Délibérations du sous-comité de l'enseignement
postsecondaire
du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 8 - Témoignages - Séance du matin
REGINA, le jeudi 13 février 1997
Le Sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 00 pour poursuivre son examen de l'enseignement postsecondaire au Canada.
Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous avons aujourd'hui le plaisir de rencontrer un groupe d'étudiants avec qui nous tiendrons une table ronde. Je vais premièrement demander aux étudiants de se présenter et de nous dire quel établissement d'enseignement ils représentent.
Je suis le sénateur Lorne Bonnell. Je viens d'une petite région qu'on appelle l'Île-du-Prince-Édouard, le pays d'Anne aux pignons verts. Comme vous le savez, c'est à cet endroit qu'est né le Canada.
Le sénateur Forest: J'ai été nommée au Sénat en mai dernier. Je suis née et j'ai grandi au Manitoba. C'est dans cette province que j'ai acquis ma formation d'enseignante et que j'ai enseigné. Ensuite, je me suis établie en Alberta juste après la guerre. J'ai pris un congé de maternité de 22 ans pour élever mes sept enfants.
J'ai oeuvré dans le domaine de l'éducation en tant que commissaire scolaire, membre du Sénat et du Bureau des gouverneurs et chancelier de l'Université de l'Alberta. Dans le secteur privé, j'ai dirigé des hôtels et siégé au conseil d'administration du Canadien National, poste que j'ai abandonné lorsque j'ai accédé au Sénat. Je suis heureuse d'être ici.
Rebecca Wilkin: J'étudie dans le domaine de l'éducation depuis cinq ans.
La présidente suppléante: Je vis à Regina, en Saskatchewan. J'ai été nommée au Sénat il y a quatre ans. Je détiens deux diplômes de l'Université de la Saskatchewan et j'ai été chancelier de l'Université de Regina. À l'époque où je pratiquais le droit à Moose Jaw, en Saskatchewan, j'ai été appelée à établir les buts et objectifs de l'Université de Regina. Je m'intéresse donc depuis longtemps à l'essor des universités de la Saskatchewan.
Norine Barlowe, vice-présidente, Union des étudiants, Université de Brandon: Je suis vice-présidente de l'union des étudiants et membre du Sénat de l'Université de Brandon, où je me spécialise en sciences politiques.
Erick Blaikie, président, Union des étudiants, Université de Brandon: Je suis président de l'Union des étudiants de l'Université de Brandon. J'en suis à ma troisième année d'études en philosophie et je suis heureux d'être ici. Merci.
Linda Vaughan, vice-présidente aux activités, Association des étudiants, Mount Royal College: Je suis la vice-présidente aux activités de l'Association des étudiants du Mount Royal College, où je viens de terminer mon programme en technologie environnementale.
Bobbie Saga, vice-présidente, ACTISEC, et vice-présidente à l'externe, Mount Royal College: Je suis vice-présidente de l'ACTISEC et vice-présidente à l'externe du Mount Royal College. Je me spécialise en communications.
Natashia Stinka, vice-présidente à l'externe, Union des étudiants, Université de la Saskatchewan: Je suis vice-présidente à l'externe de l'Union des étudiants de l'Université de la Saskatchewan. Je possède un diplôme en sciences politiques et poursuis mes études en histoire.
Lindsay Vanthuyne, présidente, Association des étudiants du campus Kelsey, Saskatoon: Je suis vice-présidente de l'Association des étudiants du campus Kelsey de Saskatoon. J'en suis à ma deuxième année d'un programme de deux ans en administration hôtelière. Je me fais également aujourd'hui le porte-parole des représentants de trois autres établissements du SIAST, qui ne pouvaient assister à la rencontre.
Doug Popowich, président, Association des étudiantes et étudiants, Northern Alberta Institute of Technology: Je viens de Filmore, petite localité située au sud-est de Regina, et je fréquente le Northern Alberta Institute of Technology, à Edmonton, que j'appellerai le NAIT. Je suis président de l'Association des étudiantes et étudiants de cet établissement.
Mark Sakamoto, président, Association des étudiantes et étudiants, Medicine Hat College: Je suis président de l'Association des étudiants et étudiants du Medicine Hat College. J'en suis à ma deuxième année d'études en sciences politiques et je songe à me diriger vers le droit.
Marlene Brooks, Association des étudiants diplômés de l'Université de Regina: Je poursuis mes études à l'Université de Regina en vue de l'obtention d'une maîtrise en éducation des adultes et je représente l'Association des étudiants diplômés.
Le sénateur Perrault: Je suis le sénateur Ray Perrault. J'ai siégé en tant que député à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique à l'époque où j'étais chef de mon parti. J'ai également siégé à la Chambre des communes. J'ai été leader au Sénat pendant neuf ans. Ma famille vient d'une localité appelée Pearson et située tout près de Brandon, au Manitoba, ainsi que d'Assiniboia, en Saskatchewan. Je suis heureux d'avoir l'occasion de recueillir vos points de vue.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: Je suis le sénateur Thérèse Lavoie-Roux du Québec et j'habite Montréal.
[Traduction]
J'ai travaillé dans le milieu de l'éducation pendant de nombreuses années. J'ai enseigné à l'Université de Montréal et siégé pendant quelque temps au Bureau des gouverneurs de l'Université McGill. J'ai été sous-ministre, puis nommée au Sénat.
Je suis heureuse d'être ici, en Saskatchewan. Je suis sûre que je ressortirai enrichie de cette rencontre.
Jessica Peart, représentante intérimaire, Conseil d'administration, Université de Regina, et secrétaire-trésorière, Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants, Section de la Saskatchewan: Je siège à titre de représentante intérimaire au Conseil d'administration de l'Université de Regina et j'occupe également le poste de secrétaire-trésorière à la section de la Saskatchewan de la Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants. J'étudie en sciences politiques et en histoire.
Shaun Brennan, vice-président au curriculum, Union des étudiants, Université de Regina: Je suis vice-président au curriculum de l'Union des étudiants de l'Université de Regina. J'en suis à ma quatrième année d'études en histoire.
Mme Jill Anne Joseph, greffière du comité: Je suis la greffière du sous-comité de l'enseignement postsecondaire, à qui j'offre du soutien en matière de procédure, d'administration et de logistique. J'enseigne à des étudiants inscrits à un programme de 2e cycle de l'Université d'Ottawa. Je suis donc associée, moi aussi, au milieu universitaire.
Le président: Je vais maintenant demander à le sénateur Andreychuk, qui est originaire de la Saskatchewan, de présider la discussion.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente suppléante ) occupe le fauteuil.
La présidente suppléante: Merci. Je suis très heureuse de présider cette séance. Nous avons constaté que le temps que nous prenons pour discuter avec les étudiants est très intéressant et nous est très précieux, car nous sommes alors en mesure de recueillir des faits mais aussi de découvrir les sentiments et les espoirs qui animent les étudiants, de déterminer comment ils voient le Canada et ce à quoi ils s'attendent de nous.
Je dois vous rappeler que, même si notre comité examine l'enseignement postsecondaire, nous sommes conscients du fait que l'éducation est un secteur de compétence provincial. Nous étudions les htmects nationaux de l'éducation et la responsabilité du gouvernement fédéral. Si vous voulez parler des compressions budgétaires, nous n'avons pas d'objections, mais je ne crois pas qu'il soit utile d'en profiter pour attaquer certaines personnes. Nous sommes conscients que les compressions ont posé des problèmes.
Je vous demanderais de vous concentrer sur l'optique nationale et de nous proposer des recommandations que nous pourrons présenter au gouvernement fédéral afin de soutenir l'enseignement postsecondaire dans les domaines de la recherche et du développement, des prêts aux étudiants ou tout autre secteur. Autrement dit, si vous étiez à notre place, quelles sont les grandes recommandations que vous feriez?
Veuillez être le plus concis possible lorsque vous ferez des observations, cela nous donnera le temps d'en discuter. Je n'ai pas l'intention d'imposer de limites de temps. Lorsque nous aurons épuisé un sujet, nous passerons au suivant. Je pourrai intervenir à l'occasion pour faire participer à la discussion les plus timides d'entre vous.
À vous la parole.
M. Brennan: Ma première recommandation a trait aux changements apportés au Programme canadien de prêts aux étudiants. Il y a quelques semaines, la Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants et plusieurs autres organisations nationales ont présenté des recommandations. Ces recommandations parlent d'elles-mêmes et je suis persuadé que vous en avez entendu parler ou que vous les avez vues.
Ma deuxième recommandation porte sur la nécessité d'une forte participation du gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation postsecondaire au Canada, que ce soit au moyen d'un financement accru, par l'entremise de la CIBC ou par l'intermédiaire d'une organisation nationale chargée de réglementer l'enseignement postsecondaire au Canada et les frais que sont obligés d'engager les étudiants pour poursuivre leurs études.
La présidente suppléante: Quelqu'un d'autre veut-il aborder la question des prêts aux étudiants?
Mme Vaughan: Les prêts aux étudiants sont intrinsèquement liés aux frais de scolarité. Je demanderais au comité de recommander l'uniformisation des frais de scolarité, y compris des lignes directrices sur les frais accessoires. Lorsqu'un étudiant obtient un prêt, bien des dépenses peuvent ne pas être prises en considération, même si elles font partie du coût de la vie d'un étudiant. Je crois que le régime de remboursement des prêts en fonction du revenu offrirait des avantages financiers aux étudiants. Je ne pense pas que ce régime devrait servir à accroître les frais, mais je crois qu'il donnerait plus de souplesse aux étudiants quant au mode de remboursement.
La présidente suppléante: Par «régime de remboursement des prêts en fonction du revenu», entendez-vous le régime qu'ont proposé M. Axworthy et son groupe lorsqu'ils ont parcouru le Canada?
Mme Vaughan: Oui.
La présidente suppléante: D'après mes renseignements, la presque totalité des étudiants ont rejeté ce régime. Voilà que vous l'appuyez.
Mme Barlowe: Le régime a été réprouvé en partie parce qu'il n'existe pas de rémunération moyenne pour les étudiants d'université qui arrivent sur le marché du travail. L'étudiant qui aura mis quatre ans pour obtenir un diplôme pourrait gagner 15 000 $ et avoir à rembourser des prêts de 15 000 $ ou 20 000 $. Il faudra à cette personne beaucoup plus de temps pour rembourser son prêt et les intérêts qu'à celui qui obtiendra à la fin de ses études un emploi lui rapportant 60 000 $ ou 70 000 $. Il y a une disparité inhérente entre le montant et les intérêts que les étudiants doivent en fait payer.
Toutefois, je ne crois pas qu'un régime national de remboursement des prêts en fonction du revenu soit possible, maintenant que les banques sont chargées d'administrer les prêts aux étudiants. Les banques détermineront le mode de remboursement en fonction du revenu. C'est donc dire qu'un régime de remboursement en fonction du revenu existera par l'intermédiaire des banques, d'où l'inutilité d'une politique nationale.
Mme Vaughan: Je suis d'accord avec quelques-uns des points mentionnés, mais je persiste à croire qu'un régime de remboursement en fonction du revenu comporte certains avantages pour le système d'éducation postsecondaire. Le régime peut servir à préserver l'intérêt pour certains programmes dans des domaines où les travailleurs ne touchent pas une rémunération aussi élevée que les titulaires de doctorats. Je pense, en particulier, à des domaines comme l'éducation de la prime enfance, le travail social, et cetera, où les salaires ne sont pas élevés.
M. Blaikie: Je voudrais parler du fardeau que représentent les prêts aux étudiants et de l'alourdissement incroyable de ce fardeau. À l'heure actuelle, on évalue à 17 000 $ le total des prêts par étudiant, comparativement à une somme variant entre 8 500 $ et 8 700 $ en 1990. D'ici l'an 2000, les étudiants accumuleront des dettes de plus de 30 000 $. Il nous faut trouver un équilibre entre le montant que devrait rembourser l'étudiant et la responsabilité que devrait assumer le gouvernement.
Le sénateur Perrault: Certains ont recommandé à notre comité un régime permettant aux étudiants de rembourser la totalité ou une partie de leurs prêts en faisant du travail communautaire. Avez-vous une opinion à ce sujet?
M. Blaikie: Pourriez-vous nous fournir des précisions?
Le sénateur Perrault: Certains étudiants ont accumulé des dettes allant jusqu'à 40 000 $. C'est une somme importante. Certains ont donc envisagé la possibilité que les étudiants remboursent une partie de leurs prêts sous forme de services communautaires, par exemple, en enseignant aux défavorisés ou en participant à la lutte contre l'analphabétisme.
M. Blaikie: Ce qu'il faut reconnaître, c'est que le programme actuel de prêts aux étudiants ne fonctionne pas. Chose certaine, nous ne voulons pas empêcher les gens intelligents de fréquenter l'université.
M. Blaikie: Les étudiants représentent l'avenir du Canada. Je ne veux pas que ma décision de fréquenter ou non l'université se fonde uniquement sur des considérations financières. Nous devons examiner d'autres possibilités, notamment le service communautaire.
Le sénateur Perrault: Je crois comprendre que vous seriez prêt au moins à envisager cette possibilité. Il est inadmissible que des jeunes qui ont la capacité et la volonté de poursuivre des études ne puissent le faire, faute d'argent.
M. Blaikie: Après le secondaire, je ne savais pas ce que je voulais faire. Je fréquente aujourd'hui l'Université de Brandon où j'étudie en philosophie. Bien des gens me disent: «Que te rapportera un diplôme en philosophie?» Je leur réponds que cela m'ouvre plein de possibilités.
Mes études universitaires ont réellement transformé ma vie. Les jeunes adultes, tout confus qu'ils puissent être à 18 ans lorsqu'ils terminent leurs études secondaires, devraient pouvoir vivre cette expérience sans accumuler 40 000 $ ou 50 000 $ de dettes.
Mme Barlowe: Je voudrais aborder la question de la participation des étudiants à des programmes communautaires. Tous les porte-parole étudiants autour de cette table le font déjà, mais je ne sais pas dans quelle mesure nous pouvons être indemnisés. L'union des étudiants que je représente me verse 130 $ par mois pour occuper un emploi auquel je consacre 60 heures par semaine. J'ai également un emploi à temps partiel et une pleine charge de cours. Je fais partie de l'organisation des Grands Frères, je travaille à des maisons de refuge pour femmes, je fais du bénévolat pour la fibrose kystique, la sclérose en plaques et la paralysie cérébrale. Lorsque j'aurai terminé mes études et occuperai un véritable emploi, je me demande si j'aurai le temps d'entreprendre quoi que ce soit d'autre.
Le sénateur Perrault: Toute cette expérience paraîtra bien sur votre CV.
Mme Barlowe: Mon CV a déjà six pages.
Le sénateur Perrault: C'est un investissement dans votre avenir.
Mme Barlowe: Permettre aux étudiants de rembourser leurs prêts en faisant du travail communautaire, c'est une bonne idée, mais il faut aussi prendre en considération les obligations des étudiants, tant pendant qu'après leurs études. Combien de temps devront-ils y consentir et quelle incidence cela aura-t-il sur leurs perspectives d'emploi?
Le sénateur Perrault: Il pourrait être possible d'élaborer un programme de ce genre.
Mme Barlowe: Il existe un programme du genre aux États-Unis, un programme d'alternance travail-études. On demande aux étudiants, pendant leurs temps libres, de travailler aux bureaux situés sur le campus, par exemple, au bureau du président. Ils préparent des envois postaux, insèrent le courrier dans les enveloppes, font du travail qui leur vaut, je crois, un rabais sur leurs frais de scolarité. Voilà le genre de programme que nous pourrions examiner.
La présidente suppléante: Un autre participant se joint à nous. Veuillez vous présenter et n'hésitez pas à intervenir dans le débat.
M. Hoops Harrison, vice-président à l'externe, Council of Alberta Students' Union: Je fréquente l'Université de l'Alberta et représente le Council of Alberta Students' Union. Je m'excuse du retard; je descends tout juste de l'avion.
La présidente suppléante: Je vous en prie. Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter sur l'épineuse question des prêts aux étudiants?
Mme Saga: Je répéterai simplement ce que j'ai dit hier: les taux d'intérêt sont astronomiques. Il conviendrait d'aborder cette question. Les étudiants devraient pouvoir obtenir un répit et profiter de taux préférentiels, ce qui serait peut-être possible dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants.
Le sénateur Lavoie-Roux: Pourriez-vous préciser votre pensée, s'il vous plaît? Lorsque vous dites que les taux d'intérêt sont trop élevés...
Le sénateur Perrault: À combien s'élèvent-ils actuellement?
Mme Saga: Hier, le taux préférentiel s'établissait à 4,75 p. 100, ce qui fait que les taux d'intérêt pour l'instant sont faibles. Toutefois, vers la fin des années 70, ils atteignaient 17 p. 100 et 18 p. 100.
De quelle protection jouissent les étudiants? Les taux d'intérêt peuvent être faibles lorsque les étudiants s'inscrivent à l'université, mais ils peuvent atteindre 12 p. 100 ou même 14 p. 100 lorsqu'ils obtiennent leur diplôme. Les seules options que nous avons se résument à un taux variable correspondant au taux préférentiel plus 2,5 p. 100 ou à un taux fixe équivalant au taux préférentiel plus 5 p. 100. Peu importe que le taux préférentiel augmente ou diminue, le sort des étudiants tient uniquement à la chance. Lorsque nous commençons nos études, nous ne savons pas combien cela nous coûtera. Nous ne le découvrons qu'à la fin de nos études.
Le sénateur Lavoie-Roux: Ce que vous dites, c'est que, dans le cas des étudiants, le taux préférentiel devrait demeurer stable pendant la durée de leurs études ou tout au moins ne pas augmenter au-delà d'un certain pourcentage. Est-ce bien cela?
Mme Saga: Premièrement, lorsque les étudiants font une demande de prêts, ils devraient tout de suite savoir le taux d'intérêt qui leur sera exigé, pas à la fin de leurs études. Ainsi, nous pourrions savoir combien nous coûteront réellement nos études. Je parle ici des étudiants les plus démunis. Ceux qui ont les moyens de fréquenter l'université ne contractent pas d'emprunt. Les étudiants devraient dès le début être en mesure de déterminer, en fonction du taux d'intérêt, s'ils peuvent s'inscrire à l'université à ce moment-là. C'est une des solutions possibles. On pourrait aussi fixer les taux d'intérêt imposés aux étudiants.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je suis d'accord que les étudiants devraient connaître, dès le début, le taux d'intérêt qui leur sera imposé, mais recommandez-vous de geler le taux d'intérêt à 3,5 p. 100, par exemple, si c'est le taux en vigueur à ce moment-là?
