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POST

Sous-comité de l'éducation postsecondaire au Canada

 

Délibérations du sous-comité de l'enseignement postsecondaire
du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 9 - Témoignages - Séance de l'après-midi


HALIFAX, le mardi 18 février 1997

Le sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 14 h 15 pour poursuivre son examen de l'enseignement postsecondaire au Canada.

Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, sont avec nous aujourd'hui M. Dale Kirby, le porte-parole officiel et représentant exécutif national de la Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants, section Terre-Neuve et Labrador, et Mme Lori Lush, membre du conseil de l'Association des étudiants du Central Newfoundland Regional College.

M. Dale Kirby, porte-parole officiel et représentant exécutif national, Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants -- Terre-Neuve et Labrador: D'abord, je voudrais vous faire remarquer que l'absence d'un sénateur de Terre-Neuve et du Labrador me déçoit un peu. C'est à se demander s'il y a des sénateurs qui représentent ma province.

La Fédération canadienne des étudiants et des étudiantes, section Terre-Neuve et Labrador, représente 23 établissements de la province. Parmi ces derniers, on compte 18 campus collégiaux, le campus principal de l'Université Memorial, l'Institut de la Marine ainsi que le Collège Grenville de Cornerbrook, à Terre-Neuve.

Notre mémoire écrit met principalement en lumière le coût croissant des études postsecondaires à Terre-Neuve et au Labrador ainsi que le retrait de l'aide aux étudiants dans cette province. Un étudiant universitaire sur deux profite du Programme canadien de prêts aux étudiants. En moyenne, les étudiants empruntent 3 100 $ par année dans le cadre du programme. Cette année, le nombre d'étudiants profitant du programme a augmenté de 26 p. 100. La semaine dernière, Haywood Harris, un directeur de l'aide aux étudiants a souligné, dans le Evening Telegram, que le Programme canadien de prêts aux étudiants ne répondait pas actuellement aux besoins fondamentaux des étudiants.

À Terre-Neuve, nous avons une industrie fondée sur les ressources qui perd lentement du terrain. À l'heure actuelle, l'enseignement postsecondaire est la seule voie d'avenir pour la population de la province. Toutefois, le coût de l'éducation postsecondaire est tel que cette dernière devient inaccessible. Dans Post-secondary Indicators '95, une publication du gouvernement, on fait remarquer que, même si les droits de scolarité sont encore bas comparativement à de nombreuses autres régions du pays, le fardeau financier des étudiants de la province compte toujours parmi les plus élevés du pays en raison du faible revenu par habitant de la province.

Cette année, et depuis trois ans, les droits de scolarité de l'Université Memorial ont augmenté de 45 p. 100. Nous sommes fondés à croire que, dans son prochain budget, le gouvernement provincial prolongera son plan d'une autre année, de sorte que l'augmentation des droits de scolarité s'élèvera à plus de 45 p. 100 depuis quatre ans.

Les droits de scolarité des collèges ont également augmenté. Nous estimons que cette hausse est directement attribuable au Transfert en matière de santé et de programmes sociaux. D'ici quelques semaines, nous saurons s'il y aura d'autres augmentations. Les statistiques montrent que les inscriptions diminuent à l'Université Memorial. Nous croyons que cela résulte directement de l'augmentation des droits de scolarité.

Mme Lori Lush, membre du conseil, Association des étudiants du Central Newfoundland Regional College: Je voudrais vous donner des détails sur le réseau collégial de la province. À l'heure actuelle, nous sommes en train de réorganiser complètement le réseau, ce qui comprend la fusion de cinq collèges et la création d'un seul collège provincial à Terre-Neuve. Des campus et des programmes sont donc supprimés. À mesure que des campus sont fermés, des programmes sont transférés dans d'autres campus, de sorte que nous en train de surpeupler nos collèges.

Les établissements privés exercent des pressions sur le gouvernement afin que ce dernier supprime le double emploi dans les programmes. Nous ne croyons pas qu'il y a double emploi, car cela est impossible quand on pense qu'un établissement public offre les mêmes programmes qu'un établissement privé à 10 p. 100 environ du coût des programmes offerts par ce dernier.

Il existe un lien direct entre la fermeture de nos campus et la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, un programme fédéral servant au recyclage de nos pêcheurs. En effet, ce programme a déjà été supprimé dans nombre de campus, et il le sera bientôt dans tous les campus. Cela se traduira par la perte de millions de dollars consacrés à la formation par notre gouvernement. Notre collège, par exemple, perdra 9 millions de dollars qui étaient injectés par les gouvernements provincial et fédéral pour la gestion de ces programmes afin de répondre aux besoins des gens dans le cadre de la Stratégie du poisson de fond. Cela se traduira également par une baisse des inscriptions dans les établissements publics comme privés.

Nos établissements privés font pression sur le gouvernement, lequel semble les écouter. Il semble convenir avec eux qu'il y a double emploi dans les programmes et les services à éliminer. Malheureusement, les étudiants ne voient pas cela comme une option. Il ne faut pas supprimer un programme quand on n'a pas l'option de se tourner vers l'établissement privé et payer 90 p. 100 plus cher.

M. Kirby: À titre d'exemple, j'ai entendu un porte-parole d'un établissement privé demander: si le collège Cabot, à St. John's, à Terre-Neuve, offre un programme en commerce alors que quatre collèges privés offrent déjà un tel programme, pourquoi le public finance-t-il le programme public du collège Cabot ou de tout autre collège public d'ailleurs? Pareille attitude nous préoccupe.

Dans notre mémoire, nous vous demandons de recommander l'initiative de réforme de l'aide nationale aux étudiants. Les responsables du Programme canadien d'aide aux étudiants et sept organismes nationaux représentant des professeurs, des étudiants et des administrateurs de l'aide ont travaillé de concert à l'élaboration de cette initiative. Nous sommes d'avis que c'est une excellente façon de réformer un système qui en a vraiment besoin.

Le président: Votre intervention était brève et précise. Je voudrais vous poser une question au sujet de Terre-Neuve. Nous savons que la pêche à Terre-Neuve est au point mort et que le développement d'Hibernia n'a pas encore atteint le point où il peut stimuler l'économie. En outre, les mines de nickel du Labrador en sont toujours au stade du développement initial. Si un étudiant suivait des cours de formation spécialisée dans un domaine particulier, où trouverait-il de l'emploi à Terre-Neuve?

M. Kirby: C'est une très bonne question. Tout semble tourné vers l'avenir. Les étudiants qui font des études dans des disciplines techniques dans nos collèges et ceux qui étudient en géologie ainsi qu'en sciences de la terre, ou dans des domaines semblables, ont des perspectives d'avenir. Toutefois, à l'heure actuelle, nous subissons un exode de cerveaux et nous perdons des habitants en masse à cause de la pénurie d'emplois dans notre province.

Le secteur public continue de s'atrophier et d'être victime de compressions, et il ne semble pas être au bout de ses peines. Il y a une pénurie d'entreprises privées. Les projets de Voisey Bay et d'Hibernia sont prometteurs, mais il est loin d'être acquis qu'ils donneront les résultats escomptés.

Le président: Si Terre-Neuve souffre de cet exode de cerveaux, n'est-il pas probable que d'autres régions du pays profitent des connaissances que ces personnes ont acquises à Terre-Neuve? Dans l'affirmative, c'est peut-être une bonne raison pour laquelle le gouvernement fédéral devrait consacrer plus de fonds à l'éducation à Terre-Neuve.

Si la situation économique et les perspectives d'emploi s'améliorent à Terre-Neuve, les personnes qui sont parties pourraient bien revenir.

Mme Lush: Nous aimerions voir une augmentation du financement du gouvernement fédéral. Malheureusement, le gouvernement provincial ne paie que pour faire instruire les enfants. Les étudiants adultes doivent payer leurs propres études postsecondaires. Puis ces personnes s'en vont dans une autre province où elles paient des impôts et profitent des conditions de cette province. Quand elles prennent leur retraite, elles reviennent peut-être dans leur province où elles deviennent un fardeau pour nos programmes sociaux. Nous dépensons des crédits provinciaux pour faire instruire notre population, mais le gouvernement ne retire rien du point de vue financier pendant les années actives de ces personnes.

Le sénateur Forest: Vous avez exprimé votre déception quant à l'absence de sénateurs de Terre-Neuve et du Labrador. Les sénateurs sont membres de divers comités, et il arrive que nous sommes le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Leur absence ne dénote pas un manque d'intérêt de la part de vos sénateurs. En fait, certain d'entre eux m'ont dit qu'ils seraient très intéressés d'entendre ce que nous faisons. Nous avons tous nos domaines de travail, mais lorsque notre rapport sera présenté au Sénat par notre président, tous les sénateurs auront alors l'occasion de donner leur avis. Je veux simplement que vous sachiez que ce n'est pas un manque d'intérêt de la part des sénateurs de Terre-Neuve; ils ne sont pas ici uniquement parce qu'ils ne font pas partie de ce comité.

À la dernière page de votre mémoire, vous recommandez que les gouvernements provincial et fédéral imposent immédiatement un moratoire de trois ans sur toute hausse des droits de scolarité des établissements postsecondaires. Cette recommandation nous a été présentée sous diverses formes de sorte que nous sommes au courant des préoccupations des étudiants à cet égard. Si vous deviez faire une deuxième recommandation au comité, quelle serait-elle?

M. Kirby: Je crois que l'autre recommandation figure dans notre mémoire. Il s'agit de la restructuration du Programme canadien de prêts aux étudiants.

Le sénateur Forest: Les prêts et les droits de scolarité sont-ils vos principales préoccupations?

M. Kirby: Certainement.

Le sénateur Forest: Vos principales préoccupations ont donc trait aux problèmes financiers qu'éprouvent les étudiants de nos jours.

M. Kirby: C'est le principal problème parce que, comme je l'ai déjà dit, dans notre province, il n'y a rien d'autre à faire que de faire des études postsecondaires. Il y a très peu d'emplois et de possibilités.

Le sénateur Forest: Il est à espérer que l'éducation vous permettra de contribuer à l'économie de votre province et que certains de ses investissements seront rentables.

Le sénateur Losier-Cool: Terre-Neuve est un bel endroit. Existe-t-il des programmes de formation collégiaux en tourisme? Je sais que les Européens seraient des plus intéressés à visiter votre belle province.

Mme Lush: Oui, il existe quelques programmes axés sur le marché. Malheureusement, ces programmes sont offerts par des établissements privés et coûtent très cher. Le gouvernement ne les subventionne pas. Ces programmes sont donc relativement inaccessibles à moins que les intéressés soient prêts à contracter une énorme dette. La plupart de nos jeunes ne peuvent tout simplement pas se permettre d'investir 30 000 $ ou 40 000 $ pour acquérir une formation qui pourrait les aider à trouver du travail. À l'heure actuelle, notre économie ne justifie pas ce genre de dépense.

Le sénateur DeWare: Que pensez-vous de la proposition du Nouveau-Brunswick? Je voudrais également connaître votre point de vue sur le programme relatif au mérite.

Mme Lush: L'une des préoccupations soulevées par notre groupe, c'est qu'un système fondé sur le mérite n'est pas toujours à l'avantage des étudiants tout simplement parce que l'étudiant pourrait y aller de ses meilleurs efforts mais, compte tenu de ses antécédents socio-économiques, il ne pourrait ne pas pouvoir htmirer à devenir un étudiant obtenant des notes supérieures. Ce serait peut-être moins difficile pour un étudiant d'une classe sociale supérieure. Malheureusement, il s'ensuit que l'étudiant médiocre, en dépit de ses meilleurs efforts, pourrait ne pas obtenir la reconnaissance et l'aide financière qu'il mérite.

Le sénateur DeWare: Je me souviens d'une fois où un chauffeur de taxi a manqué de politesse envers ma mère en l'aidant à monter dans son taxi. Je lui ai dit alors qu'il était très important dans la vie de faire de notre mieux si nous avions un emploi. Comme vous le dites, nous ne sommes pas tous des étudiants pouvant obtenir des notes supérieures, mais il est important de faire de notre mieux.

Mme Lush: Nous ne sommes pas tous des étudiants pouvant obtenir des notes supérieures, mais nous faisons de notre mieux, et cela devrait être reconnu.

Le sénateur DeWare: Je vous remercie de vos observations.

Le comité se penchera sur la question du répit sur le plan des intérêts. Je conçois fort bien qu'une période de grâce de 18 mois ne suffise pas. Vous êtes d'avis qu'une bourse atténuerait le problème au moment où l'étudiant serait incapable de respecter ses obligations de remboursement.

Qui verserait cette bourse? Le gouvernement ferait-il ce paiement à la banque? De façon générale, le gouvernement garantit à la banque un pourcentage des prêts en défaut. D'où vient cet argent?

M. Kirby: L'argent vient du gouvernement fédéral. Les bourses sont destinées aux étudiants de première année dont les besoins sont grands et aux parents célibataires, et seraient en sus du montant prêté par les banques. Cela aiderait à alléger le fardeau des étudiants.

J'ai également un point à signaler au sujet du programme axé sur le mérite. Je ne suis pas convaincu que cela soit applicable au niveau collégial. Nous avons un nombre égal d'étudiants collégiaux et universitaires dans la province, de sorte que je ne sais pas si cela fonctionnerait de la même façon qu'en Nouvelle-Écosse ou au Nouveau-Brunswick, où il y a beaucoup d'universités.

Le sénateur DeWare: Cela aiderait sûrement les étudiants de première année dont les besoins sont grands. La bourse leur permettrait, à tout le moins, d'accéder au système. Une fois admis dans un établissement, ils pourraient s'intéresser à leurs études au point de vouloir les poursuivre.

Le président: De quelle manière la réorganisation de notre réseau collégial a-t-elle influé sur les étudiants de Terre-Neuve et du Labrador?

Mme Lush: À l'heure actuelle, la réorganisation bat son plein. En septembre, au début de l'année scolaire, nous étions au Central Newfoundland Regional College et nous terminerons l'année au Newfoundland Provincial College. Les effets directs sur les étudiants ne sont pas encore très évidents. Des campus ont été fermés parce que les inscriptions n'y étaient pas assez élevées. Les programmes offerts par ces campas ont été transférés dans d'autres campus, qui sont maintenant surpeuplés. Je suis convaincue que les effets se feront sentir dans un an environ.

M. Kirby: J'estime que, de façon générale, la réorganisation fera économiser de l'argent au gouvernement provincial. Toutefois, l'accessibilité dans toutes les régions est importante. À l'heure actuelle, il y a un collège à Saint Anthony, qui se trouve tout au nord de la péninsule nordique, et si les gens fréquentant ce collège ne pouvaient pas aller à l'école à Saint Anthony, il est probable qu'ils n'iraient pas dans un autre collège ailleurs. Ce sont des étudiants adultes.

C'est ça le problème avec les fermetures et la décroissance. D'une part, nous devons faire des économies, mais, d'autre part, des gens ne pourront pas faire d'études postsecondaires ni suivre des cours élémentaires d'éducation aux adultes parce que ces programmes sont maintenant éliminés. À ce que je sache, DRHC gère des centres de téléapprentissage, comme il les appelle, et il est également en train de supprimer les emplois de moniteur d'éducation de base. Je ne sais pas pendant combien de temps le programme de DRHC va durer. J'espère qu'il durera aussi longtemps que les programmes FBA étaient censés durer.

Le président: Vous dites que le gouvernement pourrait faire des économies, mais que les étudiants dépenseront plus parce qu'ils seront forcés d'aller à St. John's, où ils paieront un loyer, et cetera. En conséquence, le coût par étudiant augmentera.

M. Kirby: Oui. Il existe d'autres facteurs dont il faut également tenir compte. Par exemple, par suite de l'implantation du haut-fourneau de Voisey Bay dans la région de Plaisantia, le coût de la vie dans la région de Plaisantia et d'Argentia augmentera. Les propriétaires hausseront leurs loyers, de sorte que les étudiants vivant dans cette petite agglomération verront leurs frais de logement et de subsistance augmenter.

Le sénateur Lavoie-Roux: À la page 2 de votre mémoire, vous traitez des objectifs provinciaux en matière d'enseignement postsecondaire, notamment en ce qui concerne les possibilités de formation et d'éducation offertes à des groupes particuliers comme les femmes, les personnes défavorisées sur le marché du travail, les personnes handicapées mentalement et physiquement et les étudiants adultes. Dispose-t-on de ressources pour ces groupes au niveau postsecondaire?

M. Kirby: Je crois qu'il existe des ressources pour ces groupes, lesquelles sont toutefois fournies principalement par le gouvernement fédéral. Je sais qu'il existe un Programme de prêts aux étudiants destiné aux femmes qui souhaitent entreprendre des études de doctorat ou des études à temps partiel. Les personnes souffrant d'un handicap mental ou physique reçoivent certes des fonds du gouvernement provincial, mais je ne pense pas que des fonds soient mis à la disposition des femmes et des étudiants adultes défavorisés sur le marché du travail.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je sais qu'il n'y a pas beaucoup de francophones à Terre-Neuve et que ceux-ci ont accès à des écoles primaires et secondaires dans leur langue. Toutefois, existe-t-il des établissements postsecondaires de langue française?

