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Sous-comité de l'éducation postsecondaire au Canada

 

Délibérations du sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 6 - Témoignages - Séance de l'après-midi


VANCOUVER, le mardi 11 février 1997

Le sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 13 h 45 pour poursuivre son examen de l'enseignement postsecondaire au Canada.

Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Les prochains témoins sont MM. Lee et MacLeod, représentants du Programme Asie-Pacifique du Collège Capilano.

M. Greg Lee, président, Collège Capilano: Monsieur le président, je remercie le sous-comité de nous permettre de faire un bref exposé sur l'enseignement postsecondaire au Canada.

Le Collège Capilano est un établissement d'enseignement de taille intermédiaire et, à ce titre, il ne représente qu'un faible pourcentage du nombre d'étudiants et de professeurs qui préparent nos citoyens à relever les défis du prochain siècle.

Notre établissement est une bonne illustration de la créativité et du dynamisme qui caractérisent le secteur de l'enseignement collégial, lequel est fréquemment négligé et sous-évalué au profit des universités et de leurs besoins. Comme vous pourrez le constater pendant le bref survol que j'effectuerai et la description plus détaillée que fera mon collègue, M. MacLeod, de l'un des programmes les plus marquants, l'enseignement collégial offre tout un éventail de services flexibles et novateurs. Je démontrerai, en m'inspirant de cet exemple, comment la coopération fédérale-provinciale permet justement de faire preuve d'innovation et de créativité en enseignement. Je reviendrai brièvement à ce que déclarait ce matin M. Saywell au sujet des répercussions économiques de la commercialisation des compétences du Canada dans le domaine de l'enseignement.

Le Collège Capilano a récemment procédé à un examen de sa mission, de ses valeurs et de ses orientations stratégiques. Le maintien d'un niveau de financement public adéquat de ses programmes et services a, bien sûr, été relevé comme l'un des problèmes à régler.

Sans entrer dans les détails du plan, je précise que l'un des principaux éléments de notre stratégie vise à réduire la dépendance du collège envers les subventions gouvernementales en trouvant d'autres sources de revenu. Le collège a également indiqué son intention de poursuivre cet objectif en tant qu'établissement d'enseignement public. À ce titre, il continuera de compter sur l'aide gouvernementale pour financer ses programmes et services et, tout en poursuivant ces activités à but lucratif, il réinvestira ses bénéfices dans ses programmes et services traditionnels.

Ce paradoxe, à savoir réduire notre dépendance à l'endroit des subventions publiques tout en continuant de les rechercher, peut, à défaut d'être résolu, être accepté si nous parvenons à convaincre le gouvernement que son aide financière n'est pas qu'une subvention mais également un investissement qui lui permettra de réaliser ses fins en association avec le collège. Nos activités internationales illustrent bien l'efficacité de cette approche.

Nous nous sommes rendu compte à la fin des années 80, comme de nombreux autres collèges, de la nécessité et des avantages d'intensifier notre présence sur la scène internationale. Nous avions alors soumis deux projets; le premier, présenté à un ministère provincial, concernait des programmes innovateurs qui ont permis de faire venir des cadres de niveau intermédiaire de l'ANASE au collège, où ils ont suivi un bref cours sur la façon de faire des affaires avec le Canada.

Les participants étrangers ont été jumelés avec des personnes oeuvrant dans une entreprise similaire en Colombie-Britannique. Un gestionnaire travaillant chez un marchand de bois des Philippines, par exemple, pouvait être jumelé à un cadre d'une de nos sociétés d'exploitation forestière. Cette initiative, le programme Canada-ANASE, accueille maintenant depuis quelques années des participants du Vietnam et de la Chine.

Le second projet, qui a été soumis au gouvernement fédéral avec le soutien de la province, concernait la mise en place d'un programme de coopération internationale dans l'entreprise. Cette initiative différait de la première dans la mesure où les stages avaient lieu dans un pays d'Asie du Sud-Est. Au début, l'idée d'un programme de stage à l'étranger n'a pas été facile à faire accepter, notamment en raison de la différence de calendrier scolaire. Nous éprouvons, encore aujourd'hui, de la difficulté à faire reconnaître certains éléments de notre programme d'alternance travail-études à cause du calendrier.

Le problème s'est manifesté parce que certains collèges ne sont pas considérés comme offrant un enseignement de niveau suffisant. Les deux programmes ont été approuvés et ont débuté. On s'est rapidement rendu compte que les méthodes de financement traditionnelles ne pouvaient pas s'appliquer à des projets de ce genre. Il en coûte beaucoup trop cher pour faire des affaires en Asie, en particulier pour recruter des gestionnaires asiatiques, placer des personnes et rester en contact avec les professeurs.

Heureusement, nous avons pu compter sur un troisième partenaire, l'Agence canadienne de développement international. La correspondance existant entre les objectifs du programme Canada-ANASE et du programme de coopération Asie-Pacifique et ceux de l'ACDI nous a permis d'obtenir une subvention de cet organisme pour financer les activités et en poursuivre le développement.

Deux niveaux de gouvernement et au moins trois ministères ont participé à l'organisation des subventions et des partenariats qui ont permis au programme d'aller de l'avant. Il est important de signaler qu'une bonne partie de ces diverses initiatives créatrices ne peuvent pas être financées par un seul ministère ou un seul niveau de gouvernement. Toutefois, les partenariats fondés sur des objectifs que partagent plusieurs ministères de divers gouvernements peuvent être fructueux.

Les collèges sont tout à fait capables d'offrir des programmes spécialisés au même niveau que ceux qu'on retrouve dans le cadre du programme de coopération Asie-Pacifique et ils peuvent d'ailleurs exceller à ce chapitre. Le baccalauréat comme préalable au niveau collégial était unique et demeure tel dans le système. Le programme ne pourrait pas être une réussite si les étudiants n'y arrivaient pas avec un bagage suffisant et la capacité d'apprentissage et d'étude que donne le diplôme universitaire traditionnel.

Les programmes comme le programme Asie-Pacifique sont des compléments et non pas des concurrents des programmes universitaires traditionnels. La réussite de ces programmes a entraîné la reconnaissance de la valeur des activités internationales dans d'autres secteurs de l'enseignement dispensé par le collège. Le contenu des programmes destinés aux étudiants canadiens et le développement des programmes d'études peuvent être mis à la disposition des pays étrangers, conformément aux orientations stratégiques du collège.

Le marché des étudiants étrangers est une source de profits que nous utilisons pour financer nos programmes au Canada. En exploitant nos points forts, en particulier les cours de passage à l'université et les cours de gestion d'entreprise, nous utilisons nos ressources en Asie non seulement pour recruter des étudiants qui viendront au Canada, mais également pour élaborer et lancer dans d'autres pays des programmes dont nous pouvons tirer profit. Nous avons à Chengdu, en Chine, un programme de gestion d'entreprise dont la première année d'enseignement se passe en Chine et la seconde année au Canada.

Ce programme était au départ un projet financé par l'ACDI, mais il est maintenant géré en tant que programme dont les coûts sont entièrement recouvrables, les frais de scolarité étant payés par les étudiants. La valeur du marché international des services d'éducation est estimée à 28 milliards de dollars. Le Canada était en voie de perdre sa part du marché. Les services d'éducation constituent un produit d'exportation dans une économie fondée sur l'information. Le Bureau canadien de l'éducation internationale a effectué une bonne analyse de cette question, sous le titre «Where the Students Are».

L'exportation des services d'éducation peut représenter une source de revenus importante pour nos programmes au Canada. Quelles mesures pouvons-nous prendre pour faciliter les projets de ce genre? Certains règlements d'application des programmes fédéraux n'autorisent que les partenariats privés. On pourrait cependant faire valoir qu'il ne faut pas faire obstacle aux partenariats d'organismes publics et d'organismes privés. Deux ou trois ministères et autant de niveaux de gouvernement ont participé à nos programmes et leur ont donné leur impulsion.

Notre collège n'a toujours pas réussi à faire reconnaître par la Commission de la fonction publique du Canada le caractère spécial du programme Asie-Pacifique d'alternance travail-études. La commission a un barème de paiements applicable aux stages. Les étudiants diplômés ou les stagiaires dans le cadre de notre programme sont considérés comme ayant une année d'études de plus que le cours secondaire parce qu'il s'agit d'un programme collégial, alors que notre programme comporte un baccalauréat comme préalable.

Enfin, je voudrais parler d'un problème qui n'est pas simple. Il concerne les visas d'étudiant. Nous avons éprouvé, à cause de certaines règles d'obtention de visa, des difficultés à faire entrer des étudiants, en particulier dans les pays émergents, même lorsque les exigences financières étaient satisfaites. Je ne suis pas au courant de la nature précise des problèmes. Il faudrait sans doute nous doter d'un mécanisme qui permette aux étudiants de venir étudier au Canada mais qui soit en même temps conforme à notre politique d'immigration. Il pourrait, par exemple, s'appliquer à la fin du stage d'études plutôt qu'au début. Je ne suis pas certain de savoir comment régler ce problème auquel nous nous sommes heurtés. Le secteur de l'enseignement collégial est un milieu créatif et innovateur et nous devons mieux reconnaître la valeur de son apport à la société canadienne. Le programme que M. MacLeod va vous expliquer plus en détail illustre la créativité de ce secteur d'activité.

M. Scott Macleod, responsable de programme, Programme Asie-Pacifique d'alternance travail-études en gestion (APMCP), Collège Capilano: Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous présente M. Bob Bagshaw, qui est le fondateur de l'APMCP. Je vais vous expliquer l'objet du programme, ce que nous y faisons, en quoi nous avons innové et je vous parlerai de certains partenariats que nous avons créés. Le mot partenariat décrit très bien ce que nous sommes. Je vous expliquerai ensuite certains des principaux thèmes qui nous distinguent de la norme en matière d'enseignement postsecondaire.

Qu'est-ce que l'APMCP, en plus d'être un des acronymes canadiens les plus difficiles à mémoriser? Cette complexité fait d'ailleurs partie de notre stratégie de commercialisation. Lorsqu'une personne réussit à mémoriser cet acronyme, elle ne l'oublie plus et nous sommes sûrs qu'elle est montée à bord du bateau. C'est intentionnel de notre part. Le programme, qui est un cours de deuxième cycle, s'adresse aux personnes qui possèdent au moins un diplôme. D'une durée de deux ans, le programme accueille des gens de partout au Canada. Les étudiants passent la première année sur le campus et la seconde dans un placement coopératif en Asie. Je m'explique.

Nous sélectionnons les associés à la grandeur du Canada et les inscrivons à un programme d'enseignement très diversifié qu'on ne trouve habituellement pas dans une école de gestion ou dans un établissement d'enseignement supérieur. Nous formons les gens pour qu'ils réussissent dans le monde des affaires. Seulement 34 p. 100 du programme théorique est consacré à des cours de gestion. Les étudiants passent le reste de leur temps dans des ateliers où ils perfectionnent les connaissances en informatique, leurs techniques d'animation et leurs connaissances linguistiques. Notre programme comporte l'enseignement de cinq langues asiatiques, dont le vietnamien que notre collège est le seul à enseigner à Vancouver, et des cours d'histoire, de sciences politiques et d'économie concernant les pays de la région.

La diapositive suivante permet de voir comment le cours est conçu. Le programme d'enseignement est très diversifié et impose un rythme de travail intense. Nous avons la chance de pouvoir dire aux associés qui veulent s'inscrire à notre programme qu'ils ne devront ménager aucun effort et ils acceptent. Ils doivent travailler environ 80 heures par semaine. Le programme semble les préparer adéquatement à affronter le marché asiatique. Si les gens réussissent leur session, ce qui est généralement le cas, nous les envoyons en stage dans un pays asiatique.

Ce graphique indique les placements de l'an dernier. Il permet de voir toute la gamme des pays où nous plaçons des associés, depuis l'Indonésie, qui est un marché important, jusqu'à la Thaïlande, la Malaisie et, cette année, l'Afrique du Sud. Quelque 14 pays accueillent généralement nos stagiaires. Ces derniers composent un groupe très serré que nous dispersons sur l'ensemble du continent asiatique.

Nous oeuvrons en outre dans des secteurs très variés. C'est le genre de travail que font les gens. Nous prenons un groupe diversifié, donnons à chacun un programme d'enseignement varié et les gens sont ensuite éparpillés dans des secteurs stratégiques très variés et importants pour le Canada.

Récemment, nous avons effectué auprès d'anciens étudiants un sondage qui a mis quelques faits en évidence. Tout d'abord, environ la moitié des étudiants sont revenus au Canada. La durée moyenne de séjour en Asie est de 5,2 années. Après leur retour, 80 p. 100 des stagiaires ont déclaré que leur séjour en Asie avait joué un rôle déterminant dans l'obtention de leur emploi au Canada et ils estimaient que leur revenu était supérieur de 28 000 $ à ce qu'ils auraient eu s'ils n'étaient pas passés par le programme de l'APMCP. Ils en ont eux-mêmes directement bénéficié.

Le programme représente également un avantage économique pour le Canada dans son ensemble. Ce graphique illustre les retombées économiques. Les trois lignes du bas correspondent aux variables que nous avons analysées dans l'étude des résultats, à savoir: le mouvement des investissements entre le Canada et l'Asie, les exportations vers l'Asie et l'expansion des entreprises canadiennes. C'est là le genre d'activités auxquelles nos diplômés prennent une part directe et importante. L'activité économique a une valeur totale d'environ 3 milliards de dollars. L'ACDI a investi environ 2,5 millions de dollars, ce qui représente un rendement très élevé du capital investi.

Même en supposant que seulement 10 p. 100 de cette activité économique soit imputable à nos étudiants, cela représenterait tout de même un rendement du capital investi de 100 pour 1.

Comment avons-nous réussi à mettre ce programme sur pied? Nous pouvons compter sur un certain nombre de partenaires, dont le gouvernement fédéral et l'ACDI, qui nous verse une subvention de 214 000 $ équivalant à plus ou moins 12 p. 100 de la production totale du programme. Le gouvernement fédéral nous aide également de plusieurs autres façons. Le ministère des Affaires étrangères embauche certains de nos étudiants dans les ambassades canadiennes. D'autre part, le sénateur Perrault nous a beaucoup aidés en agissant comme notre conseiller à Ottawa.

L'élément essentiel est que 71 p. 100 de la production totale du programme, incluant les salaires, proviennent du secteur privé. Autrement dit, les employeurs du secteur privé paient au-delà d'un million de dollars par année à nos étudiants. L'entreprise privée verse également entre 50 000 $ et 60 000 $ par année à notre fonds de dotation. Nous cherchons à diversifier nos sources de revenu.

Nous comptons également le collège au nombre de nos partenaires. Il jouit d'une marge de liberté unique et peut ainsi faire certaines choses que le Sénat de l'Université de la Colombie-Britannique ne nous permettrait pas de faire. Nous pouvons être à la fois très modestes et flexibles, deux caractéristiques propres à notre partenariat.

Notre dernier partenaire, le plus important, est constitué des étudiants qui participent à notre programme. Le ratio candidatures-participants fluctue entre quatre pour un et sept pour un. Certaines années nous comptons sept fois plus de candidats que de places à offrir aux jeunes Canadiens. Les participants proviennent de diverses provinces. Sur une période de trois ans, on compte en moyenne 20 p. 100 de participants du Québec, 31 p. 100 de l'Ontario et 37 p. 100 de la Colombie-Britannique, recrutés principalement de bouche à oreille. Nous pouvons également compter sur une bonne publicité de la presse à Vancouver.

Nous avons effectué une poussée importante dans les Prairies et nous avons réussi cette année une percée dans les Territoires du Nord-Ouest. L'an prochain, nous irons dans la région de l'Atlantique.

Nous estimons avoir un bon programme à offrir à nos associés, dont 90 p. 100 ont déclaré avoir dépassé leurs objectifs personnels et 98 p. 100 ont déclaré qu'ils recommanderaient le programme à un ami.

Les participants comptent des détenteurs de doctorats et un nombre étonnant de titulaires de maîtrise en administration des affaires. Certains sont diplômés en droit et beaucoup de détenteurs de baccalauréats participent au programme pour approfondir leurs compétences techniques et se trouver plus facilement de l'emploi.

La réussite de notre programme est à l'image de celle de nos étudiants. Notre but consiste à créer un réseau de jeunes Canadiens à la grandeur de l'Asie. Nos bureaux constituent le centre de ce réseau mondial de quelque 250 jeunes, qui demeurent en contact très étroit les uns avec les autres. Nous savons où se trouvent nos associés, combien d'enfants ils ont, le genre de travail qu'ils font et les endroits où ils iront. Notre but premier consiste précisément à créer un réseau de Canadiens qui travaillent ensemble et s'entraident en Asie, un continent où la concurrence est très forte et où les Canadiens doivent compter sur l'entraide.

Voyons quelques-uns des thèmes du modèle et certaines de nos stratégies. Premièrement, nous croyons que la diversité est un facteur déterminant de notre réussite et pas seulement un mot à la mode répondant à des besoins politiques. Nous faisons venir le plus vaste éventail possible d'associés, leur donnons la formation la plus variée possible et les exposons aux situations les plus variées qui soient.

Le deuxième thème est l'apprentissage du processus. Nous nous sommes rendu compte, du fait que notre classe ne compte que 32 étudiants, que nous pouvions suivre de très près l'expérience de nos associés. Ma responsabilité en tant que responsable du programme ne consiste pas à m'assurer que le programme d'enseignement est scrupuleusement suivi, mais à suivre l'évolution et l'expérience des membres du groupe tout au long d'une année de travail intensif. Le fait de travailler avec eux pour comprendre les stress et contraintes qu'ils subissent semble vraiment les aider à réussir en Asie. Quatre-vingt-dix-sept pour cent de nos associés complètent leur contrat dans des endroits aussi difficiles que Phnom Penh et Semarang, en Indonésie. Ce taux de réussite est dû en partie au fait que nous avons conçu le processus d'apprentissage de manière à ce que les participants puissent l'interpréter.

