Délibérations du sous-comité de l'enseignement
postsecondaire
du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 9 - Témoignages - Séance du matin
HALIFAX, le mardi 18 février 1997
Le sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 03 pour poursuivre son interpellation au sujet de l'enseignement postsecondaire au Canada.
Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Bienvenue à Halifax, capitale de cette merveilleuse province de la Nouvelle-Écosse. Je suis heureux de constater qu'un bon nombre d'étudiants sont représentés ici ce matin.
Je vous demanderais de vous présenter chacun à tour de rôle et, si vous êtes étudiant, de nous dire d'où vous venez, les études que vous faites et le nom de votre université ou collège.
Après les présentations, je demanderai à le sénateur Losier-Cool de présider la table ronde. Au cours de ces discussions, nous traiterons de toutes questions qui intéressent les étudiants. S'il y a d'autres htmects, à part les prêts aux étudiants, qui vous intéressent, comme le programme d'études, la recherche et le développement, ou quoi que ce soit qui vous préoccupe, n'hésitez pas à les aborder. Nous tâcherons de finir de discuter d'un sujet avant de passer au suivant. Je propose que nous commencions par les prêts aux étudiants, après quoi nous pourrons aborder d'autres sujets.
Je suis le sénateur Lorne Bonnell, et je viens de l'Île-du-Prince-Édouard, le berceau du Canada. À mes côtés se trouve Mme Jill Anne Joseph, la greffière du comité.
La parole est à vous.
M. Jarrod Hicks, président, Engineering Technology Centre, Cabot College de St. John's: Je suis un étudiant de quatrième année en génie électronique au Cabot College de St. John's.
M. Dale Kirby, étudiant, Université Memorial de Terre-Neuve: Je fais un baccalauréat ès sciences, avec spécialisation en psychologie.
M. Dan Bessey, président, West Viking Association, West Viking College: J'étudie en journalisme.
Mme Lori Lush, présidente, Association des étudiants du Central Newfoundland Regional College: En tant que présidente de l'Association des étudiants du Central Newfoundland Regional College, je représente les étudiants de notre collège.
M. Zaki Saleemi, étudiant, Université Memorial de Terre-Neuve: Je suis un programme d'études de quatre ans en sciences politiques pour obtenir un diplôme de premier cycle.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: Je suis le sénateur Losier-Cool de la péninsule acadienne du Nouveau-Brunswick. J'ai enseigné durant 33 ans dans les écoles publiques du Nouveau-Brunswick, alors la formation en éducation fait que je suis très intéressée à ce comité.
[Traduction]
Le sénateur DeWare: Je suis le sénateur Mabel DeWare de Moncton, foyer de l'Université de Moncton au Nouveau-Brunswick.
M. Chris Lydon, vice-président externe (Enseignement), Union des étudiants de l'Université Dalhousie: Je fais ma quatrième année en sciences politiques.
M. Charles Williams, vice-président exécutif, Union des étudiants de l'Université Mount Saint Vincent: Je suis né à Moncton mais comme j'ai passé la grande partie de ma vie à Terre-Neuve, je me considère un Terre-Neuvien honoraire. Je termine ma quatrième année en administration des affaires à Mount Saint Vincent.
M. Brad MacKay, président, Union des étudiants de l'Université Dalhousie: Je termine ma quatrième année d'études en développement international à l'Université Dalhousie. Je suis originaire de Huntsville en Ontario, mais c'est dans les Maritimes que je me sens chez moi.
Mme Jessica Squires, présidente, Union des étudiants du Nova Scotia College of Art and Design: Je suis originaire de l'Ontario et je vis à Halifax depuis pratiquement sept ans. Je fréquente le Nova Scotia College of Art and Design où je fais un baccalauréat en beaux-arts. En plus d'être présidente de l'Union des étudiants du Nova Scotia College of Art and Design, je suis la représentante exécutive pour la Nouvelle-Écosse de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants.
Mme Cynthia Snell, présidente, Union des étudiants, University of King's College: Je termine cette année ma quatrième année d'études en sociologie.
Mme Amy Cole, vice-présidente interne, Union des étudiants, University of King's College: Je suis dans ma troisième année d'un programme de quatre ans en histoire.
M. Sean Moreman, vice-président exécutif, Union des étudiants de l'Université Acadia: Je suis originaire de Montréal et je suis en train d'étudier en vue d'obtenir un diplôme d'allemand à Acadia.
M. Ross Blakeney, président, Union des étudiants de la Technical University of Nova Scotia: Je fais ma dernière année d'études en génie mécanique. Je suis originaire de Kentville en Nouvelle-Écosse.
M. Craig Keats, secrétaire, Association de l'Est: Je fréquente le collège Grenville à Cornerbrook.
Le sénateur Forest: Je suis le sénateur Jean Forest. Je suis originaire d'Edmonton en Alberta. J'ai travaillé longtemps dans le domaine de l'enseignement en tant qu'enseignante, conseillère scolaire et ancienne chancelière de l'Université de l'Alberta.
Mme Rhonda Coleman, vice-présidente externe, Union des étudiants de l'Université Mount Saint Vincent: Je termine ma dernière année d'études en histoire.
Le sénateur Perrault: Je suis le sénateur Ray Perrault de la Colombie-Britannique. Pendant neuf ans, j'ai assumé la direction du parti provincial en Colombie-Britannique. J'ai été élu à la Chambre des communes et exercé les fonctions de leader parlementaire du gouvernement au Sénat pendant neuf ans. Ma famille est originaire de Port Royal en Acadie.
Le président: J'aimerais présenter M. James van Raalte, notre attaché de recherche. Si vous avez besoin de renseignements sur les travaux du comité, vous pouvez communiquer avec lui.
Je céderai maintenant la présidence à le sénateur Losier-Cool pour la table ronde.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: Comme le président vient de le dire, nous voulons entamer une discussion avec vous, une discussion que nous voulons ouverte et franche tout en étant informelle. Nous sommes heureux d'avoir une si belle représentation des étudiants des provinces atlantiques. Alors, la parole est à vous maintenant. Je ne sais pas comment vous voulez procéder. Il serait préférable d'essayer de condenser, si l'on veut, les sujets que l'on veut traiter que l'on parle d'argent ou de prêts étudiants, de programmes universitaires ou de l'accessibilité aux universités. Est-ce qu'il y a un volontaire ou une volontaire qui est prêt à commencer le débat?
M. Moreman: Préférez-vous que je parle en français ou en anglais?
Le sénateur Losier-Cool: Cela ne fait pas de fait de différence.
[Traduction]
M. Moreman: Il importe de signaler que dans la région des Maritimes, et plus précisément en Nouvelle-Écosse, nous avons 12 universités qui rivalisent toutes pour obtenir la même aide financière que le gouvernement est en train de réduire.
On désigne habituellement la région des Maritimes comme la région des provinces moins bien nanties. Nos universités sont parmi les plus coûteuses au pays, l'Université Acadia en tête, suivie de l'Université Dalhousie. Toutes deux essayent d'offrir des places aux étudiants régionaux qui, selon la tendance en vigueur dans les provinces moins bien nanties, n'ont pas d'argent pour faire des études universitaires.
Il nous inquiète de constater le marché visé par les universités de la région de l'Atlantique ces jours-ci. Il n'y a pas longtemps, l'Université Acadia servait traditionnellement les étudiants régionaux de la vallée de l'Annapolis. Or, comme nous sommes de plus en plus à court d'argent, il nous est de plus en plus difficile de servir ce même marché. Nous sommes en train d'attirer un plus grand nombre d'étudiants de la Colombie-Britannique et des États-Unis. Nous craignons que sans l'aide financière du gouvernement, il faille privatiser nos universités, ce qui obligera les étudiants à assumer pratiquement la totalité du coût de leurs études.
Acadia a déjà amorcé la tendance vers la privatisation comme en témoigne l'Acadia Advantage Initiative, qui a introduit l'utilisation d'ordinateurs portatifs en classe. Cette initiative a donc fait augmenter nos frais d'inscription de 1 200 dollars. Ils s'élèvent désormais à 4 870 dollars par année.
Nous convenons tous de la nécessité de maintenir, voire d'augmenter l'aide financière du gouvernement pour que les étudiants puissent continuer à faire des études universitaires. Nous reconnaissons sans doute tous que les places dans les universités doivent être accordées en fonction du rendement scolaire et non en fonction de la capacité de payer.
Mme Cole: Je céderai la parole à Jessica Squires, présidente exécutive de CFS Nova Scotia sur cette question, car j'aimerais aborder la nécessité d'une loi sur les études supérieures, surtout compte tenu du régime de paiement prévu dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.
Mme Squires: Comme nous le savons tous, pour survivre, non seulement au Canada, mais n'importe où ailleurs, il devient de plus en plus nécessaire de faire des études postsecondaires. Selon les statistiques, pour obtenir un emploi, un candidat doit avoir fait des études postsecondaires. Malheureusement, en raison du fardeau financier que cela représente, de plus en plus les études secondaires deviennent un luxe que bien des étudiants ne peuvent plus se permettre. C'est une tendance qui a débuté avant l'entrée en vigueur du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Plusieurs années auparavant, les paiements de transfert à l'enseignement postsecondaire avaient déjà été réduits. Cette tendance a entraîné dans les institutions fédérales, provinciales et locales un renversement des valeurs universitaires qui ont été remplacées par des considérations d'ordre financier jugées plus importantes que la préservation de la qualité de l'enseignement.
C'est pourquoi je recommande vivement l'établissement d'une entente pancanadienne sur l'enseignement postsecondaire ou d'une loi nationale sur l'enseignement qui enchâsserait les conditions nécessaires à la préservation de la qualité de l'enseignement. Ces conditions seraient les suivantes: assurer l'accès aux études postsecondaires à tous ceux qui souhaitent fréquenter un établissement d'enseignement postsecondaire; assurer la transférabilité des crédits d'études postsecondaires entre les provinces, entre les institutions, et entre les collèges et universités; et en assurer l'administration publique pour préserver le financement public de l'enseignement postsecondaire. En finançant ces établissements, le gouvernement fédéral pourra redevenir responsable de la préservation de la qualité de l'enseignement.
J'aimerais me joindre à ceux qui recommandent un tel enchâssement des valeurs.
M. MacKay: Sean a parlé brièvement de l'obstacle que constitue l'augmentation des frais d'inscription pour l'enseignement et l'accès à l'enseignement. Cette augmentation comporte également une autre conséquence. Elle risque d'obliger de nombreux étudiants à emprunter des sommes plus importantes de sorte qu'à la fin de leurs études, ils se retrouveront avec des dettes très élevées qu'ils auront beaucoup de difficulté à rembourser, surtout à une époque où les emplois sont rares.
Pour tâcher de régler ce problème, on a proposé entre autres de plafonner les dettes ou de prévoir des modalités de remboursement en fonction des possibilités d'emploi. J'aimerais aborder de façon générale l'accès aux études sous l'angle de l'endettement.
Mme Lush: La société doit reconnaître l'importance de ses ressources humaines. C'est pourquoi il est absolument indispensable de faire des études postsecondaires. Par conséquent, nous ne pouvons plus nous permettre de rendre les études postsecondaires inabordables.
M. Saleemi: À Terre-Neuve, et je suppose dans les autres provinces de l'Atlantique, nous constatons de plus en plus que les étudiants diplômés n'arrivent pas à trouver de l'emploi dans cette région du pays. Ils finissent par déménager en Colombie-Britannique, dans l'une des provinces de l'Ouest ou en Ontario dans la plupart des cas. La majorité de nos diplômés les plus brillants quittent la province, ce qui entraîne une diminution de la main-d'oeuvre dans les provinces. Lorsque des postes se libèrent, il est impossible de trouver des candidats et l'emploi est annoncé à l'étranger. Nous devrions tâcher d'offrir des emplois sérieux à nos diplômés. C'est un problème auquel il faut s'attaquer et je crois que la présente tribune s'y prête.
Une autre préoccupation est l'augmentation du coût des études. Le conseil d'administration de l'Université Memorial à Terre-Neuve a imposé une augmentation de 45 p. 100 des frais d'inscription sur trois ans. Lorsqu'une augmentation est étalée sur une période de trois ans, elle suscite peu de réactions comparativement au tollé que soulèverait une augmentation de 45 p. 100 la première année. Il me semble que la plupart de ces stratégies sont conçues pour nous masquer la vérité pendant que nous absorbons ces augmentations. Le gouvernement provincial prévoit une augmentation supplémentaire de 10 p. 100 la quatrième année. Cela portera les frais d'inscription à environ 2 300 dollars par trimestre, soit 4 600 dollars par année, ce qui est un montant énorme, comparativement aux frais d'inscription en vigueur il y a à peine deux ans.
Le sénateur Losier-Cool: Est-ce que vous avez toujours des subventions à Terre-Neuve?
M. Saleemi: Non, nous n'avons pas de subvention.
M. Bessey: La plupart des préoccupations présentées jusqu'à présent concernent le coût de l'enseignement. Nous ne vivons plus dans les années 60, ni dans les années 70. Nous n'avons plus le choix de faire des études postsecondaires ou non. Nous y sommes obligés, peu importe le coût, et nous devons nous endetter de plus en plus chaque année pendant que nous faisons des études. En raison de toutes les compressions, les étudiants quittent l'école et déclarent faillite. Il faut soit augmenter l'aide financière, soit trouver un moyen de rendre les études plus accessibles au grand public.
Mme Coleman: Je pense en général qu'il ne faut pas tenir compte uniquement du coût des frais d'inscription, mais du coût général de la vie pour les étudiants qui doivent quitter leur région pour aller à l'université. En Nouvelle-Écosse, une taxe de vente harmonisée augmentera le prix des choses essentielles à la vie comme le loyer, la nourriture, l'habillement et ainsi de suite. Nous devons examiner les coûts généraux que doit assumer l'étudiant et pas seulement les frais d'inscription et les livres. Les étudiants ont également besoin d'argent pour vivre. Nous devons promouvoir un niveau de vie accessible à tous les étudiants.
Nous devons également examiner la définition d'«étudiant». Traditionnellement, nous définissons les étudiants comme des personnes qui quittent l'école secondaire à 18 ans et font des études postsecondaires, mais à Mount Saint Vincent, 65 p. 100 de notre population étudiante est non traditionnelle. Nous avons une importante population de mères célibataires. Par conséquent, nous devons examiner le système d'aide sociale et voir comment le régime de Transferts canadien en matière de santé et de programmes sociaux nous touchera. Ce sont des programmes fédéraux qui touchent l'ensemble des étudiants et pas seulement la jeune génération d'étudiants. Pourquoi constate-t-on un retour des étudiants adultes dans la population active? C'est parce qu'il n'y a pas de travail pour eux et qu'ils doivent se recycler.
La région économique du Cap-Breton n'a pratiquement plus de ressources naturelles. Son seul espoir réside dans les programmes fiscaux. Les mineurs n'ont pas accès aux fonds de pension. La situation est telle que les conditions de vie de l'ensemble de la population, peu importe la classe sociale ou les sexes, se sont détériorées. La situation est telle qu'il devient de plus en plus difficile de même s'acheter de quoi manger sans parler de payer des études.
Ce sont des problèmes importants que nous devons régler pour l'avenir de notre pays ainsi que pour l'avenir de nos étudiants.
M. Blakeney: Un problème qui s'est aggravé par suite des compressions financières concerne le secteur des études en haute technologie comme les sciences informatiques et le génie. Ces programmes ont tendance à être très coûteux à exécuter. Ils sont aussi liés très étroitement aux programmes d'études supérieures en recherche. Par conséquent, nous devons attirer les professeurs dont nous avons besoin pour dispenser ces programmes. Les compressions apportées par le gouvernement ont touché ces programmes encore plus que les autres parce que leurs coûts sont plus élevés. Il est très important, surtout dans la situation économique actuelle, de s'assurer que les étudiants ont pleinement accès à ces programmes parce qu'il existe une demande pour leurs services dans le secteur de la haute technologie. Nous devons nous assurer que ces programmes sont accessibles aux étudiants.
La Nouvelle-Écosse a pris certaines initiatives en vue d'adopter des frais différentiels pour ces programmes parce qu'ils sont plus coûteux. On reconnaît que certains étudiants qui suivent ces programmes ont de meilleures perspectives d'emplois, une fois leurs études terminées. Il ne faudrait pas toutefois que les étudiants qui terminent leurs études secondaires soient obligés de renoncer à poursuivre leurs études dans le secteur de la haute technologie à cause de la différence de coût. Il est dans l'intérêt du pays de s'assurer que ce n'est pas uniquement à cause du coût de ces programmes que les étudiants décident de ne pas s'y inscrire. Les étudiants devraient faire leur choix en fonction du programme qui les intéresse. En fait, le pays devrait encourager les gens à entrer dans le secteur de la haute technologie. On n'a pas besoin de beaucoup chercher pour trouver des exemples de cas au pays où le gouvernement injecte de l'argent dans l'industrie de la haute technologie. Il est tout à fait logique qu'il accorde une aide financière aux étudiants pour leur permettre de terminer leurs études et de travailler dans le secteur de la haute technologie.
Le président: J'aimerais d'abord savoir si les étudiants universitaires sont satisfaits de leurs enseignants. Un enseignant peut bien avoir un doctorat mais sait-il comment communiquer son savoir? Les enseignants sont-ils obligés de suivre une formation ou d'apprendre à motiver les gens?
Deuxièmement, l'argent des subventions fédérales versé dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux est-il réellement consacré à l'enseignement ou sert-il par exemple à construire des routes dans votre province? Est-ce que les paiements de transferts pour la santé sont effectivement consacrés aux hôpitaux et aux soins de santé ou est-ce que certaines provinces utilisent cet argent à d'autres fins?
Troisièmement, est-ce que le même montant d'argent est consacré à l'enseignement, ou s'agit-il uniquement de l'argent provenant des paiements de transfert fédéraux tandis que les fonds provinciaux servent plutôt à la construction de routes et ainsi de suite?