M. Kirby: Il y a des programmes d'immersion, comme on les appelle, au niveau secondaire. Nous avions aussi un programme d'immersion en vertu duquel des étudiants universitaires allaient vivre au Québec pendant trois mois, en été, pour s'immerger dans la culture française, mais il a été supprimé. Quant aux services offerts dans la province aux francophones, il n'y en a pas au niveau postsecondaire.

Le sénateur Lavoie-Roux: Avez-vous des écoles secondaires françaises?

M. Kirby: Je crois que oui, mais je pense que les parents doivent débourser des frais supplémentaires.

Le sénateur Losier-Cool: Je sais qu'il y a des écoles et des commissions scolaires françaises. À titre d'information, je pense qu'il faut préciser que les parents francophones ne paient pas de supplément à moins de vivre dans des régions éloignées.

M. Kirby: Ce n'est pas universel parce que ces écoles françaises sont à St. John's. Par conséquent, si vous voulez que vos enfants fréquentent une école française, vous devez vivre à St. John's.

Le président: Je pense qu'en vertu de la Constitution, s'ils sont assez nombreux, les francophones ont droit à une école française dans une région donnée. À l'inverse, s'ils ne sont pas assez nombreux, ils ne peuvent avoir d'école dans leur langue. C'est la même chose au Québec. S'il n'y a qu'un ou deux anglophones dans une localité du Nord du Québec, on n'ouvrira pas d'école anglaise.

Le sénateur Lavoie-Roux: La commission scolaire est financée, et les élèves sont transportés dans une région où il existe une école anglaise.

Le président: Peut-être devrions-nous tous déménager au Québec.

Le sénateur Lavoie-Roux: On peut faire des farces à ce sujet, monsieur le président, mais une partie de notre rapport devrait porter sur les écoles françaises mises à la disposition des francophones d'un bout à l'autre du Canada.

Le président: Je suis d'accord avec vous. À cet égard, nous devrions nous informer auprès des responsables provinciaux au lieu de nous en remettre aux étudiants, parce que nous ne voulons pas engager ceux-ci dans une querelle constitutionnelle. Nous obtiendrons les renseignements officiels du ministère de l'Éducation de Terre-Neuve.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous dites qu'il existe des ressources pour les personnes souffrant d'un handicap physique ou mental au niveau secondaire. Y en a-t-il aussi au niveau postsecondaire?

M. Kirby: Oui. Si je ne m'abuse, elles sont fournies par le ministère des Services sociaux.

Le président: Je vous remercie de votre exposé.

Nous entendrons maintenant M. Lorne Ryan, de la Nova Scotia League for Equal Opportunities.

M. Lorne Ryan, directeur exécutif, Nova Scotia League for Equal Opportunities: Je suis accompagné par Mme Linda Stiles, la présidente de la Nova Scotia League for Equal Opportunities. Étant une consommatrice handicapée, elle est en mesure de nous parler de son expérience personnelle sur ces questions. Est également avec moi M. David Leitch, qui travaille au Atlantic Centre for Disabled Students, à l'Université Saint Mary's. Nous lui avons demandé de comparaître avec nous en raison de ses nombreuses années d'expérience dans les défis qu'il a dû relever non seulement du point de vue administratif, mais aussi du point de vue des consommateurs.

Nous allons nous servir d'un mémoire qui vous a déjà été présenté. Je voudrais toutefois faire une correction à la page 7, la dernière du mémoire. Nous soulèverons ce point quand nous y arriverons, si vous le permettez. Il s'agit d'une erreur dans les chiffres, et non dans la traduction.

C'est avec plaisir que nous comparaissons devant le comité. Nous défendons les droits des personnes handicapées. On oublie souvent que seulement 10,8 p. 100 des Canadiens souffrant d'un handicap ont acquis une forme d'éducation postsecondaire. Cela pourrait être attribuable à un certain nombre de facteurs.

En Nouvelle-Écosse, à tout le moins, bien que les enseignants soient tenus d'acquérir une formation pour s'occuper d'étudiants ayant des besoins particuliers, il n'existe pas de formation permanente à cet égard. Une fois qu'il a terminé sa formation de base, le professeur peut enseigner, même s'il peut y avoir des étudiants ayant des besoins spéciaux dans sa classe au niveau universitaire. Le professeur pourrait ne pas avoir conscience des besoins de ces étudiants.

À l'heure actuelle, selon le ministère de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse, la province compte 26 000 étudiants ayant des besoins spéciaux. Tout à l'heure, M. Leitch nous dira combien de ces étudiants poursuivent des études postsecondaires.

Nous estimons que tous les enseignants devraient suivre plus qu'un cours de base pour savoir comment l'aménagement d'une classe peut influer sur les capacités des étudiants, de toutes les manières et à tous les niveaux d'éducation. Par exemple, à l'Université Dalhousie, à l'Université St. Mary's, à l'Université Mount Allison et dans bien d'autres, les rayons de la bibliothèque sont tellement rapprochés qu'il est difficile de circuler entre eux. L'étudiant confiné à un fauteuil roulant qui a besoin de 50 livres doit demander à un étudiant non handicapé d'aller les chercher pour lui.

Les étudiants handicapés ont également de la difficulté à obtenir un financement suffisant. Cela s'explique notamment par le fait que leur handicap joue contre eux quand vient le temps de trouver un emploi à temps partiel. Ils ont aussi de la difficulté à tirer profit des programmes du gouvernement. Par exemple, le programme d'apprentissage pour les étudiants handicapés, qui a été créé il y a trois ans en Nouvelle-Écosse, a fait l'objet de commentaires élogieux de la part et des participants et des administrateurs. L'an dernier, les fonds ont été promis pour janvier, mais n'ont été versés que six mois après le versement des fonds à tous les autres. À midi aujourd'hui, nous ne savions toujours pas si des fonds seront versés dans le cadre de ce programme cette année, ce qui signifie qu'un programme gouvernemental conçu pour aider les personnes handicapées ne fonctionnera pas ou accusera encore un retard cette année.

Nous avons de la difficulté à convaincre les gens à faire appel à des personnes handicapées.

Le principal problème, c'est qu'il n'y a guère de programmes de financement continu pour les personnes handicapées. Tel programme sera peut-être financé une année, mais rien n'est prévu pour l'avenir. Par exemple, le Programme de réadaptation professionnelle des personnes handicapées était censé prendre fin l'an dernier, mais a été prolongé pour une autre année. Je crois savoir qu'il sera prolongé d'une autre année après celle-là, mais personne ne sait ce qui se produira en 1999, en l'an 2000 et en 2005; personne ne le sait, ni le gouvernement ni personne d'autre. Tout est incertain.

Le financement offert aux personnes handicapées ne comprend pas les dépenses que celles-ci engagent pour aller à un établissement d'enseignement et en revenir. Laissez-moi vous donner deux exemples. Les étudiants ont tendance à s'installer dans les logements les moins coûteux; or, il s'agit habituellement des plus vieux logements qui ont été construits il y a des années et, par conséquent, qui ne sont pas facilement accessibles. Pour trouver un logement accessible, il faut aller dans des immeubles neufs et dont les loyers sont par conséquent plus élevés. En outre, les immeubles neufs se trouvent à de plus grandes distances des campus.

Comment une personne handicapée vivant dans un immeuble de Sackville, soit à une distance de 15 à 20 kilomètres, peut-elle se rendre à l'Université Dalhousie? Elle peut le faire en réservant une semaine à l'avance un autobus pour personnes handicapées. Premier arrivé, premier servi. Pour une population de 355 000, il n'y a que trois taxis accessibles que l'on doit réserver 24 heures à l'avance. Une mini-fourgonnette accessible coûte environ 40 000 $. Comment l'étudiant se déplace-t-il de chez lui jusqu'à l'établissement où il étudie; et comment se rend-il à la salle de classe?

Nous avons éprouvé quelques ennuis en venant ici aujourd'hui. Selon la lettre que nous avons reçue, le numéro civique de l'immeuble où nous nous trouvons maintenant est 6136, avenue University. Or, cet immeuble n'a pas de numéro civique parce qu'il ne donne pas sur une rue. Par conséquent, nous devons stationner la voiture à une certaine et faire le trajet en fauteuil roulant, en espérant qu'il y aura une entrée pour personnes handicapées.

Nombre de départements universitaires sont logés dans de vieilles maisons achetées par l'université. Une maison de cinq chambres à coucher, qui loge le département de Philosophie, est totalement inaccessible pour une personne en fauteuil roulant. Jusqu'à il y a quelques années, le Bureau du conseiller des étudiants handicapés se trouvait dans un immeuble où il fallait monter un escalier de cinq marches pour accéder à l'entrée principale. Il a fallu attendre quatre ans avant que ce bureau soit déménagé dans l'immeuble de l'association étudiante.

Les étudiants handicapés doivent eux aussi faire face aux banales réalités de la vie. Les étudiants souffrant de graves douleurs arthritiques doivent acheter des piles pour leur magnétophone afin de pouvoir enregistrer tous leurs cours. À cinq cours par jour, cinq jours par semaine, cela peut représenter un coût fort élevé. Ils ne peuvent pas effacer les cassettes parce que ce sont leurs notes de cours. Ces étudiants doivent habituellement assumer le coût de ces piles et de ces cassettes.

Dans bien des cas, les familles des étudiants ne peuvent fournir à ceux-ci une aide financière. Nous vous avons fourni un graphique qui illustre tout cela. Ce graphique est tiré de l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités de 1991 de Statistique Canada et s'applique donc à l'ensemble du pays. En consultant ce graphique, vous constaterez que plus de 160 000 personnes handicapées n'ont que 2 000 $ ou moins par année pour vivre.

Je voudrais maintenant céder la parole à M. Leitch, qui donnera suite à certaines de mes observations. Par la suite, nous serons heureux de répondre à vos questions.

M. David Leitch, Ph.D., directeur, Atlantic Centre of Research, Access and Support for Disabled Students, Université Saint Mary's: Je vous ai fourni un exemplaire d'une étude que j'ai faite en 1995 et qui renferme des tableaux et des graphiques que vous pourrez consulter.

Je travaille sur cette question d'une accessibilité accrue aux études supérieures depuis 1981 environ. J'ai appris beaucoup de choses pendant cette étude, et je voudrais vous faire part de certaines de mes observations.

Depuis 16 ans, nous avons été témoins d'une forte hausse du degré d'accessibilité aux établissements d'enseignement supérieur ou postsecondaire. J'ai consacré la plus grande partie de mes travaux aux universités, de sorte que je ne peux pas vraiment me prononcer de façon catégorique sur les collèges communautaires du pays; je sais toutefois que des progrès y ont été réalisés. En 1995, j'ai fait un sondage auprès des 47 universités dont s'est servi le magazine Maclean's dans son étude sur l'étendue des progrès à cet égard. J'ai constaté que, même si des progrès ont été faits, il y a encore place à l'amélioration. En ce qui concerne le soutien, il continue d'y avoir un manque d'uniformité dans l'ensemble du pays.

J'ai visité des immeubles qui étaient censés être accessibles. Par accessibilité, on entendait qu'un seul téléphone dans tout l'immeuble avait été abaissé, mais il n'y avait pas de toilettes accessibles, pas d'ascenseurs accessibles, pas d'usage du braille, et cetera.

J'ai constaté que, dans les 47 universités utilisées dans l'étude de Maclean's -- et j'ai ajouté un collège militaire --, il y avait quelque 819 926 étudiants inscrits dans des programmes à temps plein et à temps partiel et que moins d'un pour cent d'entre eux étaient des personnes handicapées. C'est encore très peu.

Vous pourrez constater que mon étude met en évidence une situation décourageante dans certains cas, en particulier en ce qui concerne les personnes atteintes de handicaps physiques. Ainsi, les étudiants aveugles ou atteints de déficience visuelle ne représentaient que 0,08 p. 100 des 819 000 étudiants et plus inscrits dans des universités canadiennes; ceux atteints de surdité ou de déficience auditive, 0,06 p. 100 et les étudiants ayant des handicaps moteurs modérés ou graves, 0,17 p. 100. Si on se fonde sur les données de Statistique Canada, qui indiquent qu'entre 14 p. 100 et 20 p. 100 de la population est handicapée, les chiffres variant selon la province de résidence -- et je crois que le pourcentage atteint 20 p. 100 en Nouvelle-Écosse --, on a une bonne idée de la situation au Canada.

J'estime qu'il subsiste encore de sérieux obstacles. Comme le disait Lorne, les programmes d'aide sont inégaux dans la mesure où leur durabilité soulève des doutes. Un programme d'aide peut être financé une année donnée et ne plus l'être l'année suivante.

Le centre Atlantique des étudiants handicapés est financé par le gouvernement fédéral, mais presque chaque année depuis 1985 nous devons nous assurer que nous pourrons compter sur le financement l'année suivante. Pourtant, plus d'une centaine d'étudiants ayant des handicaps modérés ou graves, notamment des personnes atteintes de cécité, de surdité ou de handicaps moteurs comptent sur ce service.

Durant les premières années d'existence du centre, j'ai trouvé la participation du gouvernement fédéral très encourageante. Or, lorsque la définition de l'accessibilité est laissée aux provinces, elle peut prendre toutes sortes de formes et exclure les personnes handicapées. En 1987, la question de l'accessibilité est passée presque inaperçue au forum sur l'enseignement postsecondaire qui s'est tenu à Saskatoon. La situation s'est détériorée depuis.

Je crois que tous les établissements d'enseignement peuvent faire mieux. Les écoles postsecondaires pourraient adopter des politiques plus énergiques pour permettre à des personnes handicapées de faire partie de leurs conseils d'administration et du corps professoral.

En terminant, des progrès remarquables ont été accomplis et j'espère que nous continuerons dans cette voie.

Le sénateur Forest: Votre exposé est le premier qui porte sur les handicaps physiques. J'ai siégé plusieurs années à la commission des droits de la personne de l'Alberta, qui a fait beaucoup de travail à cet égard. Je crois, comme vous, que la législation a fait des progrès importants, mais les gouvernements, les institutions et l'entreprise privée mettent beaucoup de temps à passer aux actes.

Le changement des attitudes est également très important. Il y a de nombreuses années, il était rare qu'une personne atteinte d'un handicap grave décroche un diplôme universitaire. Je me rappelle, à l'époque où j'étais chancelière, la première cérémonie de remise des diplômes à laquelle ait assisté un étudiant aveugle. C'était tellement inhabituel que ce dernier a fait l'objet d'une ovation debout.

Croyez-vous que les administrateurs et les étudiants acceptent et apprécient davantage les étudiants handicapés?

M. Leitch: Voilà une question intéressante et je sais qu'elle vient d'une personne qui a déjà oeuvré dans le domaine. Je crois que les attitudes ont marqué de grands progrès. La présence, dans le système d'enseignement postsecondaire canadien, de quelque 7 000 étudiants atteints de handicaps allant de modérés à graves y est certainement pour quelque chose. Leurs pairs côtoient cette réalité et beaucoup d'entre eux aident et soutiennent beaucoup leurs camarades handicapés. L'aide financière ne peut suffire à elle seule et les étudiants y suppléent, par exemple en portant les livres d'étudiants handicapés. On compte au Canada des milliers d'étudiants qui font bénévolement la lecture pour des handicapés visuels. D'autres enseignent bénévolement. On compte également des dizaines de milliers de personnes qui prennent bénévolement des notes de cours pour d'autres dans les établissements d'enseignement postsecondaire. Les attitudes changent, quoique lentement comme c'est très souvent le cas, mais la situation s'améliore.

Il faut reconnaître que les universités, les professeurs et les administrateurs sont de plus en plus conscients de la nécessité d'apporter des changements. Je me souviens qu'à mes débuts, en 1981 ou 1982, la présence d'un interprète gestuel devant la classe dérangeait beaucoup les professeurs. Aujourd'hui, les professeurs de presque n'importe quelle grande université acceptent cette forme d'aide en classe.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous souvenez-vous à quelle page de votre mémoire vous dites que l'aide financière fédérale tarde à venir?

M. Ryan: Parlez-vous du programme de stages pour étudiants handicapés?

Le sénateur Lavoie-Roux: Oui.

M. Ryan: Oui. Nous nous sommes heurtés à ce problème l'an dernier et la chose semble vouloir se répéter cette année. Il en est question à la page 3 de notre mémoire.

Le sénateur Lavoie-Roux: Ne devrait-il pas incomber aux provinces plutôt qu'au gouvernement fédéral de veiller à ce que les services soient accessibles?

M. Ryan: Le gouvernement fédéral a créé ce programme de stages qui avait notamment pour objet d'embaucher des étudiants. Il est très semblable au programme de stages pour les autochtones et au programme de stages pour les Noirs.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je ne connaissais pas ces programmes.

M. Ryan: La Nouvelle-Écosse est la seule province à offrir les trois programmes. Ces mesures s'inscrivent dans la foulée de la politique d'action positive et témoignent du changement d'attitude qui s'est produit. Au commencement, il y a trois ans, le gouvernement avait affecté des fonds aux programmes d'action positive pour permettre aux personnes handicapées de réintégrer le marché du travail, car on sait que l'une des choses les plus difficiles est de fournir des références pour obtenir un emploi. Il est impossible d'obtenir un emploi sans référence mais il est impossible d'avoir des références avant d'avoir un emploi.