Le troisième grand thème est l'importance déterminante de la communication. Étonnamment, nous consacrons près de 50 p. 100 des ressources de notre programme à la communication à l'extérieur de la salle de cours. Autrement dit, la communication avec les employeurs, le recrutement, le maintien des liens avec les anciens étudiants, la communication avec le monde extérieur et avec nos partenaires sont aussi importants que ce qui se passe en classe.

Le quatrième grand thème est que plus c'est petit plus c'est beau. Malheureusement, notre programme est en quelque sorte victime de ce qui fait sa réussite. En effet, nous ne pouvons pas vraiment accroître le nombre de nos participants car notre succès dépend en partie du fait que nous travaillons avec seulement 32 personnes, ce qui nous permet d'entretenir avec eux un rythme de travail intense. Étant donné le nombre restreint des participants, nous sommes en mesure de contrôler leur progression dans le système. Nous pouvons être à la fois souples et spécialisés. Nous tentons présentement de trouver un moyen d'accroître le nombre de nos participants.

Le cinquième thème, qui fait partie intégrante de la conception de notre programme, est le changement. Nous révisons le programme d'enseignement tous les ans. On imagine la tâche ardue que ce serait pour une grande université. Nous sommes un établissement tout à fait collégial. Nous travaillons ensemble pour redéfinir et peaufiner notre programme d'enseignement, en y intégrant les changements. Notre programme nous a permis de mettre sur pied un réseau de jeunes Canadiens à la grandeur du continent asiatique. Chaque matin, lorsque j'ouvre mon courrier électronique sur mon ordinateur, j'y trouve dix messages en provenance de 11 villes asiatiques. Ils me sont adressés par d'anciens étudiants installés dans cette région, qui m'informent de la situation et travaillent avec les étudiants de l'année en cours. Nous recevons trop de demandes pour le nombre de places disponibles. C'est très frustrant. Faute de ressources suffisantes, nous sommes obligés de refuser de nombreux jeunes biens formés et qualifiés.

Au cours des quatre dernières années, nous avons réussi à placer tous les associés admis à notre programme. Nous faisons affaire en permanence avec 140 entreprises. Nous avons constaté que la durée de séjour sur le terrain tend à s'accroître. Elle est actuellement de 5,2 années. Cela nous indique que les gens qui sont en Asie y prospèrent. La formation et le soutien du réseau qu'ils y reçoivent sont efficaces. Nous essayons présentement de trouver un moyen d'informer le milieu des affaires canadien des ressources qu'il peut trouver à la fois chez les jeunes associés qui sont actuellement expatriés en Asie et chez les personnes qui reviennent du continent asiatique après y avoir passé six ou sept ans.

Nous utilisons le fruit de notre travail et de celui de nos associés sur place pour trouver un moyen d'accroître et d'exploiter les compétences acquises et étendre notre influence à l'ensemble du Canada. Nous envisageons de créer en Amérique Latine un programme inspiré du programme Asie-Pacifique et de faire venir un nombre accru d'étudiants d'Asie. Nous avons déjà dressé plusieurs plans d'action.

Le sénateur Carney: Je vous remercie de votre très intéressant exposé. Les sénateurs qui viennent de la côte ouest sont peut-être plus au courant de ce que vous avez accompli et ils ont eu la possibilité de rencontrer vos associés sur place en Indonésie, en Thaïlande et dans d'autres pays pendant leurs déplacements. Je suis très heureuse que les travaux du Sénat nous donnent la chance de mieux faire connaître ce programme national à la grandeur du Canada. Les gens croient trop souvent que les programmes créés en Colombie-Britannique ne visent que la population de cette province. Ils oublient que nous voulons contribuer à l'essor de l'ensemble du pays et que nous y contribuons effectivement.

Je suis heureuse que vous ayez un défenseur aussi compétent en la personne du sénateur Perrault, dont l'appui à votre programme ne s'est jamais démenti.

Je voudrais parler plus précisément des possibilités d'emploi pour les diplômés, le comité sénatorial des affaires étrangères ayant appris que le milieu des affaires canadien est plutôt lent à tirer profit des débouchés qui s'offrent en Asie. Vous avez un excellent programme qui ne manque pas de candidats. Ces derniers effectuent leur stage pratique sur le terrain, mais dans quelle mesure réussissent-ils à rapporter de l'expertise aux entreprises canadiennes?

Je m'interroge au sujet de la capacité des entreprises canadiennes d'exploiter ce réservoir de talents pour promouvoir les intérêts du Canada chez nous et à l'étranger. Pourquoi est-ce si difficile?

M. MacLeod: Nous tentons de résoudre ce problème depuis un certain temps déjà. Il existe deux causes à cette situation. La première est qu'il est étonnamment difficile d'amener les entreprises canadiennes à embaucher nos associés dans le cadre du programme d'alternance travail-études. Beaucoup d'entre eux travaillent pour des entreprises locales en Asie, ce qui est très bien. En quatre années passées auprès d'une grande entreprise thaïlandaise, par exemple, un associé a le temps d'apprendre la culture des affaires de ce pays et de devenir plus efficace.

Deuxièmement, lorsque nos gens sont revenus au Canada, il y a quatre ou cinq ans, nous avons tenu de nombreuses réunions pour trouver une solution à ce problème. Il appert maintenant que par le bouche à oreille, le lobbying de personnes ayant participé au programme, nous connaissions un taux de réussite beaucoup plus élevé. Peu d'entreprises canadiennes font des affaires avec l'Asie.

Nous célébrons cette année notre dixième anniversaire et l'Année de l'Asie du Pacifique au Canada. Nous avons fait faire de la publicité dans six villes canadiennes pour vanter les compétences de nos jeunes gens. Nous choisirons six anciens étudiants qui ont travaillé à Bangkok et à Jakarta et qui savent ce que signifie être Canadien et réussir en Asie et nous les ferons voyager au Canada et rencontrer des jeunes Canadiens. Nous comptons ainsi informer à la fois les jeunes et le milieu des affaires canadien au sujet du programme et de l'avantage d'embaucher ces jeunes qui ont acquis énormément de compétences. C'est un long processus, mais c'est le but que nous nous sommes fixé.

Le sénateur Carney: La difficulté de placer des associés en Asie dans des entreprises canadiennes est-elle liée à notre très faible visibilité en Asie et au très faible nombre d'entreprises canadiennes qui font actuellement des affaires en Asie?

M. MacLeod: Nous avons éprouvé de la difficulté à placer nos gens dans des entreprises canadiennes en raison de nos ressources très limitées. Nous avons besoin de gens qui travaillent en Asie. Nous avons donc dû aller au Canada central, entre autres, pour demander à des entreprises de payer les frais de subsistance de nos associés à Beijing pendant un an, par exemple, ce qui n'était pas très productif. Par contre, il était beaucoup plus facile de placer quelqu'un dans une entreprise asiatique lorsque nous nous rendions en Chine et proposions aux représentants de compagnies chinoises ou malaises les services de jeunes Canadiens issus de nos meilleures universités et ayant participé à notre programme.

On enregistre une diminution sensible. Les banques canadiennes, les plus conservatrices d'entre elles, ne semblent pas être sûres de la manière de faire des affaires avec l'Asie. Elles ont fait des progrès marqués ces dernières années.

Le sénateur Carney: Votre mémoire indique que:

La valeur du marché international des services d'éducation aux étudiants est estimée à 28 milliards de dollars et le Canada est en train de perdre sa part du marché.

Dois-je comprendre que le marché pour ce qui est des étudiants étrangers formés au Canada, en Australie et aux États-Unis a une valeur de 28 milliards par année? Comment arrivez-vous à ce montant astronomique?

M. Lee: J'ai tiré ces chiffres du rapport du Bureau canadien de l'éducation internationale intitulé «Where the Students Are», publié en janvier de cette année.

Le sénateur Carney: Monsieur le président, il serait peut-être utile de nous procurer ce rapport. Je vous félicite des efforts que vous déployez dans ce domaine, au moment où nous enregistrons un taux de chômage élevé chez les jeunes et une forte demande de main-d'oeuvre jeune possédant de nouvelles compétences. Votre programme témoigne des efforts remarquables que vous faites pour offrir aux Canadiens des possibilités d'accroître leurs compétences, d'être concurrentiels dans l'économie mondiale, ce qui constitue, comme le disait M. Saywell, le véritable défi de l'heure, et de contribuer à l'essor de notre pays. Je vous souhaite beaucoup de succès.

M. MacLeod: Ce que je veux dire au sujet de la jeune génération, c'est qu'elle a beaucoup à apporter. Les jeunes nés à la fin des années 60 et au début des années 70 ont un esprit d'entreprise étonnant. Ils ont vécu presque toute leur vie dans un contexte de rationalisation et ils n'attendent rien de personne. Ils reçoivent une bonne formation au Canada et représentent un atout majeur. Il est très positif pour nous et pour le Canada de travailler avec eux.

Le sénateur Forest: J'ai lu dans votre document d'information que le programme a placé 240 associés depuis 1987. Leur nombre a-t-il eu tendance à se stabiliser au fil des ans ou est-ce qu'il va en augmentant? Combien de personnes pouvez-vous accueillir?

M. MacLeod: Au début, nous comptions 25 personnes, mais les compressions budgétaires nous ont forcés à porter ce nombre à 32, ce qui est le maximum possible en vertu de ce modèle. Au-delà de cette limite, l'image de marque du groupe s'en trouve diminuée. Il s'agit d'une moyenne. Si l'on tient compte du groupe de cette année, le nombre passe à 280.

Le sénateur Forest: Je tiens également à vous féliciter pour votre programme. Je constate avec plaisir qu'il faut posséder un baccalauréat pour pouvoir participer à votre programme. Une bonne formation est l'une des meilleures choses qu'on puisse apporter à ce genre d'initiative.

M. MacLeod: La capacité d'apprendre en est la clé.

Le président: Je crois savoir que vous irez à Halifax dans le courant de l'année. Toutefois, je ne vous ai pas entendu parler du berceau de notre pays, l'Île-du-Prince-Édouard. Vous savez sans doute qu'à l'origine nous venions tous de Londres, en Angleterre, à des milliers de milles d'ici. Pendant les 50 premières années de son existence, le Canada faisait ses échanges commerciaux avec l'Europe. Nous n'imaginions pas avoir des échanges commerciaux avec des pays de l'autre côté de l'océan Pacifique. La Colombie-Britannique faisait le négoce des fourrures avec les commerçants des Territoires du Nord-Ouest. Quelques habitants du Nouveau-Brunswick sont allés en Colombie-Britannique, dont un certain Nicholson, qui est devenu lieutenant-gouverneur et un dénommé Wacky Bennett, qui est devenu premier ministre de la province. La Colombie-Britannique a amorcé son développement économique à cette époque. De nous jours, tout ce qui est situé à l'ouest des Rocheuses connaît une croissance extrêmement rapide, en particulier le commerce avec les pays de la région du Pacifique.

Il y aurait sans doute place pour un programme semblable dans les pays hispaniques d'Amérique du Sud et à la grandeur de l'Amérique, en particulier sur la côte est du Canada. Les pays d'Amérique latine vont connaître une croissance remarquable au cours des dix prochaines années.

Le contexte des pays d'Amérique du Sud se prête à l'implantation d'un programme similaire au programme du Collège Capilano, qui forme des jeunes pour les envoyer dans les pays du Pacifique. Qu'en pensez-vous?

M. MacLeod: Nous sommes tout à fait de cet avis. Notre responsable de secteur a saisi l'ACDI d'un projet de programme pour l'Amérique latine calqué sur le modèle asiatique. Nous avons également soumis une proposition au ministère provincial, qui lui a donné son approbation de principe, mais les fonds manquent. Nous devons d'abord franchir ces étapes.

Je peux sans doute répondre à votre question de deux façons. Le moment est effectivement venu d'envoyer des gens en Amérique latine. Dans cinq ans, il sera trop tard. Nous rencontrerions des obstacles insurmontables. Deuxièmement, nous reconnaissons qu'il devrait y avoir des programmes semblables au nôtre ailleurs au Canada. Nous avons travaillé très fort pour en établir un en Ontario, mais ça n'a pas fonctionné. La courbe d'apprentissage est très prononcée dans ce genre de programme.

Le président: Il y a à l'Île-du-Prince-Édouard un petit établissement, le Collège Holland. Vous le connaissez peut-être. Les possibilités de collaboration avec cet établissement sont très intéressantes. Les autorités du collège cherchent à accroître et développer ses activités et elles seraient certainement heureuses d'obtenir de la documentation sur la manière dont le Collège Capilano travaille avec le groupe asiatique. Au lieu d'enseigner le japonais ou le chinois, l'établissement pourrait peut-être enseigner l'espagnol. Je leur parlerai de vous et de votre programme. Il y a cependant un nouveau gouvernement en place dans cette province depuis un mois et je ne suis pas certain du degré de coopération qu'il voudra m'accorder.

Le sénateur Carney: Les autorités accepteront de travailler avec le sénateur Andreychuk et moi.

Le président: Ce serait très bien. L'important est de coopérer. Nous souhaitons assurer la croissance de l'économie de l'Île-du-Prince-Édouard. Comme on dit, «small is beautiful», mais notre économie connaîtrait l'une des croissances les plus rapides au monde si nous réussissions à implanter ce programme. Nous produisons les meilleures pommes de terre, les meilleures huîtres et les meilleurs homards du monde.

Le sénateur Perrault: Ce programme m'enthousiasme. Le moment est venu de l'appliquer et je crois que nous devrions le faire à la grandeur du pays. M. Bob Bagshaw, qui a participé à l'élaboration de cette idée il y a plusieurs années, mérite les remerciements de tout le monde. Ce programme regroupe des personnes de grande qualité.

Le sénateur Carney et moi avons des divergences d'opinion sur certaines questions de principe, mais il n'y a pas de divergences partisanes dans ce cas-ci. Le sénateur a fait la promotion de beaucoup de dossiers lorsqu'elle était ministre. C'est un bon programme.

Monsieur le président, nous sommes très heureux de vous voir sur la côte ouest. Vous nous avez parlé de l'histoire de la Nouvelle-Écosse. Certains de mes ancêtres étaient Acadiens et ils ont bien accueilli les nouveaux venus d'Écosse sur leurs rives.

Ce programme est un heureux mariage d'initiative privée et gouvernementale. C'est ce qu'il nous faut à l'heure actuelle. J'ai rencontré de nombreux participants du programme, non seulement ceux de cette année mais également des jeunes de groupes précédents. Il faut les voir pour se rendre compte de leur enthousiasme. Je crois que les cours qui sont dispensés sont extrêmement exigeants et nécessitent un esprit très compétitif. Les meilleurs ambassadeurs que nous puissions envoyer à l'étranger sont des personnes qui ont subi l'épreuve de l'apprentissage de langues aussi exotiques que celles des pays de la région du Pacifique. Bien entendu, les participants vont dans ces pays pour se faire une carrière, mais ils aident également leur pays. C'est d'ailleurs ce qu'ils veulent faire et ils ont un sens certain de la vocation. Je souhaite que nous puissions étendre le programme ailleurs.

Vous parliez d'exploiter les débouchés en Amérique latine et en Amérique du Sud et c'est une bonne idée. Envisagez-vous d'aller ailleurs également? L'Europe pourrait-elle figurer sur votre liste, ou s'agit-il d'un marché d'un autre genre?

M. Lee: Je ne les laisserai même pas penser à un autre marché tant que celui-ci ne sera pas en place. Il est déjà suffisamment difficile de conserver ceux qu'on a déjà. Nous n'avons pas encore songé à d'autres marchés que ceux d'Amérique latine.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre excellent exposé et du vidéo. Nous demeurerons en communication avec vous.

Les autres témoins sont déjà arrivés. Nous passerons donc au groupe suivant. Merci beaucoup pour l'excellent repas et la visite guidée de l'édifice. Nous sommes très sensibles à l'accueil que vous nous avez réservé. En tant que Canadien de l'Est, je suis très heureux d'être venu voir comment on fait les choses de l'autre côté des Rocheuses.

M. MacLeod: Monsieur le président, avant de partir, je voudrais répondre à la question que posait le sénateur Lavoie-Roux ce matin. Sir Frederick Seymour a été gouverneur de la Colombie-Britannique de 1864 à 1869, mais il s'agissait seulement de la partie continentale.

Le sénateur Perrault: Nous avons dans l'histoire du Canada un politicien très coloré du nom de Amor de Cosmos. Il s'appelait en fait John Smith, mais il ne trouvait pas son nom suffisamment élégant. Il venait de votre coin, sénateur. Le nom qu'il s'est donné signifiait «amant de l'univers». C'est lui qui a délimité le territoire de la province.

Le sénateur Carney: Le gouverneur Seymour n'a pas été impressionné par la Colombie-Britannique. Il aurait même dit que ses habitants étaient déjà tous en prison ou méritaient d'y être.

M. Lee: Une montagne et une rivière portent tout de même son nom.

Le président: Merci beaucoup.

Nous accueillons maintenant Mme Vivian Ayoungman, du Conseil des tribus assujetties au traité no 7, Mme Marie Smallface-Marule, présidente du Collège communautaire de Red Crow et M. Don Fiddler, directeur général du Centre En'owkin.