J'aimerais également avoir vos commentaires sur la façon dont on pourrait aider les étudiants à rembourser leurs prêts. On nous dit qu'aujourd'hui, certains étudiants ont des dettes de 40 000 $ et ne peuvent gagner que 20 000 $ une fois leurs études terminées. Comme le coût de la vie augmente et que des impôts seront prélevés sur ce salaire de 20 000 $, il faudra du temps pour rembourser une dette de 40 000 $. Cette personne pourrait se retrouver avec 10 000 $ pour vivre.
Le remboursement des prêts étudiants devrait-il être fonction du revenu? Faudrait-il réduire les taux d'intérêt pour éviter que la dette continue d'augmenter? Si un étudiant ou une étudiante n'arrive pas à obtenir un emploi immédiatement après avoir terminé ses études, il ou elle pourrait se retrouver avec une dette de 60 000 $ si on tient compte des intérêts accumulés. Comment une telle somme peut-elle être remboursée de façon méthodique pour permettre à cette personne de conserver une bonne cote de crédit?
J'aimerais tout simplement vous lire le mandat du comité pour que vous puissiez mieux comprendre l'objectif de notre étude. Tout en respectant les attributions constitutionnelles des provinces -- et il ne faut pas oublier que l'éducation relève de la compétence des provinces, non du fédéral --, nous sommes autorisés à faire enquête et rapport sur l'état de l'enseignement postsecondaire au Canada, ce qui englobe l'examen:
a) des objectifs nationaux, régionaux, provinciaux et locaux du système d'enseignement postsecondaire au Canada;
b) de l'importance de l'enseignement postsecondaire au Canada sur les plans social, culturel, économique et politique;
c) des rôles des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux;
d) de la capacité des universités et collèges canadiens de s'adapter au nouveau marché de l'enseignement qui est en train d'émerger, et notamment à l'évolution des programmes d'études, aux nouvelles technologies, au télé-enseignement, à l'éducation permanente et à l'alternance travail-études, ainsi qu'à l'éducation des adultes et aux études à temps partiel; et
e) du Programme canadien de prêts aux étudiants et des différents programmes provinciaux et territoriaux d'aide financière aux étudiants, ainsi que des préoccupations croissantes au sujet de l'endettement des étudiants; et à cerner les domaines où une plus grande coopération est possible entre tous les niveaux de gouvernement, le secteur privé et les établissements d'enseignement.
Vous pourriez peut-être d'abord nous parler de la qualité de l'enseignement offert par les professeurs d'université.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: Je voulais aussi toucher à cette question. Avant d'aborder la question des prêts aux étudiants, j'aimerais que l'on touche vraiment à cette question du corps professoral et des enseignants.
[Traduction]
Est-ce que ce sont de bons professeurs? Ils le sont probablement, mais les technologies évoluent tellement rapidement que les étudiants en savent presqu'autant que les enseignants dans certains domaines. Est-ce que les enseignants devraient avoir accès à un plus grand nombre de programmes de perfectionnement professionnel pour qu'ils puissent être en avance sur les étudiants?
Mme Squires: Chaque établissement est responsable actuellement de la qualité de l'enseignement offert à l'intérieur de ses murs. Je crois qu'il doit continuer à en être responsable. Toutefois, la province pourrait prendre des mesures pour faire en sorte que l'établissement maintienne la qualité de l'enseignement offert. Pour ce qui est d'obliger les enseignants à maintenir un certain niveau de compétences, je ne crois pas que cela relève du gouvernement.
Je tiens à préciser que les établissements sont obligés, à cause des réductions budgétaires, d'embaucher un plus grand nombre de professeurs à temps partiel et d'assistants au lieu de recruter des gens qui ont plus d'expérience. Ils sont peut-être obligés de mettre en oeuvre ces réformes trop rapidement, ce qui les empêche d'assurer la qualité de l'enseignement.
Mme Snell: Je suis d'accord avec ce qu'a dit Jessica au sujet des professeurs à temps partiel. Je ne crois pas qu'on puisse dissocier la qualité de l'enseignement du financement des universités. Souvent, les professeurs à temps partiel ne donnent qu'un ou deux cours dans une université. Comme ce salaire ne leur suffit pas, ils vont chercher, surtout dans la région métropolitaine de Halifax, à donner d'autres cours dans une autre université. Ils donnent peut-être deux cours à l'Université Dalhousie et deux cours à l'Université Mount Saint Vincent. Comme leurs efforts et leurs compétences se trouvent dispersés, ils ne peuvent offrir un enseignement de même qualité.
Le sénateur Losier-Cool: Êtes-vous en train de dire que le fait d'enseigner dans deux établissements nuit à la qualité de l'enseignement?
Mme Snell: Cela ne peut que nuire à la qualité de l'enseignement, parce que les professeurs ne peuvent consacrer tout leur temps aux cours qu'ils donnent. Ils donnent trop de cours, de sorte qu'ils n'ont ni le temps ni l'énergie nécessaires pour offrir un enseignement de qualité. Cela s'applique surtout aux professeurs à temps partiel. Comme le disait Jessica, c'est à cause des compressions que les établissements embauchent des professeurs à temps partiel.
M. Lydon: Ce sont les établissements qui sont responsables de la qualité de l'enseignement. Nous essayons, au sein du département de développement pédagogique à l'Université Dalhousie, d'offrir un enseignement de qualité. Mais encore une fois, nous ne sommes pas obligés de le faire. Il serait peut-être utile d'avoir un programme national d'accréditation professionnelle des enseignants, des normes de qualité pour nos clients, nos étudiants. Si nous avions des normes nationales qui visaient à régir les niveaux de connaissances et de compétences qui sont exigées des enseignants, de même que le nombre de cours de perfectionnement qu'ils doivent suivre, nous pourrions maintenir la qualité de l'enseignement dans ce pays. Il pourrait aussi être utile d'avoir des normes provinciales, mais il faudrait accorder la priorité aux normes nationales.
Le sénateur Forest: De plus en plus d'étudiants adultes reprennent leurs études. Bon nombre d'entre eux sont mariés ou sont chefs de famille monoparentale, et ils ont beaucoup de difficulté à rejoindre les deux bouts. Lorsque je fréquentais l'Université de l'Alberta, il y a plusieurs années de cela, nous avions des programmes d'aide spéciaux pour les étudiants adultes, surtout les étudiants autochtones. Est-ce qu'il existe dans les Maritimes des programmes d'aide pour ces étudiants?
Par étudiant «adulte», j'entends un étudiant qui a déjà fait partie de la population active, qui élève peut-être une famille et qui retourne à l'université ou au collège parce qu'il n'arrive pas à décrocher un emploi.
Mme Rhonda Coleman: Je ne saurais vous dire s'il y a des programmes qui s'adressent spécifiquement aux étudiants non traditionnels. Je pense que l'expression «non traditionnels» est plus appropriée, vu que ces étudiants reprennent les études pour se recycler et trouver de nouveaux débouchés. Je sais que les écoles techniques offrent divers programmes de recyclage. En ce qui concerne les programmes de perfectionnement professionnel, ils s'adressent à tous les étudiants. Il n'y a pas de programmes spéciaux pour les étudiants non traditionnels.
Nous avons, sur notre campus, une association des étudiants non traditionnels. Ils se définissent comme étant des étudiants de 24 ans et plus qui ont des familles ou qui reprennent des études à temps partiel pour se recycler. Il s'agit là d'un facteur important parce que nous avons tendance à croire que les étudiants, ce sont ces jeunes qui sortent du secondaire et qui s'inscrivent au programme de premier cycle. Nous avons tendance à oublier tous ceux qui reprennent leurs études pour se perfectionner.
Ce qui complique les choses dans leur cas, c'est que la plupart sont mariés, ont des enfants et occupent un emploi à temps plein. Environ 65 p. 100 de nos étudiants suivent des cours à temps partiel. Il est plus facile pour eux d'avoir accès à ces cours, mais il leur faut plus de temps pour obtenir leur diplôme.
Or, plus un étudiant met de temps à obtenir un diplôme, plus il est difficile pour lui de décrocher un emploi en raison de son âge. Il est plus facile, à certains égards, de placer un jeune étudiant qu'un étudiant non traditionnel.
Compte tenu de la situation à laquelle font face les étudiants non traditionnels, nous devrions fixer des normes et des critères précis pour les programmes qui s'adressent à ces étudiants. Leur situation est pire que la mienne. J'aurai une dette énorme à rembourser lorsque j'aurai terminé mes études, mais pour l'instant, je n'ai pas à subvenir aux besoins d'une famille.
Le sénateur Forest: Je sais que, en Alberta, l'étudiant qui suit des cours à temps partiel ne peut obtenir un prêt étudiant. Cela complique beaucoup les choses pour ceux qui ne peuvent suivre des cours qu'à temps partiel. Est-ce que la situation est la même dans les Maritimes?
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: Monsieur Moreman, vous avez un commentaire à faire sur eette question de la clientèle étudiante.
[Traduction]
M. Moreman: Étant originaire du Québec, je sais que la situation est la même au Québec en ce qui concerne les prêts étudiants. Je ne connais pas tellement le système en vigueur en Nouvelle-Écosse. On pourrait peut-être demander à une personne originaire de cette province de répondre à votre question.
Je crois qu'il est important d'établir un lien entre la qualité de l'enseignement et la mobilité. Il est important d'avoir une norme nationale pour les professeurs afin que les universités puissent toutes jouir de la même réputation. Les universités qui doivent évaluer leurs programmes et leurs professeurs vont naturellement faire appel à un évaluateur de l'extérieur qui a une bonne impression de l'université. Par conséquent, chaque programme sera bien coté, ce qui permettra à l'établissement de maintenir sa réputation. Je ne dis pas que certaines universités ont des professeurs qui sont moins compétents, mais c'est une possibilité.
Si nous avions une norme nationale, l'étudiant, qu'il s'agisse d'un étudiant traditionnel ou non traditionnel, ne se sentirait pas obligé de quitter Winnipeg pour suivre des cours à l'Université Dalhousie, d'engager toutes sortes dépenses et, peut-être, de déraciner toute sa famille. Si nous avions une norme nationale, les professeurs de l'Université Dalhousie ne seraient peut-être pas nécessairement meilleurs que les professeurs de l'université du Manitoba.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: Le point que vous soulevez en est un qui est souvent soulevé par les francophones de l'Ouest qui doivent fréquenter la faculté de droit de l'Université de Moncton. Pendant plusieurs années Moncton a été la seule université où se donnait le cours de droit en français, nous l'avons maintenant à Ottawa. Pour les francophones de l'Ouest cela leur occasionnait certainement des dépenses supplémentaires.
[Traduction]
Mme Squires: Je voudrais tout simplement dire quelques mots au sujet des étudiants adultes. Je ne connais pas les détails, mais je sais qu'il existe en Nouvelle-Écosse et dans les autres provinces maritimes des programmes de prêts pour les étudiants à temps partiel. Je sais que certains établissements ont des critères d'admission légèrement différents pour ces étudiants.
L'employabilité n'est pas le seul problème auquel font face les étudiants une fois leurs études terminées. Parfois, ces étudiants ont déjà des dettes, soit des prêts étudiants ou des dettes personnelles, qui ne sont pas prises en considération lorsque l'étudiant présente une demande d'aide.
Le sénateur Perrault: On a parlé du déclin de la qualité de l'enseignement postsecondaire et du fait que nous avons besoin de normes pancanadiennes pour maintenir la qualité de l'enseignement. Bien entendu, certains s'opposent à cette idée parce qu'ils soutiennent que l'éducation est une responsabilité provinciale et que le gouvernement fédéral ne doit pas intervenir dans ce champ de compétence. Est-ce qu'on a remarqué une baisse de la qualité de l'enseignement postsecondaire en Nouvelle-Écosse? Des représentants d'autres établissements nous ont parlé de classes plus nombreuses, d'heures de travail plus longues, ainsi de suite. Tout exemple en ce sens nous serait utile.
Un des témoins a fait état de la situation de l'emploi en Nouvelle-Écosse. Il a dit que nous devons créer des emplois. Est-ce que cela veut dire qu'il faudrait créer des emplois subventionnés ou autre chose de ce genre?
Je crois comprendre que l'étudiant qui suit des cours d'informatique doit se munir d'un ordinateur qui va coûter au moins 1 200 $. Ne pourrait-on pas louer ce matériel? Cela peut empêcher quelqu'un d'obtenir un diplôme en sciences informatiques. Est-ce qu'un de vos experts en informatique pourrait nous fournir des précisions à ce sujet?
On procède à des compressions d'effectifs dans tout le pays. Les cadres de direction reçoivent des bonis de 500 000 $ lorsqu'ils parviennent à réduire leur effectif de 50 p. 100 dans leur entreprise. On devrait plutôt les encourager à doubler leurs effectifs et à augmenter leur part du marché. C'est ce qu'on appelle un véritable exploit.
On nous dit que tous ceux qui pénètrent le marché du travail seront appelés à occuper au moins quatre emplois différents au cours de leur carrière. L'époque où l'on passait 40 ans au sein de la même entreprise est révolue.
Recycler les personnes qui perdent leur emploi à cause de ces compressions d'effectifs constitue tout un défi. Des travailleurs qui comptent déjà plusieurs années de service à leur actif sont mis à pied. Ils ont des hypothèques à rembourser, des jeunes enfants qu'ils voudraient envoyer à l'université. La société est confrontée à un problème grave.
À propos, en Colombie-Britannique, nous donnons aux étudiants «adultes» des crédits pour l'expérience pratique qu'ils ont acquise, même s'ils n'ont pas terminé les cours réguliers pour lesquels ils ont obtenu un diplôme.
J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.
M. Sean Moreman: J'aimerais clarifier un des points que vous avez soulevés, sénateur, concernant la location d'un ordinateur pour 1 200 $. L'année dernière, à cette époque-ci, l'Université Acadia s'est rendu compte que ses subventions seraient considérablement réduites au cours des prochaines années et qu'elle serait obligée de trouver de nouvelles sources de financement. Elle a donc décidé de s'inspirer d'un programme mis sur pied par une université de Wake Forest, en Caroline du Nord, qui s'est équipée d'ordinateurs portatifs. L'Université Acadia est allée plus loin et a rendu obligatoire l'utilisation de ces ordinateurs pour tous les étudiants de première année. Elle a acheté 371 appareils cette année et l'année prochaine, tous les étudiants de première année y auront accès. L'étudiant ne peut pas utiliser son propre ordinateur, parce que l'université tient à ce que chaque ordinateur portatif soit muni du même logiciel et qu'il soit rendu à la fin de l'année scolaire. L'université a conclu une entente avec la compagnie IBM en vue d'être une des premières à offrir ce service.
Même si cet outil leur offre de nouvelles possibilités d'apprentissage, il ajoute également 1 200 $ aux frais de scolarité. L'Union des étudiants a demandé que ce montant soit ajouté aux frais de scolarité car, autrement, il ne serait pas pris en compte dans le montant que l'étudiant peut emprunter. Je suppose, après coup, que nous n'avons fait qu'accroître le niveau d'endettement des étudiants, parce que leurs prêts sont maintenant plus élevés.
Je voulais tout simplement vous expliquer les modalités du programme et l'impact qu'il a sur les prêts et les coûts.
Le sénateur Perrault: Je suppose qu'il est logique qu'on utilise un seul logiciel pour que tous les étudiants aient le même système.
M. Moreman: Oui. L'étudiant verse chaque année 1 200 $ pendant quatre ans. À l'origine, les ordinateurs devaient être remplacés tous les deux ans ou tous les 18 mois.
Le sénateur Perrault: Ils sont de toute façon désuets au bout de trois ans.
M. Moreman: Exactement. Toutefois, l'université a adopté une politique qui précise que la décision de remplacer les ordinateurs sera laissée à la discrétion du conseil des gouverneurs.
M. Bessey: Le sénateur Perrault a dit que ce sont les provinces qui devraient être responsables des évaluations des enseignants. Or, presque tous les campus s'occupent déjà de faire ces évaluations. Entre-temps, à cause des syndicats des enseignants qui interviennent dans ces évaluations, il est très difficile de renvoyer un enseignant pour incompétence ou de faire d'autres recommandations. Les étudiants, en fait, ne participent pas à ces évaluations. Je crois qu'il est important de savoir ce qu'ils pensent du travail des enseignants.
Le sénateur Perrault: Les universités utilisent des méthodes très poussées pour évaluer leurs enseignants, y compris le recteur et le chancelier.
M. Bessey: Vous parlez des universités, tandis que moi, je parle des collèges. Notre méthode d'évaluation consiste à distribuer des feuilles que les étudiants remplissent. Ces feuilles sont ensuite remises au directeur du département qui, au besoin, convoquera l'enseignant. Néanmoins, l'enseignant peut être incompétent, mais il est impossible d'invoquer ce motif, à cause des syndicats des enseignants, pour pouvoir le renvoyer.
M. Kirby: Je tiens à préciser que lorsque ce débat a été lancé, aucun représentant des étudiants n'a abordé la question du transfert des crédits, du rapport professeur-étudiants ou de la qualité de l'enseignement. Toutefois, tous les étudiants ont abordé la question des coûts.
On a dépensé entre 40 et 60 millions de dollars pour former les pêcheurs côtiers de Terre-Neuve qui participaient au programme SPA. Ces gens étaient des étudiants adultes. Nous ne savons pas si cela a donné de bons résultats.
Le sénateur Perrault: Quel genre de formation ont-ils reçu?
M. Kirby: On a investi beaucoup d'argent dans des programmes offerts par les collèges.
Le sénateur Perrault: Ont-ils suivi des cours en informatique ou en biologie marine?
M. Kirby: Ils ont suivi quelques cours techniques et des cours généraux.
Pour revenir à la question du sénateur Bonnell concernant les paiements de transfert et le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, le problème, à mon avis, tient au fait que les fonds pour enseignement postsecondaire ne sont pas utilisés à cette fin. L'argent est versé aux provinces, qui peuvent en faire ce qu'elles veulent. Il n'y a donc pas d'argent pour l'enseignement postsecondaire, puisqu'il est investi dans divers programmes sociaux de leur choix.
