes en train de renverser cette tendance.

Pour notre pays et pour les établissements qui veulent volontairement devenir membres de notre fondation, l'accueil d'étudiants étrangers présente trois ou quatre avantages.

Le premier est d'ordre financier. Dans l'immédiat, l'étudiant asiatique moyen injecte 27 000 $ par année dans l'économie canadienne. Songez à l'effet multiplicateur de cet investissement. Grâce à nos efforts de commercialisation, le nombre de Coréens ayant choisi d'étudier au Canada est passé de 400, il y a quatre ans, à 8 000, cette année. Vous pouvez faire le calcul: il s'agit de 250 millions de dollars qui, autrement, n'auraient pu être injectés dans l'économie canadienne.

Le deuxième avantage concerne l'effet multiplicateur. Ceux d'entre vous qui ont des connaissances en économie peuvent faire des extrapolations. Les étudiants en question ne viennent pas seulement dans les grandes villes comme Vancouver et Toronto; ils fréquentent aussi des écoles secondaires, des établissements qui dispensent une formation en ALS, dans de petites localités situées d'un océan à l'autre, comme Medicine Hat et Brandon.

Sans avoir de données officielles à ce sujet, nous savons que, dans une économie mondiale où la concurrence est aussi vive, notamment en Asie, on fait affaire avec ceux que l'on connaît et à qui l'on fait confiance. Nos meilleurs alliés dans les milieux commerciaux et gouvernementaux étrangers sont, de loin, les gens qui nous connaissent et qui nous apprécient parce qu'ils ont vécu et étudié dans notre pays; ils connaissent nos produits et nos marques. Toutes choses étant égales par ailleurs, dans une économie mondiale où la concurrence est vive, ils préféreront faire affaire avec nous.

Le meilleur exemple de cela a été donné par le premier ministre Frank McKenna, à Jakarta, il y a environ un an, lors d'une mission d'Équipe Canada au cours de laquelle le premier ministre Chrétien a inauguré notre CEC de Jakarta. Devant quelque 300 représentants des milieux d'affaires canadiens qui discutaient de leurs activités et des produits qu'ils essayaient de vendre, le premier ministre McKenna a dit à ses homologues provinciaux et aux représentants des milieux d'affaires présents dans l'auditoire que l'activité la plus importante, dans notre pays, c'est l'éducation. Il a dit que des représentants de sa province étaient en train de négocier, si je ne m'abuse, un contrat de 350 millions de dollars dans le secteur de l'agroalimentaire, contrat qui devrait créer des emplois non seulement au Nouveau-Brunswick, mais aussi dans d'autres provinces. Je ne sais pas si l'accord a été achevé à ce moment-là. Le premier ministre McKenna a dit à son auditoire que l'éventuel partenaire indonésien avait pressenti le Canada, de préférence à l'Australie, à la Grande-Bretagne, à la France et aux États-Unis qui pouvaient tous lui offrir le produit, parce qu'il était un diplômé de l'Université du Nouveau-Brunswick.

Stratégiquement, rien de ce que nous faisons dans notre pays n'est plus précieux pour notre bien-être économique à long terme dans les milieux commerciaux internationaux que ces relations personnelles que nous finissons par tisser et qui sont si importantes en Asie et dans toutes les autres régions du monde.

Troisièmement -- et je ne considère pas cela comme un htmect de second plan, mais comme une priorité -- il est très important que les citoyens canadiens et les immigrants reçus qui fréquentent nos établissements d'enseignement soient aussi sensibilisés que possible à la communauté internationale, au monde sans frontières qui nous pousse à nous ouvrir rapidement à d'autres cultures et à d'autres langues.

Je dois dire, en passant, que le collège où nous nous trouvons actuellement a joué un rôle de chef de file en ce qui concerne les programmes collégiaux de l'Asie-Pacifique qui permettent à des stagiaires et à des étudiants inscrits à des programmes coopératifs d'aller en Asie. Outre les cours magistraux offerts par les collèges et les universités, il n'y a rien de plus important que la connaissance des autres cultures que nos étudiants acquièrent de première main, en côtoyant sur leur campus de nombreux étudiants étrangers.

Permettez-moi de conclure avec deux ou trois remarques complémentaires.

Les statistiques que nous possédons visent seulement les étudiants qui passent plus de trois mois dans notre pays et qui ont donc besoin d'un visa. Il y a toutefois des dizaines de milliers d'autres étudiants qui viennent dans notre pays pour participer à de brefs programmes d'études estivaux, notamment des programmes de formation linguistique en ALS. Nous espérons pouvoir développer aussi le marché de la formation en français, langue seconde ou FLS. Nous tenterons de rassembler des statistiques à ce sujet auprès des membres de notre réseau. Ces étudiants reviennent souvent. Ils viennent parfois suivre une formation en ALS durant l'été et, parce qu'ils nous ont aimés, ils reviennent chez nous pour terminer leur dernière année d'études secondaires ou pour faire leurs études collégiales. Leurs parents viennent leur rendre visite et ils injectent de l'argent dans notre économie. Ils peuvent aussi revenir à titre d'investisseurs ou d'immigrants.

La synergie entre, d'une part, les services éducatifs et les échanges dans le domaine de l'éducation -- ce que nous commercialisons -- et, d'autre part, le reste de notre culture -- notre développement intellectuel, notre sensibilisation sociale à l'ensemble du monde, par le biais des étudiants étrangers, leur importance économique stratégique, les fonds qu'ils injectent immédiatement dans l'économie locale -- ainsi que d'autres secteurs comme le tourisme, l'immigration et les investissements m'ont convaincu qu'il n'y a rien de plus important que cela.

Évidemment, nous voulons étendre notre réseau à d'autres régions du monde, par exemple des pays de l'Amérique latine qui connaissent actuellement une croissance rapide.

Le président: Je vous remercie, monsieur Saywell, de cet excellent exposé.

J'inviterais le sénateur Andreychuk à amorcer la période des questions.

Le sénateur Andreychuk: Je vous remercie, monsieur Saywell, d'avoir comparu devant notre comité aujourd'hui. Je me suis réjouie d'entendre le témoin parler de l'enseignement dans le contexte commercial et j'ai été très impressionnée, encore aujourd'hui, de l'entendre dire que ni l'un ni l'autre des secteurs n'a subi de préjudice.

Le programme de votre fondation est unique, tout comme la façon dont vous le mettez en oeuvre. Pour réussir sur le plan commercial, nous devons projeter notre identité culturelle à l'étranger, afin que les autres pays puissent comprendre qui nous sommes et ce que nous avons à offrir. De tout temps, nos concurrents ont promu leur identité culturelle par le biais de l'Institut Goethe, en Allemagne, du British Council et des centres français. Cela permet à un pays de présenter son identité, ses orientations et ses valeurs, éléments qui peuvent ensuite servir de fondements à des échanges commerciaux.

Notre politique étrangère semble avoir délaissé de nombreux htmects culturels ou les avoir récupérés sous une autre forme. Croyez-vous que le travail de votre fondation constitue une meilleure solution de rechange qui tient compte des htmects culturels et de nombreux autres principes et possibilités et que, de ce fait, nous aurions intérêt à recommander au gouvernement d'étendre ce genre d'activités et à lui signaler qu'il faut multiplier en Amérique latine et ailleurs les succès que vous remportez dans la région Asie-Pacifique?

M. Saywell: C'est une excellente question, mûrement réfléchie. On pourrait répondre succinctement en disant que, oui, il serait utile de faire une recommandation en ce sens. Il y a deux ou trois raisons qui me poussent à dire cela.

Je pense que, si l'on n'a pas encore pris de décision à cet égard, c'est parce que le projet est nouveau et novateur, notamment dans nos milieux universitaires. Les collèges participent plus activement et depuis plus longtemps que nos universités à la commercialisation de leurs services. En tant qu'ex-recteur, je puis dire que les universités ont parfois tendance à s'adapter lentement à la nouvelle réalité.

Suffisamment de temps s'est écoulé, et nous avons remporté assez de succès pour pouvoir dire que, à notre avis, le système fonctionne et qu'il pourrait être étendu efficacement.

Si le comité fait une recommandation en ce sens, il serait extrêmement important de dire -- et je reconnais que je prêche pour ma paroisse, en l'occurrence -- que nous avons un système qui fonctionne bien actuellement et qu'il faudrait éviter de le reprendre au hasard dans d'autres parties du monde et de confier sa mise en oeuvre à un autre organisme. Notre véritable défi se situe de ce côté-ci de l'océan et il consiste à rester en rapport avec les collèges, les universités et les écoles, à leur expliquer ce que nous faisons et à les convaincre de participer au projet, de manière que nous ayons une personne-ressource dans ces établissements, une au sein de notre organisme, et une dans nos CEC en Asie.

Si, conformément à la bonne vieille façon de faire du Canada, nous disons que la Fondation Asie-Pacifique s'occupe de l'Asie et qu'il faut en instituer une nouvelle pour s'occuper de l'Amérique latine et une autre pour s'occuper du Moyen-Orient, nous détruirons l'efficacité d'une seule organisation et les économies d'échelle qui en découlent.

Cette année, nous avons ajouté New Delhi et Mexico dans nos brochures de commercialisation. Je vous exhorte à réfléchir à cela. Vous n'avez pas à me croire sur parole, mais il est tout à fait sensé de recommander que notre organisation soit celle qui continue l'expansion de ce programme, en partenariat avec le gouvernement.