Mme Vivian Ayoungman, directrice des études sur le traité no 7, Calgary (Alberta): Monsieur le président, honorables sénateurs, je parlerai à partir du document que vous avez déjà en main. Marie Smallface-Marule et Don Fiddler interviendront si j'oublie quelque chose.

Je parlerai brièvement de certains sujets dont nous avons parlé ou traité dans d'autres documents qui ont été envoyés à d'autres politiciens et fonctionnaires. J'en ai une copie, pour ceux qui désireraient la consulter.

Nous parlerons cet après-midi de l'éducation postsecondaire autochtone, plus précisément celui qui est dispensé dans le sud de l'Alberta d'où je suis originaire, mais en tenant également compte de certaines questions qui intéressent d'autres établissements, notamment en Colombie-Britannique. Avant de parler de l'éducation postsecondaire, il serait utile de dresser l'historique de l'éducation autochtone en général.

La chose est très simple. De notre point de vue, cette éducation est inexistante. Nous avons reçu, tout au plus, un simulacre d'éducation ou de formation. En fait, nous avons été endoctrinés. Un de mes collègues trouve que ce mot est un euphémisme compte tenu de ce qu'on nous a fait subir. Le mot endoctrinement suppose l'adhésion à des règles communes aux membres d'une société. L'endoctrinement que nous avons subi équivalait à un lavage de cerveau, c'est-à-dire l'imposition de règles sociales et la destruction des règles préexistantes.

Mon collègue affirme que le mot génocide serait sans doute plus approprié. Certaines des institutions les plus notoirement génocides des peuples autochtones d'Amérique du Nord sont toujours en place. Pour mes collègues, ce sont les écoles. L'histoire des attaques idéologiques de l'éducation contre les Autochtones est aussi dure que l'histoire du sort réservé à nos terres et possessions. Le seul htmect encourageant est que nous ayons survécu en dépit des attentes.

Plusieurs ouvrages ont été écrits sur cette question, notamment «Citizens Plus», dans les années 60, «Wahbung: Our Tomorrows» et «Indian Control of Indian Education». Tous ces écrits témoignent de la détermination des Premières nations de survivre en tant que peuple. Si l'éducation que nous avons reçue était un simulacre d'éducation, l'autorité qu'on nous a accordée était aussi un simulacre d'autorité. Aucune nation, aucun peuple ni aucune communauté ne maîtrise sa destinée lorsqu'une autorité politique extérieure fixe le niveau de financement qui lui est accordé; impose unilatéralement des limites à ce financement; détermine le contenu et la forme de ses programmes d'éducation et assujettit son activité intellectuelle à des normes qui lui sont étrangères.

Lorsque nous avons fait parvenir au ministère des Affaires indiennes les deux documents que nous vous avons distribués, à savoir l'étude sur l'enseignement postsecondaire et l'exposé de principe concernant les programmes d'enseignement postsecondaire, les fonctionnaires nous ont répondu que nous ne pouvions pas parler de ces choses. Comment les gens peuvent-ils progresser s'il leur est impossible de réfléchir aux problèmes qui les assaillent jour après jour? Ces problèmes sont déjà importants aux niveaux d'enseignement primaire et secondaire mais ils se transportent et s'amplifient considérablement dans l'enseignement postsecondaire auquel nous avons été soumis.

Vous avez pour mandat d'examiner les mécanismes de financement, la réorganisation des programmes, la définition des priorités, l'établissement de programmes à la grandeur de la planète et l'implantation du programme actuel en Amérique latine. Toutes ces considérations peuvent s'appliquer aux établissements d'enseignement et aux collèges ordinaires, mais j'espère que vous passerez autant de temps à examiner les problèmes qui se posent dans notre propre cour, au Canada, afin de trouver des moyens d'y améliorer la situation. Notre but est de vous faire comprendre que quoi que les établissements d'enseignement ordinaires aient fait, ils n'ont pas tenu compte de nos communautés, de nos besoins et de nos htmirations.

Kempton a écrit au sujet des questions touchant les femmes qu'il est difficile de combattre un ennemi qui a des avant-postes sur votre propre terrain. Même lorsque les Autochtones ont fait des progrès dans l'accès aux établissements d'enseignement postsecondaire ordinaires, l'enseignement et l'idéologie qui leur ont été imposés ont précisément eu pour effet de maintenir des avant-postes ennemis dans leurs propres rangs.

De nombreuses Premières nations au Canada, autochtones et inuit, demeurent sceptiques au sujet des semblants de réformes qui sont habituellement proposées. Nous prenons les orientations que nous estimons devoir prendre, aussi difficiles et risquées soient-elles. Nous croyons que notre activité et nos priorités influent sur vos propres priorités et activités. Nous sommes heureux de pouvoir parler des questions qui nous préoccupent et de nos divergences d'opinions.

La priorité première du Canada est d'honorer ses obligations. Il existe d'ailleurs un traité à cet égard entre les Premières nations, le Canada et la Couronne britannique. Le droit international et la simple morale obligent le Canada à pourvoir à l'éducation des peuples autochtones et cette obligation ne peut être assujettie à des limites fondées sur l'âge, l'emplacement, la durée de programme, les ressources financières ou quelque autre restriction imposée unilatéralement par des fonctionnaires.

Le droit international et les simples règles de morale imposent également des obligations au Canada à l'égard des peuples autochtones qui ne sont pas explicitement visés par des traités. Nous vous rappelons les documents suivants, que vous connaissez certainement: le Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques, la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies de 1948, le Pacte international de 1976 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Déclaration de 1992 sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, la Convention relative aux droits de l'enfant adoptée par les Nations Unies en 1989 et le projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 1995, qui étendent aux autres peuples autochtones du Canada les obligations du Canada envers les Premières nations visées par des traités.

Deuxièmement, le Canada doit cesser d'invoquer de faux prétextes économiques. Depuis que les peuples autochtones tentent de prendre en main leur propre éducation, on leur a fait croire que les réformes qu'ils demandent coûtent trop cher ou ne peuvent faire l'objet d'engagements pluriannuels. Même en période de prospérité, on nous a fréquemment servi cette réponse lorsque nous soumettions des projets. Nous savons que des fonds qui étaient destinés à l'éducation autochtone se sont retrouvés dans les établissements d'enseignement ordinaires et que des établissements d'enseignement primaire, secondaire et postsecondaire ont profité de cet argent mêmes lorsqu'ils poursuivaient des objectifs incompatibles avec les objectifs et htmirations des Premières nations, des Inuit et des autres peuples autochtones.

On a dépensé de l'argent pour nous, mais ce n'était jamais nous qui le dépensions. L'argument voulant qu'il n'y ait pas d'argent ne tient tout simplement pas. Les faits prouvent que le Canada n'a pas tenu ses obligations financières envers les Premières nations. Le gouvernement met des fonds à la disposition des systèmes, établissements et programmes d'enseignement ordinaires, mais refuse d'accorder l'équivalent aux Premières nations. Selon nous, le problème ne tient pas à la disponibilité des fonds, mais à la façon de les dépenser. Il sera probablement moins coûteux de réparer les torts qui nous ont été causés que de continuer de faire de l'argent en nous exploitant.

Troisièmement, nous entendons mener à terme nos projets concernant l'éducation autochtone. La réforme interne n'est assujettie à aucun délai de prescription. Après avoir négligé leurs obligations pendant plus de 100 ans, le Canada et ses établissements d'enseignement postsecondaire n'ont plus l'autorité morale pour venir nous dire qu'ils entendent tenir leurs obligations tôt ou tard.

En Alberta, en Colombie-Britannique et au Manitoba, les Premières nations ont entrepris des démarches en vue d'élaborer des stratégies d'éducation postsecondaire qui répondent à leurs besoins. Nous avons distribué à l'état d'ébauches le mandat, les méthodes de fonctionnement et les principes organisationnels d'un organisme qui agréera les programmes et établissements d'enseignement. Nous sommes conscients que l'agrément et l'attestation sont d'abord et avant tout des processus politiques qui ont été utilisés au Canada pour priver les Autochtones de leur crédibilité et de leur dignité intellectuelle. Ce n'est plus acceptable et nous prenons des mesures pour imposer nos propres normes.

Nous collaborons de plus en plus à la création d'un institut électronique sans murs, une «multiversité» du monde autochtone. Les préjugés tenaces concernant ce que les Autochtones sont capables ou incapables de réaliser ont ralenti la progression de cette entreprise. Pourtant, ce qui n'est qu'un rêve creux pour certains est en train de devenir une réalité pour nous. Les appareils bureaucratiques ont tenté de nous subtiliser l'idée ces derniers mois. Ils n'ont pas pris au sérieux notre projet d'institut sans murs des Premières nations. Le gouvernement fédéral n'y a même pas répondu. Le ministre Irwin a déclaré que les libéraux avaient déjà prévu, dans leur livre rouge, de créer un «institut d'enseignement à distance pour les Autochtones». On ne nous a cependant pas consultés pour connaître nos opinions et, notamment, notre propre conception de cette idée et de la manière de la concrétiser.

Les préjugés tenaces dont je viens de parler sont présents non seulement chez les non-Autochtones mais ils se manifestent également trop fréquemment chez les Autochtones eux-mêmes, parce que ces derniers ont toujours vécu en colonisés dans la société canadienne. Quel que soit le système d'éducation que nous choisirons d'édifier, nous le voulons tel qu'il sera «parce que c'est la bonne façon de faire» et non pas parce que nous aurons été incapables de voir les limites d'un cadre de référence adopté par défaut.

À cette fin, nous avons appliqué, au mieux de notre compétence, une analyse critique dans toutes nos enquêtes et auprès de tous les nôtres, comme en témoignent les documents que nous avons produits et les orientations que nous avons prises. Nous faisons ces choses et plus encore pour nous-mêmes.

Nous ne vivons plus à l'époque où les mesures symboliques suffisaient, si jamais elles ont été justifiées; où les éducateurs autochtones devaient se contenter de suivre les directives des éducateurs et fonctionnaires non autochtones; où nous nous contentions de faire des suggestions et de donner des conseils à des personnes qui prenaient les décisions et pouvaient écarter nos recommandations.

Le Canada doit s'engager à long terme. Mis à part l'insistance des fonctionnaires non autochtones à superviser notre travail, nous avons jugé particulièrement blessante, au cours de nos délibérations sur l'enseignement postsecondaire, l'imposition de délais déraisonnables. En plus d'essayer d'imposer un programme d'équité néoconservatrice dans le cadre d'un examen national des programmes d'enseignement postsecondaire des Premières nations, le gouvernement fédéral tente constamment de nous imposer des calendriers d'exécution qui nous empêcheront d'accorder à la question toute l'attention qu'elle mérite.

Dans ces documents, nous parlons de la nécessité de procéder à un examen approfondi de la situation de l'enseignement postsecondaire chez nos Premières nations. Le gouvernement vient tout juste de commencer à le faire, mais le programme qu'il s'est fixé est très limité.

Qu'il s'agisse des travaux en cours, ou de ceux que nous envisageons d'entreprendre prochainement, il est impossible de dire exactement quand ils seront achevés. En ce qui concerne les Premières nations et les établissements d'enseignement postsecondaire existants, les changements, le temps venu, ne se feront de façon ni précipitée, ni sporadique. Pragmatiquement, cela veut dire que le Canada doit accepter la nécessité de s'attaquer aux besoins existants tout en étudiant de nouvelles orientations. Nos programmes d'enseignement postsecondaire ainsi que nos programmes de formation permanente et de formation professionnelle des adultes ne sont même pas reconnus par le gouvernement et ne bénéficient d'aucun financement de base. Il faut mettre fin au sous-financement et au financement ponctuel, année par année, projet par projet, de ces programmes pour leur assurer un financement stable. Il faut remédier à l'équipement désuet, aux installations archaïques, au manque de personnel et à l'insuffisance des ressources universitaires. Il faut assurer aux étudiants qui fréquentent des établissements d'enseignement canadiens ordinaires et des établissements d'enseignement s'adressant aux Premières nations des programmes d'orientation, d'aide, de transport, de bourses, de garderie et autres.

Il faut que le Canada se ressaisisse. La discrimination, l'oppression et la négligence dont sont victimes les peuples des Premières nations se voient dans les systèmes d'éducation, dans les relations interraciales, dans les taux de chômage et dans les négociations relatives aux traités. Même dans cette enquête, il semble que l'attention accordée aux Premières nations soit une idée symbolique venue après coup. La solution doit être radicale. Écoutez les solutions que proposent les Premières nations et facilitez-en la mise en oeuvre.

Le refus souvent avoué des Canadiens d'assumer une plus grande responsabilité financière à l'égard des Premières nations, des Inuit et des groupes autochtones témoigne d'une ignorance crasse. Il semble que votre rôle soit de faire savoir aux membres de la société quelles sont, en tant que membres d'une communauté mondiale, leurs obligations et leurs responsabilités à notre égard en vertu des traités, et de leur faire entendre que le statu quo non seulement coûte énormément d'argent, mais qu'en plus, il empêche les gens des Premières nations qui ont reçu une instruction et ont un emploi rémunéré de produire des recettes encore plus élevées.

Pour terminer, dire que le monde change est un cliché. Nous ne voulons pas passer de l'état de non-entités marginales que nous sommes à celui de rouage d'une machine contrôlée par quelqu'un d'autre. Notre peuple estime en général que l'éducation est indispensable pour éviter de tomber dans ce piège. Nous sommes prêts à poursuivre nos efforts dans le cadre des paramètres décrits. Jusqu'à ce que nos objectifs précis soient atteints, les changements et les améliorations jugés essentiels sont notamment:

1. Un financement permanent et stable des établissements d'enseignement postsecondaire chez les Premières nations.

2. Un financement permanent et stable de nos étudiants et de nos programmes de formation permanente et de formation professionnelle.

3. Une aide pour la mise au point, par les Autochtones, d'un réseau communautaire d'enseignement postsecondaire électronique.

4. Une aide pour une enquête, par les Autochtones, sur la théorie et la pratique de l'enseignement postsecondaire.

5. La suppression du plafonnement du Programme de soutien aux étudiants du niveau postsecondaire.

6. Un financement adéquat pour la direction des études, le transport, les garderies, la logistique, le matériel et les fournitures requises pour les adultes et les étudiants du niveau postsecondaire inscrits à des programmes universitaires, de formation permanente et de formation professionnelle.

7. L'élaboration de programmes d'enseignement aux adultes, d'enseignement spécialisé, d'enseignement des langues, de la civilisation, de la culture et des arts de la scène.

8. L'injection de capitaux pour les installations, l'équipement, et des services de bibliothèque et de laboratoire, ainsi que pour l'entretien des lieux, des installations et du matériel pour les programmes d'enseignement postsecondaire destinés aux adultes.

9. Une aide financière pour étendre et renforcer l'initiative en cours en Alberta, en Colombie-Britannique et au Manitoba, et

10. Une aide pour la mise au point de programmes d'éducation autochtones qui reflètent les valeurs et les préoccupations communautaires, y compris les programmes, la pédagogie et l'agrément.

Ce qui précède n'est pas trop demander quand on considère que ce n'est pas plus que ce que promettaient les accords mutuels que nous avions à l'origine, plus les ajustements à faire parce que les accords en question n'ont pas été respectés.

Cette audience consiste à examiner l'état déplorable de l'enseignement postsecondaire au Canada. Étant donné que nous n'avons pas été traités de façon équitable et que nous n'avons pas reçu des ressources suffisantes pour nos programmes, nous n'avons pas besoin d'expliquer davantage ce qu'est la situation pour les établissements d'enseignement et les étudiants des Premières nations.

Le sénateur Andreychuk: Merci pour votre présentation. Vous avez abordé les questions qui vous préoccupent, en particulier l'éducation. Vous semblez dire que tous les Canadiens qui ont réfléchi à nos relations avec les Autochtones estiment que l'on ne peut plus se contenter du statu quo. D'une certaine manière, nous devons nous attaquer à cette question, et je veux revenir là-dessus. Je suis contente que vous ayez ajouté vos commentaires à ce sujet.

Dans votre mémoire, vous dites, à la page 8, à la rubrique: «Position 5: Canada, Heal Thyself»:

Il semble que l'attention accordée aux Premières nations soit une idée symbolique venue après coup.

Je vous laisserai le soin de décider si elle est ou non symbolique une fois que nous aurons terminé. Permettez que je vous dise comment les choses se sont passées.

Nous avons estimé qu'une étude était nécessaire. Notre travail consiste souvent à faire des études, à sensibiliser la population à des questions particulières et à encourager la réflexion et la recherche. Sous la direction du sénateur Bonnell et des personnes réunies autour de cette table, le sénateur Forest a tenu un excellent discours à l'appui de la nécessité d'une telle étude. Nous nous sommes immédiatement heurtés au fait que l'éducation relève de la compétence provinciale. Quand nous avons décidé qu'une étude était nécessaire, et ce au niveau fédéral, nous avons immédiatement pensé à l'enseignement autochtone. Il ne s'agit nullement d'une idée qui nous est venue après coup. C'est la première chose à laquelle nous avons pensé et dont nous avons convenu que cette question nécessitait une étude d'un point de vue national. La tâche n'a pas été aussi facile pour les autres domaines que nous avons identifiés, à l'exception peut-être de la recherche et du développement.

Je vous laisserai le soin de nous évaluer par la suite, mais je puis vous assurer que nous examinons vos besoins d'un point de vue fédéral.

J'aimerais que vous m'expliquiez deux choses. Vous avez fait remarquer que vous aviez entrepris une étude avec la Colombie-Britannique, l'Alberta et le Manitoba. Je voudrais savoir pourquoi seulement trois provinces, au lieu des dix provinces et des territoires, et en tenant compte du fait que le Québec est peut-être spécial parce que la langue est différente? J'aimerais que vous nous expliquiez.

