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Sous-comité de l'éducation postsecondaire au Canada

 

Délibérations du sous-comité de l'enseignement postsecondaire
du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 7 - Témoignages


REGINA, le mercredi 12 février 1997

Le sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 14 heures pour poursuivre son étude sur la situation de l'enseignement postsecondaire au Canada.

Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bonjour. J'allais vous souhaiter la bienvenue à Regina, mais en fait, c'est moi qui vous rends visite et je suis heureux d'être ici. Je m'attendais à voir des champs et des prairies toutes vertes, mais au lieu de cela, nous sommes encore sous la neige et on me dit qu'avec le vent qui souffle, il fait moins 49 degrés.

Je m'appelle Lorne Bonnell. Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard, la province aux espaces verts. Alors que vous êtes sous la neige, nous avons de la pluie et là-bas la température est de deux ou trois degrés au-dessus de zéro, et quand le Père Noël est venu nous n'avions pas de neige pour ses rennes. Nous nous réjouissons donc de voir qu'il y a au moins de la neige ici.

Mes collègues et moi sommes heureux d'être ici. Je tiens à ce que vous sachiez que le sénateur Andreychuk qui vient de la noble ville de Regina, tenait beaucoup à ce que le comité se rende dans votre ville, et tout particulièrement à l'université; elle nous a dit que si nous voulions voir un bon exemple de leadership en matière d'enseignement, c'était ici qu'il fallait venir. Jusqu'à maintenant nous avons entendu des représentants de centres en Alberta et en Colombie-Britannique. Nous sommes d'abord allés en Colombie-Britannique, non pas parce que cette province occupe une meilleure position que la Saskatchewan, mais parce que c'était plus pratique d'échelonner ainsi nos visites en fonction du retour.

Nous sommes heureux d'accueillir le premier témoin de cet après-midi, M. Dan Perrins, sous-ministre de l'Éducation de la Saskatchewan. En guise d'excuse, monsieur Perrins, j'aimerais mentionner que nous, sénateurs, comprenons très bien que l'éducation est une question de compétence provinciale; nous comprenons aussi qu'on puisse s'imaginer que nous empiétons un peu sur les prérogatives provinciales. Toutefois, parce que moi-même et d'autres membres du comité estimions qu'à l'aube du XXIe siècle, l'éducation au Canada était en situation d'urgence et qu'il fallait y apporter des changements, nous avons proposé d'effectuer ce voyage dans tout le pays pour voir ce qu'on pensait de cette importante question. Bien sûr, je ne m'aviserai pas de dire aux ministres de l'Éducation ce qu'ils ont à faire, mais j'ai pensé qu'ils trouveraient peut-être intéressant d'entendre une opinion de l'extérieur. Autrement dit, ils pourraient lire les témoignages recueillis au cours des séances du comité, et peut-être que cela leur donnerait matière à réflexion ainsi qu'un point de départ afin de travailler dans l'intérêt de nos jeunes et à l'amélioration de l'éducation au Canada. Nous devons nous rappeler que le Canada est maintenant un partenaire sur le marché mondial et que pour cette raison la question n'intéresse plus les seules provinces, qu'on parle de la Saskatchewan, de l'Île-du-Prince-Édouard ou de la Colombie-Britannique. Nous devons maintenant agir à titre de partenaires internationaux sur la scène mondiale.

Monsieur Perrins, je tiens à vous remercier d'avoir accepté de venir comparaître et de nous faire bénéficier de votre expérience. Entre parenthèses, je suis sûr que l'université serait ravie de vous entendre dire que le ministère va vous accorder des millions de dollars provenant du ministère, mais bien sûr vous voudrez peut-être laisser cette annonce au ministre. Quoi qu'il en soit, nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à nous dire, monsieur, et vous devez être prêt à répondre aux quelques questions qu'on voudra vous poser après.

Cela dit, vous avez la parole.

M. Dan Perrins, sous-ministre, ministère de l'Enseignement postsecondaire et de la Formation professionnelle de la Saskatchewan: Merci beaucoup monsieur le président, et soyez le bienvenu en Saskatchewan. Compte tenu de la description que vous avez faite du temps qu'il fait ici, je vous rappelle que vous venez ici en hiver.

Le sénateur Perrault: Eh bien, votre automne est merveilleux.

M. Perrins: D'abord, j'aimerais vous féliciter de votre initiative. Je pense que nous reconnaîtrons tous qu'elle est fort opportune, et nous nous réjouissons de l'occasion qui nous est offerte de vous présenter aujourd'hui un mémoire; en particulier, j'aimerais saluer et accueillir le sénateur Andreychuk. J'ai eu le plaisir de travailler avec elle il y a des années, et à maintes reprises j'ai été menacé d'emprisonnement si je ne l'écoutais pas quand elle était au tribunal.

Le sénateur Andreychuk: C'est bien vrai.

M. Perrins: J'espère donc faire mieux aujourd'hui.

Le sénateur Lavoie-Roux: Elle doit avoir été un patron exigeant.

M. Perrins: Elle l'était.

Le sénateur Andreychuk: C'était à l'époque où il était assistant social et qu'il se présentait au tribunal pour jeunes délinquants.

M. Perrins: C'est juste. Nous étions tous deux plus jeunes à l'époque, mais je ne dirai pas de combien d'années.

Le ministre, M. Mitchell, comme vous le savez, présentera un mémoire officiel à Ottawa, si bien qu'aujourd'hui je vais me contenter de vous décrire le système d'enseignement postsecondaire en Saskatchewan et vous parler de certaines des initiatives que nous avons prises. Nous voulons ainsi en quelque sorte paver la voie au ministre, et quand il s'adressera à vous en avril, après le discours du budget, il pourra vous donner plus d'information.

Je pense qu'il serait utile de simplement vous décrire le système d'enseignement postsecondaire en Saskatchewan. Il y a deux universités qui accueillent environ 29 000 étudiants; l'Université de la Saskatchewan et l'Université de Regina. L'Institut des sciences appliquées et de la technologie de la Saskatchewan, le SIAST, accueille environ 45 000 étudiants, dont 12 000 à temps plein. Il y a 9 collèges régionaux, dont un collège interprovincial, qui dispense des cours universitaires et des cours du SIAST dans les zones rurales et dans le nord de la province; ils offrent aussi des cours en développement communautaire. Il y a cinq établissements autochtones qui collaborent avec les universités, le SIAST et les collèges régionaux pour offrir une formation et un enseignement postsecondaire aux peuples autochtones de la Saskatchewan. Un des ces établissements, le Saskatchewan Indian Federated College, est le seul collège universitaire administré par les Premières nations en Amérique du Nord. Nous sommes très heureux de souligner que ce collège, le SIFC, comme on l'appelle, vient tout juste de célébrer son vingtième anniversaire.

La Saskatchewan a un programme d'apprentissage très dynamique. Il y a 4 000 apprentis qui sont inscrits dans 44 métiers, et leur nombre augmente. Il y a 30 écoles professionnelles privées qui accueillent 2 500 étudiants, et environ 15 collèges confessionnels offrant diverses possibilités aux étudiants.

Tout cela montre bien pourquoi en Saskatchewan nous sommes soucieux de parler d'éducation et de formation quand nous parlons du secteur de l'enseignement postsecondaire. Comme vous le savez, ce secteur a subi d'énormes pressions ces dernières années; les demandes évoluent en raison de changements économiques, technologiques et démographiques. Un des plus importants changements survenus en Saskatchewan est la croissance de la population autochtone. Celle-ci représente maintenant 12 p. 100 de la population totale, et on prévoit que d'ici 20 ans elle en représentera 20 p. 100.

L'année dernière, la Saskatchewan a entrepris de mettre en place un cadre visant à revitaliser le système et à le modifier. Nos universités sont au coeur de ces initiatives.

Les universités de la Saskatchewan ont très bien servi la province. Face aux pressions d'ordre financier, elles ont cherché à maintenir l'ensemble de leurs programmes en procédant à des compressions générales ainsi qu'à des réductions budgétaires ciblées; toutefois, il y a un an, l'université a fait savoir que tous les programmes actuels ne pourraient être maintenus compte tenu des niveaux de financement. Toute restructuration des programmes en réponse aux défis d'ordre technologique, social, démographique et financier pose pour le gouvernement la question de l'intérêt public.

Par conséquent, on a adopté un processus en deux étapes pour atteindre un certain nombre d'objectifs. D'abord, on a estimé qu'il était absolument essentiel de favoriser l'autonomie universitaire. Deuxièmement, qu'il fallait offrir aux universités des possibilités de concevoir leurs propres solutions, ce qui découle naturellement du premier objectif d'autonomie. Troisièmement, on a jugé essentiel d'encourager une collaboration continue entre les deux universités. Enfin, il est aussi apparu nécessaire de faciliter la collaboration des universités et du gouvernement dans l'intérêt public.

La première étape fut la nomination du représentant spécial du ministre pour définir avec les universités le programme et le processus de changement. La deuxième fut la mise en oeuvre du processus de renouvellement recommandé, bref la mise en pratique du programme. Harold MacKay a été nommé pour collaborer avec les universités afin de les aider à réaliser des économies sur le plan administratif, rationaliser leurs programmes et trouver des formules d'approche novatrices. On a également demandé à M. MacKay de parler des obstacles à la rationalisation et d'autres questions pressantes, et je vous laisserai copie du rapport préparé par M. MacKay à l'intention des universités, du gouvernement et, finalement, du grand public. Je crois que l'on peut dire que cela a considérablement fait avancer le dossier dans notre province.

D'autres choses ont également poussé la province à réexaminer sa stratégie de formation. Notamment, par exemple, l'évolution de la situation économique et du marché du travail qui exige des compétences accrues. Nous avons déjà parlé de la rapidité du changement, de la formation continue et de l'évolution sociale et démographique; il y a aussi les divisions rurales-urbaines, le vieillissement de la population, l'augmentation de la population autochtone; citons en outre l'effet des changements apportés par le gouvernement fédéral, le fait qu'il ne participe plus à la formation et qu'il a modifié les règles dans la nouvelle Loi sur l'assurance-emploi, toutes choses qui menacent la stabilité dans ce domaine.

La province a choisi de participer à titre de partenaire à l'élaboration d'une stratégie de formation et, en mai dernier, nous avons publié un document intitulé «Choices for Saskatchewan Training Strategy». Ce document présente une série de principes et objectifs et une idée de ce que pourrait être un régime de formation provincial. Je répète que l'on a essayé de consulter un maximum de monde. Les thèmes clé étaient que nous devrions utiliser nos points forts, c'est-à-dire SIAST et les collèges régionaux, que la formation n'est pas simplement dispensée dans les écoles mais qu'elle doit être intégrée à l'emploi et correspondre aux besoins du marché du travail et que le régime de formation doit répondre aux besoins des personnes défavorisées, doit être lié aux emplois et doit englober une méthode d'approche inclusive.

La stratégie n'a toujours pas été finalisée, mais quand elle sera mise en oeuvre, nous pensons qu'elle reposera sur un bon système de formation public en partenariat avec les employeurs, les syndicats, le secteur privé et les administrations locales, afin de répondre aux besoins du marché du travail et de faciliter notamment la transition entre l'éducation publique et la vie professionnelle. On est en train de préparer un document à ce sujet qui devrait être publié sous peu et je veillerai à ce que vous le receviez. Les étudiants ou ceux qui apprennent, sont au centre de toutes les initiatives que nous avons entreprises.

Au début des années 80, les droits d'inscription que versaient les étudiants aux universités de la Saskatchewan, couvraient à peine 10 p. 100 du coût de l'enseignement. Aujourd'hui, cela représente plus de 25 p. 100 et ce chiffre augmente. Le gouvernement s'inquiète qu'un nombre croissant d'étudiants sorte de l'université pour entrer dans la population active avec une dette importante, endettement qui peut être difficile à résorber avec un salaire de débutant. Il est évident que c'est contraire à l'intérêt public. La Saskatchewan a l'un des programmes de réduction de la dette étudiante les plus généreux du pays, mais la majorité de cet endettement concerne le prêt fédéral. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a créé un groupe de travail chargé d'étudier l'assistance aux étudiants qui inclut des représentants des étudiants, des établissements publics et de l'administration. L'objet est d'aider à élaborer des propositions visant à améliorer les programmes actuels d'assistance aux étudiants et à recommander des méthodes d'approche novatrices pour aider les étudiants et pour financer les études postsecondaires. Le gouvernement a l'intention de proposer ses initiatives au gouvernement fédéral et aux autres provinces et le ministre voudra certainement vous reparler de la question en avril.

M. Mitchell s'intéresse particulièrement aux rôles et responsabilités élargis des gouvernements et de leurs institutions. Le gouvernement de la Saskatchewan a commencé à préciser ses priorités en publiant «Public Interest and Revitalization of Saskatchewan's Universities», troisième document que je laisserai à votre disposition. Il s'agissait en fait, du moins en partie, de la réponse du gouvernement au rapport MacKay. Cinq thèmes d'intérêt public sont abordés. Tout d'abord, l'autonomie des universités, notamment les rôles et responsabilités de chacun; une définition de l'autonomie des universités. Les priorités publiques, le financement des études universitaires, la responsabilisation, et, enfin, les problèmes financiers immédiats.

Par l'intermédiaire du Conseil des ministres de l'éducation, la province se propose également de collaborer avec d'autres provinces à l'élaboration de documents de réflexion sur les attentes du public face au secteur postsecondaire. Ce rapport devrait être prêt à être présenté et discuté à la réunion du CMEC de l'automne de 1997.

J'ai cité un certain nombre d'initiatives en cours en Saskatchewan. Je vous laisserai, comme je vous l'ai dit, le rapport MacKay, le document intitulé «Public Interest and Revitalization of Saskatchewan Universities» et le document «Choices». Ces trois documents pourront vous aider à vous préparer à la comparution du ministre Mitchell devant votre comité.

J'aimerais maintenant vous faire part de certaines observations personnelles. J'ai eu la chance de travailler dans le secteur des services sociaux pendant un certain nombre d'années ainsi que dans les secteurs de la santé et je travaille depuis deux ans et demi dans le secteur de l'éducation. Pour ce qui est du rôle que les provinces jouent par rapport au gouvernement fédéral, et je sais et vous sais gré que vous reconnaissiez le problème de la compétence provinciale, je crois que le Canada a beaucoup bénéficié dans le domaine de la santé de la Loi canadienne sur la santé qui énonce des principes et qui permet ainsi de financer le régime de santé publique en fonction de ces principes. Le Régime d'assistance publique du Canada en a fait autant pour les services sociaux. Il précise dans un texte de loi la nature de la relation qui peut exister entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Les études postsecondaires n'ont pas bénéficié d'une même méthode d'approche, pour tout un éventail de raisons, certes, mais je trouve cela ironique, car s'il y a un domaine dans lequel le pays bénéficie de ce qui se passe dans les provinces, c'est bien celui des études postsecondaires. On ne peut que regretter ou s'inquiéter quand un diplômé d'une université ou d'un institut technique trouve de l'emploi ailleurs au Canada. C'est je crois ce que signifie vivre au Canada et on peut ainsi dire que s'il y a un domaine où le gouvernement fédéral devrait rester présent, c'est bien celui des études postsecondaires.

M. Allan, de l'Université de Regina, a dit que la Saskatchewan exporte depuis longtemps des étudiants et des diplômés et toute considération touchant le financement devrait en tenir compte. Il ne s'agit pas simplement de diviser les ressources en fonction de la population. Nous devrions vraiment envisager les choses différemment à propos du financement des études postsecondaires par le gouvernement fédéral. Il est assez ironique que l'on semble aller justement dans un autre sens; c'est la raison pour laquelle nous apprécions la tâche que vous avez entreprise car cela nous permettra peut-être de parvenir à modifier la situation.

Je m'arrêterai là pour pouvoir répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Perrins. Avant de passer la parole à mes collègues, je dois vous dire, puisque vous avez parlé du secteur de la santé, que je suis le sénateur qui a fait adopter la Loi canadienne sur la santé par le Sénat et par le Parlement il y a quelques années. J'avais l'aide d'un citoyen de la Saskatchewan, Tommy Douglas; et il a beaucoup appuyé cette loi et nous avons collaboré pour la faire adopter par le Parlement. Autre détail en passant, aujourd'hui, dans la petite province de l'Île-du-Prince-Édouard, un autre ancien habitant de la Saskatchewan, Pat Bains, est devenu notre premier ministre. Il a déménagé à l'Île-du-Prince-Édouard et dirige maintenant le gouvernement de la province. Il est né et a fait ses études en Saskatchewan et fut «exporté» à l'Île-du-Prince-Édouard. Donc, vous voyez, dans l'Est, nous écoutons quelquefois la Saskatchewan.

Monsieur Perrins, je vais vous donner la possibilité d'aborder cette question comme si vous étiez sénateur. Je sais que c'est une rétrogradation lorsqu'on est sous-ministre mais je vous demanderais pendant quelques instants de vous mettre dans la peau d'un sénateur, comme le sénateur Andreychuk, et de me dire ce que serait vos deux premières recommandations au gouvernement canadien en la matière, les recommandations que pourrait présenter ce comité. Que seraient-elles?

M. Perrins: Je recommande que l'on reconnaisse que l'éducation postsecondaire est un élément fondamental et essentiel de la structure sociale du Canada; c'est pourquoi j'exhorte le gouvernement à entamer des discussions à cet égard avec les provinces. C'est peut-être une façon un peu étrange de présenter les choses, mais je ne commencerai pas par une discussion du financement; je discuterai d'abord de la nature de l'éducation postsecondaire et de sa contribution à la structure du Canada; il faudrait discuter de ce que cette éducation doit être, parce qu'à plusieurs égards cette discussion n'a jamais vraiment eu lieu.

Nous commençons toujours par discuter de financement, et ce n'est pas toujours la meilleure façon d'aborder le problème; ainsi, des deux recommandations que je fais, une positive et l'autre peut-être un peu négative, je recommanderais que l'on retienne la première d'abord, soit que l'on procède à une discussion nationale sur la valeur de l'éducation postsecondaire. Les chiffres présentés par Statistique Canada à cet égard sont très révélateurs et indiquent clairement qu'il existe un lien évident entre l'éducation et l'employabilité; ainsi, plus on a fait d'études, plus on a de chances de se trouver un emploi. Ainsi, si l'on pense à la nature du pays et à sa croissance, un bon point de départ serait une discussion sur la valeur de l'éducation.

Ma deuxième recommandation... Je plaisantais un peu tout à l'heure quand j'ai dit que je ne commencerais pas par parler de financement, parce que cela nous entraîne dans une discussion que bien des gens veulent éviter. Ma deuxième recommandation serait donc de réunir des représentants des universités et d'autres institutions pour discuter d'une approche organisée du secteur postsecondaire, pas simplement les universités. On a quand même tendance à penser lorsqu'on parle du secteur postsecondaire qu'il s'agit là des universités, et même si ces dernières représentent un élément important de ce secteur, elles ne représentent pas le seul élément.

Le président: Il y a quelques années vous oeuvriez dans le secteur du travail social, vous l'avez signalé, et il y avait un juge qui surveillait ce que vous aviez à dire. Peut-être pourrais-je accorder à un juge l'occasion de vous parler et de vous poser certaines questions sur votre position, à savoir si vous êtes coupable ou pas.

Le sénateur Andreychuk: Je ne monopoliserai pas tout le temps réservé aux questions, parce que je connais la position de la Saskatchewan à cet égard, ou tout au moins sa position officielle.

Monsieur Perrins, j'aimerais revenir au deuxième point que vous avez soulevé. J'espère que vous entendiez par là que nous devrions élargir la définition d'éducation postsecondaire pour qu'on y inclut non seulement les collèges communautaires, les instituts de formation, et cetera, mais également le concept d'éducation postsecondaire comme apprentissage permanent.

M. Perrins: C'est exact.

Le sénateur Andreychuk: Quel serait alors, d'après vous, le rôle du gouvernement provincial, car vous savez qu'il faut toutes sortes de mesures informelles au chapitre de la formation en raison de la mondialisation des marchés? Peut-être aurais-je dû faire un commentaire en guise d'introduction avant de poser la question. Notre comité s'est rendu en Colombie-Britannique, où l'on nous a dit qu'il y a quelque 400 établissements d'enseignement formels, mais que de plus en plus, si vous voulez être compétitif à l'échelle internationale, vous devez fréquenter un collège communautaire -- le sénateur Perrault vous parlera sans aucun doute du Collège Capilano -- pour obtenir votre diplôme; puis par la suite vous allez apprendre un peu plus votre métier, peut-être en travaillant dans la région Asie-Pacifique. Il y a toutes sortes de nouvelles entreprises qui assurent le type de formation dont les gens ont besoin pour se trouver une place sur le marché international, des entreprises qui ne sont assujetties à aucun règlement. Elles paient peut-être des impôts, mais comment pourraient-elles être intégrées à tous ces autres établissements d'enseignement informels?

M. Perrins: Eh bien, je crois qu'il s'agit là de la deuxième question. Il faudra peut-être rattraper quelque peu le temps perdu, parce que nous n'avons pas vraiment étudié cette question de façon organisée ou formelle, et nombre des discussions qui ont déjà eu lieu portaient sur des questions connexes comme les modifications apportées à la Loi sur l'assurance-emploi; ainsi, au lieu de regarder ce qui s'est fait par le passé, nous devons nous tourner vers les besoins du marché et déterminer comment nous pouvons nous organiser en fonction de ces besoins dans l'ensemble du pays.

Il sera toujours possible d'adapter des programmes ou des concepts à des circonstances particulières, parce que c'est là la nature même du Canada, je crois, mais la Saskatchewan évidemment n'a pas autant d'établissements d'enseignement, et il est donc un peu plus facile d'organiser les services de formation dans la province. Cependant, quand vous pensez à la formation sur le tas et à toutes les formes qu'elle peut prendre, à tous les nouveaux domaines d'apprentissage -- seulement cet htmect -- non, je ne sais pas vraiment comment on pourrait organiser toutes les choses, mais nous devons quand même faire l'effort, et ce, à l'échelle nationale, parce que cela ne se produira pas tout seul, et on se retrouvera avec encore plus de problèmes, comme la question de l'accréditation et des normes, des problèmes que nous n'avons jamais vraiment eus auparavant. Si les choses ne changent pas, les gens commenceront bientôt à ne plus connaître la valeur de certaines de ces choses.

Je suppose que je n'ai pas vraiment répondu à votre question, parce que je ne crois pas vraiment connaître la réponse; je peux simplement dire que si nous ne faisons pas des efforts dès maintenant pour encourager les intervenants à discuter de la question, il y aura encore plus de programmes disparates que ce n'est le cas actuellement.

Le président: L'intervenante suivante sera le sénateur Forest. Elle vient d'Edmonton, en Alberta, et est en quelque sorte votre voisine.