La question plus générale que vous avez soulevée est très réfléchie. Si on me l'avait posée il y a 15 ans, je vous aurais conseillé de recommander au gouvernement la création d'un organisme comme le British Council, organisme qui a été efficace et utile et qui n'a pas de pendant canadien à l'étranger. Nous savons toutefois que, dans la conjoncture actuelle, nous manquons de fonds. À mon avis, nous pouvons miser sur le réseau de Centres d'éducation canadiens, qui offrent sensiblement les mêmes avantages que les autres organismes mis en place à l'époque où nous avions davantage de ressources.

Parce que nous axons nos efforts sur des personnes qui sont jeunes, impressionnables et en mesure d'être formées, l'enseignement et la formation sont peut-être le meilleur moyen à notre disposition pour les initier aux grandes valeurs de notre formidable pays.

Le sénateur Perrault: La semaine dernière, à Vancouver, M. Saywell a présenté un brillant témoignage devant notre comité des affaires étrangères. Je tiens à le remercier de tout ce qu'il a fait pour promouvoir l'enseignement supérieur dans notre province et du leadership qu'il montre dans la région Asie-Pacifique.

Monsieur Saywell, vous avez dit que nos principaux concurrents sont les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie. Quelle forme prend cette concurrence actuellement? Ces pays ont-ils des équipes qui font de la sollicitation active à l'étranger?

M. Saywell: Cela dépend, sénateur Perrault. Les Américains et les Britanniques ont l'avantage d'être des participants actifs, depuis de nombreuses décennies, dans les économies de ces pays, soit parce que ceux-ci étaient des colonies, dans certains cas, ou des alliés principaux des États-Unis, dans d'autres. Ils ont cet avantage inhérent.

Ayant eu l'honneur de représenter le Canada à des réunions de nombreuses organisations de pays côtiers du Pacifique, je dois avouer, en toute sincérité, que j'en ai assez d'entendre dire que tel ou tel ministre ou tel ou tel directeur général est diplômé d'une université américaine ou britannique. On entend cela à maintes occasions. Ces pays sont avantagés sur le plan de la concurrence, depuis des générations.

Les Australiens nous ressemblent. Ils ont l'avantage d'être plus près que nous, géographiquement, du marché asiatique, à tout le moins de celui de l'Asie du Sud-Est. Depuis 10 ou 15 ans, ils sont allés sur place multiplier leurs efforts de commercialisation. Ils ont un organisme en partie universitaire et en partie gouvernemental qui s'appelle IDP et qui est présent dans 65 pays. Ils ont des années-lumière d'avance sur nous.

Dans l'esprit des Asiatiques, l'Australie offre aussi un autre avantage par rapport à ses concurrents, celui d'un climat plus clément. Il est toutefois possible de vendre Winnipeg en janvier si l'on s'y prend correctement.

Le sénateur Andreychuk: Et même Regina.

M. Saywell: Tout à fait. C'est d'ailleurs ma ville d'origine.

Le sénateur Andreychuk: C'est pour cela que j'ai dit cela.

M. Saywell: La gestionnaire de notre CEC à Kuala Lumpur est une jeune musulmane diplômée de l'Université du Manitoba et elle parle de ses années à Winnipeg comme je pourrais parler de celles que j'aurais passées sur les plages de Tahiti. C'est incroyable, mais tout est dans la façon de vendre un produit.

Nos concurrents ont bénéficié de ces avantages, et il nous faut simplement rattraper notre retard.

Le sénateur Perrault: Avons-nous des avantages inhérents dont nous faisons la promotion?

M. Saywell: Tout à fait. Nous avons une seule structure d'enseignement postsecondaire de première qualité au Canada, contrairement aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne où il existe des niveaux: des universités de première catégorie, et d'autres, de deuxième. Les universités et collèges de notre pays offrent essentiellement la même qualité d'enseignement. Ils se différencient par les programmes qu'ils offrent, qu'il s'agisse d'internats ou non et que leur portée soit grande ou petite. Les diplômés de ces programmes sont des candidats tout aussi valables pour obtenir des bourses et fréquenter les grandes universités américaines ou encore celles d'Oxford ou de Cambridge que les candidats des universités plus grandes et mieux connues. Dans notre pays, nous avons un système à un niveau auquel je crois ardemment.

Nous avons un système intégré dans nos collèges, nos écoles techniques et nos universités. Il est facile d'évoluer dans ce système. Il est facile de se déplacer d'une région de notre pays à une autre et d'un secteur d'enseignement à un autre.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nos prix sont très concurrentiels en eux-mêmes, et non pas seulement en raison de la valeur du dollar canadien par rapport à la devise américaine. Nos frais de scolarité sont encore extrêmement concurrentiels.

Toutes les personnes ici présentes conviendront sûrement avec moi que nous avons un pays extraordinaire, assorti d'un environnement social et culturel hospitalier où les Asiatiques se sentent à l'aise, ce qui n'est pas tout à fait aussi vrai dans certains autres pays concurrents.

Le sénateur Perrault: C'est une déclaration rassurante. Y a-t-il des initiatives que le gouvernement fédéral devrait prendre? Y a-t-il des choses que nous pourrions faire pour épauler votre programme? Que dire d'une aide complémentaire? Je suppose que nos représentants commerciaux dans la région sont actifs et se montrent coopératifs. Y a-t-il autre chose que nous pourrions faire?

M. Saywell: Il est extrêmement important de faire trois choses. Tout d'abord, vous devez dire que vous avez entendu parler de notre programme et qu'il s'agit d'une initiative extraordinaire. Faites vos devoirs le plus possible. Vous n'avez pas à me croire sur parole, même si je vous parle le plus honnêtement possible. À notre avis, il s'agit d'une initiative rentable et efficace à d'autres égards, qu'il faudrait étendre lentement, et non pas du jour au lendemain, à d'autres régions du monde et qui devrait relever, au Canada, d'un seul organisme ayant véritablement prouvé qu'il peut travailler en partenariat avec le gouvernement.

Malgré les difficultés financières auxquelles nous nous heurtons tous, il est important, à l'étape de la mise en oeuvre de ces centres, de reconnaître la nécessité de subventions gouvernementales initiales. Nous nous sommes engagés à rendre le projet entièrement rentable d'ici un certain temps, mais il faut un financement initial. Compte tenu de l'analyse coûts-avantages, dans quel autre projet un budget annuel de quelques millions de dollars, qui sera ramené à zéro dans quelques années, peut-il entraîner l'injection d'autant de nouveaux fonds dans l'économie canadienne?

Financièrement, nos ambassades subissent de grandes pressions; elles n'ont pas les ressources voulues pour accroître leur personnel. De toute façon, il faut débourser 500 000 $ par année pour affecter un diplomate à l'étranger. Notre programme est rentable.

Vous devez continuer d'encourager le gouvernement à appuyer notre organisme de toutes les façons possibles.

Le sénateur Carney: Je remercie M. Saywell d'avoir consacré autant de temps aux comités sénatoriaux.

M. Saywell: Je vous en prie.

Le sénateur Carney: Le travail d'information que vous faites auprès des sénateurs est un moyen de renseigner les parlementaires et l'ensemble de la population canadienne. Vous nous avez présenté la situation sous un angle nouveau.

Ma première question concerne l'htmect financier. Nous sommes conscients des avantages, concrets ou non, que vous avez décrits, comme la nécessité de sensibiliser les étudiants canadiens aux concurrents avec lesquels ils devront se mesurer dans leur quête d'un emploi. Nous savons aussi que bien des contribuables craignent que nous subventionnions des étudiants étrangers à un moment où nous n'avons pas suffisamment d'argent pour changer les ampoules ou peindre les murs d'une institution comme celle à laquelle je suis associée. Certains craignent aussi que ce soit les provinces qui fassent les frais des dépenses que le gouvernement fédéral engage pour promouvoir ces initiatives. C'est une préoccupation bien réelle, car ni les étudiants étrangers ni les étudiants canadiens ne paient entièrement les coûts des services qu'ils reçoivent.

Lors d'autres audiences, on nous a dit qu'il faut se préoccuper du consommateur. L'éducation est maintenant un service au consommateur; tous les consommateurs au Canada peuvent maintenant faire les études de leur choix, qu'ils aient ou non les aptitudes voulues pour le faire. Comme nous l'a dit hier un témoin dans son exposé au comité, nous devons offrir ces services aux consommateurs.

Dans cette optique, j'essaie de définir la place de l'étudiant étranger. Comment peut-on demander au contribuable canadien, qui devra apparemment payer les coûts de tous ceux qui désirent consommer des services d'éducation dans un système où la notion d'échec est absente, de débourser de l'argent et de réserver des places et du temps d'enseignement pour des étudiants étrangers?

M. Saywell: Ce sont deux excellentes questions que j'aurais dû moi-même soulever.

En mettant sur pied notre réseau, nous avons bien pris soin de dire que nous ne faisons finalement qu'une chose, c'est-à-dire offrir aux établissements qui veulent s'en prévaloir, où qu'ils soient au Canada, un véhicule, un guichet, un moyen pour commercialiser le système canadien d'enseignement et de formation. Nous ne participons pas à l'élaboration des programmes d'études ni au processus d'admission; nous offrons simplement un moyen de commercialisation à ceux qui veulent se prévaloir de nos services.

Nous n'intervenons pas dans les questions de compétences ni d'autres sujets du genre. Nous offrons simplement un service à ceux qui veulent participer au projet et nous mettre à contribution à des fins commerciales. Durant toutes nos négociations, nous avons veillé à ce que le CMEC ou le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada soit au courant de ce que nous faisons. Nous avons informé ses membres de nos activités et je me suis entretenu avec eux des questions de compétences provinciales par opposition à celles d'ordre fédéral.