La Commission royale a fait une étude exhaustive, que j'examine page par page et paragraphe par paragraphe, qui donne beaucoup d'informations aux Canadiens sur la façon dont nous devons sans attendre revoir tous les htmects de cette question, y compris les droits fonciers.

Vous avez fait dix recommandations. Avez-vous vérifié si vos recommandations correspondaient à celles de la Commission royale sur l'éducation, ce qui nous serait très utile?

Croyez-vous qu'il soit nécessaire de tenir une conférence avec tous les éducateurs chargés au Canada de l'enseignement postsecondaire aux Autochtones pour essayer d'arriver à un consensus?

L'une des choses que nous constatons lorsque nous avons affaire aux éducateurs est que chacun d'entre eux semble unique. C'est vrai non seulement pour les non-Autochtones, mais aussi au niveau international. Il serait intéressant de voir si vous partagez les mêmes vues sur l'enseignement postsecondaire aux Autochtones dans tout le Canada ou si votre secteur présente aussi un caractère unique.

Mme Ayoungman: Si vous le voulez bien, je répondrai à la première question, et mes collègues répondront aux autres car je sais combien la question de l'agrément leur tient à coeur.

Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à comparaître. Nous avions entendu parler de ces audiences et nous savions que nous n'y serions pas invités. Nous avons donc pris l'initiative d'écrire, et avons immédiatement été invités à comparaître, ce qui m'a agréablement surprise.

Pour ce qui est de l'étude et de l'agrément dont nous parlons, il y a longtemps que les établissements d'enseignement des Premières nations réfléchissent à cette question. Quand on y réfléchit, n'est-il pas ridicule pour une personne d'agréer une langue autochtone ou des Premières nations quand cette personne ne sait rien de cette langue? Je fais référence à l'agrément ordinaire. Quand vous parlez d'études autochtones, d'études des Premières nations, de nos perspectives et de nos points de vue sur le monde, qui est le mieux placé pour évaluer et agréer les compétences?

Nous devons avoir une approche dynamique lorsque nous examinons notre formation scolaire, nos travaux de cours et nos langues. Les spécialistes de ces questions sont les mieux placés pour les agréer.

Nous avons entamé des discussions. Dans la zone du traité no 7, qui comprend toutes les Premières nations de la région du sud de l'Alberta, nous avons parlé de cette question et avons invité tous les établissements de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba dont nous savions qu'ils avaient des programmes d'enseignement secondaire destinés aux Premières nations à venir en discuter. Des gens sont venus de partout et nous avons eu des discussions.

Ces discussions se sont poursuivies, et au départ, nous avons appelé ce qui a commencé à ressortir de ces entretiens le «Conseil d'agrément des Premières nations de l'Ouest». Puis nous avons décidé que la mention «de l'Ouest» était trop restrictive. Nous avons étendu les discussions à tout groupe qui souhaitait y participer. N'importe quel groupe des Premières nations au Canada a toutes possibilités de participer au travail que nous faisons.

À l'heure qu'il est, les établissements qui prennent une part active aux discussions sont principalement ceux de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et du Manitoba. Ceux de la Saskatchewan se contentent d'observer.

M. Fiddler a peut-être des remarques à ajouter à ce sujet.

M. D. Fiddler, directeur général, Centre En'owkin, Penticton (Colombie-Britannique): Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation. Je suis très heureux de me trouver ici.

Les problèmes auxquels nous nous heurtons en matière d'agrément sont de sérieux problèmes, qui concernent essentiellement la question de savoir qui est le mieux placé pour déterminer si ce que nous faisons sur le plan de l'éducation est valable ou non. C'est un processus politique qui a été entrepris au fil des ans par quiconque contrôle ce club exclusif qu'est le monde de l'enseignement postsecondaire, où qu'il soit en Amérique du Nord.

L'agrément est un mécanisme auquel ont recours les collèges, les gouvernements et les directeurs de programmes pour refuser l'accès à ce groupe exclusif. Pendant trop longtemps en Amérique du Nord, nous avons dû nous adresser à des tiers pour faire valider des programmes que nous sommes les mieux placés pour gérer.

Ce qui est arrivé dans l'industrie de l'éducation au Canada, c'est que l'éducation autochtone est devenue une industrie de croissance. Comme les gouvernements ont réagi aux divers mémoires que nous leur avons présentés au fil des ans, les universités et les collèges réagissent aussi. Ils ne réagissent pas parce qu'ils veulent mettre au point un programme éducatif global important pour nos peuples, mais parce que les fonds sont disponibles et que leurs bureaucraties prennent de l'expansion.

Au fil des ans, nous, peuples autochtones, avons dû racheter les informations disponibles à notre sujet au travers des programmes d'anthropologie, de sociologie et de psychologie qui existent dans les universités et collègues. Quand nous avons commencé à nous rendre compte de tout ce que nous avions à offrir, nous nous sommes également rendu compte que nous avions l'expertise nécessaire au sein de nos propres collectivités. Quand nous avons commencé à offrir ces programmes, on nous a souvent dit que ce que nous faisions n'était pas valable. Quand nous avons demandé pourquoi ce n'était pas valable, on nous a répondu que cela n'avait pas été autorisé par le collège local, par un groupe de deux ou trois professeurs d'université.

Ce que nous voulons dire lorsque nous parlons d'agrément, c'est que nous avons l'expertise nécessaire. Partout en Amérique du Nord, il y a dans les collectivités autochtones des personnes qui ont étudié dans des universités ordinaires et qui ont reconnu que si nous voulions avoir une éducation autochtone, nous devions adopter un système radicalement différent. Nous ne parlons pas d'éducation parallèle. Nous parlons de la liberté de mettre au point un système propre à nos peuples et dont l'orientation peut être très différente de ce qu'on appelle couramment l'éducation.

Nous voulons cette liberté. Nous ne pourrons l'avoir que lorsque les Autochtones, les Anciens, les peuples qui parlent les langues autochtones, les membres de la communauté autochtone, pourront ensemble valider le travail que nous faisons, indépendamment des autres groupes politiques. Nous avons la capacité de le faire, tout ce dont nous avons besoin, c'est du financement. Il y a actuellement des gens qui ne peuvent recevoir une formation linguistique dans nos propres établissements, tout simplement parce que les cours n'ont pas été validés par un collège communautaire quelconque, qu'ils ne bénéficient pas de transferts de crédits, et que le financement par le ministère des Finances n'est accordé que pour les établissements agréés.

L'agrément de notre culture et de nos langues par des gens de l'extérieur est une chose que nous ne devons plus tolérer, et c'est ce dont traite cette présentation. Tant que nous n'aurons pas pris le contrôle et la direction de notre éducation, le système d'éducation n'assurera pas la promotion de nos valeurs. Ce sera toujours un système étranger.

Mme Marie Smallface-Marule, présidente, Collège communautaire de Red Crow, nation kamai, Stand Off (Alberta): Monsieur le président, je voudrais souligner deux choses qu'a abordées Mme Ayoungman. La première concerne l'agrément des établissements d'enseignement autochtones.

Le Collège communautaire de Red Crow a été créé par le gouvernement tribal des Premières nations. Nous ne sommes pas un établissement d'enseignement privé, nous sommes un établissement d'enseignement public.

Ce genre d'établissement n'est reconnu nulle part. La province voit à l'agrément des établissements d'enseignement privé et des établissements d'enseignement public. Il n'existe aucune disposition reconnaissant les établissements d'enseignement autochtones en Alberta. Certains progrès ont été faits en Colombie-Britannique où les établissements d'enseignement autochtones sont maintenant reconnus comme des établissements d'enseignement public appartenant aux Premières nations.

Nous aimerions que le gouvernement fédéral prévoie une disposition comme celle qui existe aux États-Unis, où la loi fédérale reconnaît les collèges sous contrôle tribal. Les Américains ont conçu un système fédéral pour assurer les ressources nécessaires aux collèges sous contrôle tribal aux États-unis, lesquels sont aujourd'hui au nombre de 30, dont deux délivrent des diplômes. Les autres sont des établissements similaires aux collèges communautaires, qui proposent des programmes d'études de deux ans.

Nous n'avons aucune disposition équivalente au Canada. Nous n'avons pas de ressources pour les collèges des Premières nations. Nous prenons à Pierre pour donner à Paul.

Au Collège communautaire de Red Crow, nous administrons le programme d'aide aux étudiants de niveau postsecondaire de la tribu des Gens-du-Sang. Cinq millions de dollars passent ainsi entre nos mains pour sortir immédiatement de la communauté par l'entremise des étudiants qui vont faire des études à l'Université de Lethbridge, au collège communautaire de Lethbridge, à l'Université de Calgary et au Mount Royal College. Ces allocations pour la formation, les allocations familiales, ou les crédits d'impôt pour enfants, et toutes les autres formes d'aide financière accessibles vont aux collectivités qui abritent des établissements d'enseignement fréquentés par les étudiants de notre communauté. Ces fonds ne restent pas dans la collectivité; ils ne servent ni à la création d'emplois, ni à la formation et au perfectionnement des gens de notre communauté. Pas un seul sou n'est dépensé dans notre communauté, c'est une fuite d'argent incroyable.

Pourtant, il n'y a pas assez de fonds pour satisfaire aux besoins de notre communauté en matière d'éducation. Notre collectivité est en superficie la plus vaste au Canada et abrite la troisième population autochtone du Canada par ordre d'importance. Notre communauté compte maintenant 8 000 membres. Contrairement à beaucoup de communautés des Premières nations, qui voient leurs membres partir, les membres de notre communauté ne partent pas. Moins de 15 p. 100 des membres de notre communauté s'en vont. Cependant, nous avons un taux de chômage de 60 p. 100 quand on considère les emplois rémunérateurs à plein temps.

Toute autre communauté connaîtrait d'incroyables perturbations et un soulèvement. S'il n'y a pas de chaos dans la nôtre, c'est parce que nous préservons notre langue, notre culture et nos systèmes sociaux. Cependant, nous allons commencer à avoir des problèmes parce que la jeune génération ne fréquente pas assez les gens de leur propre culture et de leur propre langue. Les jeunes abandonnent l'école parce que l'enseignement qu'ils reçoivent a pour effet de les aliéner et de les marginaliser, non seulement par rapport à leur communauté, mais aussi par rapport à la société en général. Mécontents, frustrés et en colère, ils s'en prennent aux collectivités voisines de notre réserve.

Cela m'inquiète car les Autochtones constituent déjà 75 p. 100 des détenus dans les prisons de l'Alberta. Songez à tout ce ghtmillage d'argent. Pourquoi sont-ils là? Principalement parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer les amendes qu'on leur inflige. À cause de la pauvreté.

Tous les changements apportés aux services fédéraux et provinciaux et la disparition du filet de protection sociale auront un impact incroyable si nous ne pouvons pas éduquer nos jeunes, non pas seulement les former, les endoctriner, mais les éduquer et leur inculquer un sens profond de leur valeur en tant que membres des Premières nations. C'est la seule façon d'éviter ce qui risque de se produire.

En Alberta, les éducateurs estiment que bientôt, plus de 25 p. 100 des étudiants dans les écoles seront des Autochtones. C'est une réalité. Les étudiants ne restent pas dans ces écoles. Sur la réserve des Gens-du-Sang, sur 3 000 enfants d'âge scolaire, 1 200 fréquentent nos écoles. Nous avons deux écoles élémentaires, une école intermédiaire et une école secondaire. Nous assumons les frais de scolarité de 800 jeunes afin qu'ils puissent aller dans des écoles provinciales à Fort Macleod, Cardston et Lethbridge. Nous ne payons pas ceux d'un certain nombre d'étudiants dont les parents vivent en dehors de la réserve et dont les frais de scolarité sont couverts par les impôts.

Selon mes recherches, 50 p. 100 des jeunes âgés de 17 à 21 ans qui ont abandonné l'école sont au chômage et n'ont aucune formation. Le Collège de Red Crow a essayé d'attirer ces jeunes pour leur permettre d'achever leurs études. Ils seraient dans des classes avec des étudiants adultes. Nous avons inclus dans notre programme la langue et les études Pieds-Noirs qui font partie des cours obligatoires. Au départ, ils ont opposé une certaine résistance en raison de l'internalisation du racisme dont ils avaient été victimes. Cependant, après qu'ils eurent suivi les cours, on a pu noter chez eux un changement fondamental d'attitude à leur propre égard et à l'égard de l'apprentissage. C'est le genre de choses dont nous parlons.

Nos établissements connaissent un succès qui n'existe nulle part ailleurs.

Devant ce succès phénoménal, la plupart des anciens employés du CDIC à Lethbridge voulaient que nous participions au perfectionnement des étudiants autochtones de cette ville. Nous avons un taux de succès supérieur à 60 p. 100. Dans les autres établissements de Lethbridge, il est de 5 p. 100 en ce qui concerne les étudiants autochtones. Ce que vous devez comprendre, c'est que nous devons avoir nos propres institutions.

Vous nous avez posé une question au sujet du rapport de la Commission royale. Nous sommes extrêmement déçus du fait que ce rapport ne reconnaît pas l'importance des programmes et établissements des Premières nations. Il perpétue l'idée que les établissements ordinaires sont en quelque sorte le meilleur endroit où mettre au point un programme et des cours. C'est tout simplement faux.

J'ai travaillé pendant treize ans et demi au Department of Native American Studies de l'Université de Lethbridge. On ne parlait d'élaborer des programmes et des cours que pour la forme. Il est remarquable qu'ils nous revendent à présent les cours que j'ai mis au point. Ce qu'il y a d'ironique, c'est que les cours que j'ai conçus et mis au point à l'Université de Lethbridge soient maintenant enseignés au Collège de Red Crow.

Mme Ayoungman: Votre question portait sur l'opportunité d'une conférence.

Le sénateur Andreychuk: Peut-être puis-je la formuler de façon un peu différente pour écourter le débat et donner à d'autres sénateurs la possibilité d'intervenir. Au début de ma carrière, j'étais présidente de l'Université de Regina. En tant que telle, j'ai eu à traiter des questions d'organisation et d'agrément. Y a-t-il moyen pour la communauté des Premières nations de s'entendre sur cette question?

M. Fiddler: Les spécialistes autochtones, non seulement au Canada mais aussi en Amérique du Nord, sont en grande partie arrivés à un consensus relativement à un tas de questions dont nous avons traité aujourd'hui. Je ne pense pas qu'il soit possible aux personnes qui jouent un rôle dans l'éducation autochtone d'arriver à un consensus, car elles ne représentent qu'un petit pourcentage d'Autochtones. Étant donné l'industrie de croissance que représente l'éducation autochtone, la plupart des gens qui enseignent dans ce domaine dans les collèges et universités au Canada ne sont pas autochtones. Ils sont dans une grande mesure ceux qui contrôlent l'orientation et l'étendue des programmes dans les différents collèges et universités.

Notre position est que nous pouvons arriver à un consensus entre nous parce que nous décelons chez nos propres spécialistes qui travaillent dans les établissements ordinaires le même mécontentement à l'égard de la situation que chez ceux d'entre nous qui travaillons dans des établissements autochtones.

La proposition de tenir une réunion des spécialistes autochtones, pas seulement du Canada mais de toute l'Amérique du Nord, voire du monde entier, ferait très vite l'objet d'un consensus favorable.

Le sénateur Lavoie-Roux: À la page 7 de votre mémoire, vous dites:

Par exemple, en plus d'essayer d'imposer un programme d'«équité» néoconservatrice dans le cadre d'un examen national des programmes d'enseignement postsecondaire des Premières nations, le gouvernement fédéral tente constamment de nous imposer des calendriers d'exécution qui nous empêcheront d'accorder à la question toute l'attention qu'elle mérite.

Un groupe a-t-il été constitué pour faire cette étude nationale du système d'enseignement postsecondaire des Premières nations?

Mme Ayoungman: Le processus a commencé il y a environ un an par l'intermédiaire du Conseil national indien de l'éducation de l'AFN, dont je suis membre. Les membres du Conseil qui représentent l'Alberta ont dit qu'ils participeraient à cette étude parce que c'est une chose qu'ils préconisent depuis longtemps.

Quand nous avons pris connaissance du mandat, il nous est apparu qu'il s'agissait d'un petit calcul rapide en vue de déterminer comment réaffecter les ressources. Nous avons estimé que ce serait un exercice inutile, qui ne nous apporterait rien, que ce serait une perte de temps et d'argent. Participer à une étude du genre ne nous intéressait pas. Nous voulions une étude plus détaillée, avec un vrai plan de travail.

Nous avons commencé à redéfinir le mandat qui devenait sans cesse plus étroit. Je dois assister la semaine prochaine à une réunion à Ottawa pour essayer d'étendre la portée de l'étude. À l'heure actuelle, elle est très limitée.

Le sénateur Lavoie-Roux: Le comité compte-t-il parmi ses membres des représentants de la communauté autochtone?

Mme Ayoungman: Oui, il comprend des représentants des Premières nations, mais les bureaucrates fédéraux n'arrêtent pas de limiter la portée de l'étude.

Le sénateur Lavoie-Roux: La situation de l'éducation dans la communauté autochtone du Canada n'est pas très satisfaisante. La description que vous nous en avez faite se limite-t-elle à l'Alberta, au Manitoba, à la Colombie-Britannique et à la Saskatchewan, ou bien vaut-elle pour tout le Canada?

Mme Ayoungman: Nous nous concentrons sur l'Alberta, mais les mêmes problèmes existent dans d'autres régions.