Le sénateur Forest: J'ai déjà vécu au Manitoba et j'ai passé beaucoup de temps en Saskatchewan. En fait j'étais ici lors de la dernière Coupe Grey, et il faisait aussi froid qu'aujourd'hui. Nous avons quand même eu beaucoup de plaisir. C'était un des meilleurs matchs de la Coupe Grey auxquels nous ayons assisté.

Vous avez signalé, monsieur Perrins, qu'il faut élaborer des lignes directrices nationales; d'autres témoins nous en ont parlé. Je vous mets peut-être un peu sur la sellette, mais j'aimerais savoir si vous pouvez nous dire quelles seraient à votre avis les lignes directrices importantes sur lesquelles nous devrions nous pencher, des lignes directrices qui devraient valoir pour tout le pays.

M. Perrins: Eh bien, il n'est pas nécessaire de réinventer le bouton à quatre trous.

Le sénateur Forest: Non.

M. Perrins: Pour ce qui est de l'apprentissage, par exemple, il y a le Programme du sceau rouge interprovincial, qui vaut la peine d'être étudié de plus près. Il y a eu des développements assez intéressants dans le secteur de l'éducation, de la maternelle à la douzième année, où nous avons même eu des épreuves nationales pour les sciences et les mathématiques; nous avons donc accompli certaines choses qui nous laissent entrevoir ce qu'on pourrait accomplir plus tard. Il y a eu une bonne collaboration interprovinciale au niveau du développement du programme de cours par exemple. Cependant, je ne pense pas que tout cela soit nécessairement possible au niveau universitaire. Néanmoins, nous avons déjà une bonne expérience au niveau des normes dans les secteurs techniques et industriels. Dans l'ensemble, je crois qu'il faudrait se tourner vers nos réussites et essayer de déterminer si nous pourrions élargir ces programmes.

Le sénateur Forest: On pourrait peut-être par exemple faire ressortir l'importance de la mobilité des étudiants.

M. Perrins: C'est là déjà depuis un bon moment l'objectif du Conseil des ministres de l'Éducation; on en parle beaucoup, mais on ne semble pas accomplir grand-chose; peut-être devrions-nous cesser d'en parler et...

Le sénateur Forest: Peut-être passer de la parole au geste.

M. Perrins: C'est ça.

Le sénateur Forest: Vous avez fait ressortir l'importance de l'éducation postsecondaire en ce qui a trait à l'employabilité et aux perspectives d'emploi. On nous a également beaucoup parlé de l'importance de la recherche; pendant le déjeuner, votre vice-président nous parlait de certains des travaux de recherche qui sont faits actuellement en ce qui a trait aux universités. Je sais que les collèges ne sont pas tout à fait dans la même situation, mais peut-être pourrions-nous préparer quelque chose de parallèle pour eux.

M. Perrins: Oui. Encore une fois cela fait partie de la structure nationale, parce que nous avons quand même fait de la planification à l'échelle nationale.

Le sénateur Forest: C'est exact.

M. Perrins: Il y a peut-être des gens qui sont mieux en mesure que moi de vous en parler, mais je crois qu'on a essayé de gérer le programme national de recherche de diverses façons à diverses époques. Je crois qu'il s'agit là d'un des secteurs où l'on s'est penché sérieusement sur une approche nationale.

Le sénateur Forest: Oui.

M. Perrins: On pourrait sans doute se servir de ce modèle. C'est la question du financement qui a compliqué les choses.

Le sénateur Forest: C'est exact. On parle beaucoup des problèmes de financement dans le contexte des prêts aux étudiants. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

M. Perrins: Le financement pose effectivement un problème sérieux. Comme je l'ai dit, c'est notamment la question de l'endettement des étudiants qui a amené le gouvernement à créer un groupe de travail sur le financement. La Saskatchewan a un important programme de remise ou d'annulation de dette, mais nos étudiants ont un endettement moyen de 13 000 $. En tant que moyenne, c'est un montant considérable.

Le sénateur Forest: Je crois que la moyenne dans l'ensemble du pays est beaucoup plus élevée.

Le sénateur Andreychuck: Elle est de 17 000 $.

Le sénateur Forest: C'est beaucoup plus élevé.

M. Perrins: En effet, c'est beaucoup plus élevé.

Le sénateur Forest: Il faut faire aussi quelque chose pour améliorer la situation des étudiants.

M. Perrins: Oui.

Le sénateur Lavoie-Roux: Monsieur Perrins, si je me souviens bien, la Saskatchewan a été la première province à entreprendre de réduire son déficit, et je crois que vous avez maintenant un budget équilibré, n'est-ce pas?

M. Perrins: Oui.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il est équilibré depuis quelque temps déjà, n'est-ce pas?

M. Perrins: Nous en sommes à la deuxième année d'équilibre.

Le sénateur Lavoie-Roux: En ce qui concerne le budget de l'enseignement, à quel rythme avez-vous procédé à des compressions d'une année sur l'autre? Vous savez que toutes les provinces se plaignent de la réduction des paiements de transfert qui vise à résorber le déficit, et toutes les provinces considèrent l'enseignement comme un poste budgétaire prioritaire. Avez-vous des chiffres sur ces réductions, et êtes-vous pénalisés en ce qui concerne le financement de l'enseignement?

M. Perrins: Je peux vous indiquer la situation budgétaire officielle de la Saskatchewan, et n'oubliez pas que le gouvernement actuel est entré en fonction en 1992. Pour les trois premières années, il a annoncé des réductions budgétaires. D'après mes spécialistes en finances, ces réductions ont été de 1 p. 100, 2 p. 100, 4 p. 100, 0 p. 100, 3 p. 100 et 3 p. 100.

Le sénateur Lavoie-Roux: Par conséquent, au cours des cinq ou six dernières années, il y a eu des réductions de 1 à 3 p. 100, puis vous êtes passés à 4 p. 100.

M. Perrins: Oui, 4 p. 100, mais il n'y a pas eu de réduction au début de l'exercice financier actuel, et cela pour diverses raisons. Tout d'abord, la province a dû faire face à la situation telle qu'elle se présentait, et au départ elle a annoncé une augmentation de 2 p. 100, mais lors de l'annonce des modifications aux transferts en matière de santé et de programmes sociaux, la province a été amenée à annoncer une réduction budgétaire de 3 p. 100 pour chacune des deux années suivantes. Donc, les deux derniers chiffres de 3 p. 100 de réduction résultent des changements annoncés par le gouvernement fédéral.

Le sénateur Lavoie-Roux: Autrement dit, vous n'auriez aucune réduction à effectuer cette année ni l'année prochaine si les transferts fédéraux restaient au niveau actuel, n'est-ce pas?

M. Perrins: C'est exact.

Le sénateur Andreychuck: Toujours sur le même sujet, est-ce que cela indique une corrélation directe entre les montants que vous recevez et les réductions que vous imposez? Autrement dit, les compressions que vous subissez se répercutent-elles directement sur le budget de l'enseignement?

M. Perrins: Non, les compressions subies n'ont pas été intégralement retransmises.

Le sénateur Andreychuck: Quel a été l'écart entre les deux?

M. Perrins: Eh bien, c'est là une question différente.

Le sénateur Andreychuck: Vous avez dû retransmettre au budget de l'enseignement une partie des réductions imposées par le gouvernement fédéral correspondant à ce qui était utilisé dans les établissements d'enseignement, n'est-ce pas?

M. Perrins: Oui, je crois qu'on a parlé d'un montant «symbolique» de l'ordre de 20 millions de dollars, car il y a eu une réduction des dépenses de santé, de services sociaux et d'enseignement, pour un montant annuel d'environ 110 millions de dollars. En fait, la province s'est engagée à combler l'écart et n'a retransmis qu'une partie des réductions d'origine fédérale. Maintenant, cela ne concerne que les universités. Quant aux collèges d'enseignement technique, au SIAST et aux collèges régionaux, aucune réduction des versements de transfert ne leur a été transmise. Ce qu'on leur a retransmis -- et du reste nous travaillons toujours sur cette question -- ce sont les changements apportés au programme de l'assurance-emploi et la décision du gouvernement fédéral de cesser d'acheter des places d'étudiants, ce qui représente environ 12 millions de dollars chaque année. Nous prévoyons que ces réductions vont pénaliser non seulement le SIAST, mais également les programmes d'apprentissage, la formation de base des adultes et certains achats de places supplémentaires dans les cours techniques, pour un montant annuel total d'environ 12 millions de dollars.

Le sénateur Lavoie-Roux: Quel rapport y a-t-il entre les réductions fédérales -- c'est-à-dire la réduction des transferts en pourcentage -- et les réductions effectuées par la province pour réduire son déficit? Quelles sont les plus importantes des deux?

M. Perrins: Si la province avait retransmis toutes les réductions de transferts, les réductions fédérales auraient été les plus importantes.

Le sénateur Lavoie-Roux: Les réductions de transferts ont été plus importantes?

M. Perrins: Oui.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous avez dit, je crois, que les coûts supportés par les étudiants ont augmenté de 10 à 25 p. 100.

M. Perrins: C'est exact.

Le sénateur Lavoie-Roux: Avez-vous essayé d'évaluer l'effet de cette augmentation sur les inscriptions? Est-ce que le nombre des étudiants a diminué?

M. Perrins: Non. En fait, les inscriptions ont continué à augmenter.

Le sénateur Lavoie-Roux: Cette augmentation est-elle due à celle de la population? Il semble en tout cas que l'augmentation de 15 p. 100 des frais de scolarité n'ait pas eu d'effets négatifs.

M. Perrins: Non; de ce point de vue, les chiffres des inscriptions et de l'ensemble de la population n'ont pas changé. Les inscriptions aux études postsecondaires ont continué à augmenter.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous avez dit, je crois, que la population autochtone de la Saskatchewan représente 12 p. 100 de l'ensemble et que d'ici à 10 ans elle en représentera 20 p. 100.

M. Perrins: C'est exact.

Le sénateur Andreychuk: S'agit-il de la proportion d'Autochtones qui font des études postsecondaires?

Le sénateur Lavoie-Roux: Non, non.

Le sénateur Andreychuk: Vous parlez de l'ensemble de la population?

M. Perrins: Oui, c'est cela.

Le sénateur Lavoie-Roux: Quelle est la proportion des étudiants autochtones dans vos universités?

M. Perrins: Combien y a-t-il d'étudiants dans la province, y compris à l'Université de Regina et à celle de Saskatoon?

M. Allan, conseiller technique, ministère de l'Enseignement postsecondaire et de la Formation professionnelle de la Saskatchewan: Il y a environ 11 700 inscriptions, dont 6 800 à plein temps, et je crois que les inscriptions au collège de la Fédération des Indiens de la Saskatchewan sont de l'ordre de 1 500 ou 1 600.

M. Perrins: Le collège de la Fédération des Indiens a donc environ 1 500 étudiants sur 11 700 inscriptions.

Le sénateur Lavoie-Roux: Mais par rapport à l'ensemble des étudiants, quelle est la proportion des Autochtones dans les universités?

M. Perrins: De l'ordre de 12 à 13 p. 100.

Le sénateur Lavoie-Roux: Ce qui correspond aux 12 p. 100 d'Autochtones par rapport à l'ensemble de la population.

M. Perrins: Oui, mais elle est plus forte à cause du collège de la Fédération des Indiens de la Saskatchewan. En revanche, l'Université de la Saskatchewan compte environ 16 000 étudiants, dont 8 p. 100 environ d'étudiants autochtones.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est donc une proportion un peu inférieure.

M. Perrins: En effet.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est ce collège qui fait remonter la moyenne, n'est-ce pas?

M. Perrins: C'est exact.

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce que cela vous préoccupe?

M. Perrins: Oui, c'est une préoccupation en Saskatchewan, et certains s'en inquiètent même beaucoup, mais je crois qu'on ne s'en préoccupe pas suffisamment.

Le sénateur Lavoie-Roux: Les étudiants autochtones ne déclarent pas nécessairement leur statut.

Le président: Pardonnez-moi de vous interrompre, sénateur, mais il ne nous reste qu'une demi-heure.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je pense qu'après un si long voyage, monsieur le président, nous devrions pouvoir poser les questions que nous voulons.

Le président: Oui, mais je pense qu'il faudrait aussi interroger les autres témoins des universités, et non pas uniquement le sous-ministre, qui doit s'occuper de l'ensemble des universités. N'ai-je pas raison?

M. Perrins: Je ne m'occupe pas de toutes les universités, sénateur; je travaille avec elles. Elles s'occupent elles-mêmes de leurs affaires.

Le sénateur Andreychuk: Toujours en ce qui concerne la proportion des Autochtones, est-ce que vous faites une distinction entre les Métis et les Indiens non inscrits? Arrivez-vous à identifier les membres de ces groupes?

M. Perrins: Oui. Je crois que le collège de la Fédération des Indiens de la Saskatchewan y arrive beaucoup mieux, grâce à l'auto-identification. À l'Université de la Saskatchewan, c'est plus difficile, mais de façon générale on y a également recours à l'auto-identification.

Le sénateur Lavoie-Roux: Pour en venir à ma dernière question, avez-vous quelque chose pour les étudiants francophones au niveau postsecondaire? Y a-t-il, disons, un collège qui accueille les étudiants francophones?

M. Perrins: Oui. Tout d'abord, dans l'enseignement primaire et secondaire, il existe désormais un réseau d'écoles séparées pour les étudiants francophones.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est pour les niveaux primaire et secondaire.

M. Perrins: C'est exact.

Le sénateur Lavoie-Roux: Mais qu'y a-t-il après cela?

M. Perrins: Le Collège Mathieu est sans doute le seul établissement d'enseignement postsecondaire exclusivement francophone que nous ayons.

Le sénateur Lavoie-Roux: Donc, il y en a un. Où se trouve-t-il?

M. Perrins: À Gravelbourg.

Le sénateur Lavoie-Roux: Ceux qui ont terminé leurs études dans ce collège s'inscrivent-ils ici ou à Saskatoon?

M. Perrins: Oui, c'est pratiquement un collège régional; les étudiants suivent également des cours dans d'autres institutions.

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce qu'il répond aux besoins de la population francophone?

M. Perrins: Non.

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce qu'on demande d'autres établissements?

M. Perrins: Pas vraiment, mais les francophones estiment que ce n'est pas suffisant et souhaiteraient une plus forte présence francophone. L'enseignement postsecondaire n'est pas aussi développé que l'enseignement primaire et secondaire, qui commence à s'affirmer, mais qui est lui-même de création récente. La nouvelle école française, qui n'est pas loin d'ici, est encore en construction; nous en sommes donc encore aux premières réactions, mais les gens de Saint-Mathieu, à Gravelbourg, souhaiteraient une présence francophone beaucoup plus importante.

Le sénateur Perrault: J'aimerais qu'on ait plus de temps à vous consacrer, mais nous sommes toujours limités. Le président a parlé tout à l'heure des intempéries. Je dois dire que mon grand-père avait une grande exploitation dans le sud de la Saskatchewan, et j'ai toujours une parenté très importante à Assiniboia; lorsque quelqu'un de l'Ouest ironisait sur le temps qu'il faisait, mon grand-père répondait: «Eh bien, cela forge le caractère.» C'est pourquoi on trouve ici en Saskatchewan des gens de caractère.

On vous a posé tant de questions que je ne sais par où commencer. Parlons tout d'abord de la qualité de l'enseignement actuel. Les gouvernements ont une tendance presque maniaque à vouloir équilibrer des budgets, à déclarer qu'ils ont éliminé leur endettement avant de déclencher des élections en toute hâte; mais les réductions qui ont été imposées à l'enseignement dans notre pays n'ont-elles pas entraîné un déclin des normes de qualité de l'enseignement? Des représentants des étudiants sont venus nous dire, au cours de récentes audiences, que ces normes avaient diminué constamment dans l'ensemble des provinces, et l'un des thèmes le plus souvent évoqués était celui de la diminution du financement public de l'enseignement postsecondaire, qui fait baisser la qualité de l'enseignement et qui le rend moins accessible aux Canadiens. Curieusement, cette diminution de l'accessibilité et de la qualité de l'enseignement se manifeste au moment même où le gouvernement, les entreprises, les syndicats et les universitaires sont tous d'accord pour dire qu'un niveau d'étude élevé pour l'ensemble de la population est indispensable à la sécurité future du Canada. On nous a dit que les bibliothèques scolaires n'étaient plus en mesure d'obtenir suffisamment de livres pour permettre aux élèves de progresser dans leurs études. Dans ce grand élan quasi obsessionnel vers l'équilibre budgétaire, auquel succombent tous les partis, est-ce qu'on ne risque pas de pénaliser inutilement les jeunes et d'hypothéquer l'enseignement et l'avenir même de notre pays?

Le sénateur Andreychuck: Où est le ministre quand on a besoin de lui?

Le sénateur Perrault: La province ne se tire-t-elle pas dans le pied en imposant de telles réductions budgétaires à l'Université de Regina? Et on parle de la possibilité d'une autre vague de compressions l'année prochaine. Est-ce vraiment la bonne façon de créer de la richesse à long terme et de réduire l'endettement?

M. Perrins: Sénateur, je suis sûr que vous apprécieriez beaucoup l'article d'Harold MacKay. C'est Hamlet, je crois, qui parlait de désorientation, et je vais reprendre ce thème, car Harold MacKay répond pratiquement à votre question en disant qu'à son avis on est allé trop loin, qu'on n'a pas accordé à l'enseignement postsecondaire le statut qu'il mérite; il le compare très pertinemment à l'enseignement primaire et secondaire, ainsi qu'aux services médicaux et sociaux, pour dire que le gouvernement devrait revoir son point de vue. Je suppose qu'il veut parler de tous les gouvernements.

Le sénateur Perrault: C'est juste.

M. Perrins: C'est donc un élément très important.

Le sénateur Perrault: Nos témoins nous ont parlé d'un certain nombre de programmes. Ils étaient très favorables à l'enseignement coopératif qui fait intervenir les secteurs public et privé. Cela coûte très cher, apparemment, mais les résultats sont encourageants. Est-ce que cette forme d'enseignement est présente en Saskatchewan?

M. Perrins: Je crois qu'aussi bien dans les universités qu'au SAIST, les cours coopératifs ont beaucoup progressé dans les facultés de génie, dans les écoles de gestion et dans les cours d'administration publique. Tous les grands établissements de la province proposent dans un certain nombre de facultés, des cours de nature coopérative qui remportent un grand succès.

Le sénateur Perrault: Les étudiants craignent que si l'industrie joue un rôle important dans l'organisation d'un cours, ils vont devoir étudier en fonction de ses priorités. Pensez-vous qu'il y ait un danger dans ce domaine, ou que les gouvernements puissent prendre des mesures pour garantir l'indépendance de l'enseignement?

M. Perrins: J'ai terminé mes études depuis déjà un certain temps, mais compte tenu de la nature même des universités et du défi de l'expérience étudiante, l'enseignement devrait être en mesure de contrebalancer les pressions de l'industrie. Pour présenter les choses autrement, disons que le SIAST et la plupart des facultés fixent eux-mêmes leurs programmes d'enseignement.

Le sénateur Perrault: On ne leur impose pas de pression excessive.

M. Perrins: Je ne le pense pas, mais cela étant dit, il faut un certain équilibre entre l'orientation de l'enseignement et les besoins du marché. Mais je ne pense pas que cela pose véritablement de problème.

Le sénateur Perrault: Je suppose que les établissements d'enseignement cherchent des sources de revenu pour faire face à leurs besoins, et qu'il est de plus en plus important, pour les universités, d'aller chercher des fonds en dehors des milieux gouvernementaux. À Vancouver, où j'habite, l'Université Queen's fait actuellement une campagne publicitaire à la radio. On peut s'inscrire à une maîtrise en gestion d'entreprise de l'Université Queen's qui, d'après la publicité, constitue le meilleur cours de l'une des principales universités canadiennes, et l'université va organiser des cours à Vancouver; en outre, l'annonce précise que ces cours font appel à des moyens informatiques de pointe. Pensez-vous que ce genre de publicité dans l'Ouest constitue du racolage de la part d'une université de l'Est? Est-ce que l'Université de la Saskatchewan ou l'Université de Regina proposent des cours sur Internet dans le cadre d'une université virtuelle, en quelque sorte? Le réseau Internet devrait permettre de proposer des cours dans le monde entier, je suppose. L'Université Queen's fait actuellement une campagne de publicité très vigoureuse, dotée d'un budget important et diffusé sur au moins deux stations de radio.

M. Perrins: Ne me demandez pas de sacrifier mon gagne-pain. Même si ce n'est que mon point de vue personnel, je pense qu'une telle information est quelque peu excessive. En particulier pour les premières années d'étude, l'expérience universitaire proprement dite est à mon avis d'un grand avantage.

Le sénateur Perrault: À cause des échanges interpersonnels.

M. Perrins: Oui. La vie universitaire va rétablir l'équilibre, et les universités auront toujours leur place. Les gens de la Saskatchewan fréquentent l'Université Queen's depuis des années.

Le sénateur Perrault: Et cela leur réussit assez bien.

M. Perrins: Oui, et ce n'est pas fini, mais nos universités et notre Institut des sciences appliquées de la technologie collaborent pour définir les secteurs dans lesquels ils peuvent entrer en concurrence... et je pense que c'est là un nouvel élément d'une importance capitale. Les secteurs ainsi définis vont faire l'objet d'une attention particulière; on ne va pas procéder comme on le fait dans tous les autres domaines, mais ces établissements vont se demander: «Que pouvons-nous faire ici qu'on ne peut pas faire à l'Universté Queen's?» Et on peut ainsi trouver un certain nombre de choses.

Donc, même en appliquant des méthodes d'enseignement traditionnel tout en utilisant les nouveaux médias, nos établissements d'enseignement postsecondaire peuvent rester compétitifs, ne serait-ce que dans certains domaines particuliers.

Le sénateur Perrault: Vous attendez-vous donc à ce que l'Université Queen's négocie avec vous ou discute de la question avec vous avant de lancer à Regina une campagne radiophonique visant à convaincre les gens d'étudier à l'Université Queen's?

M. Perrins: Non, certainement pas.

Le sénateur Perrault: Vous nous avez dit au début que ce qu'il fallait, d'une certaine manière, c'était un plan de match.

M. Perrins: En effet.

Le sénateur Perrault: Ainsi, comme les Roughriders se préparent à la Coupe Grey, nous devrions, avez-vous dit, faire en sorte que les gens des paliers provincial et fédéral se concertent, qu'ils mettent au point un plan de match, qu'ils fassent abstraction de leurs affinités politiques, et qu'ils se mettent au travail.

M. Perrins: Eh bien, il nous faut tenir compte de la nature de la Constitution mais je me bornerai à dire qu'une stratégie nationale est nécessaire.