Ce genre de programme visait justement à embaucher des personnes handicapées dans un bureau du Centre d'emploi du Canada pour leur donner la possibilité d'avoir des références et, partant, de trouver d'autres emplois. Ce programme relève maintenant de Patrimoine Canada et de Développement des ressources humaines Canada. En définitive, le gouvernement fédéral l'a créé pour aider les personnes handicapées à se trouver de l'emploi et nous souhaitons qu'elles puissent continuer de le faire. Il existe cependant un problème d'attitude à l'égard des personnes handicapées. Nous avons trois programmes. Les deux autres n'ont connu aucune difficulté de financement l'an dernier, mais ce ne fut pas le cas du programme pour personnes handicapées.

Je ne tente pas de déconsidérer les autres groupes, mais les personnes handicapées constituent, de loin, le plus nombreux des trois groupes visés par la politique d'équité car il compte également des autochtones et des noirs. La population de la Nouvelle-Écosse compte 21,3 p. 100 de personnes handicapées. Dix-huit pour cent sont d'âge à travailler. Un habitant sur cinq est atteint d'un handicap.

Le sénateur Lavoie-Roux: Le fait d'être un Noir ou un autochtone est-il, selon vous, un handicap?

M. Ryan: Je dis que ces groupes comptent des personnes handicapées.

Le sénateur Lavoie-Roux: Parlez-vous seulement des personnes qui ont des handicaps physiques ou mentaux?

M. Ryan: Je parle de tous les genres de handicap. Beaucoup sont considérés comme non apparents. On peut facilement reconnaître une personne handicapée si elle se trouve dans un fauteuil roulant ou si elle a un handicap moteur, mais il existe de nombreux handicaps qui ne sont pas apparents.

Le sénateur DeWare: Comme le THADA?

M. Ryan: Par exemple. On peut également parler des maladies environnementales et de la maladie de Tourette. Certaines personnes ont également des problèmes d'apprentissage. Je pourrais passer des heures à dresser la liste, mais je ne vais pas prendre votre temps pour cela. Vous pouvez toujours consulter des ouvrages ou des personnes compétentes. Ce que je veux dire, c'est que les minorités visibles représentent environ 5,5 p. 100 de la population de la Nouvelle-Écosse et qu'il y a des personnes handicapées parmi elles. Je ne tiens pas compte ici des autochtones, qui représentent 1,9 p. 100 de la population. Ces deux groupes ont accès à des programmes de stages parrainés par le gouvernement fédéral et bénéficiant d'un budget de 150 000 $. Le groupe des personnes handicapées, qui représente 18 p. 100 de la population en âge de travailler, reçoit 80 000 $. Qu'est-ce que cela nous suggère au sujet de l'attitude envers les personnes handicapées? Il ne s'agit pas d'un projet pilote. Les participants et les superviseurs ont mis le programme à l'essai et l'ont jugé satisfaisant. En fait, sa réussite est telle qu'on veut maintenant l'étendre à la Colombie-Britannique. Or, nous sommes déjà en février et j'ignore encore une fois si les crédits nécessaires ont été prévus pour cette année.

Je fais partie d'un autre comité pour lequel des fonds avaient été prévus l'an dernier, mais le financement a été supprimé cette année.

Nous voulons que les personnes handicapées réintègrent le marché du travail pour ne plus dépendre des prestations d'aide sociale, mais il y a de nombreux obstacles à surmonter. Vous trouverez un examen détaillé de la question dans le rapport de M. Andy Scott sur le groupe de travail fédéral. Cette documentation vous est accessible.

Le sénateur Lavoie-Roux: La Nova Scotia League for Equal Opportunities est-elle un organisme non gouvernemental?

M. Ryan: Il s'agit d'un organisme sans but lucratif qui s'est donné pour mission de représenter les personnes handicapées. Ses membres ne sont pas des employés du gouvernement. L'organisme reçoit des subventions provinciales et fédérales. Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Lavoie-Roux: Oui. Nous ne ferons pas de recommandations visant expressément la Nouvelle-Écosse.

M. Ryan: Je comprends cela.

Le sénateur Lavoie-Roux: Avez-vous quelque chose à dire au sujet de l'enseignement postsecondaire en général au Canada?

M. Ryan: J'ai abordé la question comme un sujet intéressant l'ensemble du Canada. J'ai soulevé la question des étudiants handicapés parce que le gouvernement fédéral a approuvé initialement le financement du programme en janvier de l'an dernier. Un changement de personnel s'est produit à Ottawa et le financement du programme pour étudiants handicapés a subitement été remis en question, même s'il était en place depuis déjà trois ans.

L'année 1994 a vu des miracles se produire. Revenu Canada a modifié la définition de personne handicapée. Quelque 40 000 personnes ont été visées par cet exercice à la grandeur du Canada et, subitement, comme par miracle, 13 000 d'entre elles n'ont plus été considérées comme handicapées.

Le sénateur Lavoie-Roux: Elles ont été guéries miraculeusement.

M. Ryan: Oui. On a notamment posé les questions suivantes aux médecins pendant le processus de réexamen de la définition de personne handicapée: cette personne peut-elle s'alimenter seule? Peut-elle se vêtir seule? À ma connaissance, aucun employeur n'accepterait de verser un salaire à quelqu'un qui lui dirait qu'il peut se nourrir et s'habiller seul.

Le gouvernement fédéral doit intervenir, de sorte que nous ayons une réglementation uniforme qui s'applique à l'ensemble des provinces. Un étudiant de l'Alberta qui voudrait étudier dans une de nos excellentes écoles de journalisme en Nouvelle-Écosse devrait avoir accès aux mêmes services et aux mêmes sources de financement en Nouvelle-Écosse qu'en Alberta. Ce n'est cependant pas le cas à l'heure actuelle, d'où la nécessité d'une intervention fédérale.

Le sénateur Lavoie-Roux: Pendant votre étude générale à long terme des établissements d'enseignement postsecondaire, avez-vous relevé des écarts entre les provinces en ce qui concerne la qualité des programmes pour personnes handicapées? La qualité est-elle la même à la grandeur du Canada?

Mme Linda Stiles, présidente, Nova Scotia League for Equal Opportunities: Je crois que la Colombie-Britannique est la province qui offre les meilleures conditions de vie aux personnes handicapées. Si nous pouvions tous déménager de la Nouvelle-Écosse en Colombie-Britannique, nous réglerions une bonne partie de nos problèmes. Nous bénéficierions d'une aide technique et n'aurions plus à nous préoccuper des possibilités d'accès aux immeubles. Ce matin, je suis restée en rade quinze minutes parce qu'on m'avait donné de faux renseignements.

Le sénateur DeWare: Des membres du comité se sont retrouvés dans la même situation.

Mme Stiles: Je suis heureuse d'apprendre que je ne suis pas la seule dans le même cas.

La Colombie-Britannique est l'un des endroits offrant les meilleurs équipements aux personnes souffrant de handicaps de tous genres. On ne trouve pas l'équivalent là d'où je viens en Nouvelle-Écosse. Nous avons accès à un collège communautaire, mais nous n'avons pas de moyens de transport pour nous y rendre. Mon fauteuil roulant électrique peut me conduire assez loin, mais pas à 30 milles de distance.

M. Leitch: Je ne suis pas entièrement d'accord avec Linda. Là encore, je fonde mon opinion sur l'observation que j'ai faite, pendant plus de dix ans, de l'enseignement postsecondaire dans diverses régions du Canada. Au mieux, on peut dire que les conditions sont inégales. Au Québec, le système d'enseignement postsecondaire offre un soutien remarquable et un personnel extrêmement compétent. En Alberta, des progrès remarquables ont été accomplis. Dans la province de l'Ontario, le gouvernement a affecté des millions de dollars au soutien technique et à d'autres formes d'aide dans les collèges et universités.

On a enregistré des progrès, mais la situation reste inégale. Ainsi, la Colombie-Britannique a fait des progrès remarquables dans un domaine, mais dans cette même province un étudiant sourd intente actuellement d'importantes poursuites parce qu'il a dû se battre pour obtenir des services d'interprétation. Les établissements d'enseignement postsecondaire en Ontario et au Québec offrent déjà ce genre de service. La situation n'est pas la même d'une province à l'autre.

Des étudiants m'ont raconté qu'ils ont voulu s'inscrire à des cours de sociologie, mais que le département de sociologie occupait une partie de l'immeuble dépourvu d'ascenseur. Les anecdotes varient selon l'établissement d'enseignement. La situation est très différente d'un endroit à l'autre.

Le sénateur Lavoie-Roux: Auriez-vous un modèle à recommander au comité? Quel pays offre les meilleurs services?

M. Leitch: J'ai étudié un an aux États-Unis et je crois qu'on ne peut faire autrement qu'être impressionné par l'Americans With Disabilities Act et ses effets sur l'ensemble des institutions, en particulier dans les établissements d'enseignement postsecondaire. Je crois que beaucoup de gens se sentent inspirés par le modèle américain.

Le sénateur Lavoie-Roux: Quand cette loi a-t-elle été adoptée?

M. Ryan: Au cours des cinq dernières années.

M. Leitch: Je crois que c'était en 1992.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je me souviens qu'à l'époque où je travaillais avec les personnes handicapées, des mesures très positives avaient été adoptées aux États-Unis. Il y a 25 ou 30 ans, par exemple, les enfants sourds et autistiques avaient accès à des établissements spécialisés, mais cela coûtait très cher. Est-ce toujours le cas?

M. Leitch: C'est encore le cas. En 1980, par exemple, plusieurs provinces devaient payer 10 000 $ et plus pour envoyer des diplômés sourds de l'école secondaire à l'Université Gallaudet, à Washington, D.C. On compte encore de nombreux cas de personnes qui doivent payer des sommes énormes pour recevoir l'enseignement dont ils ont besoin dans des établissements américains.

Le sénateur DeWare: D'après le nombre des inscriptions, Saint Mary's compte le plus grand nombre d'étudiants handicapés. Ces derniers bénéficient-ils d'un programme spécial? Est-ce dû en partie à vous, monsieur?

M. Leitch: Nous sommes en partie redevables au gouvernement fédéral, qui a créé trois centres de spécialisation en 1985 pour promouvoir l'accès à l'enseignement supérieur. Le premier se trouve à l'Université de l'Alberta, le deuxième à l'Université Western Ontario et le troisième, situé à l'Université Saint Mary's, est le centre pour étudiants handicapés de la région Atlantique. Dans les années 70, l'Université Saint Mary's a construit 21 logements adaptés dans la résidence pour étudiants, faisant ainsi preuve d'audace et d'avant-gardisme. Au milieu des années 70, l'université a créé une bibliothèque sur bandes accessible à toutes les personnes atteintes de déficience visuelle et effectuant des études postsecondaires n'importe où dans les provinces maritimes. L'université s'est engagée à offrir son soutien aux personnes de cette catégorie.

Le sénateur DeWare: Nos nouvelles inforoutes internationales et nos systèmes informatiques pourraient ouvrir des débouchés aux étudiants handicapés. Des collèges communautaires du Nouveau-Brunswick ont rendu des cours accessibles de cette façon pendant un certain temps. Je me souviens que des lits de camp avaient été mis à la disposition de certains étudiants parce qu'ils devaient, après six ou sept heures de cours, se reposer un peu. Beaucoup de gens ont participé à ce programme.

Il y a, à Moncton, une résidence Ronald McDonald pour étudiants handicapés. Les étudiants qui fréquentent l'Université de Moncton peuvent y résider et la résidence prend des dispositions pour assurer leur transport. Bien entendu, seul un faible pourcentage d'étudiants handicapés peuvent bénéficier de ces avantages.

Croyez-vous que nous devrions envisager sérieusement d'offrir des cours de formation et de perfectionnement aux étudiants pour leur permettre d'utiliser les systèmes informatiques et la nouvelle inforoute Internet?

M. Leitch: J'en suis convaincu. Un bon nombre de nos étudiants qui fréquentent Saint Mary's sont doués pour l'informatique et ils consacrent une bonne partie de leur temps et de leur énergie à se perfectionner dans ce domaine, car ils sont conscients qu'ils en dépendent peut-être encore plus que les autres étudiants pour se trouver une place dans le tissu économique de notre société. Vous avez tout à fait raison de dire qu'ils en sont très conscients et qu'ils sont avides de formation dans ce domaine.

Le sénateur Losier-Cool: Y a-t-il de nombreux campus qui assurent un accès facile entre leurs divers immeubles? Je sais que les édifices d'une université à Ottawa sont reliés par un tunnel. Les établissements d'enseignement offrent-ils les mêmes avantages au Canada Atlantique?

M. Ryan: À ma connaissance, le seul établissement qui offre ce genre d'avantage est l'Université du Nouveau-Brunswick, à Fredericton, où on utilise les conduites de chauffage pour relier les immeubles entre eux. David me corrigera si je me trompe, mais je crois que c'est le seul campus des provinces atlantiques qui offre cet avantage. En Nouvelle-Écosse, où le relief est très accidenté, il faudrait extraire beaucoup de pierre pour creuser des tunnels de ce genre et cela coûterait très cher. Dans l'Île-du-Prince-Édouard, où le sol est très plat, ce genre d'ouvrage ne serait pas nécessaire. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas qu'il existe d'installations de ce genre.

M. Leitch: Les universités qui investissent dans l'amélioration de leurs installations s'inspirent des mesures prises par d'autres établissements pour rendre leurs installations accessibles aux handicapés. Dans plusieurs campus, dont celui de Dalhousie, les édifices sont maintenant reliés par des passerelles, de sorte que les étudiants peuvent maintenant aller d'un immeuble à l'autre sans avoir à sortir. Il est maintenant possible de se rendre de l'édifice des arts et de l'administration au département de chimie et à la bibliothèque Killam en fauteuil roulant en empruntant des tunnels. L'Université Saint Mary's a également dépensé des sommes considérables pour relier les édifices du campus entre eux et les rendre plus accessibles, non par des tunnels mais par des passages piétonniers et des passerelles.

Le sénateur Losier-Cool: En ce qui concerne les écoles de formation pour enseignants, l'école d'Amherst existe-t-elle toujours?

Mme Stiles: Non. Le gouvernement a fermé cet établissement et songe à démolir l'édifice. Je viens d'Amherst. La situation est mauvaise.

Le sénateur Losier-Cool: Lorsque j'étudiais au Nouveau-Brunswick, j'ai connu des professeurs qui sont allés apprendre le langage gestuel à cette école.

M. Ryan: Cet établissement a été fusionné avec l'école pour aveugles de Halifax, ce qui pourra créer des problèmes car je ne suis pas certain de ce qu'on fera dans le cas des alarmes d'incendie, par exemple. Les personnes sourdes n'entendent pas l'alerte sonore et les personnes aveugles ne peuvent pas voir le signal lumineux.

Le sénateur Losier-Cool: Où les enseignants francophones reçoivent-ils leur formation? Auparavant, ils allaient à Amherst.

Mme Stiles: J'ignore où ils vont maintenant.

M. Ryan: Ils vont peut-être à Truro, où il y a un centre de formation pour enseignants. Je crois que cet établissement et l'Université Acadia sont les seules écoles pour enseignants en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Perrault: Vous dites dans votre mémoire que l'effectif total des étudiants handicapés représente moins de 1 p. 100 de la population d'étudiants au Canada et que la situation des étudiants atteints de déficiences physiques graves est encore pire. La participation de tous les étudiants aveugles ou ayant une déficience visuelle est de 0,08 p. 100.

Pourtant, l'aide à ces personnes marque des progrès considérables. Je me demande quelle proportion de cette aide parvient jusqu'à eux. Un de mes amis avait une déficience visuelle causée par le diabète. J'ai fait quelques appels pour lui et il possède maintenant un lecteur optique qui grossit les caractères et lui permet de lire à peu près n'importe quel texte. Je crois savoir que la compagnie IBM a mis au point un logiciel qui permet de dicter une lettre et en assure automatiquement l'impression. L'utilisateur peut ensuite entendre, grâce à une voix électronique, la relecture du texte imprimé. J'ai moi-même ce programme dans mon ordinateur.

Les personnes handicapées ont-elles accès à cette technologie moderne? Je crois que nous devrions la leur fournir en priorité. Il en résulterait peut-être un accroissement du nombre d'inscriptions d'étudiants à la formation postsecondaire. N'auraient-ils pas accès à de nouveaux débouchés s'ils disposaient du matériel de base pour imprimer un texte et en entendre la reproduction vocale?

Mme Stiles: N'oubliez pas que la majorité des personnes ayant des déficiences ont de faibles revenus et qu'on ne leur fournit pas d'aide technique.

Le sénateur Perrault: C'est peut-être une lacune du programme. C'est injuste pour les personnes handicapées.

Mme Stiles: Nous exerçons des pressions auprès du gouvernement depuis plus de dix ans à ce sujet.

Le sénateur Perrault: Vous n'obtenez pas la réponse que vous souhaitez?

Mme Stiles: Non.

Le sénateur Perrault: Les subventions pour initiatives spéciales accordées en vertu du Programme de prêt canadien ont-elles aidé beaucoup d'étudiants atteints de déficiences?