Le sénateur Lavoie-Roux: Les Inuit et les Cris du Québec ont maintenant leurs propres commissions scolaires. Aux niveaux primaire et secondaire, ils ont leurs propres programmes; ce sont eux qui décident des priorités. Je ne peux pas parler de la situation au niveau postsecondaire qui, je crois, est la même pour tout le monde.

Mme Ayoungman: Dans la majorité des cas, le contrôle dont nous parlons fait en principe référence à l'administration des programmes existants, à l'administration des systèmes provinciaux. Il n'existe aucune disposition adéquate pour nous permettre de réfléchir aux cours et aux programmes dont nous avons besoin dans notre système ou de les concevoir. Nous parlons là d'un profond remaniement.

Le sénateur Lavoie-Roux: Parlez-vous de l'éducation au niveau postsecondaire ou à tous les niveaux?

Mme Ayoungman: À tous les niveaux.

Le sénateur Lavoie-Roux: Mais je ne pense pas que la situation soit la même dans toutes les provinces.

Mme Ayoungman: Elle est très similaire. Ce qu'on appelle contrôle n'en est pas vraiment un; il s'agit d'administrer un programme extérieur.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est une question que nous devrons soigneusement examiner. Cette question n'est pas simple, mais elle est très importante.

Le sénateur Forest: Comme le sénateur Andreychuk l'a dit, ce n'est pas une idée après coup. Nous savons que l'éducation des peuples des Premières nations relève de la compétence fédérale et c'est le seul endroit où nous avons un certain contrôle.

Vous soulevez un très bon point lorsque vous dites que nous devons examiner ce qui se passe chez nous. J'ai enseigné au primaire, au secondaire et au postsecondaire et je sais que c'est une véritable pagaille. Nous n'avons pas satisfait aux besoins des gens. Je voudrais féliciter tous ceux de vous qui avez survécu. Vous avancez en dépit du système et non grâce à lui. Beaucoup de spécialistes autochtones se voient certes accorder aujourd'hui la place qui leur revient.

Ma question est très précise. Vous avez mentionné que le ministre Irwin avait annoncé en novembre 1996 le lancement d'un projet concernant la création d'un institut des Premières nations pour l'utilisation de l'électronique aux fins de l'éducation. Est-il ressorti quelque chose de ce projet?

Mme Ayoungman: En décembre, il y a eu une réunion du Conseil national indien de l'éducation et nous avons expressément demandé au ministère des Affaires indiennes de nous dire où en était ce projet. Nous voulions savoir à quel stade il en était rendu de façon à déterminer si les travaux entrepris dans le cadre de ce projet s'inséraient dans nos travaux. Le ministère a promis de nous tenir au courant. Nous attendons encore une réponse.

Je dois assister à une réunion la semaine prochaine et j'espère alors avoir une réponse à certaines questions. Encore une fois, il semble qu'au lieu que ce soit nous qui concevions les choses, quelqu'un d'autre le fait à notre place. Nous avons beaucoup d'excellentes idées et nous avons fait des suggestions. Nous ne voulons pas qu'on nous enlève une responsabilité pour la confier à d'autres qui concevraient à notre place le système qu'ils estiment le meilleur.

Le sénateur Forest: Il serait utile que soyons fixés avant la rédaction du rapport.

Mme Ayoungman: J'ai deux exemplaires de documents qui donnent un tas de détails sur les problèmes que nous avons abordés. Je les laisserai au comité.

Le sénateur Perrault: Il y a des années, j'ai été désigné membre honoraire des Squawmish parce que je les avais aidés dans un de leurs projets et que j'étais un ami personnel de Dan George. Nous étions de bons amis. Je crois que nous avons fait beaucoup de chemin. Il en reste encore beaucoup à faire. Il y a eu d'énormes progrès. Dans la province de la Colombie-Britannique, des personnes d'origine autochtone sont maintenant juges, occupent des professions libérales et sont dans les affaires. Nous faisons des progrès. Beaucoup de membres du grand public commencent maintenant à comprendre les problèmes des gens de votre communauté et de communautés comme la vôtre dans tout le pays.

Un comité, présidé par le sénateur Andreychuk, a fait une recommandation quand nous avons appris, à notre grande stupéfaction, les problèmes auxquels faisaient face les anciens combattants indiens et la façon déplorable dont ils avaient été traités. Nous avons fait quelque chose pour les aider. Les descendants de ces anciens combattants disposent maintenant d'un fonds de bourses d'études. Ce n'est pas grand-chose, ça a pris du temps, mais nous faisons des progrès. J'aimerais bien que nous ayons beaucoup plus de temps.

Dans votre mémoire, vous dites que l'une des mesures essentielles est la suivante:

[...] Une aide pour la mise au point, par les Autochtones, d'un réseau communautaire d'enseignement postsecondaire électronique.

C'est une bonne idée. À l'heure actuelle, la présence autochtone sur Internet est excellente. Tous ne l'ont pas vu. À mon avis, c'est formidable. J'ai dit aux Squawmish qu'ils devraient avoir une présence sur le réseau, ainsi que toutes les autres bandes autochtones de ce pays. C'est nécessaire car 50 millions de gens l'utilisent. C'est un excellent moyen d'éduquer les gens.

Vous voulez un réseau d'enseignement postsecondaire électronique. Envisagez-vous d'assurer par ce moyen des cours complets au niveau élémentaire ou au niveau universitaire?

Mme Ayoungman: Une des choses que nous envisageons dans l'immédiat est par exemple, en supposant que Marie Marule veuille donner des cours à des étudiants dans d'autres établissements au Canada, de lui permettre -- comme elle ne peut se trouver dans 10 collectivités à la fois -- de donner, à partir de l'établissement où elle enseigne, des cours que les étudiants d'autres établissements pourraient suivre sur Internet.

Le sénateur Perrault: Sommes-nous en train de parler d'enseignement à distance?

Mme Ayoungman: Sur Internet.

Le sénateur Perrault: C'est une excellente idée, qui est d'autant plus valable s'il peut y avoir interaction entre le professeur et les étudiants, ce qui est maintenant possible.

Mme Ayoungman: Je viens du Conseil des tribus assujetties au Traité no 7, et notre bureau offre des services Internet complets. Nous avons réussi à le faire sans l'aide de qui que ce soit, car pour vous dire la vérité, beaucoup de gens nous ont mis des bâtons dans les roues quand nous avons fait part de notre intention de devenir un fournisseur de service Internet. Des gens nous ont dit que les Premières nations ne pouvaient être des fournisseurs de service Internet, ce à quoi nous avons rétorqué qu'à notre connaissance, aucune loi ne nous en empêchait. Et nous l'avons fait. Nous avons réussi.

Le sénateur Perrault: Qu'y aurait-il d'illégal à cela?

Mme Ayoungman: Si vous voulez visiter notre site, l'adresse est www.treaty7.org.

Le sénateur Perrault: C'est un bon moyen d'éduquer le grand public. Cela pourrait être une percée dans le domaine des communications.

Mme Ayoungman: Nous avons l'intention de tenir des conférences sur Internet où nous nous adresserions tous les trois aux gens du monde entier. Nous avons beaucoup d'idées intéressantes.

Le sénateur Perrault: Il y a quelques mois, j'étais à une conférence à Fort St. John où l'on nous a donné un aperçu des choses à venir. Un professeur pourrait -- à partir de Prince George, dans ma province, ou peut-être d'Edmonton, dans votre province, à moins que nous ne partagions ces services -- répondre aux étudiants qui lui poseraient des questions. Au lieu d'aller en pension, les jeunes pourraient rester chez eux. Le professeur donnerait son cours à l'aide d'une antenne parabolique qui téléchargerait les signaux transmis à partir de Prince George. Un adjoint dans les collectivités du Nord s'assurerait que les étudiants font leurs devoirs. Ce serait une grande percée pour certaines bandes.

Mme Ayoungman: C'est exactement ce que nous essayons de faire en ce moment.

Le sénateur Perrault: Vous avez tout mon appui et, je suis sûr, celui de toutes les personnes autour de cette table. Cela éviterait d'avoir à envoyer les enfants en pension; ce serait aussi un soulagement pour eux.

Le sénateur Carney: Votre présentation témoigne d'une très grande réflexion. Pour jouer franc-jeu, je voudrais demander à Don Fiddler de nous expliquer ce qu'il fait dans son centre. Nous avons eu, au sujet du collège communautaire de Red Crow, une discussion très intéressante qui nous a mis en appétit. Nous aimerions qu'on nous parle d'autres programmes.

Vous avez beaucoup parlé de processus et de forme, mais peu de contenu. J'aimerais savoir ce que vous voulez faire qui nécessite un tel processus. Peut-être y a-t-il d'autres façons de procéder. Que faites-vous au Centre En'owkin?

M. Fiddler: Le Centre En'owkin se trouve à Penticton, en Colombie-Britannique. Il appartient à l'Okanagan Indian Educational Resources Society, qui est un consortium formé des membres des bandes de l'Okanagan.

Ces dernières années, nous nous sommes concentrés sur les beaux-arts. Nous avons notamment créé une école, l'En'owkin International School of Writing, où l'on apprend aux gens à écrire. C'est la seule école autochtone du genre dans le monde. Nous nous concentrons principalement sur la formation d'auteurs autochtones. Notre école attire des étudiants de tous les coins du Canada. Notre premier but est de former des auteurs autochtones. Si nous voulons avoir un impact sur le monde, si nous voulons faire entendre la voix des Autochtones, nous devons former des gens.

De concert avec l'université de Victoria, nous offrons un programme de beaux-arts de deux ans. C'est nous qui avons mis au point le programme et les cours. C'est une des premières fois en Colombie-Britannique qu'un programme créé par un établissement de l'extérieur est accepté par une université ou un collège. Il s'agit des deux premières années d'un programme de premier cycle.

Le sénateur Carney: Les cours sont-ils enseignés dans une langue autochtone?

M. Fiddler: L'enseignement se fait en anglais car nous avons affaire à des étudiants de tous les coins du Canada. Il porte principalement sur le recours à l'écriture pour faire entendre la voix des Autochtones au Canada.

Nous avons une maison d'édition, Theytus Books, qui est la plus grande maison d'édition autochtone au Canada. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour voir à l'épanouissement et à la promotion de la littérature autochtone au Canada ainsi qu'à la promotion des auteurs autochtones. Nous avons aussi un programme d'arts visuels.

Notre objectif, au Centre En'owkin, est d'attirer l'attention mondiale sur les arts autochtones grâce à nos écrivains, nos orateurs, nos artistes de la scène et nos visualistes. Le Canada a recours en grande partie aux Autochtones pour promouvoir la culture canadienne, mais les Autochtones ne reçoivent guère en échange sur le plan financier.

Nous devons nous concentrer sur la promotion des arts et de la culture autochtones de façon à ce que les Autochtones profitent un peu de leur contribution réelle à l'économie du Canada.

En outre, nous travaillons avec des organisations oeuvrant dans le domaine des droits environnementaux et des organisations autochtones en Amérique du Nord.

Le sénateur Carney: Vous devez, je suppose, avoir un programme ou des documents écrits à ce sujet. Je suggère que vous envoyiez ces documents au comité de façon à ce que nous puissions prendre connaissance de tout ce dont vous faites si sérieusement la promotion.

Le président: Je vous remercie, Mme Ayoungman, M. Don Fiddler et Mme Marie Smallface-Marule, pour votre excellente présentation et pour les réponses très utiles à nos questions. Si vous avez d'autres informations à nous communiquer, nous vous saurions gré de nous les faire parvenir avant que nous ne rédigions notre rapport de façon à ce que nous puissions vous appuyer dans ce dernier.

Honorables sénateurs, le comité a devant lui M. Bernard Bressler, du Forum entreprises-universités.

M. Bressler, allez-y, je vous en prie.

M. Bernard Bressler, vice-président à la recherche, Université de la Colombie-Britannique: Monsieur le président, je remercie le comité de m'avoir permis de représenter ici le Forum entreprises-universités. Le président du Forum est David Strangway, qui est président de l'Université de la Colombie-Britannique et ne pouvait être parmi nous aujourd'hui.

Certains documents que je présenterai aujourd'hui ont été aussi présentés en novembre à Ottawa au comité permanent des sciences et de la technologie d'Industrie Canada. Aux fins de la présentation que je vais faire aujourd'hui, j'en ai soustrait certains éléments et en ai ajouté d'autres afin de mettre en relief l'interaction qui existe, mais qu'on ne voit pas très souvent, entre la recherche et l'enseignement postsecondaire.

Dans le monde entier, les gouvernements sont les plus gros bailleurs de fonds destinés à la recherche fondamentale de tous genres, y compris les sciences physiques, les sciences sociales et les sciences de la vie. À cet égard, le Canada ne fait pas exception. La motivation à la base de ces dépenses est de créer un style de vie de haute qualité pour ses citoyens et de maintenir une position concurrentielle sur le marché mondial. Le rendement de l'investissement public dans la recherche est considérable. Les principaux commanditaires, les contribuables canadiens, en sont également les bénéficiaires.

Pourquoi certains pays sont-ils plus innovateurs que d'autres? C'est parce que certains pays, par exemple, l'Allemagne et le Japon, s'emploient activement à la promotion du développement économique durable. Ces pays ont accordé beaucoup d'importance au maintien de leur capacité d'innover en investissant de vastes sommes dans la recherche et le développement, dans l'enseignement et la formation, qui sont les attributs essentiels d'un système national d'innovation. Pendant des années, les scientifiques ont, pour justifier le financement de la recherche par l'État, dit que la société en retirerait de grands avantages sur le plan économique.

Edwin Mansfield, le directeur du Centre for Economics and Technology à l'Université de Pennsylvanie, a étudié cette question en demandant à 76 grandes compagnies américaines quels nouveaux produits et procédés n'auraient pas été mis au point sans la recherche universitaire. Il s'est adressé à des compagnies de différents secteurs, dont le traitement de l'information, les produits chimiques, l'équipement électrique, les instruments, les médicaments, les métaux et le pétrole.

La question était celle-ci: quel pourcentage des nouveaux produits et procédés commercialisés entre 1975 et 1985 n'auraient pu être mis au point sans la recherche universitaire effectuée au cours des quinze années précédentes? Les résultats ont été impressionnants: 11 p. 100 des produits et 9 p. 100 des procédés reposaient sur la recherche universitaire. Il a également constaté qu'il pouvait mettre une valeur approximative sur l'importance de la recherche universitaire pour l'industrie et pour la société en général. Le fait est que l'investissement dans la recherche universitaire représente pour la société un taux de rendement d'environ 28 p. 100. C'est comme placer cet argent dans un compte d'épargne et toucher 28 cents sur chaque dollar investi.

Outre le taux de rendement élevé que rapporte l'argent investi, il y a un autre enseignement important à tirer de l'analyse de Mansfield. Bien qu'il ait fait cette étude en 1991, il a demandé aux compagnies d'évaluer leurs produits depuis 1975. Autrement dit, il est essentiel lorsqu'on élabore une politique scientifique nationale au Canada, d'avoir une idée de la durabilité des politiques gouvernementales dans des pays comme l'Allemagne, le Japon et d'autres pays membres de l'OCDE, des politiques qui ont permis à ces pays d'avancer sur le plan économique.

Le président: Monsieur Bressler, la plupart des membres du comité ont lu votre mémoire. Pourriez vous donner des détails? Vous avez rédigé le discours, vous savez ce qu'il contient.

M. Bressler: Je reviendrai sur les éléments essentiels et nous pourrons passer aux questions.

Ce que nous essayons de dire ici, c'est que si le Canada veut se sortir de la situation dans laquelle il est actuellement, de sa dette et de son déficit, il est essentiel qu'il adopte une approche plus nationale à l'égard de sa croissance économique.

Ce que je veux dire par là, c'est que pendant des années, notre pays a été un importateur net d'entreprises. De grosses sociétés ont investi au Canada, où elles ont ouvert des succursales pour s'accaparer une part du marché canadien. Comme nous le savons tous, l'argent retourne dans les pays où ces grosses sociétés ont leur siège.

L'une des choses qui a permis dernièrement au Canada de faire une concurrence efficace sur le marché mondial a été l'accroissement des débouchés pour notre secteur des petites entreprises. En effet, 95 p. 100 des compagnies canadiennes emploient moins de 100 personnes. C'est une bonne chose. Ce sont de petites compagnies qui se sont créées dans notre pays. Elles contribuent au maintien de la croissance et à la création d'emplois de l'intérieur.

Le message que nous voulons transmettre de la part des établissements d'enseignement postsecondaire est que nous jouons un rôle majeur dans la création de ces petites compagnies. Je ne veux pas m'en remettre entièrement à ma mémoire, et je voudrais donc vous lire un paragraphe. Il s'agit d'un exemple des activités menées à l'Université de la Colombie-Britannique afin de produire des compagnies canadiennes. Je parle de l'UBC, mais cela s'applique aussi à de nombreuses universités au Canada.

Comme je l'ai dit à un groupe de vice-présidents à la recherche la semaine dernière à Ottawa, au sujet de ce discours: «N'importe lequel d'entre vous aurait pu l'écrire.» C'est vrai dans le cas de la plupart des grandes universités de ce pays.

Les activités de l'UBC dans ce domaine, à savoir le transfert de technologie et la création de compagnies qui en résulte, montre l'étendue et les avantages de la transmission du savoir universitaire. Au cours des dix dernières années, les fonds accordés par l'industrie à l'UBC pour la recherche sont passés de 1,7 million à 23,9 millions de dollars, ce qui représente 17,2 p. 100 de notre budget total pour la recherche subventionnée, comparativement à 2,5 p. 100 auparavant.