Mme Squires: Pour revenir à la question de la qualité de l'enseignement, je ne crois pas que les syndicats ou les administrations cherchent intentionnellement à embaucher des professeurs qui ne pas compétents. Je pense que les établissements d'enseignement devraient continuer de s'occuper du recrutement. Ils embauchent des professeurs à temps partiel, qui coûtent moins cher, et recrutent de plus en plus d'assistants pour économiser de l'argent. Ils procèdent de cette façon non pas parce qu'ils jugent que la qualité de l'enseignement n'est pas importante, mais parce que, financièrement, ils n'ont pas d'autre choix.
Le sénateur Perrault: Croyez-vous que nous perdons des professeurs au profit d'autres régions du Canada ou des États-Unis?
Mme Squires: Probablement. Je sais que nous perdons des membres du corps professoral dans beaucoup d'établissements. Où vont-ils, je ne le sais pas.
J'aimerais également répondre à votre question au sujet de l'effectif des classes. Je sais que cet effectif augmente dans les établissements de la Nouvelle-Écosse. Au Nova Scotia College of Art and Design, le nombre d'inscriptions en première année a doublé en moins de deux ans.
Le sénateur Perrault: Cela pourrait signifier que les étudiants bénéficient de moins d'attention particulière.
Mme Squires: Certainement. Dans certains cas, la présentation des cours a complètement changé, passant de trois sections d'un cours pour 16 étudiants par classe à un cours magistral assorti de séances en laboratoire pour 80 étudiants. Ce sont des étudiants de premier cycle qui donnent les séances de laboratoire, alors qu'ils ne sont pas censés enseigner, mais qu'ils le font, probablement parce que des étudiants ont pu manquer le cours magistral, ou pour d'autres raisons. À mon avis, il s'agit d'une baisse importante de la qualité. Si ce cours en particulier a changé au Nova Scotia College of Art and Design, c'est parce que l'on ne pouvait pas se permettre d'embaucher des professeurs pour les sections supplémentaires nécessaires compte tenu des nouveaux étudiants qui s'inscrivaient en première année. Si autant d'étudiants se sont inscrits en première année, c'est parce que l'établissement avait besoin des recettes que représentent les frais de scolarité. Tout revient toujours à une question d'argent. La baisse de la qualité revient à un manque de financement.
L'accessibilité et la qualité vont de pair. On ne peut avoir l'une sans l'autre. L'accessibilité fait partie d'un enseignement de qualité.
M. Saleemi: À Memorial l'University de Terre-Neuve, nous n'avons pas de processus d'évaluation des professeurs. Tout ce que peuvent faire les étudiants, c'est aborder le chef du département, qui, à son tour, va voir le doyen ou, si nécessaire, le vice-président de l'université.
Je peux citer un cas précis où 65 p. 100 des étudiants ont échoué à un examen de mi-semestre qui comptait pour 50 p. 100 du cours. C'est un pourcentage très élevé. Quarante-cinq p. 100 des étudiants ont échoué au cours. Le professeur était très bien qualifié, il avait un diplôme en droit et un doctorat. Toutefois, le chef du département ne peut que se contenter de dire: «Et bien, faites en sorte que cela ne se reproduise plus.» Il n'existe pas de processus qui permette d'évaluer le professeur en question.
Le sénateur Perrault: Est-ce que l'association de professeurs est contre l'évaluation?
M. Saleemi: Très certainement. L'Union des étudiants réclame un tel processus depuis deux ans, mais le syndicat des professeurs ne veut pas en entendre parler.
Le sénateur Perrault: Quelles sont leurs raisons?
M. Saleemi: Selon eux, un tel processus entraverait leurs négociations contractuelles.
Le sénateur Perrault: Cela n'a rien à voir avec les prouesses intellectuelles ou autre chose?
M. Saleemi: Non, pas vraiment.
Le sénateur DeWare: Il y a deux ou trois semaines, des professeurs d'université qui comparaissaient devant notre comité nous ont dit que, à cause de l'augmentation des effectifs des classes, ils doivent consacrer plus de temps à l'enseignement et moins de temps à la recherche. Nous avons parlé d'étudiants qui ont des doctorats, qui ne peuvent pas trouver d'emplois au Canada et qui donc vont à l'étranger ou aux États-Unis.
L'année dernière, j'ai eu une discussion au sujet d'un éventuel accord pancanadien en matière d'éducation qui réglerait la question de l'accessibilité, de la transférabilité, et cetera. On a proposé de créer un passeport d'études; il s'agirait d'un document indiquant le cheminement de l'étudiant à partir de son diplôme secondaire. Tous les cours seraient indiqués dans ce passeport, lequel serait valable dans tout le Canada. Un employeur potentiel serait en mesure de savoir quels crédits le détenteur du passeport a obtenus.
M. Moreman: Je pense qu'un document de ce genre serait vraiment une bonne idée.
Prenons de nouveau l'exemple de l'étudiant qui est originaire de Winnipeg et qui va fréquenter l'university Dalhousie. Imaginons que, après sa deuxième année, il manque d'argent et doive retourner à Winnipeg. Plus souvent qu'autrement, pour deux ans et demi passés à Dalhousie, un étudiant obtient des crédits pour une année seulement. Toutefois, avec un tel passeport, la mobilité des crédits serait pratique, puisque, pour obtenir son diplôme, l'étudiant n'aurait pas à consacrer plus de temps à ses études que s'il était resté à Dalhousie pour terminer ses cours.
Financièrement, ce serait avantageux pour les étudiants. Cela tient également compte des raisons personnelles pour lesquelles l'étudiant ne termine pas son diplôme à une université en particulier; il n'est donc pas pénalisé en ce qui concerne la durée de ses études, lorsqu'il change d'établissement.
Le sénateur DeWare: Les professeurs d'université nous ont dit que nous avons besoin d'un afflux de millions de dollars dans les programmes de recherche. Si le financement de l'enseignement reste au même niveau qu'aujourd'hui ou, s'il est peut-être augmenté en fonction du PNB, pensez-vous qu'il sera suffisant ou faut-il un afflux important d'argent?
M. MacKay: Je ne peux pas dire s'il faut un afflux important d'argent. Bien évidemment, ce serait formidable en ce qui concerne la qualité de l'enseignement. En effet, Dalhousie a subi un processus de rationalisation pendant six ou sept ans, processus qui a permis de diminuer les coûts administratifs; des restrictions verticales ont abouti à l'élimination complète de programmes et bien entendu, des restrictions horizontales ont touché chaque programme, les coûts étant systématiquement réduits. L'administration a eu l'amabilité d'assurer la transparence du processus financier, puisque des audiences semblables à celle-ci ont eu lieu. Toutefois, l'université a subi un processus de rationalisation pendant sept ans et elle a dû faire face, cette année, à un manque à gagner de 2,5 millions de dollars de financement public. Bien sûr, cela entraîne une autre réduction des programmes et une augmentation des frais de scolarité.
La question que je me pose et que les administrateurs se posent certainement, est la suivante: pouvez-vous continuer à faire des compressions dans le domaine de l'enseignement universitaire en plus de celles qui ont été faites jusqu'à présent? Les étudiants prétendent, à juste titre, selon moi, que les frais de scolarité et l'endettement deviennent trop lourds. Les professeurs se plaignent d'avoir trop de travail, trop d'étudiants et trop de classes. Les administrateurs se plaignent d'avoir des responsabilités plus nombreuses jusqu'au point où ils n'ont plus le temps de prêter attention aux détails.
Le sénateur DeWare: Sommes-nous allés trop loin?
M. MacKay: D'après ce que j'ai entendu dans tout le pays au cours de mon année passée à l'Union des étudiants, les réductions sont allées trop loin. La qualité de l'enseignement et l'accessibilité à l'éducation sont maintenant touchées. Ce problème devrait être une priorité provinciale autant que nationale.
M. Bessey: L'an passé, j'ai parlé de l'évaluation des chargés de cours au directeur régional de West Viking Bay, au campus St. George. Il m'a dit très clairement qu'il est très difficile de définir l'incompétence professionnelle par rapport au syndicat des enseignants et que c'est là le problème que posent les évaluations des chargés de cours. Je dirais donc que ce point mérite d'être examiné, à Terre-Neuve tout du moins.
En ce qui concerne le transfert des crédits, il est très difficile de transférer des crédits de collèges communautaires dans d'autres provinces ou dans des universités, même si beaucoup d'employeurs conviennent qu'un cours collégial est aussi bon, voire même, dans certains cas, meilleur, qu'un cours universitaire. Il s'agit de cours souvent plus pratiques et beaucoup plus concentrés. À mon avis, les transferts de crédits sont une idée à retenir et les étudiants de collège devraient avoir de meilleures options s'ils souhaitent poursuivre leurs études à l'université.
Le sénateur Forest: En Colombie-Britannique, on nous a dit que traditionnellement, les étudiants passaient du collège à l'université, mais que maintenant, c'est l'inverse qui se produit. Les étudiants terminent leur diplôme en arts ou en sciences et vont ensuite au collège. Les universités ont essayé de faire face au manque de financement en éliminant divers programmes, si bien qu'elles se spécialisent maintenant dans certains programmes; c'est la raison pour laquelle la mobilité me semble très importante.
Lorsque j'étais à la University of Alberta, pas mal d'étudiants allaient à Dalhousie. Ma fille est allée à St. Francis Xavier en raison des programmes particuliers qui y étaient offerts. Par ailleurs, d'autres universités offrent d'autres programmes. Je crois que la transférabilité est très importante à cause des réductions effectuées dans les programmes de diverses universités. Les universités ne peuvent pas toutes répondre à tous les besoins de tous les étudiants, si bien qu'elles doivent financer les secteurs dans lesquels elles excellent.
Mme Cole: L'Association des étudiants de Nouvelle-Écosse a organisé hier un colloque financier au cours duquel la Banque Royale du Canada nous a donné des renseignements fantastiques au sujet des prêts étudiants. Il faut faire très attention à l'évaluation des besoins, lorsque l'on parle des prêts étudiants. Je ne crois pas que ce soit un élément important du débat en ce moment et il faut s'assurer que cela ne le redevienne pas, car je ne crois pas que les programmes que choisit un étudiant devraient entrer en ligne de compte, lorsqu'il fait une demande de prêt; on aboutirait sinon à un système où on évalue si telle ou telle personne aura de meilleures possibilités d'emploi lorsqu'elle aura terminé son programme d'études. Je ne crois pas qu'un étudiant qui choisit des études en informatique ou en techniques de pointe devrait recevoir un avis plus favorable qu'un autre qui veut faire des études universitaires de philosophie ou d'histoire. Il faut s'assurer d'avoir toute une variété d'étudiants dont la formation générale leur permet de travailler dans divers domaines.
La Banque du Canada a indiqué hier qu'un étudiant qui termine ses études avec un endettement de 40 000 $ au bout de quatre ans, se retrouve avec un ratio d'endettement de 19, 4 p. 100 si cette dette est remboursable à 8 p. 100 sur 10 ans et que son salaire de départ est de 30 000 $. Si l'on ajoute à ce calcul 400 $ par mois pour les frais de colocation, le ratio d'endettement monte automatiquement à plus de 35 p. 100. Rien n'incite quiconque à se qualifier davantage pour travailler au sein d'une population active extrêmement concurrentielle, surtout si cela se traduit par un tel endettement.
Le sénateur Perrault: J'espère qu'au cours des deux prochains jours, nous aurons l'occasion de parler du rôle du secteur privé dans l'enseignement supérieur. Nous avons visité un collège l'autre jour et sommes allés dans la bibliothèque où on nous a dit qu'un côté de la salle était celui de la Banque Royale du Canada et l'autre, celui de la Banque Canadienne Impériale de Commerce. Cela nous a beaucoup surpris. La Banque Royale avait installé des ordinateurs de son côté et la CIBC avait fait de même de son côté à elle. On nous a dit que cela ne présentait absolument aucune menace à la liberté universitaire. Cela ne m'étonnerait pas que l'on ouvre d'ici peu la Bibliothèque McDonald.
Est-ce que la liberté et les principes universitaires sont menacés à cause de la générosité des banques qui, soit dit en passant, réalisent d'énormes profits? Les sociétés privées donnent de l'argent pour s'identifier à l'enseignement post-secondaire car, de toute évidence, il s'agit, selon elles, de bonnes relations publiques. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Mme Squires: Au sujet du partenariat entre le secteur privé et le secteur public, il y a probablement des endroits où le secteur privé peut contribuer financièrement à l'enseignement post-secondaire. Même le concept d'une Bibliothèque McDonald n'est pas irréaliste. On pourrait également avoir au Nova Scotia College of Art and Design des salles portant le nom de Kodak. C'est un autre exemple qui montre que les valeurs financières deviennent plus importantes que les valeurs universitaires. C'est une pente savonneuse qui mène à la privatisation dont il a été question précédemment.
Toute relation en profondeur avec le secteur privé ferait en sorte que les universités se disputeraient les étudiants. Si l'on suit cette logique, on aboutit inévitablement à une baisse de la qualité et à l'instauration au Canada d'un système d'enseignement post-secondaire à deux niveaux.
La transférabilité est un facteur à considérer, mais il faut faire en sorte qu'elle ne confonde pas la normalisation des cours avec les normes de qualité. La transférabilité doit se fonder sur la confiance entre établissements, lesquels doivent être convaincus que la qualité est la même d'un établissement à l'autre. L'opposition à la transférabilité des crédits s'explique en grande partie par la fierté des établissements, l'un prétendant offrir le meilleur cours d'introduction à l'ingénierie, par exemple, qu'aucun autre établissement ne peut égaler, tant et si bien qu'il ne reconnaîtra pas le même cours donné ailleurs.
Quant à savoir si nous avons besoin de plus d'argent pour la recherche ou si les niveaux de financement actuels suffisent, j'abonderais dans le sens de ce qui a déjà été dit, à savoir que nous devons rétablir un certain financement. Les établissements de la Nouvelle-Écosse envisagent des compressions de 5 p. 100 pour le prochain exercice en plus de ce celles qu'elles ont déjà subies, même si je n'ai aucune idée des secteurs qui peuvent faire l'objet de nouvelles compressions.
Le sénateur DeWare: J'ai des connaissances au sujet des cours en art dentaire et en médecine et je sais aussi qu'ils doivent satisfaire certaines exigences pour que l'université puisse les offrir. Cette accréditation revêt une très grande importance.
Mon mari a travaillé au Bureau national d'examen dentaire du Canada pendant 16 ans. Pendant cette période, le système d'examen a été modifié parce que certains professeurs donnaient un meilleur cours que d'autres et que leurs étudiants obtenaient des notes plus élevées. Le Bureau est donc passé au test à choix multiples de manière à être plus équitable envers tous les étudiants d'un océan à l'autre.
M. Bessey: Je veux vous entretenir de la liberté de l'université et des banques. Hier, nous avons assisté à un exposé des banques à l'Université Saint Mary's. Les banques, à mon avis, ne devraient absolument pas offrir de prêts aux étudiants. La raison en est que les étudiants qui ont des besoins de financement spéciaux doivent essayer de rembourser leur dette selon les mêmes modalités que le grand public. Les banques les prennent pour cibles pour leurs prêts étudiants, leurs cartes de crédit et tout le reste et, en raison de leurs besoins accrus d'argent, les étudiants profitent de l'occasion pour emprunter chez elles. Comme les banques savent bien leur présenter les choses, les étudiants se retrouvent pris dans le piège et s'endettent plus qu'ils ne le feraient s'ils devaient s'en remettre à un prêt gouvernemental. On devrait selon moi demander au secteur privé de proposer une certaine formule de remboursement, comme celle qu'offraient auparavant les gouvernements fédéral et provincial, pour que les étudiants soient en mesure de rembourser cet argent.
M. Blakeney: Je crois que les fonds provenant du secteur privé revêtent une très grande importance pour beaucoup de nos établissements. Le secteur privé offre aussi des programmes de commandite qui viennent en aide à un grand nombre d'étudiants. Cependant, il est aussi important que les universités se dotent de règles déontologiques sérieuses à cet égard qui leur permettront d'éviter certains des problèmes. Il est aussi important de maintenir des liens avec l'industrie pour que les universités puissent se tenir au courant de ce qui s'y passe. Elles doivent toutefois veiller à ne pas devenir le camp d'entraînement d'une société.
Le sénateur Perrault: Voulez-vous dire qu'il faudrait mettre au point un code de déontologie assorti d'une norme nationale?
M. Blakeney: Je ne suis pas sûr que ce soit nécessaire. Certaines universités sont déjà dotées de codes de déontologie.
M. Williams: En ce qui concerne ce qu'a dit le sénateur Perrault au sujet de la qualité de l'éducation et de la taille des groupes d'élèves, l'année où j'ai fréquenté l'Université Memorial de Terre-Neuve, un professeur essayait d'enseigner à 200 ou 300 étudiants. C'était tout à fait ridicule. Lorsque je suis venu ici, j'ai eu la chance de fréquenter les universités Dalhousie, Saint Mary's ou Mount Saint Vincent. Cette dernière est une petite université de 3700 étudiants seulement. C'est très peu comparativement à Dalhousie.
Je suis un cours donné par le président de la faculté des administrations des affaires. Ce cours est offert au cours des deux semestres et une fois pendant l'été. L'an prochain le président doit éliminer au moins 15 à 20 crédits pour respecter son budget, ce qui signifie que ce cours ne sera offert que le premier ou le deuxième semestre. Il pourrait arriver que certains étudiants ne puissent le suivre le premier semestre et que, si l'université ne l'offre pas le deuxième semestre, ils doivent le prendre pendant l'été. Il se peut que l'étudiant doive alors reporter sa graduation jusqu'en octobre. Il devra ainsi fréquenter l'établissement six mois de plus.
Si l'on réduit de moitié l'accessibilité aux cours, plus d'étudiants y assisteront et que la qualité en souffrira. À Mount Saint Mary's les salles de classe sont petites. Nous n'avons qu'un seul auditorium divisé en quatre. J'ai décidé d'aller à cette université en raison de la taille des groupes, mais ils augmenteront. L'attention que j'ai reçue à cette université comparativement à l'Université Memorial constituait une grande amélioration mais, avec les compressions, je crois que les choses vont changer. Comme je siège au sein du comité du budget, je suis au courant des répercussions qu'elles auront rien que l'année prochaine.
