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Sous-comité de l'éducation postsecondaire au Canada

 

Délibérations du sous-comité de l'enseignement postsecondaire
du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 11 - Témoignages du 13 mars


OTTAWA, le jeudi 13 mars 1997

Le sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour poursuivre son examen de l'état de l'enseignement postsecondaire au Canada.

Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons ce matin des représentants du Conseil de recherches médicales, du Conseil de recherches en sciences humaines et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. Nous vous souhaitons à tous la bienvenue. Vous avez la parole.

M. Thomas Brzustowski, Ph.D., président, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie: Monsieur le président, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous. Ce que nous voulons faire valoir avant tout figure au début de notre texte. Lorsqu'on parle de l'importance des universités, de l'enseignement postsecondaire, il ne faut pas oublier de mentionner la recherche, parce que l'université est la seule institution dans notre société qui remplit deux rôles à la fois: elle favorise l'avancement des connaissances dans des domaines de pointe et elle forme des gens qui sont capables d'exploiter ces connaissances et d'en faire profiter la société.

Le deuxième point que nous voulons faire valoir est le suivant: les conseils, par leur rôle, effectuent des investissements stratégiques qui contribuent à faire avancer le savoir et à favoriser son utilisation. Même si nous sommes un pays peu peuplé, nous produisons entre 2 et 3 p. 100 des nouvelles connaissances acquises de par le monde. Toutefois, si nous excellons dans notre domaine, nous pouvons avoir accès au 97 ou 98 p. 100 des connaissances qui restent. Par accès, nous ne voulons pas simplement dire naviguer sur l'Internet et imprimer les résultats des recherches, mais comprendre le contenu de celui-ci. C'est là qu'intervient la recherche.

Nous effectuons ces investissements -- et, comme vous l'avez déjà mentionné, monsieur le président, ces investissements sont soumis à des pressions --, sauf que la recherche universitaire au Canada est confrontée à de nombreux défis. Toutefois, il y a de l'espoir. La création de la Fondation canadienne pour l'innovation, qui a été annoncée dans le dernier budget, constitue une mesure encourageante puisqu'elle s'attaque aux problèmes de l'infrastructure de la recherche.

Monsieur le président, je vais maintenant céder la parole, si vous le voulez bien, aux représentants des autres conseils.

[Français]

Il est très important pour nous de souligner l'importance centrale de la recherche universitaire pour le pays, pour le bien-être des Canadiens et des Canadiennes.

[Traduction]

Mme Lynn Penrod, Ph.D., présidente, Conseil de recherches en sciences humaines: Comme vous le savez tous, le Conseil de recherches en sciences humaines appuie la recherche fondamentale qui s'effectue dans de nombreux domaines: l'éthique, la démographie, l'économie, l'administration, l'histoire et les langues. Vous trouverez un bref résumé à la page 6 du mémoire. Je n'ai pas l'intention de passer en revue tous les points abordés.

Le comité sera sans doute heureux d'apprendre que les diplômés dans nos disciplines représentent 67 p. 100 de tous les diplômés universitaires. Parmi les trois conseils subventionnaires, c'est le nôtre qui a le plus petit budget. Or, 60 p. 100 des chercheurs au Canada -- et cela comprend les chercheurs déjà établis dans le milieu et, par exemple, les étudiants diplômés qui ont fait des études supérieures --, effectuent des recherches dans des secteurs qui relèvent des sciences humaines. Nous avons donc dans ce pays une importante masse critique qui mène des recherches dans les disciplines qui nous intéressent.

Il ne faut peut-être pas oublier qu'il existe un lien inextricable entre la recherche et l'éducation dans le système universitaire canadien. Les recherches financées par le Conseil de recherches en sciences humaines illustrent bien ce lien.

Nous menons des recherches ciblées dans de nombreux domaines qui revêtent une grande importance pour le Canada; mentionnons le chômage, la diversité sociale, la restructuration de la famille, la gestion gouvernementale et la politique sociale.

Il y a une étude que j'aimerais porter à l'attention du comité, puisqu'elle pourrait lui être utile dans son travail. Il s'agit de l'étude de David Cameron, citée à la page 8 du mémoire, sur le mode de direction et de gestion des universités. C'est un sujet, bien entendu, qui relève des sciences humaines. Vous avez sûrement entendu parler de son livre qui s'intitule More Than an Academic Question: Universities, Government and Public Policy in Canada. La Commission Roblin s'en est beaucoup inspirée. Il s'agit là d'un exemple du type de projets que nous finançons.

Je ne veux pas passer tout le temps que nous avons à discuter du CRSH. Toutefois, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et de vous parler du rôle des conseils subventionnaires dans le système d'enseignement postsecondaire au Canada et du lien qui existe entre la recherche et l'éducation.