Quant à la question des coûts, j'essaierai d'y répondre brièvement, bien qu'il s'agisse d'un sujet très complexe.

Permettez-moi de vous rappeler que la participation à ce programme est volontaire. Par exemple, si l'Université de la Colombie-Britannique a atteint son quota d'inscriptions et qu'elle ne désire pas admettre d'autres étudiants étrangers, elle ne versera pas de cotisation à notre fondation et, partant, elle ne commercialisera pas ses services à l'étranger. La plupart des universités et collèges considèrent qu'il est avantageux -- sur les plans social, culturel et intellectuel, sans oublier du point de vue économique -- de compter une bonne proportion d'étudiants d'autres cultures.

Les inscriptions évoluent dans notre pays. L'an dernier, au grand étonnement de certains, on a constaté une baisse considérable des inscriptions au niveau universitaire. Je suis certain que le comité examinera ce type de projection démographique. Les inscriptions évoluent, et il y a diverses possibilités de recruter des étudiants étrangers lorsque le nombre d'inscriptions parmi les étudiants canadiens diminue.

Il ne faut pas penser que la situation à Vancouver, où les collèges et universités sont relativement remplis et moins en mesure d'accueillir des étudiants supplémentaires, est caractéristique de celle qui existe dans le reste de notre pays, par exemple dans le sud du Manitoba, à Terre-Neuve ou ailleurs. La situation varie d'un océan à l'autre.

Selon le secteur de compétence dont ils relèvent et les études qu'ils font, les étudiants étrangers paient presque la totalité de leurs frais de scolarité et, dans certains cas, peut-être davantage. Un collège peut accepter 500 étudiants étrangers qui ne sont pas subventionnés par les contribuables canadiens et qui fournissent, grâce à leurs frais de scolarité, les recettes nécessaires pour la mise en place d'un nouveau laboratoire informatique ou l'embauche d'un employé à temps partiel. Il est certain que la situation varie selon les secteurs de compétence et les établissements.

Un article sur le collège universitaire de Cariboo, qui est paru dans le Vancouver Sun, traitait justement des ressources supplémentaires qui étaient payées par les étudiants étrangers et dont bénéficiaient les étudiants canadiens.

Au niveau des écoles privées et de l'enseignement de l'ALS, le problème ne se pose absolument pas. Un grand nombre de nos écoles secondaires n'atteignent pas leur capacité d'accueil. Elles peuvent accepter d'autres étudiants qui leur offrent un avantage financier direct leur permettant d'améliorer la bibliothèque ou autre chose, dans l'intérêt de toute la communauté étudiante.

C'est une réponse complexe, sénateur Carney, parce que la situation varie selon les niveaux, les établissements et les régions géographiques et en fonction de l'évolution démographique de notre pays.

Permettez-moi de vous donner un dernier exemple. Généralement, les écoles de médecine du Canada ne peuvent plus former autant de médecins qu'autrefois avec le financement qu'elles reçoivent, à cause de notre situation démographique et de nos compressions de ressources. Or, une école de médecine comprend une énorme infrastructure physique et humaine qui repose sur des laboratoires, des enseignants et des rapports cliniques avec des hôpitaux universitaires. Si le gouvernement décide tout à coup de former seulement 220 médecins cette année plutôt que 250, pourquoi ne vendrions-nous pas ces places supplémentaires pour 56 000 $ ou 60 000 $ par année, ce qui correspond aux frais actuellement exigés en Arabie Saoudite ou ailleurs, et pourquoi ne pas maintenir cette infrastructure en bon état pour les étudiants canadiens?

Le sénateur Carney: C'est une réponse très complète. Elle va dans le même sens que le témoignage que nous avons entendu hier et qui concernait non seulement l'htmect consommation, mais aussi la nécessité d'établir des normes nationales et le rôle que le gouvernement fédéral doit jouer à ce chapitre. Y a-t-il un lien entre ce témoignage très cohérent et les étudiants étrangers?

M. Saywell: Je ne suis pas bien placé pour répondre, car je n'ai pas entendu le témoignage d'hier. Permettez-moi toutefois de revenir sur deux questions qui me préoccupent.

J'ai demandé au comité de recommander qu'on ne néglige rien pour maintenir la plus grande mobilité possible à l'intérieur de notre pays. Il faut encourager l'établissement de normes nationales, la communication, le partage d'informations et toutes sortes d'autres mesures semblables.

À la suite de vos observations, je voudrais parler de la question de l'accréditation. En général, pour ce qui est de l'accréditation des écoles privées, je crois que la Colombie-Britannique a une nette longueur d'avance sur les autres provinces, bien que je ne connaisse pas la situation dans chacune d'elles. Permettez-moi de vous donner un exemple, et je vous invite à me corriger si je me trompe.

Je crois savoir qu'en Ontario, province qui compte le plus grand nombre d'écoles privées -- et je parle en l'occurrence d'écoles secondaires -- il existe beaucoup d'écoles privées qui sont des établissements d'enseignement reconnus, mais dont la qualité de l'enseignement varie considérablement.

Il y a quelques années, je me suis entretenu avec un ex-sous-ministre du gouvernement de l'Ontario qui s'adonnait à être aussi un de mes anciens collègues de l'Université de Toronto, où j'ai été professeur et administrateur pendant de nombreuses années. Je lui ai dit que j'aimerais que sa province accrédite les écoles secondaires privées de manière à ce que nous puissions garantir la qualité de l'enseignement. Il m'a répondu que le gouvernement de sa province le faisait déjà. Je lui ai dit qu'il n'en était rien, et nous nous sommes un peu obstinés. Il a alors téléphoné à la personne responsable et lui a dit que cet hurluberlu de Saywell prétendait que le gouvernement ontarien n'accréditait pas les écoles privées. J'ai alors entendu le sous-ministre dire ceci: «Oh, est-ce vrai?»

Un entrepreneur privé qui, à cette époque du moins -- et je ne pense pas que la situation ait changé, bien que je puisse me tromper -- mettait sur pied une école comptant cinq étudiants et des locaux satisfaisant aux règlements relatifs aux incendies et qui s'engageait à suivre le programme de l'Ontario pouvait obtenir un permis du ministère de la Consommation et des Affaires commerciales et se lancer en affaires. Le ministère de l'Éducation inscrivait ensuite cet établissement dans son répertoire des écoles, ce qui, pour l'observateur profane, correspondait à une accréditation. La qualité de l'enseignement dispensé ne faisait pas l'objet d'une vérification. Il n'était pas nécessaire d'avoir de manuels, d'ordinateurs ni rien d'autre dans cette école.

Encore une fois, je vous invite à parler de cela avec d'autres, car je ne prétends pas être un spécialiste en la matière. Il faut régler ce problème de l'accréditation des écoles secondaires privées, voire de certains établissements d'enseignement postsecondaire. Au niveau postsecondaire, il y a une protection gouvernementale et l'adhésion à l'AUCC, mais il faut examiner la question de l'accréditation des écoles secondaires privées.

Le sénateur Lavoie-Roux: A-t-on évalué les répercussions de cela sur le développement des établissements d'enseignement universitaire ou autre des pays souhaitant envoyer leurs étudiants recevoir une formation chez nous? Les fonds investis à cette fin sont injectés dans notre économie, mais ils représentent une fuite de capitaux pour ces pays. Nous avons des préoccupations d'ordre économique, mais, d'une manière générale, nous devrions en avoir aussi qui sont d'ordre social.

M. Saywell: Je ne suis pas certain de bien saisir la question. Me demandez-vous si je crains que cela n'entraîne, pour ces pays, une fuite de capitaux, voire un exode des cerveaux?

Le sénateur Lavoie-Roux: Oui.

M. Saywell: Non. Ces pays font actuellement tout leur possible pour se doter d'infrastructures d'enseignement qui leur soient propres, mais, pendant cette période de transition dont la durée variera selon les pays, ils n'auront d'autre choix que d'envoyer leurs étudiants acquérir, à l'étranger, la formation dont ils ont besoin. Ces pays n'ont tout simplement pas les infrastructures d'enseignement nécessaires dans leur économie.

La majorité des étudiants étrangers, je dirais environ 90 p. 100, viennent chez nous à titre de citoyens libres dont les familles ont les ressources voulues pour acheter n'importe quel produit offert dans leur pays ou pour voyager ou étudier à l'étranger, à leur guise. Ils viennent de sociétés libres où la libre entreprise existe. S'ils veulent étudier à Stanford, au Capilano College ou à Sydney, c'est leur choix. Ils rentrent chez eux avec une excellente formation qu'ils ont acquise à un coût relativement abordable et ils reconnaissent les énormes avantages qui, en fin de compte, rejaillissent sur eux et leur pays.

J'aimerais que, non seulement nous commercialisions ainsi notre enseignement et notre formation à l'étranger, mais que nous ayons aussi les ressources nécessaires pour établir un nouveau programme de bourses, semblable au Plan de Colombo, qui nous permettrait de venir en aide aux étudiants étrangers n'ayant pas les ressources personnelles pour venir au Canada autrement que par le biais d'un programme de bourses. Je sais que nos ressources sont actuellement limitées, mais ce serait bien que nous puissions le faire.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je continue de penser que nous commercialisons notre système d'enseignement auprès de pays dont les ressources sont moins développées au chapitre de l'éducation, et que nous devons veiller à ne pas dévaloriser celles-ci.