Mme Saga: Non. Nous soutenons que nous devrions connaître le taux d'intérêt qui nous sera imposé et que ce taux devrait correspondre au taux préférentiel plus 1 p. 100, soit le taux que les banques offrent à leurs meilleurs clients. Comme le gouvernement garantit les prêts aux étudiants, les banques ne devraient pas nous considérer comme des clients à risques élevés.
Le sénateur Forest: Il a été question du taux correspondant au taux préférentiel plus 5 p. 100 à l'une de nos séances à Ottawa. Si je comprends bien, par le passé, le gouvernement garantissait les prêts aux étudiants, mais lorsqu'il a cessé de le faire, les banques ont été autorisées à imposer le taux préférentiel plus 5 p. 100 afin de couvrir les pertes attribuables aux prêts non remboursés. Voilà les renseignements qui nous ont été fournis, lorsque nous avons cherché à savoir pourquoi les banques imposaient ces taux.
Mme Saga: D'après mes renseignements, les banques profitent d'une prime de risque de 5 p. 100 pour chacun des prêts aux étudiants qu'elles accordent et imposent en plus aux étudiants un taux correspondant au taux préférentiel plus 2,5 p. 100 ou au taux préférentiel plus 5 p. 100.
Le sénateur Forest: Je voulais simplement rappeler leurs arguments. Notre comité a exigé des banques des explications au sujet de leurs taux d'intérêt et les banques nous ont répondu que le gouvernement ne garantissait plus les prêts aux étudiants, ce qui explique la prime de risque. Cela ne veut pas dire que ce soit juste, mais c'est ce que... Nous avons également fait observer que, si les étudiants sont bien traités par leur établissement bancaire, ils deviendront probablement des clients à vie.
Mme Vaughan: Les banques devraient, à mon avis, offrir des taux d'intérêt plus faibles aux étudiants, parce qu'il y a des bons et des mauvais prêts. Les bons prêts sont liés aux biens immobiliers et aux investissements à long terme qui ne perdent pas de valeur. Dans les faits, les études enrichissent les gens et, dans une plus grande mesure encore, enrichissent la société canadienne dans son ensemble. Par conséquent, je soutiens que les étudiants devraient profiter de taux d'intérêt inférieurs, puisque leurs études représentent un investissement qui ne perd pas de valeur.
La Banque de Montréal, qui ne fait plus affaire en Alberta, a créé un programme de prêts compétitifs, comportant des taux d'intérêt inférieurs sur les prêts aux étudiants.
Je voudrais également signaler que le plafond des prêts constitue un obstacle à l'éducation. Hier, j'ai reçu un appel d'une étudiante qui me racontait qu'elle a dû abandonner son programme d'études. Elle en était à son deuxième semestre en sciences infirmières. Elle a échoué un cours qui était préalable à trois autres cours qu'elle a donc dû abandonner. Elle est alors devenue étudiante à temps partiel, ce qui ne la rend plus admissible au programme des prêts aux étudiants. Comme elle avait auparavant étudié un an en arts et en sciences, elle venait d'atteindre le montant maximal des prêts auquel elle avait droit en tant qu'étudiante. Par conséquent, il lui sera impossible d'obtenir son diplôme à cause du plafond fixé aux prêts aux étudiants.
Depuis 1993-1994, le montant mensuel que nous touchons sur nos prêts n'a pas augmenté, mais l'IPC, lui, a grimpé de 28 p. 100. C'est scandaleux. Les étudiants vivent sous le seuil de la pauvreté. Nous devons avoir des banques de nourriture sur nos campus, j'ai des statistiques ici pour le prouver. En une seule année, nous avons dû verser 55 000 $ en prêts d'urgence aux étudiants. Nous donnons, en moyenne, 80 paniers de nourriture tous les mois aux étudiants de notre campus.
La situation n'est pas rose dans le domaine de l'enseignement postsecondaire et quelqu'un se doit d'intervenir.
La présidente suppléante: Quelqu'un d'autre a-t-il une opinion et une observation capitale au sujet des prêts aux étudiants?
M. Sakamoto: Je veux simplement dire que je serais très inquiet si nos établissements d'enseignement postsecondaire devaient compter sur la contribution de banques altruistes. Les banques n'agissent pas en bons pères de famille. Oui, elles ont un certain intérêt dans notre avenir, mais il ne faut pas pour autant les considérer comme des établissements altruistes. Ce serait dangereux.
La présidente suppléante: Les banques devraient, en fait, vous consentir des prêts sans intérêt, en autant que vous les remboursiez, parce que vous deviendrez un jour de bons clients pour elles. Ce sont les jeunes bien instruits qui feront vivre les banques. Si vous avez de bons rapports avec une banque, il est fort probable que vous utiliserez ses services le reste de votre vie. Les banques devraient comprendre que les étudiants deviendront un jour de grands clients.
Tous les mois, je reçois ma facture d'électricité que je dois acquitter avant la date limite, soit en moins de 30 jours, pour obtenir un rabais, sinon le montant de la facture augmente. Je reçois aussi une facture du laitier et une autre du dentiste, qui ne m'offrent toutefois pas de rabais. Je paie toujours ma facture d'électricité à temps pour épargner quelques dollars.
Les banques pourraient peut-être prévoir un arrangement similaire où les étudiants qui paient en temps jouissent d'un taux d'intérêt équivalant au taux préférentiel plus 1 p. 100, mais ceux qui paient en retard voient leur taux d'intérêt grimper à un taux correspondant au taux préférentiel plus 2 p. 100. Cela inciterait les étudiants à payer à temps pour profiter d'un taux d'intérêt inférieur.
Mme Barlowe: Lorsque j'ai proposé un programme du genre à un groupe de banquiers qui avaient gentiment accepté de nous rencontrer à l'université, l'un d'entre eux m'a dit: «Il y a vingt ans, lorsque je fréquentais l'école, je pouvais me payer une sortie avec 2 dollars. J'allais au cinéma avec une amie et j'achetais du maïs soufflé et une boisson.»
La présidente suppléante: C'était chiche, même à cette époque-là.
Mme Barlowe: Il a ajouté: «Aujourd'hui, la même sortie me coûte 20 $.» Voilà comment il justifiait les taux d'intérêt sur les prêts. Comme je n'étudie pas en administration, je ne tenterai même pas d'expliquer ce concept. L'un de nos vice-présidents me disait que le dollar n'a plus la même valeur qu'il avait autrefois, ce qui explique les intérêts. Toutefois, j'aime bien l'idée des prêts sans intérêt.
Pour ce qui est de payer mes factures en temps, je le ferais si j'avais l'argent pour les acquitter.
Le sénateur Perrault: Voilà le problème. Un certain nombre de jeunes sont venus me voir pour discuter de leurs dettes. Certains d'entre eux n'ont trouvé que des emplois au salaire minimum, pourtant, les percepteurs les appellent et leur suggèrent fortement de payer pour éviter tout désagrément. La situation est plutôt déprimante pour ces jeunes.
L'administration Clinton aux États-Unis songe à instaurer un système où les étudiants ne devront commencer à rembourser leurs prêts qu'à partir du moment où ils gagnent un certain revenu, tel que consigné dans leur déclaration de revenu fédérale. Nous devrions peut-être envisager une solution du genre.
Mme Vaughan: Lorsque j'ai tenté de rembourser mes prêts en temps, j'ai eu des difficultés surtout du fait que les règles changent constamment et que personne ne nous en informe. En juillet dernier, les banques ont changé les règles qui m'exemptaient d'intérêts. Comme je suis mariée, je suis désormais considérée comme membre d'une famille à double revenu. Avant le mois de juillet, il n'y avait pas de catégorie du genre. En juillet dernier, les règles ont changé, ce qui fait que les banques tiennent compte désormais des prêts aux étudiants accordés à mon mari, mais personne ne m'en a avisé.
Le sénateur Perrault: Votre nom ne figure pas sur la liste de distribution des intéressés.
Mme Vaughan: Non, ces renseignements ne sont pas diffusés. Aucun renseignement n'est fourni aux étudiants visés par toutes ces règles et tous ces règlements concernant les prêts aux étudiants. La banque m'a dit que, lorsque les règles ont changé en juillet, elle a fait publier un avis dans The Globe and Mail. C'est parfait, mais combien d'étudiants ont les moyens de se payer un abonnement quotidien dans The Globe and Mail ou ont même le temps de lire le journal?
Le sénateur Perrault: C'est vrai. C'est une page qui coûte cher. Les banques semblent faire de bonnes affaires ces temps-ci, n'est-ce pas? La valeur des actions est à la hausse.
Le sénateur Lavoie-Roux: Pouvez-vous me dire la proportion d'étudiants qui ont besoin de prêts pour payer leurs études?
Mme Saga: J'ai des statistiques pour notre province. En Alberta, 54 p. 100 des étudiants reçoivent une aide financière quelconque.
Le sénateur Lavoie-Roux: Et les autres paient eux-mêmes leurs études avec leur argent ou l'aide de leur famille?
Mme Saga: Oui, bien des étudiants travaillent tout en poursuivant leurs études.
Mme Barlowe: Soixante-quatre pour cent des étudiants de l'Université de Brandon reçoivent de l'aide financière. Onze pour cent d'entre eux sont des étudiants autochtones.
Mme Vaughan: J'ai devant moi le bilan de la Commission financière des étudiants de notre établissement d'enseignement, le Mount Royal College, à Calgary, pour la période allant d'avril 1995 à mars 1996. L'an dernier, des quelque 5 400 étudiants inscrits à temps plein, 3 055 ont demandé de l'aide financière et 2 457 étudiants ont obtenu un prêt aux étudiants, pour un prêt moyen de 4 813 $ par étudiant.
Le sénateur Lavoie-Roux: Merci.
La présidente suppléante: Nous pourrions peut-être passer à un autre sujet.
Mme Peart: Je crois que le rôle du gouvernement fédéral devrait être nettement accru. Le sénateur Andreychuk a mentionné que l'éducation est un secteur de compétence essentiellement provincial, mais le gouvernement fédéral peut faire beaucoup pour inciter les gouvernements provinciaux à jouer un rôle plus actif au sein de nos établissements, notamment en ce qui a trait au gel des frais de scolarité. Nous croyons que les universités devraient être accessibles à tous les étudiants. Il faudrait, à mon avis, poursuivre les discussions avec les étudiants à ce sujet.
La présidente suppléante: Faites-vous allusion à des lignes directrices ou à des principes plus vastes?
Mme Peart: Exactement. Je crois que le Transfert canadien représente un net recul en matière de promotion de l'éducation et des autres programmes sociaux. À l'heure actuelle, aucune ligne directrice fédérale ne précise comment les provinces peuvent dépenser les fonds qu'elles reçoivent du gouvernement fédéral. Le simple fait d'exercer plus de pressions sur les provinces pour veiller à ce qu'elles affectent une certaine partie de ces fonds à l'éducation postsecondaire ou aux soins de santé contribuerait à améliorer la situation.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je crois comprendre ce que vous dites, mais la formule des paiements de transfert a été modifiée il y a trois ans. Auparavant, on réservait tant à l'éducation, tant à l'enseignement supérieur, tant aux soins de santé, tant aux services sociaux, et cetera. Pouvez-vous nous démontrer que la situation s'est améliorée ou a empiré depuis la réforme? Je ne sais pas si certains d'entre vous fréquentent l'école depuis assez longtemps pour avoir remarqué un changement quelconque.
Mme Barlowe: En sciences politiques, nous examinons ces questions tous les jours. Depuis la réforme, la somme totale des paiements de transfert versés aux provinces a augmenté, mais il s'agit désormais d'une somme globale. Par le passé, les fonds étaient affectés à certaines dépenses précises. De nos jours, les provinces peuvent dépenser l'argent comme elles l'entendent. Elles peuvent décider de construire de grands casinos un peu partout et de ne pas subventionner l'éducation. Auparavant, dès que le budget fédéral était déposé, les paiements de transfert étaient versés. Le gouvernement fédéral disait: «Bon, à vous, les gros méchants du Manitoba, de l'Île-du-Prince-Édouard, de l'Alberta ou de la Saskatchewan, nous ordonnons de consacrer tant d'argent à l'éducation, tant à l'aide sociale et tant à la santé.» Aujourd'hui, les provinces n'ont plus l'obligation ou le devoir de dépenser les fonds dans les domaines où on leur disait de le faire.
Le sénateur Perrault: Ce fut donc une mauvaise décision.
Mme Barlowe: Absolument. Même si l'éducation, le régime de soins de santé et l'aide sociale sont des secteurs de compétence partagés aux termes de la Constitution, ils intéressent de près le gouvernement fédéral, car il les subventionne depuis des décennies. Je crois qu'en confiant cette responsabilité aux provinces, on a détruit le sentiment nationaliste et le concept de l'universalité au Canada.
Le sénateur Lavoie-Roux: Par contre, les provinces estiment être en meilleure position que le gouvernement fédéral pour établir la répartition des paiements de transfert. Je suis sûre que nous pourrions tenir un grand débat sur ce thème.
Mme Barlowe: Oui, sûrement. Il est vrai que le gouvernement fédéral doit s'occuper d'un pays immense et qu'il ne peut pas dire: «Bon, l'Université de Brandon a-t-elle reçu les 25 millions de dollars que devait lui verser la province?» Toutefois, le gouvernement provincial a assez d'assises au niveau local pour agir de la sorte. Le gouvernement fédéral peut ordonner aux provinces de subventionner leur système d'éducation. Si nous avons, dans notre province, des unions d'étudiants et des groupes de pression représentant les étudiantes et les étudiants, c'est pour exercer des pressions sur le gouvernement provincial. Lorsqu'il n'y a que sept établissements d'enseignement postsecondaire dans une province, il est difficile de faire des démarches pour exhorter le gouvernement fédéral à subventionner davantage toutes les universités. C'est même encore plus difficile lorsqu'il n'y a que sept établissements d'enseignement postsecondaire. Les étudiants devraient être en mesure de dire à la province comment dépenser les fonds qui lui sont attribués.
Le sénateur Perrault: Au cours de nos audiences, un certain nombre d'étudiants nous ont dit que la qualité de l'enseignement dispensé souffre de ces compressions budgétaires. Avez-vous constaté cela dans les établissements que vous fréquentez?
M. Blaikie: Les petites universités sont les établissements qui souffrent le plus des compressions, car elles ont vite fait d'atteindre un certain palier. Il y a quatre ans, 4 000 étudiants fréquentaient l'Université de Brandon; aujourd'hui, nous ne sommes plus que 3 000. Cela représente une baisse de 25 p. 100.
Le sénateur Perrault: C'est considérable.
M. Blaikie: C'est un recul considérable sur une période de quatre ans. Je siège au comité du budget du Bureau. Pour établir nos prévisions pour une période correspondante, nous devons tenir compte d'une réduction de 0 p. 100, de 2 p. 100 et de 4 p. 100 des subventions gouvernementales. Nous devons aussi prendre en considération une hausse de 0 p. 100, une baisse de 5 p. 100 et une diminution de 10 p. 100 des inscriptions. Il ne faut pas oublier non plus les augmentations négociées de la rémunération de l'ensemble des professeurs et de 80 p. 100 du personnel de soutien.
Lorsque vous déambulez dans les corridors de notre université, vous pouvez constater de visu son déclin. Il y a moins de personnel d'entretien et les locaux sont beaucoup plus sales. Nous n'avons que le strict minimum pour offrir des programmes de trois ans menant à un diplôme. En sciences politiques, nous avons à l'heure actuelle deux professeurs qui font l'impossible pour fournir le matériel nécessaire aux étudiants de troisième et de quatrième années.
Le sénateur Perrault: Combien y a-t-il d'étudiants par cours?
Mme Barlowe: Le département des sciences politiques est le deuxième département en importance dans la faculté des arts. Nous avons 57 étudiants inscrits au programme de spécialisation et deux professeurs, ce qui fait que l'attention accordée à chacun des étudiants n'est pas tellement grande.
M. Blaikie: Nous perdons des étudiants à l'Université de Brandon parce que nous n'offrons pas les cours qui les intéressent.
Le sénateur Perrault: Les étudiants abandonnent-ils tout simplement leurs études?
M. Blaikie: Certains les abandonnent, d'autres vont poursuivre leurs études ailleurs.
Le sénateur Perrault: Ce n'est pas bon signe.
M. Blaikie: Non, ce n'est vraiment pas bon signe. Je devrai étaler mon programme de trois ans en philosophie sur une période de quatre ans, parce que je ne peux pas m'inscrire aux cours obligatoires; ils ne sont pas offerts.
Mme Vaughan: En 1989-1990, le Mount Royal College offrait 76 programmes. En 1994-1995, il n'en offrait plus que 51.
Le sénateur Perrault: Y a-t-il certains domaines qui ont été durement touchés?
Mme Stinka: L'Université de la Saskatchewan est une assez vieille institution et nous avons des édifices qui s'écroulent littéralement. Il y a des trous dans les plafonds, ce genre de choses, mais les cours sont encore donnés dans ces locaux. De toute évidence, on n'a pas l'argent nécessaire pour créer un milieu de travail sécuritaire.
Le taux d'inscription est nettement à la baisse, ce qui prouve que les étudiants, les meilleurs, les plus brillants, ne choisissent pas nécessairement l'Université de la Saskatchewan. Nous n'avons aucun moyen de savoir s'ils décident de poursuivre ou non des études postsecondaires. Lorsque je me suis inscrite en arts et sciences, il y avait en moyenne 73 étudiants. Aujourd'hui, si je ne m'abuse, il n'y en a plus que 65 ou 63 et je suis sûre que les inscriptions continueront de diminuer au cours des prochaines années. Il y a cinq ans, 25 étudiants s'inscrivaient à un programme de première année, comme l'anglais; aujourd'hui, ils sont environ 50.
Le sénateur Perrault: C'est le double.
Mme Stinka: Oui. Les professeurs n'ont pas assez de temps à consacrer individuellement aux étudiants, même si c'est par ces échanges individuels que l'étudiant apprend le mieux.
Mme Peart: Je voudrais parler de la situation en Saskatchewan et de la diminution de la qualité de l'éducation dans cette province. Récemment, on recommandait dans le rapport MacKay, rédigé à la demande du gouvernement provincial, la fusion des deux universités de la Saskatchewan.
Le sénateur Perrault: La fusion?