Au cours de cette période, le bureau de liaison avec l'industrie a accordé, dans le domaine de la technologie, 193 licences à des compagnies canadiennes. La majorité des compagnies concernées se trouvent en Colombie-Britannique car, en ce qui nous concerne, nous recevons un tel financement de la part du gouvernement de la Colombie-Britannique et d'autres programmes de cette province que nous faisons tout notre possible pour faire accorder des licences à des compagnies de la province, mais pas nécessairement. Nous visons la meilleure compagnie.

Outre cela, nous avons créé plus de 77 compagnies, dont 98 p. 100 se trouvent en Colombie-Britannique. Rien que l'année dernière, nous avons reçu un nouveau lot de 115 inventions et avons fait 74 demandes de brevet. Nous avons gagné 1,3 millions de dollars de redevances et nos avoirs en actions approchent maintenant la barre des 3 millions de dollars. Je parle de compagnies cotées en bourse.

C'est un des principaux messages.

L'autre grand message est que cela n'aurait pas été possible sans la création de relations synergiques avec le monde industriel de notre pays. Il faut dire, à l'honneur du gouvernement au pouvoir en 1987-1988, qu'il a posé un défi aux milieux universitaires en introduisant deux choses qui n'avaient probablement aucun lien. La première était l'introduction du programme de financement de contrepartie pour les conseils subventionnaires, que le sénateur Carney connaît bien car j'ai discuté de cette question dans son bureau à Ottawa à peu près à ce moment-là.

Les administrateurs du programme de financement de contrepartie ont dit à la communauté et aux conseils subventionnaires: «Nous ne pouvons continuer à financer indéfiniment. La seule façon d'accroître vos budgets est de chercher un financement auprès du secteur privé.» Dans tout le pays, les universités ont été mises au défi de chercher un financement auprès du secteur privé.

L'autre chose, qui n'a pas de rapport mais qui est arrivée simultanément, c'est la fameuse modification de la Loi sur les brevets prévue dans le projet de loi C-22. Ce changement avait à l'époque des répercussions sur un secteur, le secteur pharmaceutique. Pour les sociétés pharmaceutiques, il ne s'agissait pas d'un changement législatif, mais d'un défi, en ce sens que la situation allait changer relativement aux brevets et qu'elles devraient investir davantage dans la R-D, au sein de l'industrie et à l'extérieur. Ces deux défis ont été relevés jusqu'à un certain point dans nos milieux.

Donc, le principal message que je voulais vous communiquer, c'est qu'en appuyant l'enseignement postsecondaire et la recherche, on appuie la croissance économique de notre pays. En faisant cela à long terme, nous empêcherons le pays de retomber dans les dettes et les déficits.

Le sénateur Perrault: Je ne savais pas que nous avions accumulé autant de retard. Quelle est la raison? Y a-t-il une raison à cela?

M. Bressler: La raison est expliquée dans le document. Le gouvernement doit commencer à reconnaître que la recherche, c'est un investissement.

Le sénateur Perrault: Nous n'avons pas distribué suffisamment d'aide?

M. Bressler: Le gouvernement n'a pas distribué beaucoup d'aide depuis le début des années 80. Je ne crois pas que nous ayons atteint 2 p. 100 depuis cette époque. Je n'ai rien écrit là-dessus, mais je sais que nous n'avons rien fait à cet égard depuis environ 1988-1989.

Le sénateur Perrault: Si nous pouvions recommander une mesure à prendre pour stimuler la R-D au Canada, qu'est ce que ce devrait être? Si c'était vous qui rédigiez le rapport, qu'est-ce que vous recommanderiez?

M. Bressler: Je recommanderais de prendre pour cible les domaines dans lesquels nous faisons concurrence aux pays de l'OCDE. Nous devons commencer à investir au moins 2 p. 100 du PIB dans la R-D, au Canada. Je ne dis pas que nous devons dépenser cela uniquement dans les universités, parce que ce ne serait pas la solution. Nous devons aussi encourager le secteur industriel à dépenser cet argent à ses propres recherches. C'est aussi fondamental aux fins de la création d'emplois. Ce que je dis, c'est qu'il faut viser les 2 p. 100.

Je reviens tout juste d'une mission d'Équipe Canada en Corée, où j'ai dirigé un atelier sur les échanges entre la Corée et le Canada en matière de sciences et de technologie.

C'était intéressant d'entendre, à la séance plénière qui a eu lieu avant le début des ateliers, Arthur Carty, un Coréen qui occupe un poste équivalent à celui du président du CNRS, prendre la parole pour dire qu'il était fier que la Corée se soit jointe depuis peu à l'OCDE et qu'elle ait des investissements de plus de 2 p. 100.

Le sénateur Perrault: L'objectif est de 5 p. 100?

M. Bressler: Son objectif est de 5 p. 100. Ce pays vient de se joindre à l'organisation et compte déjà parmi les investisseurs moyens. Nous faisons partie de l'organisation depuis le début et nous sommes toujours parmi les derniers.

Le sénateur Perrault: Ce pays concentre-t-il ses travaux de recherche et de développement dans un secteur précis?

M. Bressler: Les Coréens sont assez pragmatiques, du moins d'après ce que j'ai pu voir au cours de mon atelier. La biotechnologie tient une place majeure, pour ses applications tant médicales que non médicales. L'aquaculture est l'un des sujets dont nous avons discuté à l'atelier que je dirigeais. Dans cette partie du monde, où la population est énorme, on consomme des quantités de poisson incroyables, et ni nous ni eux ne peuvent suffire à fournir ces quantités.

Le sénateur Perrault: Le Canada traîne-t-il de la patte dans un secteur en particulier, ou est-ce que le monde est train de nous dépasser sur toute la ligne?

M. Bressler: J'aimerais bien connaître la réponse. La vérité, c'est que nous nous débrouillons assez bien avec ce que vous nous donnez. Le problème, c'est que nous sommes très bons dans ce que nous faisons. Dans les 15 dernières années, beaucoup de prix Nobel ont été attribués à des Canadiens qui, malheureusement, ne vivent pas au Canada. Ils se sont installés ailleurs.

En tant que pays, nous faisons un assez bon travail, compte tenu de ce que les témoins précédents ont dit, parce que j'ai écouté leurs témoignages. Je comprends très bien ce qu'ils veulent dire. À l'Université de la Colombie-Britannique, nous avons beaucoup de programmes destinés à encourager les travaux en collaboration.

Cela étant dit, et c'est un problème, nous nous débrouillons assez bien, mais le monde est en train de nous dépasser.

Le sénateur Perrault: Nous pourrions faire beaucoup mieux.

M. Bressler: Nous devrions faire beaucoup mieux.

Le sénateur Lavoie-Roux: Le comité s'entend pour dire qu'il a le droit de présenter des recommandations au sujet des travaux de recherche-développement, dans la mesure où l'on ne marche pas sur des oeufs. Cette question relève du gouvernement fédéral.

Avez-vous fait une étude comparative des sommes d'argent affectées à la recherche-développement parmi les pays du G-7, au cours des cinq ou dix dernières années? Avez-vous un tableau?

M. Bressler: Nous avons un tableau. Nous l'avons envoyé au premier ministre Chrétien et à Paul Martin. J'en ai donné un à Raymond Chan et un à Ted McWhinney, il y a une semaine. Nous avons exercé des pressions auprès de tous les intervenants possibles dans les dernières semaines avant le budget.

Le sénateur Lavoie-Roux: Nous apprécierions que vous nous le fassiez parvenir.

M. Bressler: Il fait la comparaison entre le Canada et plusieurs autres pays. Les subventions de 1990 équivalent à 100 p. 100, ce qui permet de voir l'évolution.

Le sénateur Lavoie-Roux: Sur un certain nombre d'années?

M. Bressler: Sur les dix ans.

Le sénateur Lavoie-Roux: Au sein du Groupe des Sept, mais peut-être aussi avec d'autres pays.

M. Bressler: Tandis que j'attendais le moment d'intervenir, je regardais quelque chose que je viens de recevoir par la poste et que je pourrais vous laisser. C'est un graphique qui montre nos résultats au cours des dernières années, dans un document qui porte sur la crise scientifique au Canada, son problème et sa solution. On y voit la baisse des sommes allouées par l'ensemble des conseils subventionnaires, en dollars de 1990.

Le sénateur Carney: J'ai apprécié votre exposé présenté avec beaucoup de naturel. Ce qui m'intéresse, c'est le processus. Vous avez présenté deux points qui valent la peine d'être soulignés, selon moi. Le premier, c'est que le financement a diminué, en pourcentage. Mais vous mentionnez également que les processus de versement de subventions équivalentes par les organisations et le gouvernement ainsi que les réseaux d'excellence avaient eu du succès. En tant qu'économiste, je dirais que ces deux processus ont engendré une hausse de la productivité des efforts de recherches, malgré la baisse de financement. Je ne veux pas discuter de la question du financement.

Y a-t-il d'autres processus sur lesquels nous pourrions tourner notre attention au comité, dans un domaine limité? On ne parle pas de recherche abstraite. S'il est utile de jumeler organisations et gouvernement pour le versement de subventions équivalentes, si le réseau d'excellence est efficace, y a-t-il autre chose qui pourrait aider la communauté scientifique, selon vous?

M. Bressler: Il n'y a pas de réponse facile à cette question. Ce sont chacun des chercheurs qui détiennent la clé du succès de la recherche, dans un sens.

Le sénateur Carney: S'ils savaient à quoi elle tient, ils n'auraient plus besoin de s'en préoccuper.

M. Bressler: C'est juste. Pour cette raison, nous avons applaudi ouvertement le programme des réseaux de centres d'excellence. Ce n'est pas remis en question. Nous avons travaillé fort pour obtenir que ce programme soit renouvelé. Nous avons rencontré le ministre et exercé des pressions. Nous en avons démontré les avantages économiques. Ce que nous perdrons, ce sont les travaux de base de la recherche, qui sont au moins aussi importants, mais qui, comme Edwin Mansfield a tenté de le démontrer, ont plus d'importance à long terme.

Tout le monde reconnaît que les gouvernements fonctionnent selon un cycle de quatre ans, parfois cinq. Nous parlons ici, toutefois, d'un pays et de sa survie à long terme. En ce sens, il importe d'assurer la survie des deux types de recherche.

En bout de ligne, quelqu'un doit prendre des décisions très difficiles, et les prendre en fonction de leurs résultats futurs. C'est clair que, après ce que nous avons connu au cours des cinq dernières années, nous devons nous débarrasser de notre déficit et ensuite de notre dette. Pour ce faire, nous devons favoriser la croissance de notre propre économie. Je n'ai pas la réponse.

Le sénateur Carney: Vous signalez toutefois qu'un type de recherche n'ouvre pas les portes de l'autre. Vous avez besoin de plus de financement et vous avez aussi besoin de ces nouveaux processus plus productifs qui permettent d'assurer une masse critique.

M. Bressler: Cela crée une certaine inertie. Cela engendre des retombées et, sur certains htmects, les retombées arrivent plus rapidement. On crée beaucoup d'énergie en réunissant tous ces cerveaux. En outre, quand on investit beaucoup d'argent dans la solution d'un problème, celle-ci devient un peu plus facile à trouver.

Le sénateur Carney: Vous parlez de voies parallèles: financement et processus.

Le sénateur Andreychuk: Je respecterai votre désir de ne pas lire votre mémoire. Toutefois, l'un des secteurs que le comité doit examiner, c'est la recherche et le développement. Jusqu'à maintenant, je ne trouve pas qu'on ait entendu suffisamment de témoins sur ce point. J'aurais aimé que ce document soit lu et, ainsi, inscrit au compte rendu pour que plus de gens y aient accès.

Au cours des années 80 et 90, la question du commerce international et de ses conséquences pour notre économie a souvent été discutée. Ces discussions nous ont amenés à croire que les gens pensent que nous ne pouvons pas grand-chose au Canada. Je suis heureuse que vous ayez défini les enjeux du domaine de la recherche-développement.

Une question exige une réponse, au sujet de la recherche universitaire, et vous aurez peut-être quelques éléments de réponse. Vous parlez de recherche innovatrice. Nous avons parlé de recherche appliquée et de recherche fondamentale. Où situez-vous la recherche innovatrice? Votre document semble ne traiter que de la recherche appliquée. Vous dites cependant que les universités, les structures et l'amélioration du matériel sont nécessaires, et que cela pose aussi un problème.

M. Bressler: Si j'ai bien compris la question, je peux dire que j'utilise le terme «innovateur» dans un sens général. Je parle à la fois de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée. On peut trouver de nombreux exemples, et j'en ai mentionné quelques-uns: la conception du nylon, du transistor ou du lecteur de disques laser. Toutes ces inventions découlent d'études très fondamentales, de la recherche pure, parfois dans des domaines sans aucune relation. La personne qui a inventé le lecteur de disques laser ou le CD-ROM n'avait pas l'intention d'inventer cela. Ce système est né d'une application très simple d'un principe de physique, ce n'était pas simple à l'époque, mais on se rend compte après coup que c'était simple. Je crois beaucoup en la valeur des deux types de recherche.

Les universités subissent beaucoup de pression pour qu'elles fassent de la recherche appliquée, plutôt que pure, en raison de la gravité des restrictions financières qu'elles doivent appliquer en recherche. Dans mon travail, je suis en contact avec les deux types de chercheurs et j'entends des plaintes des deux côtés, mais davantage du côté de la recherche fondamentale. Les chercheurs craignent qu'on les pousse éventuellement à faire de la recherche appliquée, parce que c'est là que se trouve l'argent.

Nous avons besoin des deux et nous devons trouver le courage de financer les deux. On ne peut nier ce que j'ai dit: il y a dix ans, nous avions moins de 2 millions de dollars de contrats de recherche, et nous en avons maintenant 24 millions. Quand je demande aux gens qui travaillent pour moi de faire des projections, afin que je puisse planifier l'année suivante, ils me disent que l'industrie a droit à 30 millions de dollars. Ils n'en sont pas certains, mais ils savent avec certitude ce que nous obtenons comme subventions, et ils savent que nous en perdons, parce que c'est déjà dans le budget fédéral.

Le sénateur Andreychuk: Il y a des signes que votre message a été entendu jusqu'à un certain point par Ottawa. Le budget sera déposé la semaine prochaine. Si toutes les fuites concernant le budget sont vraies, il y aura de l'argent pour la recherche et le développement. On a exercé des compressions dans le budget du CRSNG, dans la recherche en sciences sociales et en sciences humaines ainsi que dans le domaine médical. On a besoin des infrastructures. Si nous réinvestissons dans la recherche l'argent qu'on y avait pris et que nous tenons notre bout comme nous le faisions il y a quelques années, cela influera-t-il sur les statistiques présentées dans votre document?

M. Bressler: On ne verra pas immédiatement l'impact sur les statistiques du document. D'abord, la somme totale d'argent qui est redonnée aux conseils subventionnaires n'équivaut pas à la somme investie dans la R-D. Le gouvernement a beaucoup d'autres endroits où investir cet argent en travaux de R-D. Le CNRS est un bon exemple d'institution qui a subi des compressions dramatiques. Il y en a d'autres. Il y a les programmes gouvernementaux de financement en sciences et technologie, qui permettent à l'industrie de faire sa propre recherche.

Le sénateur Andreychuk: Si nous réinvestissons l'argent qui avait été retiré à cause des compressions, nous modifierons ces chiffres, ou devons-nous injecter de toute urgence cet argent dans la recherche?

M. Bressler: Vous ne changerez rien, parce que nous essayons de nous rattraper depuis trop longtemps. Si nous revenions au point où nous en étions il y a trois ans, quand le gouvernement actuel a commencé à réduire le déficit, ce qu'il convenait de faire, en passant... D'ailleurs, John Manley m'a dit plusieurs fois: «J'ai enlevé 50 p. 100 à la plupart des ministères, mais je n'ai pris que 15 p. 100 aux conseils subventionnaires.» Nous acceptons cela. Nous devons tous faire notre part.

Nous avons essayé de nous rattraper. Tout dépend de la vitesse à laquelle nous voulons rattraper le temps perdu pour atteindre ce niveau de 2 p. 100 et de 2,5 p. 100 du PIB. Bien sûr, c'est important de rétablir les budgets des conseils subventionnaires. C'est un début, mais ce n'est pas suffisant. Il faut un engagement plus solide. Il faut un plan. Ils ont soumis un document, mais je sais que ce n'est pas pertinent à l'étude du comité.

Le sénateur Andreychuk: Ça l'est.

M. Bressler: Nous avons passé ce stade, mais l'enseignement postsecondaire est touché. Nous espérons que le gouvernement donnera plus d'importance au plan en matière de sciences et technologie, mais il préfère attendre, dans le moment, à cause des élections qui s'en viennent.

Le sénateur Forest: Le domaine de la recherche- développement m'intéresse au plus haut point. Je suis consciente que ces travaux sont nécessaires et qu'ils sont le principal moteur de la productivité au Canada.

Sur les plans de la recherche fondamentale et appliquée, il me semble que nous avons manqué le bateau dans notre entreprise de relations publiques avec les universités, entre autres du fait que nous n'avons pas établi le lien entre la recherche de base, de nature parfois ésotérique, et ses applications pratiques, ce que vous avez fait dans votre mémoire. Les besoins des universités pour la conduite de la recherche fondamentale sont l'un des points qu'il faudra traiter, non seulement auprès du gouvernement mais aussi auprès du public.

Avez-vous des idées quant à la meilleure manière d'y arriver?