Mme Lush: Vous avez demandé des exemples précis. Notre système collégial offre, par l'entremise de l'Université Memorial, un programme de première année universitaire. L'une de nos étudiantes qui a obtenu son diplôme d'école secondaire a décidé de faire sa première année universitaire à St. John's, là où se trouve le campus principal. Elle y a suivi un cours de psychologie de première année, une exigence pour tout programme de première année. Plus de 700 élèves suivaient ce cours en même temps qu'elle. L'université utilisait deux salles de conférence, le professeur donnait son cours par vidéo et deux ou trois assistants à l'enseignement se trouvaient sur place pour aider tout étudiant qui était en difficulté. Malheureusement, il n'y avait aucune interaction. Lorsqu'elle avait un problème, elle finissait par obtenir un rendez-vous pour rencontrer son professeur qui n'avait aucune idée de qui elle était. Il ne pouvait associer un numéro d'étudiant à un nom. C'était tout à fait ridicule. Elle a décidé de revenir chez elle. Elle termine à l'heure actuelle sa première année universitaire par l'entremise de notre campus.
Il s'agit là de certaines choses que nos étudiants doivent encaisser. Lorsqu'un étudiant termine l'école secondaire où les classes sont au maximum de 25 à 30 élèves, cette nouvelle situation est très déconcertante. Les choses sont allées trop loin.
M. Moreman: Comme je viens de l'Acadie, je crois que je suis le seul qui est en mesure de vous parler de la privatisation et des ententes conclues par le secteur privé avec les universités parce que, dans le cadre d'Acadia Advantage, nous avons signé des contrats avec IBM Canada, Maritime Telephone and Telegraph de même de Marriott Corporation. Ces entreprises participent toutes au financement soit par l'apport de capitaux soit par la fourniture des produits comme des ordinateurs Think Pad.
Je vais vous donner très brièvement la position officielle de l'Union des étudiants d'Acadia. Si nous devions choisir entre Marriott ou l'étudiant lorsqu'il s'agit de demander d'assumer le reste du financement gouvernemental, nous nous tournerions vers Marriott. Nous préférerions avoir l'école de musique Marriott plutôt que d'y renoncer. Nous ne voyons aucun mal au financement par les entreprises tant qu'elles s'en tiennent à cet htmect. Nos unions d'étudiants s'entendent pour dire que le président d'une société sait comment diriger son entreprise mais qu'il n'a pas les connaissances voulues pour administrer un établissement d'enseignement.
Si nous voulons parler d'argent, ça va. Si les entreprises veulent compenser pour le manque de crédits gouvernementaux, nous aimerions mieux que ce soient elles plutôt que les étudiants qui le fassent. Cependant, nous préférerions de loin que les gouvernements n'effectuent pas de compressions, qu'ils maintiennent ou augmentent leurs subventions. S'il nous fallait choisir entre les étudiants ou une entreprise pour compenser le manque à gagner, nous disons que les entreprises se sentent libres d'intervenir, pourvu que nos divers établissements conservent leur liberté d'enseignement.
Le président: En ce qui a trait à l'observation du sénateur Perrault concernant la Banque Royale du Canada qui assume la responsabilité de la moitié de la bibliothèque et la CIBC de l'autre moitié, je n'y vois aucun inconvénient tant que les étudiants sont libres de l'utiliser comme ils le jugent bon. Je ne veux pas que des entreprises comme Phillip Morris ou la brasserie Labatt parrainent quoi que ce soit dans les universités parce que je crois que cela peut leur servir de prétexte pour intervenir auprès des étudiants et les inciter à fumer ou à boire de l'alcool. Cependant, je ne verrais aucune objection à ce que les banques y soient présentes.
La famille de feu K.C. Irving a fait un don d'un million de dollars à l'UPEI pour la construction d'un nouvel édifice de chimie qui va coûter cinq millions de dollars et s'appeler le K.C. Irving Science Building. Je n'aurais pas d'objection à ce que K.C. contribue quelques millions de dollars de plus à d'autres universités. Nous pourrions toujours acheter de l'huile Esso au lieu de l'huile Irving. Le fait que cette société place son argent à l'étranger pour éviter l'impôt au Canada ne me plaît pas trop, mais c'est un autre débat.
Beaucoup de questions restent sans réponse. J'aimerais connaître votre point de vue au sujet de la télédistribution en salle de classe, de l'autoroute électronique et du téléenseignement. J'aimerais également savoir ce que vous pensez de l'enseignement coopératif.
Récemment, je suis allé à Taiwan ou j'ai visité la Taiwan Engineering University. Chaque étudiant obtient directement un emploi auprès d'un employeur particulier le jour où il obtient son diplôme. Pendant leurs études, les frais universitaires des étudiants sont payés par la société pour laquelle ils travaillent. Ils sont employés par cette société chaque été et lorsqu'ils obtiennent leur diplôme en génie, sont experts du domaine de spécialisation de cette société. Grâce à l'enseignement coopératif, ces étudiants sont assurés d'un emploi. D'après ce que je comprends, 6 000 étudiants canadiens ont obtenu leur diplôme en génie l'année dernière et moins de la moitié ont trouvé un emploi.
Je sais également que près de 12 000 emplois sont disponibles pour ceux qui sont formés dans le domaine de l'autoroute électronique.
Je propose que beaucoup plus d'habitants des Maritimes suivent des cours de langues de manière à pouvoir prendre part aux échanges internationaux, que ce soit au nom du gouvernement ou pour le secteur privé. Je pense que des occasions s'offriraient aux Canadiens de l'Atlantique qui parlent l'espagnol, car ils pourraient communiquer au Mexique, ainsi que dans la plupart des pays hispanophones de l'Amérique du Sud. Si l'on connaît l'espagnol, d'immenses possibilités d'emplois et autres s'offrent dans le domaine des relations commerciales avec ces pays.
Notre greffier se fera un plaisir de recevoir tout autre renseignement que vous aimeriez transmettre au comité.
J'aimerais poser une question de plus. Combien d'entre vous ont le courrier électronique aujourd'hui? J'aimerais que les sénateurs remarquent le nombre de mains levées. Il y a dix ans, aucun de nous n'avait le courrier électronique. Cela montre bien la rapidité des changements. Si l'on ne suit pas la technologie, on prend très rapidement du retard.
Le sénateur Losier-Cool: N'hésitez pas à nous écrire si vous avez des renseignements qui pourraient être utiles à notre comité.
Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant M. Robert E. Gerraghty, coordonnateur à la présidence, Metro Halifax University Consortium. Je vous cède la parole.
M. Robert E. Gerraghty, coordonnateur à la présidence, Metro Consortium: Je suis accompagné par les présidents qui, après mon exposé, seront en mesure de répondre directement à toute question que vous souhaiteriez poser.
Je suis accompagné aujourd'hui des personnes suivantes: M. Colin Dodds, vice-président (enseignement universitaire), Saint Mary's University; M. Tom Traves, président, Université Dalhousie; Mme Alice Mansell, Nova Scotia College of Art and Design; M. Gordon McDiarmid, président, Atlantic School of Theology; Mme Sheila Brown, présidente, University Mount Saint Vincent.
Le consortium qui est le résultat d'une alliance et d'une réaction aux changements vise également à tempérer ces changements ainsi que les forces qui y sont sous-jacentes. Le Canada, y compris le Canada Atlantique, s'est retrouvé à un carrefour. Les forces universelles, comme la libéralisation des échanges, la restructuration de l'économie, la révolution de l'information et l'évolution du rôle des gouvernements, présentaient autant de menaces que de possibilités pour nous tous.
La province et la région cherchent actuellement à assurer la croissance économique et le plein emploi, ainsi qu'à maintenir le bien-être social dans ce nouveau contexte socio-économique, ce qui représente aujourd'hui un défi de taille.
Les universités de la Nouvelle-Écosse vont jouer un rôle essentiel pour ce qui est de la transition de la province à la nouvelle économie et à la nouvelle société mondiales. Outre leurs rôles traditionnels d'enseignement et de recherche, les universités ouvrent l'accès à l'information et à l'expertise, attirent les personnes et l'investissement dans la province et relient la Nouvelle-Écosse à des centres de connaissances dans le monde entier -- fonctions essentielles à la réussite dans le monde d'aujourd'hui. Pour que la Nouvelle-Écosse relève les défis et saisisse les possibilités de demain, ses universités sont appelées à contribuer plus aujourd'hui qu'hier.
En même temps, les universités font face à d'importantes réductions de financement public, malgré le fait que celles de la Nouvelle-Écosse reçoivent déjà l'aide provinciale la plus basse par étudiant à plein temps de toutes les universités au Canada et que cette aide a chuté abruptement ces quinze dernières années.
Pendant plus de sept ans, les universités de la province ont procédé à un examen approfondi et critique de leurs points forts et de leurs points faibles. Le Nova Scotia Council on Higher Education a envisagé toutes les possibilités, y compris la fusion des sept établissements de la ville en une seule Université de Halifax, fédération dotée d'un conseil d'administration et se traduisant par un partenariat entre quatre établissements.
Il est finalement apparu clairement que la notion et la réalité d'un consortium offraient la meilleure solution susceptible de miser sur les points forts des universités de Halifax et de leur donner plus de souplesse pour l'avenir.
Le Metro Halifax Universities Consortium est la réponse apportée par les sept universités de Halifax au double défi qui consiste à maintenir et améliorer les services aux étudiants et à la société, tout en faisant face aux réductions sans précédent en matière de financement provincial et public.
Le consortium existe pour que les universités -- sources et lieux du développement intellectuel et de l'entreprise universitaire -- puissent traverser une période de crise financière à court terme. À plus long terme, le but est de faire de Halifax la ville du Canada la plus attractive en matière d'enseignement postsecondaire, en offrant toute une gamme de programmes de qualité dans plusieurs établissements distincts, chacun reflétant la culture du segment de la population qu'il vise et représentant le milieu d'apprentissage convenant le mieux à cette population.
Les présidents des sept universités de la ville -- Atlantic School of Theology, l'Université Dalhousie, l'Université de King's College, l'Université Mount Saint Vincent, Nova Scotia College of Art and Design, l'Université Saint Mary's et la Technical University of Nova Scotia -- comprennent bien que les gouvernements fédéral et provincial diminuent les dépenses dans tous les secteurs face à l'énormité de l'endettement. Nous avons convenu d'un plan organisationnel visant à faire face aux réductions de financement, plan susceptible de minimiser les conséquences négatives pour nos étudiants, nos universités et notre province; en même temps, ce plan offrira de nouvelles possibilités qui, sans le consortium, seraient impossibles à réaliser.
Le consortium se propose de réaliser les économies nécessaires par l'attrition, la retraite anticipée et le non-remplacement de postes vacants de professeurs, économies dont l'effet sera compensé par des partenariats universitaires, d'autres réductions de coûts et des stratégies de production de recettes, de systèmes et services partagés.
Le Metro Halifax University Consortium, tout en créant l'interdépendance entre ses établissements membres, préserve leur autonomie et leur identité particulières. Il mise plus efficacement sur les ressources universitaires combinées, crée une base organisationnelle commune permettant d'offrir des systèmes et des services partagés, permet aux établissements de développer leurs domaines de spécialisation, explore les possibilités de collaboration entre disciplines et professions, évalue le potentiel de réduction de coûts et de production de recettes et lance des initiatives pour profiter de ce potentiel, tout en préservant la richesse et la diversité de nos programmes et cultures en matière d'enseignement, tous ces points suscitant l'intérêt des étudiants.
Parmi les avantages du consortium, on peut citer la réalisation d'économies, la collaboration dans l'intérêt des étudiants -- Grand Halifax et Nouvelle-Écosse --, l'amélioration et la préservation des rôles particuliers des sept cultures et établissements distincts, la réalisation d'économies d'échelles grâce au partage des systèmes et des services, la multiplication des possibilités et des choix offerts aux étudiants, la création de synergies dans les programmes universitaires et la possibilité d'améliorer les réalisations des générations précédentes et de promouvoir la coopération, la coordination, la bonne volonté et le respect mutuel.
Par l'entremise de leurs sénats, les membres du consortium vont rechercher les possibilités de planification conjointe en matière d'enseignement universitaire et d'inscriptions. Le mouvement des étudiants entre campus sera facilité. Les notes seront acceptées telles quelles. Les professeurs auront la possibilité d'enseigner des cours dans leur spécialité dans d'autres établissements. Tout cela sera assujetti aux conventions collectives.
Plusieurs initiatives relatives à de nouvelles configurations de programmes et de ressources existant dans les universités de la ville ont été identifiées. Il s'agit, entre autres, d'éventuels nouveaux programmes interdisciplinaires en lettres, du marketing à l'étranger visant à recruter des étudiants étrangers, d'efforts communs pour attirer davantage de financement pour la recherche en Nouvelle-Écosse.
Le consortium s'engage à partager les systèmes et services de manière intégrée et coopérative pour optimiser les économies découlant de la suppression du double emploi administratif dans la ville, sans porter préjudice à la culture ou à l'autonomie des établissements.
Le plan d'affaires préparé par les présidents a été présenté au gouvernement de Nouvelle-Écosse le 30 novembre 1995 et accepté le 4 avril 1996.
Parmi les autres changements au plan présentés par les présidents, on peut indiquer que la Technical University of Nova Scotia a accepté de se fusionner à l'Université Dalhousie et de créer un centre d'excellence en informatique d'ici le 31 mars 1997; les établissements fusionnés favoriseront également l'excellence dans les programmes de génie, en offrant des programmes de génie sur quatre ans au lieu de cinq.
Jusqu'à présent, ce qui compte le plus, c'est une plus grande coopération parmi les universités de la ville et l'interruption de la tendance à un développement distinct, indépendant et donc redondant. On ressent actuellement une atmosphère positive favorisant la collaboration entre les partenaires.
Il y a beaucoup plus d'interaction au niveau de l'unité entre les divers départements universitaires, ce qui devrait donner lieu à plus de programmes conjoints dans l'avenir.
Le consortium a commencé par engager des experts-conseils pour déterminer la faisabilité d'un système commun d'information de gestion. Cette étude, qui a représenté des centaines d'heures de travail avec les deux vendeurs -- SCT et Datatel -- a permis de conclure qu'un seul système d'information de gestion informatisé, susceptible de répondre aux besoins du consortium, n'était pas possible.
La solution pour le consortium est tout à fait différente de celle qui avait été envisagée au départ, mais elle utilise au mieux la technologie de pointe et, en même temps, permet au consortium d'atteindre beaucoup de ses objectifs. Le consortium va éventuellement passer de sept systèmes distincts à deux systèmes, trois établissements pour un système et les quatre pour l'autre. Il sera possible d'élaborer une stratégie d'information et des normes communes de données pour l'ensemble du consortium, ainsi que de créer un service commun SIG doté de personnel provenant des divers établissements.
L'un des avantages le plus immédiat du consortium est le coût beaucoup plus bas du système acquis par un établissement pour répondre à ses propres besoins SIG.
Au départ, le plan avait identifié des initiatives importantes, descendantes, pour atteindre les objectifs du consortium. À la suite de l'étude sur le système SIG, la fusion DAL-TUNS et les résultats atteints au niveau des départements, nous sommes arrivés à une nouvelle stratégie élargie qui mise sur la base, qui permet des efforts bilatéraux et trilatéraux et qui crée la confiance, gage de réussite.
Les présidents de la ville se rencontrent une fois par mois pour échanger de l'information et recevoir les rapports des vice-présidents de l'enseignement universitaire et de l'administration.
Les vice-présidents de l'enseignement universitaire se réunissent également régulièrement, tout comme les registraires, pour régler des questions comme l'harmonisation des dates de l'année universitaire, afin d'avoir les mêmes délais et les mêmes échéanciers, pour déceler et éliminer les obstacles à la mobilité des étudiants, comme les conditions préalables, les limites non justifiées, pour assurer l'acceptation des crédits, prendre en compte les notes de transfert dans le calcul des notes, ainsi que l'équivalence des cours et des systèmes de notation.
Les agents supérieurs de l'administration se réunissent pour régler les questions relatives aux systèmes partagés comme les options des systèmes d'information de gestion, les questions financières liées à la mobilité des étudiants entre établissements et les systèmes de chauffage.
Nous avons plusieurs indicateurs de performance et recueillons actuellement des données pour évaluer notre performance en tant que consortium.
Pour conclure, le consortium va officiellement célébrer son premier anniversaire le 4 avril. En même temps, nous aurons plusieurs réalisations à notre actif: un plus grand degré de coopération inter-universitaire au plan de l'enseignement et de l'administration; un plus grand degré de coopération pour le marketing de l'enseignement postsecondaire en vue d'attirer des étudiants étrangers; une diminution des obstacles à la mobilité des étudiants dans le Grand Halifax grâce à la révision des politiques et des pratiques en matière d'enseignement universitaire. TUNS va officiellement fusionner avec DAL. Il a fallu beaucoup de temps pour régler cette question très difficile qui représente, entre autres, le passage à deux systèmes d'information au lieu de sept.
Enfin, il importe de souligner que tout cela s'est fait dans le contexte des réductions dramatiques du financement public.
Le président: Merci beaucoup pour l'excellente explication que vous avez donnée au sujet de votre fusion. Les sénateurs membres de ce comité viennent de Colombie-Britannique, de l'Alberta, du Québec; deux sont du Nouveau-Brunswick et, bien sûr, ils sont dirigés par un sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard, ancien étudiant de l'Université Dalhousie.
Est-ce que les étudiants peuvent transférer leurs crédits d'une de ces cinq universités à l'autre sans avoir à recommencer un cours d'anglais?
M. Gerraghty: Oui.
Le président: Ceci étant le cas, pourquoi avez-vous besoin de cinq présidents? Un seul ne suffirait-il pas? D'autres universités dont l'effectif étudiant est bien supérieur à celui de toutes les universités d'Halifax confondues, n'ont qu'un seul président. Avez-vous envisagé une telle éventualité?
Mme Alice Mansell, présidente, Nova Scotia College of Art and Design: Je représente l'un des plus petits établissements, le Nova Scotia College of Art and Design, qui jouit d'une réputation internationale. Nous attirons des étudiants du monde entier. Beaucoup d'autres programmes sont offerts dans les disciplines des beaux-arts et des arts appliqués dans tout le pays; ce domaine est de plus en plus en demande.