M. Leitch: Voilà une autre bonne question. Je crois que la technologie fait une différence. Votre question me permet d'ajouter quelque chose. Chacun des quelque 7 000 étudiants ayant des déficiences modérées ou graves qui fréquentent des établissements d'enseignement supérieur au Canada est une personne étonnante. La majorité d'entre eux vous diront que tout au long de leurs études on leur a dit qu'ils n'y arriveraient pas, mais ils ont néanmoins persisté. Un grand nombre de ces personnes, en plus d'être handicapées, ont fait de nombreux séjours à l'hôpital. Beaucoup d'entre elles sont de véritables Helen Keller canadiennes. Ce sont des personnes remarquables.

La technologie fait une différence, surtout dans les grands centres urbains et dans les grandes universités où elle est disponible. Les entreprises canadiennes ont compris que la technologie permet aux personnes handicapées de participer à la main-d'oeuvre active ou d'être présentes dans d'autres sphères d'activité et certaines sociétés fournissent aux universités l'aide technique ou les fonds nécessaires à l'acquisition de la technologie.

Dans les régions rurales, beaucoup d'étudiants handicapés qui fréquentent l'école secondaire ignorent qu'ils peuvent avoir accès à cette technologie. Cette chance leur échappera à moins d'avoir un parent très dévoué ou un proche de la famille qui puisse leur procurer l'aide technique nécessaire.

Le sénateur Perrault: Ces appareils, ces percées technologiques devraient être accessibles dans toutes les écoles d'enseignement supérieur.

Existe-t-il des programmes de financement provinciaux pour les étudiants handicapés?

M. Leitch: L'autre volet de votre question concernait les Subventions pour initiatives spéciales. Le montant des subventions n'est pas le même partout. En Nouvelle-Écosse, le maximum est de 3 000 $ mais il est plus élevé dans certaines autres régions du Canada. Ce montant ne représente qu'une fraction du coût total de certains nouveaux appareils d'aide technique. Le matériel de lecture dont vous parliez peut coûter jusqu'à 8 000 $, 10 000 $ et même 20 000 $. Une subvention de 3 000 $ ne suffit donc pas.

L'infrastructure de soutien de cette technologie n'existe pas. Il faut se rappeler que les étudiants peuvent faire des choix. Ils peuvent utiliser la subvention de 3 000 $ pour suivre des cours particuliers, mais alors ils n'auront plus l'argent pour se procurer de l'aide technique, ou faire le choix inverse.

Le sénateur Perrault: Nous ne leur accordons pas une aide financière suffisante. Nous fournissons des laboratoires d'informatique aux universités d'un océan à l'autre et nous les aidons à en supporter les coûts, mais nous avons tout à fait tort de ne pas tenir compte des besoins des personnes handicapées. Il y a quelques mois, je participais à un congrès de personnes handicapées à Vancouver. Je suis de votre avis: je n'ai jamais rencontré de gens aussi enthousiastes et déterminés. Un homme victime des effets de la thalidomide a déclaré ce qui suit: «Ma vie ne semble peut-être pas très enviable à certains d'entre vous, mais c'est ma vie et j'ai moi aussi des espoirs, des rêves et je veux poursuivre des études.» C'était à vous faire monter les larmes aux yeux. Dans un discours très inspiré, cet homme a donné l'heure juste à tous les politiciens qui se trouvaient là.

M. Ryan: J'ai parlé d'un programme de réadaptation professionnelle pour personnes handicapées. Ce programme a été utile pour les étudiants des niveaux secondaire et postsecondaire. Il y a quelques années, un étudiant pouvait encore se procurer un appareil d'aide technique pour la durée de sa formation, mais il devait ensuite le rendre pour qu'une autre personne puisse l'utiliser. Les choses ont peut-être changé depuis un an ou deux.

Le sénateur Perrault: Il le faudrait. Ce n'est pas une façon juste de traiter une partie importante de la population. Certains de ces appareils ont été beaucoup simplifiés et leurs coûts baissent considérablement.

M. Ryan: Ainsi, le nouveau programme Windows 95 comporte des options d'accessibilité qui permettent notamment de modifier le fonctionnement des touches du clavier d'ordinateur.

Mme Stiles: On peut tout modifier et offrir à peu près n'importe quoi aux personnes handicapées, mais l'important est de s'assurer que le matériel est disponible dans les écoles. Lorsque j'étudiais, je n'avais accès à aucune forme d'aide. Je devais monter quatre étages pour me rendre à une salle de cours, puis en redescendre autant pour aller dans une autre salle. Là où je vis, à Amherst, rien n'a changé. Nous avons été invités dans une école pour parler des handicaps aux étudiants. La rencontre avait lieu dans la salle de théâtre, située dans une nouvelle section de l'école. On a dû nous transporter pour monter deux marches. La salle était pourtant considérée comme accessible aux personnes handicapées.

Le sénateur Perrault: Vous avez parlé de la Colombie-Britannique en termes élogieux. Je crois que nous avons fait des progrès. Il reste encore beaucoup à faire, mais nous avons déjà remporté quelques batailles; ainsi, tous les trottoirs sont maintenant accessibles aux personnes en fauteuil roulant.

Mme Stiles: Je sais bien qu'il faut du temps pour changer les choses, mais les personnes handicapées sont des personnes à part entière et ont les mêmes droits que tout le monde. Elles devraient pouvoir accéder à tous les édifices dans leurs fauteuils roulants et les personnes aveugles devraient avoir accès à la technologie qui leur permet de prendre des notes.

Le sénateur Perrault: Il y a deux semaines environ, j'ai lu dans un journal qu'on a mis au point une prothèse auditive remarquable. Elle coûte probablement très cher, comme c'est toujours le cas. Cet appareil paraît être un progrès encourageant pour les personnes ayant une déficience auditive. En comptant sur la nouvelle technologie, la générosité du gouvernement et la coopération du secteur privé, nous pouvons peut-être venir en aide à tous les handicapés.

M. Ryan: Nous avons failli perdre notre aide financière l'an dernier à cause des compressions budgétaires du gouvernement.

Le sénateur Perrault: Quelles raisons a données le gouvernement?

M. Ryan: Le budget de M. Martin annonçait une réduction de 30 p. 100 du financement de base accordé à tous les groupes de revendication parce que, selon le gouvernement, nous sommes des groupes d'intérêts et devrions par conséquent pouvoir trouver de l'aide financière auprès des personnes handicapées.

Le sénateur Perrault: Vous ne correspondez absolument pas à cette catégorie.

Le sénateur Lavoie-Roux: La plupart des personnes handicapées ne travaillent probablement pas.

M. Ryan: En Nouvelle-Écosse, l'abonnement au téléphone est un luxe pour les assistés sociaux. Il ne leur est donc pas facile d'appeler leur député pour lui demander ce que le gouvernement entend faire pour eux.

Le président: Vous pouvez écrire.

M. Ryan: Encore faut-il trouver une boîte aux lettres qui nous soit accessible.

Le président: Je vous remercie de votre exposé. C'était très intéressant.

Les prochains témoins sont des représentants du système collégial des provinces atlantiques. Messieurs, vous pourriez peut-être prendre chacun cinq minutes pour faire votre exposé, puis répondre ensuite à nos questions.

M. Jack Buckley, président, Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse: Monsieur le président, le Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse est le seul établissement anglophone du genre dans la province. Ses 14 campus répartis de Sydney à Yarmouth accueillent 7 000 étudiants à temps plein et plus de 10 000 étudiants à temps partiel.

Établissement d'enseignement postsecondaire, le Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse offre une formation menant au certificat et au diplôme, mais pas au grade universitaire. La plupart de nos programmes d'études ont une durée d'un ou deux ans après l'obtention du diplôme d'études secondaires. Notre programme d'enseignement touche 130 domaines professionnels et nous avons pour mandat d'assurer une formation préalable à l'emploi. Nous nous efforçons de répondre aux besoins du marché du travail et d'offrir une formation sur mesure pour les entreprises et l'industrie de la province. Nous offrons également des cours de recyclage aux chômeurs et une formation continue aux travailleurs.

Je crois que nous faisons face à de sérieux problèmes d'envergure nationale et je voudrais parler de certains d'entre eux.

On reconnaît de plus en plus, à la grandeur du Canada, la nécessité d'avoir une main-d'oeuvre qualifiée et, bien que je reconnaisse l'importance des universités, elles n'ont pas pour rôle de préparer les étudiants à des postes au bas de l'échelon. Ce n'est pas et ne doit pas être leur mandat. Par ailleurs, les collèges communautaires en tant qu'établissements d'éducation et de formation supérieures au Canada sont sous-utilisés, sous-financés et leur rôle de préparation au marché du travail n'est pas reconnu à sa juste valeur. Cette situation est une source de préoccupation pour les employeurs canadiens et certainement pour ceux qui cherchent à entrer sur le marché du travail.

Nous avons un problème particulier en Nouvelle-Écosse. La province, qui compte tout juste moins d'un million d'habitants, possède un excellent système universitaire doté de 12 établissements conférant des grades universitaires. Nous contribuons depuis longtemps à l'éducation universitaire au Canada et je crois que nous faisons des envieux à ce chapitre. La qualité de nos universités et de leurs programmes est reconnue non seulement au Canada mais à l'échelle internationale. Or, le pourcentage d'étudiants de 19 à 24 ans qui fréquentent l'université en Nouvelle-Écosse est quatre fois supérieure à la moyenne nationale et le pourcentage d'étudiants du même groupe d'âge qui suivent des programmes de formation dans des collèges communautaires est à peu près le tiers de la moyenne nationale. Ce déséquilibre défavorise les étudiants de la Nouvelle-Écosse qui cherchent des emplois de premier échelon. Il faut trouver une solution à ce problème.

Finalement, je voudrais parler de l'internationalisation des établissements d'enseignement postsecondaire au Canada. Je suis également président du conseil d'administration d'une organisation nationale, le Bureau canadien de l'enseignement international, dont les représentants comparaîtront plus tard devant vous. Cette organisation représente les universités et collèges canadiens en tant qu'établissements engagés et actifs sur la scène internationale.

La contribution de l'enseignement postsecondaire à l'internationalisation de notre programme d'éducation, son attraction sur les étudiants étrangers et son influence sur la promotion de l'enseignement canadien à l'étranger ne sont reconnus que depuis peu. On ne reconnaît pas encore à leur juste valeur les retombées économiques de la venue d'étudiants étrangers au Canada. En Nouvelle-Écosse en particulier, les étudiants étrangers sont perçus comme un poids pour notre économie. Les statistiques ne corroborent tout simplement pas ce point de vue.

Le fait de vivre, d'étudier et de se divertir avec des étudiants étrangers permet à nos propres étudiants d'enrichir leur existence. Les liens qu'ils établissent entre eux durent souvent toute la vie. On parle beaucoup de la mondialisation du commerce, des partenaires commerciaux du Canada et de la dépendance du Canada à l'égard du commerce. Pourtant, le Canada est l'un des pays industrialisés ayant le plus faible taux de participation pour ce qui est du nombre de Canadiens qui étudient à l'étranger.

Je cède maintenant la parole au prochain témoin.

Le président: Vous avez la parole.

[Français]

M. Réal Samson, président du Collège de l'Acadie: Je m'appelle Réal Samson. Je suis le président du Collège de l'Acadie.

Le sénateur Thérèse Lavoie-Roux: Cela nous fait plaisir, Monsieur Samson.

M. Samson: Merci beaucoup. Je suis là aujourd'hui, non pas nécessairement pour parler du sort du système des collèges communautaires au Canada, mais de façon plus particulière du sort des Acadiens de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard. Mon collègue, Bernard Paulin, va parler tout à l'heure des Acadiens du Nouveau-Brunswick. Alors, je ne vais pas abuser sur ce plan.

Le Collège de l'Acadie a vu le jour en 1992. C'était suite à une entente fédérale-provinciale. Je veux tout de suite mettre l'emphase sur l'importance que joue le gouvernement fédéral dans le système d'éducation postsecondaire collégial. Il est très important et il ne faut pas du tout la diminuer. Le collège regroupe des communautés francophones de sept communautés francophones de deux provinces: six en Nouvelle-Écosse et une à l'Île-du-Prince-Édouard. La technologie que nous utilisons au Collège, nous avons des systèmes de vidéoconférence, systèmes audiographiques, l'internet, les télécopieurs, le téléphone et tout le reste nous a permis, non seulement de voir le jour, mais d'offrir un enseignement de qualité aux Acadiens et francophones. La qualité oui, parce qu'on réussit à atteindre les objectifs des programmes que nous offrons. Et aussi à cause de cette technologie, nous pouvons enseigner à nos communautés la nouvelle économie. Cette nouvelle économie qui, je crois, je sais, prend de plus en plus d'ampleur et qui est à base informatique et à base de communication. Le Collège a fait des grands pas depuis ses débuts. On a réussi à offrir maintenant 13 programmes. Ce ne sont pas les 130 qu'offrent nos collèges anglophones, mais c'est quand même 13. C'est un début. Ces programmes sont à la fine pointe de ce qui se fait.

Nous avons aussi des partenariats avec le Nouveau-Brunswick. Nous offrons actuellement un cours en télétravail en partenariat avec le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard. Et notre communauté, ici en Nouvelle-Écosse, réussit très bien. Et nous voulons continuer à poursuivre ces partenariats pour ne pas à avoir à réinventer la roue ou à ghtmiller des ressources importantes. Nous voulons maximiser les ressources qui sont à notre disposition. Si vous regardez la carte, vous voyez les localités dans lesquelles se trouvent nos petits campus, les petits campus du Collège. Ils sont dans des petites communautés. Mais parce que c'est petit, ils ont un impact incroyable. Pour la première fois dans notre histoire, les francophones de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard se parlent à tous les jours. Il se voient le matin et ils se parlent, ils font des affaires ensemble. Ils planifient, ils étudient et ils font un tas de choses ensemble. C'est historique pour nos communautés. Autrefois, on était très isolés. Les distances entre nos communautés sont assez importantes.

Pour se rendre par exemple, de La Butte à disons Saint-Joseph-du-Moine, c'est 900 kilomètres. C'est incroyable comme distance. On parle d'une communauté d'environ 40 000 en Nouvelle-Écosse et 5 000 à l'Île-du-Prince-Édouard. Lorsqu'on parle des défis, il y en a plusieurs. Lorsqu'on opère une institution et qu'on fait de l'enseignement à distance, les défis sont énormes. Mais on en a identifié quatre et c'est de ceux-là dont j'aimerais vous entretenir aujourd'hui.

J'aimerais finir avec une recommandation, si vous me le permettez, si je ne dépasse pas le cinq minutes. Monsieur le président va bien sûr m'avertir si je fais cela. Le premier défi, ce sont les distances comme j'ai mentionnées et le petit nombre d'Acadiens. Quand vient le moment d'offrir un programme, c'est très difficile de trouver 10, 15, 30 personnes dans une région, qui s'intéressent à suivre un programme. Alors la technologie nous a permis, dans une certaine mesure, de surmonter cet obstacle et d'offrir un certain nombre de programmes à des petites populations.

Le deuxième, c'est la technologie. La technologie est très efficace, mais elle peut être coûteuse et il faut aussi gérer cette technologie. Il faut avoir des personnes bien qualifiées pour s'assurer que l'enseignement est de qualité parce que nous ne voulons pas offrir des programmes de deuxième classe à notre population. Je ne suis pas en Nouvelle-Écosse pour offrir des programmes de moindre qualité. Je préférerais qu'ils le fassent en anglais. Vraiment, si on veut faire en sorte que notre population doit désavantagée par rapport à la majorité anglophone, il vaudrait mieux le faire en anglais. Jusqu'ici, on est convaincu qu'on peut maintenir cette qualité et même aller au-delà avec le facteur technologique qu'on offre à notre population.

Il y a le facteur aussi de langue française et des ressources humaines, c'est très important. On parle d'une communauté qui n'a jamais eu accès à une éducation en français. Les premières écoles ont vu le jour en 1982, cela fait à peine 16 ans. On parle quand même d'une communauté qui est là depuis au-delà de 350 ans. Alors ce n'est pas une nouvelle communauté. Mais elle n'a jamais eu accès à cette éducation en français. Elle l'a toujours voulue, mais cela lui toujours été refusé à cause du nombre. Entre-temps quand même, on est passé de 80 000 à 40 000. L'assimilation a fait ses ravages et aujourd'hui, on tente de la freiner et on croit qu'on va pouvoir le faire avec ces institutions.

Alors, lorsqu'on parle de notre population adulte, il faut faire du rattrapage. Il faut faire du perfectionnement de langue. Il faut aller souvent à l'extérieur pour chercher des ressources humaines. C'est difficile à faire. C'est difficile d'intéresser un Québécois à venir s'installer dans des régions rurales. Même pour les gens du Nouveau-Brunswick, c'est quand même loin. Ils se sentent bien chez eux, ils ont du travail, ils ne sont pas nécessairement intéressés à venir s'installer à La Butte. Il nous faut des ressources. Oui, je dois dire quand même, une fois qu'ils viennent, ceux qui viennent, on est très content de les avoir. Ils enrichissent notre culture. Ils enrichissent notre population. Mais c'est très difficile de les attirer.

Ce qu'on voudrait avoir nous autres, c'est un plan, c'est un programme qui nous permette de former notre population indigène, notre population locale pour qu'elle puisse assurer la relève et qu'elle puisse faire l'enseignement, diriger nos institutions et tout le reste.

Et finalement, il y a la programmation. On offre une programmation assez limitée, elle grandit et on veut qu'elle continue à grandir. On veut offrir ce qu'il y a de mieux à notre population. Je crois qu'en tant que Canadien, je suis un Néo-Écossais très fier, je suis fier d'être Néo-Écossais.