M. Saywell: Évidemment.

Le sénateur Lavoie-Roux: Bien des gens rêvent d'étudier à l'Université de la Colombie-Britannique, à l'Université Simon Fraser ou à l'Université McGill, mais cette campagne de commercialisation pourrait avoir des conséquences désastreuses pour ces pays. Lorsqu'on vend des dindons, du bois ou autre chose à ces pays, on répond à un de leurs besoins, mais il faut que, dans le domaine de l'enseignement, ils développent leurs propres ressources et qu'ils ne dépendent pas de l'Occident.

Je m'excuse si mon anglais laisse à désirer.

M. Saywell: Ma deuxième langue est le chinois, pas le français, et je vous prie donc de m'en excuser.

Le sénateur Lavoie-Roux: A-t-on pressenti les universités francophones? Lors de la dernière mission d'Équipe Canada, qui est censée avoir été couronnée de succès, les universités francophones n'étaient absolument pas représentées. Je me demandais si votre organisation les avait pressenties.

M. Saywell: Oui.

Le sénateur Lavoie-Roux: Quelle a été leur réponse?

M. Saywell: J'ai rencontré tous les recteurs des universités québécoises, aussi bien anglophones que francophones, il y a environ un an et demi, lorsque nous étions en train de mettre sur pied notre organisation. Comme j'ai été un de leurs collègues et que j'ai connu la plupart d'entre eux personnellement lorsque j'étais recteur, nous avons eu une bonne conversation sincère. Je leur ai expliqué ce que notre organisation faisait. Je leur ai dit que la participation des établissements francophones était extrêmement importante. Ils m'ont alors répondu que cela posait un problème parce que, à leur connaissance, les Asiatiques souhaitaient étudier en anglais. Ils s'interrogeaient sur l'utilité de verser la cotisation exigée, étant donné qu'ils ne croyaient pas à l'existence d'un marché pour eux. Leur principale réserve tenait au fait que la plupart des étudiants étrangers, sauf ceux de pays francophones, veulent étudier en anglais.

Depuis, nous avons travaillé avec eux et avec le gouvernement du Québec. Nous avons demandé à des délégués de la CREPUQ, une organisation représentant les universités québécoises, ainsi qu'à des représentants du gouvernement provincial et de notre organisation d'étudier les marchés. Nous avons proposé aux établissements francophones de faire la promotion de leurs services dans deux ou trois pays, notamment auprès des étudiants de niveau universitaire qui étudient le français, et d'encourager ces étudiants à venir au Québec au lieu d'aller en France.

Depuis, deux universités francophones ont adhéré à notre organisation, soit l'École des hautes études commerciales et l'Université de Montréal, et d'autres établissements envisagent de le faire. Il y a quelques jours, j'ai rencontré, un des ministres du gouvernement du Québec et je lui ai donné l'assurance que nous renforçons nos ressources à Montréal et que nous ne ménagerons aucun effort.

Il s'agit toutefois, je le répète, d'un programme auquel les participants adhèrent volontairement. C'est à l'établissement qu'il appartient de décider s'il versera une cotisation annuelle pour faire partie de notre organisation. Les salons que nous avons organisés récemment à Bangkok, lors de la mission d'Équipe Canada, puis à Singapour, à Jakarta et à Kuala Lumpur ont été couronnés de succès. Environ 6 000 étudiants y ont participé. Seulement une petite partie de nos cotisants ont décidé de payer les frais de déplacement et autres pour participer à ces salons. Malheureusement, aucun établissement francophone n'a décidé de le faire, et ce n'est pas parce que nous avons négligé nos efforts pour tenter de les convaincre de participer au projet.

Le sénateur Lavoie-Roux: Si je pose la question, c'est que vous recevez, j'imagine, des fonds du gouvernement fédéral.

M. Saywell: Oui.

Le sénateur Lavoie-Roux: On pourrait donc découvrir un jour que les universités anglophones sont les seules à en bénéficier, mais je ne m'aventurerai pas sur ce terrain. Je pense que les établissements francophones devraient participer.

Un des avantages que l'on pourrait faire valoir aux étudiants étrangers, c'est que, s'ils optent pour le Canada, ils pourraient facilement maîtriser deux autres langues, le français et l'anglais, à leur retour chez eux.

M. Saywell: Exactement.

Le sénateur Lavoie-Roux: Le français est encore l'autre langue officielle des Nations Unies, voire d'autres organismes. Il faudrait peut-être le signaler.

Vous avez parlé de l'Amérique du Sud. Comme celle-ci a plus de liens culturels avec le Québec, en raison de nos origines latines, qu'avec le Canada anglais, je ne voudrais pas que le Canada fasse seulement la promotion des universités anglaises là-bas.

Ce que vous dites des étudiants de la région Asie-Pacifique est tout à fait juste. Ils viennent d'endroits comme Hong Kong ou les Philippines, où l'anglais est la principale langue des affaires.

Je ne veux pas vous dicter votre conduite, mais vous devriez peut-être prendre cela en considération.

Je ne connaissais pas votre organisation ni son travail. C'est très intéressant.

M. Saywell: Je vous remercie. Je puis vous assurer, madame Le sénateur, que nous faisons tout ce que nous pouvons, mais alors là vraiment tout, pour amener les établissements francophones à participer à notre programme. C'est toutefois à eux que la décision revient, au bout du compte. Si les membres du comité ont des mesures incitatives particulières à suggérer à l'égard des établissements francophones, nous en prendrons bonne note. Nous faisons vraiment tout notre possible.

Ce que vous avez signalé à propos des autres marchés est tout à fait juste. Si nous ouvrons un bureau à Mexico le 1er avril, c'est principalement parce que nous savons qu'il présentera un grand intérêt pour nos collègues francophones. Nous trouvons cela très encourageant.

Le sénateur Forest: Monsieur Saywell, je suis aussi très heureuse d'avoir pris connaissance de votre programme et je voudrais souligner la valeur des initiatives de ce genre.

Le premier étudiant asiatique qui a obtenu son diplôme de l'Université de l'Alberta était d'origine japonaise et il est ensuite devenu recteur de l'Université de Kyoto. Les deux universités entretiennent depuis d'excellentes relations. En témoignage de leur reconnaissance, les Japonais, ceux de l'Université de Kyoto, ont offert un jardin japonais à la population d'Edmonton, en Alberta. Voilà un exemple des avantages, et c'est ce qui a été à l'origine du programme d'études asiatiques.

Mon fils est actuellement en Thaïlande pour un mois, avec un groupe d'étudiants de niveau secondaire; un groupe d'étudiants de la Thaïlande viendra ensuite séjourner un mois à Edmonton. J'ai demandé à mon fils quel avenir ce genre de programme pouvait avoir et il m'a dit qu'il pourrait être mis en oeuvre partout. Je pense que les membres d'Équipe Canada sont allés en Thaïlande; mon fils est pour sa part à l'école Chiang Mai. Il y a là de merveilleuses relations que nous pouvons approfondir et, comme vous, je reconnais que le niveau secondaire est également important. Il s'agissait là de mes observations.

Je m'intéresse depuis longtemps à la question des droits de la personne, et l'on a grandement reproché au Canada de commercer avec des pays qui n'ont certainement pas le genre de conduite souhaitable en matière de droits de la personne. Je crois que plus il y aura de gens de ces pays qui viendront au Canada et plus il y aura de Canadiens qui se rendront dans ces pays, plus nous apprendrons à connaître nos cultures respectives. À mon avis, c'est ce qu'il faut privilégier au lieu d'isoler ces pays. Je pense que votre organisation souscrit à ce point de vue.

M. Saywell: Sur le plan de la commercialisation à l'échelle internationale, l'Université de l'Alberta est l'une des plus dynamiques, et je suis ravi qu'elle soit l'un de nos plus ardents défenseurs. Ni moi ni personne n'aurait pu expliquer mieux que vous ne l'avez fait la question des droits de la personne.

Les Asiatiques ne veulent pas se faire sermonner. Ils ont des civilisations riches et fort anciennes. Nous n'avons pas le monopole de la vertu, de la saine gestion publique ou de quoi que ce soit d'autre. Nous chérissons nos valeurs et nous voulons les protéger. Je suis certain que ceux qui vivent dans des sociétés moins libres ou démocratiques que la nôtre comprendront mieux l'importance de la primauté du droit telle que nous la connaissons en venant vivre dans notre pays et en voyant les policiers comme des amis et non pas comme des êtres en uniforme qu'il faut craindre.

Si ceux qui vivent dans des sociétés moins libres que la nôtre s'instruisent et sont davantage exposés à d'autres valeurs, cela contribuera grandement à améliorer le respect des droits de la personne dans leurs pays.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur Saywell, vous avez fait un excellent travail pour promouvoir la fondation et ses activités ainsi que les mérites du système d'enseignement canadien à un niveau.

Nous savons qu'il a fallu procéder à des rajustements en raison des compressions. Nous savons que nous abordons, à l'échelle mondiale, une ère de changements caractérisée par l'incertitude. Voyez-vous des problèmes dans le système d'enseignement postsecondaire actuel, des signes que quelque chose laisse à désirer? Notre système est encore d'excellente qualité, abordable et accessible, mais les changements technologiques et les compressions sont-ils en train de le miner? Y a-t-il des tendances de notre système d'enseignement postsecondaire que nous devrions signaler au gouvernement et à la population du Canada? Avez-vous des recommandations à faire sur la façon d'améliorer notre système à d'autres niveaux que ceux que j'ai mentionnés?