M. Ian Shugart, directeur exécutif, Conseil de recherches médicales: Monsieur le président, sur le plan budgétaire, le Conseil de recherches médicales se situe à mi-chemin entre le CRSH et le CRSNG. Nous accordons des subventions aux départements des sciences de la santé des universités, mais nous finançons surtout les recherches qu'effectuent les hôpitaux d'enseignement à l'échelle nationale et, de plus en plus, les hôpitaux indépendants dotés de centres de recherche.

Je voudrais revenir à la recherche sur les services et les soins de santé. Les membres du comité constatent sans doute que les recherches médicales financées par le CRM font les actualités presque toutes les semaines. Cela montre à quel point les Canadiens, comme les habitants de tous les pays industrialisés, fondent beaucoup d'espoir sur la recherche pour maîtriser les maladies, et qu'ils sont prêts à consacrer des ressources à cet effort. Les recherches que nous effectuons sur les déterminants de la santé permettent également d'améliorer à long terme la santé de notre population et des sous-groupes importants qui la composent.

Nous voulons également optimiser, par la recherche, les coûts des soins de santé. En évaluant les diverses mesures qui ont une incidence positive ou négative sur la prestation des soins de santé au Canada, nous apportons une contribution à un secteur vital. Grâce au fonds de recherche sur la santé qui a été mis sur pied récemment de concert avec le CRSH, Santé Canada et d'autres intervenants, nous sommes en voie d'atteindre cet objectif.

Nous savons tous que la biotechnologie et les produits et services de soins de santé constituent un secteur de croissance extrêmement important. Or, cette croissance, la création d'emplois, la mise au point de produits, ainsi de suite, dépendent tous de la panoplie d'idées nouvelles qui voient le jour. La recherche que nous finançons dans les universités et les hôpitaux d'enseignement sert de base à la commercialisation des idées, ce qui a pour effet d'encourager la création d'emploi et les retombées. Cette constatation vaut pour les trois conseils.

J'ai parlé des hôpitaux et des cliniques. Une de nos principales préoccupations concernant l'avenir de la recherche médicale vise le chercheur-clinicien. Il s'agit d'un professionnel de la santé, par exemple un médecin, un infirmier chef ou un professionnel paramédical, qui a fait des études en médecine, mais qui effectue également de la recherche.

Le nombre de cliniciens qui ont obtenu une formation en recherche est à la baisse, et ce, en raison de divers facteurs ... incitatifs économiques, restructuration profonde du système de soins de santé, restrictions budgétaires. Or, ces cliniciens jouent un rôle important puisqu'ils aident à faire le pont entre les idées que génère la recherche et leur application dans le domaine des soins de santé, de prévention et autres. La formation de la nouvelle génération de chercheurs-cliniciens est un sujet qui nous préoccupe.

Enfin, la recherche et le savoir sont considérés comme des biens transférables à l'échelle internationale. Le Canada doit se doter des mêmes normes, objectifs et stratégies que les autres pays pour soutenir la concurrence dans le domaine de la recherche et des connaissances, tout comme il le fait dans le secteur des télécommunications, ainsi de suite. Ce principe vaut pour les trois conseils.

M. Brzustowski: Le CRSNG s'intéresse aux sciences naturelles et au génie, les sciences naturelles englobant toutes les sciences, sauf les sciences médicales et sociales. Dans un sens, l'expression populaire «sciences et technologie» est celle qui décrit le mieux nos activités.

Nous remplissons essentiellement trois tâches: nous finançons la recherche fondamentale universitaire en sciences et en génie. Cette recherche vise à favoriser les découvertes, qui ont pour effet de créer de nouvelles connaissances dans la société. Nous finançons aussi les projets de recherche, qui ont pour objet de trouver une solution aux problèmes industriels. Nous finançons les recherches menées par les universités en partenariat avec l'industrie. Il s'agit donc d'un financement tripartite qui est assuré par les universités, les industries et notre conseil. Enfin, nous finançons la formation supérieure de chercheurs. De façon constante, nous parrainons environ 14 000 étudiants d'un océan à l'autre.

J'aimerais attirer votre attention sur les points mentionnés à la page 9 de notre mémoire. Je vous invite à lire les autres exemples que nous fournissons dans le texte.

J'ai déjà abordé le premier point, à savoir que le Canada accède aux nouvelles connaissances mondiales alors qu'il ne produit que 3 p. 100 seulement de celles-ci.

Les quatre autres points sont fort importants. Il y a une question qui suscite beaucoup d'intérêt dans les médias, à savoir les nouvelles entreprises qui sont créées grâce aux résultats de la recherche. Bon nombre de ces entreprises se spécialisent dans la technologie de l'information, et de nombreuses autres dans la biotechnologie. Elles se trouvent en fait à collaborer avec le milieu médical parce qu'elles se servent de la biotechnologie pour mettre au point de nouvelles méthodes thérapeutiques. Ces nouvelles entreprises prennent de l'essor rapidement, et bon nombre réussissent à survivre. Elles oeuvrent surtout dans les domaines de la biotechnologie, des télécommunications, de la technologie de l'information et des matériaux de pointe.