Mais j'aimerais pouvoir élever mes enfants en français et il le font d'ailleurs. Maintenant, nos enfants ont pu faire leurs études en français jusqu'à la douzième année et j'ai une fille à l'université. Je suis très content d'avoir ce système complet et j'aimerais que cela continue.

La raison pour laquelle je suis là aujourd'hui, c'est pour vous demander de nous appuyer dans nos revendications. De nous aider à faire en sorte que notre système soit complet et qu'on aura des chances égales à ces postes qui sont maintenant dans cette nouvelle économie. Alors je vais terminer avec une recommandation. Et j'aimerais quand même peut-être lire les «étant donné» parce que je crois que c'est à la base de la recommandation.

À la page 9, je parle des «étant donné». Et si je me trompe dans mes «étant donné», je suis sûr que ma recommandation ne va pas aller loin. Mais si j'ai raison dans mes «étant donné», peut-être qu'il y aurait lieu de faire cette recommandation. Étant donné que l'ensemble des défis présentés dans ce document nécessite l'investissement de sommes importantes pour le développement et la survie à la fois du Collège et de la formation en français en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Pince-Édouard; étant donné que la formation postsecondaire francophone hors-Québec est nécessaire pour assurer le développement économique par la formation d'une main-d'oeuvre locale compétente et qualifiée; étant donné que le gouvernement fédéral a un rôle important dans la préservation, la promotion et l'épanouissement de la langue française au Canada; étant donné que le gouvernement a un rôle clé dans le processus de prise en charge des communautés; nous recommandons que le gouvernement fédéral maintienne son engagement envers les minorités francophones et continue à travailler avec les provinces de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard pour assurer aux Acadiens et francophones l'accès à des programmes de formation de qualité en français.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

M. Ron Sparkes, président, Collège provincial de Terre-Neuve et du Labrador: Nous avons entrepris de regrouper nos cinq collèges en un seul et l'exercice devrait être terminé à la fin de mars prochain.

Le collège provincial compte quelque 7 000 étudiants à temps plein répartis sur 19 campus dans l'île de Terre-Neuve et au Labrador. Nous comptons également 30 centres d'apprentissage communautaires. Le nombre d'étudiants à temps partiel se situe autour de 15 000.

Nos établissements offrent des cours en alphabétisation, recyclage pour adultes, métiers, éducation professionnelle, technologie et des cours de passage à l'université. Nous travaillons également en étroite collaboration avec les autochtones et la communauté francophone de Terre-Neuve, dans la péninsule de Port au Port et dans l'ouest du Labrador.

Le désastre des pêches survenu il y a quelques années a engendré une situation extrêmement difficile à Terre-Neuve et au Labrador. Nous avons dû nous battre pour nous tirer d'affaire. De nombreux programmes d'adaptation ont été offerts dans les collèges privés et publics de la province. Nous avons traversé une situation très turbulente, mais nous envisageons l'avenir avec optimisme grâce au pétrole, aux possibilités qu'offre la technologie de l'information et aux nouvelles mines, notamment les mines de nickel et de minerai de fer qui ont toujours été, avec l'industrie des pâtes et papiers, le pivot de l'économie de la province.

Il y a lieu de se demander pourquoi le Canada est le seul pays du G-7 à ne pas avoir de bureau national de l'éducation et de la formation. Nous parlons de rôle national en éducation, mais le Canada ne possède aucun mécanisme d'orientation en bonne et due forme. Nous savons et comprenons que l'éducation et la formation sont des sujets de compétence provinciale, mais je crois que nous pouvons également reconnaître qu'une coordination nationale du système d'enseignement en relèverait sensiblement la valeur.

Nous avons hésité à aborder ce sujet en raison des questions de compétence. Je citerai à ce sujet Barbara Frum qui disait dans une entrevue: «Je crois, monsieur, que nous devrions parler de ce dont il est vraiment question.» Cessons de tourner autour du pot. M. Buckley parlait de la mondialisation. L'heure n'est pas au provincialisme exagéré. Notre action en matière d'éducation et de formation doit avoir une envergure internationale. Nous avons maintenant la possibilité, et je ne veux pas ici diminuer le rôle de la province, d'ajouter de la valeur à notre effort par la création d'un bureau national.

L'enseignement postsecondaire est une forme d'investissement dans l'avenir de notre pays, mises à part les questions et responsabilités constitutionnelles des provinces. Le gouvernement fédéral a longtemps joué un rôle très constructif et positif dans le domaine de l'éducation et de la formation, mais les choses changent. Nous sentons ce changement dans nos institutions et nous le voyons dans la vie des étudiants qui viennent chez nous. On peut sans doute affirmer que le rôle du gouvernement fédéral s'est amélioré.

L'enseignement postsecondaire est l'une des questions d'intérêt public les plus importantes pour les Canadiens, comme c'est le cas des soins de santé. Nous protégeons notre système de soins de santé. Dès que quelqu'un parle d'appliquer chez nous un système de soins de santé inspiré du modèle américain, les gens se braquent. Nous n'en faisons pas autant pour l'enseignement postsecondaire. Nous nous dirigeons tête baissée vers un système d'enseignement calqué sur le modèle du système de soins de santé en vigueur aux États-unis. On peut faire un parallèle entre l'un et l'autre.

Des associations d'étudiants vous ont parlé d'accès et d'abordabilité. À Terre-Neuve et au Labrador, quelque 6 000 étudiants sortent des écoles secondaires chaque année. En moyenne, 2 000 d'entre eux ne poursuivent pas leurs études au niveau postsecondaire. Des études effectuées par notre service nous ont permis d'établir ce chiffre. Le problème tient en grande partie à la préparation des étudiants, à l'abordabilité et à la possibilité pour les étudiants d'accéder à l'enseignement postsecondaire.

M. Buckley a parlé du bon travail que font les universités et des ressources considérables mises à leur disposition. En comparaison, le système de collèges publics ne reçoit pas toute l'attention qu'il mérite. Le taux de participation aux études universitaires est très élevé au Canada, mais il est très faible au niveau postsecondaire, de sorte que le nombre d'ingénieurs et autres professionnels diplômés des universités dépasse de loin les besoins de notre économie. Pendant ce temps, le nombre de techniciens et technologues demeure insuffisant. Quelqu'un me disait que pour bien fonctionner, une économie doit compter un ingénieur pour trois à quatre technologues. Chez nous, le ratio est inversé et c'est parce que nous avons mal défini nos priorités en ce qui concerne l'enseignement collégial et l'enseignement universitaire.

Les coûts n'arrêtent pas de grimper et, en réaction, nous augmentons les frais de scolarité. Vendredi soir dernier, j'ai rencontré un groupe de maires représentant les municipalités de la péninsule Burin. Ils ont parlé de la nécessité de maintenir les frais de scolarité bas, la raison étant, m'ont-ils dit, que beaucoup de gens dans leur municipalité dépensent le petit coussin qu'ils s'étaient préparé pour leur retraite afin d'aider leurs enfants et petits-enfants à aller au collège et à l'université. Que, par ailleurs, la dette que les étudiants ont à rembourser est déjà excessive.

Ce pays semble être rendu à un stade où les étudiants doivent non seulement payer pour leurs études et celles de leurs prédécesseurs, mais en plus pour celles de leurs enfants. Je ne suis pas sûr que cela s'inscrive dans la tradition canadienne.

L'autre point dont je voudrais parler est celui de l'abordabilité et de l'accès. À mon avis, les Canadiens qui ont le plus besoin du niveau d'entrée au postsecondaire et de cours de perfectionnement sont ceux qui ont le moins de possibilités et de moyens. Ces dernières années, Développement des ressources humaines Canada a modifié son programme de façon substantielle. Aujourd'hui, à moins d'avoir droit à l'assurance-chômage ou aux prestations versées dans le cadre de programmes d'ajustement comme la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, les gens à Terre-Neuve et au Labrador n'ont pas les moyens de payer pour des études postsecondaires. Comment diable voulez-vous que des gens qui n'ont pas le niveau secondaire aient accès à la formation dont ils ont besoin?

Je voudrais aussi aborder la question de la privatisation de l'enseignement postsecondaire dans ce pays. Ces dernières années, on a assisté à une prolifération d'établissements de formation privés qui ont eu pour effet d'introduire une certaine concurrence au sein du système. Ça a été une sorte de réveil pour les collèges publics et beaucoup de choses sont arrivées depuis. J'ai l'impression que les Canadiens épousent généralement ce changement. Nous n'acceptons pas la concurrence en matière de soins de santé, sauf quand il s'agit des soins aux personnes âgées. Je crois que nous devons considérer ce qui arrive comme une question d'intérêt général.

Il est clair que la privatisation de l'enseignement postsecondaire crée une sorte de système à plusieurs niveaux sur les plans de l'abordabilité de l'enseignement et de la formation.

J'ai un peu parlé de la nécessité d'avoir une formation qui soit plus transférable et des accords plus explicites en ce qui concerne le passage du collège à l'université. Il est possible d'exercer des pressions sur les personnes au pouvoir afin de voir au règlement rapide de ces questions. Cela fait plusieurs années que nous nous penchons sur ces questions dans les collèges et les universités, et nous avons fait des progrès. Des accords sont maintenant en place, mais moyennant un coût considérable pour les contribuables sur les plans des finances et de l'éducation.

Le perfectionnement des enseignants au postsecondaire est une autre question importante. Le corps des enseignants au niveau postsecondaire vieillit et n'a guère la possibilité de se recycler ou de se tenir au courant. Il est essentiel, à mesure que la technologie change, que les enseignants puissent se tenir au courant.

Je parlerai brièvement de la responsabilité qu'ont les entreprises de contribuer à l'enseignement postsecondaire. Toutefois, je ne veux pas donner l'impression que les facteurs de production et l'argent sont le plus importants car, en tant qu'éducateurs, nous devons aussi nous concentrer sur la qualité de notre produit. Certains pensent que les entreprises peuvent faire plus compte tenu des marges de profit enregistrées dans certains secteurs de notre économie. Ils pensent que la responsabilité à l'égard de l'enseignement et de la formation postsecondaire pourrait être davantage partagée entre les secteurs auxquels ils bénéficieront le plus.

Pour terminer, nous nous rendons compte qu'il est certaines réalités financières que ce pays doit surmonter, et que nous devons investir de façon stratégique dans le développement des ressources humaines. Je demande au comité d'examiner de près la diversité de l'enseignement postsecondaire dans ce pays et la nécessité de mieux coordonner la stratégie nationale en matière d'enseignement et de formation postsecondaires. Merci.

[Français]

M. Bernard Paulin, sous-ministre adjoint, Services éducatifs, Collège communautaire du Nouveau-Brunswick: Je suis Bernard Paulin. Je suis responsable du réseau collégial au Nouveau-Brunswick francophone et anglophone. Je parlerai en français et en anglais aussi. Au Nouveau-Brunswick, on a une population étudiante collégiale de 16 000 étudiants inscrits à temps plein. Nous avons un réseau de six collèges anglophones et quatre francophones. Je donnerai un aperçu bref de notre réseau collégial pour ensuite peut-être arriver à une préoccupation que nous vivons au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Les collèges communautaires au Nouveau-Brunswick sont vraiment une réussite. Des milliers de personnes au Nouveau-Brunswick font aujourd'hui partie de la population active grâce à nos collèges. Un autre millier de personnes se sont vues accorder une seconde chance d'accéder à un meilleur niveau de vie en se voyant donner la possibilité de faire des études secondaires.

Ce succès est aussi dû à ce que nous nous sommes adaptés au changement. Je crois que l'expérience du Nouveau-Brunswick est unique.

[Français]

Dans le sens que nous offrons des services dans les deux langues officielles. Le fait d'être la seule province officiellement bilingue au Canada constitue un véritable défi pour les collèges et le ministère. Tous les efforts sont déployés pour s'assurer qu'on a des services égaux. Les collèges opèrent dans l'une ou l'autre des langues officielles. Une seule structure par contre, administrative, dessert les collèges anglophones et francophones.

[Traduction]

Un des plus grands défis qui se présente lorsqu'on essaie d'assurer l'équité des services fournis à la collectivité francophone est le financement du développement des programmes. Il y a très peu de matériel didactique destiné aux francophones, surtout parce que le marché nord-américain est très limité.

La province doit investir beaucoup plus dans l'élaboration d'un matériel didactique et d'un enseignement de qualité. Le gouvernement fédéral doit continuer de s'occuper de ce dossier. Un financement fédéral est essentiel si nous voulons bien servir la minorité francophone du Nouveau-Brunswick. Cela est un fait, et je partage l'inquiétude de mon collègue du Collège de l'Acadie. Préparer du matériel didactique en français coûte plus cher.

[Français]

Au Nouveau-Brunswick, depuis le 1er avril, le réseau collégial est devenu un OSS organisme de services spéciaux, qui opère jusqu'à un certain point, à distance du gouvernement tout en fonctionnant à l'intérieur des priorités du gouvernement. Le Collège du Nouveau-Brunswick est responsable de générer des revenus en gardant les frais de scolarité ou toute autre formation qui peut apporter des revenus additionnels pour pouvoir ensuite injecter dans l'ajout de nouveaux programmes. Par contre, nous croyons qu'étant donné que la compétition est quand même forte au niveau du postsecondaire, nous croyons qu'on doive de plus en plus se diriger vers des Centres d'excellence.

Actuellement, on a trois Centres d'excellence en opération. Un centre multimédia à la Miramichi et aussi on a un Centre d'excellence dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration et aussi un Centre d'excellence en bois ouvré. On utilise les dernières technologies de pointe et on hausse les normes pour nos étudiants qui s'enregistrent à ces programmes. Jusqu'à maintenant, ces centres assurent presque de l'emploi à 100 p. 100 à nos étudiants qui sortent de ces programmes.

Et l'autre point que j'ai dans mon texte, que j'avais simplement tenté de résumer; vous savez qu'au Nouveau-Brunswick, on est peut-être la première province à avoir eu un premier ministre responsable de l'autoroute de l'information. Pour nous, c'est un cheval de bataille, c'est une arme de développement dont on se sert grandement. On a 38 sites de formation à distance dans 100 communautés. De plus en plus, on a des programmes qui sont livrés totalement à distance. Par contre, on se dirige vers ce qu'on appelle le campus virtuel ou le collège virtuel. À partir de septembre, on prévoit avoir un programme en français bureautique offert uniquement sur le World Wide Web ou sur l'Internet. Le multimédia des programmes de la Miramichi sera aussi offert évidemment en anglais.

Nous croyons que c'est un peu de cette façon qu'on va assurer notre survie. Par contre, notre survie doit se faire aussi en partenariat avec le secteur privé. On ne pense pas que le coût pour implanter ces programmes soient très dispendieux, quand on parle de développer des programmes qui font appel à une technologie avancée. À ce moment-là, le partenariat avec le secteur privé devient aussi une possibilité ou une solution. Mais à ce moment-là, il faut s'attendre à partager aussi les bénéfices pour que les deux en sortent gagnants. C'est une valeur que nous favorisons beaucoup, le partenariat avec le secteur privé dans la formation actuellement.

Et un autre domaine que nous favorisons pour donner le plus de possibilités à nos étudiants, c'est d'introduire ce qu'on appelle un bac appliqué ou un bac technique. Les étudiants font deux ans au Collège et complètent à l'université avec deux autres années, ce qui devient un bac appliqué. Ce ne sont pas nécessairement deux années ajoutées à deux autres années. Mais cela doit être fait avec une certaine planification pour vraiment au départ que les objectifs pédagogiques soient rencontrés.

Actuellement, on a un programme qui est donné entre l'université de St. Thomas et le Collège de Woodstock, dans le domaine du journalisme et des communications pour les étudiants je pense de troisième année. Et aussi, on a plusieurs initiatives de cette nature où on prévoit donner un bac appliqué dont le diplôme sera octroyé par l'université et le Collège. Pour nous, on croit que c'est peut-être une façon d'arrêter de se compétitionner l'un contre l'autre et plutôt de travailler ensemble pour arriver disons à ce que les nouveaux étudiants sortent gagnants.

Cette initiative résulte du fait que, de plus en plus, on remarquait que les étudiants qui étaient des bacheliers retournaient dans les collèges. Mais en d'autres mots, si on parle d'endettement, quatre ans à l'université normalement puis en plus deux autres années dans un collège, cela fait six ans d'études. Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas avoir un programme qui pourrait rejoindre les besoins de ces étudiants? Pour nous, le bac appliqué, «Apply Degree», est perçu dans certains domaines où cela pourrait vraiment être bénéfique pour les étudiants.

[Traduction]

Mon collègue du Collège de l'Acadie a dit que plusieurs initiatives interprovinciales ont été mises en place. Ces initiatives, dont la plus connue est le programme d'apprentissage, existent depuis des années. À l'heure actuelle, un cours d'apprentissage en matériel lourd est donné à partir de Miramichi aux trois provinces de l'Atlantique. Il s'agit d'un programme unique. C'est le genre de coopération que nous devons pousser si nous voulons survivre car, dans les provinces de l'Atlantique, nous sommes relativement petits par rapport à l'Ontario ou même par rapport au Québec.