Mme Peart: Oui. Nous devons nous serrer la ceinture et la fusion de certains programmes est envisagée, ce qui réduirait la qualité de l'éducation en Saskatchewan. Prenons le cas d'un habitant de Saskatoon qui désire obtenir un diplôme en arts. Si ce programme n'est offert que par l'Université de Regina, il pourrait lui falloir soit déménager, soit opter pour une autre discipline. Une province qui compte environ un million d'habitants mérite deux universités.
Le sénateur Perrault: Pourrait-on considérer l'élimination de tout double emploi comme une solution acceptable pour contenir les dépenses?
Mme Peart: Les deux universités offrent des programmes similaires, qui comportent toutefois des différences et qui sont très précieux. Le programme des arts de l'Université de Regina est très différent de celui de l'Université de la Saskatchewan, tout comme les programmes de sciences. Il peut y avoir chevauchement, mais chaque programme repose sur des critères différents, est dirigé par des professeurs différents et s'inspire de concepts différents.
Le sénateur Perrault: Autrement dit, les programmes se compléteraient?
Mme Peart: Exactement.
La présidente suppléante: Je pourrais peut-être apporter une précision. Selon mes renseignements, le rapport MacKay ne propose pas de fusion, mais plutôt une certaine rationalisation entre les deux universités.
Mme Peart: C'est exact. Je m'excuse.
La présidente suppléante: J'avais compris qu'il recommandait une certaine rationalisation des programmes, notamment le partage des services de gestion et de certains concepts, si c'était possible. Est-ce que c'est bien ce que vous vouliez dire?
Mme Peart: Oui.
Mme Stinka: Le rapport MacKay confirmait que la Saskatchewan profitait de la présence de deux universités.
Le sénateur Perrault: Comme d'une saine rivalité?
Mme Stinka: Oui. Le rapport précisait les domaines où la rationalisation serait avantageuse, comme les acquisitions des bibliothèques, les tâches administratives, etc.
Je suis d'accord sur un point du rapport MacKay, selon lequel les universités doivent définir leur mandat... ce qui fait leur différence, comment elles desservent la province et comment elles desservent la population. Il nous faut mettre par écrit pourquoi nous avons deux universités et comment elles remplissent leur mandat.
Mme Brooks: En Saskatchewan, nous sommes chanceux que le processus soit axé sur la «revitalisation» et qu'il incombe aux universités de se sortir d'impasse. La province intervient très peu dans l'élaboration des programmes, mais intervient davantage dans les questions financières et budgétaires. Dans le domaine de l'éducation postsecondaire, les programmes tant des universités que des écoles de formation professionnelle et technique varient d'une province à l'autre. En Saskatchewan, nous jouissons de l'autonomie nécessaire au sein de notre université pour avoir droit de regard sur le processus de revitalisation, ce qui est impossible dans certaines autres provinces. Le gouvernement, les entreprises et les universités acceptent de collaborer. Je crois que nous avons créé en Saskatchewan un bon système nous permettant d'atteindre les objectifs de tous les intéressés.
La présidente suppléante: Souvent, les gens disent qu'ils jouissent d'une certaine autonomie, mais ils subissent parfois l'influence des gens qui les subventionnent, tout dépendant du montant qui est versé.
Mme Brooks: Le rapport MacKay laisse supposer que, si les universités ne se prennent pas en mains, le gouvernement provincial interviendra.
Le sénateur Lavoie-Roux: Nous avons beaucoup entendu parler des difficultés financières des étudiants et des dettes qu'ils encourent, du fait que, avec plus d'argent, la qualité de l'éducation s'améliorerait, mais d'autres éléments jouent sur la qualité de l'éducation. Vos établissements d'enseignement vous fournissent-ils les outils pour évaluer les professeurs, pour évaluer et réviser au besoin les programmes? L'argent n'est qu'un élément. Il existe, à mon avis, d'autres éléments dont nous n'avons pas encore discuté. Avez-vous des observations à faire là-dessus?
La présidente suppléante: Si je vous comprends bien, vous dites que l'argent exerce des pressions sur le système, mais vous voulez savoir si le système possède les évaluations et l'appui nécessaires pour offrir des programmes d'études de qualité.
Le sénateur Lavoie-Roux: Oui.
Mme Vanthuyne: Nous sommes un institut de technologie et nous ne sommes pas autonomes. Nous relevons directement du gouvernement provincial. À l'heure actuelle, nous n'avons pas de méthode pour évaluer les enseignants. Notre association d'étudiantes et d'étudiants le réclame depuis des années.
Nous remettons constamment en question la qualité de l'enseignement dispensé par le SIAST. L'argent aide, mais nous en avons très peu. Récemment, le feu a détruit une grande partie de notre institut situé à Kelsey, ce qui fait que nous avons désormais de graves problèmes financiers.
La qualité de l'éducation et des programmes d'études est essentielle. Après tout, si les études que vous poursuivez ne sont pas de qualité, elles ne vous serviront à rien.
Le sénateur Lavoie-Roux: Si je comprends bien, malgré les ressources financières actuellement consenties, la qualité de l'éducation laisse à désirer.
Mme Vanthuyne: Abolir l'aide financière n'aiderait pas toutefois à améliorer la qualité.
Le sénateur Lavoie-Roux: Non, sûrement pas. Je suis d'accord.
Je voudrais que vous me parliez un peu plus de la qualité de l'éducation offerte par votre établissement? Est-elle parfaite ou y aurait-il des htmects que vous voudriez voir améliorés? Pensez-vous qu'un peu plus d'argent réglerait tous les problèmes?
La présidente suppléante: Peut-être que vous pourriez élargir la question et aborder des thèmes comme les nouvelles technologies, le télé-enseignement et les études à temps partiel. Étudiez-nous dans les bonnes disciplines?
Mme Vaughan: Je voulais juste traiter brièvement de la qualité de l'éducation. L'évaluation des enseignants n'est qu'un des problèmes que nous connaissons dans notre établissement. L'une des lacunes inhérentes au système utilisé est liée au fait que les gens n'ont pas tous la même idée de qui est responsable et qui ne l'est pas. Ce problème sera difficile à régler, à moins que les établissements d'enseignement mettent en oeuvre leurs propres politiques de grief et de harcèlement, conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Il est intéressant d'évaluer les établissements d'enseignement postsecondaire, mais cela a de quoi nous inquiéter lorsque nous examinons les principaux indicateurs de performance appliqués pour évaluer des établissements comme le SAIT par rapport au Mount Royal Collège qui est situé dans la même ville. Non seulement les évaluations contribuent à accentuer la concurrence entre les établissements, ce qui comporte des avantages et des inconvénients, mais ce qu'il y a de plus affligeant, c'est que les modes d'évaluation utilisés en Alberta ne sont pas uniformisés. Le Mount Royal College déclare certaines statistiques et le SAIT en déclarent d'autres, que vous ne pouvez pas comparer comme vous le feriez avec des pommes. Ils utilisent différentes données pour calculer le coût des études d'un diplômé. Parfois, les frais accessoires sont pris en considération. Ce que je veux dire, c'est que les principaux indicateurs de performance appliqués en Alberta sont, à mon avis, inutilisables à des fins de comparaison.
Le sénateur Lavoie-Roux: Ma question ne portait pas sur la comparaison, mais bien sur l'évaluation faite à l'intérieur d'un établissement dans le but de déterminer les améliorations qui sont souhaitables et celles qui s'imposent.
Mme Vaughan: Il n'y a rien de tel en Alberta actuellement. Le gouvernement préfère plutôt nous comparer les uns aux autres.
Le sénateur Lavoie-Roux: Les établissements n'ont-ils pas la responsabilité d'effectuer leurs propres évaluations? Les évaluations ne doivent pas nécessairement être imposées par le gouvernement.
Mme Vaughan: C'est vrai.
La présidente suppléante: Vos propos me surprennent. D'après l'expérience que j'ai vécue en Alberta, je pensais qu'il y avait des modèles uniformisés pour les programmes techniques. Je ne sais pas s'ils sont bons.
Mme Vaughan: Je ne peux pas répondre pour ce qui est des instituts de technologie.
La présidente suppléante: Je crois que les établissements ont tenté d'uniformiser bon nombre de leurs opérations. Nous devrions peut-être passer à un autre sujet.
M. Popowich: Je suis en mesure de constater les répercussions qu'ont les compressions budgétaires sur notre association d'étudiantes et d'étudiants au NAIT. L'institut nous demande d'offrir de meilleures installations à des étudiants qui parfois ne paient même pas leur cotisation à notre association. Nous sommes appelés à assumer de plus en plus de responsabilités. Comme notre établissement ne peut offrir ces services aux étudiants, notre association est priée de prendre la relève. Voilà, à mon avis, une conséquence directe des compressions.
Je ne sais pas si vous comprenez ce que fait une union ou une association d'étudiants, mais nous offrons bien des services. Voilà qu'aujourd'hui on nous demande de financer l'aménagement de certains locaux pour l'installation de nouvelles technologies au NAIT. Je me demande simplement pourquoi il en est ainsi.
Ensuite, il y a toute la question des stages d'apprentissage, pour lesquels les étudiants devront désormais payer des frais à l'association des étudiants. Les étudiants ont toujours utilisé les services que nous leur fournissions sans avoir à payer. Les frais que l'association doit désormais imposer aux stagiaires causent tout un émoi. Je ne comprends pas pourquoi ils pensent qu'ils ne devraient pas les payer, puisque nous les représentons.
M. Blaikie: Il y a environ deux semaines, je suis allé rencontrer les représentants de l'union des étudiants au St. Cloud State University, au Minnesota. La technologie à laquelle ils ont accès, comparativement à ce que nous possédons à l'Université de Brandon, est étonnante. Ils sont sur le point d'entreprendre la construction d'une bibliothèque au coût de 25 millions de dollars et leurs installations informatiques sont renversantes.
Cela m'amène à établir un rapport avec les étudiants étrangers. Selon une étude que j'ai consultée, si nous perdons tant d'étudiants étrangers, c'est que nous détruisons notre propre infrastructure et que notre système d'éducation ressemble de plus en plus au système qu'aurait un pays du tiers monde. Les pays en développement connaissent la valeur d'une bonne infrastructure en matière d'éducation. Voilà pourquoi ils envoient leurs étudiants poursuivre leurs études dans des pays possédant d'excellents établissements d'enseignement. Par le passé, on considérait que le Canada possédait un bon système d'éducation, mais, selon cette étude, nous perdons beaucoup d'étudiants étrangers, parce que nous démolissons notre infrastructure.
La présidente suppléante: D'où la St. Cloud University tient-elle son financement?
M. Blaikie: Idéalement, elle aimerait obtenir 33 p. 100 de son financement de l'État, 33 p. 100 de l'administration fédérale et 33 p. 100 de ses étudiants. Elle s'éloigne cependant de ce principe.
Le sénateur Perrault: Le secteur privé y contribue-t-il?
Mme Barlowe: La contribution du privé se limite à la gestion des services d'alimentation, qui ont été accordés à des sous-traitants. L'université n'est pas tenue responsable des pertes encourues par ces services.
L'université reçoit peu d'appui du secteur privé, mais a les moyens d'avoir une bibliothèque de 70 millions de dollars.
Le sénateur Perrault: Offre-t-elle un programme permettant aux étudiants de travailler à temps partiel dans certaines entreprises?
Mme Barlowe: Non. Elle a plutôt ce qu'on appelle un programme d'alternance travail-études à l'intention surtout des étudiants de premier cycle.
La présidente suppléante: C'est rare. Aux États-Unis, les universités reçoivent du financement des États, de l'administration fédérale, des étudiants, mais de plus en plus du secteur privé, surtout dans les domaines où les sociétés font de la recherche. Nous n'obtenons pas notre juste part du secteur privé. Les étudiants étrangers paient des frais astronomiques, ce qui contribue à appuyer les étudiants canadiens. Cette question fait d'ailleurs l'objet de discussions non pas de la part des étudiants, dois-je préciser, mais d'autres intéressés.
Mme Brooks: J'ai devant moi une lettre envoyée par courrier électronique à notre association d'étudiants il y a quelques semaines, qui traite de certains htmects de la contribution du secteur privé au financement des universités canadiens. Un de mes amis a entendu une rumeur selon laquelle la Banque Royale envisageait la possibilité de commanditer l'École de travail social de l'Université de Toronto, qui deviendrait la Faculté de travail social de la Banque Royale.
Si vous voulez savoir combien coûte une faculté à un établissement d'enseignement public, vous n'avez qu'à consulter la revue universitaire publiée cette semaine. On fait beaucoup de tapage à l'Université de Toronto autour de la vente récente de la faculté d'administration, désormais connue sous le nom de la Faculté d'administration Joseph L. Ratman. Si la vente d'établissements publics à des intérêts privés et les ententes conclues à huis clos entre les universités et des philanthropes du secteur privé vous inquiètent, vous serez ahuris d'apprendre que le don est déductible d'impôt et que l'université doit verser une somme équivalant au don plus 15 millions de dollars en deniers publics. Le don ne vient pas en un seul versement, mais est étalé sur une période de 14 ans. Si jamais M. Ratman estime que la faculté n'agit pas dans son intérêt, il peut demander en tout temps une évaluation externe. La faculté a alors un an pour mettre en oeuvre les recommandations de l'évaluateur, sinon M. Ratman peut cesser de verser l'argent promis. La faculté jouit également d'un statut particulier qui la protège en cas de compressions budgétaires imposées à l'université. Cela nous amène à parler de la privatisation de nos universités.
Le sénateur Perrault: Sujet intéressant.
Mme Brooks: La question qu'il faut se poser est la suivante: les donateurs du secteur privé doivent-ils exercer une influence sur la dotation ou l'élaboration du curriculum et des programmes?
Mme Barlowe: La question est de savoir si la contribution du secteur privé au financement d'une université change quoi que ce soit à la façon dont l'établissement est dirigé. L'Université de Brandon reçoit depuis longtemps de grands dons de sociétés privées. Nous avons l'immeuble A. McKenzie, qui porte le nom du propriétaire de McKenzie Seeds, une entreprise établie à Brandon. Notre ancienne bibliothèque portait aussi son nom. Nous avons aussi le nouvel immeuble Richardson. Les entreprises privées ont investi un million de dollars dans notre programme d'administration, mais elles n'ont pas pour autant d'influence sur la gestion de notre université. Je crois qu'il faudrait examiner la question de la contribution financière du secteur privé.
De toutes les universités et de tous les autres établissements d'enseignement, c'est l'Université de Brandon qui affiche le plus faible taux d'acquisition de nouveaux ouvrages pour sa bibliothèque. Elle pourrait s'adresser à des maisons d'édition comme Oxford Unity Press et leur dire: «Si vous nous donnez un exemplaire de chaque livre que vous publiez, nous donnerons le nom de votre société à l'une des sections de notre bibliothèque.» Si une grande société informatique dit: «Nous donnerons tant d'ordinateurs à votre laboratoire. Cela modernisera votre équipement», c'est merveilleux, mais le don de ces ordinateurs n'influe d'aucune façon sur la nature des cours informatiques ou des programmes d'administration; les ordinateurs sont simplement mis à la disposition des étudiants.
Le sénateur Perrault: L'autre jour, nous avons visité la bibliothèque du Collège Capilano où l'on trouve la section de la Banque Canadienne Impériale du Commerce à un bout et la section de la Banque Royale à l'autre bout. Chacune de ces sociétés a fait don d'ordinateurs modernes et le collège en est ravi. Les banques ont simplement demandé qu'une annonce déroule à l'écran lorsque les ordinateurs sont mis en marche le matin. J'ai demandé aux représentants du collège s'ils avaient formulé des objections à cette requête, ils m'ont répondu: «Nous pouvons facilement composer avec cette demande. C'est un petit compromis à faire pour profiter de cet équipement.» Ils n'ont pas laissé entendre que les entreprises s'ingéraient dans leurs affaires.
Mme Brooks: Je ne dis pas qu'il y a ingérence pour l'instant, mais que le gouvernement fédéral devrait examiner la situation. Nous avons une association d'anciens étudiants et nous recevons des dons de l'entreprise privée. Nous devons collaborer avec le milieu des affaires et le gouvernement, mais le rôle de chacun a besoin d'être clairement défini.
La présidente suppléante: Je crois que la plupart des universités cherchent à solliciter des dons auprès du secteur privé. Nous avons tous été puristes à un moment ou l'autre de notre vie et rejetions l'idée de nommer une bibliothèque en l'honneur d'une personne, mais aujourd'hui nous disons: «Comment écrivez-vous votre nom encore?», parce que nous ne croyons plus que cela puisse miner l'intégrité de nos universités. La question la plus importante a été de déterminer si le financement de recherches de 2 millions de dollars menace l'autonomie et l'intégrité des travaux de recherche. La plupart des universités ont du mal à élaborer des lignes directrices sur ce genre de partenariat, à cause des retombées dont pourraient profiter les sociétés privées qui collaborent avec les universités. Nous hésitons beaucoup au Canada à adopter une politique du genre. La plupart des autres pays ont déjà établi des lignes directrices en cette matière et ne semblent pas partager nos craintes à ce sujet. Nous commençons à peine et nous avons beaucoup de travail à accomplir.
Mme Brooks: Certaines de nos préoccupations ont trait aux droits de propriété intellectuelle, à savoir qui est propriétaire du produit développé, le chercheur ou la société privée. Je partage votre avis; ce genre de collaboration ne devrait pas nous faire peur, mais nous avons besoin de lignes directrices à ce sujet.
Le sénateur Forest: C'est précisément le point que je voulais faire valoir. S'il nous faut compter sur la contribution financière du secteur privé -- ce qui semble inévitable, étant donné les problèmes financiers que nous avons -- il faudra sûrement élaborer des lignes directrices s'appliquant non seulement aux installations physiques et à l'équipement technique, mais surtout au domaine de la recherche, étant donné les nombreuses retombées des recherches fondamentales. Il faut être en mesure de consacrer les fonds nécessaires à la recherche fondamentale et de donner carte blanche aux chercheurs afin qu'ils puissent explorer leurs domaines de compétence et leurs domaines d'intérêt, étant donné toutes les répercussions pratiques que peuvent avoir leurs travaux.
Évidemment, les sociétés veulent faire effectuer des recherches dans des domaines qui leur profiteront et c'est là que nous connaissons des problèmes liés à l'éthique et à la propriété intellectuelle. Je crois que le Canada se doit d'examiner cette question très attentivement.