M. Bressler: Oui, nous en avons. Vous avez raison; il nous a fallu longtemps pour unifier nos moyens d'y arriver. Certains d'entre vous connaissent peut-être la remarquable campagne menée en Alberta sous le nom de «Research Makes Sense», ou «La recherche, c'est sensé». Elle a été initiée par l'Université de l'Alberta. J'ai amorcé une initiative semblable ici. J'ai rencontré un membre de mon équipe ce matin. La semaine dernière, à Ottawa, sous les auspices de l'AUCC, environ 30 vice-présidents à la recherche se sont rencontrés en assemblée nationale; c'était une première. Nous planifions tous, d'une manière ou d'une autre, des entreprises de sensibilisation du public à la dualité des travaux de recherche et d'enseignement dans nos universités. Il était grand temps.

Le sénateur Forest: Avec Martha Piper à l'Université de la Colombie-Britannique, vous devrez rester vigilants.

M. Bressler: C'est exact. C'est un hasard si j'ai amorcé la campagne à cette université quand je suis devenu vice-président à la recherche. Il y a 13 mois, je commençais à l'organiser sans savoir qui serait notre prochain président. Avec Martha Piper aux commandes, on ne pouvait mieux tomber. Je la connais parce c'est mon homologue à l'Université de l'Alberta.

Le sénateur Forest: C'est elle qui a conçu la campagne «Research Makes Sense».

M. Bressler: Nous avons besoin d'un autre slogan pour notre université, et je ne vois rien de mieux.

Le sénateur Forest: Elle trouvera bien.

M. Bressler: Elle en a trouvé un: «A Bridge to Our Future», ou «Un pont vers l'avenir». Nous pensons à un autre: «Research Turns on Knowledge», ou «La recherche ravive le savoir». J'ai hâte qu'elle entre en fonctions. Nous sommes tous conscients que la communauté universitaire est restée dans l'ombre trop longtemps. C'est difficile de faire la promotion de sa propre valeur, mais nous savons qu'il le faut.

Le président: Merci, M. Bressler, pour cet excellent exposé. Le sénateur Carney aimerait que le texte de votre discours, que vous n'avez pas eu la chance de lire, soit annexé au procès-verbal de la séance d'aujourd'hui, afin que tout le monde puisse le lire.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je propose que ce soit fait, monsieur le Président.

Le président: Le sénateur Lavoie-Roux a présenté la motion.

La motion est adoptée.

(Le texte du rapport figure en annexe, p. 6«1»:1)

Le président: Notre prochain témoin est M. Michael Gardiner.

M. M. Gardiner, président, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, Colombie-Britannique: Monsieur le Président, j'ai pris la parole au comité hier, à l'occasion de la table ronde des représentants étudiants, et je suis heureux d'avoir aujourd'hui une autre chance de le faire.

Comme j'ai aussi la grande chance d'être le dernier à le faire aujourd'hui, je m'engage à être le plus bref, pour le bien de tout le monde.

Après la table ronde d'hier, nous sommes revenus au bureau et avons discuté de ce qui s'était passé à la table ronde, avec les étudiants présents. Nous avons eu une discussion très intéressante et conclu qu'on avait besoin de réformer le Sénat pour lui donner plus de pouvoirs. Je ne dis pas cela pour me faire bien voir ni rien du genre, mais parce que la discussion que nous avons eue hier est un bon exemple de la raison pour laquelle le Sénat a été créé en premier lieu, et de ce qui fait qu'il continue à jouer un rôle important. Si son rôle est bien de faire un second examen objectif, c'est exactement ce que ce comité s'emploie à faire activement: il fait un second examen objectif des changements d'orientation adoptés par notre système d'éducation dans les dix dernières années.

Je pensais aussi, hier, à la frustration que doit ressentir quelqu'un qui a observé les progrès du système et qui a participé aux prises de décisions pour en assurer la promotion et l'évolution au Canada, qui ont vu le système se consolider et se développer pour devenir l'un des meilleurs du monde jusque vers la fin des années 70, quand il a commencé à décliner légèrement, déclin qui s'est accéléré récemment pour un grand nombre de raisons et à cause de nombreuses pressions. Je sais que ce qui se passe m'irrite grandement, en tant que participant au système, et que cela doit vous irriter aussi.

Aujourd'hui, pour rester bref, je traiterai d'un certain nombre d'éléments dont nous avons discuté hier et qui ne sont pas nécessairement mentionnés dans le rapport que je vous ai remis. Le rapport que j'ai soumis est un peu sentencieux et idéaliste. Il traite de l'orientation que devrait prendre, selon nous, le gouvernement fédéral pour faire progresser le système d'enseignement postsecondaire au Canada.

Nous espérons évidemment que le comité pourra présenter des recommandations qui corrigeront l'orientation du système, qui faciliteront l'expansion et l'amélioration du système au Canada pour qu'il soit parmi les meilleurs du monde.

Je commencerai par dire pourquoi il importe de le faire et pourquoi nous, en tant qu'organisation, croyons que c'est important. Nous réclamons un système d'enseignement postsecondaire qui évolue dans une perspective nationale. Pourquoi? Nous avons constaté récemment un changement d'orientation de la politique provinciale et des attitudes de la province en matière d'enseignement postsecondaire. Le système est maintenant administré dans une perspective à très court terme. On parle de programmes d'études axés sur l'étudiant; on considère les étudiants comme des clients. Tous ces principes sont valables, en soi.

Ce qui se perd, c'est le concept d'un régime d'enseignement postsecondaire en tant que facteur d'unification et de développement de la société canadienne. On le considère maintenant comme un moyen, pour les étudiants, d'accéder à certains avantages et, pour l'entreprise, d'obtenir des travailleurs spécialisés. Toutefois, on perd de vue l'htmect le plus important des études postsecondaires, soit un moyen d'édifier un Canada fort et dynamique.

On perd de vue cet objectif, parce que les provinces ont des intérêts très précis et à très court terme, conçus en fonction du cycle électoral et des besoins de l'économie. De plus en plus, on tente de répondre à ces besoins au moyen du système d'éducation. À mesure que monte le taux de chômage au pays, de plus en plus d'étudiants, des jeunes et d'autres qui ont déjà travaillé mais qui se sont recyclés tentent de trouver du travail, mais les emplois sont inexistants. On blâme le système d'éducation et on tente de l'améliorer pour régler les problèmes du marché du travail.

Selon moi, en imposant au système d'éducation une perspective et des normes nationales, on contribuerait à maintenir la force et le dynamisme de la société canadienne. Je traiterai brièvement de certains htmects des compressions et de leurs conséquences.

L'un des principaux enjeux est la diminution de l'universalité, qui s'aggrave sans cesse. Nous sommes aujourd'hui au collègue Capilano, et nous avons une excellente occasion de discuter d'une chose qui s'est produite ici. Comme le collège devenait surpeuplé, l'institution a cherché des moyens d'éviter le problème, des moyens qui ressemblent beaucoup à ce qui était envisagé quand on discutait de la possibilité d'un système de soins de santé à deux niveaux. Ce système aurait autorisé l'ouverture, dans tout le pays, de cliniques privées où les médecins auraient eu le droit d'imposer des frais d'utilisation non négligeables. Cela aurait donné aux riches un moyen d'accéder rapidement aux soins dont ils ont besoin tandis que les autres auraient dû attendre que leur nom arrive en tête de liste.

Nous avons vu la même chose se produire au collège Capilano et dans de nombreux autres collèges aux quatre coins de la province. Des étudiants peuvent maintenant suivre des cours l'été, des cours de base comme Anglais 101 et 102, pour lesquels il n'y avait pas assez de places au cours des sessions d'automne et de printemps. Les étudiants paient alors le plein prix, soit trois fois et demie le prix de ce qu'il leur en aurait coûté à la session d'hiver. Ceux qui sont assez riches peuvent se permettre de suivre ces cours l'été, tandis que d'autres ne le peuvent pas et doivent attendre qu'il y ait de la place dans le programme régulier pour payer moins cher.

En Colombie-Britannique, nous avons vu aussi -- et cette situation perdure -- l'imposition de frais de scolarité beaucoup plus élevés pour les étudiants étrangers, dans une tentative de maintenir le gel des frais qu'on avait annoncé. Les étudiants étrangers devront donc dorénavant payer des frais entre trois fois et demie et cinq fois plus élevés que ce qu'un étudiant canadien doit payer. C'est plus que ce qu'il faut pour le recouvrement des coûts; c'est un prix qui vise à faire des profits par la vente de programmes de formation aux étrangers. Nous avons discuté de cet enjeu hier, soit le rôle de l'éducation dans le développement international.

Ce genre de distinction a pour effet de réduire la diversité de la clientèle de nos universités et collèges car, de plus en plus, seuls les étudiants des pays riches pourront venir, plutôt que tous ceux qui sont assez riches pour le faire à titre individuel. Nous perdrons en représentation internationale, et la contribution des étudiants étrangers sera moins enrichissante pour nos campus, si la tendance se maintient. Et elle se maintiendra, puisque les provinces augmentent de beaucoup les frais d'inscription pour les étudiants étrangers, dans une perspective à court terme.

Il y a un autre enjeu, dont je ne traiterai pas en détail parce que je pense que le représentant des enseignants de niveau collégial, M. Ed Lavalle, l'a très bien expliqué hier. C'est la question de la formation d'apprentis dans le cadre d'études postsecondaires.

De plus en plus, les gens doivent améliorer des compétences précises pour continuer à exercer leur profession. La formation d'apprenti est un excellent moyen d'y parvenir. Récemment, le gouvernement fédéral a prévenu qu'il retirait tout le financement de ces programmes, directement ou indirectement. Ces programmes souffrent déjà beaucoup des compressions exercées dans ce domaine.

Le recours à la technologie pédagogique a aussi été abordé, hier. En Colombie-Britannique, cette technologie semble être considérée comme une panacée, ou un remède universel, face à l'insuffisance du financement. Même si la technologie coûte cher, soit une somme estimative de 100 millions de dollars juste pour mettre sur pied le réseau et assurer son fonctionnement, de plus en plus de provinces y auront recours, parce que c'est à la mode. On découvrira cependant, d'ici quelques années, que ce n'est peut-être pas la meilleure manière de planifier l'enseignement. Il semble que les décisions soient fondées sur la rentabilité et la capacité d'expansion du système, sans aucune considération pour la qualité ainsi obtenue.

Nous avons entendu hier le témoignage d'un étudiant qui parlait de ceux qui s'inscrivent à un programme hors campus rien que pour abandonner les cours peu de temps après. Il a fait part de taux d'échec supérieurs à 80 p. 100 dans certains de ces programmes. Les études offertes par ordinateur ne tiennent aucun compte de la nécessité des contacts personnels et de ce qu'on apprend au contact des autres. Les étudiants ont besoin de discuter non seulement de leurs études, mais aussi de parler d'eux-mêmes, de leur pays et des gens de leur pays.

Au cours des quatre années où j'ai étudié l'économie et les sciences politiques, le moment où j'ai le plus appris a eu lieu à deux ou trois heures du matin. Quatre ou cinq d'entre nous étions en train d'essayer d'assimiler le plus de matière possible en vue de l'examen du lendemain. Nous discutions des questions à l'étude, contestant les opinions des autres et élaborant à partir de leurs analyses. Si nous nous tournons de plus en plus vers les ordinateurs et les conférences vidéo, ce genre d'interaction n'existera plus.

Je veux mettre le comité en garde contre la possibilité que les provinces envisagent la technologie comme une panacée. Comme notre nouveau président a dit hier, on doit considérer cela comme un outil qui aide à la prestation des cours, mais certainement pas comme une méthode d'enseignement.

Le dernier point que je voulais aborder est le domaine de la recherche-développement. La personne qui a témoigné avant moi a dit que les universités avaient réussi à obtenir du financement des sociétés commerciales. En tant qu'organisation étudiante groupant un grand nombre d'étudiants diplômés et en tant que Canadiens, nous voyons avec inquiétude l'entreprise commerciale jouer un rôle croissant dans la recherche, parce que nous verrons la recherche tendre de plus en plus à la production de résultats rentables plutôt qu'à la promotion du bien-être de la société. Elle visera à trouver ce qu'il faut pour édifier l'infrastructure commerciale, économique et technologique du Canada, plutôt qu'à trouver ce dont le Canada a besoin pour s'épanouir. Les deux domaines s'entrecoupent sur certains points, mais sont très différents sur d'autres. Par conséquent, on devrait être circonspect quand on voit d'autres intéressés financer des projets ou des organismes de recherche à la place des gouvernements fédéral ou provinciaux. Nous devons assurer un niveau de financement adéquat pour que les recherches puissent être effectuées dans le domaine social.

Comme je le disais plus tôt, nos recommandations sont assez générales, et bien des gens les traiteraient d'idéalistes. Toutefois, nous espérons que le comité du Sénat parviendra à persuader le gouvernement fédéral que c'est l'orientation à prendre. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions.

Le président: Merci beaucoup pour cet exposé. Je ne sais pas si le sénateur Forest a des questions à poser.

Le sénateur Forest: Merci, Michael, pour cet exposé. Je tiens à dire dès le départ que j'espère que les étudiants resteront toujours idéalistes. Dans la vie, nous devenons trop vite blasés et débordés par les détails pratiques. S'il y a une chose dont nous avons besoin, c'est bien de nous faire rappeler par les étudiants que c'est pour eux que les universités existent. Je partage beaucoup de vos préoccupations concernant le financement privé -- qui risque de restreindre la liberté des universités -- ainsi que le recours à la technologie et l'insuffisance des relations humaines.

J'ai toujours défendu ardemment la nécessité d'avoir des étudiants étrangers dans nos universités. J'ai posé une question sur ce point concernant l'Université de l'Alberta, et je suis déçue de voir à quel point la proportion a diminué en quelques années, à cet endroit.

Vous avez affirmé que les étudiants étrangers payaient des frais de scolarité plus élevés, jusqu'à cinq fois plus élevés qu'auparavant, et que cela pourrait vouloir dire qu'on en tire des bénéfices. Il y a pas mal longtemps que je n'ai plus affaire à l'université, mais à l'époque, les frais de scolarité étaient de 10 à 15 p. 100 plus élevés pour les étudiants étrangers que pour les Canadiens. Je sais que c'est maintenant 20 ou 25 p. 100 de plus. Même si c'était 20 p. 100 et qu'on leur réclamait cinq fois plus, on ne ferait toujours que recouvrer les coûts, à moins que mes chiffres soient complètement erronés.

M. Gardiner: Pour le recouvrement des coûts, le chiffre utilisé est autour de 20 p. 100. Les coûts varient grandement d'un programme à l'autre. Certaines institutions réussissent à offrir certains programmes de premier cycle sans dépasser la somme payée en frais de scolarité par les étudiants. La somme varie beaucoup d'un programme à l'autre, selon qu'on peut réaliser des bénéfices ou non. Dans certains cas, ces frais de trois à cinq fois plus élevés ne permettent pas de payer les coûts alors que, dans d'autre cas, c'est très supérieur aux coûts.

Le sénateur Forest: J'étais curieuse de savoir quels étaient les niveaux actuels, mais c'est certain que c'est très malheureux de décourager les étudiants étrangers de s'inscrire aux universités canadiennes. Le revers de la médaille, c'est que beaucoup de ces étudiants viennent de familles riches qui ont les moyens de payer. De toute façon, nous avons besoin de la diversité qu'ils assurent au sein de nos institutions.

Le sénateur Perrault: Vous avez là un excellent mémoire. Je crois que nous allons tous le relire avec beaucoup d'intérêt. Nos étudiants sont très actifs dans la province de la Colombie-Britannique. J'ai rencontré certains étudiants de l'Université Simon Fraser, l'autre jour, et ils nous ont laissés avec une foule d'idées. Toutes les notes ont été résumées et seront annexées au compte rendu du comité.

Deux questions me viennent à l'esprit. Vous dites que les allégements fiscaux ont nui à la qualité de l'éducation. C'est vraiment la première fois que nous entendons une telle chose aussi directement. C'est le point de vue des étudiants. La hausse du nombre d'étudiants par classe est-elle un facteur?

M. Gardiner: En Colombie-Britannique, nous commençons seulement à sentir les véritables effets des compressions. La province de la Colombie-Britannique a maintenu le financement à des niveaux non inflationnistes pour les deux dernières années. En dollars réels, le niveau est donc resté le même. La baisse est uniquement due à l'inflation. Mais, en même temps, les inscriptions de l'extérieur ont beaucoup augmenté en Colombie-Britannique. On compte 11 000 nouveaux étudiants à plein temps dans les collèges et universités, qui viennent s'ajouter aux quelque 200 000 actuels. C'est une augmentation assez importante, et la province n'a versé aucun financement additionnel.

Ce qui s'est produit, c'est que les institutions, faisant tous les efforts pour respecter leurs quotas, n'ont pas augmenté le nombre de classes, mais plutôt le nombre d'étudiants dans les classes. Ma soeur nous offre un excellent exemple. Elle s'est inscrite à l'Université de Victoria et s'est mise sur la liste d'attente de 18 classes. Elle n'a pas été admise dans une seule classe, après avoir été acceptée à l'université. Elle est passée d'une classe à l'autre dans l'espoir de se caser, mais elle n'a pu avoir de place dans l'une des 18 classes en question. Son cas n'est pas exceptionnel.

Nous avons vu des universités gonfler artificiellement le chiffre des inscriptions en admettant des étudiants qui étaient ensuite incapables de suivre des cours. Les exemples sont nombreux, et je suis sûr que les étudiants de Simon Fraser vous ont dit aussi que des étudiants doivent s'asseoir dans les allées des auditoriums et qu'ils sont trop nombreux dans les salles, selon les normes de sécurité-incendie. Toutes ces situations sont très courantes.