M. Saywell: C'est encore une fois une question très complexe à laquelle je n'ai pas eu à réfléchir, étant donné mes fonctions actuelles. Je crains de ne pouvoir vous donner une réponse mûrement réfléchie. Je suis certain que d'autres personnes qui composent quotidiennement avec cette réalité vous présenteront des exposés à ce sujet et une réponse issue d'une sage réflexion. Quant à mes observations, elles seront d'ordre assez général.

Durant ma carrière dans les milieux universitaires, j'ai souvent eu à convaincre les pouvoirs publics, les élus et certains groupes de notre collectivité du fait que l'éducation et la formation ne sont pas un coût, mais un investissement, qu'elles ne font pas partie de nos problèmes économiques, mais bien de nos solutions et que c'est dans cette optique qu'il faut envisager la situation.

Je suis réaliste. Dans cette pièce, il y a des gens qui m'ont vu travailler à l'USF et qui s'opposaient à bien des initiatives que j'ai prises, mais la réalité, c'est que des changements s'imposent.

Il y a une autre conception publique erronée au sujet de l'éducation, celle selon laquelle le milieu de l'enseignement ne change jamais et nos établissements universitaires sont toujours les mêmes. C'est faux. Ils sont dynamiques et en constante évolution. Ils changent autant que le reste, en réponse aux demandes des étudiants. Les établissements doivent en effet s'adapter pour répondre aux demandes des étudiants qui souhaitent plus de ceci ou de cela.

Je crois encore fermement à la valeur de l'éducation continue. L'idée selon laquelle l'éducation commence à cinq ans et se termine à 22 ans avec l'obtention d'un baccalauréat est maintenant révolue. J'ai oublié les chiffres exacts, mais je sais que le bloc de connaissances dans le monde double tous les sept ou huit ans. En moyenne, les gens changeront de carrière cinq ou six fois au cours de leur vie. L'idée de l'éducation continue, que l'Université Simon Fraser a été l'une des premières à proposer au Canada, est très importante pour notre bien-être social, économique et culturel.

Je crois aussi ardemment à l'enseignement coopératif. Le Capilano College excelle à ce chapitre. Personnellement, je crois que le meilleur enseignement allie à la fois des cours magistraux et une formation en milieu de travail. Aussi, j'ai été très fier que, au cours des dix ans où j'ai été recteur à l'USF, cette université devienne, avec celle de Victoria, le deuxième ou troisième établissement d'enseignement coopératif en importance du Canada anglais, le premier étant l'Université de Waterloo. C'est un type d'enseignement coûteux, mais valable, dans la mesure où les gouvernements peuvent l'épauler et le subventionner.

Je félicite le Capilano College d'avoir offert un enseignement coopératif unique et novateur à l'étranger. S'il y a davantage d'étudiants canadiens qui sont inscrits à des programmes d'enseignement coopératif leur permettant d'obtenir une certaine expérience internationale, ce sera un actif qui rapportera bien des dividendes à notre pays.

Avec ces idées générales, je ne réponds pas à votre question, parce que, heureusement ou malheureusement, ce milieu ne m'accapare plus 24 heures par jour.

Le sénateur Lavoie-Roux: Quel est le budget de la Fondation Asie-Pacifique? Quelle part de celui-ci est axée sur la commercialisation de l'enseignement?

M. Saywell: Je ne peux pas vous donner de réponse précise parce que notre mode de financement est complexe. Environ 80 p. 100 de nos fonds proviennent du gouvernement fédéral et d'à peu près la moitié des provinces. Nous obtenons aussi des sociétés une certaine aide financière ou autre.

Lorsque les fonds publics ont diminué et que notre organisation a presque dû fermer ses portes, nous avons décidé de fonctionner comme une entreprise et de nous appuyer sur le principe du recouvrement des coûts pour mettre en oeuvre non seulement nos programmes établis, mais aussi de nouvelles initiatives. Nous exigeons maintenant des frais, et la part de nos recettes provenant de ces frais augmente.

Nous recevons une somme discrétionnaire d'environ 1,5 million de dollars du gouvernement fédéral, le reste provenant de tel ou tel ministère ou d'un gouvernement provincial, pour un service que nous fournissons dans le cadre d'un programme particulier Si l'on additionne nos recettes et nos subventions, notre budget totalise entre 6 et 7 millions de dollars par année.

Le président: Monsieur Saywell, si vous étiez membre de notre comité, quelle serait la principale recommandation que vous feriez au gouvernement du Canada?

M. Saywell: Je lui dirais que la Fondation Asie-Pacifique mérite d'exister longtemps et d'être appuyée.

Le sénateur Andreychuk: Que devrions-nous dire au sujet de l'enseignement postsecondaire?

M. Saywell: Comme je n'évolue plus directement dans le milieu de l'enseignement postsecondaire, il serait injuste, pour moi comme pour vous, que je tente de répondre à cette question.

Je me réjouis qu'un comité se penche sur ce sujet. C'est une question extrêmement importante pour notre pays, et je vous souhaite tout le succès possible dans la conduite de vos travaux.

Le président: Je vous remercie de votre excellent exposé.

Notre prochain témoin représente la Confederation of University Faculty Associations of British Columbia.

M. Robert Clift, directeur général, Confederation of University Faculty Associations of British Columbia: Monsieur le président, j'essaierai d'être bref. M. Saywell a fait allusion aux personnes dans cette pièce qui ont pu être en désaccord avec lui dans le passé. Je faisais partie du conseil étudiant lorsqu'il était recteur de l'Université Simon Fraser. Ce n'est pas la première fois qu'il dépasse sa part du temps de présentation qui nous est alloué à tous les deux.

Le président: Nous vous donnerons aussi un peu plus de temps.

M. Clift: Je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je remercie aussi le Sénat d'avoir constitué ce comité et de lui avoir permis de tenir des audiences d'un océan à l'autre.

Je dois aussi vous présenter les excuses de notre président, M. Bruce Moore, qui est membre du corps professoral de l'Université de Victoria. Malheureusement, son horaire ne lui permettait pas d'être présent ici aujourd'hui et de retourner à Victoria pour s'acquitter de ses responsabilités d'enseignant.

Je serai bref, car l'essentiel de ce que nous voulons porter à votre attention est mentionné dans notre mémoire.

J'avais raison de penser que bon nombre des questions que nous voulions aborder au sujet du financement et du soutien des activités de recherche et développement ainsi que de l'aide aux étudiants seraient ou seront soulevées par nos collègues, lors d'audiences qui ont eu lieu hier à Ottawa ou d'autres qui se tiendront ultérieurement.

Que puis-je dire aux membres de votre groupe, qui n'est pas un comité permanent devant lequel nous témoignons tous les ans? Que puis-je leur dire qui soit différent, qui frappe leur imagination, qui les renseigne ou qui leur donne des idées pour susciter un débat national intéressant sur la formation et l'enseignement postsecondaires dans notre pays?

Comme vous pouvez le constater, dans notre mémoire principal intitulé «Strength through Diversity», je me suis attaché à certaines observations sur le système de formation et d'enseignement postsecondaires du Canada de demain. J'ai procédé ainsi parce que, même si nous souhaitons un accroissement du financement dans l'avenir, nous n'obtiendrons pas nécessairement satisfaction. Cela ne m'empêchera pas de le réclamer officiellement, même si ce pourrait être en vain.

J'ai mis en relief un certain nombre de questions qui concernent ce à quoi ressemblera le système de demain. Quel type de système devons-nous bâtir si nous voulons tenir compte des contraintes financières et, comme M. Saywell l'a dit, de l'accroissement des connaissances?

Ce qu'il faut déplorer à l'échelle nationale jusqu'à maintenant, c'est l'absence de vision concernant la formation et l'éducation dans notre pays. Par «vision», je ne veux pas dire l'établissement de pronostics pour l'avenir -- j'ai eu l'occasion d'écouter le témoignage à ce sujet, hier -- mais je veux plutôt parler d'une façon d'envisager les problèmes très réels avec lesquels nous devons composer au sein de nos institutions nationales et dans nos pourparlers avec le Québec. Qu'est-ce que cela signifie de former un pays? Que signifie le fait d'être Canadien? Quelles sont les valeurs qui nous sont chères?

J'ai parlé de normes nationales dans notre mémoire. Cela n'a rien à voir avec les normes nationales comme celles dont les ministres de l'Éducation ont discuté récemment et qui visent à ce que nos enfants obtiennent certains résultats lors d'épreuves internationales. C'est important, mais lorsque je parle de normes nationales, je parle de certaines valeurs fondamentales.

À mon avis, en tant que Canadiens, nous pensons encore que quiconque peut bénéficier d'une formation ou d'un enseignement postsecondaire devrait y avoir accès. En tant que Canadiens, nous estimons aussi que le manque de ressources financières ne devrait pas constituer un obstacle. En tant que Canadiens, nous croyons aussi à la mobilité partout au Canada. Il devrait être facile ou, à tout le moins, il ne devrait pas être compliqué de se déplacer d'un océan à l'autre pour participer à diverses expériences culturelles, économiques et didactiques. Le contenu de notre mémoire s'appuie, dans une large mesure, sur ces principes.

Il s'inspire aussi d'une crainte très réelle dans les milieux universitaires, celle selon laquelle l'enseignement et la formation postsecondaires sont souvent considérés comme un tout très homogène par certains qui pensent qu'il suffit d'obtenir un diplôme pour automatiquement devenir commercialisable et trouver du travail, à moins qu'il s'agisse d'un diplôme en philosophie qui n'offrira à son titulaire que la possibilité de conduire un taxi.