Pour répondre à votre question, il arrive parfois que cinq partenaires puissent offrir des services bien différents pour attirer des étudiants dont les besoins sont différents.
En tant qu'université fusionnée, et je parle en connaissance de cause, puisque j'ai travaillé dans de grandes universités ces trente dernières années, Halifax peut attirer un grand nombre d'étudiants et, je me permettrais de vous le rappeler, nous recevons toujours moins de financement public par étudiant. Point intéressant, nous faisons preuve d'une plus grande force. Cela revient en quelque sorte à avoir cinq magasins qui attirent des clients différents intéressés par un service, une atmosphère et un produit correspondant à leurs besoins et qui n'ont donc pas à magasiner dans un grand magasin où certaines étagères sont vides.
Le sénateur DeWare: Ils risqueraient de perdre leur identité.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: Bienvenue et merci aux distingués membres du Metro Halifax University Consortium. De 9 h 00 à 10 h 30 ce matin, nous avons eu une discussion, une table ronde avec des représentants des étudiants: une discussion je crois, très franche et très informative. Lors de cette discussion, le sénateur Perrault a demandé qu'on lui donne un exemple de la diminution de la qualité de l'enseignement. Un des exemples donné par les étudiants a été celui de l'enseignant ou du professeur qui enseigne deux cours dans une université sur un campus, deux autres cours sur un autre campus, cela était peut-être au détriment de l'élève. L'enseignant sentait qu'il avait deux postes assez difficiles à combler, ce qui causait un stress. Est-ce que vous avez pris des mesures? Est-ce que vous avez senti cela aussi dans vos compressions? Je crois avoir retrouvé cela à la page 2 de votre plan d'étude ainsi qu'au paragraphe 3 où l'on mentionne les mesures prises jusqu'à présent.
[Traduction]
M. Tom Traves, président, Université Dalhousie: Vous soulevez un point important qui nous touche tous. Peut-être pourrais-je répondre à cette question sous deux angles, sous celui du consortium et sous l'angle plus direct que vous proposez.
Selon le consortium, nous disposons d'une ressource considérable dans notre ville; je veux parler des talents d'enseignement des professeurs qui appartiennent aux diverses universités. Dans la plupart des cas -- et je dirais généralement -- ces professeurs donnent leurs cours dans leur établissement et, à l'occasion, ont des étudiants d'autres établissements dans leur classe; il pourrait aussi arriver qu'il soit utile que le professeur, en raison de logistique ou d'une concentration d'étudiants ailleurs, donne son cours dans un autre campus.
Je ne voudrais pas présenter cela comme une règle ou une possibilité universelle pour tous les établissements dans tous les endroits, mais, dans une ville de la taille d'Halifax, compte tenu de la proximité des universités entre elles, aller en voiture d'un campus à un autre ne pose pas vraiment de problème à un professeur. Les relations de travail avec son université d'origine ne sont absolument pas rompues. Il s'agit de tirer le meilleur parti des installations et bien sûr, de faciliter les choses pour les étudiants. Il est de toute évidence beaucoup plus facile de déplacer un professeur pour 20 étudiants que de déplacer 20 étudiants pour un professeur. Nous essayons de tirer le meilleur parti possible de la situation.
Jusqu'ici, tous les arrangements à cet égard ont été pris volontairement par les membres du corps professoral qui s'en accommodent fort bien. Essentiellement, je crois que tout professeur qui enseigne préférera se déplacer lui-même plutôt que d'obliger toute une classe d'étudiants à changer de salle ou d'établissement.
Quant à l'avenir de cette solution, je ne vois de difficultés graves. Les étudiants craignent, comme moi, que les compressions budgétaires auxquelles sont soumises les universités n'obligent les établissements à mettre à pied d'autres professeurs. Tous les établissements ont réduit leur corps professoral. Dans cette mesure, nous faisons davantage appel à des employés à temps partiel. Votre question portait peut-être davantage sur cette réalité. Nul d'entre nous n'emploie beaucoup de professeurs à temps partiel, mais il faut le faire dans certains domaines. De toute évidence, ces enseignants à temps partiel contribuent énormément à la vie universitaire. Par contre, le manque d'attachement à l'institution et la nécessité de se trouver plusieurs emplois dans différentes circonstances rendent ces rapports moins souhaitables pour eux, pour l'université et pour les étudiants.
Cette réalité est l'aboutissement direct des mesures d'austérité budgétaire. Si nous avions les ressources voulues, nous pourrions employer plus de professeurs à temps plein. En l'absence des fonds requis, nous faisons du mieux que nous pouvons pour réaliser notre objectif premier, qui est d'offrir un enseignement de qualité au moyen de personnel compétent, qu'il travaille à temps partiel ou à temps plein.
Le sénateur Losier-Cools: Comment le professeur à temps partiel sait-il de quelle faculté ou de quel campus il relève?
M. Traves: Les professeurs à temps partiel sont habituellement embauchés pour donner un cours en particulier. Si vous donnez trois cours, vous avez trois contrats différents. Ces trois contrats peuvent être pris auprès d'un seul établissement ou de trois établissements différents. Chaque contrat est négocié séparément. Donc, ce n'est pas tant une question de décider quel cours on veut donner que de profiter des offres d'emploi.
Le sénateur Forest: J'aimerais féliciter les membres du consortium de ce qu'ils ont accompli. Je suis depuis longtemps associée à cette université et à deux collèges d'enseignement théologique. Je suis donc très consciente qu'il n'est pas facile de s'entendre. Vous avez probablement choisi le meilleur des mondes parce que, même si vous n'avez pas tout regroupé, vous avez quand même profité des avantages de la coopération. On tisse des liens de confiance, ce qui est fort important, et vous avez réussi à préserver votre identité propre.
Je sais que chacun de vos établissements a une identité propre. Bien qu'ils soient relativement petits par rapport à d'autres, vous offrez des programmes d'étude particuliers dont ont profité de nombreux Canadiens de l'Ouest du Canada, y compris des membres de ma famille. Je vous en félicite.
Quelles difficultés prévoyez-vous devoir aplanir lorsque vous irez de l'avant avec le regroupement de la Technical University of Nova Scotia et de Dalhousie? Quels avantages financiers prévoyez-vous tirer de cette fusion?
M. Traves: À titre purement indicatif, je précise que le regroupement de Dalhousie et de la Technical University of Nova Scotia aura officiellement lieu le 1er avril. La Nouvelle-Écosse a adopté récemment une loi l'autorisant. Nous en sommes donc au dernier stade d'organisation du regroupement. D'un point de vue organisationnel, le processus a été des plus intéressant. Manifestement, quand on envisage de regrouper deux établissements ayant déjà un passé, des réalisations, et cetera, qui leur sont propres, il faut beaucoup de doigté pour faire en sorte, d'une part, qu'ils ont l'impression de participer à la naissance du nouvel établissement et qu'ils y trouvent leur compte et, d'autre part, qu'ils reconnaissent la diversité, l'historique et la tradition des deux établissements de départ.
Nous avons réussi, selon moi, à le faire dans cette entente de fusion, mais cela n'aura pas été facile. Les questions émotionnelles, psychologiques et humaines soulevées par une fusion sont loin d'être négligeables, quel que soit le genre d'organismes fusionnés, par exemple des commissions scolaires ou des hôpitaux. Si vous n'accordez pas d'attention à ces questions, vous n'obtiendrez peut-être pas les résultats souhaités.
L'inconvénient, s'il y en a un -- à mon avis, il n'est pas très prononcé --, vient d'attentes irréalistes, soit d'une rentabilité immédiate de l'arrangement. La raison justifiant une fusion de l'Université Dalhousie et de la Technical University of Nova Scotia est essentiellement théorique. Il existe relativement peu de recoupements dans les programmes et, là où il y en a, il y aura fusion. Cependant, nous y voyons l'occasion rêvée pour deux établissements offrant des doctorats de regrouper leurs forces de recherche pour ainsi créer une synergie. Ce sont tous des avantages.
Nous pourrons aussi économiser, car les services administratifs centraux seront fusionnés. Comme nous avons eu le temps de tout bien planifier, nous avons réussi à conserver certains postes au sein du nouvel organisme. Nous pourrons ainsi présenter la fusion comme source de très peu de pertes d'emplois, car nous avons procédé par attrition et n'avons pas comblé les vacances. Nous croyons avoir bien réussi sur ce plan.
Le délai de préparation est très important. Si, par suite de vos généreux commentaires, d'autres projetaient de faire comme nous, je leur conseillerais de porter beaucoup d'attention à la planification et de se donner tout le temps voulu pour bien la faire.
La formule ne convient cependant pas à tous les établissements. Elle nous convient parce que nous avons des forces complémentaires, de sorte qu'il y a comparativement peu de querelles de clocher et d'intrigues. Dans les établissements où l'on regroupe des services comparables, le processus sera peut-être quelque plus difficile, teinté de plus de rivalités. Il faut étudier chaque projet individuellement. C'est certes ce que l'expérience vécue par les hôpitaux et les municipalités nous enseigne.
Le sénateur Forest: D'après la presse, le budget de cet après-midi allégera peut-être certaines de nos difficultés budgétaires. On estime notamment qu'on débloquera fort probablement des fonds supplémentaires pour l'infrastructure de recherche. Ce matin, les étudiants nous ont décrit les difficultés de financement de cette activité. La situation est peut-être encore plus aiguë ici qu'ailleurs au pays. À votre avis, ce domaine est-il celui qui a le plus besoin d'une nouvelle injection de fonds?
Mme Sheila Brown, présidente, Université Mount Saint Vincent: Sénateur Forest, la recherche est une activité essentielle à toutes nos universités, non pas aux seuls établissements de deuxième et de troisième cycle. Elle a aussi de l'importance pour ceux d'entre nous qui se consacrent à l'enseignement de premier cycle. Au fil des ans, nous avons été témoins d'une détérioration de notre infrastructure de recherche, tant du point de vue matériel que du point de vue financier. Des rencontres tenues récemment laissent croire qu'on viendra peut-être à leur rescousse, sur les deux plans à la fois. Cela nous serait d'un grand secours.
Il faut redonner un peu de stabilité au financement de la recherche, non seulement pour le bénéfice de ceux qui en font déjà, mais aussi pour encourager la nouvelle génération de chercheurs. Ainsi, dans mon propre établissement, il a fallu consolider parce que les conseils qui octroient les subventions fédérales disposent de moins de fonds. Nous avons dû soutenir ce que nous estimions être un volet très important de notre mandat. Nous espérons tous que tout nouveau programme d'infrastructure, quel qu'il soit, mettra l'accent sur la recherche et le développement parce que les installations qui y sont affectées se sont détériorées. De plus, ceux qui y travaillent ont été incapables de suivre le rythme trépidant de l'innovation technologique.
Tous les sénateurs sont conscients que, dans un monde de plus en plus informatisé, la clé du succès est l'accès à l'information et que les moyens d'accéder à cette information ont radicalement changé au cours des cinq à dix dernières années. Il faut moderniser nos infrastructures en vue d'offrir le plus grand accès possible à notre corps professoral, à la prochaine génération de chercheurs, à nos étudiants de licence, de même qu'à ceux du deuxième et du troisième cycles.
Le président: Nous nous croiserons tous les doigts cet après-midi, à 15 h 30, heure de l'Est, dans l'espoir que le financement de la recherche et du développement sera accru.
M. Traves: Sénateur, j'aimerais ajouter quelque chose à cet égard parce que cette question est d'une importance primordiale, selon moi. Nous sommes très impatients de connaître certains des changements qui seront annoncés. Ce matin, j'ai entendu le premier ministre dire à la radio que l'on voyait la lumière au bout du tunnel. Il me semble -- et je ne fais là que poursuivre dans la foulée de Mme Brown -- qu'à la sortie du tunnel, nous nous retrouverons dans l'arène de la concurrence mondiale. Nous en sommes tous conscients.
Les véritables questions que doivent se poser les décideurs du secteur public concernent la façon dont les Canadiens vont demeurer compétitifs et survivre dans un contexte de plus en plus mondial et de plus en plus concurrentiel où le pouvoir réside dans le savoir. On utilise des mots différents pour décrire le même phénomène, mais on en revient toujours à la même conclusion: pour demeurer compétitif dans un pareil environnement, il faut accroître la capacité d'apprendre et l'ingéniosité de la population. Pour le faire, il faut avoir en place une infrastructure organisée de recherche et de développement et il faut des gens instruits pour profiter des idées qui circulent.
De toute évidence, les universités ont un rôle névralgique à jouer dans tout cela. Elles se réjouiront de tout appui visant à améliorer l'infrastructure de recherche et de développement et la capacité des étudiants de faire des études universitaires sans crouler sous les dettes. À mon avis, cela devrait être une priorité de la politique du gouvernement, au Canada.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je tiens à vous féliciter d'avoir pris l'initiative de vous regrouper ainsi. Je vois à Montréal des universités chercher à réaliser le même objectif, mais elles semblent éprouver beaucoup de difficultés à le faire.
Vous avez dit qu'il était facile pour les étudiants de passer d'une université à l'autre. Cherchez-vous à faciliter encore plus ce passage?
M. Gerraghty: Ce n'est pas si facile, mais nous cherchons effectivement à faciliter ce passage. Il existe beaucoup d'empêchements, d'obstacles, de pratiques, je suppose, qu'il faudra éliminer. Toutefois, la situation s'améliore de jour en jour. Les présidents d'université s'efforcent de mettre en place un système donnant plus de liberté de mouvement.
De nombreuses pratiques se sont enracinées dans les sept établissements, en un siècle. Il faut donc du temps pour les modifier. Vous savez, j'en suis convaincu, que l'université est un monde très complexe. Nous y travaillons. Les présidents estiment que c'est d'une importance névralgique. On vise à créer plus de mobilité au sein du système, de sorte que les étudiants puissent avoir accès aux programmes distincts des différents établissements en vue de parfaire leur éducation.
Le sénateur Lavoie-Roux: Vous dites vous efforcer de le faire au sein de votre province, mais tentez-vous aussi d'établir un rapprochement avec les universités des autres provinces?
M. Gerraghty: Oui.
Mme Mansell: Les ministres canadiens de l'Éducation ont signé un document qui visait à faciliter le passage d'un établissement à l'autre. Nous entretenons tous des rapports étroits avec les autres établissements du pays.
Lorsque j'ai participé à la mission d'Équipe Canada, ce qui m'a le plus fascinée, c'était de voir la collaboration entre les universités canadiennes et comment la part de marché de chacune variait en fonction du degré de collaboration. Le système canadien comporte bien des éléments intéressants. La demande est beaucoup plus grande que l'offre. Nous ferons mieux notre travail si nous menons une action concertée.
Quand des membres du consortium ne parvenaient pas à s'entendre sur une modification de la structure, quelqu'un ne manquait jamais de rappeler que nos étudiants en seraient avantagés et que nous établirions ainsi des liens entre les disciplines et les établissements qui profiteraient aux étudiants en créant de nouveaux débouchés. Vous seriez étonnés de voir à quel point on arrivait à s'entendre rapidement.
M. Colin Dodds, vice-président (enseignement), Saint Mary's University: Les étudiants auront la vie encore plus facile au sein de la ville, non seulement parce qu'ils pourront transférer des crédits, mais aussi parce qu'on a simplifié l'administration des frais de scolarité. Dorénavant, l'étudiant pourra acquitter ses droits à l'établissement où il est inscrit sans avoir à s'inquiéter du transfert des fonds. Le consortium s'en chargera. Comme l'a dit Mme Mansell, dans la région atlantique du Canada, nous avons tous signé l'entente pancanadienne concernant le transfert de crédits durant les deux premières années de nos programmes. Nous prévoyons certes attirer plus d'étudiants du reste du Canada.
Le sénateur Lavoie-Roux: Avez-vous des données quant au nombre d'étudiants de l'extérieur de la Nouvelle-Écosse et de l'étranger qui fréquentent vos universités?
M. Dodds: Il y a plus d'étudiants qui viennent étudier en Nouvelle-Écosse qu'il n'y en a qui quittent la province pour étudier ailleurs.
Le sénateur Lavoie-Roux: Vous voulez dire qu'il a plus d'étudiants de l'extérieur de la province que de la province même?
M. Dodds: C'est exact.
Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce une situation qui dure depuis longtemps?
M. Dodds: Depuis quelques années.
Le sénateur Lavoie-Roux: Avez-vous beaucoup d'étudiants étrangers?
M. Dodds: Oui. Le nombre varie selon le programme d'études. Malheureusement, dans l'ensemble, il y eu une baisse du nombre d'étudiants de l'étranger au Canada. Par contre, j'estime que, dans notre région, nous avons réussi à stopper cette tendance.
Le sénateur Lavoie-Roux: Croyez-vous que les étudiants de l'étranger qui fréquentent vos établissements permettront aux universités canadiennes de tirer tous les avantages qu'elles en attendent ou est-ce un rêve irréaliste? Sur le plan culturel, tous s'entendent pour dire que l'échange est avantageux, mais je crois que les universités canadiennes en attendent aussi un certain avantage financier.
M. Traves: Beaucoup d'étudiants étrangers sont inscrits à l'Université Dalhousie, comme dans plusieurs autres établissements. Ces étudiants rapportent divers avantages, certains à court terme, d'autres à plus long terme. Comme vous l'avez précisé dans votre question, l'élément le plus important est peut-être la diversité culturelle. Il ne faut pas en sous-estimer la valeur pour les étudiants de la localité qui, parfois, n'ont pas eu l'occasion de voyager à l'étranger et de rencontrer des étudiants d'autres pays.
L'Université Dalhousie a en place plusieurs arrangements spéciaux, que ce soit d'université à université ou de gouvernement à gouvernement, qui lui permettent d'accepter des étudiants dans des programmes où le nombre de places est limité. En effet, dans certains programmes d'études, particulièrement les programmes de profession libérale, qu'il s'agisse de médecine ou d'art dentaire, par exemple, la Nouvelle-Écosse a accepté de financer un certain nombre de places. Toutefois, ce nombre a certes baissé avec le temps, en raison soit des compressions budgétaires ou d'analyses de la demande sur le marché du travail, et tout le reste. Par conséquent, nous avons une certaine capacité excédentaire dans notre école de médecine et notre école d'art dentaire.