Mme Brooks: Hier, nous avons abordé brièvement une autre question, à savoir quel genre de recherches nous voulons effectuer au Canada. Est-ce uniquement de la recherche dans les domaines scientifiques, qui profite directement aux entreprises, ou également des recherches en lettres et sciences humaines ou en sciences sociales? Je crois que nous devrions examiner tous les domaines de recherche.
Mme Saga: Je conviens que l'uniformisation est nécessaire. De plus, lorsque l'entreprise privée s'intéresse à l'éducation, cela exige l'utilisation de technologie de pointe, ce qui fait accroître les coûts de façon incroyable. Les établissements d'enseignement consacrent déjà des fortunes aux nouvelles technologies, ce qui a des répercussions sur la qualité et les acquisitions dans d'autres domaines.
Le Mount Royal College vient d'installer un nouveau système de fibres optiques qui a coûté une fortune. Les fonds nécessaires à cet achat ont été puisés dans le budget d'exploitation et, par conséquent, les acquisitions de notre bibliothèque ont été réduites. On met désormais plus d'emphase sur les affaires et moins sur les arts et cela m'inquiète énormément.
La présidente suppléante: Quelqu'un a-t-il d'autres observations à faire?
Mme Barlowe: J'aurais un bref commentaire. Même si je crois que la participation financière du secteur privé s'impose tant dans l'intérêt des établissements d'enseignement postsecondaire que dans celui des gouvernements, je ne crois pas que la contribution financière du secteur privé devrait servir à maintenir en place les programmes existants. Elle devrait plutôt servir à créer des programmes complémentaires. Le financement des opérations quotidiennes ne devrait pas reposer sur la contribution du secteur privé.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je suis d'accord.
Mme Vaughan: Sur notre campus, il semble que plus nous acceptons de dons du secteur privé, plus nous perdons certains services qui, sans être cruciaux sur le plan de l'éducation, sont quand même important aux yeux des étudiants. Par exemple, récemment, une grande entreprise a subventionné une académie d'orgue, qui occupe désormais l'ancien centre de méditation des étudiants. Nous n'en avons pas été avisés.
Le sénateur Perrault: Je suis désolé, dites-moi encore ce qu'ils ont installé dans ces locaux?
Mme Vaughan: Une académie d'orgue, qui dessert environ 12 étudiants dans la région de Calgary. L'académie d'orgue occupe ce qui était auparavant la chapelle du collège.
La présidente suppléante: Vous pourriez peut-être nous expliquer ce qu'est une académie d'orgue.
Mme Vaughan: C'est comme un conservatoire où l'on enseigne à jouer de l'orgue.
La présidente suppléante: Où l'on enseigne l'orgue.
Mme Vaughan: Oui.
La présidente suppléante: Il s'agit donc d'un programme spécialisé où l'on enseigne aux étudiants à jouer de l'orgue.
Mme Vaughan: Tout le monde ici conviendra, j'en suis sûre, que les études postsecondaires ne se résument pas uniquement à découvrir une seule matière, à apprendre ce qui s'est passé en 1876, ou des choses du genre. Cela devrait être une expérience globale et intégrée.
Le sénateur Perrault: Bravo.
Mme Vaughan: À mesure que nous recevons des dons du secteur privé, nous perdons des programmes essentiels à nos étudiants. Nous avons des étudiants musulmans qui font leurs prières dans les toilettes cinq fois par jour. Nous avons des étudiants autochtones qui tiennent leurs cérémonies des herbes sacrées dans des salles de cours où il est interdit de fumer. Les étudiants n'ont pas accès à des locaux où ils peuvent s'adonner à des activités qu'ils jugent importantes et précieuses.
Le sénateur Perrault: Où les étudiants méditent-ils maintenant?
Mme Vaughan: Il n'y a pas de salle réservée à cette fin.
Mme Saga: Nulle part.
Le sénateur Perrault: Vous dites qu'il n'y a pas eu de consultations?
Mme Vaughan: Aucune.
Le sénateur Perrault: C'est étrange.
M. Harrison: Comme je suis arrivé en retard, je ne voulais pas perturber le débat, mais je voudrais aborder plusieurs questions qui ont été soulevées.
Sénateur Perrault, vous vouliez des exemples de la qualité de l'enseignement dispensé dans nos établissements.
Le sénateur Perrault: Il semble que la qualité soit à la baisse.
M. Harrison: De mémoire, je peux vous dire que les acquisitions de la bibliothèque de l'Université de l'Alberta ont diminué de 50 p. 100, le nombre d'étudiants dans chaque cour a augmenté de 20 p. 100, le nombre de professeurs permanents a baissé du tiers et le nombre de professeurs détenteurs d'un doctorat a reculé de 10 p. 100.
Deux départements ont été abolis et bien des installations ont fusionné. L'administration de l'université a réduit ses effectifs, ce qui a mené à la disparition d'un des postes importants de vice-président. Malheureusement, c'est le poste du vice-président aux services étudiants qui a été aboli, ce qui vient appuyer la déclaration de Doug Popowich, selon laquelle plus de responsabilités sont désormais confiées aux associations d'étudiants. Par le passé, les unions d'étudiants animaient la vie estudiantine au sein de nos universités et de nos collègues. Aujourd'hui, on nous demande de plus en plus d'offrir les services que les universités ne sont plus en mesure de fournir.
À l'heure actuelle, l'union des étudiants de l'Université de l'Alberta a un budget de 7 millions de dollars. D'ici deux ans, notre budget atteindra 10 millions de dollars, en raison des services aux étudiants que l'université nous demande désormais de prendre en charge.
L'Université de l'Alberta n'a aucune norme à respecter, ce qui explique probablement pourquoi le gouvernement provincial a décidé d'accorder du financement en fonction du rendement offert. Je suis d'accord avec les observations faites au sujet des lacunes des principaux indicateurs du rendement. Il n'y a aucune règle en vigueur à ce sujet à l'Université de l'Alberta.
Mme Barlowe: J'aimerais parler de la question de la normalisation. Nous savons tous que lorsqu'on passe d'un établissement à l'autre dans une même province, les cours que l'on est obligé de suivre sont complètement différents et on sait que la qualité de l'enseignement varie. Le gouvernement fédéral devrait peut-être envisager d'instaurer un système national d'agrément des établissements d'enseignement dans le cadre duquel chaque établissement devrait se conformer à un ensemble de normes et serait évalué tous les 10 ans. Un tel système ferait en sorte que tous les étudiants, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve, reçoivent en gros la même éducation.
Le sénateur Perrault: C'est une idée intéressante.
La présidente suppléante: Pensez-vous qu'il est important que l'on reçoive la même éducation où que l'on fasse ses études? Est-ce que ce n'est pas justement la diversité de l'enseignement et des méthodes qui fait la force des universités et des collèges techniques, donnant ainsi plus de caractère à la société et aux individus?
Mme Barlowe: La diversité est importante, mais je devrais pouvoir obtenir le même diplôme de base dans n'importe quelle université. Au-delà de ces diplômes de base, les universités et les établissements techniques devraient pouvoir se spécialiser comme ils le veulent.
Le sénateur Perrault: Autrement dit, y ajouter leur couleur locale.
Mme Barlowe: Exactement. L'une des principales raisons qui expliquent les différences entre les programmes universitaires est la façon dont ils sont financés. Mon diplôme de l'Université de Brandon ne sera pas valable à l'Université du Manitoba parce que certains de mes cours n'y sont pas reconnus. J'ai suivi un cours de quatre ans intitulé «La politique du développement» que je ne pourrai pas transférer au cycle supérieur, l'an prochain, parce qu'il n'est pas reconnu. C'est à cela que je fais allusion quand je dis que le système devrait être normalisé.
La présidente suppléante: Vous parlez de la transférabilité et de la mobilité des crédits.
M. Harrison: Je ne voudrais pas que tous les établissements soient les mêmes; j'aimerais toutefois que chaque établissement offre les mêmes possibilités aux étudiants. À l'heure actuelle, un étudiant en Alberta ne peut pas transférer son prêt dans une autre province, par conséquent la question de la mobilité des crédits et de l'obtention d'un diplôme équivalent d'une université à l'autre ne se pose même pas. C'est la question qui nous préoccupe le plus quand on parle de normaliser le système à l'échelle nationale.
La présidente suppléante: Si vous obtenez un prêt de la province, vous ne pouvez pas le transférer.
M. Harrison: Quand on obtient un prêt, environ la moitié vient du programme de prêts aux étudiants de l'Alberta, et on ne peut sortir cette portion de la province. Dans la pratique, la mobilité n'est possible que pour ceux qui en ont les moyens.
Mme Brooks: J'aimerais également parler du transfert des crédits d'une université à l'autre. J'ai l'impression que les provinces canadiennes envisagent de transférer les crédits d'une université à l'autre indépendamment de toute normalisation. Autrement dit, chaque université aurait son propre programme, mais il serait reconnu par les autres universités. Je pense que les étudiants bénéficieraient plus de ce genre de flexibilité que de la normalisation des programmes.
Mme Barlowe: Un système national d'agrément tiendrait compte non seulement de la qualité du corps professoral, mais également de la question de savoir si les universités offrent aux étudiants les services dont ils ont besoin; si elles offrent un enseignement individuel; si elles ont un service d'orientation; si elles ont suffisamment de professeurs permanents; si elles ont des professeurs détenant un doctorat; si elles ont des assistants de recherche, etc.
Quand on transférera des crédits, ce sera une tâche énorme pour le gouvernement fédéral de vérifier que chaque crédit a bien été attribué. Je pourrais transférer certains de mes 120 crédits à l'Université de la Saskatchewan mais ça ne me donnerait pas forcément de diplôme si ces derniers ne sont pas reconnus ou s'ils me sont pas attribués en vue de ce diplôme. C'est là le problème.
La présidente suppléante: Y a-t-il d'autres questions pressantes que vous aimeriez discuter avec nous? Y a-t-il une question en particulier dont vous aimeriez que nous tenions compte dans nos délibérations?
M. Sakamoto: J'aimerais remercier le comité d'avoir pris l'initiative de se déplacer pour faire une étude approfondie de ces questions. Elles sont importantes. Je vous remercie.
L'une des questions pressantes est le fait que le gouvernement traite les établissements postsecondaires comme des entreprises. Les prêts aux étudiants sont en train d'être privatisés; les droits de scolarité augmentent à une allure vertigineuse; les établissements sont forcés d'entrer en concurrence et de chercher de nouveaux moyens de financement. Le gouvernement semble avoir oublié que les étudiants sont l'avenir de notre pays; ce ne sont pas des dividendes et ils ne doivent pas être traités comme tels. On ne peut pas traiter la société comme une entreprise; je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus.
J'aimerais savoir comment le gouvernement fédéral pourrait avoir une influence réelle sur le système d'éducation. Peut-être qu'une loi sur l'éducation nationale pourrait avoir une certaine influence sur ce qui se passe au niveau provincial. J'aimerais savoir ce que les honorables sénateurs en pensent.
Mme Saga: L'une des choses que les étudiants réclament et que le gouvernement promet depuis longtemps est d'exonérer les manuels de la TPS.
La présidente suppléante: Cela fait partie de notre programme.
Le sénateur Perrault: Madame la Présidente, j'aimerais signaler aux gens qui comparaissent devant nous aujourd'hui que s'ils ont des modifications ou des ajouts à faire à leur témoignage, ils peuvent toujours nous les envoyer. Nous nous ferons un plaisir d'en prendre connaissance.
Le sénateur Bonnell: J'aimerais dire à tous les étudiants qui sont venus de différentes universités et de différents collèges combien nous sommes satisfaits qu'ils aient pris le temps de venir nous faire part de leurs préoccupations. S'il a d'autres questions que vous aimeriez porter à notre attention, veuillez les signaler à James van Raalte, qui est mon recherchiste. Il vous donnera une carte avec son adresse électronique et son numéro de fax afin que vous puissiez faire parvenir au comité tout renseignement supplémentaire que nous aimeriez nous communiquer.
M. Blaikie: Nous avons beaucoup de choses à vous dire, mais n'avons pu en aborder que quelques-unes unes aujourd'hui. Norine Barlowe a consacré beaucoup de temps et d'efforts à la rédaction d'un mémoire que nous vous laisserons aujourd'hui.
Au nom de l'Université de Brandon, j'aimerais remercier les membres du comité.
La présidente suppléante: Nous avons détecté un bon nombre de problèmes. Nous ferons de notre mieux dans notre rapport pour refléter le point de vue des Canadiens tel qu'il nous aura été présenté. L'accent est mis, bien entendu, sur les étudiants et sur l'avenir. Comme le disait plus tôt le président, si vous avez d'autres choses à nous dire, s'il vous plaît, n'hésitez pas à nous en faire part. Vos opinions sont importantes pour nous et j'espère que nous saurons leur rendre justice dans notre rapport.
Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
Le président: Nous accueillons maintenant des représentants de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, section du Manitoba.
Elizabeth Carlisle, représentante de l'exécutif national, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants-Manitoba: Je m'appelle Elizabeth Carlisle, je suis représentante de l'exécutif national pour le Manitoba de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants.
[Français]
Je m'appelle Elizabeth et je suis étudiante à l'université de Winnipeg, au Manitoba. Je suis dans la cinquième année de mes études, mais dans la troisième de mon programme académique. Aujourd'hui, nous allons vous présenter quelques informations au sujet des recommandations faites dans notre rapport au Sénat. Si vous désirez nous poser des questions en français, nous pouvons sûrement vous répondre en français, mais je vais plutôt parler en anglais.
[Traduction]
J'en suis à ma cinquième année d'études à l'Université de Winnipeg, mais seulement à la troisième année du programme qui me donnera le diplôme que j'ai choisi. J'ai réussi, très difficilement, à ne pas m'endetter pendant mes études, à part quelques emprunts auprès de mes amis ou de membres de ma famille. Comme la plupart des étudiants, je trouve le coût des études de plus en plus exorbitant. Chaque année, en dépit de l'amour que j'ai pour les études, j'envisage sérieusement de ne pas retourner à l'université parce que je trouve vraiment ça dur de n'avoir que 7 000 $ à 10 000 $ par an pour vivre et de payer environ 2 500 $ en droits de scolarité, et d'essayer d'acquérir de l'expérience dans mon domaine.
Nous allons souligner, au cours de notre exposé, un certain nombre de problèmes dont souffre l'enseignement à l'heure actuelle et nous vous donnerons certains exemples concernant le Manitoba.
M. Parsons: Je suis étudiant à l'Université de Winnipeg. Je serai diplômé l'an prochain. J'ai la chance que mes études soient financées par la Commission des accidents du travail. J'ai un revenu fixe qui m'est fourni par cette dernière. Ma compagne et moi vivons de ce revenu qui nous permet de payer les droits de scolarité de Karen. Nous n'avons pas encore de dettes, mais nos économies fondent à vue d'oeil. Lorsque j'aurais obtenu mon diplôme, la Commission arrêtera de me verser un revenu. J'ai peur d'un marché du travail que je trouve hostile aux jeunes et aux personnes en fauteuil roulant.
Mme Carlisle: Je pense qu'il va sans dire que ces quelques détails sur l'expérience que nous avons du système d'enseignement postsecondaire illustrent l'incertitude croissante qui règne parmi les étudiants, et ceux qui envisagent de faire des études, quant au bien fondé d'entreprendre des études postsecondaires. Je suis sûre que vous aller entendre des témoignages, ou que vous en avez déjà entendu, déplorant le peu d'appui que reçoit l'enseignement postsecondaire de la part des décideurs. Notre intention aujourd'hui est de vous donner des détails sur les recommandations que nous avons faites dans le mémoire que nous vous avons remis.
La FCEE-Manitoba recommande en premier lieu de stabiliser et d'accroître le financement fédéral accordé par le biais des paiements de transfert au titre de l'éducation postsecondaire; de créer un système national de bourses, et non pas de prêts, pour les études postsecondaires; d'adopter une loi sur l'enseignement postsecondaire; de mettre en place des programmes de travail valorisant, en tenant compte du fait que tous les étudiants ne sont pas forcément jeunes, et débouchant sur une carrière; d'instaurer un système fiscal équitable qui faciliterait l'accès aux études postsecondaires; et de réinvestir dans l'enseignement postsecondaire par le biais du régime fiscal, en fonction de la capacité des étudiants à payer leur part.
Dans notre mémoire, nous avons présenté la position de la fédération sur l'orientation que nous aimerions que le gouvernement fédéral prenne dans le domaine de l'éducation postsecondaire. Nous insistons sur son financement et sur l'embauche des étudiants et des diplômés dans des postes valorisants. En ce qui concerne la qualité de l'enseignement, la FCEE est d'avis que la facilité d'accès sera toujours la clé de la diversité et de la qualité de tout programme social ou de toute structure sociale telle que l'éducation postsecondaire. Selon nous, on ne réglera jamais la question de savoir comment créer un système d'éducation de haute qualité ou de calibre mondial. Bien que la qualité soit un sujet de discussion permanent et certainement crucial, on ne peut nier que sans la garantie d'un accès de base, soit l'absence d'obstacles financiers, la discussion devient nulle et non avenue, voire même purement ésotérique, ou du moins limitée au cercle exclusif d'une élite universitaire de plus en plus isolée.
Le système canadien d'éducation postsecondaire a besoin d'un financement si non accru, au moins stable. En fait, la situation actuelle au Manitoba est critique. Par exemple, au cours des dernières semaines, on a fermé une aile entière de mon université parce qu'elle tombait littéralement en morceaux. D'autres parties du campus ne sont pas accessibles aux fauteuils roulants, faute de fonds. À l'échelle de la province, l'infrastructure n'a pas été entretenue depuis des années.
Au Manitoba, l'éducation postsecondaire est sur une pente dangereusement glissante. Il y a des limites au nombre de jours sans paye que peuvent prendre les enseignants et le personnel, il y a des limites à la réduction des heures d'ouvertures des bibliothèques et du nombre d'ouvrages qu'elles renferment, il y a des limites à l'augmentation des droits de scolarité et à l'imposition de frais nouveaux, il y a des limites aux obstacles dont peut être parsemé le système avant que quelque chose craque.