Le sénateur Perrault: Voilà qui est logique et pragmatique selon moi.

Le président: Monsieur Perrins, j'aimerais vous remercier d'avoir répondu à la plupart des questions auxquelles les représentants des facultés auraient eu à répondre plus tard. Vous leur avez économisé un temps précieux. J'aimerais terminer en vous disant merci et en demandant au sénateur Andreychuk de vous remercier au nom du comité.

Le sénateur Andreychuk: J'aimerais peut-être avertir le ministre que, lorsqu'il comparaîtra devant nous, il semble bien que le thème principal qu'il devra aborder -- et je crois bien que mes collègues seront d'accord là-dessus -- aura trait au fait que toute initiative de notre part en matière d'enseignement postsecondaire devrait être perçue comme un investissement et non pas comme une dépense.

Le sénateur Perrault: Tout à fait.

Le sénateur Andreychuk: Par conséquent, nous avons parlé aujourd'hui des étudiants, des universités. Cependant, l'htmect recherche et développement est également d'une extrême importance. Or, certains prétendent que nous perdons notre avantage concurrentiel, aussi bien sur le plan intérieur que par rapport à l'étranger et j'estime donc que le ministre devra être prêt à aborder cet htmect également, surtout à cause du Conseil de recherche de la Saskatchewan, qui est célèbre depuis des années, et parce que nous avons une façon bien particulière d'envisager les programmes de recherche dans nos universités, la première d'entre elles ayant été fondée justement parce que nous avions une façon bien à nous d'envisager le développement. Voilà donc un autre htmect que nous aimerions aborder avec le ministre.

M. Perrins: Excellent. D'accord.

Le président: Nous allons maintenant accueillir le représentant du Conseil des présidents des universités de l'Ouest canadien. C'est M. Dennis Anderson, je crois, le recteur de l'Université Brandon, qui va faire l'exposé.

Merci, monsieur Anderson, de comparaître devant nous. J'espère que le temps est meilleur au Manitoba qu'en Saskatchewan.

M. Dennis Anderson, recteur de l'Université Brandon et représentant du Conseil des recteurs des universités de l'Ouest canadien: C'est toujours le cas, monsieur.

Le président: Nous allons vous accorder quelques minutes pour des commentaires liminaires et nous vous demanderons d'être disposé par la suite à répondre à quelques questions.

M. Anderson: Merci, sénateur Bonnell et merci aussi aux autres sénateurs qui font partie du comité. Je vous félicite d'avoir entrepris ce travail. L'étude que vous effectuez arrive à point nommé. Les analyses ont été suffisantes, me semble-t-il, et de nombreux rapports ont certainement été rédigés. Il nous faut maintenant passer aux actes et j'espère que ce sera justement le thème de votre rapport.

Je m'appelle Dennis Anderson. Je suis le recteur de l'Université Brandon, située tout juste de l'autre côté de la frontière, au Manitoba. Je représente le Conseil des recteurs des universités de l'Ouest canadien, le COWCUP, dont le président est Don Wells, le recteur de l'Université de Regina. Puisqu'il est à l'extérieur de la province, il m'a demandé de le représenter. Je ne sais pas s'il voulait que je vienne ici pour autre chose que pour un pari, mais je dois dire que nos deux équipes de basketball vont jouer au cours du week-end, et c'est l'équipe gagnante qui va représenter la région aux finales nationales. Évidemment, j'ai bon espoir que nous allons sortir vainqueurs, une fois de plus.

Honorables sénateurs, je connais votre mandat. J'ai rencontré le sénateur Bonnell à la réunion d'automne de l'AUCC, à Toronto.

Le président: En effet.

M. Anderson: J'ai lu votre mandat et j'ai préparé les grandes lignes de mes commentaires en conséquence. Je m'excuse de ne pas vous l'avoir fourni à l'avance. Toutefois, votre secrétaire a reçu mon plan d'allocution et espérons que vous l'aurez en main très bientôt.

Je viens du Manitoba et je sais que votre comité ne va pas s'arrêter dans votre province. Par conséquent, à la fin de mon allocution, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions non seulement au sujet de ce que j'aurai dit au nom du Conseil des présidents, mais aussi à toutes celles concernant le Manitoba, si c'est ce que vous souhaitez.

J'ajouterai tout de suite que mon université, l'Université Brandon, l'ancien Collège Brandon, est l'endroit où Tommy Douglas, Stanley Knowles et Olive Diefenbaker ont obtenu leur diplôme au début des années 30. D'ailleurs, l'un des témoins qui a comparu avant moi a parlé d'eux. On raconte justement une anecdote au sujet de Stanley, Tommy et Olive. Ils étaient assis ensemble dans l'escalier de l'une des vieilles bâtisses, et ils parlaient de ce qu'ils allaient faire plus tard. Tommy, pour sa part, a dit qu'il s'occuperait des soins de santé. Stanley, lui, a dit qu'il s'occuperait des anciens combattants. Enfin Olive a dit tout simplement: «Bravo les gars, faites donc cela; moi je vais diriger le pays».

Le COWCUP représente toutes les grandes universités et collèges de l'Ouest du pays. Ainsi, nous représentons les quatre provinces de l'Ouest à partir du Manitoba, et donc environ 30 p. 100 de la population du Canada. Nous représentons divers types d'établissements. Certains d'entre eux sont de petite taille, surtout orientés vers le premier cycle; d'autres sont de taille moyenne et plus complets et d'autres enfin sont de grandes universités qui offrent des cours en médecine et de doctorat. Il s'agit en tout de plus de 20 établissements, englobant plus de 9 000 enseignants et plus de 150 000 étudiants à temps plein. Ils offrent ou décernent plus de 38 000 diplômes par an et attirent plus de 450 millions de dollars en recherche commanditée. Je n'ai pas de chiffre relatif aux répercussions économiques, mais elles sont considérables, surtout si l'on tient compte des facteurs qu'outrepassent les dépenses universitaires.

Le 7 février, à Ottawa, notre association nationale, l'AUCC, a comparu devant vous. Or, tous mes collègues du conseil des présidents m'ont demandé de vous rappeler le contenu de son exposé. Les messages étaient essentiellement les suivants: renforcer la recherche universitaire au Canada, renforcer la capacité des universités canadiennes et, ce qui est très important également, accorder une aide financière aux étudiants.

Tout d'abord, pour ce qui est de renforcer la recherche universitaire, vous vous demanderez peut-être pourquoi. Fait assez bien connu, qui ressort d'ailleurs des tableaux que je vous ai fournis, les dépenses de recherche et de développement au Canada ne totalisent que 1,5 p. 100 environ du produit intérieur brut. Or, la moyenne pour l'OCDE est supérieure à 2 p. 100. Ainsi, nous battons de l'aile par rapport à la plupart des grands pays de l'OCDE et par rapport à tous les pays du G-7 sauf l'Italie. Bref, en matière d'investissement dans la R-D, nous faisons piètre figure par rapport aux autres pays. Nous en payons d'ailleurs le prix: nous ne cessons de perdre du terrain.

Les universités canadiennes, contrairement à celles de la plupart des pays des groupes dont j'ai parlé, contribuent de façon significative aux travaux de recherche du Canada. On estime que le quart de tous les travaux de R-D effectués au Canada se font dans les universités et par leur intermédiaire.

Les universités sont la composante clé du secteur de la création du savoir au Canada. On peut nous qualifier de souche des activités de recherche, de développement, d'innovation et de perfectionnement technologique au Canada. Il est bien connu que les nouvelles connaissances et les inventions débouchent sur de nouveaux produits, de nouveaux procédés, de nouveaux services, une croissance économique accrue et, comme on aime à le dire aujourd'hui, sur une compétitivité internationale accrue.

Malheureusement, les dernières années ont été des années de famine pour la recherche universitaire au Canada. Vous savez très bien que les Conseils nationaux de subventionnement ont connu des compressions budgétaires pouvant atteindre 25 p. 100 pour la période allant de 1994 à 1998, ce qui a un effet dévastateur sur la recherche et l'infrastructure.

Prenons en particulier l'exemple de mon université, qui est de petite taille et reçoit environ 2 500 étudiants à temps plein ou l'équivalent. Il s'agit surtout d'étudiants de premier cycle et l'université compte des facultés d'arts, de sciences, d'éducation et de musique. Nous avons bénéficié par le passé de subventions du CRSNG et du CRSH en raison du fait que nous somme une université de petite taille. En prenant connaissance des chiffres que je vous ai fournis au sujet du financement fédéral, vous pourrez constater que les niveaux de financement par les organismes fédéraux de subventionnement ont baissé, passant de 90 000 $ par an environ à 13 000 $ par an. Pourquoi donc? Eh bien, tout d'abord, le CRSNG a réduit ses subventions de recherche générales aux universités, aux petites universités; notamment, ce conseil a réduit le supplément qu'il destinait aux petites universités, ce qui nous touche de façon importante. Le CRSH, pour sa part, a réduit ses subventions générales à la recherche et a supprimé l'aide qu'il accordait aux petites universités, de telle sorte que nous devons fonctionner avec 15 p. 100 environ des subventions fédérales que nous recevions il y a de cela quelques années. Pour un établissement d'enseignement essentiellement de premier cycle dans une région où il y a peu de grandes entreprises, ce qui est généralement le cas dans les Prairies, le problème est crucial. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à cet égard.

L'AUCC a invité le gouvernement à agir sur divers fronts et je m'efforcerai de donner une certaine couleur locale aux exhortations de l'association qui sont reprises à la page 4 de mon exposé.

Nous devons favoriser la carrière des futurs chercheurs que sont les étudiants et les membres du corps enseignant, notamment les jeunes parmi ces derniers. Pour ce faire, nous devons créer de nouveaux domaines d'innovation et veiller à ce que les activités de recherche soient menées dans des domaines qui ont une importance critique pour le développement économique et social du Canada et sa compétitivité sur le plan international. Nous devons également veiller à attirer et à garder les sujets les plus brillants tant parmi les diplômés universitaires que les membres du corps professoral.

Le soutien accordé aux étudiants diplômés dans les provinces des Prairies -- je connais surtout la situation au Manitoba et en Saskatchewan -- est faible. Nous pouvons difficilement rivaliser avec certaines des universités de l'Est et certaines universités américaines. Par conséquent, le problème de la fuite des cerveaux est bien réel. Pour éviter les inégalités à cet égard au Canada, nous devons envisager des appuis ciblés pour les étudiants et les jeunes membres du corps enseignant.

Il nous faut des installations et du matériel de recherche. Tout établissement qui recrute de jeunes enseignants doit être en mesure de financer l'achat du matériel de recherche qui leur est nécessaire et rémunérer les assistants de recherche. La chose est bien difficile à faire avec les subventions d'exploitation de la province puisque ce sont les programmes fédéraux qui ont servi à cela par le passé.

Les étudiants qui se préparent à des carrières dans le domaine de la recherche doivent pouvoir travailler dans le secteur privé pendant leurs études. Certains programmes de liaison ont été mis sur pied et nous devons les encourager. On constate par ailleurs un effritement du financement des infrastructures de recherche et il faut que cela cesse. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour ce qui est de financer le matériel de recherche de base des universités. Le secteur privé est difficilement en mesure de le faire. En effet, le secteur privé pourra s'intéresser à certains programmes bien ciblés qui correspondent à ses besoins à court terme et certaines entreprises privées auront même des intérêts philanthropiques à long terme. Toutefois, pour ce qui est de l'ossature même de l'infrastructure de recherche, c'est au gouvernement qu'il revient de la soutenir et, notamment, au gouvernement fédéral.

Les activités de recherche financées par le fédéral comportent des frais généraux. Quand le Programme de financement des programmes établis existait les universités qui demandaient au gouvernement de participer au financement de l'infrastructure de recherche se faisaient répondre que le gouvernement fédéral le faisait déjà par le truchement du Financement des programmes établis. Or, maintenant que ces paiements de transfert ont été réduits considérablement, le gouvernement fédéral fait tout simplement la sourde oreille lorsqu'on sollicite sa participation au financement de la recherche. Ainsi, le gouvernement fédéral a beau dire qu'il finançait la recherche auparavant, ce n'est certainement plus le cas à l'heure actuelle. Or, les frais généraux ont une très grande importance.

Les partenariats et les échanges entre l'université et l'industrie sont extrêmement importants. Il existe un programme fédéral de Centres d'excellence nationaux qui permet aux universités de se regrouper ou encore à une université de créer un centre d'excellence dans un domaine particulier qui est souvent relié avec l'industrie. Il faut maintenir ce programme. Bon nombre d'idées et d'inventions viennent des universités et les chercheurs universitaires obtiennent aussi bon nombre de brevets. Cependant, les universités ne reçoivent pas suffisamment de subventions d'exploitation provinciale pour les aider à commercialiser et transférer leurs technologies au marché. J'ai passé toute ma carrière à mettre en marché de nouvelles techniques de développement de produits et de nouveaux produits technologiques. Je l'ai fait à partir de l'université et je comprends donc tout à fait l'importance de financer ce genre d'activité pour pouvoir commercialiser ces innovations.

On commence à penser que les universités devraient créer des guichets de service ou de recherche extérieurs pour servir la communauté. Selon moi, c'est une excellente idée. La Fédération canadienne des sciences sociales de CRSH fournit déjà quelques fonds pour financer ce genre d'activités et je pense qu'il faudrait continuer.

En un mot, l'AUCC vous a déjà donné de bonnes idées pour appuyer l'infrastructure et le financement de la recherche. J'ai mis certaines de ces suggestions en lumière aujourd'hui et je vous encourage à appuyer ces recommandations. Vous avez déjà reçu un excellent rapport à ce sujet de l'AUCC.

Il est très important d'internationaliser les universités. Il y a de nombreux avantages pour le Canada et les étudiants canadiens à avoir des programmes d'échanges internationaux d'étudiants et d'enseignants. Pourtant, assez curieusement, le Canada est en train de réduire son appui aux activités d'internationalisation des universités au moment même où d'autres pays font exactement le contraire. Les chiffres montrent que, au Canada, les universités ne reçoivent que 3,10 $ par habitant pour leurs activités d'internationalisation alors que certains de nos principaux rivaux commerciaux reçoivent jusqu'à 20 $ ou 30 $ par habitant.

Le sénateur Perrault: Est-ce le cas aux États-Unis?

M. Anderson: C'est ce qui se passe dans certains pays d'Europe, en Australie, aux États-Unis et ailleurs. Nous avons besoin d'aide pour vendre nos universités à l'étranger. Nous sommes en train de perdre du terrain. On pense que l'Australie a maintenant un excédent commercial de 2 milliards de dollars pour les services d'enseignement postsecondaire qu'elle fournit à ses voisins d'Asie.

Le sénateur Perrault: L'Australie?

M. Anderson: Oui, l'Australie. Par l'entremise du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et de l'ACDI, le gouvernement fédéral a créé des centres d'enseignement canadiens dans divers pays avec la participation de la Fondation Asie-Pacifique. C'est une chose utile, mais ce n'est qu'une solution partielle. Je voudrais vous expliquer pourquoi nos universités, surtout les plus petites, ont du mal à participer à cette initiative. Pour adhérer au Programme des centres d'enseignement canadien, qui vise surtout l'Asie, cela coûte 7 500 $, que l'on parle de l'Université de la Colombie-Britannique ou de l'Université Brandon.

Le sénateur Perrault: Le coût est fixe?

M. Anderson: Oui, le coût est fixe. Si une université veut participer aux foires d'enseignement, elle doit payer 10 000 $ ou 12 000 $ pour envoyer quelqu'un là-bas pour assurer sa présence. Le coût est le même qu'il s'agisse d'une petite ou d'une grande université. Nous avons déjà signalé au gouvernement provincial et nous signalons maintenant au gouvernement fédéral que, lorsqu'ils accordent des contrats pour ce genre de service, ils devraient reconnaître les différentes capacités de paiement des universités et peut-être fournir une aide quelconque aux universités plus petites.

Les étudiants canadiens ont besoin d'expérience à l'étranger. Nous devons rattraper les Européens et favoriser la mobilité des étudiants d'universités, mais pour l'instant, les programmes de DRHC n'ont pas beaucoup d'ampleur à l'échelle internationale. L'aide officielle au développement, dont vous connaissez certainement l'importance, est à la baisse et devrait être relevée.

Pour ce qui est de l'aide aux étudiants, les journaux parlent constamment des problèmes du fardeau de la dette des étudiants. Voici un article du Winnipeg Free Press intitulé «Les étudiants submergés par un océan de dettes». Choisissez au hasard n'importe lequel de nos grands quotidiens depuis six mois et vous pourrez voir des dizaines d'exemples d'articles de ce genre. Il est essentiel de repenser entièrement les mécanismes de financement d'aide aux étudiants et le gouvernement fédéral doit fournir un appui de base au lieu d'opter pour des solutions disparates. Quand les subventions d'exploitation accordées aux universités diminuent, les frais de scolarité augmentent automatiquement, ce qui cause un accroissement exponentiel du fardeau de la dette des étudiants. On croit que la dette moyenne des étudiants s'élève maintenant à 17 000 $ et qu'elle atteindra 25 000 $. Cela a toutes sortes de conséquences pour l'accès aux études, la qualité de l'éducation et la mobilité des étudiants.

Sénateur Perrault, vous avez posé une question, sur l'érosion de la qualité. Et bien, il y a une érosion de la qualité, et je serais ravi de vous en donner quelques exemples.

Le sénateur Perrault: Je vous en prie.

M. Anderson: Nous avons besoin de changements. De plus en plus, les provinces limitent la mobilité des étudiants. Certes, elles financent les bourses de façon paritaire avec le secteur privé -- du moins certaines provinces le font -- et elles investissent également dans des bourses d'études réservées de la province, et il est très difficile pour un étudiant d'amener sa bourse dans un autre établissement d'une autre province. Ainsi, nos universités deviennent de petites îles dispersées à travers le pays, ce qui est entièrement contraire à l'idée d'université.

Il faudrait également revoir le Programme canadien de prêts aux étudiants. En particulier, ces derniers ont besoin de subventions et de prêts; en cas de prêts, il faut alléger les conditions de remboursement, et cela peut se faire par le biais de régimes de remboursements axés sur le revenu.

L'on a apporté des modifications positives au régime fiscal pour aider les universités à aider les étudiants, mais cela ne suffit pas. Il n'est toujours pas permis de déduire intégralement les subventions, le financement privé... ou plutôt les dons privés aux universités, et l'on ne permet pas aux étudiants de déduire tous leurs frais ni l'intérêt qu'ils payent sur leurs prêts.

Mes collègues du COWCUP m'ont abandonné comme d'habitude. J'ai sollicité leur aide, leur demandant de me proposer des messages à votre intention. J'ai reçu quatre télécopies hier à la fin de la journée, et j'ai profité de mon voyage par avion ce matin, pour y mettre un peu d'ordre avant mon exposé; je les ai regroupées sur la dernière feuille de mon mémoire. Certains collègues ont mentionné la difficulté de financer la technologie de l'information. Il est très difficile pour une bibliothèque ou un établissement de faire ce genre d'investissement à titre individuel. Beaucoup de réseaux technologiques sont régionaux, sinon nationaux, et les gouvernements national et provinciaux pourraient y mettre de l'ordre. Je ne dis pas qu'ils n'ont aucune activité dans ce domaine, mais il faut de la coordination et de la planification; il faut une démarche nationale. Nous devons appuyer la capacité des établissements d'investir dans les technologies de l'information. Un autre président a déclaré que le coût de la mise en oeuvre, de l'entretien et du remplacement de la technologie de l'information est assurément une préoccupation pour nous tous. C'est bien beau d'obtenir une subvention ponctuelle pour l'acquérir; mais comment l'entretenir? Comment acquérir une technologie plus récente au bout de cinq ans? Comment entretenir le matériel et le logiciel entre temps?

Le sénateur Perrault: Ils sont dépassés tous les trois ans.

M. Anderson: Les mécanismes actuels de financement des universités par les provinces ne prévoient pas l'acquisition, l'entretien ou le remplacement de ce genre de technologie.

Quant à la recherche et aux étudiants, c'est une question très importante; les étudiants ont le droit d'être informés des résultats des recherches les plus récentes. Si nous sommes incapables d'attirer des enseignants engagés dans la recherche, si nous les perdons en faveur des grands centres, si l'Ouest les perd en faveur des grands centres de l'Est du Canada, des États-Unis ou d'autres pays -- et on les attire ailleurs -- nos étudiants en pâtissent. Tous les étudiants devraient accéder et participer à la recherche, qu'ils soient inscrits au baccalauréat, à la maîtrise ou au doctorat.

Je voudrais également parler de la diversité et je pense qu'il convient que je termine sur ce point. Il faut reconnaître que les universités canadiennes ne sont pas homogènes; leur diversité tient à leur taille, leur mission et leurs programmes. L'un de nos présidents a déclaré que nous devons tenir compte des différences régionales entre les universités canadiennes. Bien des universités de l'Ouest du pays ont d'importants mandats régionaux. L'une des universités peut être la seule en ville, où l'on offre des programmes de doctorat, par exemple, tandis qu'un autre, pourrait être la seule dans la région; par conséquent, chacune doit diversifier les programmes qu'elle offre à la collectivité. Il faut que le gouvernement appuie la diversité de nos établissements et, dans certains cas, qu'il les aide à adopter des mandats plus précis.

Tout à l'heure, on a parlé de la Saskatchewan Indian Federated College et de la population autochtone. À l'évidence, les Autochtones ne sont pas équitablement représentés dans les universités. Le nombre et le type d'établissements axés sur les Autochtones sont réduits, et les universités établies s'efforcent d'offrir des programmes d'un type particulier pour les étudiants internationaux, les étudiants autochtones, y compris les étudiants des Premières nations. Près de 20 à 30 p. 100 des étudiants de mon université sont d'origine autochtone, et nous leur consacrons certains programmes, mais nous n'avons pas d'infrastructure matérielle propre à leur culture. Nous avons un certain nombre de programmes novateurs pour les servir, et la demande est forte, mais nous sommes incapables de leur offrir les services et les installations que nous voulons et qu'ils méritent.

Je tiens à vous féliciter, honorables sénateurs. J'apprécie l'effort que vous déployez en sillonnant le pays. Je regrette que vous n'ayez pas pu aller au Manitoba, mais j'espère que je vous ai apporté un peu de ma province. Je pourrais en parler de façon plus précise dans mes réponses à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Le sénateur Lavoie-Roux: Une question. Vous avez dit que vous prenez des mesures pour élaborer des programmes spéciaux à l'intention des étudiants autochtones. Pourriez-vous nous en dire plus? Quelle est la nature de ces programmes? En quoi diffèrent-ils des programmes offerts à d'autres étudiants?