Malheureusement, lorsqu'on fait état des percées scientifiques et techniques, on a tendance à oublier que les industries établies sont devenues fort productives, parce qu'elles doivent livrer concurrence aux nouvelles sources de ressources naturelles en utilisant les résultats de la recherche. Prenons, par exemple, le secteur forestier. Essayez de vous imaginer une machine à fabriquer le papier qui est munie d'un rouleau de 30 pieds qui tourne à 100 kilomètres heure. Il s'agit là d'une technique de pointe qui est tributaire des résultats obtenus. Même si elle existe depuis longtemps, nous oublions en fait qu'il s'agit d'une industrie moderne qui utilise des méthodes modernes pour mettre au point des produits standards et qui, par conséquent, devient de plus en plus productive et compétitive sur le marché mondial. Il y a là une question d'image. On n'accorde pas suffisamment d'attention à ces industries.

Les entreprises vedettes au Canada, les Nortel et les Newbridge, se concentrent tellement sur la mise au point de produits nouveaux qu'elles font de plus en plus appel aux chercheurs universitaires pour avoir des idées nouvelles.

Bon nombre de ces entreprises avaient des centres de recherche. Bell Northern Research, qui a modifié la technologie de Nortel, est beaucoup plus orientée vers les produits. On semble dépendre de plus en plus de la recherche universitaire fondamentale pour trouver de nouvelles idées.

Enfin, monsieur le président, il est important de souligner que la grande majorité des étudiants titulaires de bourses du conseil, dans tous nos domaines, décrochent des emplois. Presque tous trouvent des emplois à la mesure de leurs htmirations. Il s'agit là d'un point très important, parce que lorsque ces personnes arrivent sur le marché du travail, elles participent à des activités à forte valeur ajoutée. Elles créent également une demande pour des services à forte valeur ajoutée. Un effet multiplicateur se produit. C'est toute l'économie qui en bénéficie.

Le dernier point mentionné au bas de cette page, monsieur le président, fait état d'une réalisation nationale dont les Canadiens peuvent s'enorgueillir. Notre population et nos institutions étant éparpillées, nous avons réussi à créer des masses critiques intellectuelles au moyen de réseaux. De nombreuses personnes suivent nos progrès. Les réseaux de centres d'excellence jouissent d'une très bonne réputation. Bien que nous ayons encore beaucoup à apprendre dans ce domaine, ces réseaux permettent aux chercheurs individuels de rester dans leur région et de collaborer en même temps à l'effort de recherche national en vue de trouver des solutions à des problèmes d'envergure.

Je vais m'arrêter ici. Je vous invite à lire les exemples que nous mentionnons dans notre mémoire.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: Je voudrais remercier nos invités. Je voudrais vous dire comme point de départ que la question de la recherche et du développement a été une préoccupation de base pour tous les membres de ce comité. Nous sommes particulièrement heureux de vous voir ici aujourd'hui.

Peut-être ai-je mal regardé, mais j'aimerais, si cela vous est possible, que vous vous nous fassiez parvenir un tableau de l'évolution des budgets que vous avez eus en recherche et développement. Comment ont-ils été distribués à travers les trois domaines abordés: médical, technologique et social. Il serait intéressant pour les 10 ou 15 dernières années d'avoir ces rapports, si vous le jugez bon.

À moins que je ne me trompe, la recherche en sciences humaines a peut-être été moins favorisée dans les X dernières années. Il y a un sujet qui m'intéresserait particulièrement. Quels sont les études que vous faites dans le domaine de l'éducation? En ce moment, nous pouvons surtout observer les échecs dans le domaine de l'éducation à partir du primaire. D'autres facteurs entrent en ligne de compte en ce qui concerne des étudiants qui sont rendus au secondaire et au postsecondaire. Quelles sont les recherches que vous menez dans ce domaine?

Cela m'apparaît urgent s'il n'y a pas de recherches sérieuses qui se font à cet égard. Ce domaine devrait être touché, surtout si l'on regarde ce qui se passe dans l'éducation avec tout l'argent que l'on y investit et les résultats. Certains élèves sont des as mais d'autres ne se rendent pas très loin. À chaque niveau d'éducation, d'autres subissent des échecs. J'arrête ici. Cette question me préoccupe. Il faut que cela préoccupe ce comité. Sans cela on ne fera pas les recommandations nécessaires. C'est plus complexe que cela.