Nous nous sommes efforcés de faire valoir de façon plutôt dynamique cette capacité excédentaire à l'étranger, en offrant des prix concurrentiels. À l'université Dalhousie, l'étudiant canadien admis à l'école de médecine, qu'il vienne de Nouvelle-Écosse ou d'une autre région du Canada, verse environ 5 500 $ de frais de scolarité. Actuellement, nous comptons 10 étudiants étrangers à notre école de médecine. Ils versent chacun 35 000 $ par année. Nous en comptons six ou sept qui payent à peu près la même chose à notre école d'art dentaire. Récemment, nous avons signé des accords internationaux analogues avec des pays du Moyen-Orient en vue d'offrir la possibilité de faire des études dans des professions des soins de la santé comme la physiothérapie.
Cela nous aide considérablement à financer nos programmes. Ce ne sont pas seulement les étudiants étrangers qui en profitent. Les fonds qu'ils versent permettent d'enrichir le programme offert aux étudiants canadiens. En l'absence de ces étudiants étrangers, les places seraient vides, tout comme les coffres. Tous y gagnent, les Canadiens, les Néo-Écossais et les étudiants de ces écoles.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je suis désolée d'avoir manqué le témoignage des étudiants, ce matin. Cependant, je doute que ce qu'ils avaient à dire ait été très différent de l'opinion des étudiants du reste du Canada. Tous se plaignent de leur endettement.
J'imagine que vous fournissez des résidences à vos étudiants. Combien coûte ce genre de logement par mois? Les universités réalisent-elles un profit à ce chapitre?
M. Traves: À l'Université Dalhousie, les frais de résidence sont de 4 200 $ pour la durée de l'année scolaire, soit pendant deux sessions. Divisez ce montant par huit ou neuf mois, selon la durée du séjour des étudiants.
Le sénateur Lavoie-Roux: Cela comprend-t-il le couvert?
M. Traves: Ce montant inclut le gîte et le couvert, à raison de trois repas par jour. J'ai occupé des postes de haute direction dans deux autres universités du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. Je sais donc de quoi je parle. C'est ce qu'offrent les universités partout au pays. Presque toutes les universités visent à recouvrer les coûts des résidences. Nous nous attendons que les étudiants qui utilisent ces services en assument le coût, mais nous ne leur imposons pas de contribuer au profit de l'université. Ce ne sont pas des centres de profit.
Le sénateur Lavoie-Roux: Laissons de côté les étudiants en médecine étant donné leurs frais de scolarité habituellement plus élevés. Combien en coûterait-il annuellement à un étudiant en droit, par exemple, pour se loger, pour se nourrir et pour payer ses frais de scolarité?
M. Traves: Grosso modo, je dirais aux environs de 4 000 dollars pour la résidence, c'est-à-dire logement et repas. Il lui faudrait ajouter 4 000 dollars pour payer ses frais de scolarité et probablement entre 2 000 et 4 000 pour assumer ses frais de subsistance comme les livres et les plaisirs normaux de la vie que s'offrent les étudiants. Je pourrais aussi répondre à cette question en tant que parent de deux enfants qui ont fréquenté des établissements à l'extérieur. Dans l'ensemble, j'ai dû débourser personnellement entre 10 000 et 12 000 dollars par année, si j'assumais la totalité des coûts. Je crois que c'est dans la norme d'un bout à l'autre du pays.
Le sénateur Lavoie-Roux: Entre 10 000 et 12 000 dollars par an, c'est énorme.
M. Traves: Oui, ça l'est, et c'est la raison pour laquelle le problème de la dette des étudiants nous inquiète au plus haut point. Pour les étudiants dont les familles ont les moyens, il est tout à fait raisonnable de demander à ces dernières d'assumer la totalité des coûts. Dans le cas d'étudiants qui ont le talent mais dont les familles ne peuvent pas se le permettre, le fardeau est évidemment pesant. Dans la mesure où ils ne fréquentent pas l'université, c'est une énorme perte pour eux en tant que personne et pour la collectivité dans son ensemble qui ne peut pas profiter de leurs talents, d'où cette très importante question de l'accès au financement. C'est la raison pour laquelle la question de l'aide aux étudiants est très présente à l'esprit non seulement des étudiants, mais aussi des administrateurs des universités, de même que des membres du corps enseignant et du personnel.
Le sénateur Lavoie-Roux: Les universités et les provinces offrent-elles des prêts ou des bourses aux étudiants?
M. Traves: Nous offrons tous différents programmes de bourses d'études. Dalhousie dispose d'un important programme d'embauche des étudiants à temps partiel. D'après les enquêtes que nous avons menées à Dalhousie, un étudiant sur cinq environ touche de l'argent de l'université pendant ses études ce qui, à mon avis, constitue un assez bon dossier.
Cependant, nous savons aussi que certains étudiants sont sérieusement dans le besoin. L'an dernier, nous avons mené une enquête auprès de nos étudiants de dernière année et leur avons entre autres posé des questions au sujet de leur niveau d'endettement. D'après les résultats, grosso modo, la moitié de nos étudiants avaient des dettes tandis que les autres n'en avaient pas. Dans l'ensemble, la dette des premiers était d'environ 15 000 ou 16 000 dollars. Cependant, pour quelque 10 ou 15 p. 100 des étudiants, elle se chiffrait à 24 000 dollars ou plus. Nous n'avons pas mené d'enquête au niveau supérieur. Certains étudiants en médecine, par exemple, m'ont dit qu'ils devaient 60 000 dollars. Le montant maximal peut être très élevé, mais 24 000 dollars, comme début du niveau supérieur, c'est une somme importante pour ces étudiants.
Le sénateur Lavoie-Roux: Ce serait après combien d'années d'études?
M. Traves: Après quatre ans d'études.
Le sénateur Losier-Cool: Le consortium a-t-il une position en ce qui concerne le financement privé? Ce matin les étudiants se sont demandés dans quelle mesure une université devrait accepter des fonds du secteur privé. Ils ont dit qu'ils seraient d'accord pour les accepter tant que cela n'influe pas sur la liberté d'enseignement de l'établissement.
Mme Brown: Ces suggestions ont été faites et examinées de toute évidence. Les universités ont la chance d'avoir déjà d'importants parrainages privés. Cependant, nous devons nous rappeler qu'elles n'en restent pas moins des établissements de haut savoir. Nous ne voulons pas devenir le tableau d'affichage de divers organismes du secteur privé. Je crois qu'il doit y avoir un équilibre entre ce que l'établissement représente et ce que l'organisme du secteur privé a à offrir. Il est toujours possible de s'entendre sur ces choses, mais il y a probablement certaines limites.
Nous faisons déjà tout ce que nous pouvons pour offrir des parrainages par l'entremise de fondations, de contributions à des programmes de construction et ainsi de suite mais, dans la limite du possible, nous ne devons pas ménager nos efforts pour maintenir la dette à un bas niveau. Votre question est de toute évidence liée aux questions précédentes. Il s'agit d'une préoccupation importante pour nous tous et, étant donné la diversité de la population que nous desservons, comme l'a dit Tom Traves, l'impact est senti différemment par certains étudiants. Nous devons faire tout notre possible pour compenser cela et offrir des programmes d'assistance-travail, des possibilités de parrainage de même que des occasions de compenser les coûts, tant que cela ne compromet pas l'intégrité de l'établissement d'enseignement.
Le sénateur Lavoie-Roux: Ce qui nous inquiète c'est qu'un étudiant n'est pas assuré de trouver un emploi et risque d'accumuler des dettes entre 12 000 $ et 40 000 $. D'aucuns prétendent que les prêts devraient être plus généreux, mais il n'en reste pas moins qu'un prêt reste une dette et laisse supposer des intérêts à échoir. Il faudrait selon vous explorer la possibilité de créer pour ces étudiants des emplois d'aide-enseignants. On pourrait aussi encourager le secteur privé à créer des emplois à leur intention. Avez-vous d'autres solutions à proposer? Je m'intéresse vraiment à cette question parce que je n'aurais pas voulu entreprendre ma carrière professionnelle avec une dette de 15 000 $ et nous étions assurés de trouver un emploi à cette époque.
M. Traves: Je suis convaincu que vous avez reçu le rapport de l'AUCC et d'autres organismes. J'aimerais insister sur notre engagement à cet égard. Ce rapport représente une entente inhabituelle, conclue de vive lutte, entre non seulement les administrateurs des universités représentées au sein de l'AUCC et les présidents, mais aussi les associations de professeurs de même que les groupes d'étudiants d'un bout à l'autre du pays. Il exprime le point de vue de tous les secteurs du monde universitaire. Les questions qui y sont à mon avis mises lumière, sont d'une part, le besoin de cibler certains groupes de la population qui ont besoin d'une aide précise et, d'autre part, celui de s'assurer que cette aide est fournie, pas nécessairement sous forme de prêts, mais par l'entremise de subventions directes versées à ceux qui, nous le savons, en ont réellement besoin. Les prêts ne leur seront d'aucune utilité parce qu'ils ne pourraient en tirer avantage.
Il faut aussi accorder un allégement fiscal général à l'égard de certaines dépenses associées à l'éducation. Nous espérons et nous croyons que certaines ententes viables et solides du point de vue financier peuvent être conclues pour apporter une aide limitée aux étudiants qui s'endettent lourdement, ne trouvent pas d'emploi ou en trouve un pour le perdre par la suite et se retrouvent ainsi temporairement dans une situation où le remboursement de leur prêt leur impose un lourd fardeau. Un allégement temporaire de la dette devrait être accordé, jusqu'à concurrence d'un montant raisonnable.
Il s'agit là d'idées qui sont contenues dans les mémoires que vous avez reçus j'en suis sûr et qui, selon nous, revêtent une très grande importance lorsqu'on parle de mesures d'intérêt public. Nous pouvons faire tout ce que nous pouvons dans nos propres établissements notamment par l'entremise de bourses d'emploi, mais les ressources dont nous disposons sont très modestes. Il s'agit d'un problème d'envergure nationale qu'il incombe au gouvernement fédéral ou aux provinces de régler.
Mme Brown: Nous partageons bien sûr vos préoccupations, sénateur. Ce que nous vous disons, c'est que les étudiants doivent réunir l'argent dont ils ont besoin pour pouvoir fréquenter l'université. Certains auront l'aide de leur famille et travailleront pendant les mois d'été. Cependant, il est intéressant de remarquer que beaucoup de nos étudiants travaillent, pas seulement à temps partiel mais quasi à plein temps pendant l'année scolaire, ce qui les empêche par la suite de profiter pleinement de leurs études universitaires.
Nous fournissons tous, dans une certaine mesure, des bourses, des prix de même que divers programmes de prêt, mais ce qui est très difficile -- et je crois qu'il s'agit là d'une question d'intérêt public -- c'est que, lorsque les étudiants gagnent de l'argent et obtiennent des bourses, ils diminuent ainsi parfois leurs chances d'obtenir le maximum de prêts. Il vaudrait mieux accroître leur contribution et la nôtre et que les autres montants mis à leur disposition ne diminuent pas. L'étudiant pourrait ainsi augmenter l'apport total plutôt que de remplacer simplement la source des fonds. La somme totale dont un étudiant a besoin pour aller à l'université provient de diverses sources. Incapables de suffire seul à la tâche, les étudiants finissent par s'endetter lourdement. Nous espérons que certaines de ces autres initiatives en matière de politique régleront ce problème.
Le sénateur DeWare: Je vous félicite de votre exposé et de votre attitude, face au problème de financement.
J'aimerais simplement préciser à le sénateur Lavoie-Roux qu'il existe, dans les Maritimes, une commission de l'enseignement supérieur qui traite avec les provinces. Comme vous le savez, le Nouveau-Brunswick n'a pas d'école de médecine.
Le sénateur Lavoie-Roux: Cela fait déjà bien des années.
Le sénateur DeWare: L'Université Dalhousie offre des places en médecine aux étudiants du Nouveau-Brunswick.
Quel pourcentage du coût des études supérieures est assumé par l'étudiant, par l'entreprise privée et par le gouvernement? Si nous avions pareilles données pour le pays dans son ensemble, ventilées par pourcentages pour la période allant de 1990 à 1995, nous pourrions voir à quel point le mode de financement a changé. Si la région atlantique a perdu au change, le phénomène est peut-être attribuable au profil différent des universités. Le profil a-t-il changé durant ces cinq années? Naturellement, si les étudiants payent davantage, le gouvernement paie alors moins. Quelle contribution fait l'entreprise privée, et peut-on s'attendre à plus de sa part? Si nous avions ces données, nous pourrions peut-être faire impression sur le gouvernement et lui présenter des recommandations.
M. Dodds: Vous posez-là une excellente question, madame le sénateur. Cependant, il est difficile d'y répondre en raison des variations d'une université à l'autre. À Saint Mary's, par exemple, le gouvernement provincial est un actionnaire minoritaire. Moins de 50 p. 100 de nos fonds viennent du gouvernement provincial. Nous tirons la plus grande partie de nos fonds des droits de scolarité et d'autres sources.
Le sénateur DeWare: Quand vous dites «gouvernement provincial», bien sûr, vous êtes conscient qu'une partie de cet argent vient du gouvernement fédéral sous forme de transfert.
M. Dodds: Vous avez raison. Le gouvernement fédéral contribue, en partie, parce qu'il l'a toujours fait par le passé et, en partie aussi, en raison du genre de programme que nous offrons. Il faudrait peut-être demander à chaque président de commenter parce que les sources de financement d'un établissement à l'autre varient énormément.
M. Traves: Actuellement, environ 40 p. 100 des budgets totaux de fonctionnement des universités, dans la région de l'Atlantique, viennent des gouvernements provinciaux qui, eux-mêmes, obtiennent des fonds du gouvernement fédéral. Cependant, il s'agit-là d'une transaction distincte entre eux et le gouvernement fédéral. Nous n'avons rien à voir avec cette question.
Entre 15 et 20 p. 100 environ de nos fonds viennent de services complémentaires, soit des résidences que nous exploitons, des services d'alimentation, des librairies, de toutes les entreprises auxquelles nous participons. Les droits de scolarité représentent une autre tranche de 15 à 20 p. 100. Enfin, une dernière tranche de 20 p. 100 environ de notre revenu est représentée par les subventions de recherche et les contrats externes.
Les fonds de dotation représentent une proportion relativement faible de notre revenu. Dalhousie est particulièrement choyée, en ce sens qu'elle existe depuis longtemps et qu'elle a eu de très généreux bienfaiteurs. Toutefois, même chez nous -- et je crois que nous nous classons au deuxième rang des fonds de dotation par étudiant --, ces fonds ne représentent que 2 ou 3 p. 100 de notre bénéfice d'exploitation. Bien que ces dons soient extrêmement bien accueillis et qu'ils fassent une différence, ils ne paient pas les factures les plus salées. J'ignore si les pourcentages que je vous ai donnés totalisent 100, parce que je ne les ai pas additionnés, mais cela vous donne une assez bonne idée.
Au fil des ans, la part des bénéfices d'exploitation des universités subventionnée par le gouvernement a sensiblement diminué. C'est certes vrai dans toutes les provinces atlantiques et, selon moi, partout au pays.
Le sénateur DeWare: Qu'en est-il des droits de scolarité?
M. Traves: Ils ont augmenté.
Le sénateur DeWare: Il existe un tableau dont j'aimerais que le comité obtienne copie. Je me souviens d'Henry Hicks qui, il y a des années, a dialogué avec des étudiants qui menaçaient de débrayer ou de faire la grève. Il leur a fait remarquer que tant que l'entreprise privée financerait X p. 100 du coût de leur éducation et le gouvernement, un autre X p. 100, jusqu'à ce que les étudiants puissent eux-mêmes payer entre 75 et 100 p. 100 du coût de leurs études, ils n'avaient pas le droit de faire la grève. Il y a très longtemps de cela.
Mme Mansell: Votre commentaire est fort à propos. Toutefois, j'estime que nous vivons actuellement une situation où il faut peser le coût de ne pas éduquer nos meilleurs éléments. Comme l'a dit un de nos collègues, si vous croyez que l'éducation coûte cher, attendez de voir combien coûte l'ignorance! Son coût est nettement plus élevé.
Il faut faire un investissement, et la gamme des choix rétrécit, car nos étudiants n'ont pas les ressources voulues. Les universités se retrouvent un peu coincées parce qu'elles n'ont plus l'appui public dont elles jouissaient naguère et que leurs possibilités de trouver du financement sont limitées. Il existe des moyens à leur portée pour accroître leurs recettes, mais il faut qu'elles continuent d'offrir des services à prix abordables.
À mon établissement, le coût des fournitures et des manuels a grimpé en flèche. Les prêts et subventions n'en tiennent pas compte. Ce sont les étudiants qui doivent supporter ce coût presque caché.
Le sénateur Lavoie-Roux: Avez-vous des données sur le nombre de diplômés de votre établissement qui se trouvent un emploi? Je suis d'accord avec vous que l'éducation est un investissement. Toutefois, nous découvrirons peut-être que la moitié d'entre eux -- je cite un chiffre comme ça -- ne se trouvent pas d'emploi à la fin de leurs études. Avez-vous pareilles données?
M. Traves: Oui. Demain matin, je crois, vous entendrez l'Atlantic Association of Universities, soit des présidents d'établissements de toute la région. Je sais, puisque j'ai participé à la collecte des données, que vous recevrez un mémoire à ce sujet. L'exposé et le mémoire vous donneront les chiffres concernant les pourcentages de contribution, les taux d'emploi et de chômage, les taux de rémunération, des données qui révèlent, toutes, qu'en dépit de leur coût élevé, les études supérieures sont avantageuses.
M. Gerraghty: Avant de conclure, je demanderai à M. McDiarmid de faire quelques observations au sujet du consortium.
Le président: J'ai eu le privilège non seulement de faire des études à l'Université Dalhousie, mais aussi de fréquenter Pine Hill Divinity Hall où on m'a permis de prendre pension à peu de frais. Les théologiens tenaient à ne pas trop dégarnir la bourse des étudiants. J'ai eu le bonheur de pouvoir profiter des deux universités.