Comme vous le savez tous, le Conseil des Premiers ministres des Maritimes a été créé au début des années 70. La Commission de l'enseignement supérieur des provinces Maritimes et la Fondation d'éducation des provinces Maritimes sont des créations du Conseil.

En 1993, les provinces de l'Atlantique ont signé un accord favorisant une planification commune pour favoriser l'accès des étudiants aux collèges et entreprendre des projets qui faciliteraient les échanges d'étudiants. Cet accord encourage en outre les initiatives communes dans les domaines où il est impossible à une province seule de lancer une initiative. Je me réfère à l'exemple donné par Réal Samson, où le téléservice pour la population francophone sera assuré à distance, en partenariat avec les trois provinces. Nous pensons que c'est une orientation à suivre.

Ce qui arrive ici n'est pas unique au Nouveau-Brunswick, mais est général à tout le pays. L'économie évolue vite et les collèges communautaires ont réussi à s'adapter, mais il y a un prix à payer pour se tenir au fait du progrès car, au bout de deux ans, la technologie est dépassée. Remplacer les technologies coûte très cher.

Par le passé, le gouvernement nous a, au moins dans quelques cas, vraiment soutenus lorsque nous avons dû mettre en place un nouveau cours ou encore changer ou remplacer l'équipement. Pour moi, c'est un autre problème. Cependant, si nous ne voulons pas augmenter les frais de scolarité, nous avons besoin d'aide car il ne sert à rien de former des gens s'il n'y a pas de travail au bout. C'est essentiellement notre philosophie. Au fil du temps, c'est devenu une sorte de valeur ou de culture. S'il n'y a pas d'emploi, à quoi sert de former des gens? Pour être vraiment à la page, pour être vraiment au niveau, nous avons besoin du soutien du gouvernement fédéral.

Un autre point dont je voudrais parler, ce sont les normes nationales. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral a pris l'initiative d'établir des normes nationales pour les programmes de formation au Canada. Les conseils sectoriels créés à cet effet supposent, principalement, la participation du secteur privé à l'élaboration de ces normes.

La plupart du temps, les établissements n'y participent pas. Il y a dans le pays, je dirais, 19 conseils sectoriels. Le secteur auquel nous apportons une participation est celui du tourisme. On m'a dit que ce secteur avait été inclus de façon accidentelle, en ce sens qu'il avait été nommé parce qu'il était représenté auprès d'un comité national. À mon avis, la participation devrait être plus grande. Ça ne coûte pas cher. Même si nous sommes en faveur de la participation du secteur privé à l'établissement de normes nationales, nous, les établissements publics, devrions aussi y participer. J'aimerais que vous examiniez cette question, voire que vous en teniez compte dans vos recommandations.

M. Brian McMillan, directeur des opérations de programme, Holland College: Nombre des remarques que je vais faire ont déjà été formulées par mes collègues. Cependant, je voudrais vous faire partager certaines de nos préoccupations, et faire un certain nombre de remarques positives. Nous faisons quelque chose pour atténuer certains de ces problèmes.

Je viens du Holland College, à l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agit d'un collège communautaire qui a sept campus sur l'Île. Nous avons environ 2 200 étudiants à temps plein. Nous en avons en moyenne entre 7 000 et 9 000 qui suivent des programmes de formation des adultes afin de pouvoir accéder à l'enseignement postsecondaire ou des programmes de formation sur mesure créés à l'intention des entreprises et de l'industrie.

Si nous avons autant de programmes spécialisés, c'est que le Holland College a acquis au fil des ans la réputation de dispenser une formation axée sur les compétences. C'est-à-dire que les entreprises et l'industrie nous disent quelles compétences sont nécessaires à un employé pour un certain poste. Nous mettons alors au point un programme personnalisé qui va permettre à l'étudiant d'acquérir les compétences en question à son propre rythme. Le programme dure un an ou deux, après quoi l'étudiant doit prouver qu'il a les compétences requises pour obtenir un certificat.

Nous avons aussi, pour chaque profession, ce que nous appelons des «comités consultatifs». Ces comités se composent de personnes considérées comme des leaders dans le domaine en question, qui -- au moins une ou deux fois par an -- nous donnent leur avis quant à ce qu'il faut faire pour assurer aux diplômés une formation qui leur permettra d'être toujours à la pointe du progrès. Je crois que c'est important. Cela nous permet de nous tenir au courant des changements. Cela pose aussi, cependant, le problème de la rapidité d'adaptation au changement qui, comme vous pouvez vous en rendre compte, n'est pas toujours facile.

Je suis désolé de ne pas avoir de rapport officiel à vous présenter. L'invitation m'est parvenue à la date même où le rapport était censé être déposé, et les délais étaient trop courts. Cela dit, je pourrai par la suite en donner un aperçu aux personnes qui le désirent.

Ma présentation d'aujourd'hui s'intitule «Bridging the Gap Between the Haves and the Have-nots». Je vous expliquerai certains problèmes qui, à mon avis, font qu'il y a des riches et des pauvres dans notre société, puis je vous suggérerai certaines mesures à prendre.

L'enseignement postsecondaire se dirige rapidement vers une société à deux niveaux: les personnes qualifiées et les personnes non qualifiées. Les premières auront un emploi, les autres non. Un certain nombre de facteurs sont à l'origine de cette faille qui se forme entre les personnes qualifiées et les personnes non qualifiées.

Mon collègue a déjà mentionné le fait qu'aujourd'hui, dans le milieu du travail actuel, il faut en moyenne 16 ans d'études aux diplômés. Nous savons aussi que l'on exige aujourd'hui des diplômés tout un ensemble de compétences.

Il y a trois ans, le Conference Board du Canada a recensé les compétences que devaient avoir les diplômés, entre autres l'esprit critique, la capacité de prendre des décisions, et la capacité de communiquer. Aujourd'hui, nous avons besoin non seulement de ces compétences, mais aussi de compétences multiples. Les employeurs veulent des personnes qui n'ont pas seulement certaines compétences mais qui ont des compétences multiples, et cela pose un autre problème. Nous faisons en sorte de satisfaire à ces besoins.

D'où viennent les emplois, pour la majorité? En d'autres termes, quel est le type de formation requise? Je n'ai pas l'habitude de citer la revue Maclean's, mais, quand j'étais à Mount Allison, je pensais que c'était une source fiable car pendant des années, elle nous a classés premiers. Depuis 1990, l'augmentation nette du nombre d'emplois au Canada a été de 400 000. Depuis, 147 000 emplois sont allés à des personnes ayant au plus un niveau de 8e année, et 158 000 à des diplômés du secondaire, alors que 646 000 emplois sont allés à des personnes qui étaient allées au collège ou avaient une formation technique. Un autre chiffre intéressant à l'appui de la nécessité pour les collèges communautaires d'avoir une juste part du gâteau: 452 000 emplois sont allés à des diplômés d'universités. Ces chiffres sont importants à retenir.

Nous ne pouvons pas satisfaire au nombre de demandes d'inscription à nos programmes. À l'heure qu'il est, nous admettons un diplômé sur quatre à nos programmes de technologie. Face à la demande, nous avons institué un concours d'admission ou bien fixé des conditions d'admission. Ceci crée certains problèmes. Nous n'acceptons que les plus doués. Ce qui signifie que, jusqu'à l'an dernier, entre 35 et 38 p. 100 environ des étudiants du Holland College avaient déjà un diplôme de premier cycle. L'écart entre les collèges communautaires et les universités se resserre rapidement pour ce qui est des études requises.

L'escalade des frais de scolarité est un autre problème. Nous nous sentons mal à l'aise lorsque nous devons demander aux étudiants de payer plus cher car nous sommes conscients des difficultés que cela entraîne, mais nous ne sommes pas nous-mêmes sûrs de notre financement. Nous devons équilibrer les comptes. Nous ne pouvons être déficitaires. Par conséquent, la réduction des paiements de transfert et l'incertitude de recevoir des fonds de DRHC pour la formation exercent sur nous certaines pressions.

Une autre question importante, qu'il nous faut accepter, est le fait qu'il n'existe pas aujourd'hui au Canada de chances égales pour tous de faire des études postsecondaires étant donné l'augmentation des frais de scolarité et les conditions d'admission plus rigoureuses. Nous avons des personnes socialement défavorisées et des personnes handicapées. J'ai personnellement participé à l'élaboration de programmes destinés à permettre à des personnes handicapées de faire des études postsecondaires mais, croyez-moi, dans ces deux groupes, certaines personnes passent au travers des mailles.

Les personnes qui sortent du secondaire avec un diplôme technique ou général sont un autre groupe en train de passer dans le groupe des personnes défavorisées. Elles ne sont pas admises dans les établissements d'enseignement postsecondaire. Il y ensuite un autre groupe, celui des personnes qui ont un diplôme universitaire mais qui n'ont pas eu de bons résultats au secondaire. Elles ne réussissent pas aux concours d'admission. Où ces personnes vont-elles pouvoir s'adresser pour acquérir une formation?

Tous ces facteurs, je crois, soutiennent l'idée que l'écart entre riches et pauvres s'accentue. Bientôt, nous découvrirons peut-être qu'il n'existe plus de classe moyenne. Il y aura, d'une part, les personnes qui gagneront le salaire minimum et, d'autre part, les personnes qualifiées qui auront un très bon salaire. C'est un problème que je demande à ce comité d'examiner.

Nous avons manifestement besoin de ressources. Nous ne parlons pas ici d'argent. Nous avons besoin d'aide sur toutes sortes de plans. Il est d'autres choses qui peuvent être faites en dehors de remettre un chèque.

Nous considérons actuellement les indicateurs de rendement de nos différents programmes. Nous voulons pouvoir évaluer la viabilité de chaque programme du point de vue du coût et de l'emploi. Combien de nos étudiants sortent diplômés et trouvent du travail?

Nous voulons aussi évaluer la qualité de chaque programme. Quelle est la qualité de ce programme? Les instructeurs maintiennent-ils le rythme? Les matières enseignées aux étudiants sont-elles actuelles? Nous devons veiller à ne pas ghtmiller l'argent, à utiliser les fonds dont nous disposons à bon escient.

L'élaboration et la planification des programmes sont un autre point qui mérite l'attention. Une évaluation préalable des besoins d'apprentissage est essentielle. Pourquoi les étudiants devraient-ils payer deux fois pour acquérir des compétences qu'ils possèdent déjà? L'étudiant qui a reçu une formation axée sur les compétences peut examiner un profil d'emploi et déterminer qu'il possède 15 des compétences requises et qu'il lui en reste 35 à acquérir. Nous pouvons l'aider dans cette évaluation. Cela veut aussi dire que le gouvernement ne paie pas deux fois pour le même type d'enseignement ou de formation. Je suis en faveur d'une évaluation préalable des besoins d'apprentissage.

Des accords spécifiques doivent être élaborés entre établissements. Il devrait y avoir une sorte de catalyseur ou de mécanisme afin de faire en sorte que cela se fasse, faute de quoi, si l'on ne fait pas pression, il faudra 10 ans pour régler ce problème. Malheureusement, et je le sais, puisque je viens d'un milieu universitaire, nous ne comprenons pas toujours nos collègues des collèges communautaires. Nous devons surmonter certaines barrières.

La formation sur le tas est essentielle. Je pense qu'elle permet aussi aux étudiants de prouver de quoi ils sont capables à leurs employeurs potentiels et de trouver du travail.

Nous devons aussi cibler nos programmes de transition. Nous envisageons actuellement de créer un centre d'apprentissage et un centre d'évaluation à l'intention des personnes qui ne semblent pas remplir les conditions d'admission de façon à pouvoir les former et les aider à acquérir une formation postsecondaire. Cela exige du temps et de l'argent, et ces personnes ont besoin d'aide.

Nous avons créé un centre d'apprentissage, mais restent à tracer les grandes perspectives. Nous faisons les choses de façon sporadique. Le ministère fédéral va nous donner de l'argent pour mettre en place un programme, mais nous ne traitons pas du problème de la transition qu'est le passage du postsecondaire au marché du travail. Que fait-on pour aider les personnes qui sortent d'un établissement d'enseignement postsecondaire à trouver du travail? Je suggère que soient mis en place des projets pilotes où les entreprises et l'industrie intervieweraient les candidats et évalueraient leurs possibilités. L'industrie pourrait alors travailler main dans la main avec les collèges communautaires pour voir à la formation des candidats. Cela peut signifier, pour les personnes qui se sont vues refuser un emploi, deux années de lutte pour acquérir les compétences requises, mais elles verront la lumière au bout du tunnel. Il y a là des possibilités que nous devrions examiner.

La planification de la carrière est un autre domaine qui exige une certaine attention. Mes collègues ont parlé de partenariats avec les employeurs. Je pense qu'on en a assez dit à ce sujet.

De toute évidence, nous devons envisager un cadre d'apprentissage plus souple et plus rentable. Dans certains collèges communautaires, les laboratoires ne sont pas utilisés le soir. Nous savons que la technologie coûte cher, nous devons faire une utilisation optimale de nos ressources. Beaucoup de gens actuellement employés ne peuvent se permettre de prendre un congé de trois ou six mois. Nous devons agir de concert avec les entreprises et l'industrie pour donner à ces gens la possibilité de suivre des cours d'apprentissage.

Certains pensent que nombre de nos programmes devraient être fonction de ce qui se fait dans le monde du travail, autrement dit que les exercices pratiques que nous faisons faire aux étudiants devraient être en rapport avec ce qui se fait dans l'industrie.

En Australie, il existe un programme intitulé «Unilinks» qui consiste à aider les gens à former des partenariats entre les collèges et les universités et l'industrie. Si une compagnie d'ingénieurs travaille à la mise au point d'un produit, elle demande à des étudiants-ingénieurs de travailler à ce projet. Elle prépare ensuite un mémoire, rédige un rapport et soumet ce dernier au conseil d'administration. Tous les domaines sont couverts, depuis la reconnaissance du droit d'auteur jusqu'au brevetage.

Nous pouvons nous montrer un peu plus créatifs dans ce que nous essayons de faire pour aider l'industrie à établir de meilleurs relations de travail et donner à nos étudiants du postsecondaire une expérience pratique et réaliste.

Un de mes collègues au moins a parlé d'exploiter les débouchés internationaux. Si nous pensons que nous vivons dans une économie mondiale, nos programmes doivent être adaptés en conséquence et nous devons en faire la preuve à nos étudiants et au corps professoral. Nous devons donc établir des liens et assurer la liaison avec d'autres établissements d'enseignement postsecondaire, et encourager les étudiants à accepter un placement à l'étranger. J'ai vu des cas où ça a très bien marché dans un poste que j'ai occupé antérieurement. Des étudiants allaient suivre une formation de deux mois en Angleterre ou en Suisse. C'était pour eux une excellente possibilité d'apprendre. Non seulement cela, c'était bon pour leur curriculum vitae, car tirer parti d'une possibilité comme celle-ci en dit long sur la personne qui le fait. Les employeurs recherchent ce genre de choses qu'ils considèrent comme une sorte de valeur ajoutée.

Je crois que nous devons consacrer plus d'énergie au perfectionnement du corps professoral et du personnel. Quelqu'un a fait allusion au vieillissement du corps des enseignants. Je ne sais pas si cette personne faisait allusion à notre groupe, mais il ne fait aucun doute dans mon esprit que plus de détachements sont nécessaires.

Nous nous targuons du fait que nos instructeurs sont encore au fait des progrès. Ils exercent dans l'industrie, que ce soit dans le domaine de l'ingénierie, des techniques de la mer ou dans d'autres domaines. Nous devons maintenir ces liens et voir à ce que les gens occupent ces postes à tour de rôle de façon à rester au fait de l'actualité. Dans le cadre du programme d'évaluation du personnel, les employés devraient établir un plan qui leur permette en trois ans de se perfectionner dans la voie qu'ils ont choisie.

Le passage à un système à deux niveaux va nous poser un sérieux problème. Plusieurs projets sont en cours qui vont nous aider à réduire l'écart, mais il faudra pour cela faire une utilisation efficace des ressources.

Le président: Merci beaucoup.

Je crois comprendre que le gouvernement fédéral est en train de confier la responsabilité du recyclage aux provinces et utilise les fonds provenant du fonds de l'assurance-emploi. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Buckley: Je suis très préoccupé par ce que vous venez de dire, monsieur le président. Le gouvernement a pris des mesures directes pour se retirer de la formation. C'est une politique officielle. Elle équivaut à un retrait de fonds.

La contribution du gouvernement fédéral à la formation au Nova Scotia Community College était de 8,6 millions de dollars. Tous ces fonds ont été retirés, non pas transférés à la Nouvelle-Écosse, mais retirés. Ils ne font plus partie de la contribution du gouvernement fédéral à la formation professionnelle. Cette mesure a eu pour conséquence l'annonce, en juillet 1996, de la fermeture de cinq campus. La responsabilité de la formation professionnelle a effectivement été transférée à la province.

D'autres personnes d'autres provinces voient peut-être cela d'un autre oeil. J'aimerais connaître leurs commentaires.

Le sénateur Forest: Monsieur le président, si vous me le permettez, le gouvernement fédéral a signé, je le sais, un accord avec l'Alberta à ce sujet. Je crois qu'il en a aussi signé un avec une autre province. Le Nouveau-Brunswick a-t-il signé un tel accord?