M. Anderson: Vers 1971, nous avons créé un département d'études autochtones au sein de la faculté des arts. C'était l'un des premiers du genre au pays. Nous avons commencé à donner des cours sur la culture autochtone, les questions juridiques autochtones, l'autodétermination et des questions de ce genre, y compris les langues. Peu après, nous avons mis en oeuvre des programmes novateurs en offrant nos cours dans les collectivités nordiques et autochtones, surtout des cours de notre faculté de l'éducation. Nous avons un programme qui a gagné des prix et qui est appelé BUNTEP, le Brandon University Northern Teacher Education Program, dans le cadre duquel nous envoyons des professeurs dans les collectivités, et celles-ci nous offrent des installations. Actuellement, la collectivité choisit les étudiants qui participeront à ces programmes. Nous avons décerné des diplômes de baccalauréat en éducation à plus de 400 étudiants autochtones, qui constituent la majorité des enseignants dans les régions nordiques. Nous avons un autre programme qui permet à des Autochtones de passer huit mois de l'année comme aides-enseignants de leur système scolaire avant de passer quatre mois sur un campus en été pour prendre des cours intensifs. Après six ans environ, ils obtiennent le baccalauréat en éducation.

Nous envisageons de créer un nouveau programme de counselling visant les membres des Premières nations. Nous tentons aussi d'offrir des cours de commerce dans les collectivités autochtones nordiques, ce qui les aidera à atteindre leurs objectifs de développement économique.

Le sénateur Lavoie-Roux: Pourriez-vous me dire quelle est l'université qui élabore ce programme? Y en a-t-il une seule?

M. Shaun Brennan, coprésident, Provincial Alliance for Education: C'est l'Université de Brandon. En effet, la plupart des étudiants des Premières nations qui vont à l'université au Manitoba viennent chez nous. Il y en a à l'Université de Winnipeg, à l'Université du Manitoba, et peut-être au Collège universitaire Saint-Boniface, mais la majorité viennent à Brandon parce c'est une collectivité plus petite et parce que nous sommes présents dans le Nord et ils nous connaissent.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je voudrais revenir à la question de savoir comment nous pouvons remédier à la crise de l'aide aux étudiants. Selon le sous-ministre, la grande augmentation des frais de scolarité n'a aucune incidence sur le nombre de nouvelles inscriptions ni sur la persévérance des étudiants. À cet égard, vous semblez beaucoup plus préoccupé que lui.

M. Anderson: Il ne fait aucun doute que, pour certains étudiants, surtout les étudiants défavorisés, l'endettement croissant est un obstacle à l'accès aux universités et à la poursuite des études universitaires. L'endettement a un autre effet, celui de démoraliser les étudiants qui envisageraient de venir à l'université, mais qui s'interrogent sur l'opportunité de contracter autant de dettes et, en même temps, sur la possibilité d'obtenir un emploi après l'obtention du diplôme. Les statistiques en matière d'emploi sont incontestables: il existe une forte corrélation entre l'emploi et les études postsecondaires. Le taux de chômage est deux fois plus élevé parmi les personnes qui n'ont pas fait d'études secondaires. Néanmoins, les étudiants se demandent toujours s'il est nécessaire de contracter ces dettes pour aller à l'université.

Dans un domaine important, j'ai une opinion différente de celle des étudiants; j'ai fait des recherches là-dessus et j'ai vu un certain nombre d'autres recherches. Si vous demandez aux étudiants quels sont les principaux facteurs qui ont déterminé leur choix d'une université, la première chose qu'ils mentionnent c'est le type de programmes que l'université offre. Les facteurs financiers et, en particulier, les frais de scolarité, viennent en quatrième ou cinquième lieu. Bien que les frais de scolarité soient passés d'environ 12 p. 100 des coûts d'exploitation des universités à 25 ou 30 p. 100, et c'est une augmentation phénoménale, ils n'ont pas augmenté beaucoup plus que le coût de la vie depuis 30 ans. J'ai moi-même étudié à l'Université de Brandon au début des années 60 et je me suis penché sur la question. À l'époque, je payais autant que les étudiants d'aujourd'hui en dollars constants. C'est un mythe d'affirmer que le niveau relatif des frais de scolarité est un problème énorme.

Cependant, le vrai problème est le coût total des études universitaires, à cause de l'augmentation du coût des livres, du logement, de la nourriture et du transport. La raison de l'augmentation des coûts pour l'étudiant tient à l'appui familial. En tant que membre d'une famille de huit enfants élevés dans une maison en rondins d'une pièce, située à 50 milles au nord de Winnipeg, je recevais de mes parents 25 $ chaque fois que j'allais à l'université jusqu'à ce que je termine mes trois cycles d'études. Mes parents auraient probablement eu les moyens de me donner 50 $ ou 75 $, mais je n'en avais pas besoin parce qu'il y avait des bourses et des subventions, les programmes permettant à des étudiants défavorisés sur le plan financier et social d'accéder à l'université. Cela caractérise encore une grande partie de la région géographique, surtout dans l'Ouest du Canada. C'est pourquoi nous demandons instamment que l'on mette sur pied de meilleurs programmes d'aide financière aux étudiants. Au bout du compte, ils rembourseront. Cependant, le montant total est un obstacle à la fois potentiel et réel.

Le sénateur Perrault: Votre mémoire contient d'excellents documents. Il sera très utile pour nous tous.

Vous avez parlé des subventions aux étudiants. L'autre jour, les étudiants nous ont dit que le Canada est maintenant le seul pays de l'OCDE qui ne dispose pas d'un système national de subventions aux étudiants, et que trois provinces seulement offrent encore de tels programmes. Est-ce exact, à votre connaissance?

M. Anderson: Je ne crois pas. Il y a le Programme canadien de prêts au étudiants, mais il faudrait l'améliorer.

Sénateur Perrault: Je suis ravi de cette précision. Quant à la promotion de l'éducation dans le monde entier, vous avez mentionné un chiffre assez effarant en disant que les Australiens ont un énorme excédent commercial en ce qui concerne la promotion de leurs ressources en éducation. De toute évidence, nous n'en sommes pas encore là. Que devrions-nous faire pour gagner notre part de ce marché?

M. Anderson: Les différents paliers de gouvernement doivent déployer des efforts coordonnés et concertés, surtout les gouvernements provinciaux et fédéral. Même si les missions d'Équipe Canada sont très utiles, elles comportent quelques lacunes. Les universités doivent aussi faire preuve de collaboration. Par exemple, quand notre premier ministre provincial et le recteur de l'Université du Manitoba ont voyagé avec la mission d'Équipe Canada, je n'avais pas les moyens d'y participer. Je ne voulais certainement pas que le journal étudiant titre en première page que j'ai dépensé 10 000 $ ou 12 000 $ pour y aller. Cependant, le président d'une grande université et le premier ministre provincial ont assisté à l'une des foires de l'éducation à Bangkok, et il n'y avait ni stand, ni exposition d'une université manitobaine.

J'espérais que le premier ministre entendrait ce message, et il me semble que tel est le cas, car l'autre jour, on m'a informé d'une mission commerciale de l'éducation qui se rend en Amérique centrale.

Avec l'aide du gouvernement fédéral, les provinces en particulier doivent se rendre compte de la nécessité d'une démarche coordonnée pour promouvoir l'éducation à l'étranger. Il est extrêmement coûteux pour nous tous de faire la même chose. Cependant, les plus grandes universités disent aux gouvernements que nous pouvons faire mieux tout seuls, qu'ils doivent nous laisser tranquille. Les établissements moyens et plus petits, c'est-à-dire la grande majorité des universités et collèges du pays, ont pourtant besoin d'aide. La province du Nouveau-Brunswick paye les frais d'adhésion des établissements postsecondaires à ses centres éducatifs, et je pense qu'elle contribue à financer les voyages pour assister aux foires. Je pense que notre province veut emprunter cette voie, mais actuellement, il existe un certain individualisme qu'il faudrait combattre. Je dis sans cesse que nous avons besoin d'une aide gouvernementale accrue, mais il serait logique de gérer et de coordonner certaines choses à l'échelle fédérale et provinciale, notamment le marketing international de l'éducation.

Le sénateur Perrault: Savez-vous combien d'étudiants étrangers il y a au Manitoba?

M. Anderson: Il y a un tableau à ce sujet à la fin de mon mémoire. À l'échelle nationale, près de 5 p. 100 des étudiants à temps plein sont étrangers. Au Manitoba, la proportion est légèrement inférieure. La plupart des étudiants internationaux sont inscrits au 1er cycle, même si l'on entend parler davantage de leur participation aux programmes de maîtrise et de doctorat. Tandis que le nombre d'étudiants étrangers diminue au Canada, il augmente dans d'autres pays.

Le sénateur Perrault: À cause des frais de scolarité?

M. Anderson: Non. Si c'était à cause des frais de scolarité, nos universités accueilleraient tous les étudiants étrangers du 1er cycle au pays, car nos frais sont parmi les plus bas. Il y a trois ans, le Manitoba n'imposait pas de frais de scolarité majorés aux étudiants internationaux. Beaucoup d'autres facteurs les attirent. Je pense qu'on fait trop de bruit autour des frais de scolarité, et je le dis même quand les étudiants sont présents. À mon avis, les frais seuls ne sont pas un obstacle, sauf peut-être en ce qui concerne certaines universités de l'Ontario -- et de certaines autres régions du pays -- où les frais de scolarité des étudiants étrangers sont jusqu'à trois fois plus élevés que ceux des étudiants canadiens.

Toutefois, il existe des programmes professionnels dont les coûts sont entièrement assumés non seulement par les étudiants détenteurs de visa, c'est-à-dire les étudiants étrangers, mais aussi par les étudiants canadiens. Par exemple, le programme de l'Université Queen's que vous avez mentionné est très coûteux. Il existe une demande pour des programmes de grande qualité, judicieusement ficelés, et ils peuvent être très chers.

Je pense que nous devons assurer une présence active des universités canadiennes à l'étranger afin de recruter des étudiants sur place au lieu qu'ils attendent trois mois pour voir s'ils sont admis à nos programmes. À cet égard, nous avons beaucoup à faire pour rattraper l'Australie, par exemple.

Le sénateur Perrault: L'Australie est-elle beaucoup plus active dans ce domaine?

M. Anderson: Oui.

Le sénateur Perrault: Cela comporte des avantages à long terme. On a ainsi des étudiants qui connaissent le Canada et les habitudes canadiennes, ce qui est peut-être rentable sur le plan économique à long terme.

M. Anderson: Si votre sous-comité a des attachés de recherche, je propose que vous demandiez à l'un d'eux d'examiner les autorités politiques des pays sous-développés pour déterminer l'endroit où elles ont étudié. Vous constaterez sans aucun doute que certains d'entre eux ont étudié au Canada. Le genre d'influence qui en découle et les relations qui se sont développées pendant que ces gens-là étudiaient au Canada son incommensurables.

Le sénateur Perrault: Ce n'est pas le moment de compliquer la vie aux personnes qui veulent venir étudier au Canada.

M. Anderson: En effet; et je pense que le personnel de l'immigration devrait s'en rendre compte. Je sais qu'il y a des préoccupations relatives aux personnes qui viennent étudier mais qui restent. C'est un moyen facile de venir au Canada. Cependant, il est avantageux que des étudiants étrangers viennent étudier ici parce que nos étudiants découvrent leur culture, nous aidons ainsi des pays moins développés et, franchement, pour promouvoir le bien-être économique du Canada, je pense que la stratégie de l'internationalisation est, comme vous l'avez dit tout à l'heure, un bon investissement. Il ne faut pas considérer cela comme une dépense.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il y a plusieurs années, certains sont venus ici pour leur formation et leur éducation, et ils ne sont pas rentrés dans leur pays. La situation a-t-elle changé?

M. Anderson: C'est encore une préoccupation majeure dans le cas de certains pays, la Chine en particulier. Récemment, nous avons essayé d'attirer des étudiants chinois dans le programme «English for Academic Purposes». Nous avons reçu 35 demandes environ, mais nous n'en avons approuvé que sept. Le problème s'est posé au bureau d'Immigration Canada à Beijing, qui est préoccupé par ce phénomène. Nos agents là-bas ont des statistiques. Ils connaissent le nombre d'étudiants qui ne retournent pas en Chine. C'est un problème qu'il ne faut pas sous-estimer. Ailleurs, le problème n'a pas la même ampleur. Quoi qu'il en soit, à mon avis, je pense que ceux qui restent sont des citoyens qui contribuent de diverses façons au bien-être du pays.

Le sénateur Lavoie-Roux: Oui, mais c'est leur pays d'origine qui demande à ce qu'ils retournent.

M. Anderson: C'est effectivement le cas de ceux qui ont été parrainés.

Le sénateur Forest: Monsieur Anderson, ayant moi-même déjà vécu au Manitoba, je connais bien l'excellent travail que l'Université de Brandon a fait pour ses étudiants autochtones. Vous avez été un pionnier dans ce domaine. Hier, nous avons entendu le témoignage à Vancouver d'un groupe d'Autochtones, et ce groupe était notamment préoccupé par le fait que nous, l'establishment, voulons élaborer des programmes à leur intention, alors que, selon eux, ils devraient pouvoir élaborer eux-mêmes ces programmes et être en mesure d'en assurer la reconnaissance, notamment pour les domaines liés à leur culture et à leurs traditions. Comment l'Université de Brandon s'est-elle attaquée à ce problème?

M. Anderson: Nous avons sans doute fait plus d'efforts que bien d'autres universités pour nous y attaquer, mais nous subissons quand même ces pressions. Certaines sont légitimes. Le problème tient en partie à la question de savoir s'il faut fermer un département dans les arts ou les sciences pour que les fonds puissent être utilisés afin d'élaborer de nouveaux programmes ou d'offrir les installations et des services destinés tout particulièrement à la population autochtone. Le désir d'avoir un plus grand nombre d'universités autochtones au Canada est sans aucun doute très fort, et je parie que, d'ici dix ans, il y aura plusieurs nouvelles universités qui seront financées dans des provinces comme le Manitoba et la Saskatchewan, qui n'ont une population que de 1 million environ et qui comptent à peine 100 000 personnes dans leurs régions nordiques. C'est une situation difficile. Nous ne pouvons pas tous faire ce qu'a fait la Colombie-Britannique quand elle a créé sa nouvelle université dans le Nord. Je ne sais pas quel est le budget de fonctionnement de l'université, mais il s'élève sans doute à l'heure actuelle à 140 millions de dollars par an. Des provinces comme le Manitoba et la Saskatchewan n'ont toutefois pas une population comparable. Je crois que l'expérience du Collège indien fédéral de la Saskatchewan ici an Saskatchewan est un modèle à cet égard, tout comme notre université d'ailleurs. L'Université de la Saskatchewan compte, dans plusieurs de ses départements, un certain nombre de programmes qui attirent effectivement les étudiants autochtones, et nous faisons de notre mieux dans les limites du budget que nous avons, mais ce serait un bon placement à mon avis que la province accorde des fonds pour accroître la capacité des universités ordinaires, si vous voulez, à servir la population croissante d'étudiants autochtones.

Vous avez parlé de la reconnaissance des programmes. La qualité et la reconnaissance des programmes sont extrêmement importantes, et il faut bien du temps pour y arriver. La création de nouveaux établissements d'enseignement exigera un investissement considérable. Je crois toutefois que l'on cherchera à atteindre un investissement équilibré, certains des fonds allant aux universités existantes et certains étant réservés aux nouvelles universités, mais il ne faudrait pas s'imaginer que qualité et reconnaissance seront instantanées à ces nouveaux établissements. Il faudra des dizaines d'années pour en arriver là.

Le sénateur Forest: Je ne songeais pas à la création d'un nouvel établissement. Avez-vous mis en place des mécanismes pour encourager la participation des Autochtones aux programmes conçus à leur attention, car, de toute évidence, vous jouissez d'un certain succès.

M. Anderson: Oui, nous avons de ces mécanismes; nous avons des groupes consultatifs pour nos divers programmes, mais nous ne sommes pas pour autant à l'abri des critiques de ceux qui disent que nous ne consultons pas assez ou que nous ne tenons pas suffisamment compte des préoccupations exprimées. La demande est grande. L'agitation se fait sentir et il y a une tendance très marquée parmi les Autochtones, d'après ce que j'ai pu constater, à vouloir affirmer leur identité et gérer leurs propres établissements, tendance qui, dans certains cas, est tout à fait légitime. Le financement sera un obstacle, mais je prédis qu'il y aura une transformation en profondeur à cet égard d'ici 10 ou 20 ans.

Le sénateur Forest: Hier, nous avons aussi discuté de ce sujet très intéressant dans l'optique internationale, et quelqu'un a dit que nous, les Canadiens, devrions voir ce que nous faisons chez nous pour nos Autochtones. Je crois qu'il s'agit-là d'une préoccupation légitime, surtout quand on voit que, malgré tout ce que vous avez fait au Manitoba, vous avez toujours des problèmes dans votre province en raison du taux de criminalité qui ne cesse d'augmenter chez les Autochtones. Cela doit nous amener à nous interroger sur ce qu'il en coûte pour garder les gens en prison par rapport à ce qu'il en coûterait pour relever leur niveau d'instruction.

Le sénateur Andreychuck: Nous avons énormément de retard, alors je serai très sélective et je vous poserai une seule question. On nous a dit qu'il nous fallait réexaminer toute la question des prêts étudiants, et certains disent qu'il faudrait aussi examiner la fiscalité. On nous a fait remarquer que le régime fiscal a un effet dissuasif sur les étudiants à temps partiel. L'étudiant doit suivre des cours équivalant à 60 p. 100 d'une charge normale pour demander la déduction d'étudiant. Nous avons demandé à nos attachés de recherche de faire le calcul pour déterminer à combien s'élèveraient les pertes fiscales du gouvernement fédéral si cette proportion était réduite. Est-ce là le genre de mesure qui pourrait, selon vous, apporter une aide aux étudiants?

M. Anderson: Je suis sensible à la situation des étudiants à temps partiel. Si les inscriptions à l'université n'ont pas augmenté ces dernières années, c'est notamment parce que le nombre d'étudiants à temps partiel a baissé considérablement, et il se peut que les obstacles financiers y soient pour beaucoup. La bonification des incitatifs fiscaux destinés aux étudiants pourrait peut-être contribuer à un nouvel essor de cette clientèle universitaire.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Anderson, pour votre excellent témoignage. Nous communiquerons sans doute avec vous plus tard quand nous approcherons du moment où il nous faudra rédiger notre rapport.

Nous accueillons maintenant, de l'Alberta College and Technical Institute Student Executive Council, Bobbie Saga.

Mme Bobbie Saga, vice-présidente, Alberta College and Technical Institute Student Executive Council: Notre conseil est aussi connu par son sigle, à savoir ACTISEC.

Le président: D'accord. Nous vous souhaitons la bienvenue. Vous pourriez peut-être nous faire quelques observations, après quoi nous vous poserons des questions.

Mme Saga: Honorables sénateurs, je représente plus de 55 000 étudiants du niveau postsecondaire de l'Alberta. En leur nom, je tiens à vous remercier, tout d'abord, de nous donner cette occasion de vous faire connaître nos vues sur les questions relatives à l'enseignement postsecondaire et, deuxièmement, de reconnaître l'importance de la participation des étudiants.

Après avoir examiné les Débats du Sénat, les dirigeants étudiants de l'ACTISEC ont travaillé ensemble pour évaluer l'état actuel du système d'enseignement postsecondaire dans notre province. Nous nous sommes penchés sur l'orientation que prend cet enseignement à la suite d'initiatives tant du gouvernement que du secteur privé; nous avons examiné les problèmes auxquels se heurtent beaucoup d'étudiants qui cherchent à décrocher un diplôme; qualité, services à des prix abordables et responsabilités financières sont autant de questions sur lesquelles nous nous sommes penchés; nous avons aussi cherché à trouver des solutions de rechange aux systèmes actuels qui permettraient à nos étudiants, tant ceux qui sont déjà aux études que ceux qui les suivront, de mieux soutenir la concurrence sur le marché d'aujourd'hui.

Les membres de l'ACTISEC soutiennent que l'enseignement postsecondaire est essentiel à la réussite financière, sociale et culturelle de notre province et du Canada. L'Alberta est au premier rang pour ce qui est du niveau d'instruction de sa population et elle est réputée pour l'excellence des programmes et des ressources qu'elle offre dans le domaine de l'enseignement postsecondaire, de facteurs dont nous croyons qu'ils sont intrinsèquement liés à la capacité de notre province à attirer chez nous des sièges sociaux d'entreprise, à favoriser le développement d'industries technologiques et à encourager le lancement de nouvelles entreprises commerciales et culturelles dynamiques. Parmi nos réalisations, il convient de citer nos établissements d'enseignement postsecondaire de classe mondiale dont les milliers d'employés apportent à nos collectivités une contribution sans prix. Nous avons aussi une réputation nationale et internationale dans le domaine de l'athlétisme et des arts et de la culture et nous sommes aussi reconnus comme étant à la fine point de la réflexion politique novatrice de même que de la recherche médicale. Ce sont là autant de réussites auxquelles les établissements d'enseignement postsecondaire de l'Alberta ne sont pas étrangers.

Bien que chaque établissement ait sa mission et son mandat propres, ils ont la même préoccupation: les ressources dans le domaine de l'enseignement postsecondaire sont gravement menacées. Il était effectivement nécessaire d'équilibrer le budget provincial, et le secteur public à faire des sacrifices pour réaliser cet objectif; nous en sommes toutefois arrivés à un stade, dans le domaine de l'enseignement supérieur, où il n'est plus question de se serrer la ceinture mais bien de causer des torts graves dont les effets pourraient se faire sentir pendant longtemps.

En notre qualité d'étudiants, nous reconnaissons qu'il nous faut un système d'enseignement de qualité. L'élément fondamental de l'enseignement, c'est la communication entre étudiants et professeurs. Le nombre de professeurs étant à la baisse et celui des étudiants ne cessant d'augmenter, cet élément est compromis. Depuis cinq ans, le nombre moyen d'étudiants par classe a augmenté dans tous les établissements d'enseignement. Plus les classes sont nombreuses, plus il est possible que la qualité de l'enseignement en souffre. Les professeurs ont plus d'étudiants dont ils doivent corriger les copies, qu'ils doivent aider à résoudre leurs problèmes de compréhension et qu'ils doivent motiver. Si le nombre de professeurs baisse de façon spectaculaire, il faut maintenant aussi composer avec la hausse du nombre d'étudiants.