M. Gordon McDiarmid, président, Atlantic School of Theology: Je suis heureux de voir que vous avez gardé un si bon souvenir de notre maison.
J'aimerais renchérir sur ce que vous avez dit au sujet de l'importance pour nous et, je crois, pour l'éducation en général de ce que nous tentons de faire dans le milieu postsecondaire de l'Atlantique, particulièrement à Halifax. Pour faire un lien avec l'histoire, dans la salle où nous nous trouvons, vous voyez un portrait de Thomas McCulloch, premier président de l'Université Dalhousie. C'est lui qui a fondé Pictou Academy. Il aura donc été l'étincelle d'un établissement qui a donné naissance à Pine Hill Divinity Hall, à University of King's College et à Holy Hearts Seminary qui, en 1971 -- ceci devrait vous intéresser au plus haut point, sénateur Forest --, a formé un établissement appelé Atlantic School of Theology qui, en fait, représentait, il y a un quart de siècle, le premier véritable exercice de rationalisation de l'enseignement supérieur dans cette localité. Il ne préfigurait pas une tradition de collaboration dans cette région du monde. Au contraire, il en était le reflet. Par nécessité économique et en raison d'une imagination plutôt débordante, nous avons accepté de collaborer entre nous d'une manière qui respecte notre diversité mais tire avantage de nos htmects complémentaires, ce qui importe selon moi dans ce que nous tentons de faire actuellement.
La nécessité est mère d'invention, c'est vrai. De plus, la conjoncture économique nous a obligés à collaborer dans cette région du monde où, je crois, la culture du savoir est d'une importance primordiale. Vous pouvez nous qualifier de curieux, en ce sens que nous sommes à la fois étranges et particuliers. Toutefois, nous sommes aussi d'une grande curiosité. Le temps consacré aux études est précieux à nos yeux, et nous aimons croire que cette entreprise particulière est riche en promesses et en défis de taille.
Dans cet univers numérique où l'on n'a que le mot «homogénéisation» à la bouche, nous essayons de nourrir, en dépit du jeu de forces contraires, un sens d'autonomie dans nos différentes institutions, conscients tout de même qu'il nous faudra collaborer pour augmenter les forces non seulement de chacune, mais aussi de leurs étudiants en quête d'une richesse qui leur permettra, dans le contexte mondial actuel, d'être à la fine pointe de l'innovation et de la compétence.
Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli. Cependant, nous continuons de nous interroger sur ce qui nous attend.
Le sénateur Lavoie-Roux: Il est toujours agréable de visiter votre campus.
Le président: J'ai de la difficulté à comprendre comment les diplômés du Atlantic Theological College peuvent tous fréquenter la même université et utiliser les mêmes manuels, pour ensuite se disperser dans des églises différentes et épouser des philosophies distinctes. Le message qu'ils reçoivent est mixte. J'ignore si c'est ce qui nous unit ou nous divise.
Je vous remercie beaucoup de cet exposé des plus intéressants.
Nous accueillons maintenant, de l'Alliance des étudiants du Nouveau-Brunswick, M. Shawn Rouse, président, et M. Kelly Lamrock, vice-président à l'Élaboration des politiques.
Plutôt que de nous lire votre mémoire, vous pourriez peut-être nous parler de vos préoccupations. Ensuite, je demanderai à le sénateur DeWare, originaire du Nouveau-Brunswick et qui connaît si bien votre province, de vous poser les questions qui vous iront droit au coeur. Vous avez la parole.
[Français]
M. Shawn Rouse, président, Alliance des étudiants du Nouveau-Brunswick: Nous allons présenter notre mémoire en anglais, mais si après notre présentation vous voulez nous poser des questions en français, on peut répondre dans les deux langues.
[Traduction]
Nous essaierons de vous faire des exposés beaucoup plus courts que ce que pourrait laisser présager notre mémoire.
Nous sommes venus ici, aujourd'hui, pour parler d'enseignement postsecondaire, de son coût dans notre province et de l'avenir. Quels défis aurons-nous à relever dans ce domaine? John Kenneth Galbraith a fait remarquer que l'enseignement supérieur est une des clés de la démocratie. En effet, il permet au citoyen de bien comprendre les décisions qu'il est appelé à prendre, de mieux saisir les enjeux et de bien connaître les responsabilités de chacun. Ainsi, il est plus en mesure de prendre des décisions qui correspondent à l'intérêt public. C'est essentiellement ce que nous avions à dire.
Au Nouveau-Brunswick, en plus de reconnaître à l'enseignement postsecondaire des avantages pour la société, nous voyons aussi des avantages économiques au fait de donner à des étudiants les compétences dont ils auront besoin pour réussir sur le marché du travail.
Au Canada, depuis cinq ans, le nombre d'emplois pour les diplômés d'études supérieures a augmenté de 1,3 million. Simultanément, le nombre d'emplois offerts à ceux qui n'ont pas fait de telles études a baissé de 800 000. En réalité, les plus grands économistes de notre province prédisent que l'emploi pour les étudiants comptant cinq années ou plus d'études postsecondaires doublera d'ici à l'an 2000, tandis que l'embauche des autres baissera de plus de la moitié.
Bien sûr, la conclusion est évidente. Si nous voulons que nos citoyens et étudiants, que les enfants du Nouveau-Brunswick réussissent, il faudra leur donner accès à l'enseignement postsecondaire. Étant donné l'évolution du marché du travail sous l'effet de la mondialisation et des nouvelles technologies, les travailleurs devront changer d'emplois plus souvent. Le capital intellectuel prendra plus d'importance. On insistera davantage sur les compétences d'une personne, et nous savons tous comment s'acquièrent ces compétences -- grâce aux études.
Pour ce qui est de l'accessibilité aux études supérieures, il faut tenir compte de l'effet qu'ont l'augmentation des frais de scolarité et les compressions effectuées dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. On est en train de réduire de 2 p. 100 les subventions sans restriction versées par le gouvernement provincial aux universités dans notre province, et les subventions déterminées ou ciblées seront réduites de 1 p. 100 si certains critères ne sont pas respectés. La plupart de nos petits établissements ont de la difficulté à satisfaire à ces critères, ce qui se traduit par une augmentation des droits de scolarité de 200 à 300 $ par année, soit, au bout de trois ans, de 900 $ de plus environ.
L'UNB a proposé récemment, comme moyen d'effectuer les compressions requises, de relever de 1 000 $ les droits de scolarité des études de premier cycle, dans un certain programme donné. N'oubliez pas qu'il est question ici de personnes issues de familles à faible revenu et à revenu moyen qui doivent verser 3 000 $ ou plus par année pour franchir les premières étapes essentielles de l'éducation postsecondaire, pour obtenir une éducation supérieure tout aussi essentielle que les études de niveau secondaire. Le gouvernement accuse vingt ans de retard dans sa politique qui consiste à subventionner l'éducation uniquement au primaire et au secondaire.
Quels défis devons-nous relever en ce qui concerne l'accessibilité? En 1984, 81,3 p. 100 des étudiants du Nouveau-Brunswick recevaient des prêts, ce dont l'honorable sénateur DeWare se souviendra peut-être. En 1995, ce pourcentage était passé à 67,3 p. 100 -- un déclin marqué.
Le sénateur Lavoie-Roux: Quels genres de prêts recevaient ces étudiants?
M. Rouse: Le premier prêt que touche l'étudiant vient du Programme canadien de prêts aux étudiants. Il a toujours servi à jauger les besoins, tant dans les établissements qu'au gouvernement.
M. Rouse: Ce déclin s'explique par une croissance d'au moins 48 p. 100 des droits de scolarité, selon l'établissement. C'est une moyenne pour les 10 dernières années. Ceux de Mount Allison ont augmenté de 24,9 p. 100, l'an dernier, ce qui représente bien sûr le haut de la fourchette.
Bien que les droits de scolarité aient augmenté de presque 50 p. 100, très peu d'étudiants souscrivent des prêts aux étudiants. Parallèlement, l'endettement a plus que doublé. J'ai entendu un des porte-parole du consortium faire remarquer que l'endettement s'établissait en moyenne à 16 000 $.
Le sénateur Perrault: En Nouvelle-Écosse.
M. Rouse: Il est à peu près le même au Nouveau-Brunswick. Cependant, si vous venez d'une famille à faible revenu ou à revenu moyen et que vous bénéficiez d'une aide aux étudiants, votre endettement durant les études de premier cycle pourrait atteindre entre 30 000 et 35 000 $, particulièrement si l'on tient compte de hausses futures des droits de scolarité et des réductions prévues du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.
On fait si peu appel à l'aide aux étudiants, en dépit d'une croissance des droits de scolarité et d'un doublement de l'endettement, parce que ceux qui fréquentaient l'université en 1984 et qui ont accumulé de lourdes dettes ont de la difficulté à se placer. Je fais allusion à la situation de l'emploi dont nous venons de parler, au marché du travail. Les enjeux de la société des années 90 ont beaucoup changé. L'éthique est plus importante que jamais, l'euthanasie est un important sujet de discussion, on débat des entraves aux libertés individuelles et, naturellement, nous vivons dans l'âge de l'informatique. La protection de la vie privée est presque chose du passé. Comment peut-on s'attendre que nous réglerons de telles questions si nous n'acquérons pas les bases mêmes du raisonnement critique en faisant des études supérieures?
D'après une étude de l'Université du Utah, plus le taux de chômage est élevé, plus le taux d'alcoolisme, de toxicomanie, de criminalité, de violence familiale et de dépression est élevé. Simultanément, il coûtera beaucoup plus cher d'adapter plus tard la main-d'oeuvre aux emplois auxquels elle n'a pas accès actuellement que ce que peut rapporter une augmentation immédiate des droits de scolarité et de l'endettement.
Cela étant dit, les inscriptions commencent à stagner au Nouveau-Brunswick, pour la première fois de son histoire. Il ne suffit pas d'offrir des programmes comme des prêts aux étudiants. Il faut chercher avec dynamisme à intégrer les gens au système d'éducation postsecondaire, non seulement en raison des possibilités d'emploi que cela leur offre, mais aussi pour le bien-être de notre société.
M. Kelly Lamrock, vice-président, Élaboration des politiques, Alliance des étudiants du Nouveau-Brunswick: Pour avoir un débat éclairé, il importe de décrire l'état de l'éducation au Nouveau-Brunswick. Si l'on se fie au rapport de la Commission de l'enseignement supérieur des provinces maritimes, les tendances statistiques sont les mêmes, en fait, dans les trois provinces. Au risque d'entraîner le sénateur DeWare dans des sentiers battus, il importe d'insister sur ce qu'a dit Shawn.
En 1984, le diplômé moyen ayant fait quatre années de baccalauréat avait accumulé une dette de 11 000 $ à la fin de ses études. Aujourd'hui, son endettement est de 25 000 $. En 1984, les frais de scolarité à l'Université Saint Thomas étaient d'environ 1 500 $. Aujourd'hui, ils frisent les 2 300 $. Voici, selon moi, la statistique la plus étonnante. Dans les trois provinces, moins d'étudiants empruntent, même si les frais de scolarité ont augmenté cinq fois plus que les salaires au Nouveau-Brunswick. Cela signifie que ceux qui ont emprunté, il y a dix ans, sont maintenant exclus du système. Je ne crois pas me tromper en disant que l'éducation est moins accessible dans les provinces maritimes aujourd'hui qu'elle ne l'était, il y a dix ans.
D'autres statistiques soulignent également cette tendance. Le nombre des inscriptions baisse. Il vaut la peine de remarquer, honorables sénateurs, que le nombre d'inscriptions a baissé dans les universités du Nouveau-Brunswick. C'est dans ces universités que l'on a toujours retrouvé le nombre le plus élevé d'étudiants ayant besoin de faire des emprunts. Cela est particulièrement important sur les campus francophones où le nombre d'inscriptions a récemment chuté.
On court le risque d'avoir moins de personnes qui poursuivent des études et en même temps, aucun gouvernement n'a fait une étude détaillée des conséquences des frais élevés de scolarité et de l'endettement sur l'accès à l'enseignement et aucun gouvernement, fédéral ou provincial, de quelque allégeance politique que ce soit, n'a fait d'étude pour examiner l'effet économique d'un endettement de 25 000 $ à 30 000 $ sur une génération de personnes qui débutent sur le marché du travail. Personne n'a examiné l'effet que cela peut avoir sur la confiance du consommateur, sur l'économie, sur les nouvelles entreprises et sur les mises en chantier. Selon moi, il s'agit d'un véritable échec des chefs politiques de notre pays. Nous tenons à féliciter les sénateurs qui s'attellent à cette tâche.
J'aimerais faire brièvement mention de certaines des solutions que nous proposons, car nous ne voulons pas que notre exposé ne se résume qu'à une litanie de plaintes. Nous voulons participer au processus et essayer de vous donner quelques idées.
S'il y a une recommandation que nous voulons vraiment vous faire, c'est la suivante: les frais de scolarité doivent non seulement refléter ce que les gens peuvent financièrement se permettre, mais il faut aussi toujours donner l'impression que l'accès à l'enseignement postsecondaire est possible. Non seulement les questions financières pèsent-elles dans la décision relative à la poursuite d'études postsecondaires, mais aussi l'emploi des parents. La conscience de classe et le fait d'appartenir à la classe ouvrière sont très importants. Toutefois, d'après Jeremy Rifkin, le travailleur manuel pourrait disparaître d'ici l'an 2010. Nous avons assisté à une explosion du nombre d'emplois offerts aux personnes ayant fait des études postsecondaires et une chute radicale du nombre d'emplois offerts aux personnes n'ayant pas fait de telles études. Si on ne trouve pas le moyen de rejoindre ceux qui n'ont jamais fréquenté d'établissements postsecondaires, on se retrouvera pour toujours avec une «classe anxieuse» dans notre pays, qui vivra constamment dans la crainte de recevoir un avis de renvoi et qui devra constamment être recyclée. Il faut rejoindre et encourager davantage de personnes à entrer dans le système.
Pour ce faire, il faut que les étudiants aient l'impression que l'accès reste possible. Certains économistes vous diront qu'on peut augmenter les frais de scolarité, parce que les étudiants rationnels comprennent que leur capacité de revenu finira par augmenter de 200 000 $, si bien qu'ils devraient pouvoir supporter une dette de 60 000 $. Malheureusement, un jeune de 18 ans issu de la classe ouvrière ne cadre pas avec ce modèle rationnel uniquement pour faire plaisir aux économistes. La notion de perception est très importante.
Nous proposons une restructuration des frais de scolarité dans notre pays. Nous voulons attirer l'attention des honorables sénateurs sur les mesures prises dans l'État de la Georgie, par le gouverneur Bill Miller, ainsi que sur les propositions récemment annoncées par le président américain Bill Clinton. En juin dernier, le président Clinton a fait une excellente remarque. Il a dit qu'il y a 50 ans, on avait décidé que tout le monde devait avoir 12 années de scolarité. Toutefois, 50 ans plus tard, est-ce que 12 années suffisent vraiment ou est-ce que les compétences dont on a besoin aujourd'hui exigent davantage d'années d'études? Les deux premières années d'études postsecondaires devraient être aussi courantes pour la prochaine génération que la 12e année ne l'a été pour la génération précédente: tel est l'objectif que nous devrions viser.
En Georgie, le Hope Scholarship Program vise à surmonter les obstacles initiaux des deux premières années. On a voulu trouver une façon de faire entrer les gens dans le système, qu'il s'agisse d'un programme collégial ou universitaire. On a annoncé une série de crédits et de remboursements d'impôt qui, en fait, remboursent les frais des deux premières années d'études postsecondaires. C'est une façon d'encourager les gens à surmonter ces obstacles.
Nous proposons également une restructuration des frais de scolarité sans incidence sur les recettes pour que les deux premières années coûtent moins cher que les autres. C'est, à mon avis, absolument essentiel, si l'on veut faire entrer les gens dans le système. Une fois dans le système, les étudiants peuvent faire de meilleurs choix de carrière. Il faut toutefois commencer par les rejoindre.
En même temps, il faudrait restructurer l'aide aux étudiants. À l'heure actuelle, les gens sont effrayés par un endettement éventuel de 25 000 $ a 35 000 $, ce qui est parfaitement compréhensible. Nous comprenons également que le gouvernement, tout à fait légitimement, veut accorder des subventions à ceux qui en ont le plus besoin en cette période fiscale difficile. Nous n'avons rien à redire à ce sujet.
Nous proposons de mettre l'accent sur les deux garanties les plus importantes que l'on puisse donner aux étudiants. Tout d'abord, il faut les convaincre qu'à long terme, il vaut la peine de faire des études postsecondaires. Ensuite, il faut leur donner la garantie tout d'abord que, s'ils réussissent bien dans leurs études, ils n'auront pas à trop s'endetter. Deuxièmement, il faut également leur donner la garantie que s'ils ont du mal à trouver un emploi sur le marché du travail après leurs études, une aide sera possible.
On pourrait le faire en fondant l'aide aux étudiants sur les bourses d'excellence. Aucune province ne l'a encore vraiment fait. Au Nouveau-Brunswick, un étudiant peut recevoir une bourse d'excellence, c'est-à-dire que s'il réussit chaque cours, il bénéficie d'une réduction de 500 $ de sa dette. Il reçoit également une lettre signée du ministre. C'est, à mon avis, une bonne idée au plan politique, mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée au plan universitaire. Après avoir subventionné les deux premières années, il faudrait, à mon avis, lier les autres subventions ou bourses à l'excellence intellectuelle. De tels incitatifs seraient donnés à ceux qui excellent et qui doivent être dans le système, indépendamment de leurs origines sociales.
Depuis trois ans, le gouvernement fédéral promet un programme harmonisé fédéral-provincial d'aide aux étudiants. Au moment de la parution du livre vert en 1994, on s'est rendu compte que les frais de scolarité allaient augmenter et on a proposé l'instauration d'un programme harmonisé fédéral-provincial pour régler ce problème. Seule la moitié de la promesse a été tenue. Il y a eu des augmentations des frais. Il n'y a toujours pas de programme global d'aide aux étudiants.