Comme je l'ai expliqué dans notre mémoire, cela nous amène à perdre de vue le fait que le système de formation et d'enseignement postsecondaires n'est pas conçu pour combler un seul besoin. Le Capilano College ne répond pas aux mêmes besoins que l'Université de la Colombie-Britannique ou encore que l'Emily Carr Institute of Art and Design ou l'École polytechnique. Tous ces établissements jouent des rôles différents.

Le problème vient de ce que, parce que le gouvernement fédéral soutient moins les activités de recherche et développement et qu'il réduit ses paiements de transfert, les provinces ont pensé que cela les autorisait à fermer leurs portes, à être moins accessibles, à créer des barrières intérieures, non seulement sur le plan commercial, mais aussi au niveau universitaire, et à négliger leur engagement par rapport à un système national, notamment dans les activités de recherche et développement au niveau universitaire.

Dans notre mémoire, je mentionne le rapport Roblin, qui a été rendu public au Manitoba il y a quelques années et qui recommandait que les universités manitobaines ne s'attachent qu'aux questions visant directement le développement économique et social du Manitoba. Je comprends ce point de vue et je ne saurais blâmer ceux qui le défendent. Le Manitoba est dans une situation financière désespérée, comme la plupart des provinces. Cependant, qu'est-ce que cela signifie pour notre pays? Qu'est-ce que cela signifie lorsque, par exemple, un de nos établissements de recherche nucléaire de Chalk River doit fermer ses portes et que, à sa fermeture, son matériel sera bon pour la poubelle? Qu'est-ce que cela signifie?

Cela suscite de nombreuses questions complexes, dont certaines d'ordre financier, bien entendu, mais cela amène aussi notre organisation à s'interroger sur le bon fonctionnement de tous ces htmects. Comment coopérer de manière à faire preuve de leadership et de prévoyance? Tel qu'indiqué dans notre mémoire, il y a des organisations comme la nôtre qui ont pris des initiatives en ce sens. D'autres ont invoqué l'accord national récemment conclu entre sept organisations nationales du domaine de l'enseignement postsecondaire pour proposer une série de modifications aux programmes d'aide financière visant les étudiants. Les membres du comité ne s'en rendent peut-être pas compte, mais il s'agit là d'un énorme progrès. Il y a un peu plus d'un an, l'Association des universités et collèges du Canada, qui représente les recteurs d'universités, et l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université ont, pour la première fois depuis plus de dix ans, voire deux décennies, exposé au caucus libéral leur position commune sur le financement. Deux organisations étudiantes nationales qui sont en concurrence dans le domaine de l'éducation se sont prononcées ensemble sur le même projet de loi et ont jugé important de faire front commun dans ce dossier, de faire fi de leurs divergences de vues et de souligner au gouvernement l'importance de ces questions.

Quant à notre secteur, il plaide sa cause et a finalement commencé à mettre de l'ordre dans ses affaires. Nous essayons de trouver un compromis et de présenter une solution à la population et aux élus. Pendant la rédaction de ce mémoire, je pensais au rôle que le gouvernement, notamment le Sénat, pourrait jouer pour tirer parti du consensus qui commence à se dégager de notre côté et aux initiatives politiques qu'il pourrait prendre à l'égard de ces questions épineuses -- non seulement par rapport aux ressources financières dont nous disposons, mais aussi en ce qui concerne nos valeurs nationales.

Je voulais tout d'abord vous faire part de ma feuille de route universitaire. J'ai obtenu un diplôme de premier cycle de l'Université Simon Fraser, où j'ai étudié l'informatique, les mathématiques et les arts libéraux. Je suis actuellement htmirant à la maîtrise à l'Université de la Colombie-Britannique. Comme j'étudie aussi, le forum étudiant d'hier m'a vivement intéressé; je l'ai trouvé très animé.

Comme mon champ d'études est la politique en matière d'enseignement supérieur, je mets à contribution mon expérience. J'aimerais toutefois entendre les observations des membres du comité.

Le sénateur Perrault: Nous avons en main un excellent mémoire. Il faudra le lire attentivement pour en extraire toute l'information importante.

Aucun secteur de notre société n'échappe à la révolution dans le domaine de l'informatique et des communications. Compte tenu de votre expérience en informatique, croyez-vous que cela modifiera radicalement le rôle de certains membres de votre association? Y aura-t-il des licenciements parce que les techniques en matière d'électronique et de communication facilitent le partage du savoir et sa commercialisation dans le monde entier?

J'ai parlé tout à l'heure d'une publicité que j'ai entendue à la radio ce matin et dans laquelle l'Université Queen's annonçait qu'elle établissait à Vancouver des classes où l'on pourrait se prévaloir des techniques de communication modernes pour faire un M.B.A.

Cette université a-t-elle discuté de ses programmes de commercialisation avec la Confederation of University Faculty Associations of British Columbia? A-t-elle consulté votre organisation avant de pénétrer le marché de la Colombie-Britannique?

M. Clift: Non, pas plus que l'Université Athabasca en Alberta. Ces établissements se sont simplement implantés sur le marché.

Le sénateur Perrault: Souhaiteriez-vous davantage de consultations? Cela pourrait certainement aller à l'encontre du but recherché.

M. Clift: Tout à fait. Des pourparlers sont en cours avec les écoles de commerce, même si je sais que l'Université Queen's a contrarié certains de ces établissements de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Perrault: Cette université a une campagne publicitaire sur les ondes de CKNW, et j'en ai entendu parler sur les ondes d'au moins deux autres stations.

M. Clift: Cet établissement fait aussi de la publicité dans la presse écrite depuis un certain nombre d'années. En tant que lecteur régulier du journal The Vancouver Sun, je constate en feuilletant celui-ci que, certaines semaines, l'Université Queen's y fait aussi de la publicité.

C'est une question intéressante pour deux ou trois raisons. La première a trait à la coopération. Devrions-nous, si vous me passez l'expression, faire du maraudage sur le territoire d'autres établissements? L'exemple de l'Université Queen's est particulièrement intéressant à un autre égard parce que les coûts du programme annoncé sont, je pense, entièrement recouvrables. Il s'agit d'un programme privé qui n'est absolument pas financé par les pouvoirs publics.

Cela suscite des questions intéressantes après l'exposé de M. Saywell. On s'entend généralement pour dire que, si nous avons un produit en matière d'enseignement, nous devrions le commercialiser à l'étranger. C'est logique, mais qu'est-ce que cela signifie lorsque, dans notre pays, on dit qu'un programme devrait être entièrement financé par le secteur privé? Évidemment, nul ne prétendra que les cadres qui font un M.B.A. sont des êtres financièrement démunis de notre société, mais cela nous amène à la question qui a été soulevée hier pendant le forum étudiant.

Un des étudiants du BCIT, je crois, a demandé pourquoi les frais de scolarité pour un programme en physique étaient identiques à ceux d'un programme en littérature anglaise. La réponse à cette question, c'est que, dans notre pays, nous avons opté pour un système d'enseignement postsecondaire de qualité uniforme. Nous avons aussi convenu qu'il était important d'avoir des spécialistes de la littérature anglaise et de la littérature française, des sociologues et des physiciens et que, si nous exigions des frais de scolarité, nous exigerions les mêmes frais pour tous, de sorte que les étudiants ne soient pas obligés de choisir une orientation plutôt qu'une autre. Autrement dit, si quelqu'un est doué en physique ou en administration des affaires, pourquoi devrait-il renoncer à faire des études dans ce domaine simplement parce que les frais de scolarité y sont plus élevés? Cela altérerait le marché. Il se pourrait toutefois que nous ayons beaucoup de diplômés en littérature anglaise parce qu'il n'est pas coûteux de leur dispenser une formation, ce qui n'est pas nécessairement bon du point de vue économique ou social.

Le sénateur Perrault: C'est un htmect intéressant. J'ai participé à un salon de l'informatique où un type disait que nous pouvions former d'excellents enseignants et professeurs. Certains ont plus de talent que d'autres pour communiquer par le biais de l'informatique. Nous pourrions les placer dans un studio ou même placer l'information sur un CD-ROM. Au lieu d'avoir 100 enseignants médiocres, nous pourrions avoir un enseignant qui serait un excellent communicateur et qui pourrait transmettre son savoir à des étudiants motivés et avides d'apprendre partout dans le monde.

Croyez-vous que cela se produira?

M. Clift: C'est intéressant, mais cela soulève une question dont on discute rarement. L'enseignement ne se limite pas seulement à la transmission de connaissances. Si c'était le cas, les écoles auraient été remplacées par les livres, la radio, la télévision ou les nouveaux modes de communication électronique. Cela ne s'est pas produit. Il est vrai que certains étudiants se débrouillent très bien en utilisant un médium comme l'Internet ou un CD-ROM, en lisant dans un livre une démonstration ou une description bien construite et en acquérant ainsi des connaissances. D'après les études que j'ai vues sur les méthodes d'enseignement et la conception des programmes, il s'agit toutefois d'une assez faible proportion des étudiants. La plupart ont besoin d'un professeur pour évaluer leurs connaissances et déterminer comment intégrer le mieux possible ces nouvelles connaissances à celles qu'ils ont acquises précédemment et à leur expérience antérieure.

Le sénateur Perrault: Il faut une relation interactive avec des professeurs.

M. Clift: Effectivement. Ma vie professionnelle dépend du courrier électronique. Ce mode de communication bilatérale a été efficace dans cette province avec le retour à l'apprentissage libre, mais ce qu'il fallait, en l'occurrence, ce n'était pas le courrier électronique, mais bien des appareils téléphoniques.