Ce que les Canadiens ont entendu, le 25 janvier 1995, quand 100 000 étudiants sont descendus dans la rue pour protester contre la mise en oeuvre de l'examen de la politique sociale, aux termes du quel Lloyd Axworthy proposait des compressions de plus de 4,5 milliards de dollars et un programme de remboursement des prêts en fonction du revenu, c'était le dos des étudiants qui craquait. Nous maintenons que la stabilisation et l'augmentation du financement doivent absolument faire part de la vision de ce que devrait être l'éducation postsecondaire dans ce pays. Qu'on ne s'y trompe pas, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants ne dit pas qu'on devrait recourir au financement privé ou aux subventions des entreprises; nous comptons en grande partie sur les fonds publics, par l'entremise d'un régime fiscal plus équitable pouvant assurer le financement, non seulement de l'éducation postsecondaire, mais aussi des soins de santé, de l'aide sociale et autres programmes sociaux d'importance.
Le financement par le secteur privé ou par des entreprises a déjà commencé à faire des ravages au Manitoba. Dans bien des cas, l'enseignement assorti de conditions imposées par les entreprises n'est tout simplement pas une éducation de qualité. Par exemple, je suis en train de me morfondre dans un cours enseigné par un expert conseil en environnement qui n'a aucune expérience de la recherche et seulement une compréhension très limitée des sujets discutés pendant les cours. Dans les collèges communautaires du Manitoba où, au nom de la réduction des coûts, l'embauche d'enseignants non permanents, voire même non syndiqués, se pratique depuis longtemps, nous constatons une baisse de la qualité et des lacunes dans le programme éducatif. Notre propre ministre de l'Éducation est le premier à appuyer le recours aux entreprises pour financer tous les niveaux d'éducation, y compris le primaire et le secondaire. À notre avis, c'est un gros problème.
Nous ne sommes pas entièrement opposés à un certain financement par les entreprises, mais si ça devait devenir une source de financement indispensable pour les établissements, nous pensons que ce serait dangereux. Lorsque nous voyons la terrible situation dans laquelle se trouvent les organismes subventionnaires à la suite de la réduction des fonds mis à leur disposition, nous commençons à nous demander si l'éducation postsecondaire ne va pas devenir un système de formation subventionné à l'intention des grandes entreprises.
La question qui s'impose est donc la suivante: Comment financer l'éducation? Dans sa version du budget fédéral qu'il a rendue publique hier, le Centre canadien de politiques alternatives propose des solutions pertinentes. Ce document, auquel la FCEE est fière d'avoir participé activement, présente une perspective nouvelle en vue du financement à long terme de l'éducation postsecondaire par le biais d'un régime fiscal plus équitable, d'une stratégie de l'emploi agressive, et de l'augmentation de l'activité économique qui en résulterait. Notre version du budget fédéral met de l'avant l'idée d'un fonds pour l'éducation postsecondaire, qui permettrait d'accorder des prêts et des bourses aux étudiants, d'augmenter les subventions aux étudiants autochtones qui, en passant, sont de plus en plus inquiets de la tendance du fédéral à se décharger de ses responsabilités aux dépens des provinces, de financer les organismes de recherche et un programme d'immobilisations ayant pour mandat de moderniser et de remettre à neuf l'infrastructure postsecondaire, et ce, dans le cadre d'une stratégie nationale de création d'emplois.
Je vais maintenant demander à M. Preston de parler un peu de la question de l'emploi, laquelle prend une importance croissante pour les étudiants du fait qu'il devient de plus en plus difficile de trouver du travail; après quoi nous vous présenterons d'autres recommandations que nous envisageons.
M. Preston: Le taux de chômage estival chez les étudiants tourne autour de 16 p. 100. Du fait de l'augmentation des droits de scolarité, aller à l'université coûte maintenant aux environs de 10 000 $ par an. Travailler pendant l'été est pour les étudiants un excellent moyen de pouvoir payer ces frais et rembourser leurs dettes. Souvent, les étudiants qui n'ont pas trouvé de travail pendant l'été ne peuvent retourner à l'université à l'automne et vont gonfler les rangs des jeunes chômeurs. Ce n'est pas comme ça qu'on crée une économie vigoureuse.
Il est vrai que le gouvernement fédéral a pris des initiatives en matière d'emplois d'été, comme celle qui a été annoncée hier, mais elles sont loin d'être suffisantes. Le financement de ces programmes est irrégulier. Parfois, les emplois ne cadrent pas avec les objectifs du programme. Par exemple, la création d'équipes vertes était une initiative qui devait permettre aux étudiants manitobains d'acquérir une expérience de travail dans le domaine de l'environnement. Ces étudiants se sont retrouvés à ramasser les ordures dans les rues de Winnipeg. À quel genre d'emploi futur est-ce que ça les a préparés? Ces étudiants universitaires n'ont acquis aucune expérience professionnelle.
La FCEE-Manitoba recommande l'adoption d'une loi sur l'éducation postsecondaire qui reposerait sur les principes suivants:
L'accessibilité, c'est-à-dire l'absence d'obstacles non académiques. Un système de subventions nationales, qu'Elizabeth décrira dans quelques minutes, ferait en sorte que les étudiants ne soient pas exclus pour des raisons économiques.
La gestion publique. Les établissements ne seraient pas des compagnies privées, mais des organismes sans but lucratif financés à même les deniers publics, ce qui garantirait que les Canadiens aient leur mot à dire sur l'orientation de l'éducation postsecondaire.
L'intégralité. Les étudiants se verraient offrir toute une gamme d'options allant du diplôme universitaire au diplôme d'un collège communautaire en passant par la formation professionnelle et l'éducation des adultes.
La transférabilité. Un problème courant pour les étudiants est qu'ils ne peuvent pas transférer tous leurs crédits d'un établissement à l'autre. Les histoires d'horreur varient, allant d'une étudiante qui a dû recommencer sa première année en entier à quelqu'un qui n'était qu'à quelques crédits de son diplôme et qui a presque était obligé de recommencer à zéro. Personnellement, j'ai eu toutes sortes de problèmes quand j'ai essayé de transférer mes crédits. Il y a un processus d'appel, mais ça prend du temps, et je me suis retrouvé avec seulement la moitié de mes crédits.
Mme Carlisle: Je sais que ce matin vous avez déjà beaucoup entendu parler de l'endettement des étudiants, du recours croissant aux prêts accordés par les institutions financières privées, ainsi que des problèmes qui en découlent. Depuis un certain nombre d'années, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants suggère, entre autres, de créer un système national de subventions. Je pense que ce que la FCEE a à dire au gouvernement fédéral en ce qui concerne les avantages des subventions par rapport aux prêts se résume ainsi: «Payez maintenant, ou payez plus tard».
Je pense que l'accroissement du nombre des faillites parmi les étudiants prouve clairement que financer l'éducation postsecondaire en leur accordant des prêts est une erreur fatale. Non seulement ces dettes, d'une ampleur semblable à celle d'une hypothèque, découragent les étudiants potentiels d'entreprendre des études postsecondaires, mais dans de nombreux cas, elles sont tout simplement impossible à rembourser. Si le gouvernement fédéral ne s'engage pas dès maintenant à financer l'éducation postsecondaire, il le paiera plus tard quand il devra rembourser les emprunts des étudiants et que toute une génération de diplômés sera économiquement et financièrement handicapée.
Nous voyons ici l'occasion pour le gouvernement fédéral de s'ériger en chef de file en façonnant un système canadien d'éducation postsecondaire plus viable. L'endettement des étudiants dans ce pays a atteint des proportions telles que l'on peut parler de crise. Il faut redresser l'embarrassante situation créée par le fait que le Canada n'a pas de système national de bourses et de prêts.
La FCEE applaudit la création de subventions pour initiatives spéciales à l'intention des étudiants handicapés, des étudiantes dans des domaines non traditionnels et des étudiants à temps partiel. Nous aimerions que ce système s'applique également aux étudiants ayant des responsabilités parentales et nous applaudissons les efforts en ce sens. Bien que les étudiants nous disent que ces subventions soient encore très insuffisantes, et que certains aient dit craindre qu'offrir des subventions supplémentaires serve d'excuse pour augmenter les droits de scolarité, pour nous c'est un pas dans la bonne direction. Notre version du budget fédéral offre quelques modèles illustrant comment ces subventions pourraient être financées à long terme.
M. Parsons: «Éponger la dette, être financièrement responsable, réduire le déficit», que signifient ces expressions pour les programmes comme l'éducation postsecondaire? Elles se traduisent par une réduction des effectifs et par l'obligation d'en faire plus avec moins. Nous les avons entendues un million de fois, mais qu'est-ce qu'elles veulent vraiment dire pour l'étudiant moyen? Je ne peux plus étudier tout le week-end parce que la bibliothèque n'est ouverte que quelques heures les samedis et dimanches après-midi. On y trouve de moins en moins de livres et de journaux scientifiques, ce qui rend plus difficile la rédaction des travaux de semestre. Au fur et à mesure que les droits de scolarité augmentent et que le fardeau financier de mes études pèse plus lourd sur mes épaules, il m'est de plus en plus difficile de payer les études dont je sais l'importance non seulement pour mon avenir, mais également pour celui de tous les Canadiens.
Il est rare, de nos jours, que l'on entende dire qu'il faut remettre de l'ordre dans nos finances, phrase qui était très à la mode il n'y a pas si longtemps. La vérité c'est que non seulement le gouvernement est en déficit, mais aussi que ses recettes ont diminué. Pourquoi a-t-il vu ses recettes fondre de façon aussi spectaculaire? En raison des allégements fiscaux qu'il accorde aux sociétés et aux riches particuliers. Ce n'est pas que la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants soit contre les sociétés, mais plutôt que nous aimerions que le fardeau fiscal soit également réparti entre les sociétés et les riches particuliers. De tous les pays du G-7, c'est au Canada que les sociétés payent le moins d'impôts. Les millionnaires peuvent s'en tirer en payant moins de 100 $ d'impôts.
Il existe des solutions au manque à gagner du gouvernement fédéral. Chaque année la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants participe à l'élaboration d'un budget parallèle au budget fédéral, en utilisant les mêmes méthodes économétriques que le fédéral. Il ne s'agit pas d'une liste de desiderata mais bien d'un budget parfaitement fonctionnel. Un système d'éducation postsecondaire entièrement accessible et financé à même les deniers publics est tout à fait possible.
Bien que ce ne soit qu'un élément relativement mineur de la question plus vaste qu'est l'instauration d'un régime fiscal équitable, la facilité avec laquelle le gouvernement fédéral peut donner suite à la demande de la FCEE concernant un allégement fiscal pour les étudiants rend cette suggestion d'autant plus attrayante. La FCEE recommande au gouvernement fédéral de prendre deux mesures qui pourraient mettre de l'argent dans la poche des étudiants. La première est de porter de 500 $ à 1 000 $ le montant maximum déductible au titre des subventions, des bourses d'études et des bourses de perfectionnement, et ce, pour tenir compte de l'inflation, la seconde serait d'inclure les cotisations syndicales et les droits accessoires au nombre des crédits d'impôt remboursables. On nous a dit que Paul Martin avait quasiment entériné ces propositions et nous espérons qu'elles figureront dans le tout prochain budget fédéral. En cette année d'élections, cela risque d'alimenter le cynisme des étudiants, que je trouve d'ailleurs bien fondé, mais nous ne sommes pas en mesure de nous passer du soulagement que ces mesures apporteraient aux étudiants.
Mme Carlisle: Nous avons terminé notre exposé. Nous vous remercions de votre attention.
[Français]
Nous serons vraiment heureux de vous répondre en français, si vous le désirez.
[Traduction]
Le président: Je vous remercie de cet excellent exposé. Je demanderais au sénateur Lavoie-Roux de poser les premières questions.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: Je suis un peu troublée par tout ce que j'ai entendu, particulièrement de la part des étudiants, depuis deux jours et peut-être même avant. Mais parlons des deux derniers jours, depuis que nous sommes à Regina. Je comprends que les frais ont augmenté, qu'il y a eu des coupures importantes dans les universités, dans les institutions postsecondaires, compte tenu des coupures du fédéral, compte tenu de l'autodéficit dans les provinces, et ainsi de suite.
À la page 3 de votre mémoire, vous dites:
[Traduction]
Un système postsecondaire abordable est un système dans lequel il n'y a aucun obstacle financier.
[Français]
Idéalement, je pense que l'on pourrait souhaiter cela à tout le monde mais, dans la vie réelle, je ne sais pas quels sont les moyens que vous proposez pour que l'on puisse arriver à un tel état de vertu. J'entends beaucoup de demandes des étudiants du niveau postsecondaire, mais il y a une réalité qu'il ne faut pas perdre de vue: au niveau élémentaire, au niveau secondaire, il y a encore plusieurs étudiants qui ne parviennent pas à franchir ces deux premières étapes parce que leur famille est trop pauvre, leur famille a trop de problèmes. À un moment donné, autant qu'il est naturel de demander qu'il n'y ait pas de barrière au niveau secondaire, il reste que les gouvernements, quels qu'ils soient, provincial ou fédéral, ont des responsabilités aux autres niveaux de l'éducation qui sont les seuls qui vont vous conduire au niveau postsecondaire, de toute façon. Alors, comment voyez vous cela? Est-ce que les gouvernements vont devoir enlever davantage à la santé, à la sécurité sociale? Si les gouvernements font des extravagances, et il y en a sûrement quelques-unes, vous pouvez les dénoncer, c'est le bon temps. Il reste qu'il faut quand même être réalistes, à savoir ce que sont les souhaits normaux à faire. Quelles sont vos suggestions pour que l'on puisse y arriver?
Mme Carlisle: Nous y avons pensé beaucoup et c'est une question valable. Il est vrai que si tout le monde suggère ce qu'ils veulent idéalement du système, cela peut être trop. Ce que nous proposons ce n'est pas aussi extrême que vous semblez le croire. Nous ne proposons absolument pas de faire une compétition entre les programmes sociaux, ce n'est clairement pas notre but.
Nous aimerions avoir une grande solidarité entre les secteurs de la santé, de l'éducation secondaire et primaire. C'est absolument critique que tous les niveaux de l'éducation soient financés d'une façon réaliste. Je crois qu'il est aussi très important de reconnaître que les choix que nos gouvernements font sont des choix. Certains choix de nos gouvernements auraient pu être faits différemment. C'est pour cela qu'on travaille sur les budgets alternatifs fédéraux parce qu'ils offrent des solutions qui sont vraiment viables. Par exemple, des solutions comme «collecter» les impôts qui n'ont pas été «collectés» pendant des dizaines d'années par notre gouvernement. Même si nous récoltions qu'une fraction de ces impôts, cela nous donnerait l'argent nécessaire pour tous les programmes sociaux pour les cinq ans à venir.
Ce sont des montants d'argent vraiment significatifs et cela ne devrait pas être oublié. Comme je l'ai dit, notre gouvernement fédéral, nos gouvernements provinciaux font des choix. Je crois que parfois on utilise comme excuse que l'économie nous fait faire cela, l'économie nous force à faire de tels choix mais, franchement, si notre gouvernement fédéral ne prend pas un rôle plus proactif en terme de l'économie, notre pays aura beaucoup plus de problèmes qu'il n'en a maintenant.
C'est un peu un cercle vicieux comme argument que de dire qu'il n'y a pas d'argent, alors c'est impossible. Je crois que le Canada n'a pas d'excuse d'avoir des enfants qui vivent dans la pauvreté, notre pays n'a pas d'excuse d'avoir des enfants qui ne peuvent pas franchir l'éducation postsecondaire parce que cela est possible. Le Canada a une richesse incroyable comparée à bien d'autres pays qui ont un système de frais pour les étudiants. Ce n'est pas une question de ne jamais payer, c'est une question de quand cela est réaliste, quand cela est plus efficace d'avoir des gens qui paient pour leur éducation. C'est plus efficace, selon nous, que les gens paient pour leur éducation lorsqu'ils ont l'argent.
Clairement, ce n'est pas vraiment juste d'avoir des étudiants qui gagnent peut-être 6 000, 7 000, 10 000 $ par année et que l'on paie pour leur éducation. Cela a beaucoup plus de sens que ceux qui ont des emplois, qui paient leurs impôts, paient pour leur éducation au moyen du système d'impôt dans notre pays, parce que c'est pour cela qu'il est fait.
Autrement, je ne vois pas pourquoi nous avons un gouvernement fédéral. Il devrait prendre un rôle vraiment proactif en terme de vraiment parler à haute voix et dire que l'éducation est une priorité, que la santé c'est une priorité, l'assistance sociale c'est une priorité. On n'a pas vu cela pendant les dernières années. On a entendu un gouvernement dire que l'économie les force à faire ceci et cela, et je me demande vraiment si, dans les autres pays du monde comme la Suède, Cuba et la France où les frais de scolarité...
Le sénateur Lavoie-Roux: Vous ne voulez quand même pas le système cubain?
Mme Carlisle: ... où les étudiants ont très peu de frais de scolarité ou, peut-être, des dons mensuels pour payer les autres coûts de l'éducation. D'autres pays ont des systèmes comme ceux-là. Si le Canada ne peut pas prendre les mesures pour arriver à ce point-là, c'est vraiment dommage.
Je crois que la Fédération ne devrait pas être mal comprise. On ne demande pas que cela se fasse maintenant, en ce moment, on demande que le gouvernement change ses priorités et que cela devienne un processus pour franchir ces niveaux de financement.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je dois vous féliciter pour votre français parce que ce n'est pas votre langue maternelle. Où l'avez-vous appris?
Mme Carlisle: J'ai été dans un programme d'immersion française pendant 12 ans.
Le sénateur Lavoie-Roux: Très bien. Si je vous comprends bien, selon vous, là où le gouvernement pourrait aller récupérer le plus d'argent, c'est par le truchement de l'impôt sur le revenu auprès des corporations ou des individus qui, selon votre analyse, réussissent à se soustraire à l'impôt ou n'en paient pas ou n'en paient pas suffisamment. Est-ce que vous pensez surtout à l'impôt des corporations ou à l'impôt des particuliers?
Mme Carlisle: Si vous êtes chanceux, les deux. Nous devrions vous faire parvenir les suggestions du budget alternatif, c'est tout expliqué là-dedans. Premièrement, nous proposons que l'on récolte les impôts qui n'ont pas été payés pendant des années. Par exemple, la famille Bronfman doit au gouvernement fédéral quelques centaines de millions de dollars. Si on récoltait cet argent cela donnerait environ 500 $ de rabais pour les frais de scolarité pour chaque étudiant dans ce pays. C'est seulement une famille qui doit 500 millions de dollars en impôts et c'est directement, c'est écrit en noir et blanc dans le rapport du vérificateur général du Canada. Alors ce n'est pas une question de donner.