M. Paulin: Oui, le Nouveau-Brunswick a effectivement signé un accord transmettant la responsabilité de la formation à la province à compter d'avril prochain. La province sera responsable de la formation et, essentiellement, administrera le fonds pour le compte du gouvernement fédéral. Nous saurons mieux ce qu'il en est de la situation une fois que le nouveau système aura été en vigueur une année complète, mais nous sommes très optimistes en ce sens qu'il appartiendra aux étudiants de choisir les programmes et que le choix des programmes sera davantage axé sur les résultats.

Le gouvernement assumait la totalité des frais de formation de certains étudiants, sans résultat. Ce nouveau système sera davantage axé sur les résultats pour l'étudiant, mais celui-ci choisira l'orientation à suivre.

Officiellement, le gouvernement fédéral achetait la formation pour le compte de l'étudiant et stipulait l'établissement où celui-ci devait aller. Les étudiants n'avaient pas le choix. À présent, la responsabilité du choix de l'établissement incombe à l'étudiant. Il comparera les différents établissements et choisira le meilleur. Il y aura une sorte de guichet unique où le client recevra des conseils sur l'orientation à suivre. Il y aura un genre de système de présélection. Comme je l'ai dit, les choses ne sont encore que théoriques, mais le nouveau système sera en vigueur dans à peu près un mois.

Le sénateur DeWare: Quand ce comité a examiné le projet de loi sur l'assurance-emploi, on nous a laissé entendre que les fonds destinés à la formation seraient transférés aux provinces.

S'ils sont transférés aux provinces, les provinces feront-elles profiter les collèges communautaires des fonds qu'elles reçoivent pour la formation ou bien est-ce le secteur privé, qui vous fait concurrence, qui va en profiter?

M. Sparkes: À mon avis, vu la prolifération des établissements de formation privés, choisir un établissement sera peut-être un peu comme acheter une voiture d'occasion. Les étudiants seront exposés à toutes sortes de manigances et de publicité. Nous avons beau parler de donner des conseils d'orientation et du fait que les gens sont prêts à aider au choix des programmes de formation, je ne crois pas, honnêtement, que les moyens soient en place pour le faire.

Les fonds qui sont transférés aux provinces sont, je crois, substantiellement réduits. Ces trois ou quatre dernières années, j'ai vu le budget de l'enseignement postsecondaire ramené, dans le cas des collèges publics à Terre-Neuve et au Labrador, de 55 à 45 millions de dollars, et ce à la suite de la réduction des subventions directes versées par le fédéral. Divisez cela comme vous voulez, les résultats étant la responsabilité de l'étudiant. J'aurais souhaité que la responsabilité, y compris celle des résultats, continue de nous incomber, en tant que système.

Le sénateur DeWare: Comment pouvez-vous préparer les cours et fournir des instructeurs quand vous ne savez pas si les étudiants vont ou non faire une demande d'inscription à ces cours?

M. Sparkes: C'est une bonne question qui nous ramène au rôle que les établissements d'enseignement postsecondaire ont à jouer auprès du public. Je ne vois, quant à moi, aucun problème à appuyer le secteur privé, mais cela soulève certaines questions. Je pense que c'est le début de la fin du système d'enseignement postsecondaire public. Je pense que nous sommes sur une mauvaise pente. C'est un moyen facile de privatiser l'enseignement et la formation postsecondaires, ou tout du moins une grande partie. Ils le sont déjà en grande partie. À Terre-Neuve et au Labrador, le nombre d'inscriptions dans les écoles privées est pratiquement le même que dans les collèges publics.

Le sénateur DeWare: C'est une bonne raison d'avoir des normes nationales. Si nous établissons des normes nationales, le secteur privé devra s'y conformer. J'ai de sérieuses réserves au sujet de tout ce programme de formation et de la question de savoir si des fonds seront disponibles. On nous a dit que oui.

M. Sparkes: Autre question importante: à la disposition de qui ces fonds seront-ils mis? À mon avis, les plus démunis n'ont pas accès actuellement aux subventions fédérales. Si vous ne touchez pas l'assurance-chômage, tant pis pour vous. Et tant pis pour les personnes qui n'ont pas une instruction suffisante, qui ne sont pas qualifiées, qui ont le moins de chances de trouver du travail au départ pour pouvoir être admissibles à l'assurance-emploi.

M. McMillan: L'industrie nous dit qu'elle veut des gens qui ont déjà certaines compétences. Il y a des prestataires de l'assurance-emploi qui ont l'expérience nécessaire, malheureusement, ce n'est pas la grande majorité.

Je ne suis pas certain que le montant des fonds transférés soit le même qu'il était autrefois.

En outre, je crois comprendre que les provinces décideront comment dépenser ces fonds.

Le sénateur DeWare: C'est juste.

M. McMillan: Si elles le veulent, elles peuvent le consacrer au développement des entreprises. Je pense qu'elles disposent d'une certaine flexibilité. Je crois que l'accord est que c'est aux provinces de décider si elles veulent investir ces fonds dans les universités ou les collèges communautaires. Pour être francs, nous ne savons pas très bien à quoi nous attendre.

M. Paulin: Selon mon interprétation, l'accord prévoit que les fonds doivent aller à la formation. Le gouvernement fédéral a une liste de repères à partir desquels évaluer et juger la province. Ce transfert des responsabilités sur trois ans permettra au gouvernement fédéral de continuer de prendre une part très importante au suivi des résultats.

Des fonds devront aller à la formation. Il existe une certaine flexibilité, mais à l'intérieur de l'enveloppe de la formation. En tant que province, je ne crois pas que nous aurons ce choix, à moins de faire des entorses au règlement.

M. McMillan: Que je sache, certains premiers ministres sont venus à Ottawa afin de demander ce que serait leur marge de manoeuvre en ce qui concerne l'utilisation des fonds de l'assurance-emploi. Je ne veux pas dire que tous les fonds iront à la formation, mais je pense que les gens envisagent d'autres façons d'utiliser ces fonds pour venir à bout du chômage, lesquelles façons ne correspondent pas toujours à la formation.

Le sénateur Losier-Cool: Je pense que le comité devrait savoir exactement ce que renferment ces accords. J'étais présente lorsque le premier ministre du Nouveau-Brunswick a signé l'accord à Ottawa et, à ce que j'ai compris, les fonds doivent aller à la formation professionnelle. Peut-être une personne des Ressources humaines devrait-elle expliquer au comité les conditions de l'accord.

Le président: Nous aurons plus facilement accès à cette information à Ottawa.

Le sénateur Perrault: On nous a laissé entendre aujourd'hui qu'il était important qu'il existe des contacts entre collèges et établissements du même type. Quel genre de contacts avez-vous avec les collèges communautaires en Colombie-Britannique et dans les autres provinces? Si vous avez des contacts, quel genre de renseignements échangez-vous entre vous? Par exemple, est-il possible à un collège en Alberta d'avoir accès à votre bibliothèque, et vice-versa? Existe-t-il un système national permettant de situer l'endroit où se trouvent les livres et le matériel de référence?

Le président: Je sais que la fille du vice-président du Capilano College a suivi des cours à l'Institut d'art culinaire de l'Île-du-Prince-Édouard, dont elle est diplômée, et travaille comme chef en Europe. Cela montre la communication qui existe entre ces deux établissements.

Le sénateur Perrault: Quelles mesures proposez-vous? On nous a dit qu'il était important que les établissements aient des contacts entre eux.

M. Buckley: Monsieur le président, l'Association des collèges communautaires du Canada, qui a comparu devant vous, est très active dans ce domaine. Cent soixante-dix collèges et établissements d'enseignement technique représentant l'ensemble des provinces et des territoires en font partie. Elle est administrée par un conseil d'administration élu. Elle nous donne la possibilité d'unir nos efforts dans un but de coopération et de regrouper les ressources des collèges à des fins de partage.

La communication entre collèges est très ouverte. Avec les moyens électroniques, la distance ne joue pratiquement plus dans la communication. Nous pouvons communiquer presque instantanément.

Le président: Je suppose que tous les collèges sont maintenant sur Internet.

M. Buckley: Oui.

Le sénateur Perrault: Une autre question qui préoccupe les Canadiens est celle de la mobilité de la main-d'oeuvre. Certains disent que, s'il n'y a pas d'emplois dans une région, la famille peut déménager dans une autre province où il y en a plus, comme l'Alberta, où l'économie est maintenant prospère. Nous sommes alors confrontés au problème ridicule des cours qui ne sont pas agréés. C'est un handicap pour le développement de l'économie.

Nos efforts en vue d'établir des normes nationales avancent-ils? Parfois, je désespère. Le libre-échange n'existe pas au niveau national et, pourtant, nous adhérons à la libéralisation des échanges dans le monde.

M. Sparkes: Mon sentiment est que le transfert des crédits du collège à l'université est loin de ce qu'il devrait être. En tant que collège à Terre-Neuve et au Labrador, nous avons essayé de transférer les crédits d'une année d'études à l'Université Memorial. Nous n'y sommes pas encore arrivés.

Les ministres de l'Éducation ont, je crois, un protocole pancanadien relativement à ce qui se fait dans le secteur universitaire, mais les choses vont extrêmement lentement. C'est un problème qui fait du tort aux gens. Des gens qui sont allés au collège n'ont pas accès à l'université parce que les études qu'ils ont faites au collège ne sont pas reconnues.

Mon collègue du Holland College a parlé plus tôt de l'évaluation préalable des besoins d'apprentissage. Les collèges font certains progrès à cet égard, mais il y a encore énormément de chemin à faire.

Le sénateur Perrault: C'est contraire à l'intérêt national.

M. Sparkes: C'est un domaine où les organismes de financement doivent se montrer un peu plus rigoureux pour faire avancer les choses plus rapidement. Les professeurs n'arrêtent pas de discuter des qualifications que doit avoir un instructeur pour enseigner un cours d'anglais de première année. C'est très frustrant.

Le président: Existe-t-il une certaine jalousie entre les universités et les collèges?

Le sénateur DeWare: Je ne pense pas que la question soit appropriée.

Le sénateur Perrault: Vous n'êtes pas obligé de répondre.

Le sénateur DeWare: Ce n'est pas le terme approprié.

M. Sparkes: Il y a un manque de compréhension, je crois.

M. McMillan: Ayant travaillé dans les deux milieux, je suis d'accord avec vous sur ce point. Comme on le sait, quand il n'y a pas d'argent, c'est chacun pour soi. Nous devons amener les gens à prendre conscience du fait que nous gagnerons à travailler ensemble.

Le sénateur Perrault: C'est logique.

M. McMillan: Il faudrait mettre en place une stratégie afin de recenser les points forts des collèges universitaires et ceux des universités. Nous pourrions alors respecter l'expertise respective de chaque niveau.

Le sénateur Perrault: Nous avons besoin d'un plan national.

M. McMillan: Ce serait utile mais, comme je dis, les fonds s'amenuisant, les gens ont tendance à dresser des obstacles.

Le sénateur Perrault: Certaines remarques constructives ont été faites à propos de nos relations commerciales et de notre politique en matière d'échanges commerciaux. On a dit que notre pays avait l'un des pourcentages les plus faibles de jeunes inscrits à des programmes d'études commerciales. C'est peut-être vrai. Certains collèges essaient de remédier à ce problème.

Le Capilano College a un programme qui consiste à enseigner aux jeunes les langues des pays de la région du Pacifique de façon à ce qu'ils puissent travailler en Asie. Ce programme a beaucoup de succès. Peut-être que les collèges devraient unir leurs efforts afin de nous équiper et de nous permettre ainsi d'acquérir notre part du marché international. À une époque, nous étions la plus grande nation commerçante du monde par habitant.

Enfin, qu'en est-il de notre effort de recherche par rapport à nos principaux concurrents? Devrions-nous faire un effort plus important dans le secteur de la recherche? Les pays de l'OCDE ont une avance substantielle sur nous.

M. Buckley: Monsieur le président, la recherche ne fait pas partie du rôle des collèges. Notre mandat est d'assurer la formation professionnelle. La recherche fait partie du rôle des universités, et vous constaterez probablement que, dans le budget actuel, l'accent est mis sur la recherche au détriment de la formation professionnelle.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Monsieur Samson, suite à ce que le sénateur Perrault vient de dire concernant la communication, est-ce que vous avez déjà exploité dans l'enseignement à distance ou avez-vous déjà pensé à rejoindre les francophones de l'Ouest? Est-ce que ce serait possible, question de transfert des cours de provinces?

M. Samson: Oui, on a eu des demandes de la Saskatchewan. Ils ont demandé de la collaboration. Il y a un décalage d'heures qui est assez important: trois heures. Mais ce n'est pas insurmontable. La technologie nous permet de le faire. On a aussi eu des discussions avec Terre-Neuve. Nous autres, on est comme un McDonald. Aujourd'hui, tu n'a pas d'institution, demain matin tu as une institution. De la façon dont on opère, la technologie qui supporte nos opérations nous permet de le faire. On a aussi eu des discussions avec la Louisiane et d'autres provinces. Notre problème, c'est qu'on a eu une croissance, on est petit, mais on grandit rapidement. Et puis on veut continuer cette croissance. On travaille avec le Québec également et l'Ontario. Alors, notre monde francophone au Nouveau-Brunswick et le monde de la technologie nous permet de faire cela. On a vu le jour à cause de cette technologie. On a l'intention de l'exploiter davantage au fil des années qui s'en viennent.

On a parlé de transfert et de dévolution; ce serait très important que l'on considère les francophones et les minorités. En particulier lorsqu'on transfère ces pouvoirs aux provinces qui n'ont pas nécessairement le souci de la langue française et de la minorité, c'est peut-être nouveau. C'est nouveau en Nouvelle-Écosse, cela fait seulement quelques années qu'on a des écoles françaises. Alors, c'est bien beau de dire que l'on transfère à la province et je suis d'accord avec mes collègues, il y en a qui sont d'accord, il y en a qui sont contre.

Mais je vous demanderais, en tant que représentants du gouvernement fédéral, de considérer le fait francophone, la minorité à l'extérieur du Québec. Si cela est fait sans souci pour cette minorité, moi j'ai peur que très peu de ces fonds vont se retrouver dans nos institutions françaises. C'est possible. On a fait beaucoup de chemin et on a beaucoup d'amis anglophones dans la province de la Nouvelle-Écosse. C'est pour cela qu'on est là aujourd'hui. On serait pas là sans ces amis, ils sont très importants. Mais cela étant dit, c'est quand même une question de piastres, une question d'argent et une question de vouloir en faire plus. Alors je vous demanderais, si possible, de nous considérer dans vos délibérations.

Le sénateur Losier-Cool: S'il n'y avait seulement que moi.

[Traduction]

Le sénateur Lavoie-Roux: Si vous voulez de bons conseils au sujet du budget, écoutez ces gens.

[Français]

Je voudrais que vous éclairiez ma lanterne. Tout le monde parle de standards nationaux pour les collèges. Ils en ont parlé pour les universités, et cetera. Mais j'ai l'impression que vos collèges communautaires, ce n'est pas la même chose que nos CEGEP, sauf peut-être pour la partie professionnelle des CEGEP.

Avant l'établissement des standards nationaux alors même que l'orientation des collèges au Québec puis des collèges communautaires dans les autres provinces est très difficile, je ne vois vraiment pas, à moins que je saisisse mal la question des collèges communautaires au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse ou ailleurs, de quelle façon les deux peuvent se rejoindre? Vous avez les CEGEP au Québec et les collèges communautaires dans les autres provinces.

M. Paulin: En fait, ce qui nous concerne, par exemple, on achète 60 places au Québec dans les CEGEP actuellement, pour nos francophones du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous achetez des places?

M. Paulin: Oui, on achète des places à la province du Québec, dans les CEGEP. Pour nous, les CEGEP offrent, dans certains domaines, la même formation que nous. Que ce soit dans le domaine par exemple, technologique, les CEGEP offrent le même cours. On achète 70 places dans différents programmes, surtout dans le domaine de la santé: hygiéniste dentaire, inhalothérapeute.

Le sénateur Lavoie-Roux: Parce que vous ne les avez pas dans vos programmes.

M. Paulin: On ne l'a pas parce que ce serait trop dispendieux de mettre un programme sur pied.

Le sénateur Lavoie-Roux: Alors c'est strictement dans la partie professionnelle des CEGEP et non pas dans la partie générale.

M. Paulin: C'est exact. Mais par contre, on se destine de plus en plus vers ce domaine. Actuellement, on a une entente avec UCCB, de l'université de la Nouvelle-Écosse, qui accepte un étudiant d'un collège communautaire une année pour une année, deux années pour deux années. La question des crédits est réglée. Pour eux autres, si on reconnaît vos programmes, si vous faites chez vous, génie civil, si vous venez ici en Nouvelle-Écosse à UCCB, il va avoir un degré universitaire, il est accepté. On l'accepte.

Donc, il y a déjà l'université qui a pris le «lead», ce qui est à son avantage. Au Nouveau-Brunswick, entre les universités et les collèges, il y a un transfert de crédits qui est déjà entamé depuis plusieurs années, qui se fait d'une façon assez habituelle. Beaucoup de nos programmes sont acceptés. Une année, c'est génie civil, une année, UMP. Cela va assez bien dans ce domaine. Mais c'est l'université ici qui a été le plus loin: chez nous, chez vous, il n'y a pas de problèmes. On ne va pas commencer à vérifier les objectifs puis le nombre, puis la qualification du professeur, le nombre d'heures dans le cours et ainsi de suite. On l'accepte d'une façon officielle.