Le sénateur Perrault: Vous ne croyez pas que cela créera beaucoup de chômage parmi les membres de la profession?

M. Clift: Non. Cependant, comme certains l'ont signalé hier et à quelques occasions aujourd'hui, les représentants du secteur de l'enseignement postsecondaire doivent discuter de ce qui les distingue et du fait que la formation que l'on obtient de l'Internet ou de la télévision diffère de celle que l'on obtient dans une salle de classe. Nous devons réfléchir à ce qu'il nous faut et à ce que nous voulons.

Le sénateur Perrault: C'est un moyen supplémentaire à l'appui des approches conventionnelles.

M. Clift: J'hésiterais à employer le qualificatif «supplémentaire», parce que cela marginalise le moyen en question. C'est l'un des nombreux outils pour s'instruire. Au même titre qu'il n'y a pas d'exposé magistral dans chaque salle de classe, le courrier électronique ne devrait pas faire systématiquement partie de chaque cours universitaire. C'est un outil d'apprentissage parmi de nombreux autres.

Le sénateur Perrault: Il y a quelques mois, l'Université Simon Fraser nous a invités au lancement d'un projet d'université virtuelle. Pouvez-vous nous dire où en est ce projet et savez-vous ce que l'université compte faire à cet égard?

M. Clift: Je ne connais pas très bien ce projet. J'ai suivi son évolution en examinant le site Web de l'université. Je crois comprendre que les auteurs du projet se sont principalement attachés aux htmects techniques de la création d'un médium interactif et que les gens de la faculté de l'éducation travaillent sur le programme et les htmects didactiques. C'est un projet qui évolue et dont on a annoncé la mise en oeuvre à plusieurs occasions.

Le sénateur Perrault: Au moins, il est théoriquement possible pour les habitants du pôle Sud ou de partout ailleurs dans le monde d'obtenir un diplôme.

M. Clift: En effet. D'ailleurs, nous avons récemment rencontré le ministre de l'Éducation de la Colombie-Britannique, qui nous a dit que l'Université Harvard offrait maintenant un cours d'économie sur l'Internet. Comment convaincre quelqu'un de Prince George que les cours de l'UNCB sont meilleurs pour lui que ceux de Harvard? Il nous faut tout d'abord évaluer s'ils le sont effectivement. Il se peut que le cours d'économie que l'Université Harvard offre sur l'Internet soit préférable pour lui. Sinon, il peut se prévaloir des cours de l'Université du nord de la Colombie-Britannique. Il faut montrer aux gens comment faire de bons choix en matière d'enseignement.

Le sénateur Carney: Au sujet de l'enseignement à distance, il y a deux choses à ne pas oublier. La première, c'est que la technologie a des limites. On peut enseigner les mathématiques dans une classe, mais il est difficile de le faire par téléphone, alors que la philosophie peut s'enseigner par téléphone. On peut avoir besoin d'un téléviseur pour montrer comment poser un diagnostic médical, mais on n'en a pas besoin pour dire aux étudiants que l'arthrite est une maladie douloureuse. Toute technologie a son utilité, mais comme elle est coûteuse, on n'y a pas recours si quelque chose d'autre fonctionne mieux. Bien des gens sont ravis de l'enseignement à distance, mais s'il y a une solution qui fonctionne mieux et qui coûte moins cher, nous devrions l'utiliser.

La question que je veux poser concerne le corps professoral. En tant qu'htmirant à la maîtrise, pouvez-vous nous dire en quoi ce qu'on demande actuellement au corps professoral diffère de ce qu'on lui demandait il y a dix ans? L'un des problèmes qui semble subsister, c'est celui des anciens professeurs titularisés qui ne quittent pas le milieu de l'enseignement. Quels changements constatez-vous à cet égard et par rapport aux compétences et aux autres choses que l'on exigera du corps professoral de demain?

M. Clift: Il y a deux ou trois constatations que l'on peut faire depuis dix ans. Premièrement, les membres du corps professoral consacrent énormément de temps à diverses tâches professionnelles. On dit que le travail du corps professoral s'appuie sur trois éléments: l'enseignement, la recherche et les services. Les exigences en matière d'enseignement n'ont pas diminué. Elles sont peut-être même plus grandes, notamment parce que le gouvernement nous a demandé d'accroître la clientèle d'étudiants que nous servons.

À mesure que les fonds de recherche diminuent et que la nécessité de travailler avec le secteur privé se fait davantage sentir, de nombreux chercheurs passent beaucoup plus de temps à assister à des réunions et à rédiger des demandes de subventions pour leurs travaux de recherche. Je suis actuellement en rapport avec un chercheur exceptionnel et de réputation mondiale à qui le gouvernement fédéral a refusé du financement qu'il croyait assuré. Il a passé près de deux semaines à se disputer avec des fonctionnaires d'Ottawa pour connaître le fond de l'histoire. Ce professeur/chercheur a passé deux semaines à essayer d'y voir clair dans un fouillis administratif.

Maintenant, il faut passer énormément de temps à rédiger des demandes de subventions de recherche si l'on veut obtenir du financement. Il ne suffit pas d'envoyer une demande au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie ou au Conseil de recherches en sciences humaines pour obtenir du financement. Il faut préparer sa demande, la remanier et dénicher un partenaire dans le secteur privé ou la retravailler et trouver une sorte d'organisme d'aide sociale.

Le sénateur Carney: On peut trouver une université d'une autre région canadienne qui est intéressée.

M. Clift: En effet. La Colombie-Britannique a d'ailleurs été avantagée à cet égard. Il y a quelques années, lorsque le premier ministre Klein a imposé d'importantes compressions au système d'enseignement postsecondaire, les recteurs d'université faisaient la queue pour venir récupérer des membres du corps professoral de l'Alberta privés des avantages dont ils avaient déjà bénéficié.

Lorsqu'il est question de «service», les gens ont tendance à penser au service communautaire, au travail avec des groupes sans but lucratif ou auprès de la population ou au travail d'observateur dans les médias, mais ce mot vise aussi le travail du personnel de soutien des universités, qui a diminué de manière spectaculaire.

J'ai déjà été en désaccord avec M. Saywell dans le passé, lorsque l'Université Simon Fraser a mis en oeuvre un programme destiné à aider les membres de son corps professoral à acheter des ordinateurs de table pour leur bureau. C'était une excellente idée, mais il fallait en contrepartie réduire le nombre d'employés de soutien, ce qui obligeait les chercheurs et les professeurs à dactylographier eux-mêmes leurs travaux, à faire leur classement, et cetera. Je ne dis pas que c'est au-delà de leurs capacités de le faire; c'était probablement un exercice d'humilité nécessaire pour certains d'entre eux. Je connais des ministres de cette province qui font aussi cet exercice d'humilité ces jours-ci.

Le sénateur Carney: Ce que vous voulez dire, c'est qu'il n'est pas rentable qu'un professeur fasse des photocopies alors qu'il pourrait être dans son laboratoire.

M. Clift: Exactement. Par ailleurs, les étudiants sont très exigeants envers les membres du corps professoral. De nombreux professeurs sont encore prisonniers des anciens paradigmes ou modes de pensée sur un sujet donné et sur les étudiants. Il y a eu, dans des universités de cette province, des situations malheureuses -- dont nous avons certainement entendu parler dans les médias nationaux -- où, si vous me passez l'expression, le manque de savoir-vivre de certains professeurs d'université n'a pas été toléré par les étudiants. Ceux-ci ont eu une réaction légitime; il y a un problème, et nous n'excusons pas pareil comportement. Nous appuyons les membres du corps professoral parce que nous avons la responsabilité de le faire, mais pareille situation n'est pas nécessaire.

Par ailleurs, je ne nierai pas que certains abusent de la titularisation.

Il y a deux ans, notre organisation a créé un prix décerné à l'universitaire de l'année. Notre premier lauréat a été M. Peter Hochachka, du département de zoologie de l'Université de la Colombie-Britannique. Pour aucune raison particulière, il s'est intéressé à cette période du cycle biologique des amphibiens où ces derniers survivent avec très peu d'oxygène, lorsqu'ils hibernent et dans d'autres circonstances, ainsi qu'aux effets que cela a sur leur métabolisme. Cela ne présentait aucun avantage particulier sur le plan universitaire, si ce n'est qu'il s'agissait d'un sujet intéressant.

M. Hochachka est ensuite allé étudier les sherpas de l'Himalaya et la façon dont ils se sont adaptés, sur le plan physiologique, aux environnements où l'oxygène est rare. Par la suite, les travaux qu'il avait amorcés des années auparavant ont permis de réaliser des percées dans le traitement des blessures et des maladies liées à la façon dont notre corps compose avec l'oxygène et absorbe ou non celui-ci, dans un cas de dysfonction.

On se demande si pareils travaux auraient été financés dans le contexte actuel, notamment quand on sait le plaisir que certains députés prennent à dénoncer le caractère apparemment ridicule de certains projets de recherche menés dans nos universités. Aurait-on accordé à ce chercheur des fonds pour qu'il étudie le faible taux d'oxygénation des grenouilles? On imagine aisément, à la une d'un journal, le titre suivant: «Le CRSNG octroie une subvention de 40 000 $ pour une étude sur le faible taux d'oxygénation des grenouilles.» Ce serait comme l'histoire des colibris.

Le sénateur Carney: Randy White, le député de Fraser Valley, s'en délecterait.

Le sénateur Forest: Je souscris certainement au principe de la diversité de l'enseignement postsecondaire. Vous avez toutefois dit que, à votre avis, il faudrait établir certaines normes nationales et que vous ne préconisez pas une modification constitutionnelle.