Au Southern Alberta Institute of Technology, par exemple, entre 1991 et 1994, alors que le nombre d'enseignants diminuait de 28 p. 100, le nombre équivalent d'étudiants à plein temps a augmenté de 29 p. 100. D'autres établissements connaissent des changements analogues. Il y a maintenant, par exemple, à Mount Royal des salles de classe en préfabriqué pour tenter d'accueillir le nombre croissant d'étudiants. Alors que le nombre d'étudiants à plein temps à Mount Royal a augmenté de 27 p. 100 depuis cinq ans, le nombre d'enseignants à plein temps a diminué de 14 p. 100.

Moins d'enseignants et plus d'étudiants entraînent également une diminution de devoirs corrigés, une dépersonnalisation de l'enseignement et un appauvrissement de l'expérience éducative. Un enseignant a avoué que l'augmentation de sa charge de travail l'empêchait de donner à ces étudiants des devoirs à corriger. D'après lui, chaque devoir prend une heure à corriger, chaque année l'effectif de sa classe augmente et la seule solution est de ne plus donner de devoirs à corriger.

Ce pis-aller se répand dans toute la province et tant les étudiants que les enseignants trouvent cette tendance alarmante.

Parmi les qualités recherchées par les employeurs, selon le Conference Board of Canada, les nouvelles recrues doivent posséder de solides compétences techniques associées à d'excellentes capacités de communication écrite et orale. Le fait qu'aujourd'hui un étudiant puisse, potentiellement, faire toutes ses études sans jamais rédiger un essai ou un rapport est la conséquence alarmante de coupures budgétaires trop profondes et trop rapides. En outre, le souci d'efficacité à tout prix, ajouté à une demande accrue de recours à la technologie, a encore exacerbé la situation. Les enseignants doivent dispenser des cours avec peu ou pas du tout de formation. La tendance ne suit pas et le coût de ces recyclages en temps et en argent est astronomique.

Pour les étudiants, il n'y a pas de système en place d'où tirer les ressources financières nécessaires pour ces nouvelles technologies. Dans certains établissements l'accès à ces nouvelles technologies est limité. Les établissements, sommés de comprimer encore plus leur budget, doivent en même temps ne pas se faire distancer par un environnement technologique en évolution constante. De telles situations ne peuvent qu'être porteuses d'échecs et prolonger la scolarisation des étudiants et, à terme, augmenter le coût de l'éducation.

Enfin, l'augmentation du nombre d'étudiants et la diminution du personnel enseignant à plein temps obligent certains établissements à prolonger leurs semestres. Les étudiants de Lakeland College à Lloydminster et à Vermillion, par exemple, doivent continuer de travailler au-delà du semestre normal d'hiver pour terminer leur programme. Conséquence, une insuffisance au niveau du financement car la Commission de financement des étudiants ne prévoit que des semestres d'un maximum de 16 semaines et en plus il devient très difficile aux étudiants d'être libres à temps pour un emploi d'été.

Il ne s'agit que quelques-uns des exemples qui rendent la vie universitaire difficile. Il y en a beaucoup d'autres. Les étudiants aujourd'hui en Alberta se retrouvent dans des classes à effectifs plus nombreux, manque de financement et d'enseignants disponibles. Le financement gouvernemental tant au niveau institutionnel qu'au niveau individuel a diminué. En fait, on demande aux étudiants de payer plus pour moins.

À l'heure de la connaissance, l'éducation postsecondaire est devenue une nécessité. Dans une étude gouvernementale réalisée en Alberta en 1992, 61,9 p. 100 des emplois réclamaient un diplôme post-secondaire; 27 p. 100 réclamaient un certificat de fin d'études secondaires avec une expérience pratique; seuls 10.1 p. 100 ne réclamaient aucune formation particulière. Ces exigences ne sont pas uniques à l'Alberta. La société d'aujourd'hui demande une population active hautement qualifiée et instruite.

Comme je l'ai déjà dit, l'éducation supérieure offre des avantages intrinsèques et financiers tant aux individus qu'à la société. Les salaires des titulaires de qualifications postsecondaires sont plus élevés alors que les paiements de l'assurance-emploi sont moindres. En conséquence, la contribution financière des diplômés à la collectivité est supérieure puisqu'ils paient plus d'impôts et dépensent plus d'argent, remboursant directement plusieurs fois l'investissement public de départ.

D'aucuns servent l'argument des avantages individuels directs pour expliquer les coupures budgétaires et l'augmentation des frais de scolarité érigeant ainsi de réels obstacles d'accessibilité pour certains segments de notre société. Des études faites aux États-Unis montrent que ceux qui viennent de familles à faible revenu sont moins susceptibles de faire des études supérieures si le risque d'endettement est trop fort. En Alberta, le gouvernement semble lier la notion d'abordable aux moyens des contribuables actuels et non pas à ceux des étudiants qui seront des contribuables de demain. Le résultat est que le pourcentage que les étudiants sont censés contribuer au financement de leurs études a augmenté de manière spectaculaire et que ce n'est pas fini.

Il y a sept ans, la politique du gouvernement estimait à 12 p. 100 la contribution raisonnable des étudiants au coût d'exploitation net d'un établissement. Il y a cinq ans, cette estimation est passée à 20 p. 100. En 1994, elle est passée à 30 p. 100. Cette année, la Chambre de commerce de Calgary presse le gouvernement de l'Alberta de faire passer cette contribution à 50 p. 100 quand bien même ce sont les entreprises qui bénéficient en premier d'une population active bien éduquée.

Depuis le plafonnement des fonds de scolarité à 30 p. 100, les administrateurs des établissements ont aligné les frais de scolarité sur ce taux maximum. En plus, la demande de service de soutien a augmenté de manière significative. Sur certains campus de la province, des banques alimentaires ont ouvert leurs portes. Conséquence de ces augmentations, nos associations d'étudiants ont dû multiplier les prêts d'urgence et les abandons d'études se sont, eux aussi, multipliés. De plus en plus d'étudiants doivent s'adresser à des services de conseils pour s'en sortir. Les établissements ont aussi du mal à s'en tirer et se déchargent du besoin accru de services sur les associations d'étudiants qui arrivent à peine à survivre avec les ressources limitées à leur disposition.

Pendant ces événements, les avantages directs et indirects de l'éducation supérieure pour la société sont minimisés. Les établissements postsecondaires, leurs enseignants et leurs étudiants, apportent une contribution importante aux économies locales. De plus, l'éducation supérieure profite directement à la société canadienne en développant l'esprit de tolérance, la réceptivité au changement, la souplesse, la volonté de participation aux activités politiques, l'indépendance, la mobilité, les vocations, les compétences analytiques critiques et en réduisant le recours à des programmes sociaux, comme le bien-être et l'assurance-emploi.

Enfin, l'éducation supérieure aide à créer une population active qualifiée et compétente permettant au Canada de réussir dans un environnement mondial compétitif. La préservation d'un système d'éducation supérieur public et abordable est essentielle à la survie de notre pays.

Le discours sur le financement public de l'éducation postsecondaire est truffé de notions de restructuration et de comptabilité. L'éducation postsecondaire en Alberta a subi l'attaque d'indices de performance, de niveaux à atteindre, de financement différentiel et d'enveloppes budgétaires fondées sur le rendement. C'est la mode actuelle. Les étudiants et le personnel enseignant tentent de se débrouiller de leur mieux avec un système de comptabilité piètrement conçu. Il semble que les établissements ne peuvent plus évaluer leur succès conformément aux objectifs qui leur avait été fixés au départ. Les étudiants considèrent que la nouvelle méthode comptable n'est qu'une méthode permettant d'assurer, par le biais de systèmes de comptabilité plus stricts et plus centralisés, que l'argent des contribuables soit dépensé avant tout conformément aux objectifs du gouvernement. L'efficacité prime la qualité. En clair, le gouvernement utilise les moyens les plus mesquins pour faire marquer le maximum de points par des systèmes qu'il est le seul à avoir conçus.

Le document que nous vous avons présenté aujourd'hui contient plusieurs suggestions que nous aimerions voir votre sous-comité examiner au nom des étudiants de l'Alberta.

Le président: Bobbie, je vous remercie infiniment de cet excellent mémoire et de cette excellente présentation.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous avez dit que certains étudiants, et je ne sais à quel niveau, je suppose au niveau postsecondaire, ne font plus de devoirs à corriger pour des raisons de coupures budgétaires ou de difficultés au niveau du personnel enseignant. Vous dites qu'il n'est pas inconcevable que quelqu'un puisse terminer ses études postsecondaires sans avoir écrit un quelconque essai ou un quelconque rapport. Est-ce que je déforme ce que vous avez dit?

Mme Saga: Non, c'est exact. Au lieu de faire des devoirs, de plus en plus on nous fait passer des examens avec des questions à réponses multiples. On ne nous demande pas de faire des devoirs car nos enseignants n'ont pas le temps de les lire. Leur charge de travail est énorme. Cela change le genre d'éducation que nous recevons et cela change aussi en conséquence la qualité de cette éducation.

Le sénateur Lavoie-Roux: Qu'entendez-vous par: leur charge de travail est si énorme qu'ils ne peuvent plus corriger les devoirs?

Mme Saga: Il y a beaucoup plus d'examens avec des questions à réponses multiples que de devoirs écrits. Même dans les disciplines littéraires, comme l'anglais, les interrogations avec réponses multiples l'emportent largement sur les devoirs écrits. Les étudiants se retrouveront avec des compétences en communication écrite très limitées.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est lié aux compressions budgétaires, d'après vous?

Mme Saga: Absolument. Nous perdons des enseignants et bien entendu cela impose un fardeau supplémentaire à ceux qui restent et nous voyons de plus en plus d'enseignants stressés, ce qui a aussi un impact sur les classes.

Le sénateur Lavoie-Roux: Pourrions-nous avoir une copie de votre exposé oral étant donné qu'il contient certains points que j'aimerais examiner?

Mme Saga: Certainement.

Le président: Nous passons maintenant au sénateur Forest de l'Alberta.

Le sénateur Forest: Merci Bobbie. Vous n'avez pas besoin de me dire ce qui se passe en Alberta, car j'en suis parfaitement consciente. Il y a quelques années, sous un autre gouvernement, cette province avait fait d'énormes efforts en faveur de l'éducation postsecondaire et de la recherche médicale, mais nous avons perdu beaucoup de terrain. Nous bénéficions aujourd'hui de ce qu'on appelle «l'avantage de l'Alberta», ce qui est des plus déconcertant.

Je comprends vos commentaires concernant la charge de travail des enseignants. Ils peuvent se retrouver avec des classes de 300 étudiants et s'il leur faut une heure pour corriger chaque devoir, ils n'ont tout simplement pas suffisamment de temps.

Le sénateur Lavoie-Roux: Les enseignants devraient peut-être examiner leur propre attitude.

Le sénateur Forest: Peut-être. Quoi qu'il en soit, vous faites un certain nombre de suggestions dans votre mémoire. Quelles seraient d'après vous vos recommandations les plus importantes?

Mme Saga: La qualité de notre éducation est en danger et le financement direct des établissements apporterait un début de solution. L'autre problème majeur est l'augmentation spectaculaire du coût de l'éducation depuis quatre ou cinq ans. En particulier les frais de scolarité. Contrairement à l'intervenant précédent, je crois que les frais de scolarité posent un problème aux étudiants, et, quand le plafond de ces frais est passé de 20 à 30 p. 100, nous avons vu des banques alimentaires ouvrir sur les campus, nous avons vu les associations d'étudiants, obligées de se transformer en banques pour offrir des prêts d'urgence, nous avons vu de plus en plus d'étudiants abandonner leurs études ou prendre des emplois à temps partiel. Les frais de scolarité sont un problème.

Le sénateur Forest: Quel est le niveau actuel?

Mme Saga: À l'heure actuelle nous nous acheminons vers le maximum de 30 p. 100 autorisé par le gouvernement de l'Alberta. Or, ce n'est qu'une partie du coût de notre éducation. Il y a de nombreux autres facteurs. La technologie fait monter le coût de notre éducation et le coût de la vie augmente. Le prix des livres ne cesse d'augmenter. La démographie étudiante change et en conséquence les étudiants ne sont plus tous des jeunes de 18 ans. Certains ont des familles dont ils doivent assumer les frais de santé, d'assurances médicale et dentaire. Les associations d'étudiants essayent de les aider en créant des régimes mais c'est un coût supplémentaire alors qu'ils essayent de terminer leurs études. Certains ont des enfants qu'ils doivent mettre en garderies. Une étude récente de Ressources Humaines Canada, publiée le 8 mars dans le Calgary Herald, concluait que l'étudiant moyen s'endettait jusqu'à 25 000 $. Ce n'est qu'une moyenne. Certains étudiants empruntent moins et, bien entendu, d'autres empruntent plus.

Le sénateur Perrault: Jusqu'à 40 000 dollars.

Mme Saga: Au taux d'intérêt d'aujourd'hui de 4,75 p. 100, le coût d'emprunt de 25 000 dollars, au taux d'escompte plus 1 p. 100 de 7 930,40 $. Cela fait un remboursement mensuel de 274,42 $. Au taux d'escompte plus 5 p. 100, cela saute à 14 231,60 $ pour une mensualité de 326,93 $. Le remboursement est étalé sur une période de 10 ans. Les étudiants se demandent si leur éducation vaut vraiment cela.

Nous aimerions que les taux bancaires soient réglementés et que les étudiants sachent combien l'emprunt leur coûtera avant de s'engager. Il pourrait alors prendre en toute connaissance de cause la décision de poursuivre ou de reprendre leurs études. Personne ne contracte une hypothèque sans en connaître les termes. Les étudiants ne savent pas ce qu'ils finiront par payer. Ils ne signent pas leurs documents de remboursement d'intérêts avant d'avoir terminé leurs études. Cela devrait se faire au départ.

En ce qui concerne le taux d'intérêt, les étudiants d'ACTISEC voudraient obtenir le taux préférentiel plus 1 p. 100, et non pas le taux d'escompte de la Banque du Canada plus 1 p. 100, parce qu'en effet, le gouvernement garantit nos prêts, nous pensons que les banques devraient nous accorder le statut de client privilégié. Les banques ne courent aucun risque.

Nous pensons que le gouvernement devrait également envisager de permettre aux étudiants de déduire les intérêts qu'ils paient sur leurs emprunts aux fins de l'impôt, plus ou moins comme les REÉR. Ce serait également avantageux pour les étudiants, et en même temps, cela allégerait la dette de ceux qui sont les plus vulnérables financièrement. Les étudiants issus de familles plus aisées n'ont pas besoin de financement, mais ce n'est pas le cas de ceux qui se trouvent au bas de l'échelle socio-économique.

On se demande actuellement qui devrait faire des études, et pour quelle raison. À l'heure actuelle, les étudiants sont dans le doute. Pendant que M. Klein faisait son communiqué de presse et déposait son budget hier, une pétition circulait parmi tous les établissements postsecondaires de la province demandant que le plafonnement de nos frais de scolarité soit ramené à 20 p. 100. Les administrateurs prétendent que les étudiants ont les moyens de payer 30 p. 100, mais là n'est pas le véritable problème. Les étudiants ne sont pas de cet avis. Comme je l'ai dit, cette pétition a commencé à circuler hier. Les étudiants des universités, des collèges, des instituts techniques et de notre Collège de formation professionnelle de l'Alberta s'associent pour présenter cette pétition, et dès qu'un nouveau gouvernement aura été formé, cette pétition sera déposée sur le bureau du nouveau premier ministre.

Le sénateur Perrault: Voilà un exposé excellent. C'est aussi un superbe travail de présentation. Je ne sais pas qui est responsable de la présentation, mais elle est excellente. Cela mérite certainement des félicitations.

Sur le plan des prêts étudiants, nous traversons une période de crise. Des jeunes sont venus me dire qu'ils avaient des dettes qui pouvaient aller jusqu'à 40 000 $, et pendant ce temps, ils travaillent au salaire minimum, et sont harcelés par les agences de perception. Ce n'est vraiment pas normal, c'est même obscène.

Mme Saga: C'est également ce que je pense.

Le sénateur Perrault: Au minimum, il devrait être possible de rembourser selon ses revenus. La dette deviendrait remboursable uniquement lorsqu'on a atteint un certain niveau d'imposition.

Dans votre mémoire, vous avez parlé de la possibilité de s'acquitter de certains services communautaires, comme cela se fait en Australie.

Mme Saga: Effectivement.

Le sénateur Perrault: Toutefois, vous ne semblez pas avoir une position bien arrêtée. Avez-vous pu vous former une opinion?

Mme Saga: Nous venons tout juste d'entreprendre des recherches sur ces questions, si bien que je n'ai pas toutes les informations que je voudrais vous donner.

Le sénateur Perrault: C'est une idée intéressante.

Mme Saga: C'est une idée intéressante, car elle permet aux étudiants non seulement de rembourser la communauté, mais également de la rembourser d'une façon beaucoup plus utile puisqu'ils ont terminé leurs études.

Le sénateur Perrault: Dans votre mémoire, vous dites que le système australien dépend du revenu, n'est-ce pas?

Mme Saga: Effectivement.

Le sénateur Perrault: Au départ, la scolarité est gratuite. Je suis d'accord avec vous, il faut faire quelque chose au sujet de cette lourde dette qu'on impose à ces jeunes personnes.

Le sénateur Andreychuk: Quand vous parlez de frais de scolarité, est-ce qu'il s'agit des frais d'inscription? J'ai entendu dire que cela pouvait aller plus loin que les frais de scolarité ou d'inscription, qu'on demande aux étudiants de payer un supplément pour utiliser un ordinateur ou d'autres équipements. Il y a toutes sortes de coûts cachés. Quand vous parlez de frais de scolarité, est-ce qu'il s'agit des frais payés d'avance?

Mme Saga: Nous voudrions que le gouvernement réglemente les frais exigés par les établissements. Le problème est d'autant plus grave que maintenant chaque établissement exige des frais complémentaires différents, en plus des frais d'inscription. Nous devons verser des frais pour utiliser un laboratoire. Quand vous lisez dans les journaux que les frais de scolarité augmentent, il s'agit uniquement de la somme versée au départ. Un étudiant doit verser 10 $ pour utiliser un laboratoire. Le problème se complique du fait que les étudiants ne savent pas quels seront les coûts cachés, et par conséquent, cela leur cause de gros problèmes car ils ne savent pas d'avance à quoi s'attendre. Nous aimerions que le gouvernement réglemente ce qui fait partie des frais de scolarité et ce qui n'en fait pas partie. Lorsque nous demandons un prêt, cela nous permettrait de le faire sur la base d'informations concrètes. C'est un énorme problème, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons, sur notre campus, des prêts d'urgence. Comme il faut six semaines pour renégocier un prêt étudiant, les étudiants peuvent s'adresser à leur association pour obtenir de l'aide. Comme ils sont étudiants, ils n'ont pas droit à l'aide sociale.

Le sénateur Lavoie-Roux: Cela devrait être réglementé par les provinces et non pas par le gouvernement fédéral.

Mme Saga: Nous savons que c'est un problème, et c'est la raison pour laquelle dans notre mémoire nous envisageons la possibilité d'une loi canadienne sur l'éducation, car ce problème n'existe pas seulement en Alberta, c'est un problème énorme, et il y a des disparités dans tout le pays.

Le sénateur Andreychuk: Je suis d'accord avec le sénateur Forest, il serait normal que les banques jouent un plus grand rôle puisqu'elles servent d'intermédiaires dans l'administration du Prêt canadien aux étudiant et que, bien sûr, les étudiants sont leurs futurs clients.

Mme Saga: C'est bien vrai.

Le sénateur Andreychuk: Pensez-vous que les banques devraient jouer un rôle plus actif?

Mme Saga: Nous pensons que les banques devraient apporter une contribution. Elles profitent directement du système, non seulement parce que le système leur fournit des travailleurs compétents, parce qu'en réalité, elles n'emploient pas tellement de diplômés postsecondaires, mais surtout parce qu'elles profitent de tout le système de prêts aux étudiants. Plus elles exigent des taux d'intérêts élevés, plus il en coûte aux contribuables. À mon avis, les banques devraient s'interroger sur la contribution qu'elles peuvent faire à l'éducation de la population. Normalement, cela devrait être une responsabilité partagée entre l'entreprise privée, le gouvernement et les étudiants.

Le sénateur Lavoie-Roux: On nous a parlé à maintes reprises des problèmes des étudiants lorsqu'il s'agit de financer leurs études, des coûts supplémentaires qui leur sont imposés et cetera, mais on nous a très peu parlé des efforts des universités pour diminuer leurs coûts administratifs. Pensez-vous qu'on exige autant des établissements postsecondaires que des étudiants?

Mme Saga: D'après ce que je sais des établissements en Alberta, je peux vous dire qu'ils tirent sur la corde au maximum, qu'ils sont maintenant forcés de s'adresser à la communauté pour obtenir des fonds, qu'ils procèdent à des coupures partout où cela est possible. Voilà maintenant trois ans et demi que je suis au collège Mount Royal, j'ai assisté à des changements considérables, mais il faut dire que sur le plan des coûts administratifs, le cas du collège Mount Royal est unique. Il y a une semaine, l'Association des étudiants a demandé à l'administration de justifier des augmentations de frais de scolarité maximum. Un processus budgétaire a été mis en place, les responsables ont comparu devant la commission pour présenter des justificatifs, et celle-ci a approuvé des augmentations des frais de scolarité maximum. Les médias assistaient à la séance, et à l'heure actuelle, il est certain qu'ils ne peuvent pas faire plus. On nous dit que les étudiants doivent compenser le manque à gagner, mais de notre côté, nous tirons aussi sur la corde au maximum.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il y a eu des incidents à l'Université de Montréal; les étudiants se sont soulevés parce qu'on accordait beaucoup de privilèges au directeur, au vice-directeur, aux chefs de départements, et cetera, et finalement, les journaux en ont parlé. À mon avis, ces plaintes étaient tout à fait justifiées. Je sais bien que tout le monde doit faire des sacrifices, mais il n'est pas normal que ce soit toujours le même groupe, en particulier le plus vulnérable.

Mme Saga: Je suis d'accord.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je pense que quelqu'un se porte volontaire pour répondre à ma question.

Le président: Veuillez nous dire votre nom aux fins du procès-verbal, et vous asseoir dans la première rangée.

M. Brendan Correia, coordinateur, Recherche et communication, Alberta College and Technical Institute Students' Executive Council: Je suis un récent diplômé d'un des collèges de l'Alberta. Plus récemment encore, j'ai dû quitter l'université car je n'avais pas les moyens de m'offrir le programme.

Quand vous avez posé des questions au sujet des coûts administratifs, Bobbie a fait allusion aux mesures d'imputabilité prises par le gouvernement. Les étudiants ont l'impression que ces mesures ont pour effet de faire augmenter les coûts parce que les collèges doivent fournir des réponses à tous les indicateurs, effectuer des recherches d'année en année, et pour faire tout ce travail, ils doivent embaucher du monde. Comme le gouvernement exige ces informations, cela fait augmenter les coûts administratifs.