Deuxièmement, augmenter les impôt des corporations, mais pas au point où ces corporations quitteraient le Canada. Ce n'est pas ce que l'on veut, mais les augmenter à un niveau raisonnable, et aussi avoir un système plus progressiste d'impôt pour les individus qui en ont les moyens dans ce pays.
Alors, nous devrions avoir plus de niveaux; réinstaurer les niveaux que notre ancien premier ministre Mulroney a changés. Il a changé les niveaux d'impôt pour avoir moins de niveaux dans les échelons de revenus plus élevés. On devrait réinstaurer ces niveaux-là et en ajouter quelques-uns pour avoir plus de niveaux d'impôt pour les gens les plus nantis dans notre pays.
Le sénateur Lavoie-Roux: Pour revenir à M. Bronfman, je pense qu'on ne fera pas son procès ici, il reste que c'est probablement dans le domaine corporatif, un des individus qui a le plus donné aux institutions universitaires.
Mme Carlisle: Oui, nous reconnaissons cela. Nous ne disons pas que c'est une mauvaise chose, ce n'est pas qu'on déteste les Bronfman, pas du tout. Nous disons simplement que ce n'est pas juste que les Canadiens normaux, qui gagnent 20, 30, 40 000 $ par année, doivent payer leurs taxes sous menace d'aller en prison, et que les Bronfman peuvent s'en tirer, ce n'est pas vraiment juste.
Le sénateur Lavoie-Roux: Là-dessus je suis d'accord avec vous. Quand vous parlez du budget alternatif, je m'excuse de mon ignorance, mais de quoi parlez-vous exactement?
Mme Carlisle: C'est un projet qui a été commencé il y a quelques années où un budget complet, un budget alternatif est fait en utilisant les mêmes processus économétriques et les mêmes données que ceux utilisés par le gouvernement fédéral. Il y a un groupe à Winnipeg qui s'appelle «Choices», c'est une coalition pour la justice sociale. Ils travaillent avec une autre association qui s'appelle le «Canadian Center for Policy Alternatives», et ce sont des économistes, des gens qui travaillent dans les secteurs sociaux des étudiants comme moi, des membres de la Fédération canadienne des étudiants et étudiantes, des gens qui sont sur l'assistance sociale, toute une coalition de gens qui travaillent sur ce budget et ils présentent une alternative.
Le sénateur Lavoie-Roux: Et où ce budget est-il publié?
Mme Carlisle: Il a été publié par le groupe qui travaille là-dessus. Il est disponible au sein de «Choices». Je peux vous donner l'adresse et le numéro de téléphone, je crois qu'il y a même un représentant ici dans la salle qui pourrait vous donner les documents aujourd'hui. Nous vous donnerons ces documents parce que je crois que c'est vraiment critique que vous les ayez.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Andreychuk: J'ai entendu aux nouvelles hier qu'on recommandait une augmentation massive des impôts. On parlait de 4 milliards de dollars, je crois.
Mme Carlisle: C'est exact. Il s'agirait de rajuster le régime fiscal et de revenir aux niveaux d'imposition qui étaient en vigueur avant que M. Mulroney ne les modifie.
Le sénateur Andreychuk: Ce monsieur disait que ça se traduirait par une augmentation des recettes fiscales de plusieurs milliards de dollars et que ça se passerait probablement dans un ou deux ans.
Mme Carlisle: Pour vous donner un ordre d'idée, si une famille riche devait 500 millions de dollars en impôts non payés, cela entrerait dans le montant total, par conséquent l'augmentation de ses impôts ne serait pas faramineuse. Elle serait tout à fait raisonnable.
Le sénateur Andreychuk: Il me semble vous entendre dire que si le fédéral et les gouvernements provinciaux mettaient plus d'argent dans le système d'éducation, il s'en porterait mieux. Avez-vous pensé à l'internationalisation de l'enseignement et à la nécessité d'être éduqué différemment? Les statistiques de l'OCDE et du G-7 indiquent que nous avons l'un des taux d'imposition le plus élevé et que nous devenons de moins en moins compétitifs?
J'ai été quelque peu choquée par la comparaison avec Cuba dont l'économie est en déroute. On ne peut rejeter l'entière responsabilité sur le blocus; la direction du pays est en faute aussi. C'est probablement la première fois que j'entends quelqu'un comparer l'économie du Canada à celle de Cuba.
Le sénateur Lavoie-Roux: Elle parlait de l'enseignement.
Le sénateur Andreychuk: Oui, mais de la façon dont le système d'éducation est financé.
Mme Carlisle: L'économie suédoise est clairement en difficulté et pourtant ce pays continue à donner la priorité au financement total de l'éducation postsecondaire.
Le sénateur Andreychuk: Mais pensez-vous que ce soit un système concurrentiel?
Mme Carlisle: En ce qui concerne la qualité?
Le sénateur Andreychuk: Oui.
Mme Carlisle: Je ne suis pas en mesure de le dire mais je pense que la qualité est une notion très ambiguë. La qualité se mesure selon des indicateurs différents et en fonction d'idées différentes. La Suède a certainement connu certains problèmes et son système d'éducation n'est probablement pas d'aussi bonne qualité que celui du Canada. Je pense également que le Canada est à la traîne pour ce qui est de la réputation internationale de son système d'éducation postsecondaire. Je ne pense pas que ce soit dû à la qualité du corps professoral ou des étudiants de ce pays; je pense plutôt que c'est dû au fait que nous n'avons pas les fonds nécessaires pour faire fonctionner le système. Ce dernier souffre visiblement d'un manque de fonds et cela a des répercussions sur la qualité de l'éducation.
M. Parsons: Pour en revenir à votre réflexion sur la fiscalité canadienne, de tous les pays du G-7 c'est au Canada que le taux de l'impôt sur les sociétés est le plus bas. En fait il est presque la moitié de ce qu'il est en France. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'au Canada les sociétés sont trop lourdement imposées.
Le sénateur Andreychuk: Pourriez-vous nous dire où vous avez trouvé ces données? J'arrive de délibérations sur la politique étrangère où j'ai été inondée de statistiques; ce que vous dites ne cadre pas avec ce que j'y ai entendu. De quel rapport avez-vous tiré vos chiffres?
Mme Carlisle: D'un document de l'OCDE sur les recettes des pays membres de l'OCDE, pour la période allant de 1965 à 1991.
Le sénateur Andreychuk: Mais de quel document exactement?
Mme Carlisle: Il s'intitule «Sources des recettes fiscales par type d'impôt dans les pays du G-7». C'est un document qui date de 1990. Si vous voulez, je peux regarder à la fin du livre pour voir comment s'appelle le document.
Le sénateur Andreychuk: Dites-moi de quel document vous parlez.
Mme Carlisle: Ce live a pour titre Japanese Economic Policies and Growth: Implications for Business in Canada and North America. Il porte sur la question de la mondialisation.
Le sénateur Andreychuk: Qui en est l'auteur?
Mme Carlisle: Mathou Nakamura et Lan Vertinski. Il y est dit qu'au Canada le taux d'imposition des sociétés est de 6,8 p. 100, soit inférieur à celui des États-Unis qui est de 7,3 p. 100, de la France qui est de 7,3 p. 100, de l'Allemagne qui est de 4,7 p. 100, de l'Italie qui est de 10 p. 100, du Royaume Uni qui est de 11 p. 100 et du Japon où il est de 21,5 p. 100. Il est clair que ces pays, en dépit de leur taux d'imposition des sociétés plus élevé, demeurent concurrentiels sur le marché mondial. Il est également clair que lorsqu'un gouvernement joue un rôle actif pour orienter l'économie, comme le fait le Japon, il peut avoir une influence marquante sur son orientation. C'est ça que nous voulons dire.
Ce que nous disons c'est que notre gouvernement doit comprendre que les choix économiques qu'il fait et les effets de ces choix sont une question de priorité. Nous réfutons l'argument selon lequel la mondialisation de l'économie nous enferme dans un carcan qui nous empêche d'accorder une valeur réelle à nos programmes sociaux. Nous pensons qu'en fait les programmes sociaux améliorent la position concurrentielle du Canada en tant que pays où faire affaire; nous savons tous qu'il existe une relation de cause à effet entre la qualité des programmes sociaux et la bonne santé de la main d'oeuvre.
Il est évident que les pressions à la baisse qui s'exercent sur les normes canadiennes depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain ne nous mènent nulle part en ce qui concerne l'économie mondiale.
Pour en revenir à l'éducation, qui est notre sujet de discussion aujourd'hui, je dirais que bien qu'il soit important que le système d'éducation postsecondaire soit cosmopolite, c'est-à-dire qu'il tienne compte des influences internationales, nous ne devons pas perdre de vue que ces dernières ne sont pas uniquement de nature économique. Il faut également tenir compte des valeurs culturelles. Le fait que la globalisation ait obligé nos universités et nos collèges à se faire connaître à travers le monde et à prouver que le Canada pouvait offrir une éducation de haute qualité est une bonne chose. Il est malheureux qu'on ait imposé des droits de scolarité différentiels pour les étudiants étrangers, mais c'est une autre question.
Le sénateur Andreychuk: Je suis sortie de l'université il y a 30 ans et, à l'époque, on acceptait n'importe quel emploi à temps partiel que l'on pouvait trouver. J'ai travaillé dans une cafétéria, j'ai été femme de ménage, j'ai vendu du pop-corn dans un cinéma, et pour moi tous ces emplois ont été des expériences enrichissantes qui m'ont ouvert des horizons nouveaux et qui m'ont appris à traiter avec les gens.
Je trouve intéressant que vous estimiez que ramasser des ordures soit, tant d'un point de vue éducatif qu'environnemental, une perte de temps. Il n'en demeure pas moins que c'est un moyen de gagner de l'argent et d'apprendre quelque chose.
M. Parsons: Je suis certain que ça peut être une occasion d'apprendre, mais le but du programme était de permettre aux participants d'acquérir de l'expérience sur les questions environnementales et je ne pense pas que ramasser des ordures les ait préparés à travailler dans le domaine de l'environnement. Je ne nie pas que ce travail ait une certaine valeur, mais il n'était pas très bien rémunéré et il n'a pas aidé les étudiants à payer leurs droits de scolarité ou à vivre pendant les huit mois que dure l'année universitaire.
Si les étudiants étaient mieux payés, cela irait beaucoup mieux. En outre, 16 p. 100 des étudiants ne trouvent pas de travail pendant l'été.
Le sénateur Andreychuk: En bref, il n'y a pas assez d'emplois d'été bien rémunérés?
Mme Carlisle: Exactement. Il y a un gros décalage entre l'augmentation du taux d'inflation et l'augmentation des droits de scolarité. L'augmentation des droits de scolarité est de plusieurs fois supérieure à ce qui est imputable à l'inflation. Il y a 10 ans, les droits pour une année complète étaient de 500 $; aujourd'hui, ils sont de plus de 2 500 $. Travailler au salaire minimum permettait peut-être de payer les factures il y a 10 ans, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ça ne couvre pas le loyer, les livres, les droits de scolarité et autres, et tous les autres frais qu'encourent les étudiants.
Ce que nous disons ce n'est pas que les étudiants ne veulent pas occuper des emplois qui leur donneront une précieuse expérience de la vie ou qu'ils se pensent trop bons pour certains emplois, mais plutôt que les étudiants et les gens en général -- nous ne parlons pas uniquement des étudiants -- ont besoin d'un salaire qui corresponde au coût de la vie dans la société d'aujourd'hui.
Le sénateur Forest: J'aimerais qu'on revienne un peu sur l'idée d'imposer plus lourdement les sociétés, sur le rôle de chef de file que le gouvernement peut jouer dans le domaine de l'éducation et sur le fait que nous sommes à la traîne en matière de recherche et sur la scène internationale.
Je suppose que vous aimeriez avoir plus d'argent non seulement pour aider les étudiants à boucler leur budget, mais aussi pour financer le genre de recherche qui rendrait nos diplômés concurrentiels à l'échelle mondiale.
Mme Carlisle: Vous soulevez un point important. J'ai dit dans mon exposé que les conseils subventionnaires étaient affectés, comme tout le monde, par les compressions.
La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants serait en faveur d'un programme similaire au U.S. Work Study Program qui permet aux étudiants d'acquérir une expérience du travail sur le campus même et qui est financé pour la moitié par le gouvernement fédéral. En passant, il en coûterait au gouvernement fédéral à peu près autant que d'administrer le système de prêts étudiants. Un tel programme de travail-études permettrait d'employer des centaines d'étudiants qui, à l'heure actuelle, dépendent de leur prêt étudiant. Ce serait une façon de donner un coup de pouce aux importants travaux de recherche qui ont lieu dans ce pays.
La Fédération recommande également que l'on augmente le financement des conseils subventionnaires. Il est évident que si la recherche pâtit, le système tout entier est touché. Toute faculté qui fait du bon travail fait de la recherche. Si la faculté et les étudiants diplômés n'ont pas les fonds nécessaires pour faire de la recherche, il en résulte une dégradation similaire à ce dont nous sommes témoins actuellement.
Le sénateur Perrault: Tous les pays du Pacifique sont en pleine expansion. Y a-t-il, dans les universités que vous représentez, des programmes conçus pour faire des Canadiens des participants actifs dans la région du Pacifique, autrement dit, pour créer des emplois pour les jeunes dans cette région? Quelle est l'étendue de votre formation linguistique et culturelle concernant les pays du Pacifique?
Mme Carlisle: L'Université de Winnipeg, où nous sommes tous deux étudiants, ainsi que l'Université du Manitoba et autres établissements de la province, ont envoyé des missions spéciales dans la région du Pacifique dans le but de procéder à des jumelages avec des universités et des collèges dans les pays du Pacifique. Nous sommes jumelés avec, je crois, une université à Hong Kong. De nombreux étudiants prennent part aux programmes de formation linguistique et aux programmes pédagogiques qui sont offerts au Japon, en Corée et à Hong Kong, donc on y voit.
Je pense qu'il faut se garder de ne pas miser uniquement sur la région du Pacifique pour guérir tous les maux du système. Nous devons prendre soin de respecter la culture et les méthodes de chacun d'entre nous. Il faut avancer prudemment, mais les choses bougent.
Le sénateur Perrault: Le collège Capilano, en Colombie-Britannique, a créé un programme coopératif pour former des jeunes de toutes les régions du Canada aux langues, à la culture et à l'histoire des nations du Pacifique. Le collège joue un rôle clé pour aider les compagnies canadiennes à faire des affaires dans cette partie du monde. Il collabore avec les gouvernements et avec le ministère des Affaires étrangères. Je pense qu'un plus grand nombre d'établissements devraient partager cette expérience.
Ma prochaine question a trait à la révolution des communications dont nous sommes témoins. On nous dit que 55 millions de personnes ont accès à l'Internet et que 20 millions ont un ordinateur. Est-ce que votre université suit les progrès de la technologie? Est-ce que les compressions empêchent les jeunes de se tenir au courant de ces progrès? Avez-vous des ordinateurs modernes à l'université? Êtes-vous en rapport avec d'autres établissements d'enseignement au Canada et, dans l'affirmative, quel genre de renseignements échangez-vous?
M. Parsons: L'Université de Winnipeg vient juste d'installer des ordinateurs dans de grandes salles où tous les étudiants de l'université ont accès à l'Internet.
Le sénateur Perrault: Est-ce qu'ils s'en servent pour faire de la recherche?
M. Parsons: Autant que je le sache, oui.
Pour remettre la révolution des communications dans son contexte, il ne faut pas oublier que la moitié de la population mondiale ne s'est jamais servie d'un téléphone.
Le sénateur Perrault: Certains pays n'y participent pas très activement.
M. Parsons: C'est exact. La technologie peut être un outil d'apprentissage très utile, mais elle peut aussi devenir dangereuse si on commence à compter uniquement sur les ordinateurs pour enseigner et si on n'a plus accès à des professeurs en chaire et en os. Je pense que ce serait nuisible.
Le sénateur Perrault: Cette opinion a été exprimée ailleurs et j'y souscris. Il faut qu'il y ait un échange d'idées directement entre personnes, n'est-ce pas?
M. Parsons: Absolument.
Le sénateur Perrault: La technologie peut être un complément utile. Est-ce qu'elle peut aider à relever le défit de l'éducation dans les régions isolées de votre province?
Mme Carlisle: Oui, l'éducation à distance est grandement facilitée par les télécours et autres types de communication électronique.
Le sénateur Perrault: Est-ce que ces installations existent au Manitoba?
Mme Carlisle: En fait, l'Université de Winnipeg joue un rôle de chef de file dans la mise en place de programmes de ce genre, et ce, à cause des compressions. S'il y a un côté positif -- ou plutôt un sous-produit des compressions -- c'est peut-être celui-ci. Les gens doivent trouver des façons plus novatrices de communiquer.
Permettez-moi de répéter ma mise en garde contre le danger de miser trop lourdement sur la technologie. La technologie ne vaut que par l'utilisation qu'on en fait. Grâce à l'éducation à distance, on a fait de nombreux progrès, non seulement dans le nord du Manitoba, mais aussi dans le nord-ouest de l'Ontario, et ce, à partir du Manitoba.
Le sénateur Perrault: Est-ce que les étudiants peuvent obtenir des crédits universitaires complets ou seulement partiels?
Mme Carlisle: Oui, ils peuvent suivre par téléenseignement des cours donnant droit à crédit. Nous les encourageons, s'ils le peuvent, à venir à Winnipeg visiter l'université et rencontrer les professeurs qu'ils voient à la télévision ou, au moins, à leur téléphoner ou à communiquer par courrier électronique.
Le sénateur Perrault: Est-ce que ce programme est bien financé?
Mme Carlisle: C'est dur. On y arrive parce qu'il y a beaucoup de gens intelligents et créatifs à l'Université de Winnipeg et à l'Université du Manitoba.
Le sénateur Forest: Donner des cours à la télévision demande des talents spéciaux, je présume.
Mme Carlisle: Oui, ça demande une certaine formation. Tous les professeurs ne l'ont pas. Il est certain que ça demande des efforts supplémentaires de la part du corps professoral. Winnipeg a de la chance car depuis un certain nombre d'années c'est un centre riche en talents dans ce domaine.
Le sénateur Perrault: Combien d'étudiants étrangers avez-vous à l'Université de Winnipeg?
Mme Carlisle: Un nombre sans cesse décroissant, je pense.
Le sénateur Perrault: Pourquoi est-il en baisse?