M. Clift: Absolument pas.

Le sénateur Forest: Vous souhaitez toutefois l'établissement de normes minimales. Avez-vous réfléchi à la façon de faire cela, compte tenu du fait que l'éducation est du ressort des provinces? Avez-vous des idées à ce sujet? Comme vous, je crois qu'il faut éviter de recourir à une modification constitutionnelle. Avez-vous d'autres idées sur la façon d'y parvenir?

M. Clift: Je dois dire, d'entrée de jeu, qu'il est utile d'établir une comparaison avec ce qui se passe dans d'autres États. En Australie, où l'éducation est une responsabilité de l'État, il y a un système universitaire national. Il est administré par le gouvernement du pays, et c'est un ministre national qui en est responsable. Le gouvernement australien a investi massivement dans ce système et il en a assumé la responsabilité, parce qu'il avait le pouvoir de dépenser nécessaire pour le faire.

Nous n'avons pas cette capacité actuellement et nous ne l'avons jamais eue. À cause de nos rapports particuliers avec la province de Québec, ce n'est guère pratique. La semaine dernière, j'ai pris connaissance dans le journal d'un accord que certains considèrent comme un accord clé et qui est intervenu entre les provinces et le gouvernement fédéral, relativement à un crédit d'impôt pour enfants. Il s'agit d'une mesure qui a été annoncée à maintes occasions, mais qui n'a souvent pas abouti; il semble toutefois qu'elle se soit maintenant concrétisée grâce au leadership dont le gouvernement fédéral a fait preuve.

Le sénateur Lavoie-Roux: Rien n'a encore été mis en oeuvre.

M. Clift: C'est vrai. Tout pourrait avorter encore une fois.

Le sénateur Forest: Une entente est intervenue avec certaines provinces, dont l'Alberta, où les négociations ont été parmi les plus difficiles.

M. Clift: Lorsque nous parlons d'établir des normes nationales, nous ne pensons pas à imposer quoi que ce soit aux provinces. Comme je l'ai dit au début, nous parlons de conclure des accords en vertu desquels tous ceux qui souhaitent bénéficier d'un enseignement postsecondaire devraient pouvoir le faire, ce qui a, bien entendu, des répercussions financières. Les gens devraient pouvoir transférer librement leurs crédits partout au Canada; ils devraient avoir accès à l'aide aux étudiants partout, sans nécessairement dépendre pour cela de leur province d'origine.

Certaines provinces ont coopéré pour accroître la transférabilité de l'aide aux étudiants; d'autres ont érigé des obstacles. J'aimerais bien que des dispositions législatives soient adoptées à cet égard, mais il y a politiquement peu de chances que cela se produise. Il faut établir un consensus national; c'est ce que je veux dire quand je parle de «normes». D'autres songent à des modifications constitutionnelles.

Pour notre fédération, l'essentiel est de pouvoir revenir à certaines valeurs fondamentales et de comprendre ce que cela signifie d'être Canadiens. Nous croyons que notre système d'éducation offre cette possibilité. Nous avons des systèmes provinciaux distincts qui ont toutefois bien des points en commun. Si nous voulons améliorer notre fédération, nous avons, en l'occurrence, bien des possibilités de le faire.

Le sénateur Forest: Après l'établissement du crédit d'impôt pour enfants, les journaux albertains ont fait état d'un climat nettement plus positif entre les autorités fédérales et provinciales. Il s'agit peut-être de donner aux autorités concernées des pouvoirs qui les persuaderont d'établir pareilles lignes directrices.

M. Clift: À mon avis, le fait que nos organisations nationales aient fait front commun dans le dossier de l'aide aux étudiants montre bien à quel point des systèmes différents peuvent fonctionner ensemble; des représentants des collèges et des universités, des groupes d'étudiants canadiens, des représentants du corps professoral et des recteurs d'université qui sont en concurrence ont collaboré dans la poursuite d'un objectif commun, ce qui, il y a deux ans, m'aurait jeté en bas de ma chaise.

Le sénateur Forest: De la nécessité naissent bien des changements.

M. Clift: En effet.

Le sénateur Andreychuk: Vous semblez appuyer la coopération et l'établissement d'un consensus, mais le caractère légal d'une démarche semble moins vous préoccuper. Je partage votre avis, mais je trouve assez curieux que vous sembliez vous opposer à la publicité que l'Université Queen's fait en Colombie-Britannique.

M. Clift: Je n'aime pas cela, comme bien des membres de notre organisation d'ailleurs.

Le sénateur Andreychuk: Qu'importe que l'Université Queen's décide de faire de la publicité en Colombie-Britannique, que des étudiants de l'Ontario viennent étudier en Colombie-Britannique ou vice versa? Ce qui compte, c'est que nous arrivions à un consensus sur l'excellence, la mobilité et la délivrance des diplômes. Autrement dit, la publicité trompeuse me dérangerait, mais pas la publicité en soi.

M. Clift: Ce qui est intéressant dans cette discussion sur la coopération, c'est que la situation de l'Université Queen's est, dans une large mesure, attribuable aux difficultés financières qu'éprouve le système d'enseignement postsecondaire. L'Université Queen's a déterminé que la solution consiste à commercialiser énergiquement ses programmes financés par le secteur privé, d'un océan à l'autre.

J'ai évidemment pris part à des rencontres ministérielles où les participants ont abordé ces idées et ont discuté du rayonnement de l'Open Learning Agency dans le nord de l'Alberta, au détriment de l'Université Athabasca. Je reconnais que ces animosités ne devraient pas exister si nous offrons tous des produits communs dans un système axé sur la différenciation.

Le problème, c'est que, puisqu'on ne semble pas travailler dans une optique nationale, dans une perspective canadienne, les universités Athabasca et Queen's sont perçues comme des établissements opportunistes qui ne travaillent pas dans un esprit de collégialité ou de coopération.

Tout à l'heure, il a été question de la commercialisation de programmes dans des pays étrangers, et j'ai aussi certaines réserves à cet égard. De toute évidence, nous avons de bons produits à offrir à l'étranger, mais je préférerais que ces pays établissent leurs propres réseaux nationaux d'enseignement universitaire et de formation. La solution pour tous devrait résider dans l'autonomie. Je ne crois pas qu'elle consiste à profiter de nos faiblesses mutuelles pour faire du maraudage.

Le sénateur Andreychuk: Le mot «maraudage» n'est peut-être pas indiqué lorsqu'il est question d'un marché mondial où nous sommes tous des participants. Alors que la plupart des pays préconisent le partage des avantages et la survie de notre planète, comment pouvez-vous parler de quelque chose qui serait offert seulement ici ou à Singapour, par des habitants de ce pays? Nous serons sûrement plus forts si nous échangeons nos idées, et je constate qu'il y a de nombreux échanges en ce sens.

L'Université du Mexique a ouvert une succursale à Hull. Nous avons loué cette initiative. Cette université dispense un enseignement au Canada. Nous comptons aussi offrir un enseignement ailleurs. Ce que nous souhaitons, en fin de compte, c'est que les citoyens du Canada et du monde entier soient bien instruits, responsables et productifs. Comment peut-on savoir si notre façon de dispenser l'enseignement est nécessairement la bonne façon de procéder?

M. Clift: Les milieux universitaires trouvent curieuse l'idée de commercialiser l'enseignement à l'échelle internationale pour deux ou trois raisons. Les milieux universitaires sont d'envergure internationale. Lorsqu'un biochimiste de l'UCB s'entretient avec des confrères, il s'entretient avec des biochimistes du monde entier. La technologie en matière de communications a rendu cela possible. Les spécialistes n'ont plus à communiquer par le biais d'une revue spécialisée; ils peuvent le faire directement et instantanément. L'idée de commercialiser pareil produit à l'échelle internationale est difficile à comprendre pour les universitaires.

Il est certain qu'il faut encourager l'excellence des citoyens au Canada et dans le monde entier et les amener à partager les attentes et les souhaits que nous nourrissons à l'égard de notre planète. Sur les plans économique et humain, c'est la mobilité qui constitue la véritable question. La mobilité dans notre pays et à l'échelle internationale est bien moins grande que ce que les médias et les entreprises veulent nous faire croire. Le caractère international du monde des affaires et des milieux universitaires est indéniable, mais, selon un sondage récent réalisé auprès de diplômés universitaires, 85 à 90 p. 100 des diplômés des universités de la Colombie-Britannique de 1991 étaient toujours dans cette province cinq ans après. Cela en dit long sur la clientèle que nous servons et la façon dont nous la servons.

Le sénateur Andreychuk: C'est peut-être le cas actuellement, mais si on nous répète sans cesse qu'il nous faut commercer avec le monde entier, nous devrons changer.

Le sénateur Carney: Plus tôt ce matin, nous avons discuté de l'arrivée, dans le système d'enseignement postsecondaire canadien, d'étudiants étrangers qui, parfois, ne parlent pas l'anglais. Le fait d'accroître la proportion d'étudiants qui ne parlent pas français ou anglais dans les facultés universitaires pose-t-il un problème?

M. Clift: C'est un problème passager.

Le sénateur Carney: Je ne comprends pas cette réponse. Les efforts déployés pour recruter des étudiants étrangers créent-ils un problème pour les membres du corps professoral?

M. Clift: Je dirais que, généralement, ce n'est pas un problème.

Le président: Je vous remercie, monsieur Clift, d'avoir comparu aujourd'hui devant notre comité.

La séance est levée.


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