Mme Penrod: C'est une très bonne question. En ce qui concerne le budget qui est maintenant dévolu à l'éducation, on vient de créer au CRSH un système qui s'appelle le réseau de recherche en éducation et formation nationales. Nous avons établi cinq nouveaux réseaux où nous allons donner, je crois, presque six millions de dollars pour un terme de cinq ou six ans, justement pour essayer d'établir ce qui marche et ce qui ne marche pas en formation et en éducation au Canada.

Nous avons essayé de regrouper les gens qui font de la recherche de base et de la recherche appliquée dans le domaine de l'éducation très général, c'est-à-dire que nous avons un partenariat établi avec les chercheurs d'universités et les gens qui travaillent dans l'industrie pour un «lifelong learning» pour savoir vraiment les bonnes pratiques qui existent en matière d'éducation.

[Traduction]

Il y a au Canada cinq réseaux qui effectuent des recherches dans des domaines différents. Au cours des cinq à six prochaines années, ils devront se pencher sur les mêmes questions que vous soulevez, sénateur. Par exemple, ils devront déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas au Canada sur le plan de l'éducation, examiner les liens qui existent entre la formation et l'université, entre la formation, le marché du travail et l'apprentissage à long terme. C'est ce qu'on appelle un programme de recherche appliquée.

Nous consacrons une grande part de notre budget à l'éducation. C'est quelque chose de nouveau, et c'est à cela que M. Brzustowski faisait allusion lorsqu'il a parlé d'intégration et de partenariat. C'est l'orientation qu'ont choisi les trois conseils. C'est un pas dans la bonne direction pour ce qui est de la recherche sur l'éducation. Les réseaux devraient être en mesure de produire des résultats dès l'année prochaine.

Un des réseaux à l'Université McMaster se concentre sur l'apprentissage assisté par ordinateur. Nous travaillons sur ce dossier de concert avec le CRSNG, par le biais des centres d'excellence.

Je suis sûre que les membres du comité se demandent si le télé-enseignement est une méthode efficace? Comment l'apprentissage assisté par ordinateur se compare-t-il à l'apprentissage assuré par des enseignants dans une salle de classe? Il y a un centre de recherche qui se penche là-dessus. Les résultats de ces travaux s'avéreront très utiles pour les décideurs, les conseils scolaires, les universités et le marché du travail.

[Français]

Mais, finalement, je sais que pour nous, c'est une préoccupation depuis toujours. Nous allons essayer vraiment de continuer notre priorité en matière d'éducation générale.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je vous remercie.

[Traduction]

M. Brzustowski: Monsieur le président, un des réseaux des centres d'excellence se penche sur le télé-enseignement, qui cadre très bien avec la dernière méthode d'apprentissage qui a été décrite, en ce sens que ce modèle d'enseignement est tourné vers l'avenir. Son objectif est de trouver de nouvelles façons de faire les choses. Le réseau à l'Université McMaster analysera les résultats de cette recherche. Le réseau qui se penche sur le télé-enseignement englobe une douzaine d'universités à l'échelle nationale. Comme nous l'avons déjà mentionné, deux des conseils subventionnaires participent à ce projet.

Nous allons évidemment prévoir des budgets. On trouve dans le document des renseignements sur le budget du CRM. Toutefois, nous allons fournir un tableau comparatif sur dix ans.

De manière générale, si le budget du CRSH est de 100 millions de dollars environ, celui du CRM correspond à peu près au double de celui-ci, tandis que le budget du CRSMG est le double de ce dernier.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: J'aimerais poser une question. Il se fait beaucoup de recherche dans le domaine médical. Nous connaissons le travail des universités, des hôpitaux, et ainsi de suite, où il y a des fondations de recherche, et cetera. Comment vous assurez-vous qu'il n'y pas de dédoublement et que les efforts de recherche soient bien coordonnés? Même si nous disons que du côté de la recherche médicale, il y a peut-être plus d'argent qu'ailleurs. Il reste que, compte tenu de l'ampleur des études et des recherches pour qu'il n'y ait pas d'argent perdu et qu'il n'y ait pas de dédoublement, comment se fait la coordination entre tout ce beau monde à la grandeur de cet immense pays qui est le nôtre?

M. Shugart: Le moyen le plus favorisé dans le monde de la recherche est la revue par des pairs.

Le sénateur Lavoie-Roux: Oui.

M. Shugart: C'est notre première réponse pour obtenir l'assurance de la qualité. Deuxièmement, la recherche de la connaissance est essentiellement une question de publication des résultats de la recherche. La publication n'est pas la même chose que la duplication.

On peut dire que la population des chercheurs au Canada est assez petite pour garantir une sorte de rationalisation dans les ressources pour la recherche. Il y a toujours des chercheurs qui travaillent dans la même domaine. C'est inévitable. C'est un facteur dans la compétitivité mondiale et au sein du pays. C'est la revue par des pairs qui est notre qualité d'assurance.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je suis assez familière avec ce domaine, la revue par les pairs dans le fond de recherche, la santé au Québec et tout cela. D'accord, cela peut garantir qu'à l'intérieur du Québec, nous diminuions les risques de dédoublement. Ce sont des pairs qui sont au Québec. Pouvons-nous assurer une sorte de surveillance, enfin c'est un mauvais mot, une sorte de regard sur ce qui se fait dans les autres provinces par d'autres équipes médicales, est-ce que l'on peut l'assurer?