Le sénateur Perrault: À mon avis, le type de formation des politiques détermine leur attitude dans certains cas. Combien de membres du Cabinet de l'Alberta, et la même chose vaut pour le Cabinet de la Saskatchewan, ont eu une éducation postsecondaire quelconque? Est-ce que nous avons des statistiques sur le niveau d'éducation des premiers ministres et de leurs ministres?

Le sénateur Andreychuk: Tout ce que nous entendons, c'est qu'il y a déjà trop d'avocats.

Le sénateur Forest: Notre premier ministre est lui-même un ancien décrocheur, n'est-ce pas?

Mme Saga: Oui.

Le sénateur Perrault: Si je pose cette question, ce n'est pas pour provoquer des réactions mais plutôt pour montrer qu'il y a un lien avec l'attitude de bien des gens. Les gens qui ont réussi à se tailler une place dans la vie sans diplôme postsecondaire ont tendance à croire que les études postsecondaires ne sont pas vraiment nécessaires.

Mme Saga: Mais de nos jours, l'instruction est une nécessité absolue. Sans instruction, il n'est pas possible d'obtenir un emploi et de gravir les échelons d'une entreprise. La situation était bien différente il y a 25 ans. Maintenant, il faut avoir suffisamment de compétences pour faire concurrence aux gens instruits.

Le sénateur Perrault: Vous exprimez le point de vue de l'ACTISEC avec beaucoup d'éloquence.

Le président: Merci beaucoup à vous, Bobbie et Brendan d'être venus nous rencontrer également. Pourrais-je vous poser une petite question et vous demander d'y répondre rapidement? Dans quel domaine faites-vous des études?

Mme Saga: Les communications.

Le président: C'est ce que je croyais. J'allais vous féliciter de vos compétences en communication.

Nous entendrons maintenant M. David Milner, président du Alberta College Institute Faculties Association. Vous avez quelques minutes pour exprimer votre opinion quant à ce que nous devrions faire dans le domaine de l'enseignement, puis nous vous poserons quelques questions.

M. David Milner, président, Alberta College Institute Faculties Association: Je vous remercie de cette occasion de m'adresser à vous et je vous félicite de vous attaquer à cette tâche. Je vous félicite également de votre endurance. Dans l'enseignement, nous disons toujours que l'esprit ne peut assimiler que ce que le derrière peut endurer. Vous êtes assis déjà depuis bien longtemps.

En Alberta, notre organisme est mieux connu sous l'acronyme ACIFA. Mais je ne vais pas vous assommer avec les acronymes cet après-midi. La présidence de notre association occupe le tiers de mon temps et pendant les deux autres tiers, j'enseigne au Grant MacEwan Community College, à Edmonton. Je représente aujourd'hui les 11 associations de professeurs des collèges publics de l'Alberta et les deux associations de professeurs des instituts techniques. Ensemble, ces 13 associations représentent 4 000 professeurs.

Le mémoire que nous avons préparé pour votre comité et mes observations de cet après-midi visent à exprimer notre appui à une présence fédérale importante dans l'enseignement postsecondaire. En fait, il est impérieux que le gouvernement fédéral conserve au moins sa participation actuelle dans ce domaine et nous irions jusqu'à dire que cette participation devrait être accrue. À notre avis, le système d'enseignement postsecondaire canadien traverse déjà une crise d'envergure nationale qui réclame une attention et des solutions nationales également.

Honorables sénateurs, comme nous savions que d'autres groupes de professeurs et d'étudiants de l'Alberta vous dresseraient un tableau de l'enseignement postsecondaire dans notre province, nous avons choisi d'énoncer dans notre mémoire, qui vous a d'ailleurs été envoyé, un certain nombre de propositions quant aux fonctions que le gouvernement fédéral devrait assumer à l'appui de l'enseignement postsecondaire. On m'a dit de partir du postulat que vous liriez le mémoire et de préparer mon exposé en conséquence.

Toutefois, si vous me le permettez, même si vous avez entendu parler de la situation en Alberta ces derniers jours, j'aimerais vous faire part du point de vue des facultés collégiales et des instituts techniques.

J'estime qu'il importe de vous rappeler cette situation puisqu'on nous dit toujours en Alberta que les autres provinces canadiennes étudient de près ce qui se passe chez nous pour suivre notre exemple ou non. Nous pensons qu'il est important que vous entendiez également notre son de cloche. Dans cette description, j'espère également vous faire comprendre les motifs et le raisonnement qui ont inspiré nos cinq recommandations. Je mentionnerai celles-ci plus tard au cours de mon exposé.

Pendant la majeure partie des années 80 et le début des années 90, les subventions versées par le gouvernement de l'Alberta au régime d'enseignement postsecondaire ont accusé un retard de 1 à 2 p. 100 par an par rapport à l'inflation des coûts. Pendant cette même période, l'argent qui aurait autrement servi aux immobilisations a à peu près entièrement disparu, utilisé dans une grande mesure pour compenser les petites augmentations des subventions au fonctionnement. Autrement dit, on volait Pierre pour payer Paul. Au début des années 90, il était devenu évident que le système n'avait plus aucune latitude. En fait, les établissements reportaient à plus tard des dépenses d'immobilisations importantes qu'ils auraient dû faire, en entendant des jours meilleurs.

Puis, en 1993, le gouvernement Klein a lancé sa révolution de réduction des effectifs et de restructuration du gouvernement. Cette restructuration touchait également le système d'enseignement postsecondaire, mais comportait pour celui-ci une caractéristique particulière. Le système d'enseignement post-secondaire -- c'est-à-dire les collèges, les instituts techniques et les universités -- devaient prendre de l'expansion au lieu de diminuer; en fait, on leur en a même confié le mandat. Toutefois, il leur fallait accomplir tout cela malgré un financement grandement réduit, illustrant ainsi la célèbre expression «faire davantage avec moins». Parmi les principales mesures, il y avait une réduction de 21 p. 100 des subventions gouvernementales sur une période de trois ans, accompagnée de sanctions financières en cas de diminution des inscriptions. Sur ces 21 p. 100, 5 p. 100 ont été mis à la disposition des établissements par le truchement d'un fonds d'accès compétitif visant à créer 10 000 places supplémentaires dans le système d'enseignement postsecondaire. Les établissements se sont livrés à une concurrence assassine pour obtenir ces fonds. Enfin, la stratégie à été si efficace qu'on a pu créer ces 10 000 places supplémentaires et il restait encore 10 millions de dollars. Cela montre, je crois, que les établissements étaient prêts à tout pour obtenir de l'argent.

La restructuration du régime d'enseignement postsecondaire en Alberta se fondait sur cinq principes ou objectifs: la souplesse, l'accessibilité, des prix abordables, la responsabilité et l'efficacité-- mots qui sont tous d'usage courant aujourd'hui. On trouvera facilement dans la multitude de documents de position et de stratégie, d'énoncés de relations publiques rédigés par le gouvernement, ce que celui-ci entendait par ces termes, ou plutôt ce qu'il souhaitait que le public comprenne. Mais que signifiaient ces termes aux consonances nobles dans la pratique, pour nous qui sommes au premier rang, pour les facultés et les étudiants?

Eh bien, permettez-moi de mentionner certaines des situations que nous avons connues en utilisant ces principes en tête de rubrique.

La souplesse: Depuis toujours, ce principe fait la force des collèges et des instituts techniques et leur confère même un avantage par rapport aux universités. Nous sommes bien connus pour notre capacité de s'adapter rapidement à l'évolution des besoins du marché. Mais ce terme de souplesse a maintenant acquis un sens supplémentaire. Il signifie maintenant que les établissements diminuent leurs critères d'admission pour assurer la stabilité ou l'augmentation du nombre de leurs inscriptions, afin d'éviter les sanctions financières. Par conséquent, on trouve maintenant dans nos classes bien des étudiants qui n'ont pas tous les connaissances requises pour faire des études dans un collège ou un institut technique. L'enseignement, l'apprentissage et le milieu lui-même sont devenus plus tendus et moins productifs.

Les collèges et les instituts techniques doivent faire face à un nouveau problème, celui de répondre aux demandes croissantes d'une économie mondiale axée sur la technologie, de s'adapter eux-mêmes et d'adapter leurs étudiants à la vie dans un marché international. Le corps enseignant est frustré. En Alberta, nous n'avons pas le choix et devons répondre à ce besoin au cas par cas, établissement par établissement, avec les quelques ressources qui peuvent être réunies à cette fin. On nous critique en nous disant que nous ne faisons pas suffisamment, mais on ne nous donne aucune ressource supplémentaire pour accomplir la tâche. Nous sommes obligés de faire concurrence, en tant qu'établissements individuels, à ceux d'autres pays comme l'Australie, la Grande Bretagne et les États-Unis, pays dont les gouvernements nationaux aident les établissements à participer au marché international de l'enseignement. Et nous nous demandons pourquoi notre part de ce marché diminue sans cesse! Dans la situation actuelle, le mieux que nous puissions espérer, ce serait une aide provinciale sur la scène internationale.

L'accessibilité: Augmenter le nombre de places dans les établissements postsecondaires avec moins de ressources, cela ne peut signifier qu'une chose: augmenter la charge de travail des facultés et surcharger d'étudiants les salles de classe. Cela provoque une diminution du temps d'interaction entre étudiant et enseignant, interaction qui est un élément essentiel de l'apprentissage. En Alberta, tous les membres des facultés, et les étudiants aussi sans doute, s'entendent pour dire que la qualité de l'enseignement en a souffert.

Les coûts abordables: Pour le gouvernement, cela a signifié une réduction de 16 p. 100 du financement du régime depuis 1994. Pour les enseignants et le personnel des facultés, cela a signifié une diminution de 5 p. 100 des salaires depuis trois ans. Il s'agit d'une diminution de 5 p. 100 qui a été maintenue pendant trois ans. En outre, il en est résulté une pénurie croissante de moyens, par exemple de technologies, qui nous permettraient de travailler de façon plus rationnelle au lieu de travailler plus fort. Il en est également résulté une détérioration des installations dans lesquelles nous travaillons. D'après la promesse électorale annoncée dans les journaux, 35 millions de dollars seront consentis aux universités pour la réfection des installations. Le montant est intéressant, surtout si l'on sait que le ministère lui-même a déjà reconnu qu'il faudrait 500 millions de dollars pour réparer les installations dans toute la province.

Pour que les coûts soient abordables, on a également mis à pied des enseignants à plein temps pour les remplacer, à moindre coût, par des employés à contrat. On a également augmenté rapidement les frais de scolarité payés par les étudiants, de 12 à 15 p. 100 par an, à tel point que les étudiants paient maintenant 30 p. 100 des coûts de leurs études. Le précédent témoin de l'Alberta a très clairement décrit cette question. Dans les facultés, nous sommes aux premières loges pour constater les résultats du stress dans lequel vivent les étudiants, lorsqu'ils doivent travailler à temps partiel tout en poursuivant leurs études. Des étudiants abandonnent leurs études parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent pour s'offrir nos programmes. À titre de citoyens, nous nous inquiétons des effets à long terme qu'aura ce terrible endettement sur les diplômés. Je ne connais pas de banque qui soit prête à vous consentir une hypothèque si vous devez déjà 20 000 $ ou plus.

La responsabilité: L'élément essentiel de cet objectif a été l'élaboration d'un système d'indices principaux du rendement et du financement fondés sur le rendement. Ce régime dans lequel on établit le montant des subventions versées dresse les établissements les uns contre les autres, en Alberta, puisque le critère qui permet de gagner ou de perdre est le rendement moyen. Dans un tel système, il y aura toujours des gagnants et des perdants, et les perdants n'auront pas les moyens de perdre trop souvent. Cela a également des effets dans les salles de classe. À cause de ce système, nous subissons des pressions, subtiles ou pas, pour conserver tous nos étudiants, quoiqu'il faille faire pour cela, puisque le nombre d'étudiants conservés est un important indice de rendement aux fins du financement. Également, cela signifie que l'on placera davantage d'étudiants par salle de classe, puisque le coût par étudiant est aussi un indice de rendement aux fins du financement. Pour recueillir toutes les données nécessaires aux fins des indices de rendement, il faut priver les établissements de temps humain et de ressources financières qui seraient mieux utilisées à offrir du leadership et de l'appui éducatifs.

L'efficacité: Les efforts dans ce domaine ont surtout été orientés vers le ministère de l'Éducation, études supérieures et perfectionnement professionnel. Le personnel du ministère a été à ce point réduit que les facultés n'ont plus aucune confiance dans la capacité de ce personnel à assumer le rôle de leader et de soutien qui lui revient. Le ministère manque tout simplement de ressources humaines pour faire son travail. Paradoxalement, on a créé un régime postsecondaire beaucoup plus complexe à administrer tout en retirant au ministère les ressources nécessaires à son administration.

Voilà la toile de fond sur laquelle s'inscrivent nos recommandations. Pour les facultés et les étudiants, c'est un tableau plutôt sombre, et nous avons l'impression que les choses risquent d'empirer au lieu de s'améliorer. La confiance que nous avions envers le gouvernement provincial, pour ce qui est de protéger et de renforcer l'enseignement postsecondaire, a été fortement ébranlée, sinon complètement détruite.

Le gouvernement de l'Alberta dit sans trop y croire que l'éducation est un investissement dans l'avenir. Les faits ont démontré que, pour ce gouvernement, ce n'est qu'une autre dépense publique à réduire, dépense qu'il faut conserver au niveau le plus bas possible; réduisons les services éducatifs, blâmons les établissements.

Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait avoir une forte participation dans l'enseignement postsecondaire. Nous estimons que l'enseignement postsecondaire profite autant au Canada, à l'échelle nationale, qu'aux provinces. En outre, certaines des difficultés auxquelles est confronté le régime d'enseignement postsecondaire sont de nature nationale, d'autres d'une telle ampleur qu'elles ne sauraient être réglées à l'échelle des provinces. Pour les facultés des collèges et des instituts techniques de l'Alberta, le gouvernement fédéral est la dernière ligne de défense du régime postsecondaire.

C'est pour cela que nous avons formulé cinq recommandations générales dans notre document, pour que le gouvernement fédéral insuffle une nouvelle énergie dans un régime moribond. En résumé, nous recommandons que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership premièrement, pour restaurer la confiance du public dans le régime d'enseignement postsecondaire afin de répondre aux besoins des Canadiens en matière d'enseignement et de formation; deuxièmement, pour régler les problèmes relatifs à la technologie; troisièmement, pour examiner les problèmes qui entourent l'endettement des étudiants; quatrièmement, pour établir des normes nationales en matière d'éducation et élaborer une stratégie nationale d'enseignement international. D'après ce que j'ai lu et d'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, je ne vous apprends rien de nouveau en vous disant cela.

En définitive, il faut que quelqu'un au niveau national prenne l'initiative de faire mieux connaître l'importance cruciale de l'enseignement postsecondaire pour l'avenir du Canada. Nous devons prendre des mesures pour qu'on débatte vraiment de la question au lieu de se contenter de dire pour la forme que l'enseignement supérieur est important. Il faut élever le débat au-delà des intérêts mesquins de l'économie et des résultats à court terme.

Je pourrais suggérer, même s'il n'en est pas question dans notre mémoire, qu'on organise un forum national sur l'enseignement postsecondaire comme le forum national sur la santé, qui vient de faire connaître ses recommandations. Au Canada, nous devons discuter de ce que notre société attend de notre système d'enseignement postsecondaire et du rôle que nous devons jouer dans la vie de notre pays au XXIe siècle.

Je serais heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Milner, de votre excellent mémoire. Vous croyez manifestement que le gouvernement fédéral doit intervenir dans le domaine de l'éducation; vous ne me blâmerez donc pas d'avoir insisté pour que le Sénat crée ce comité.

M. Milner: Je vous en félicite.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous avez formulé plusieurs arguments que je fais miens. Par exemple, il est temps que l'éducation redevienne une priorité. Je me souviens d'une époque où c'était le cas, mais la santé et bien d'autres préoccupations l'ont supplanté. Si l'on ne remédie pas à la situation, nous aurons de graves problèmes plus tard. J'admets que le gouvernement fédéral doit reconnaître l'importance de l'enseignement supérieur. J'admets aussi que nous devons investir dans la technologie pour aider nos étudiants. Le niveau d'endettement des étudiants est excessif, même si leurs dettes ne s'élèvent qu'à 20 000 $ à la fin de leurs études, parce qu'ils ne trouveront peut-être pas d'emploi immédiatement.

Le sénateur Perrault: Ils trouveront peut-être un emploi au salaire minimum.

Le sénateur Lavoie-Roux: En effet. Je pense qu'il faut s'attaquer au problème.

J'ai deux questions à poser. Croyez-vous que le budget consacré à l'éducation a été coupé davantage en Alberta que dans les autres provinces? Je sais que les compressions budgétaires dans ce domaine au Québec s'élèveront à 700 ou 800 millions de dollars. Vous a-t-on traités plus mal dans votre province que dans d'autres?

M. Milner: Je suis persuadé que dans toutes les autres provinces on estime avoir été traités plus mal que dans les autres. La difficulté vient du fait que les gens pensent souvent que les compressions budgétaires imposées en Alberta -- au titre de l'enseignement postsecondaire et des autres secteurs de la fonction publique -- sont survenues seulement au début de la révolution Klein, et je pense que ceux d'entre nous qui oeuvrent dans le système depuis 20 ans, comme c'est mon cas -- j'y suis arrivé en 1977 -- ont constaté qu'au début des années 80, les subventions n'augmentaient pas au même rythme que l'inflation, ce qui voulait dire que les établissements d'enseignement devaient combler l'écart au fur et à mesure. Lorsque les compressions budgétaires de M. Klein ont commencé, il ne restait plus de gras dans le système. Cependant, il persiste en Alberta un mythe selon lequel le secteur public, y compris celui de l'éducation, comporte encore certaines inefficacités et qu'on peut encore beaucoup dégraisser le système.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous avez mentionné l'Australie; parliez-vous d'encourager les étudiants d'autres pays à venir étudier au Canada?

M. Milner: Je crois qu'on pourrait prendre un certain nombre de mesures à cet égard. On pourrait certainement prendre des initiatives pour envoyer des étudiants canadiens dans d'autres pays et organiser des échanges de professeurs, si nous vivons vraiment dans une collectivité mondiale. Nous avons besoin d'échanges dans toutes les directions. L'Australie a connu le succès parce qu'elle a une présence nationale. Permettez-moi d'expliquer ce que j'entends par là. Lorsqu'on fait face à la concurrence, c'est comme si l'on allait passer une entrevue. À 9 heures du matin, le Grant MacEwan Community College va présenter sa demande, à 10 heures c'est au tour du Grand Prairie Regional College d'Alberta, et ensuite, à 11 heures, c'est au tout du Mount Royal. Cependant, à midi, c'est au tour du Québec ou de l'Ontario, parce que ces provinces ont une présence nationale. Cependant, on se rend alors compte que les participants suivants sont les États-Unis d'Amérique, la Grande-Bretagne et l'Australie. Comment le Grant MacEwan Community College peut-il faire concurrence à l'Australie? Nous n'avons simplement pas les ressources nécessaires.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous faites partie de l'administration en plus d'être enseignant ou professeur. Pensez-vous qu'on a fait des efforts suffisants pour réduire les frais d'administration? Il est certain que chacun doit faire sa part.

M. Milner: En effet.

Le sénateur Lavoie-Roux: En ce qui concerne l'administration, a-t-on fait tout ce qui était possible?

M. Milner: On a fait des réductions et apporté des changements. De fait, on a probablement fait cela vers 1990. Je pense que la plupart des établissements d'enseignement ont réagi pendant les années 80 en essayant de se restructurer et l'on a certainement toujours mis l'accent sur la réduction des effectifs dans le secteur de l'administration, parce que c'est toujours une cible facile. Les professeurs se plaignent qu'il y a trop d'administration, et les étudiants ainsi que le public font de même. Je fais constamment allusion aux compressions «Klein», mais depuis des trois ans, on a voulu apporter d'autres compressions dans le secteur de l'administration, ce qui était une tâche impossible. Encore une fois, ce qu'il y a d'ironique, c'est que le système est chargé de plus de fonctions administratives que jamais auparavant, parce que le gouvernement joue maintenant un rôle direct dans la façon dont les établissements d'enseignement doivent être administrés, les orientations qu'ils doivent prendre, et ils accumulent des dettes énormes. Nous attendons tous avec impatience de voir ce qui se passera.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous suggérez qu'on organise un forum sur l'éducation. Ne pensez-vous pas que le moment est venu d'agir et de cesser de dépenser de l'argent pour trouver des solutions? Le forum national sur la santé a coûté près de 12 ou 15 millions de dollars et je ne suis pas certaine qu'il ait été nécessaire. Je crains que si nous organisons un forum sur l'éducation, nous finirons par tourner en rond encore une fois et dépenserons encore 12 millions de dollars. Nous pourrions certainement aider quelques étudiants avec une telle somme.

M. Milner: Je préfère l'action aux discussions et aux forums, mais je pense que nous devons convaincre le Canadien moyen de l'importance du système d'enseignement postsecondaire. À l'heure actuelle, je ne pense pas qu'il croit sincèrement que c'est important.

Le sénateur Lavoie-Roux: Notre rapport pourrait en parler. Nous économiserions ainsi 15 millions de dollars.

Le président: Nous sommes déjà rémunérés à titre de sénateurs et nous économiserions donc les frais d'une commission royale d'enquête.

M. Milner: Dans ce cas, biffez mes commentaires concernant un forum national.

Le sénateur Andreychuk: Lorsque le Sénat a convenu à l'unanimité d'étudier la question de l'enseignement postsecondaire, nous avons éprouvé une certaine inquiétude parce que l'éducation est de compétence provinciale.

Incidemment, comme vous êtes en pleine campagne électorale en Alberta, je tiens absolument à dire publiquement que les commentaires formulés ici ne devraient pas faire l'objet de débats dans la province voisine. Cela n'aiderait pas à améliorer notre crédibilité de sénateurs, et ne contribuerait pas à promouvoir la cause de l'enseignement postsecondaire. Nous n'avions pas l'intention de critiquer certains gouvernements provinciaux et je comprends que c'est votre problème. Cela dit, je m'en tiendrai aux préoccupations que j'estime être d'ordre national. À ce propos, vous avez recommandé que le gouvernement fédéral encourage la transférabilité en supervisant tous les types de crédits d'études et les accréditations. L'enseignement n'est pas le seul secteur où nous avons une présence des provinces ou une présence segmentée sur le plan de la commercialisation dans ce pays. Ne serait-il pas préférable que le gouvernement fédéral crée un environnement en vue de faciliter la coopération des provinces à cet égard? Nous avons déjà un Conseil des ministres de l'éducation et Statistique Canada qui y travaillent. Ne devrions-nous pas tabler sur ces entreprises de coopération et recommander une plus grande coopération?