Mais pour revenir à votre question, pour nous les CEGEP, dans le domaine de la formation technologique, technique, c'est la même.

Le sénateur Lavoie-Roux: Quand vous dites que vous achetez des places, est-ce que cela signifie que le gouvernement du Nouveau-Brunswick paie en totalité les frais qu'un étudiant doit encourir quand il va au Québec?

M. Paulin: Peut-être que si on avait nos amis du Québec, ils diraient non, vous payez à 75 p. 100. Mais nous, je sais que cela nous coûte de huit à dix mille dollars par siège, par place. C'est équivalent à peu près au coût de formation d'un étudiant au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Lavoie-Roux: Mais est-ce que cela coûte quelque chose à l'étudiant?

M. Paulin: À l'étudiant, non, sauf qu'au début, il va payer les frais de scolarité de la province. Il est subventionné totalement.

Le sénateur Lavoie-Roux: Puis la différence est couverte par la province. Mais avant qu'on arrive aux standards nationaux dans les CEGEP, cela m'apparaît un peu utopique.

M. Paulin: Mais les finissants du Québec reviennent travailler chez nous. Il y a des standards. Aussi longtemps que la personne est compétente, l'industrie va l'employer. Quand la personne n'a pas de diplôme, on a souvent dit: si tu n'as pas un diplôme, c'est difficile d'avoir un emploi. Quand les institutions sont reconnues pour donner de la bonne formation, peu importe où tu finis, l'industrie, si la personne est compétente, va l'accepter. Des fois, on en fait jusqu'à un certain point une question trop pédagogique.

Le sénateur Lavoie-Roux: En tout cas, je pense qu'il faut que ce soit plus étudié avant qu'on affiche des standards nationaux.

[Traduction]

Le sénateur DeWare: Le Nouveau-Brunswick achète aussi des places. Je suppose que cela va dans les deux sens. Nous achetons des places au ministère de l'Agriculture de Truro. Le faisons-nous encore? Nous en achetons à Dalhousie.

M. Paulin: Oui.

Le sénateur DeWare: Il n'y a pas de tels programmes au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Lavoie-Roux: Existe-t-il un programme de formation des policiers au Nouveau-Brunswick?

Le sénateur DeWare: Non, mais il y a un important programme à l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur DeWare: L'ACCC a comparu devant notre comité mais je ne crois pas que le sénateur Perrault était présent ce jour-là. Ses représentants ont brossé un tableau très positif de la situation, surtout en ce qui concerne les études supérieures et la formation. Ils étaient extrêmement enthousiastes et positifs et ont dit que nous allions dans la bonne direction en encourageant les échanges internationaux d'étudiants.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: Où vos infirmiers et infirmières sont-ils formés?

M. Samson: Je peux répondre pour la Nouvelle-Écosse. La situation est différente au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Je peux parler de la Nouvelle-Écosse francophone. Nous autres, on n'a pas de programme d'infirmières en français en Nouvelle-Écosse. Contrairement à ce qui se passe au Nouveau-Brunswick, on a pris beaucoup de retard. Les anglophones, puis monsieur Buckley pourra répondre, il y en a beaucoup maintenant qui se forment dans les universités. Ils font des bacs en sciences, je suppose, je ne connais pas le titre exact du programme.

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce que tous les infirmières ou infirmiers qui entrent sur le marché du travail ont un baccalauréat en «nursing»?

M. Samson: Non, il y a encore des hôpitaux qui donnent des diplômes de deux ans. Mais en Nouvelle-Écosse, je ne sais pas s'il y a un standard.

Le sénateur Lavoie-Roux: Alors cela semble varier d'une province à l'autre.

M. Samson: Oui, je crois que oui. Dans certaines provinces, c'est un diplôme de deux ans, dans d'autres, c'est le diplôme universitaire.

Le sénateur Lavoie-Roux: Au Québec, c'est trois ans dans les CEGEP. Si vous prenez un bac, c'est deux ans supplémentaires. Dans les universités, c'est cinq ans. Alors la question d'équivalence n'est pas facile non plus.

M. Paulin: Si je peux ajouter, au Nouveau-Brunswick en l'an 2000, l'exigence minimale pour devenir infirmière sera le baccalauréat.

[Traduction]

Le sénateur Lavoie-Roux: Une infirmière en sera-t-elle meilleure pour autant? Ça reste à voir.

M. Paulin: Le temps le dira.

Le président: Merci encore.

Trois personnes ici présentes veulent, je crois, intervenir: Dan Bessey, Jarrod Hicks et Kevin Lacey.

M. Dan Bessey, président, West Viking Student Association: Dans les remarques que vous avez faites en conclusion, vous avez mentionné l'autoroute de l'information. Vous avez parlé de l'autoroute électronique, ce qui inclurait Internet, le courrier électronique, et autres choses du genre. Je crois que les collèges devraient insister davantage sur la formation dans ces domaines. Les étudiants ont accès au matériel, mais non à la formation. Très peu de campus, du moins dans les collèges, assurent aux étudiants une formation sur Internet.

Étant donné que je fais actuellement des études de journalisme à West Viking, je suis amené dans une grande partie de mon travail à utiliser la technologie Internet. Nos anciennes sources d'information, comme les journaux et la radio, constatent une nette diminution de l'emploi à cause d'Internet. J'ai l'impression qu'une formation sur Internet devrait être offerte dans les collèges et les établissements d'enseignement où il existe une demande importante.

Vous avez également parlé de l'enseignement à distance. Je désapprouve cette forme d'enseignement parce que l'enseignement postsecondaire ne devrait pas servir simplement à apprendre des théories ou comment appliquer ces théories dans l'industrie. Il permet également de se familiariser avec des normes économiques et sociales. Le recours accru à l'enseignement à distance et à des sources électroniques d'information limitera une grande partie de l'éducation que nous recevons maintenant au collège grâce à notre interaction avec nos semblables. Je reconnais toutefois que cela n'est pas reconnu comme un enseignement régulier. J'estime que l'on devrait moins mettre l'accent sur l'enseignement à distance.

J'ai l'impression qu'on a laissé tomber la question des prêts, de l'endettement et des dépenses. Nous pouvons parler du transfert de crédits et d'autres questions valables, mais ce qui préoccupe surtout les étudiants à l'heure actuelle, c'est la disponibilité du financement, les prêts aux étudiants et les modalités de remboursement. Pour ne pas devenir un fardeau pour la société, je suis obligé de faire des études postsecondaires. Cependant, je serai exactement dans la même situation si au bout de trois années d'études postsecondaires, je suis obligé de déclarer faillite personnelle parce que je n'arrive pas à rembourser mon prêt. C'est pourquoi je trouve que les coupures dans le domaine de l'éducation constituent le problème le plus grave bien que j'ignore exactement comment on peut y remédier.

On vous a présenté certaines solutions de rechange et certaines recommandations quant aux mesures qui pourraient être prises à cet égard. J'incite fortement le comité à étudier ces recommandations.

J'ai porté à l'attention de le sénateur DeWare la recommandation de l'Association des étudiants du Nouveau-Brunswick concernant l'octroi de bourses de performance scolaire et la recommandation voulant que les universités qui affichent un rendement supérieur se voient accorder une aide supplémentaire pour incorporer des cours plus novateurs dans leurs programmes. J'estime que ces deux démarches sont injustes et traduisent une vue élitiste du système d'enseignement. Je ne fais pas partie de ceux qui affichent une moyenne de 80 dans leurs études quelles qu'elles soient. Cela ne m'est pas arrivé depuis l'école primaire. Je suis un étudiant ayant un rendement moyen. Cependant, en tant que porte-parole étudiants, nous représentons l'ensemble des étudiants et non uniquement ceux qui réussissent à faire des études de niveau avancé. Il est assez risqué de définir le mérite ou le rendement scolaire car si un étudiant qui parvient à obtenir une moyenne de 80 parce qu'il est plus intelligent que moi a de meilleures chances de réussir dans la vie, j'estime être floué par une société qui ne devrait pas se contenter de permettre aux éléments très performants de faire des études mais devrait offrir cette possibilité à tous ceux qui souhaitent devenir des membres productifs de la société. Une personne qui travaille fort devrait avoir les mêmes possibilités que n'importe qui d'autre.

Si j'ai bien compris les recommandations visant les universités qui se débrouillent déjà bien, on préconise de leur donner les moyens d'incorporer des cours encore plus novateurs. On aurait alors des universités avancées en raison des cours qu'elles peuvent offrir et des universités qui ne sont pas autant avancées. J'estime en fait que ce devrait être le contraire. Les universités défavorisées devraient se voir offrir les moyens d'incorporer des cours plus novateurs.

Le président: Merci, monsieur Bessey. Monsieur Hicks, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Jarrod Hicks, président, Engineering Technology Centre, Cabot College de St. John's: Monsieur le président et honorables sénateurs, aujourd'hui on a mentionné différents sujets dont les prêts aux étudiants, les bourses, les subventions, les prix et les emplois à temps partiel exercés par des étudiants à temps plein. Ce qui m'inquiète, c'est que nous n'avons pas traité des répercussions globales de tous ces éléments. Il faut apporter des changements à l'aide financière aux étudiants. À l'heure actuelle, si un étudiant reçoit une bourse d'études, un prix ou une subvention, ce montant est déduit du prêt qui lui est accordé. Si un étudiant doit travailler à temps partiel, le montant de son revenu est déduit de son prêt étudiant. On s'attend à ce qu'il rembourse le prêt peu de temps après l'avoir reçu. Il faudrait dans la mesure du possible se pencher sur cette question pour aider les étudiants à améliorer leur situation pendant leurs études et leur permettre de prendre un un peu plus d'avance. Certains étudiants qui ne reçoivent pas de prêts gagnent de l'argent et obtiennent des bourses en plus de l'argent dont ils disposent déjà.

Il faudrait offrir des bourses afin de récompenser l'étudiant pour ses succès scolaires. Il ne faudrait pas déduire cet argent de son prêt étudiant parce que cela réduira la somme dont l'étudiant dispose tout au long de l'année et que par conséquent il ne sera pas récompensé pour ses succès scolaires.

Le président: Merci. Monsieur Lacey, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Kevin Lacey, étudiant, Université Dalhousie: Oui. Je suis un étudiant en deuxième année de sciences politiques à Dalhousie. Je considère que les étudiants et les lobbyistes étudiants ont perdu de vue ce qui se passe dans le système universitaire. Depuis les années 60, lorsqu'un grand nombre de ces organisations étudiantes ont été créées, elles n'ont cessé de réclamer, année après année, de plus en plus d'argent au gouvernement. Je n'ai pas de doctorat et je ne suis pas le chef d'un groupe de pression étudiant mais je constate que le gouvernement est dans une situation financière très difficile et qu'il est dans l'intérêt des étudiants et de la société de trouver une autre solution à ces problèmes. Nous devons trouver une façon différente de régler les mêmes vieux problèmes que connaissent les universités à l'heure actuelle.

Je n'entends pas parler d'engagement de la part des étudiants. Ce qui me préoccupe le plus au sujet de l'enseignement postsecondaire, c'est la qualité de l'enseignement et c'est ce qui devrait primer. Nous pouvons prendre des mesures pour rendre les études postsecondaires plus accessibles sans injecter d'énormes sommes d'argent dans le système.

J'ai étudié un certain nombre de propositions, dont un programme de prêts remboursables en fonction du revenu. Je suis sûr que vous avez entendu les témoignages de spécialistes qui sont beaucoup mieux au courant de ce programme que moi. Le remboursement par les étudiants de prêts en fonction de leurs revenus est un système beaucoup plus efficace. En 1992, les Nations Unies ont conclu qu'il s'agit d'un des systèmes le plus efficace. Bien entendu, il est beaucoup plus efficace comparativement au système canadien d'emprunt hypothécaire.

En 1993, Statistique Canada a étudié la situation des étudiants une fois qu'ils ont obtenu leur diplôme. On a constaté que les étudiants obtenaient un emploi dans leur domaine un an et demi après avoir obtenu leur diplôme mais qu'ils devaient commencer à rembourser leur prêt après six mois. Plus tôt ce matin, le sénateur Bonnell a parlé des problèmes de défaut de paiement des prêts. Au cours de la première année, environ 40 p. 100 des prêts sont en défaut de paiement. Vous demandez aux étudiants de rembourser leur prêt avant qu'ils aient eu l'occasion de tirer réellement partie des connaissances qu'ils ont acquises.

Enfin, j'aimerais aborder brièvement la question de l'accessibilité. Nous vivons aujourd'hui dans une société qui a subi d'importantes transformations depuis les années 60. Les jeunes adultes vivent avec leurs parents beaucoup plus longtemps. Bien entendu, cela représente un avantage pour les étudiants qui vivent en milieu urbain. Ceux qui vivent dans des villes comme Halifax ont accès à deux universités et peuvent habiter chez leurs parents. L'université leur est donc beaucoup plus accessible qu'aux étudiants de Berwick en Nouvelle-Écosse, d'où je viens, par exemple. Il n'y a pas d'université à proximité. Ils doivent donc partir de chez eux. Je pense qu'il est temps de commencer à envisager un système de prêts étudiants qui favorise l'accès à l'enseignement postsecondaire pour les étudiants des régions rurales et tienne compte de ce problème de distance.

Il ne faut pas comparer les universités à des magasins de rabais qui se targuent d'offrir les prix les plus bas. Je pense qu'un enseignement de grande qualité est la chose la plus importante que nous puissions offrir à nos étudiants.

Le sénateur Lavoie-Roux: J'ai appris ce matin qu'un étudiant doit payer environ 4 200 $ par année, logé et nourri, soit 2 000 $ en frais d'inscription et 2 400 $ en livres et en frais accessoires. À mon avis, il me semble que 2 400 $, c'est beaucoup d'argent pour des livres. Après quatre ans, l'étudiant se sera constitué toute une bibliothèque s'il a acheté pour 10 000 $ de livres. Comment pouvons-nous réduire ce montant?

Le sénateur DeWare: Ce montant comprend les frais d'inscription.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il semble qu'à certains endroits, les frais d'inscription aient doublé par rapport aux cinq ou dix dernières années.

M. Bessey: Je pense que les frais d'inscription dont vous parlez concernent les universités. Je ne suis pas en mesure de répondre parce que je suis un étudiant du niveau collégial et que je n'ai jamais fréquenté l'université.

Le sénateur Lavoie-Roux: Êtes-vous tous des étudiants du niveau collégial?

M. Bessey: Non.

Cependant, je tiens à mentionner le coût élevé du matériel que les étudiants doivent acheter dans des cours pratiques comme les cours de journalisme, entre autres des appareils photo et du matériel vidéo.

Le sénateur Lavoie-Roux: Ma question ce matin concernait les universités.

M. Lacey: Vous avez mentionné la somme de 2 400 $ pour les frais accessoires. À l'université, nous utilisons souvent des articles photocopiés provenant de différentes sources. La nouvelle loi sur les droits d'auteur nous oblige de payer un certain montant pour les droits de reproduction. Par exemple, un livre qui coûtait 10 $ coûte maintenant environ 25 $. Ce ne sont peut-être pas les chiffres exacts mais ils se situent dans ces zones-là. Le coût des livres a grimpé en flèche.

L'autre problème en ce qui concerne les livres, c'est que les éditions n'arrêtent pas de changer. Il faudrait trouver une solution à ce problème.

Le sénateur Lavoie-Roux: Êtes-vous en train de dire que cette somme de 2 400 $ est justifiée?

M. Kevin Lacey: Je dis que cette somme a augmenté avec le temps et qu'elle est justifiée en grande partie.

Le sénateur DeWare: J'ai un point de vue différent du vôtre en ce qui concerne l'enseignement à distance. J'estime que l'enseignement à distance serait très efficace pour les étudiants dans le Nord ou ceux qui vivent dans des régions isolées et qui ont de la difficulté à avoir accès à nos programmes d'éducation.

L'autre htmect concerne les programmes d'éducation offerts par l'industrie. L'industrie pourrait décider d'offrir un cours pour perfectionner son personnel partout sur le continent. Ces gens pourraient se trouver à Boise, Idaho ou à Thunder Bay et ils pourraient tous avoir accès à ces cours grâce à l'enseignement à distance.

M. Bessey: Je suis d'accord avec vous jusqu'à un certain point. Par exemple, les collectivités francophones profiteraient de cet accès. En fait, il leur serait impossible d'avoir accès à ce niveau d'enseignement sans l'enseignement à distance.

À West Viking, nous avons engagé un programmeur d'ordinateur qui a programmé tous les cours sur Internet. Chaque cours offert est incorporé sur Internet pour permettre aux étudiants de suivre ces cours sur l'Internet. Bien que cela puisse être utile pour certains, je pense que cela présente un risque car certaines personnes pourraient croire qu'elles bénéficient du même niveau d'enseignement que si elles fréquentaient un établissement postsecondaire alors qu'en réalité ce n'est pas le cas. Je pense qu'en fait ces étudiants ont beaucoup à perdre en ne fréquentant pas un établissement postsecondaire et en étant privé de l'aide d'un instructeur régulier.

Le président: Je vous remercie.

La séance est levée.


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