M. Shugart: Nous suivons une technique pour avoir un haut niveau de dialogue et de collaboration dans le pays. Cela fait partie de notre responsabilité de regrouper des institutions qui sont actives dans le domaine de la recherche, y compris les institutions provinciales.

Il y a des partenariats, des centres d'excellence. C'est un autre moyen de coordonner la recherche. Il y a plusieurs moyens de trouver la coordination au pays. Mais il y aussi l'élément d'indépendance des chercheurs qui est toujours là. Nous n'avons pas une sorte de contrôle.

[Traduction]

Il faut également tenir compte de la nature de la recherche qui se fait à l'échelle internationale. Lorsqu'une étude ou un sujet particulier est considéré comme étant d'avant-garde, les fonds consacrés à la recherche sont utilisés avec efficience. Grâce à la documentation et à la collaboration internationale et nationale, les scientifiques sont capables de réorienter leurs recherches rapidement et de tirer parti des plus récents développements. Tout cela contribue à l'efficacité du système.

Le sénateur Lavoie-Roux: Considérons, un instant, toute la recherche qui s'effectue sur le sida. Êtes-vous certain que l'on investit suffisamment dans ce domaine? On a consacré beaucoup plus de fonds à la recherche sur le sida qu'à la recherche sur le cancer. Y a-t-il des dédoublements ou non?

M. Shugart: De manière générale, il y aura toujours des chercheurs, à l'échelle nationale et internationale, qui vont travailler sur le même sujet et qui vont probablement travailler sur les mêmes questions. Parfois, nous ne sommes pas au courant de ce qui se fait. Il y a toujours une course contre la montre pour savoir qui va finir par trouver la réponse en premier.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je ne vous demande pas ce qui se fait dans les autres pays, mais au Canada.

M. Shugart: C'est la même chose, dans une certaine mesure. Il y a toujours une course contre la montre pour voir qui sera le premier à faire de nouvelles découvertes.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est normal.

M. Shugart: Oui. Cependant, dès que quelqu'un aura remporté cette course, tout se déplacera et ils passeront au prochain secteur important.

Il y a une très forte collaboration. Ils se partagent les résultats par l'entremise de réunions nationales et internationales de scientifiques et de réseaux. Les scientifiques eux-mêmes en général ne veulent pas utiliser l'argent dont ils disposent pour redécouvrir ce qui l'est déjà. Ils ont tendance à se lancer dans le prochain secteur de pointe. Il s'agit d'un système autorégulateur qui fonctionne en général.

Mme Penrod: Nous avons parlé de «réseau» et ce concept est important lorsqu'il s'agit d'éviter les dédoublements. Chaque conseil s'est présenté ici à tour de rôle, mais il est très intéressant de voir que nous sommes tous prêts à faire un saut ici et à dire: «Nous travaillons en collaboration avec le CRSNG là-dessus et, à vrai dire, en ce qui a trait aux réseaux et aux centres d'excellence». Le CRM et le CRSH jouent un très grand rôle dans l'un des réseaux du nom de HEALNet/RELAIS qui rassemble les efforts de recherche des spécialistes des sciences sociales, des humanistes et du monde médical. Du moins dans ce sens, il n'y a pas de dédoublement. Nous avons rassemblé les gens. C'est un mécanisme qui fonctionne extrêmement bien.

De façon générale, lorsque nous parlons de partenariats et d'établissement de réseaux, c'est la façon dont nous nous sentons le plus à l'aise en tant que conseils subventionnaires, parce qu'ainsi réunis, les dollars que nous consacrons à la recherche sont maximisés et utilisés en collaboration. Il y a parfois des ratés, mais au moins nous collaborons beaucoup plus que nous le faisions il y a cinq ou six ans, même si, comme vous le savez très bien, les secteurs conservent leur autonomie pour ce qui est de la façon dont ils effectuent leurs recherches.

[Français]

Alors je crois que cela ajoute un tout petit peu. C'est le sens du réseau et du partenariat qui est très important.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

Le président: Des gens frappent constamment à ma porte. Une semaine, c'est pour recueillir de l'argent pour la recherche sur le cancer et, la semaine suivante, pour la recherche sur les maladies du coeur. Ils sont là, jour après jour. Je crois que beaucoup de cet argent sert à l'administration et à la collecte de ces fonds et qu'une tout petite somme est consacrée à la recherche. Est-ce qu'une partie de cet argent vous est versé pour subventionner la recherche dans n'importe quel de ces domaines?