M. Milner: Certainement. Je suis d'accord. J'ai dit essentiellement que le gouvernement fédéral devait intervenir et simplement prendre les choses en main, et je pense que certains de nos membres seraient d'accord là-dessus.

Le sénateur Andreychuk: Cela simplifierait les choses.

M. Milner: Oui, en effet. Il faut reconnaître, cependant, que certaines bonnes choses se produisent et que dans certains cas, nous allons dans la bonne direction. Malheureusement, toutefois, nous passons trop de temps à discuter au lieu d'agir.

Le sénateur Andreychuk: L'Alberta a été un chef de file dans plusieurs des forums internationaux et continue de le faire. Pensez-vous qu'en ce qui concerne l'internationalisation l'éducation, le gouvernement fédéral devrait offrir certains encouragements afin d'égaliser les chances pour tous? J'ai entendu des représentants de petites universités dire qu'ils ne pouvaient pas participer à des expositions commerciales, tandis que d'autres les assuraient qu'il y a de la place pour un établissement à caractère unique. Certains ont dit qu'ils ne voulaient pas de la présence du gouvernement fédéral, parce qu'il fixerait les règles du jeu. Ils estiment que des entreprises de coopération, assorties peut-être d'une aide financière sans condition, serait la solution. Grant MacEwan fait de bonnes choses depuis longtemps.

M. Milner: C'est exact. À titre d'organisme provincial, nous venons à peine de commencer à nous occuper de cette question de l'internationalisation de l'éducation. Les gens que nous avons consultés ont parlé d'une approche concertée, d'établissements d'enseignement qui fonctionneraient ensemble, plutôt que de se retrouver avec deux établissements de la même ville, représentés dans un projet en Amérique du Sud. Nous croyons qu'il y aura des avantages à la collaboration.

Le sénateur Andreychuk: Ma dernière question concerne l'Agence canadienne de développement international (ACDI) l'Aide publique au développement (APD) et nos autres programmes à l'étranger. Nous financions des infrastructures d'enseignement à l'étranger, mais dernièrement, l'ACDI a connu des compressions dramatiques qui nous ont amenés à contribuer financièrement à combler des besoins fondamentaux comme les soins de santé, et je suis d'accord là-dessus. Dans ce processus, les infrastructures n'étaient pas définies seulement en tant qu'installations comme des centrales électriques, mais aussi des établissements d'enseignement que nous appuyons. Seriez-vous en faveur d'une réévaluation de la fonction de l'ACDI dans les domaines techniques à l'étranger, afin que les universités et les collèges puissent jouer un plus grand rôle?

M. Milner: Je ne suis pas certain d'être en mesure de faire des commentaires à ce sujet. Cela me semble certainement raisonnable. Nous disons pour l'instant que nous devons envisager toutes les possibilités.

Le sénateur Andreychuk: Grant MacEwan a fait beaucoup de travail à l'étranger. Ce travail a-t-il diminué à cause de la réduction de la subvention de l'ACDI?

M. Milner: Je ne sais vraiment pas.

Le sénateur Perrault: Monsieur le président, à la page 6 de cet excellent mémoire, on fait allusion au village global. Le village global de McLuhan est une réalité. Vous parlez d'internationalisation. Vous déclarez:

Cependant, un engagement partagé envers l'internationalisation ne signifie pas que l'on partage la même vision, les mêmes raisonnements ou les mêmes attentes. D'autres pays, comme l'Australie, la Grande-Bretagne ou les États-Unis, ont déployé de grands efforts nationaux dans ce domaine et ont connu beaucoup de succès, surtout en raison de leurs stratégies nationales efficaces.

Qu'est-ce que ces pays font que nous ne faisons pas au Canada et que devrions-nous faire?

M. Milner: Je ne suis certes pas un spécialiste de l'éducation internationale, mais je crois savoir qu'ils ont un organisme national qui représente l'ensemble du pays, au lieu que chaque établissement d'enseignement essaie de réussir seul.

Le sénateur Perrault: La Fondation Asie-Pacifique, dont le siège social est à Vancouver, coopère avec un certain nombre d'établissements d'enseignement du pays en essayant de sensibiliser davantage les gens, je suppose surtout aux possibilités qui se présentent dans les pays du Pacifique, sur le plan économique et sur d'autres plans. C'est une forme de coopération qui ne se fait pas directement sous les auspices du gouvernement, mais qui est appuyée en partie, comme vous le savez, par une aide financière du gouvernement fédéral. L'un de vos membres est-il associé à la Fondation Asie-Pacifique?

M. Milner: Nous avons un institut Asie-Pacifique au Grant MacEwan College.

Le sénateur Perrault: Suggéreriez-vous que nous coordonnions nos efforts de manière un peu plus efficace que maintenant?

M. Milner: Oui.

Le sénateur Perrault: L'Internet est maintenant accessible à 55 millions de personnes dans le monde, et 20 millions de personnes possèdent l'équipement nécessaire. Est-il possible d'utiliser cette nouvelle technologie dans l'intérêt de l'éducation dans notre pays? Nous pourrions peut-être ainsi faire des économies afin de pouvoir offrir d'autres services. L'Internet menace-t-il les emplois des enseignants parce qu'il peut être possible de distribuer le matériel didactique presque gratuitement? L'Université Simon Fraser à Vancouver lance ce qu'on appelle l'université «virtuelle» et elle va offrir sur le réseau informatique des cours menant à un diplôme.

M. Milner: Nous pourrions probablement en discuter longuement.

Le sénateur Perrault: Cette question à elle seule, mérite d'être le sujet d'un colloque.

M. Milner: Actuellement, environ 10 000 cours sont offerts sur l'Internet. Il y a des universités virtuelles et une variété d'autres cours sont offerts. Je pense que l'Internet, peut devenir un outil d'information, mais en a tendance actuellement, je crois, à interpréter l'information et l'éducation comme étant une seule et même chose, alors qu'elles sont très différentes.

Le sénateur Perrault: Certainement.

M. Milner: En tant qu'éducateur, je ne crains pas que l'Internet me remplace. Si c'était possible, il faudrait probablement que cela se produise.

Le sénateur Perrault: En Colombie-Britannique, on envisage d'utiliser l'enseignement à distance pour enseigner aux enfants des très petites localités du Nord au lieu de les obliger à aller au pensionnat. Cela semble très utile.

M. Milner: Cela comporte certainement des avantages. Cependant, toutes les études que j'ai vues montrent que les étudiants préfèrent se trouver dans un milieu universitaire ou social plutôt que de se voir transmettre simplement des informations. Si l'on ne peut pas faire cela, si ce n'est pas réalisable, la technologie peut certainement répondre à ce besoin de transmission de l'information. C'est un outil très efficace. Cependant, si nous pensons qu'il peut remplacer tout le processus d'enseignement, alors nous faisons erreur.

Le sénateur Perrault: Dans certains cours, je suis persuadé qu'il est extrêmement important qu'il y ait une interaction entre l'éducateur et les étudiants.

M. Milner: Oui. Il serait probablement difficile d'apprendre à jouer au basketball sur l'Internet.

Le sénateur Perrault: Ne croyez-vous pas qu'on pourrait faire de grandes économies en utilisant cette technologie?

M. Milner: Il y aurait probablement des économies en ce qui concerne la transmission et l'obtention de l'information.

Le sénateur Perrault: Comme je l'ai dit tantôt, l'Université Queen's mène une campagne importante pour recruter des étudiants en vue d'un programme de maîtrise en administration. Elle louera quelques salles à Vancouver. C'est une nouvelle façon de commercialiser les universités, n'est-ce pas, et leur potentiel?

Le sénateur Andreychuk: En Saskatchewan, nous avons dû élaborer des stratégies pour garder nos étudiants. Nous avons essayé d'encourager le dialogue et le débat, et nous avons notre juste part d'étudiants.

Le sénateur Perrault: Certainement.

Le sénateur Andreychuk: Tout comme la Colombie-Britannique.

Le sénateur Forest: Dans son exposé, Bobbie, l'étudiante d'Alberta, a recommandé l'adoption d'une loi nationale sur l'éducation. Comme nous l'avons dit, nous sommes très conscients que l'éducation relève de la compétence des provinces, mais nous reconnaissons que quelqu'un doit faire preuve de leadership. On nous a dit que le gouvernement fédéral pourrait peut-être assumer ce rôle de deux façons. Évidemment, il peut le faire au moyen du financement. L'autre façon serait de dresser, de concert avec les provinces, un ensemble de lignes directrices nationales en matière d'éducation, comme il y en a en matière de soins de santé. Pensez-vous que ce projet a du mérite, à condition que nous puissions faire coopérer les provinces et le gouvernement fédéral? Il semble que le climat soit plus propice à la coopération, bien que ce ne soit pas dans le domaine de l'éducation. Pensez-vous qu'un tel projet serait valable?

M. Milner: Oui, je le pense. Toute mesure qui contribuerait à égaliser les chances serait bénéfique. Nous ne sommes pas certains de ce qu'il faudrait recommander précisément, parce que nous sommes les premiers à admettre que nous ne comprenons pas toutes les complexités des relations fédérales-provinciales. Cependant, je pense que ce serait certainement un pas dans la bonne voie.

Le sénateur Forest: Au sujet du forum national, nous allons nous rendre de Vancouver à Halifax et nous aurons des entretiens utiles avec tous les «groupes d'intervenants», pourrait-on dire, dans le domaine de l'éducation. Nous espérons pouvoir présenter des idées qui aideront le gouvernement fédéral à prendre l'initiative et à amener les provinces à se concerter à ce sujet.

Le sénateur Andreychuk: Nous avons besoin d'une réponse pour les fins du compte rendu.

M. Milner: Oui.

Le président: Merci, monsieur Milner, de votre excellent mémoire.

Nous entendrons maintenant M. Shaun Brennan de la Provincial Alliance for Education.

M. Shaun Brennan, coprésident, Provincial Alliance for Education: Je suis accompagné aujourd'hui de M. Kenneth Kutz.

M. Kenneth Kutz, coprésident, Provincial Alliance for Education: Nous sommes les coprésidents de la Provincial Alliance for Education.

Le sénateur Lavoie-Roux: Êtes-vous musicien?

M. Kutz: Oui.

Notre groupe est unique en son genre. L'Alliance a été formée il y a deux ou trois ans; ce sont les compressions fédérales dans le secteur de l'enseignement postsecondaire, qui s'annonçaient déjà, qui nous ont amenés à nous rassembler. Nous représentons le corps enseignant, les employés de soutien, des étudiants et les auxiliaires de l'enseignement qui se trouvent dans les universités publiques, des écoles techniques et des collègues communautaires régionaux dans toutes les régions de la province, c'est-à-dire entre 35 000 et 40 000 personnes reliées de près ou de loin à l'enseignement postsecondaire.

Beaucoup d'inquiétudes ont été exprimées. L'une des plus grandes concernait il va sans dire notre avenir personnel face aux changements en profondeur qui se dessinent. Les deux paliers de gouvernement devaient se colleter à la nouvelle réalité créée par le déficit et l'endettement. Nous tenions en particulier à ce que les travailleurs des diverses maisons d'enseignement ne soient pas à couteaux tirés pour voir qui formerait le dernier carré aux termes de la bataille du déficit et à ce que les syndicats, associations et organisations étudiantes prennent les devants et expriment leur conception du système d'enseignement postsecondaire dans la province et au pays. C'est ainsi qu'a vu le jour cette alliance sans précédent des écoles techniques, des universités et les collèges communautaires dans laquelle on retrouve l'éventail complet des travailleurs, des employés du soutien administratif et matériel jusqu'au corps enseignant et autres professionnels de l'enseignement. Depuis, nous avons beaucoup appris sur les besoins et les htmirations de nos membres.

Le défi a d'abord été pour nous de convaincre le gouvernement provincial et la population en général de l'importance de l'enseignement postsecondaire. Beaucoup de nos membres protégeaient ainsi un intérêt personnel, selon qu'ils défendent des travailleurs ou des étudiants, mais ils consacrent également des ressources humaines et financières à la réflexion sur les besoins de notre société et du pays et sur nos espoirs et nos htmirations pour nos enfants.

Nous vous sommes reconnaissants d'avoir invité l'Alliance à l'audience du comité sénatorial sur ce thème important. Comme l'indique mon mémoire, nous avons essayé d'exprimer certaines inquiétudes qui rejoignent celles des intervenants précédents mais j'espère qu'en réponse aux questions je pourrai parler plus précisément des préoccupations des étudiants et des travailleurs de la Saskatchewan. Le mémoire se passe de commentaires, je crois. Je vais maintenant demander à Shaun Brennan de se présenter et de vous parler de ce qui préoccupe les étudiants.

M. Brennan: Je voudrais d'abord vous parler un peu de moi. Je suis le vice-président des questions de l'enseignement de l'Union des étudiants de l'Université de Regina et je fais partie de l'Alliance depuis deux ans.

Je suis certain que le comité a reçu des tonnes de renseignements sur les deux grandes questions qui touchent les étudiants: l'accès et l'endettement. Je pense toutefois pouvoir ajouter un élément de plus, qui touche la Saskatchewan et qui cadre avec les statistiques nationales que vous avez déjà entendues.

À l'Université de Regina, nous avons assisté à l'augmentation des frais de scolarité et à la multiplication des frais secondaires imposés aux étudiants. Aujourd'hui, lorsque l'on discute du coût de l'éducation, on ne parle plus uniquement des frais de scolarité mais aussi des frais d'utilisation. On ne parle plus seulement du coût des livres et des cours. Les universités se sont vues contraintes d'ajouter divers frais d'utilisation pour compenser la baisse du financement fédéral et provincial.

En 1985-1986, les étudiants de l'Université de Regina n'assumaient qu'environ 15 p. 100 du coût de l'enseignement postsecondaire. Aujourd'hui, le chiffre est passé à 27,1 p. 100.

Le sénateur Forest: Sur combien d'années?

M. Brennan: Depuis dix ans. Pendant la même période, la montée du chômage chez les jeunes de 15 à 24 ans est venue exacerber le problème. Les chiffres sont tirés des moyennes annuelles sur la main-d'oeuvre. En 1986, le taux de chômage national pour le groupe de 15 à 24 ans était de 13,2 p. 100. Le chiffre est passé à 16,1 p. 100 au cours des dix dernières années. Le salaire minimum, en moyenne au pays, n'a pas augmenté beaucoup pendant cette période et les étudiants doivent assumer des frais de scolarité plus élevés malgré une baisse de revenu, s'ils travaillent à temps partiel.

On aurait pu s'attendre à une chute des inscriptions, mais ce n'est pas ce qui s'est produit dans les universités de la Saskatchewan. En revanche, pendant la même période, il y a eu une augmentation du nombre d'étudiants qui reçoivent des prêts. Cela soulève maintenant le problème de l'endettement croissant des étudiants. C'est sans doute leur plus gros problème aujourd'hui. Je vous signale à ce propos que l'Association des collègues et universités du Canada ainsi que la Fédération canadienne des étudiants se sont entendues dans un document pour réclamer des changements au Programme canadien de prêts aux étudiants. Il y a deux ans, ces deux organismes n'auraient jamais siégé à la même table pour discuter les prêts aux étudiants. Aujourd'hui, ils ont formulé une proposition concrète sur les modifications à apporter au programme pour lutter contre l'endettement croissant des étudiants au pays. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans le domaine de l'enseignement postsecondaire par l'intermédiaire du Programme de prêts aux étudiants.

En Saskatchewan, nous pouvons compter sur un défenseur des étudiants qui les aide à interjeter appel lorsqu'on leur refuse un prêt ou pour régler d'autres questions scolaires sur le campus. Elle m'a indiqué que 80 p. 100 de ses clients ont des difficultés avec leur prêt. Il y a deux semaines, j'ai assisté à une conférence donnée par un syndic de faillite. Il a révélé que sur les 900 et quelques faillites au Canada l'an dernier, un peu plus de 200 visaient des prêts étudiants. Je crois donc qu'il y a déjà une crise d'endettement étudiant.

M. Kutz: Dans mon autre incarnation, j'enseigne à l'Institut Gabriel-Dumont, une maison d'enseignement dirigée par des Métis. Je fais aussi partie du Saskatchewan Urban Teacher Education Program de l'Université de la Saskatchewan. Un peu contre mon gré, je suis moi aussi devenu un expert des prêts étudiants. En plus de ma charge d'enseignant, je m'occupe aussi des étudiants et il s'agit là de l'une de leurs principales inquiétudes.

La province a tenté de combler le manque à gagner causé par le gouvernement fédéral. Elle a réussi à le faire pendant un an. La province était aux prises avec une importante dette accumulée et c'est la raison pour laquelle il a dû rationaliser certains services parce qu'il y avait peu de marge de manoeuvre. Heureusement, par contre, les cours internationaux du blé, de l'uranium et de la potasse ont connu une hausse. Nous espérons qu'au début de la prochaine année financière, qui débute le 1er avril, la même chance nous sourira. Mais la Saskatchewan est à la merci des forces économiques et je redoute ce qui se produira lorsque le cours du blé et d'autres marchandises baissera parce que nous avons malheureusement ici l'une des dettes accumulées par habitant la plus élevée au pays. Il serait bien naïf de croire qu'une petite province comme la Saskatchewan puisse pendant longtemps encore compenser les réductions du gouvernement fédéral.

Beaucoup de gens ont l'impression que parce que les étudiants autochtones obtiennent des fonds de leurs bandes -- qui provenaient autrefois du ministère des Affaires indiennes et du Nord -- ils se feront payer leurs frais de scolarité et leurs livres. Ce n'est vrai qu'en partie. Les bandes ne reçoivent qu'un montant fixe et il y a une liste d'attente pour ces fonds. Si vous fréquentez l'école et que vous avez obtenu à nouveau votre statut d'autochtone, vous, comme d'autres dans la province, avez le droit de demander un prêt étudiant. Toutefois, les étudiants autochtones n'ont pas droit à une partie de l'aide offerte par les prêts étudiants. Beaucoup de gens pensent que les étudiants autochtones reçoivent des fonds de leurs bandes pour payer leurs dépenses scolaires, comme les frais de scolarité, les livres et les frais de subsistance alors que ce n'est pas le cas. Dans les années à venir, je pense que beaucoup d'autres étudiants autochtones demanderont des prêts étudiants. Il y a un autre groupe d'étudiants, les Métis, qui font partie de la classe des travailleurs démunis. Je l'ai entendu et je l'ai dit moi-même: les universités sont en train de créer une classe de professionnels démunis parce que, bien souvent, l'endettement des diplômés a fait des études un problème de classe, comme l'usage du tabac.

La Saskatchewan est dotée d'un système de collèges communautaires uniques en son genre et nous représentons une partie des travailleurs et des étudiants qui en font partie. L'intégration est grande entre les collèges communautaires, le SIAST, les écoles techniques et les universités. Depuis longtemps dans la province, le personnel et l'administration collaborent et ont fait beaucoup d'efforts pour créer un système où les crédits sont transférables. Cela a permis aux étudiants de régions rurales de faire des économies parce que le système est relativement peu coûteux et leur permet de prendre un cours ou deux à l'université ou un programme en particulier dans une école technique sans avoir à demander un prêt pour étudiants à plein temps pour acquitter les frais de subsistance, des frais de scolarité, et cetera. Grâce à cela et à notre réseau de télévision éducative, il y a beaucoup d'intégration. Il reste toutefois du travail à faire. Il y a beaucoup de collaboration ici entre les conseils scolaires, les administrateurs, les fonctionnaires provinciaux et les étudiants, mais le système est fragile.

Nous avons éliminé bien des abus chez les administrateurs et chez les travailleurs, et il reste bien peu à dégraisser. Nous sommes dangereusement prêts de voir un système novateur et passablement efficace, se désintégrer faute des fonds nécessaires pour l'apprentissage et l'achat de places dans certains programmes. Tout y passe, qu'il s'agisse de l'éducation des adultes, des cours techniques ou les cours universitaires. Au même moment, le programme «Les chemins de la réussite» géré par les Métis et les Premières nations a pris partiellement le relais mais rien ne garantit que ces fonds continueront d'exister encore longtemps.

[Français]

Le Sénateur Lavoie-Roux: Quand vous retournerez chez vous, ce soir ou demain, pensez que cela serait important pour un jeune comme vous d'apprendre le français. Avec les gens de mon âge, j'ai démissionné.

Nous avons avec nous une sténographe francophone et elle manque d'ouvrage parce que, dans l'Ouest, il n'y a pas beaucoup de monde qui parle le français. Je suis quand même intéressée de voir que, dans cet édifice, il y a tout un département pour l'enseignement du français. Je vais vous poser ma question en anglais et quand je reviendrai, dans cinq ans, je vous la poserai en français.

[Traduction]

Vous parlez des difficultés financières dans lesquelles se trouvent les étudiants et vous dites que les frais de scolarité ont augmenté. C'est vrai. Vous avez ensuite dit que les étudiants doivent payer leurs livres, et cetera. Les étudiants ont toujours eu à acheter leurs livres. Ce n'est pas nouveau. À vous entendre, c'est un fardeau supplémentaire.

M. Brennan: Non, ce que j'essayais de dire -- je m'excuse si je n'ai pas été clair -- c'est que vu le peu de ressources dont disposent déjà les étudiants et l'augmentation des frais de scolarité, l'argent qu'ils gagneront pendant qu'ils ne sont pas en classe ne servira qu'à payer les frais de scolarité. C'est vrai, les livres ont toujours été une dépense supplémentaire. En moyenne, l'étudiant de la Saskatchewan doit travailler environ trois mois en été pour gagner de quoi payer les frais de scolarité, c'est-à-dire environ 3 000 $. Pour les autres dépenses, il faut chercher ailleurs, normalement du côté des prêts étudiants.

Le sénateur Lavoie-Roux: Le gouvernement provincial a-t-il un programme de bourses?

M. Brennan: Non. Le programme de bourses de la Saskatchewan a été éliminé dans les années 80. Des fonds supplémentaires existent dans le cadre du Programme de prêts étudiants de la Saskatchewan.

Le sénateur Lavoie-Roux: Cela ne fait qu'ajouter à l'endettement.

M. Brennan: C'est cela.

Le sénateur Lavoie-Roux: Combien de provinces ont encore en programme de bourses, à part le Québec?

M. James van Raalte, adjoint de recherche du comité: Je pense que la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario ont un certain programme de bourses. C'est à l'étude. Le Québec a son propre programme.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je voudrais poser une autre question.

[Français]

J'ai trouvé cela intéressant, vous êtes professeur, je pense, à l'Institut Gabriel-Dumont?