Nous recommandons vivement aux honorables sénateurs d'examiner la proposition faite par le ministère de l'Enseignement supérieur et du Travail du Nouveau-Brunswick, relative à un programme de remise en fonction du revenu. Il s'agit d'un modèle de remboursement flexible qui permet essentiellement de garantir que la dette d'un étudiant sera remboursée au bout d'un certain nombre d'années, par exemple 15, et que l'échéancier correspondra à ce délai. Par exemple, un diplômé en droit peut gagner de 60 000 $ à 70 000 $ par an, auquel cas, il serait en mesure de rembourser le prêt en moins de temps. Toutefois, si quelqu'un traverse une période difficile, le programme de remise en fonction du revenu permet d'accorder des bourses différées pour que, si le revenu tombe en dessous d'un certain niveau, le gouvernement se charge des paiements pendant quelque temps. À l'heure actuelle, les gouvernements dépensent pas mal d'argent pour les bourses initiales ce qui, bien sûr, ne veut pas nécessairement dire que ceux qui ont besoin d'aide pour régler leur dette l'obtiennent. Ces fonds seraient mieux dépensés dans le cadre d'un programme de remise en fonction du revenu permettant d'accorder les bourses à ceux qui en ont le plus besoin.
Je reprends donc les trois volets du plan que nous vous présentons aujourd'hui: premièrement, faciliter le plus possible l'entrée dans l'enseignement postsecondaire les deux premières années; deuxièmement, accorder des bourses d'excellence pour que les meilleurs étudiants soient aidés par la société pour terminer leurs études postsecondaires; troisièmement, instaurer un système de remise en fonction du revenu qui permette de donner des bourses différées à ceux qui en ont le plus besoin.
Nous recommandons également la création d'un fonds d'éducation permanente qui permettrait aux familles de faire des contributions, comme celles de l'assurance-emploi. Selon les économistes, le travailleur moyen va changer d'emploi quatre à cinq fois au cours de sa vie active. La création d'un tel fonds permettrait d'avoir accès à de l'argent pour se recycler ou financer les études des enfants. C'est l'une des meilleures choses que l'on puisse faire pour les familles canadiennes.
Nous nous excusons de la longueur du mémoire qui est un article que nous nous proposons de publier. Comme je suis étudiant en droit à plein temps, je n'ai pas eu le temps de préparer un mémoire.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je vais certainement me pencher sérieusement sur votre document.
M. Lamrock: Mon style risque de vous endormir.
Nous avons parlé de la réforme du programme d'études. Selon une récente étude faite à l'Université York, les trois domaines les plus recherchés par les employeurs et qui revêtent le plus d'importance pour l'ensemble de la population sont l'esprit critique, la résolution de problèmes et l'art de la communication. Or, on ne décèle aucune amélioration en matière d'esprit critique et de résolution de problèmes chez les étudiants en lettres et en sciences à la fin des études. Pire encore, les notes ne se rapportent nullement aux capacités de l'étudiant en matière d'esprit critique et de résolution de problèmes.
Les universités ne devraient pas uniquement se contenter de présenter de nouveaux programmes d'études aux étudiants et de s'attendre à des résultats. Un étudiant en lettres m'a d'ailleurs dit que dans un programme de lettres, on apprend uniquement à régurgiter des théories. Or, tout programme menant à un diplôme devrait donner aux étudiants la capacité d'apprendre et d'appliquer les connaissances acquises.
Nous demandons aux sénateurs de prendre note de certaines des recommandations que nous faisons, y compris la création d'un passeport d'études, reconnaissant que les formes d'éducation seront plus souples dans l'avenir en raison de la réalité de la vie et de l'expérience de travail. De même, nous proposons de trouver des moyens d'aider les étudiants qui reprennent leurs études, surtout ceux qui ont des familles à charge, pour qu'ils puissent terminer leurs cours plus rapidement.
Les étudiants devraient appliquer leurs compétences au sein de la collectivité. Il faudrait penser à des programmes alternance travail-études qui donnent de véritables expériences de travail. Les étudiants en commerce devraient participer à la création d'entreprises dans les collectivités et obtenir des crédits à cet égard. Les étudiants en éducation pourraient aider le gouvernement à organiser des classes d'alphabétisation. Les étudiants en sociologie pourraient s'occuper bénévolement de certains problèmes sociaux et mettre en pratique ce qu'ils ont appris. Non seulement arriverait-on à créer un esprit d'entraide dans le pays, mais les étudiants seraient également en mesure d'appliquer les connaissances acquises.
Il faudrait concevoir des diplômes d'arts appliqués qui créent une synergie entre nos universités et nos collèges de façon que nos penseurs apprennent à travailler et à nos travailleurs à penser. Il faudrait combiner l'esprit critique à la résolution de problèmes.
Il faudrait réformer la gestion des universités. À l'heure actuelle, les conseils des gouverneurs sont composés de bénévoles qui se réunissent deux ou trois fois par an. Il arrive qu'ils reçoivent 400 pages de notes deux jours avant leur réunion -- il n'est donc pas étonnant que les universités ne semblent pas responsables. Davantage d'intervenants et de militants communautaires devraient siéger au sein des conseils des gouverneurs. Il faudrait prévoir une période d'orientation obligatoire pour les membres des conseils des gouverneurs de manière qu'ils se familiarisent avec les questions financières et de gestion des universités.
Il faut également se pencher sérieusement sur la question de l'assurance de la qualité. Pour certains, l'assurance de la qualité signifie qu'il suffit d'établir une série d'indicateurs et de restreindre le financement de toute université qui ne les respecterait pas. Le problème de la technique du bâton et de la carotte c'est que, si vous donnez le bâton à l'université, elle a tendance à nous frapper, financièrement parlant, en augmentant les frais de scolarité.
Essayons, par contre, de trouver des moyens qui permettent à chaque université de concevoir ses propres indicateurs en fonction de son énoncé de mission et aussi d'avoir un système de compte rendu -- semblable à celui des Nations Unies -- à propos de la façon dont chaque université atteint ses objectifs.
Créons un fonds d'aide à l'innovation qui récompense les universités et leur donne la possibilité d'instaurer de nouveaux programmes.
Vérifions au moyen de tests quelles universités dispensent le meilleur enseignement, améliorant ainsi l'esprit critique et les capacités des étudiants en matière de résolution de problèmes.
Prévoyons des sondages relatifs à la satisfaction des étudiants, tout de suite après la fin d'un programme et dix ans après l'obtention du diplôme, pour voir si les étudiants ont trouvé leurs études utiles et s'ils se débrouillent bien sur le marché du travail.
Ce sont les genres de changements que nous aimerions apporter pour qu'il vaille la peine non seulement d'investir dans nos universités, parce que nous voulons que les jeunes les fréquentent -- et nous proposons dans notre document des façons de payer ces coûts -- mais aussi pour que les établissements puissent s'autofinancer en offrant le genre d'enseignement dynamique que nous recherchons.
Nous tenons de nouveau à féliciter le comité de se pencher sur cette question.
Le président: Vous avez fait un bon travail d'avocat. Votre client est disculpé.
Le sénateur Perrault: Merci de votre excellent exposé.
Le sénateur DeWare: Je partage l'avis de mon collègue.
Le président: Nous allons lire votre document en entier et vous demander de revenir si nous avons besoin de davantage de renseignements.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: J'ai lu votre mémoire qui est une très belle présentation. Je dois dire que vous êtes des étudiants qui représentez la seule province officiellement bilingue au Canada. Venant du Nouveau-Brunswick moi-même, je me sens un petit peu gênée que vous nous présentiez un document en anglais seulement. J'aurais voulu voir dans vos recommandations des motivations afin que tous les étudiants du Nouveau-Brunswick deviennent bilingues. Si la ville de Moncton a eu plus de compagnies qui se sont installées à Moncton et non à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, c'est parce qu'elles pouvaient offrir des services bilingues. On a longtemps dit que l'anglais était la langue des affaires. Maintenant, le Conference Board du Canada nous dit que la langue des affaires est la langue de la clientèle. Je ne veux pas vous faire un reproche. Est-ce que l'Université de Moncton est représentée par l'Alliance des étudiants du Nouveau-Brunswick?
M. Lamrock: Oui, sénateur. L'Université de Moncton et les deux campus à Sheppagan sont aussi membres de notre Alliance. Nous étions un des premiers groupes à appuyer l'adoption de la loi 88 pour l'égalité entre les communautés linguistiques. Nous avons vraiment joint la lutte pour une province bilingue. L'idée du bilinguisme, à mon sens, est que chaque individu a le droit d'utiliser, en parlant au gouvernement, la langue dans laquelle il se sent le plus confortables. Et nous avons choisi de vous présenter les inquiétudes du campus francophone qui a perdu l'accessibilité à l'éducation postsecondaire, dans la langue dans laquelle nous sommes le plus confortables parce qu'on veut vous exprimer leurs inquiétudes de la meilleure façon possible. Et ça, c'est l'idée du bilinguisme que lorsqu'on parle au gouvernement, on peut parler dans la langue, celle dans laquelle nous sommes le plus confortables, anglophones ou francophones. Alors, je crois que nous avons vraiment représenté nos membres à Moncton.
Le sénateur Losier-Cool: Je suis d'accord que vous représentez vos membres. Je ne veux pas commencer un débat.
[Traduction]
Le sénateur DeWare: Vous dites qu'il y a moins d'inscriptions aux programmes universitaires du Nouveau-Brunswick; la question est de savoir pourquoi.
Les représentants des banques nous ont dit que 10 p. 100 des étudiants finissent par n'avoir que 6 000 $ de dette. C'est en fait parce qu'ils interrompent leurs études, s'inquiétant de la dette qu'ils risquent d'avoir à supporter.
Prenons l'exemple d'un jeune homme et d'une jeune femme qui décident de passer leur vie ensemble et qui sortent du système avec une dette de 30 000 $ chacun; ils se demandent comment ils vont pouvoir se marier sachant qu'ils doivent 60 000 $ et qu'ils sont tous les deux sans emploi.
La situation que doivent vivre les étudiants d'aujourd'hui est incroyable. C'est la raison pour laquelle cette étude sur l'enseignement postsecondaire est si importante.
Votre mémoire est impressionnant, surtout parce que vous y faites des recommandations. Les comités sénatoriaux entendent souvent des témoins qui ne sont pas d'accord avec le statu quo, mais qui, rarement, proposent des suggestions.
Comme vous le savez, les bourses sont une chose du passé. Comment peut-on rétablir les programmes de bourses d'études? Vous proposez un système de bourses d'excellence. Découlerait-il d'un programme de remise en fonction du revenu?
M. Lamrock: Oui, c'est exact.
Le sénateur DeWare: C'est l'une de vos recommandations. N'est-ce pas ce qui se fait actuellement?
M. Lamrock: Quelques bourses sont offertes. Je suis sûr que vous vous souvenez de la bourse de 2 700 $ instaurée après le prêt canadien aux étudiants. Aujourd'hui, les étudiants ont accès à un prêt fédéral de 4 000 $, à un prêt provincial de 3 000 $ et ensuite, s'ils sont véritablement dans le besoin, ils ont droit à une petite bourse. Dans la mesure où l'on fait ces dépenses et où d'autres économies peuvent être réalisées, nous croyons que ces fonds devraient être réservés aux meilleurs étudiants et leur être versés sous forme de bourses différées. Si le marché du travail n'est pas bon -- et pour 20 p. 100 des étudiants, c'est le cas -- les étudiants seraient sûrs de pouvoir bénéficier d'une forme d'aide, ce qui leur éviterait de passer leur vie endettés, de déclarer faillite ou de ne pas honorer leurs échéances.
A mon avis, trop d'étudiants sont forcés de ne pas honorer leurs échéances, alors qu'ils pourraient les honorer si le système était plus souple.
Le sénateur DeWare: Les banques nous ont dit qu'elles ont un plan de 18 mois sur un programme de cinq ans. Si vous commencez à rembourser votre prêt et que vous vous apercevez que vous ne pouvez pas le payer pendant six mois, ce n'est pas un problème car, pendant 18 mois, vous n'avez pas besoin de faire vos versements. Toutefois, c'est une approche différentielle. Il pourrait s'agir de trois mois ici et de six mois là, sur une période de cinq ans. Cela facilite les choses.
Vous parlez du Hope Scholarship Program qui permettrait de rembourser les étudiants pour leurs deux premières années d'études postsecondaires. Pouvons-nous accueillir dans nos universités ces jeunes que nous voulons encourager à poursuivre des études postsecondaires? Disons par exemple que 12 ans ne suffisent pas et que le gouvernement garantirait 14 années d'études, dont deux seraient postsecondaires, avons-nous suffisamment de place dans nos universités?
M. Lamrock: Je pense que cela peut se faire. Les dépenses en capital dans nos universités sont bien inférieures à ce qu'elles étaient il y a dix ans. Le téléenseignement serait un point à envisager. Il y a donc des solutions possibles.
Il est extrêmement important que le gouvernement se pose la question suivante: quel niveau d'éducation minimum doivent atteindre les Canadiens aujourd'hui? En même temps, il faudrait restructurer les programmes d'études secondaires. Nous ne sommes pas qualifiés pour en parler et nous n'avons pas la prétention de l'être. Toutefois, il faudrait s'assurer que les étudiants atteignent ce niveau minimum. Si l'on a de bons professeurs, de bons programmes et de bons étudiants, on peut garantir que les Canadiens auront ce genre de formation. Cela peut vouloir dire qu'il faut tirer meilleur parti de nos collèges communautaires. On ne réussit pas vraiment à attirer les Canadiens dans le système collégial. Je crois qu'il faudrait trouver un moyen de rendre cette option tout aussi attrayante.
Le sénateur DeWare: J'espère que vous avez raison. J'ai hâte de lire votre mémoire.
Le sénateur Perrault: Je vous donne la meilleure note qui soit pour ce document. Je vous félicite, ainsi que vos associés et vos collègues. Vous avez travaillé sur un projet, qui, de toute évidence, suscite beaucoup de questions.
M. Lamrock: Merci, sénateur.
Le sénateur Forest: A l'instar de mes collègues, je vous félicite et j'ai hâte de lire votre mémoire. Le concept de bourses d'excellence me plaît. Toutefois, vous dites dans votre document qu'à l'Université York, il y a peu ou pas de corrélation entre les notes et les capacités des étudiants; par conséquent, il sera difficile de déceler l'excellence parmi les étudiants. C'est malgré tout une solution qu'il vaut la peine d'examiner.
Vos recommandations ont certainement éveillé mon imagination car, après tant d'audiences dans tout le pays, je commençais à me demander si nous allions entendre quelque chose de nouveau.
Le sénateur Lavoie-Roux: J'aimerais également vous remercier pour votre rapport. Je suis un peu surprise d'y trouver des recommandations qui à mon avis devraient être faites par les universités plutôt que par les étudiants. Par exemple, vous recommandez que l'on procède à un examen de la durée des études menant à un diplôme, et vous avez bien d'autres recommandations, qui, je crois, devraient être la responsabilité des professeurs d'université ou des directeurs de département.
Je ne veux pas détruire vos illusions, mais, lorsque vous dites que plus une personne a fait d'études, plus elle a de chances de trouver un travail, je dirais que malheureusement, ce n'est plus le cas. Vous avez aussi parlé de Jeremy Rifkin. De plus en plus, des personnes qualifiées, qu'il s'agisse d'avocats, de comptables, et même d'ingénieurs, ont du mal à trouver du travail. C'est à mon avis une question sur laquelle les universités devraient se pencher. Je crois que Jeremy Rifkin nous lance un signal. Toutefois, c'est une question très importante qu'il faut examiner plus à fond. Il faut adapter les programmes d'enseignement à cette réalité. Toutefois, les universités ne semblent pas prêter trop d'attention à cette question. Il semble qu'elles ne cherchent qu'à augmenter la population étudiante.
[Français]
C'est une question tellement importante et difficile, pour être sûr qu'on prend les bons virages. Et je ne sais pas si vous avez réfléchi à cette question-là, mais cela m'inquiète beaucoup.
[Traduction]
Il ne s'agit pas uniquement de prévoir un financement supplémentaire pour les universités, la question est plus complexe.
Le président: Nous n'avons pas le temps de discuter de ce sujet.
[Français]
M. Lamrock: Il y a la responsabilité à chaque niveau, pour les universités, les gouvernements, mais aussi pour nous, les étudiants. Et nous avons essayé de revoir chaque niveau de responsabilité. Et on sait bien qu'il arrive un point où tout ce que le gouvernement peut faire est de créer l'opportunité pour tous les autres de porter notre responsabilité. C'est notre espoir et on peut en parler un peu plus tard.
Le sénateur Lavoie-Roux: Il faudrait que vous signaliez à vos professeurs et à vos recteurs d'université, qu'il y a là un problème qui peut-être commence déjà à vous frapper un peu. Mais pour la génération qui vous suit, cela pourrait devenir dramatique.
[Traduction]
Le sénateur DeWare: On a parlé des programmes d'aide du secteur privé dans le domaine de l'enseignement ou du fait que des banques financent une partie d'une bibliothèque. Qu'avez-vous à dire à ce sujet? Maintenant que le gouvernement réduit son financement, faut-il s'adresser au secteur privé? Cela entraîne-t-il des risques?
M. Rouse: Oui, si les intérêts privés commencent à l'emporter sur le secteur public. A mon sens, il est important que les milieux des affaires, du travail et les milieux universitaires agissent ensemble comme collectivité, car l'enseignement postsecondaire, l'éducation en général, représente ce qui est le plus vital pour le XXIe siècle. Il faut travailler ensemble. Evidemment, il ne faut pas que les intérêts commerciaux compromettent l'éducation de nos étudiants. On ne peut pas commencer à enseigner la philosophie McDonald, sous prétexte que cette société commandite la cafétéria. Je donne cet exemple spontanément, mais je suis sûr que vous comprenez ce que je veux dire.
Le sénateur DeWare: Tout à fait.
Le président: Merci beaucoup pour votre excellente présentation.
La séance est levée.