M. Shugart: Monsieur le président, l'effort communautaire est très important d'un bout à l'autre du pays. Il a pour moteur la grande préoccupation et l'espoir partagé par les Canadiens que l'on pourra trouver des remèdes à un état pathologique ou à une maladie qui touche des particuliers ou des membres de leurs familles. C'est une réaction de l'homme à cette réalité.

Nous travaillons en collaboration avec ces organismes bénévoles ou organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé. Un grand nombre de ces personnes qui sont formées et subventionnées par ces chercheurs, qu'il s'agisse des maladies du coeur, du cancer, etc, touchent aussi de l'argent du CRM.

Le gouvernement du Canada a choisi de créer un organisme unique au pays. Le CRM est le seul organisme subventionnaire pour la recherche en sciences de la santé qui se consacre à toute la gamme des maladies à l'échelle nationale et qui vise tant les fonds de fonctionnement dont les chercheurs ont besoin que le perfectionnement et la formation des scientifiques. En ce sens, nous sommes un peu un organisme cadre qui se consacre à l'éventail au complet.

Nous faisant les porte-parole des conseils, nous nous enorgueillissons en partie de la portion limitée de l'argent des contribuables qui sert aux frais administratifs généraux. À ce que je sache, les coûts administratifs de ces organismes volontaires restent dans la norme par rapport à l'ensemble des coûts. Cependant, il s'agit là d'un secteur différent qui dépasse mes compétences. En ce qui nous concerne, nous sommes tout à fait sûrs de gérer efficacement les conseils de manière à ce que, dans l'ensemble, 4 ou 5 p. 100 seulement du budget global soit consacré à l'administration.

Le sénateur Forest: Monsieur Brzustowski, auriez-vous l'obligeance de rappeler encore une fois les budgets des trois conseils.

M. Brzustowski: Il s'agit de chiffres approximatifs. Nous vous fournirons de meilleures données. Je dirais que le budget annuel du CRSNG se situe autour de 100 millions de dollars. Celui du CRM est de 200 millions et celui du CRSH d'à peu près 400 millions. Il y a un rapport en cascade de 2 pour 1.

Le sénateur Forest: De nos jours on insiste beaucoup sur la technologie de l'information et sur tous ces autres domaines qui, j'imagine, relèvent du CRSNG. Dans certains domaines, on s'inquiète beaucoup de ce que l'éthique qui entoure l'utilisation de ce savoir n'a pas progressé au rythme de la connaissance technique.

Je me suis toujours demandé pourquoi toute université qui htmire à devenir une grande université doit attacher autant d'importance aux sciences sociales et aux humanités qu'aux autres secteurs. Cependant, cela ne semble pas être l'avis de tous de nos jours. Que pensez-vous de cela? Je m'interroge au sujet du rapport 1 pour 4 en ce qui a trait au financement des sciences sociales et des humanités par rapport à ce que reçoit le CRSNG. C'est une question qui me préoccupe énormément. J'ai une longue expérience des universités. Je considère que la recherche en constitue une partie intégrante et importante.

M. Brzustowski: Il s'agit de rapports historiques. Dans une certaine mesure, ils reflètent le coût de la recherche. En physique, en chimie et en génie, la recherche nécessite du matériel coûteux. Vous avez parlé de la technologie de l'information; les ordinateurs et le matériel de télécommunication coûtent cher. La recherche médicale est aussi coûteuse. Je suis convaincu que Mme Penrod peut parler de l'infrastructure que nécessite la recherche dans les secteurs des sciences sociales et des humanités.

Vous avez soulevé la question de l'éthique et j'en suis heureux. Nous sommes assis tous ensemble d'un côté de la table. Ce domaine est un exemple de la collaboration très efficace des trois conseils. Nous partageons une politique sur l'intégrité et la recherche. Nous avons une politique commune de recherche-développement sur les sujets humains.

Tôt ou tard, nous serons sous les feux de la rampe en ce qui a trait à la question du clonage des mammifères, «l'affaire Dolly». Il y a de graves questions morales en cause. Aux questions du «savoir quoi», du «savoir comment» et du «savoir pourquoi» s'ajoute celle du «savoir si». Il s'agit là des questions auxquelles il faudra répondre.

C'est avec fierté que je signale ce secteur où les trois conseils travaillent en collaboration. Nous savons qu'il y a des problèmes et des capacités complémentaires.

Le sénateur Forest: Je suis heureuse d'entendre cela. Mon expérience dans les universités remonte à quelques années et je ne suis pas convaincue qu'il en a toujours été ainsi. Je suis heureuse de vous entendre dire qu'il en est ainsi maintenant.

M. Brzustowski: C'est le cas maintenant.

Mme Penrod: Comme l'a souligné M. Brzustowski, les différences dans les budgets des trois conseils, je crois, s'appuient sur des raisons historiques et se fondent en quelque sorte sur le coût de la recherche dans ces trois secteurs.