Mme Carlisle: À cause de la récente entrée en vigueur de droits différentiels. Avant, l'Université de Winnipeg avait près du double de ce qu'elle a maintenant. Je pense que c'est de l'ordre de 200 étudiants sur un total de 6 500.
Le sénateur Perrault: Les étudiants étrangers représentent une source de revenu pour certains établissements, n'est-ce pas?
Mme Carlisle: Pas vraiment, à cause des droits différentiels. Les revenus que procuraient les droits ont diminué proportionnellement au nombre d'étudiants qui ne se sont pas inscrits, ce qui est un problème.
Le sénateur Perrault: Seriez-vous en faveur d'un nombre plus élevé d'étudiants étrangers au Canada, à condition qu'ils ne prennent pas la place d'étudiants canadiens?
Mme Carlisle: Nous ne voulons pas voir arriver des étudiants sans aucun encadrement. C'est vraiment difficile de venir ici et de devoir apprendre une seconde ou une troisième langue et une nouvelle culture. Les étudiants étrangers de notre université nous ont raconté des histoires horribles qui sont le résultat du manque d'encadrement faute de fonds. Il faut que ce soit un tout.
Le sénateur Perrault: Mais ce que vous dénoncez avant tout aujourd'hui, si je puis m'exprimer ainsi, c'est la baisse de la qualité de l'enseignement causée par des compressions budgétaires trop sévères. Est-ce bien cela?
Mme Carlisle: Tout le monde essaye de se débrouiller, mais je pense qu'il y a déjà un certain nombre d'années que le système est sur le point de craquer. Il faut redresser la situation avant qu'il ne soit trop tard, surtout pour ce qui est de l'infrastructure et des programmes d'immobilisation. Les enseignants sont épuisés par la surcharge de travail et par des journées de travail non rémunérées, par le manque de ressources et le manque d'aide en ce qui concerne les assistants. Les étudiants sont écrasés par l'endettement et par l'augmentation des droits de scolarité. Je pense que l'ensemble de la situation n'augure rien de bon pour le pays.
Le sénateur Perrault: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: J'aimerais remercier les représentants de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants au Manitoba pour son excellent mémoire et pour avoir répondu à nos questions.
M. Parsons: Nous avons quelques affiches et de la publicité électorale que nous allons laisser pour les membres du comité
Le président: Nous avons maintenant avec nous M. Hoops Harrison, du Council of Alberta Students' Union.
M. Hoops Harrison: Je vous remercie. Honorables sénateurs, témoins et invités, j'aimerais commencer par dire quel honneur c'est pour moi d'être ici et combien une enquête fédérale sur l'éducation postsecondaire arrive à point nommé. Bien que l'éducation postsecondaire relève des provinces, le Council of Alberta Students' Union estime qu'une optique résolument nationale est nécessaire.
Avant de commencer, j'aimerais dire que, si les sénateurs sont intéressés, quand ils auront terminé leur enquête sur l'éducation postsecondaire, ils pourront envisager une enquête sur le transport aérien, les bagages et les correspondances.
Le sénateur Andreychuk: Surtout pour Regina. J'appuie la suggestion.
M. Harrison: J'ai été scout pendant quelques années et je me vante d'être toujours prêt. Toutefois, rien de ce qu'on m'a appris alors ne parlait de ne pas mettre son exposé dans ses bagages. Je suis arrivé à Regina sans mes bagages, sans ma documentation, et donc bien mal préparé; j'ai noté quelques idées dans le taxi en venant de l'aéroport.
M. Harrison: Aujourd'hui, je porte deux chapeaux. Je suis ici en ma qualité de représentant du Council of Alberta Students' Union, qui représente quelque 60 000 étudiants de l'Université de l'Alberta, de l'Université de Calgary, de l'Université de Lethbridge, de l'Université d'Athabasca, ainsi que les deux associations d'étudiants diplômés des Universités de Calgary et de Lethbridge. Je suis également directeur régional de l'Alliance canadienne des associations d'étudiants, qui représente 153 000 étudiants de tout le pays. La situation politique de l'Alberta a sérieusement diminué le nombre de représentants en mesure de venir témoigner. Comme vous le savez, j'en suis sûr, les élections provinciales ont été déclenchées récemment, et nous ne savons plus où donner de la tête.
J'aimerais aborder trois sujets: une optique nationale, l'endettement des étudiants, et la transition entre les études et le marché du travail.
Tout d'abord, j'aimerais dire que je suis fier d'être Canadien et fier de notre société. Après tout, les Nations Unies nous ont choisi comme étant le meilleur pays du monde et Forbes Magazine a choisi Toronto comme étant la ville la plus agréable d'Amérique du Nord.
Le sénateur Perrault: Je n'étais pas au courant.
Le sénateur Lavoie-Roux: Venant de Montréal, je trouve cela un peu surprenant, mais tant mieux pour eux.
Le sénateur Andreychuk: Je trouve rafraîchissant que ces commentaires viennent d'un Albertain. C'est de ce genre d'unité dont nous avons besoin.
M. Harrison: J'allais ajouter que, de toute évidence, Steve Forbes ne connaît pas Edmonton.
Du point de vue des étudiants, ce qu'il nous faut c'est un engagement ferme envers le système d'éducation postsecondaire. Un des témoins précédents a fait allusion aux pays du G-7. Je crois comprendre que la majorité d'entre eux ont des programmes d'éducation nationale très forts et des programmes de prêts et bourses bien établis. Toutefois, le Canada semble se trouver à l'arrière du peloton à cet égard.
Au Canada, il existe de grandes variations d'un établissement à l'autre, et la mobilité est en gros réservée à ceux qui en ont les moyens. Comme je le disais plus tôt, les étudiants albertains ne peuvent pas se servir de leur prêt étudiant de l'Alberta pour aller étudier ailleurs au Canada dans un établissement qui, à leur avis, offre un meilleur programme ou une alternance travail-études, comme l'Université de Waterloo, par exemple.
L'endettement moyen des étudiants est, comme vous l'avez entendu dire à maintes reprises, de 17 000 $ et sera probablement de 25 000 $ d'ici 1998. En termes concrets, cela représente environ trois années de salaires après l'université. Pour beaucoup, cela a un effet dissuasif. J'ai parlé à beaucoup de gens qui ont refusé d'aller à l'université car ils estiment que ça ne leur sera pas très utile compte tenu de la baisse sensible de la qualité de l'éducation. Par ailleurs, leurs chances de trouver du travail à la sortie de l'université leur semblent douteuses.
Permettez-moi de souligner que, bien que les droits de scolarité soient beaucoup plus élevés aux États-Unis qu'au Canada, l'endettement moyen des étudiants, exprimé en dollars canadiens, y est inférieur.
Le sénateur Perrault: Savez-vous de combien il est aux États-Unis?
M. Harrison: Selon un document de 1993, l'endettement moyen des étudiants canadiens est de 13 000 dollars canadiens contre 11 000 dollars canadiens pour les étudiants américains.
Les États-Unis ont un programme de prêts et bourses pour les étudiants pauvres qui est bien établi et très perfectionné. Nous aimerions voir quelque chose de similaire au Canada. En Alberta, presque toutes les bourses accordées en fonction des besoins ont été éliminées et remplacées par des prêts. Bien qu'on nous dise que cela ne nuira pas à l'accessibilité, le niveau d'endettement que les étudiants prévoient à la fin de leurs études demeure un élément dissuasif.
L'emploi est un sujet d'inquiétude pour les étudiants qui se demandent si l'éducation qu'ils reçoivent à l'université les prépare bien pour le marché du travail, s'ils auront les compétences nécessaires pour occuper un emploi. Et bien sûr toutes ces questions ont un rapport avec l'endettement des étudiants. Quand on sait qu'on va trouver un emploi bien rémunéré dans un domaine correspondant à ce qu'on a étudié, on est probablement disposé à se mettre une hypothèque sur le dos, mais si les perspectives d'emploi ne sont pas bonnes, on choisit une autre voie. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est souhaitable que notre société soit instruite.
Je n'essaye pas de justifier la situation dans laquelle notre pays se trouve du point de vue financier, mais même si on gelait le financement au niveau actuel, la question de l'employabilité des étudiants ne serait pas réglée.
En coopération avec le sénat de l'Université de l'Alberta nous avons envoyé un questionnaire à plus de 100 compagnies dans tout le Canada et nous avons fait des recherches sur plus de 420 sociétés dans différents secteurs industriels. Nous avons ensuite combiné les renseignements ainsi obtenus aux résultats des enquêtes menées auprès des étudiants sur le campus pour essayer de cerner la demande et la comparer à ce qu'offre l'université. Comme n'avions rien de semblable pour faire une comparaison, notre rapport, en date du 10 février 1997, ne contient ni recommandation ni conclusion; c'est plutôt un document de travail.
Nous avons découvert des choses assez étonnantes, peut-être pas pour les étudiants, mais certainement pour l'administration.
On avait demandé aux industries d'indiquer, par ordre de priorité, quelles étaient les compétences qui étaient exigées dans leur secteur. La capacité de communiquer figure en tête. Des 420 industries qui ont répondu, 90 p. 100 demandent des candidats qu'ils sachent communiquer. Nous avons réparti les réponses par secteur et, dans le secteur gouvernemental, seulement 30 p. 100 ont dit qu'il fallait être efficace... je ne mens pas.
Le sénateur Perrault: C'est choquant.
M. Harrison: Je ne mens pas.
Le sénateur Lavoie-Roux: Êtes-vous surpris?
Le sénateur Andreychuk: C'est amusant.
M. Harrison: Les chiffres qui figurent dans le coin gauche de ce document représentent la moyenne pour tous les secteurs. Quand j'aurai récupéré mes bagages, je me ferai un plaisir de vous envoyer la ventilation exacte par industrie.
Nous ne voulons pas que les études universitaires en viennent à dépendre de l'entreprise ou des possibilités d'emploi, mais 87 p. 100 des étudiants interrogés ont dit que, s'ils allaient à l'université, c'était surtout pour améliorer leurs possibilités de carrière. Comme les étudiants doivent payer une part de plus en plus grande du coût de leurs études et comme ce sont de futurs consommateurs, il faut répondre à leurs attentes.
Le type d'éducation offert est important. Non seulement les étudiants veulent acquérir le bagage théorique, mais ils veulent aussi avoir les habiletés pratiques qui leur permettront de trouver du travail après l'obtention de leur diplôme. Soixante-treize pour cent des répondants demandaient d'une manière ou d'une autre des études plus directement liées au monde du travail: meilleur taux de placement; plus de salons des carrières; plus d'expérience pratique et directe, notamment au moyen de programmes coopératifs, de programmes d'encadrement, de jumelage-observation, et j'en passe.
L'Université de l'Alberta n'offre pas assez de programmes directement liés au monde extérieur, si vous comprenez ce que je veux dire. Nos programmes couvrent très bien les éléments théoriques, mais les éléments pratiques sont rares. La question qui se pose est donc: l'université doit-elle être une tour d'ivoire où l'on entre simplement par amour du savoir, ou faut-il que ce soit un lieu de formation à l'emploi? À notre avis, ce n'est pas nécessaire qu'elle se situe à l'un de ces pôles; elle devrait être quelque part entre les deux. L'enseignement universitaire devrait suivre l'évolution de la société. Certains m'ont dit: «On va à l'université pour acquérir des connaissances, et non une formation pratique. Si c'est une formation pratique que l'on veut, il faut aller à un collège ou à un institut technique.» Mais de dire à un étudiant qui a accumulé entre 25 000 $ et 30 000 $ de dettes qu'il doit aller au collège s'il ne peut pas avoir d'emploi après l'université, c'est absurde.
Je ne sais pas de quoi je devais parler ensuite. J'aimerais bien avoir mon texte. Je peux peut-être passer à la question de la technologie.
D'abord, la technologie est un instrument, et non le principe de base de l'éducation. L'enseignement à distance me fait peur, parce que je ne veux pas que cela en vienne à remplacer l'université. Comme on l'a dit au cours des discussions en table ronde, la vie étudiante présente beaucoup d'avantages impondérables, et il ne faut pas les éliminer pour réduire les effectifs.
Pour répondre à la question du sénateur Perrault sur l'accès à l'Internet, l'Université de l'Alberta compte 30 000 étudiants et a très peu d'espace à consacrer aux salles d'ordinateurs. Tous les étudiants de l'Université de l'Alberta ont un compte Internet qu'on leur ouvre au moment de leur inscription, mais seulement un petit nombre d'entre eux peuvent réellement s'en servir, parce que les lignes de modem sont très occupées et que les salles d'ordinateurs servent pour des cours.
La solution, c'est d'acquérir plus de modems pour les ordinateurs. Toutefois, la société Telus, en Alberta, a le monopole des communications et la mainmise sur l'installation de ces nouvelles lignes. Pour le moment, le coût est exorbitant. Tout ce que nous pouvons faire, c'est entasser nos étudiants comme des rats de laboratoire et limiter leur temps d'accès à cinq minutes.
Le président: Merci, monsieur Harrison. Vous vous en êtes très bien tiré sans votre texte.
Le sénateur Andreychuk a une question pour vous.
Le sénateur Andreychuk: Mis à part le recours aux statistiques et aux comparaisons avec d'autres pays, comment croyez-vous qu'on puisse amener les politiques, les gens d'affaires et même les enseignants eux-mêmes à changer d'attitude, à admettre que l'éducation doit susciter un engagement national plus ferme et qu'il faut simplement la considérer comme un investissement?
M. Harrison: Je crois que les facteurs nécessaires sont déjà en place. Franchement, nous avons besoin du leadership de nos élus pour amener les responsables à traiter le problème à fond. Je ne crois pas que nos élus puissent régler les problèmes à notre place. Je crois que tous les étudiants sont d'accord pour dire que, en bout de ligne, ce qui importe, c'est l'accès à un enseignement de qualité. Je crois que les entreprises connaissent la valeur de l'université, parce qu'elles profitent des travaux de recherche et développement qu'on y accomplit.
Nos problèmes actuels sont évidemment de nature financière. Les Albertains, qui se classent deuxièmes au pays en matière de séparatisme et qui sont passablement de droite, considèrent les contributions du secteur privé comme l'une des solutions aux problèmes de financement. Je suis très partagé sur cette question. D'une part, je m'inquiète au sujet de l'intégrité des institutions mais, d'autre part, je vois bien les avantages. Je ne veux pas que la composante Golden Bears de l'Université de l'Alberta devienne la composante Golden Coca-Cola, par exemple.
Le sénateur Perrault: Ou un Centre informatique McDonald.
M. Harrison: Je n'aurais rien contre un Centre informatique IBM. Quand même, chaque don crée un lien. Si l'on a un régime de financement public pour l'éducation, c'est pour pouvoir établir des normes. Si le gouvernement fédéral établissait des normes d'enseignement que toutes les institutions doivent respecter, les commanditaires devraient aussi les respecter, et ce serait acceptable. Dans l'état actuel des choses, il n'existe aucune norme, et ça me fait peur. Je pense, par exemple, à la Richard Ivy Business School, dans l'ouest de l'Ontario, et à des commentaires que certains ont formulés ici même un peu plus tôt.
Le sénateur Forest: Je vous remercie de votre exposé, Hoops. Vous avez fait honneur à l'Alberta.
Vous avez parlé de l'importance d'avoir une vision nationale, et je suis passablement d'accord. Dans un sens, vous n'avez que fait allusion à ce qu'on pourrait établir à l'échelle nationale. Pourriez-vous nous dire, s'il n'en tenait qu'à vous de définir cette vision nationale, quels seraient les points ou les perspectives que vous fixeriez, concernant les lignes directrices ou la loi sur l'éducation au Canada, comme quelqu'un a dit? Quels sont les autres facteurs que vous considérez comme les plus importants en matière d'éducation postsecondaire au Canada et qui pourraient nous ramener à la fine pointe de la connaissance?
M. Harrison: Je suis vraiment désespéré de ne pas avoir mon texte, parce que j'avais la réponse à cette question. L'alliance canadienne des associations étudiantes a rédigé et présenté une sorte d'ébauche de loi sur l'enseignement postsecondaire qu'elle ne craindrait pas de voir adopter, précisant les différents éléments qu'elle aimerait y voir inscrits.
Évidemment, les deux premières choses qui viennent à l'esprit, c'est la volonté d'assurer un enseignement accessible et de qualité, et l'adoption d'une norme qui assure une véritable mobilité telle que définie dans notre Constitution. Si je voulais étudier la biologie marine de l'Atlantique, ou quelque chose comme ça, je pourrais le faire en Alberta. Dans l'état actuel des choses, vous savez, c'est vraiment difficile pour les étudiants de l'Alberta qui étudient la biologie marine, car l'Université de l'Alberta a un département, mais pas d'océan, et les étudiants ne peuvent pas avoir d'aide financière pour aller étudier cela dans une autre province.
Le sénateur Perrault: Vous ne pouvez pas utiliser un lac artificiel ou quelque chose du genre?
M. Harrison: Non.
Le sénateur Forest: Nous avons un institut des sciences marines sur l'île de Vancouver. Comment s'appelle-t-il? Vous avez le nom quelque part.
Le sénateur Perrault: Nanaïmo.
Le sénateur Forest: C'est ça.
M. Harrison: Oui, mais le problème, c'est que, si je n'ai pas d'argent ou si ma famille n'en a pas, il n'y a pas d'aide financière aux étudiants qui me permettrait d'y aller.
Le sénateur Perrault: C'est juste.
M. Harrison: L'accessibilité et la qualité de l'éducation, c'est aussi ce qui fait la valeur des universités canadiennes quand les diplômés arrivent sur les marchés mondiaux, hors du pays, avec un diplôme de l'Université de Lethbridge ou de l'Université de Calgary ou de n'importe quelle autre. Il faut qu'on ait tous les outils nécessaires, parce que, franchement, nous faisons concurrence à des pays qui ont des normes d'éducation universitaire beaucoup plus strictes que nous, vous savez.
Le sénateur Forest: C'est la valeur du diplôme qui est en jeu.