M. Kutz: Oui.

Le Sénateur Lavoie-Roux: Est-ce que les Métis n'étaient pas des gens d'expression française, à l'origine? Louis Riel parlait certainement français. Comment se fait-il qu'un institut où l'on enseigne le français soit strictement anglophone? Je ne sais pas si les Métis ont leur propre langue, je l'ignore.

[Traduction]

Parlez-moi un peu plus de l'Institut Gabriel-Dumont, pas de l'homme lui-même.

M. Kutz: L'Institut Gabriel-Dumont a vu le jour à la fin des années 70 pour répondre aux besoins des Métis de la province. Comme vous le savez, les Métis ont longtemps été marginalisés en ce sens que leurs droits n'ont pas été consacrés dans la Constitution comme ceux des Premières nations. L'institut a été créé en collaboration avec le gouvernement provincial pour répondre en particulier aux besoins en enseignement postsecondaire des Métis. La pierre angulaire de l'édifice est la Saskatchewan Urban Native Teacher Education Program, offert dans trois petits campus à Saskatoon, Regina et Prince Albert. Saskatoon, par exemple, reçoit une vingtaine de Métis par année dont beaucoup sont des adultes qui ont quitté l'école il y a déjà longtemps. Nous offrons certains services auxiliaires et de soutien. Nous offrons un peu de counselling scolaire et financier pour aider les étudiants à surmonter le stress de la vie universitaire. La plupart de nos enseignants travaillent pour des systèmes scolaires dans l'Ouest du pays parce que beaucoup de conseils scolaires ont des programmes d'action positive qui ont l'aval de la Commission des droits de l'homme. Nous avons fait des progrès importants mais, dans la province, les programmes d'intervention et d'action positive existent surtout dans le domaine de la formation des enseignants, qu'ils soient Métis ou Autochtones. Les autres domaines d'enseignement sont le travail social et les sciences infirmières. Il y a aussi un programme de droit autochtone à l'université de la Saskatchewan, qui est un programme national. Pour ce qui est de la langue, même s'il y a eu un certain nombre de diplômés francophones non pas de la Saskatchewan mais de la région de la rivière Rouge du Manitoba surtout, il n'y a pas de cours en français dans le programme normal. Nous offrons toutefois un cours en cri, que suivent la plupart de nos étudiants.

Le sénateur Lavoie-Roux: Peuvent-ils prendre le cours de français comme cours facultatif?

M. Kutz: Oui. De fait, nous sommes logés là où se trouve l'Institut des langues secondes.

Le sénateur Lavoie-Roux: Les Métis constituent-ils toujours une communauté en Saskatchewan?

M. Kutz: Je ne suis pas un expert sur les Métis. Il y a des îlots comme ceux qui se trouvent au nord de Saskatoon à Duck Lake et à Batoche. Il y a des communautés très vigoureuses dans certaines parties du nord-ouest. Il y a toutefois eu une migration vers les villes comme Saskatoon, Regina, Prince Albert, Moose Jaw, et d'autres. Ils forment une communauté et ils ont leur association politique provinciale, la Métis Nation of Saskatchewan, qui s'occupe de notre institut et d'autres organes de développement économique. Il y a aussi une organisation nationale, le ralliement national des Métis, composée des présidents des diverses associations Métisses provinciales. Oui, ces communautés existent. De fait, actuellement, ils sont en train de faire un recensement pour dénombrer la population Métisse.

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-il juste de dire qu'avant la migration, la communauté Métisse jouait un rôle important dans l'histoire de la Saskatchewan?

M. Kutz: Oui.

Le sénateur Perrault: C'est à cause de Batoche.

M. Kutz: Oui. C'était une question de race ou de racisme. Grâce à l'ouverture de l'Institut Gabriel-Dumont, on a reconquis sa fierté et cela se voit au nombre de professionnels qui sont diplômés et qui travaillent dans nos écoles et se lancent dans d'autres entreprises. On peut dire à bon droit que la communauté est en pleine croissance. Elle arrive à maturité. Je pense aussi que du point de vue politique, on tient beaucoup à faire reconnaître les droits des Métis.

Même si nous n'avons pas de bourses, nous avons néanmoins des programmes d'encouragement comme le Special Incentive Program destiné à aider les Métis à faire des études postsecondaires. Malgré cette aide, cependant, je déplore quand même le surendettement de nos diplômés.

Le sénateur Perrault: C'est un tableau assez sombre et je reconnais qu'il existe des problèmes sérieux. Vous dites toutefois que l'origine de la crise c'est l'impression que l'on a que les maisons d'enseignement supérieur ne s'acquittent pas convenablement de leur rôle. Vous dites ensuite qu'il y a une crise de compétence et qu'on est convaincu qu'il y a baisse de la qualité de l'enseignement. Est-ce qu'elle est en baisse? Vous dites que c'est l'impression que les gens ont. Les compressions ont-elles causé une baisse mesurable et absolue de la qualité de l'éducation au pays?

M. Kutz: Même si la population de la Saskatchewan est connue pour son progressisme social au pays, il est impossible pour nous de ne pas être touchés par le palmarès du magazine Maclean's, par exemple. Dans un article hier, on a dit que la Faculté de médecine de notre plus grande université, l'Université de la Saskatchewan, n'a reçu que deux des 27 bourses qui étaient offertes, ce qui est bien inférieur à la moyenne. L'une des raisons citées était que l'université n'a pas le personnel voulu et qu'elle ne peut pas soutenir la concurrence des grandes universités de l'Est. Au fil des années, cette faculté a fait d'importantes découvertes et jouit d'une excellente réputation. En sommes-nous maintenant rendus à nous demander si nous avons les moyens de nous offrir une faculté de médecine? Comme je ne siège pas au conseil d'administration, je ne peux pas répondre à cette question. Et puis, lorsqu'un organisme donne la plus basse cote de toutes au programme de MBA de l'Université de la Saskatchewan, on finit par avoir un complexe d'infériorité.

Le sénateur Perrault: Vous nous peignez un tableau d'Apocalypse, et c'est très déprimant.

Vous dites aussi qu'il faut faire redécouvrir l'enseignement postsecondaire à la population. Je suis d'accord sur ce point, comme beaucoup d'autres dans votre mémoire. Dix ans de financement inadéquat ont fait disparaître des centaines de postes d'enseignant et de soutien. Les gens sont-ils partis pour l'est du pays ou pour les États-Unis?

M. Kutz: Ce qui arrive c'est que beaucoup de cours, même de deuxième et troisième cycles, sont donnés par des gens qui n'ont pas leur permanence. Dans certains cas, cela tient au fait qu'on ne peut pas choisir entre un permanent à temps plein et un contractuel, comme certains enseignants que nous représentons. Nous comptons dans nos rangs beaucoup de détenteurs de doctorats d'universités prestigieuses qui n'arrivent tout simplement pas à trouver du travail.

Le sénateur Perrault: Les normes, à tout le moins, sont menacées par les coupures.

M. Kutz: Quand j'ai obtenu mon diplôme du College of Education il y a 15 ou 20 ans, il y avait 106 professeurs. Il est question de ramener ce nombre à 50 l'an prochain. Les classes sont plus nombreuses, l'enseignement y est moins personnalisé, on accorde moins d'attention individuelle aux étudiants et, évidemment, les frais de scolarité ont doublé ou même triplé depuis lors. La conclusion que tireraient la plupart des gens, c'est que la qualité a diminué et c'est bien le cas.

Le sénateur Perrault: Elle est menacée, en tout cas.

M. Kutz: Absolument.

Le sénateur Perrault: Vous avez dit ne pas être tellement en faveur de cette idée d'études coopératives. Vous avez dit que le secteur postsecondaire ne devrait pas collaborer ou coopérer avec les autres parties intéressées du secteur privé. Dans ce programme de coopération, il y a contact entre le secteur privé et les institutions d'enseignement postsecondaire. Cette idée de coopération engendre beaucoup d'appui. Il y en a qui disent que c'est une invention aussi importante que celle de la roue, mais vous semblez y accorder un appui moins qu'enthousiaste.

M. Kutz: Tout dépend de la nature du programme. N'oublions pas que, pendant des années, les universités ont été la pépinière des ressources humaines des grandes sociétés et de la PME. À notre avis, les universités n'ont pas obtenu beaucoup en retour. Si les sociétés veulent investir dans nos universités ou dans nos collèges communautaires tout simplement pour y avoir une plus grande influence et y tailler des cours qui répondront encore davantage à leurs besoins précis, alors je crois que nous devrions nous opposer à cela. Depuis un certain nombre d'années, surtout dans le domaine de l'éducation des Autochtones, bon nombre d'entreprises s'empressent de faire des dons pour aider à la construction d'édifices tout simplement parce qu'on y retrouvera alors leur nom gravé sur une plaque.

Ces entreprises-là, par ailleurs, font très peu pour encourager nos universités et c'est là le problème. On a tout ce qu'il faut comme édifices, mais on manque de professeurs.

Le sénateur Perrault: D'après vous, il s'agit d'avoir des contrôles adéquats.

M. Kutz: Oui, absolument.

Le sénateur Perrault: S'il y avait des normes, vous n'y verriez pas d'inconvénients.

Le sénateur Andreychuk: J'aime bien votre organisme, parce que vous regroupez des gens de tous les secteurs qui veulent se parler.

Dans quelle mesure croyez-vous avoir réussi à faire passer votre message aux deux paliers de gouvernements pour qu'ils entreprennent enfin un débat sur l'éducation postsecondaire?

M. Brennan: Depuis les six derniers mois, le gouvernement provincial s'intéresse beaucoup à l'éducation postsecondaire et, plus précisément, à la revitalisation des universités de la province. Au niveau fédéral, on témoigne de beaucoup moins d'intérêt, du moins à l'heure actuelle, au niveau de l'éducation postsecondaire. Le syndicat des étudiants, ici, est membre de la Fédération canadienne des étudiants et nous comptons donc sur cet organisme national pour faire ce travail pour nous au niveau fédéral. Je crois que les propositions résultant des changements au Programme canadien de prêts aux étudiants ont été assez bien reçues au niveau national. Au niveau provincial, un certain travail s'est fait à ce niveau. On peut bien parler de ce que devraient être les universités en l'an 2010, on peut bien se demander comment les revitaliser, mais rien de tout cela ne se réalisera si des fonds additionnels ne sont pas investis.

Le sénateur Andreychuk: Mon inquiétude, c'est que les partis passent peut-être beaucoup de temps à faire valoir leurs objections tandis que tous les intervenants devraient essayer de trouver une solution collective. Quel genre de coopération y a-t-il eu?

M. Brennan: Vous savez, une étroite collaboration entre le gouvernement provincial et les administrations universitaires pour en arriver à une solution pratique, c'est quelque chose de très nouveau pour cette province étant donné surtout les ressources fiscales actuelles de la province, quoique la situation s'améliore. Quant à mon expérience personnelle concernant la coopération, j'ai travaillé au Student Assistance Task Force que le gouvernement provincial a lancé au début de décembre. On lance beaucoup d'idées plutôt révolutionnaires à ce niveau. Une bonne partie du débat a porté sur ce que devrait être notre objectif.

Le sénateur Andreychuk: Il me semble que la Saskatchewan, qui a connu de nombreuses périodes de récession et de sécheresse dans son histoire, serait en meilleure position de surmonter ces difficultés et de collaborer.

M. Brennan: C'est toujours possible, je suppose, mais la tâche n'en est pas moins ardue.

Le sénateur Andreychuk: Il me semble que les étudiants de la Saskatchewan sont moins choqués que ceux des autres provinces quand on leur demande de payer 27,1 p. 100 en sus, peut-être à cause de tous les hauts et les bas de leur histoire.

Le sénateur Forest: Vous dites que les partis politiques doivent cesser de se quereller quant aux crédits destinés à l'infrastructure, aux routes, à l'industrie, et à l'aide extérieure. Ils doivent d'abord s'assurer que nous sommes capables d'offrir l'éducation de deuxième et de troisième cycles, qui ajoute de la valeur à nos jeunes. Je suis d'accord. Quelles seraient vos recommandations au comité?

M. Brennan: Étant donné que pour moi il y a deux questions qui sont importantes pour l'avenir de l'éducation postsecondaire au Canada, j'ai deux priorités: premièrement, il faut régler le problème de l'endettement des étudiants. Les recommandations de ce comité devraient appuyer les suggestions émises par les organismes nationaux du Canada.

Deuxièmement, il faut qu'il y ait une présence nationale dans le financement de l'éducation postsecondaire. À mon avis, l'éducation postsecondaire au Canada se détériorerait encore plus sans cette présence nationale, soit par le biais d'un projet de loi, comme la Loi sur la santé, soit par l'entremise d'un financement supplémentaire accordé à la BCIC. D'après moi, cette présence est nécessaire.

M. Kutz: Je suis tout à fait d'accord avec ces recommandations. Si nous ne faisons rien pour alléger le fardeau de l'endettement et le coût des études universitaires, la population des étudiants sera extrêmement stratifiée. Cela commence déjà, d'ailleurs. Je dis à ceux qui entrent dans mon programme qu'à l'université on en n'a plus pour son argent. Ceux qui ont 35 ans ou plus et qui ont des enfants, et qui feront partie de la population active pour seulement 20 ou 25 ans encore, n'en auront pas pour leur argent à l'université. S'ils veulent entreprendre des études universitaires pour des raisons économiques, ils doivent faire bien attention. C'est la rhétorique qui les déroute, et c'est dommage.

Il faut une présence publique très forte dans le secteur de l'éducation. Malgré tous les problèmes que nous avons dans le secteur de l'éducation publique, ça va encore beaucoup mieux quand on le contrôle, et quand nos élus ont un certain contrôle sur nos actions. Nous pouvons remplacer nos représentants élus, mais une fois que nous aurons vendu ou donné nos universités au secteur privé, nous ne pourrons plus les reprendre. Cela n'aidera pas la cause de l'unité nationale, cela n'aidera pas nos jeunes, et cela n'aidera certainement pas à améliorer notre bien-être économique. Il faut qu'il y ait une forte présence publique dans le système d'éducation.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je sais que le secteur de l'éducation subit des contraintes financières importantes à cause de ces coupures, mais j'ai vu quelques rapports sur les recherches en biotechnologie faites dans un hôpital en Saskatchewan. C'était très encourageant. Ils semblent faire du très bon travail. Ne désespérez pas.

Le sénateur Andreychuk: Nous ne désespérons jamais.

Le président: Merci de votre exposé.

Il y a peut-être quelques membres du public ici dans la salle qui veulent dire quelques mots ou poser des questions. S'il vous plaît, n'hésitez pas à vous manifester.

Mme Marlene Brooks, présidente, Association des étudiants et étudiantes de 2e et 3e cycles, Université de Regina: En tant que présidente de notre association, j'ai communiqué avec l'Université de la Saskatchewan et avec nos homologues chez eux. Ensemble, nous avons étudié l'impact de la réduction des paiements de transfert.

Le président: Quel est votre domaine d'étude?

Mme Brooks: Mon domaine c'est l'éducation des adultes. Je travaille aussi avec des étudiants de première année et avec le service de counselling pour aider les étudiants à survivre à cet environnement.

Je veux souligner deux questions: la qualité de l'enseignement et la réduction du corps professoral. L'une de nos préoccupations majeures en tant qu'étudiants de deuxième et troisième cycle c'est que nous notons, dans le secteur des affaires, une tendance à privilégier le travail à contrat et à temps partiel. Cela veut dire qu'il y a peu d'emplois à temps plein. La même tendance se manifeste à l'université. La province offre des incitatifs à la retraite anticipée aux professeurs. La notion de retraite anticipée n'est pas nécessairement négative, sauf s'il en découle une perte de postes de professeurs à temps plein. Si cela se produit au campus de Regina ou de Saskatoon, chaque professeur devra superviser un plus grand nombre d'étudiants de deuxième ou troisième cycle. Je sais que déjà certains professeurs en ont de 12 à 14. À long terme, cela a des effets sur la recherche et sur la qualité des travaux de recherche. La plupart des étudiants en question sont en deuxième cycle. Une fois qu'ils reçoivent leur maîtrise, ils font très souvent de la recherche. Sans accès régulier à nos superviseurs, et si nous devons attendre deux ou trois mois pour avoir leurs commentaires, vous verrez à long terme une détérioration dans la qualité du personnel de recherche au Canada. Je sais que ce n'est pas seulement en Saskatchewan que les étudiants font face à de telles difficultés. Mais les étudiants en deuxième et troisième cycle doivent avoir l'aide de ceux qui sont qualifiés pour les superviser. Sinon, la qualité de l'enseignement offert aux étudiants de deuxième et troisième cycle va se détériorer. À présent, ces étudiants essaient par eux-mêmes de s'appuyer l'un l'autre et de développer une communauté. Un des témoins a dit que pour ce qui est des ressources humaines, il n'y a non seulement plus de graisse, il n'y a même plus de chair. Je suis d'accord. À Saskatoon, la même chose se répète.

Nous demandons au Sénat de bien surveiller l'impact de ces retraites anticipées et la tendance vers le recours aux travailleurs occasionnels.

Le sénateur Perrault: À quel âge les gens prennent-ils leur retraite anticipée?

Mme Brooks: Dans le rapport MacKay, on dit que l'âge moyen des professeurs en Saskatchewan est de 54 ans. Nous trouvons que c'est trop jeune. Une personne pourrait avoir 45 ans avant d'avoir terminé son doctorat. Il ou elle n'aurait qu'à travailler cinq ou six ans, et, à 54 ans, se verrait offrir la retraite anticipée. Nous perdons les experts, les professeurs accrédités. Il est bon d'avoir de jeunes professeurs avec des idées nouvelles, mais nous craignons que ces derniers ne deviennent que des travailleurs auxiliaires. L'éducation ne doit pas nécessairement être gérée comme une entreprise.

Le sénateur Lavoie-Roux: Leur offre-t-on la retraite anticipée ou sont-ils congédiés à cause des compressions budgétaires? Si je comprends bien, certaines universités ne peuvent pas le faire avant que le professeur n'atteigne 65 ans.

Le sénateur Perrault: C'est bien le cas pour un professeur titulaire.

Le sénateur Andreychuk: C'est donc une proposition.

Mme Brooks: C'est presque l'équivalent des entreprises qui réduisent le nombre de cadres moyens. Le gouvernement a réduit ses effectifs à ce niveau-là et applique ce même principe aux universités.

Le sénateur Perrault: C'est dommage.

Mme Brooks: Il s'agit du système d'éducation, et non pas d'une entreprise. Nous devons tenir compte de l'impact sur la qualité de l'éducation au Canada. Nous devons bien y réfléchir. Jusqu'à présent, les effets n'ont pas été accablants, mais je sais que certains professeurs surveillent en même temps le travail de 12 à 14 étudiants de deuxième cycle. Leur charge de travail est si énorme que ça m'a pris tout un trimestre pour recevoir une autorisation. C'est trop long. On ne peut pas blâmer ceux qui y travaillent. On ne peut pas appliquer les principes du monde des affaires en matière de compression des effectifs aux universités. Je conviens qu'il faut faire des coupures, qu'il faut réduire les effectifs, mais si nous allons trop loin, cela aura un impact sur la qualité de notre éducation, et pourrait avoir un effet dévastateur sur nos diplômés, qui sont nos chercheurs de l'avenir et ceux qui contribueront à la société.

Le sénateur Lavoie-Roux: Ces gens qui prennent leur retraite anticipée à 55 ans. Que font-ils après?

Mme Brooks: C'est exactement la question qu'ils se posent: qu'allons-nous faire maintenant? Tout dépend des modalités de la retraite anticipée, et chaque province a fait des propositions différentes.

Le sénateur Lavoie-Roux: Sont-ils embauchés par le secteur privé?

Mme Brooks: Parfois ils sont réembauchés par la même université et y travaillent à contrat.

Le sénateur Perrault: Ce qui permet aux universités d'économiser encore davantage.

Mme Brooks: Oui.

Il faudrait examiner toute cette question. Une décennie de sous-financement doit forcément donner lieu à une perte de plusieurs centaines de postes de professeur et à un nombre accru d'étudiants dans les cours. Le niveau d'expertise n'est peut-être pas aussi important dans une université qui n'a que des étudiants de premier cycle, mais une institution de recherche doit avoir toute l'expertise possible pour que les étudiants de 2e cycle puissent ensuite devenir chercheurs eux-mêmes.

Le sénateur Perrault: Vous dites que ces compressions se font à la base même.

Mme Brooks: Oui, elles affectent la structure.

Il n'y a pas eu de retraites anticipées ici en Saskatchewan, mais je sais pertinemment qu'il y en a eu en Alberta et dans d'autres provinces. Aucune étude n'a été faite sur les répercussions de cette mesure puisque c'est un phénomène nouveau dans le domaine de l'éducation postsecondaire canadienne.

Le sénateur Perrault: Mais ce n'est rien de nouveau dans le monde des affaires.

Mme Brooks: En effet, c'est maintenant assez courant. Certaines de ces idéologies ont été incorporées au domaine de l'éducation.

Le sénateur Forest: Cela se fait à l'Université de l'Alberta depuis plusieurs années maintenant.

Mme Brooks: Oui.

Le sénateur Forest: C'était en partie pour obtenir du sang nouveau à l'université, une raison que j'approuve, mais c'était également en partie parce qu'on pouvait remplacer un professeur permanent par deux ou trois professeurs agrégés. Cependant, nous avons constaté que les meilleurs professeurs prennent leur retraite parce qu'ils peuvent par la suite lancer leur propre cabinet de consultation.

Mme Brooks: D'après moi, il est important de savoir si ces postes sont dotés par des employés occasionnels accrédités qui peuvent enseigner et surveiller les étudiants diplômés. Est-ce que le nombre de professeurs compétents à chaque université est en déclin? Si c'est le cas, il faut se demander quel sera l'impact sur les études supérieures à travers le Canada.

Le sénateur Forest: C'est un véritable problème.

Le sénateur Andreychuk: Nous n'avons pas vraiment examiné la question des études supérieures et les problèmes qui pourraient découler de ce manque de surveillance spécialisée, surveillance qui est requise par ces étudiants s'ils veulent apprendre à faire de la recherche. Il est évident qu'on met l'accent sur l'informatique, peut-être au détriment de certaines disciplines classiques telles que la philosophie et les arts. Nous pourrions certainement en faire état dans notre rapport.

Mme Brooks: Chez nous on ne semble pas faire ces distinctions. Notre université est relativement progressiste et quoiqu'il y ait une orientation vers la technologie et les ordinateurs, je crois qu'on pourrait dire que chaque département, y compris le département de philosophie, reçoit des fonds pour la recherche.

Le président: Merci, madame Brooks.

S'il n'y a personne d'autre dans l'auditoire qui désire poser une question, nous allons lever la séance.

La séance est levée.


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