Vous avez fait une remarque pertinente en disant que les choses ont changé avec le temps parce que les coûts de la recherche ont à coup sûr augmenté dans les domaines des sciences sociales et des humanités.

Les gens demandent parfois où sont les laboratoires et l'équipement requis en ce qui a trait aux sciences sociales et aux humanités. Il est juste de dire que nos laboratoires sont en grande partie nos bibliothèques, surtout dans le cas des humanités. Les coûts d'infrastructure des bibliothèques sont très élevés de nos jours. Il faut absolument que les sciences sociales et les humanités soient subventionnées à des niveaux de plus en plus élevés, plus particulièrement l'infrastructure des bibliothèques en leur fournissant des ordinateurs et des bases de données à accès rapide. Ce sont des choses dont nos chercheurs ont un besoin crucial. Nous avons des laboratoires en sciences sociales; les sociologues ont des laboratoires démographiques. Il s'agit de véritables besoins. Nous comprenons où vous voulez en venir. Ces différences historiques devraient peut-être être réévaluées d'une certaine manière.

En ce qui concerne la question morale, Internet et ainsi de suite, le réseau des centres d'excellence sur le télé-apprentissage est un exemple de premier ordre de la façon dont nous utilisons la composante morale de la recherche. C'est un élément crucial.

En ce qui concerne les autres questions d'éthique, le CRSH dispose depuis longtemps d'un programme de recherche en éthique appliquée. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues de la recherche au CRM au moyen de partenariats et d'établissement de réseaux, pour faire avancer les choses. Il y a également un changement dans ce domaine.

Lorsque nous parlons de télé-apprentissage dans le cadre des réseaux de centres d'excellence, nous sommes fiers de dire qu'il s'agit d'un réseau qui a émergé d'une question qui a émergé en sciences sociales. Le CRSNG est ensuite intervenu pour s'occuper de l'htmect technologique. Très souvent, les choses se passent dans le sens contraire. Les sciences sociales viennent appuyer à la toute fin l'htmect plus technologique. C'est un exemple d'un réseau qui va exactement dans le sens contraire, mais où les travaux intradisciplinaires et multidisciplinaires se passent bien. Il s'agit d'un mouvement dans la bonne direction.

Le sénateur Forest: Quelle est la tendance en ce qui a trait au financement de vos conseils? Nous avons beaucoup entendu parler de compressions, de subventions et ainsi de suite. Quelle est la situation en ce qui a trait aux trois conseils?

M. Brzustowski: Nous avons tous subi des compressions.

M. Shugart: Nous sommes tous au beau milieu de compressions réparties sur quatre ans qui découlent de la révision des programmes du gouvernement. Les compressions ont été en moyenne de 14 p. 100 depuis la mise en place du programme. Nous nous dirigeons vers la troisième année de ces compressions.

Le sénateur Forest: Le Conseil de recherches médicales travaille-il en étroite collaboration, par exemple, avec le conseil du patrimoine en Alberta et des organismes de ce genre?

M. Shugart: Bien sûr que nous le faisons. Les deux principales provinces qui ont leurs propres organismes de financement en ce qui a trait à la recherche médicale, sont le Québec et l'Alberta. Ces compétences ont mis en place leur programme de manière à ce qu'ils viennent compléter l'organisme de financement national. Les gens qui s'en occupent sont donc très concurrentiels. Ainsi, lorsqu'ils soutiennent la concurrence pour obtenir du financement au niveau national, les choses se passent très bien pour eux. Leurs programmes sont conçus pour être complémentaires. La collaboration est très grande avec ces organismes.

Le président: Les conseils subventionnaires disposent-ils d'une politique régissant l'investissement et le partenariat avec le secteur privé en ce qui a trait à la recherche universitaire?

M. Brzustowski: Monsieur le président, nous disposons bien sûr de politiques qui régissent le travail dans le secteur approprié; nous parlons de projets de recherche. Les politiques sont un amalgame d'un certain nombre de choses. Par exemple, en ce qui a trait à la propriété intellectuelle, l'université et les partenaires de l'industrie doivent en arriver à une entente qui doit être conforme à la politique de l'université. Nous n'imposons pas de politique en ce qui a trait à cette entente, mais nous insistons pour que les partenaires en arrivent à une entente.

Nous tentons d'atteindre, à l'égard de divers programmes, certains seuils minimums de participation de la part du secteur privé. Il s'agit parfois de 50 p. 100, comme dans le cas de nos chaires en recherche industrielle. Il arrive que ce soit beaucoup moins, comme dans le cas de nos programmes stratégiques. La contribution peut ne pas être financière, mais il peut y avoir une sorte de contribution. Dans le cas des universités, il s'agit d'une contribution financière.