M. Harrison: Oui, absolument, parce que c'est ce qui permet à un diplômé de vendre ses services. Je ne sais pas comment un programme d'administration des affaires de l'Université de l'Alberta peut faire concurrence à celui de l'Université du Michigan. Les systèmes universitaires fonctionnent selon un régime de financement public dans ces deux pays, mais ce sont deux choses différentes. L'autre élément qui me vient à l'esprit, c'est la reconnaissance professionnelle des enseignants à l'échelle nationale. Les enseignants doivent avoir une forme de reconnaissance professionnelle pour enseigner dans une université canadienne, et peut-être aussi dans des collèges et des instituts techniques. L'un des plus gros problèmes des étudiants, en Alberta, c'est que les professeurs sont engagés davantage pour faire de la recherche que pour enseigner, et choisis davantage pour la recherche qu'ils pourront effectuer que pour leur compétence d'enseignant. Un processus d'évaluation de l'enseignement est mis en oeuvre par une association étudiante, mais il n'y a rien, actuellement, au sein des facultés, qui oblige les professeurs à appliquer les recommandations ou à se préoccuper des résultats, quels qu'ils soient. En tant que nation, si nous avions un processus national de reconnaissance professionnelle des enseignants, nous aurions l'assurance que nos professeurs sont là pour enseigner, ainsi que pour faire de la recherche, mais ils devraient tous répondre à une certaine norme. Ce sont trois facteurs qui me viennent à l'esprit pour le moment. Si d'autres me reviennent plus tard au cours de mon exposé, je vous les dirai à mesure.
Le sénateur Forest: Je pense que l'une des préoccupations de l'Université de Calgary, pendant que j'étais là, et c'est probablement encore plus vrai maintenant, c'est qu'un grand nombre de professeurs permanents donnent les cours de deuxième cycle et les cours supérieurs, mais que les étudiants de première année doivent se contenter des assistants, qui font de leur mieux, mais qui n'ont pas les mêmes qualifications.
M. Harrison: Absolument.
Le sénateur Forest: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Le président: Au sujet de votre réponse quant aux facteurs que vous jugeriez essentiels, quand vous aurez récupéré vos documents, puisque vous avez tout cela par écrit, vous pourriez peut-être nous en envoyer une copie...
Le sénateur Perrault: En effet, nous aimerions les voir.
Le président: ... afin que nous puissions tous les voir et les ajouter à nos dossiers. M. James van Raalte peut vous donner une carte, si ce n'est déjà fait, ou notre recherchiste, pour que vous nous les fassiez parvenir à votre retour à la maison, parce que nous ne voulons pas rater tous ces points que vous soulignez dans ce mémoire que vous n'avez pas encore récupéré.
M. Harrison: Certainement.
Le président: La parole est maintenant au sénateur Lavoie-Roux.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je ne reviendrai pas à la question que j'ai posée ce matin, parce que vous avez au moins un certain programme d'évaluation des enseignants ou des professeurs. C'est une bonne chose. Je veux cependant souligner un point, c'est la participation de votre université ou des universités de tout le pays à la vie communautaire. En effet, ce ne sont pas toutes les universités qui demandent plus d'argent, que ce soit par l'intermédiaire des étudiants, des professeurs, du recteur ou d'autres représentants. Quoi qu'il en soit, en bout de ligne, cet argent vient de la population. Les universités n'ont jamais été très bonnes pour tisser des liens importants avec la collectivité qu'elles servent et savoir ce qu'elle demande. Bien sûr, elles enseignent aux jeunes de cette collectivité, mais ce n'est pas de cela que je parle. Vous savez ce que je veux dire. N'oublions pas que le gouvernement, les politiques et les autres sont très sensibles aux pressions de l'ensemble de la collectivité, parce qu'ils veulent conserver son appui. Ma question est donc: à quel point participez-vous à la vie communautaire, et savez-vous ce qu'il en est des autres universités de l'ouest du Canada?
M. Harrison: Si le recteur de l'université, M. Roger Fraser, était ici, je suis sûr qu'il pourrait vous dire fièrement tout ce que fait l'université. Cependant, pour ma part, je suis beaucoup plus au courant de ce que fait l'association étudiante au sein de la collectivité, auprès de l'ensemble des étudiants. En payant leurs frais de scolarité, tous les étudiants donnent 50c. à un fonds, le fonds Eugene Brodie, voué aux oeuvres de charité. Donc, chaque année, environ 15 000 $ sont donnés par les étudiants aux organismes de charité et à des activités de financement d'oeuvres de charité. L'association étudiante a aussi un coordonnateur des relations avec la collectivité chargé de s'assurer que, lors de tout événement communautaire, les étudiants participeront, seront tenus au courant et tout ça. C'est encore un exemple des services aux étudiants qui ont été confiés à l'association étudiante quand on a exercé des compressions à l'université. Nous avons ainsi assumé un rôle de plus en plus important. Même si j'aimerais beaucoup promouvoir la participation de mon université à la vie communautaire, je crois personnellement que les étudiants en font plus sur ce chapitre, selon le fonctionnement actuel. C'est peut-être très bien ainsi. Je ne prendrai pas position là-dessus pour le moment. Je me contente de dire que je suis content du fonctionnement actuel et que j'aimerais que les étudiants aient plus de financement.
L'autre face de la participation à la vie communautaire dont je peux vous parler, c'est la campagne de levée de fonds de l'université, une première. Ainsi, dans ce contexte, l'université reçoit plus d'argent de la population. Tout en parlant, j'essaie de me souvenir d'autres éléments. Il y a le programme d'athlétisme de l'Université de l'Alberta, qui favorise ces activités au niveau secondaire et permet à des écoliers du secondaire de participer aux compétitions d'athlétisme. À part de ça, si l'on oublie les retombées de la collaboration avec l'entreprise pour la poursuite de recherches, je ne vois aucune activité philanthropique propre à l'université, pour être franc.
Le sénateur Andreychuk: Puis-je simplement ajouter un commentaire qui est tout à l'honneur de l'Université de l'Alberta? Cette université s'est montrée très, très innovatrice dans ses relations avec la population de la région. Avec la chute de l'Union soviétique et l'émergence d'une Ukraine indépendante, elle a mobilisé la collectivité avec succès, pas seulement en Alberta, mais dans tout l'ouest du Canada, afin de créer des liens et favoriser le travail en collaboration avec les universités ukrainiennes. J'ai eu la chance de siéger à un comité consultatif dans un cas particulier. Le service à la collectivité consiste à mobiliser tant l'entreprise que les ONG et les associations professionnelles et à leur donner les moyens d'offrir des compétences, de la formation et de l'information à l'Ukraine. Cela s'est fait dans pratiquement tous les secteurs, y compris les services parlementaires. Si l'Université de l'Alberta ne l'avait pas fait, je me demande comment ces services auraient pu être offerts aussi efficacement. Je ne crois pas que le gouvernement aurait pu être aussi efficace, ni le secteur privé. C'est une initiative qui commence à être reconnue dans le monde entier, et c'est l'université de l'Alberta qui en est à l'origine, alors...
M. Harrison: Oui, j'avais oublié cela. J'ai aussi oublié l'une des choses dont je suis le plus fier à l'Université de l'Alberta. Il s'agit de la faculté de Saint-Jean, le seul collègue universitaire de langue française à l'ouest du Manitoba. Sa population étudiante et la collectivité qui l'entoure constituent un important groupe francophone vivant à Edmonton, qui n'existerait peut-être pas autrement.
Le sénateur Forest: Si je puis me permettre d'ajouter quelque chose, je veux préciser que nous avons une population très cosmopolite en Alberta. C'est l'Institut canadien d'études ukrainiennes, établi là depuis quelques années, qui a réellement fait bouger les choses. Avec l'incorporation de la faculté de Saint-Jean à l'université, les francophones ont maintenant leur quartier dans l'est d'Edmonton, où l'on trouve des librairies et beaucoup d'autres commerces. C'est assez particulier, et c'est un service à la population, en quelque sorte. Nous avons aussi le Boreal Institute for Northern Studies et d'autres composantes. Je pense par conséquent que nous jouons notre rôle sur le plan des services à la collectivité, mais nous pourrions sûrement en faire plus.
Le sénateur Lavoie-Roux: Ce que je voulais dire, c'est que le grand public ne se sent pas proche de l'université. Les universités sont des tours d'ivoire. Pour vraiment obtenir l'appui de l'ensemble de la population, il faut qu'elles s'intéressent à tous les domaines d'emploi. Je pense que tout ce que vous avez mentionné est très bien, et je suis sincère, mais il faut rejoindre la population, et les universités pourraient s'engager davantage, vous savez. Elles peuvent faire quelque chose pour contrer le problème de la violence, des sans-abri, pour que la collectivité acquière le sentiment que, même si ce sont des intellectuels, les universitaires font leur part. Pour obtenir l'appui de la population, les universités doivent donner aux gens l'impression qu'elles sont intéressées et qu'elles ne se manifestent pas seulement quand les étudiants sortent dans la rue pour réclamer des bourses plus élevées ou une réduction des frais de scolarité, ou ce genre de choses. Les gens doivent sentir que l'université est active au sein de la population et...
M. Harrison: Si je puis me permettre, ce que vous dites ne fait qu'appuyer ce que je disais au départ, parce que l'Université de l'Alberta compte actuellement plus de 250 associations étudiantes, dont un grand nombre ont des activités philanthropiques et bénévoles qui font beaucoup de ces choses que vous proposez. C'est le principal objectif de toutes ces oeuvres communautaires que les étudiants accomplissent, et ils le font de leur propre initiative...
Le sénateur Lavoie-Roux: Oui, mais c'est la direction de l'université qui devrait le faire.
M. Harrison: Je ne veux pas discuter de cela.
Le sénateur Forest: J'ai évidemment l'impression que beaucoup de choses ont changé depuis le jour où j'ai commencé là-bas, il y 25 ans. C'était une tour d'ivoire, et maintenant l'université s'intègre davantage à la population. À mon avis, nous avons fait beaucoup de progrès dans l'Ouest. La même chose est vraie en Colombie-Britannique. Je crois que nous n'en sommes plus à l'époque où l'université était une tour d'ivoire sur la montagne, trop élitiste et discriminatoire. Je crois que la culture de la population des Prairies permet aussi cette intégration. Je crois que les universités sont très proches de la population des villes où elles sont installées.
Le sénateur Lavoie-Roux: Ce que je veux dire, c'est qu'il faut que les gens sentent que l'université a besoin de l'appui du gouvernement, que le gouvernement doit sentir...
Le sénateur Forest: De l'appui de la population.
Le sénateur Lavoie-Roux: ... de la population. C'est le sens de ma question.
Le sénateur Forest: Vous avez raison.
Le sénateur Andreychuk: Mais je crois que, dans les provinces des prairies...
Le sénateur Lavoie-Roux: Vous êtes des modèles.
Le sénateur Andreychuk: ... pas des modèles, mais je pense que la situation a été désespérée, par moments. Je ne crois pas que l'université puisse fonctionner isolément. En fait, s'il y a une critique que nous avons entendue, à l'occasion, et c'est certainement le cas dans l'histoire de l'Université de Regina, c'est que les universités ont surtout fait l'erreur de trop s'engager dans la vie communautaire et de ne pas porter assez attention aux travaux universitaires proprement dits. Selon moi, même si le comité n'a pas insisté là-dessus, vous êtes dans une région où l'engagement de l'université dans la vie communautaire est assez connu, que ce soit par la publication de documents, par ses initiatives ou par ses services communautaires. Cela dépend aussi de la petite taille des institutions et des régions. Je pense que ce n'est pas aussi facile à Montréal ou à Toronto. On voit la différence. Ce serait donc intéressant de savoir si c'est le cas dans les autres villes.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je voulais juste souligner le fait que, pour que les universités aient davantage l'appui du gouvernement, elles doivent avoir l'appui de la population et...
Le sénateur Andreychuk: Absolument, absolument.
Le président: Merci, sénatrice Lavoie-Roux. La parole est au sénateur Perrault.
Le sénateur Perrault: Monsieur le président, je veux aborder une autre question. Depuis un an, surtout, différents directeurs d'entreprise et d'autres dirigeants ont été complimentés pour les efforts de compression des effectifs qu'ils avaient faits au sein de leur entreprise ou de leur institution. Beaucoup d'entre eux ont même reçu d'intéressantes récompenses en argent pour l'avoir fait. Ce sont pourtant autant de tragédies pour la société. Des gens qui sont un peu plus vieux que la moyenne des étudiants se rendent soudainement compte qu'ils n'ont pas les compétences souhaitables, que l'on n'a plus besoin d'eux. C'est une véritable tragédie. Il me semble plutôt que nous devrions complimenter ceux qui font augmenter le nombre d'emplois et stimulent, par différents moyens, la campagne d'exportations du Canada et l'expansion industrielle. Mais attention, nous avons maintenant tout un nouveau groupe de gens qui se trouvent soudain sans emploi: les étudiants adultes. On nous dit que nous devons prévoir réaliser cinq ou six carrières au cours de notre vie. On ne peut plus aller travailler à l'usine la plus proche et obtenir une montre en or après 40 ans de service. Que faisons-nous et que préparons-nous, au sein de nos institutions d'enseignement de l'Ouest, ou même du Canada, pour ces étudiants plus âgés, comme on pourrait les appeler, qui ont un urgent besoin de se recycler et de se perfectionner, afin d'éviter qu'ils se retrouvent parmi les rejets de la société? A-t-on pris leur cas en considération? Considérons-nous leur expérience quand ils cherchent à acquérir de nouvelles compétences? Je pense que c'est un grave problème social. Que faisons-nous pour le régler? Y a-t-il quelque chose, à l'Université de l'Alberta ou dans ses organisations affiliées, pour aider les étudiants adultes à obtenir les compétences dont ils auront besoin pour se trouver un autre emploi?
M. Harrison: La situation des étudiants adultes a changé à un point tel que les études avancées s'appellent maintenant l'éducation aux adultes. À l'Université de l'Alberta, l'âge moyen des étudiants est de 24 ans, et il augmentera au cours des prochaines années...
Le sénateur Perrault: 24 ans!
M. Harrison: ... jusqu'à dépasser l'âge limite pour le statut de jeune, qui est de 25 ans.
Le sénateur Perrault: Dans certaines institutions, c'est 27 ans.
M. Harrison: Certainement.
Le sénateur Perrault: Ça monte.
M. Harrison: Oui. À Athabasca, l'âge est bien supérieur à la limite qui confère le statut d'adulte. On peut donc se demander si le rôle de l'université est d'éduquer nos jeunes et d'en faire des adultes ou si c'est d'assurer le perfectionnement des adultes qui ont besoin de mettre leurs compétences à jour? Vous aviez raison quand vous parliez de cinq ou six différentes carrières...
Le sénateur Perrault: C'est peut-être le cas...
M. Harrison: Non, vous avez absolument raison. J'ai entendu exactement la même chose.
Le sénateur Perrault: Mais c'est incroyable, non?
M. Harrison: En effet, et c'est pourquoi il faut exiger des universités... Ça vient appuyer mon argument selon lequel les universités ne doivent pas être des institutions de formation à l'emploi ni des institutions d'enseignement exclusivement théorique. Les universités doivent donner à leurs étudiants, jeunes ou adultes, des compétences polyvalentes qui s'appliquent à plus d'un domaine.
Le sénateur Perrault: Et c'est un moyen d'offrir des solutions concrètes aux problèmes de la collectivité locale. Mais on fait quelque chose à cet égard, si je comprends bien?
M. Harrison: Nous venons seulement de commencer. Nous avons entrepris de définir le problème en...
Le sénateur Perrault: Donne-t-on des crédits pour l'expérience des personnes?
M. Harrison: Non.
Le sénateur Perrault: Ce serait un élément de solution. On le fait à l'université Simon Fraser, en Colombie-Britannique, par exemple.
M. Harrison: Nous avons entrepris tout récemment d'importantes négociations pour obtenir que des cours soient crédités en raison de l'expérience de travail.
Le sénateur Perrault: Bien!
M. Harrison: Par exemple, si vous étiez...
Le sénateur Perrault: Il semble que ce soit la tendance.
M. Harrison: Oui, mais c'est une première en Alberta. Il n'y a rien de prévu dans le cas de l'expérience de vie. Si je dis que le processus vient tout juste d'être entamé, c'est que le document que vous voyez là est la première chose que la direction de l'Université de l'Alberta ait jamais vue au sujet de ce que veulent vraiment les entreprises, certaines facultés mises à part, comme l'administration des affaires et le génie, qui font des études de marché distinctes.
Le sénateur Perrault: Ce qu'il y a de déprimant dans tout cela, c'est ce que nous disait un administrateur d'une université, l'autre jour. Selon lui, si l'on a plus de 35 ans, c'est insensé, financièrement, d'aller se perfectionner à l'université, parce qu'il faut emprunter trop d'argent et que ce ne serait pas payant à long terme. C'est dur pour une personne de 45 ans de découvrir que la société n'a plus besoin de ses services...
M. Harrison: Absolument.
Le sénateur Perrault: ... et qu'on doit prendre une autre hypothèque avec trois enfants à élever. C'est dur.
M. Harrison: La distribution des âges, à l'Université de l'Alberta, va de 17 à 77 ans.
Le sénateur Perrault: 77 ans! Tant mieux pour lui, ou pour elle.
M. Harrison: Pour elle.
Le sénateur Perrault: Vraiment?
Le sénateur Forest: Je veux seulement ajouter une chose. Je sais que, à l'époque où j'y étais, on commençait à peine à voir des étudiants plus âgés revenir aux études. On faisait quelque chose. On évaluait leur bagage, surtout dans le cas des étudiants autochtones, pour leur permettre d'être acceptés sur la foi d'études antérieures qui ne répondaient peut-être pas tout à fait aux exigences normales et de pouvoir se rattraper ainsi. En outre, les frais étaient certainement différents, à cette époque...
M. Harrison: Oui.
Le sénateur Forest: ... pour les étudiants adultes.
Le sénateur Perrault: C'est intéressant.
M. Harrison: On peut obtenir le statut d'adulte, mais on n'obtiendra pas nécessairement que des cours soient crédités sur la foi de l'expérience personnelle.
Le sénateur Perrault: En effet.
Le sénateur Lavoie-Roux: On peut obtenir des crédits si l'on retourne à l'école.
Le sénateur Perrault: Un programme pour les sénateurs.
Le président: Honorables sénateurs, il est maintenant plus de 12 h 15. Nous tenons à vous remercier, Hoops, de votre exposé, et n'oubliez pas de nous faire parvenir ce document que nous n'avez pas apporté. Je tiens aussi à faire savoir que les sénateurs et leur personnel sont invités à dîner...
Le sénateur Andreychuk: À déjeuner.
Le président: ... je suppose que déjeuner est le mot qui convient, en tant qu'invités de MM. Eber Hampton, du Saskatchewan Indian Federated College, et David Bernard, vice-recteur de l'Université de Regina. Nous pouvons donc ajourner jusqu'après le dîner.
La séance est levée.