Le réseau des collèges communautaires s'est toujours fait un honneur d'offrir des relations personnelles aux étudiants qui ne réussissent pas nécessairement à s'adapter immédiatement au milieu universitaire. Rares sont les étudiants de l'université qui s'y adaptent immédiatement. Ces contacts plus personnels qu'on trouvait dans les classes des collèges n'existent plus. Les classes y sont également remplies à pleine capacité. On demande aux enseignants d'aider les collèges à accroître leur efficacité. Autrement dit, on leur demande d'enseigner un plus grand nombre d'heures avec moins de temps de préparation.

[Français]

Le Ssnateur Lavoie-Roux : Merci pour votre présentation. Je pense que vous parlez français?

M. Gardiner : Un petit peu.

Le sénateur Lavoie-Roux : On va essayer de vous le faire pratiquer un peu. J'aimerais que vous reveniez avec des exemples concrets sur cette notion d'éducation à deux vitesses, c'est ce qu'on dit en français, en anglais vous dites: «two-tiered education».

Vous nous avez donné quelques exemples qui m'ont un peu échappé. Pourriez-vous nous en donner quelques-uns pour nous démontrer si vraiment il y a un fondement à ce que vous dites, je pense que c'est assez sérieux.

[Traduction]

Par exemple, un système d'éducation à deux vitesses.

[Français]

M. Gardiner: Je vais vous répondre en anglais parce que mon français n'est pas assez bien. Mon vocabulaire est très petit.

[Traduction]

Je vais répondre en anglais. Les exemples de systèmes à deux niveaux sont de plus en plus nombreux, à voir comment les choses évoluent en Colombie-Britannique et dans le reste du pays. Vous avez probablement tous entendu parler du programme de maîtrise en administration des affaires. Des programmes semblables à ceux qui sont offerts à Yale et à Harvard sont maintenant disponibles moyennant des frais annuels de 25 000 $, aux universités Western et Queen's. L'Université de la Colombie-Britannique envisage aussi d'offrir un programme semblable.

Ce qui est plus inquiétant pour nous, dans la mesure où c'est inquiétant, c'est le changement qui s'opère dans les collèges de la Colombie-Britannique. Quand le réseau des collèges s'est formé, en Colombie-Britannique, les frais de scolarité n'étaient jamais plus que des frais d'inscription négligeables. Depuis, ce sont devenus des frais d'utilisation importants, allant de 1 200 $ à 1 400 $ par année par étudiant à plein temps.

Les collèges Douglas et Kwantlen, le collège universitaire de la vallée du Fraser, les collèges Cariboo et Capilano ainsi que quelques autres ont commencé à offrir des cours comme Anglais 100 et 101, Études féminines 100 et 101 et Physique 101. Tous ces cours de base dans un programme d'études sont offerts en dehors des sessions régulières. On offre ce genre de programme à la session d'été pour utiliser les locaux au maximum, et l'on impose pour ce faire des frais de scolarité trois fois plus élevés qu'à la session d'automne.

C'est un enjeu complexe, parce qu'on peut certainement affirmer que ces étudiants qui peuvent se permettre de payer le prix d'un cours d'été sont autant d'inscriptions de moins à l'automne, ce qui donne plus de chances de réussite à ceux qui restent. Ceux-ci pourront s'inscrire au cours grâce aux étudiants plus à l'aise qui auront pu suivre le cours d'été et qui ne le prendront pas à l'automne. C'est un argument valable et c'est difficile à réfuter, mais dans une perspective plus large, c'est injuste. C'est intrinsèquement injuste pour les étudiants qui sont incapables de payer de tels frais, parce que cela signifie que leurs études dureront plus longtemps et qu'ils auront suivi les cours au sein de groupes plus nombreux que ceux qui peuvent payer davantage. Nous offrons maintenant, dans les collèges publics de la Colombie-Britannique, un régime d'éducation pour ceux qui ont passablement d'argent et un autre pour ceux qui en ont moins.

Le sénateur Lavoie-Roux: Croyez-vous que ce système crée des décrocheurs ou dissuade des étudiants potentiels de s'inscrire parce que les frais sont trop élevés, pas seulement pour les cours dont vous parlez, mais les frais de scolarité en général? À certains endroits, ce sont des sommes de plusieurs milliers de dollars qui sont en jeu. Avez-vous des chiffres là-dessus?

M. Gardiner: Julian, qui est assis derrière moi, est étudiant au collège Capilano. Il s'occupe activement de la question du recouvrement des coûts. Je suis sûr qu'il aimerait répondre à cette question.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il peut y répondre s'il le désire.

M. Gardiner: C'est très difficile à mesurer, parce que la province ne conserve pas les données statistiques qui montreraient le nombre d'inscriptions et les sommes perçues. Ce qu'on sait, c'est par ouï-dire qu'on le sait, d'après ce que voient les associations d'étudiants, d'après les changements constatés sur les campus et ce genre de choses. L'idée selon laquelle moins d'étudiants pauvres suivent des cours dans les universités et collèges est largement répandue.

Parallèlement, la demande est beaucoup plus grande, parce qu'il y a beaucoup plus de chômeurs. Le chômage engendre une forte hausse de la demande, parce que c'est l'un des choix qui s'offrent aux chômeurs.

La mesure la plus concrète est la hausse de la demande d'aide financière aux étudiants et la hausse du nombre de personnes qui empruntent le maximum au moyen du Programme d'aide aux étudiants. C'est très difficile d'établir et de suivre en données statistiques mesurables les conséquences de la hausse des frais. C'est beaucoup plus facile de s'en rendre compte d'après ce qu'on nous raconte, par exemple quand des étudiants appellent à nos bureaux pour nous dire qu'ils devront abandonner leurs études s'ils ne reçoivent pas d'aide d'urgence. Comme nous sommes incapables de les aider, nous présumons qu'ils finissent par laisser tomber, mais c'est très difficile à mesurer.

Le sénateur Lavoie-Roux: Votre recommandation précise que l'adoption du TCSPS en remplacement de la formule de financement des soins de santé et de l'enseignement prévue dans le cadre du FPE fera baisser le financement des services de santé et d'enseignement. Cependant, le gouvernement a agi ainsi parce que, comme nous disons au Québec, et peut-être qu'on le dit ailleurs également, le gouvernement fédéral a pelleté ces responsabilités dans la cour des provinces. Les municipalités se plaignent maintenant que les provinces les ont pelletées dans leur cour pour réduire leur déficit. Nous pourrions discuter longtemps à savoir à quel rythme et sur combien de temps doit être réduit le déficit, et si c'est un objectif valable. C'est là qu'on dépense la plus grande partie de l'argent, mis à part l'assurance-emploi, mais c'est un domaine où l'on peut réduire le déficit. Qu'auriez-vous d'autre à suggérer?

M. Gardiner: Je serais tenté de parler beaucoup trop longtemps, mais j'essaierai d'être bref. La politique concernant la dette et le déficit est l'un de mes sujets préférés. Je suis d'accord pour dire que le déficit et la dette posent un problème, parce qu'ils créent un transfert de richesses ayant pour effet que les programmes riches deviendront ceux qui ont des économie, au détriment de ceux qui ont besoin de financement. À long terme, le déficit et la dette ne peuvent être maintenus. C'est sûr que l'objectif du gouvernement fédéral doit être, à court et à long termes, de tenter de réduire le déficit et la dette.

Il faut réexaminer les objectifs. On devrait viser à réduire le déficit et la dette par rapport au produit national brut et à la croissance du produit intérieur brut, plutôt qu'en dollars réels. C'est ainsi qu'on a toujours mesuré la dette et le déficit.

En pourcentage de notre PIB, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, notre dette était plus importante qu'elle ne l'est maintenant. Plutôt que de retirer le financement de l'enseignement postsecondaire, le gouvernement fédéral a entrepris de financer l'enseignement postsecondaire, de donner plus d'importance à cette fonction, reconnaissant les avantages qu'il y avait à assurer un financement adéquat de l'enseignement postsecondaire. Ainsi, en instruisant une partie de la population, on crée des retombées économiques qui aident à alléger le déficit, à long terme.

Si vous voulez savoir ce que nous pourrions envisager d'autre, je dirai que, selon moi, les dépenses de programme sont réparties dans bien des domaines mais que nous devons aussi envisager des mesures pour créer des revenus. Je suis heureux de voir que, récemment, le gouvernement fédéral a révisé sa politique des taux d'intérêt. En effet, à la fin des années 80, cette politique a fait beaucoup de tort, parce qu'elle a contribué à la croissance du déficit. Nous avons maintenant des taux d'intérêt stabilisés et faibles qui aideront grandement à alléger le déficit.

On est en voie de prendre certaines mesures. Les mesures que nous devons appliquer fermement ne sont pas celles qui exigent d'importantes réductions dans les dépenses de programmes puisque l'effet multiplicateur des compressions n'est pas de un dollar de recettes pour chaque dollar non dépensé. Il faut être prudent là-dessus.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je vous remercie de votre exposé. Avant de terminer, je tiens à vous dire que je suis d'accord... et je ne sais pas si c'est exactement ainsi que vous le dites dans votre document...

[Français]

Je pense qu'il est temps que le gouvernement rétablisse, comme priorité, l'éducation. Évidemment, il y a eu beaucoup de développement dans la santé, il y a eu des grands besoins comme celui, par exemple du vieillissement de la population. En fait, il y a un tas de facteurs dans ce domaine-là, qui fait qu'on y a consacré beaucoup d'argent et on ne peut pas, non plus, faire des coupures que je qualifierais d'indécentes, dans la santé.

Mais, par contre, il y a d'autres domaines où le gouvernement dépense beaucoup d'argent: il est peut-être temps qu'il révise ses priorités et que l'on redonne à l'éducation le rang qui lui appartient. Tout le monde est venu nous en parler, non seulement ici mais ailleurs. Il est important que l'on se requestionne sur la place que l'on veut donner à l'éducation, son importance. Tout le monde est venu nous dire que cela ne pouvait pas rester au dernier rang.

Alors j'aurais une question à vous poser sur votre «Post-secondary Education Advisor Council».

[Traduction]

Je pense que c'est une bonne idée. Je ne sais pas si c'est faisable, mais ce n'est peut-être pas une mauvaise idée.

M. Gardiner: J'aimerais répondre brièvement sur la question du conseil consultatif en matière d'enseignement postsecondaire. J'ai parlé hier d'un processus que nous avons appliqué, en Colombie-Britannique, intitulé «Charting a New Course: Strategic Planning for Colleges and Institutes», ou «Un nouveau cours au programme, Planification stratégique à l'intention des collèges et des instituts». C'est un processus que Ed Lavalle, président des enseignants de niveau collégial, a aussi mentionné. Ce processus a réuni les facultés, les étudiants, le gouvernement et les administrateurs. Il en a résulté un document qui établit une perspective relativement bonne pour le système, compte tenu de la conjoncture actuelle. C'est un bien meilleur document que ce qu'aurait pu faire le gouvernement s'il avait entrepris de le rédiger à lui seul.

Il est peut-être difficile d'établir un quelconque conseil consultatif en matière d'enseignement postsecondaire, mais en Colombie-Britannique nous avons pu constater les avantages qu'il y a à réunir tous les intéressés pour qu'ils examinent le système.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez énuméré les choses que les universités et les collèges communautaires essaient de faire pour surmonter l'insuffisance de financement. Je présume qu'ils n'ont pas fait les bons choix, puisque vous en arrivez à la conclusion évidente qu'il faut investir plus d'argent dans le système, ce qui ne se fera pas. Les universités collaborent avec l'industrie pour la recherche appliquée, afin qu'elle se fasse suivant les lignes directrices et des principes éthiques qui conviennent. Elles ne peuvent renoncer à ce système tant qu'elles n'auront pas de promesses de financement d'autres sources, gouvernementales ou autres.

Les universités changent. Bon nombre d'entre elles ont fait des choses qu'elles auraient dû faire il y a 50 ans, c'est-à-dire établir un fonds de dotation commercial. Il y avait des riches, au Canada, qui, si on leur avait dit qu'ils devaient donner la préférence aux universités lorsqu'ils font des dons de charité, auraient pu faire preuve de souplesse et trouver un moyen de leur donner de l'argent.

Je me demande si vous présenteriez le même discours dans deux ans, si l'on poursuit la réduction de la dette et du déficit. Diriez-vous toujours qu'il faut investir davantage dans le système ou seriez-vous alors plus enclin à approuver ce que les administrateurs des universités ont été forcés de faire?

M. Gardiner: Je n'essaie pas de blâmer les administrateurs des universités et des collèges pour les choix qu'ils ont fait. Je crois qu'ils ont pris ces mesures de bonne foi, dans l'intérêt de leur institution et des étudiants de leur institution, compte tenu de la baisse de financement.

C'est difficile de réagir à d'importantes compressions fédérales en combinant idéalisme et réalisme. Si une institution ne réagit pas à des compressions financières et que la qualité de l'enseignement ou l'autonomie de l'université en souffrent, ce sera plus difficile de ravoir le financement perdu, dans les années ultérieures.

Je signale ces faits parce qu'ils ne sont pas souhaitables et que, si nos institutions recevaient le financement qui convient, elles n'auraient pas à faire ces choix. Les institutions d'enseignement postsecondaire cherchent de plus en plus à s'assurer des gains de rendement, plus que tout autre secteur. Dans l'état actuel des choses, plutôt que de trouver des moyens de faire des gains de rendement, les universités... Je ne sais même pas s'il existe un terme pour en parler, parce que l'expression «gains de rendement» signifie que, en faisant ceci, on sera plus en mesure de faire cela. Ce que constatent maintenant les universités, entre autres, c'est que, en faisant ceci, on n'est pas en mesure de faire quoi que ce soit de plus.

Le choix est difficile. Vous avez dit que le financement n'augmenterait pas. J'ai confiance qu'il augmentera, et je resterai optimiste, même si, évidemment, on a de bonnes raisons de croire que la hausse ne viendra pas du gouvernement fédéral. Nous avons aussi l'intention de maintenir les pressions sur nos gouvernements provinciaux pour obtenir plus de financement, assez pour compenser les pertes, comme on l'a fait en Colombie-Britannique.

Les étudiants occupent les bureaux de l'assemblée des gouverneurs de l'Université de Toronto depuis hier. À l'Université York, les bureaux du recteur et de l'assemblée des gouverneurs ont été envahis par les étudiants ce matin. L'Ontario se ressent vraiment des compressions du gouvernement provincial. Le gouvernement leur a, essentiellement, directement transmis ces compressions. Là où l'on a agi ainsi, les conséquences sont beaucoup plus graves.

En Colombie-Britannique, on voit les institutions commencer à chercher à faire des gains de rendement parce que, en grande partie, la province a créé cette perte de financement. Le recteur de l'Université de Victoria a souvent parlé de balkanisation du régime d'éducation du Canada. Il dit que certaines provinces auront un bon système accessible et que d'autres seront les parents pauvres. C'est une conséquence inévitable de la baisse du financement, parce que certaines provinces ont les moyens de hausser les revenus de manière à compenser la baisse de financement fédérale, tandis que d'autres provinces n'ont pas ces moyens.

Je comprends votre argument et les points que vous faites valoir. Nous vivons une époque difficile.

Le sénateur Andreychuk: En Colombie-Britannique, est-ce différent à cause du gel des frais de scolarité? Votre gouvernement a indiqué qu'il n'avait pas le budget et, tout récemment, a présenté des prévisions budgétaires montrant des changements radicaux. Ce sera intéressant de voir si sa réaction, aux sujets de l'éducation et de la santé, restera la même que par le passé. Pourquoi, malgré les traditionnels sit-in dans le bureau du recteur, les étudiants ne sont-ils pas parvenus à attirer l'attention des Canadiens sur la question des études autant qu'on peut le faire sur d'autres questions? Nous faisons toujours le parallèle avec la santé.

M. Gardiner: Je pense que nous l'avons fait. Nous avons fait des sondages, bien avant les élections provinciales tenues l'an dernier en Colombie-Britannique. En novembre 1995, nous avions constaté que cette question préoccupait profondément la population. Près de 80 p. 100 des personnes interrogées étaient inquiètes au sujet des conséquences des compressions fédérales dans l'enseignement postsecondaire. Durant toute la campagne électorale, les sondages ont montré que, pour 26 p. 100 des personnes interrogées, le déficit était la préoccupation majeure; pour 25 p. 100 d'entre elles, c'était la santé; pour 24 p. 100, l'éducation. Quand on y regarde de plus près, on constate que celles qui ont mentionné la santé comme première préoccupation ont mentionné l'éducation au deuxième rang et que celles qui avaient choisi l'éducation en premier lieu mentionnaient la santé en deuxième lieu. L'emploi vient au troisième rang des préoccupations. La quatrième, c'est quelque chose d'autre. Le déficit vient enfin au cinquième ou sixième rang des préoccupations.

Une certaine proportion des répondants mentionne le déficit comme préoccupation première, mais pas nécessairement la majorité des Canadiens. Il importe de regarder quels sont les premier, deuxième et troisième choix des gens, pour savoir quels sont les grands enjeux de l'heure, et non se contenter de leur premier choix.

Le président: Je tiens à vous remercier, Michael, pour cet excellent mémoire. Il révèle votre grand intérêt pour l'éducation et le financement. Je vous suggère de rester en contact avec mon ami, M. Van Raalte, qui a été membre de l'association des étudiants de son université, un certain temps, et qui montrait la même détermination que vous l'avez fait ici, dans son travail au sein de son association étudiante. Il voit tout de la même manière que vous et fait d'assez fortes pressions sur ces questions. Si vous restez en contact avec lui, il veillera à ce que le comité entende de nouveau parler de vous.

La séance est levée.


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