L'un de nos grands intérêts c'est que les partenaires, les chercheurs et les personnes qui pourraient utiliser les connaissances dans l'industrie, collaborent pour définir les orientations. Cela différent de la recherche fondamentale où le chercheur principal définit un programme de recherche et où la discipline le façonne. Ici ce sont les partenaires qui définissent les orientations. Ils doivent le faire ensemble et à partir de zéro.

Les politiques traitent des responsabilités fiduciaires pour que les droits de publication des étudiants diplômés ne soient pas bafoués et ainsi de suite. Les universités sont jalouses de leur liberté dans ces domaines et les protègent. Nous insistons pour que les partenaires concluent leur propre entente. C'est un domaine difficile, mais nos politiques sont à la hauteur de la tâche.

Le sénateur Andreychuk: Les professeurs d'université, les particuliers, les facultés et certaines de nos universités nous ont dit qu'on se sent de plus en plus mal à l'aise avec ces partenariats. D'une part, l'excitation est grande en ce qui a trait à cette possibilité et à l'expansion possible. D'autre part, on s'inquiète qu'au Canada on semble tabler davantage sur la recherche effectuée dans nos établissements plus que peut-être sur celle qui se fait dans certaines autres sociétés. Par conséquent, on s'inquiète de plus en plus de ce que les dollars sont maîtres de la recherche et des résultats qui servent de signaux au reste de la société, plus particulièrement aux gouvernements au sein du système fédéral. Est-ce quelque chose dont nous devrions nous inquiéter? Est-ce un véritable problème sur lequel devrait se pencher ce comité ou le problème se résorbera-t-il étant donné tous ces liens établis de longue date?

M. Brzustowski: Permettez-moi de répondre du point de vue du CRSNG. Les universitaires n'ont pas toujours le même point de vue. C'est sur une base volontaire que les chercheurs participent à des partenariats de recherche.

Toutefois, vous avez parfaitement raison d'observer que compte tenu de la tradition de notre économie et de notre développement, le Canada dépend plus que la plupart des autres économies de la recherche faite dans les universités. Proportionnellement, il y a plus de recherche qui se fait dans les universités canadiennes que dans bien d'autres économies.

Ces dernières années, on a tendance en quelque sorte à s'inquiéter du fait que les fonds publics sont affectés à des partenariats avec l'industrie. Cette inquiétude a été sincèrement soulevée par certains des chercheurs et administrateurs universitaires. Le CRSNG y répond de la façon suivante: «Vous soulevez une question importante. La recherche fondamentale est très importante et, au CRSNG, nous allons nous assurer que le montant -- en termes absolus -- ne diminue pas, même si notre budget total diminue.» Ces dix dernières années, l'enveloppe totale des subventions pour la recherche au CRSNG s'est maintenue à 200 millions de dollars environ, alors que le budget total a baissé; cela peut rassurer certaines personnes.

Le dernier point que j'aimerais faire, c'est que l'on apprend à parvenir à un bon équilibre, tant du point de vue d'un établissement que du travail des chercheurs particuliers, entre la recherche fondamentale et la recherche en partenariat. Certains de nos meilleurs bénéficiaires de subventions -- qui reçoivent d'importantes subventions pour la recherche fondamentale -- sont également les plus actifs en ce qui concerne la recherche de projet. Lorsqu'ils passent d'un côté du laboratoire à l'autre, ils ne changent pas subitement, ils ont les mêmes normes intellectuelles. Ce sont les mêmes personnes. La question est en train de se régler, mais le conseil a décidé que le financement de la recherche fondamentale ne tombera pas plus bas que 200 millions de dollars.

M. Shugart: Je suis complètement d'accord avec les principes que vient de mentionner M. Brzustowski et peut-être pourrais-je vous faire part de l'expérience du CRM à cet égard, puisque le débat y est exactement le même. Il arrive que les conseils observent ce qui se passe chez leurs voisins; ils s'aperçoivent alors qu'ils ont eu les mêmes débats ou qu'ils auront les mêmes.

Nous avons fixé le montant de notre enveloppe de partenariat à 10 p. 100 du budget total, ce qui est source de controverse pour certains d'entre nous. Par conséquent, nous sommes stupéfaits de voir que M. Brzustowski peut y affecter 50 p. 100 de son budget sans problème.

M. Brzustowski: Ce n'est pas 50 p. 100.

M. Shugart: C'est un plafond absolu de 200 millions de dollars?

M. Brzustowski: Il ne faut pas oublier d'inclure tout le reste, comme l'aide aux étudiants, les bourses d'études, les bourses de recherche, et cetera.

M. Shugart: D'accord. J'aimerais parler de notre partenariat avec l'Association de l'industrie du médicament; l'industrie mise 4 $ pour chaque dollar du CRM. Il suffit d'examiner les projets et les domaines de recherche envisagés dans le cadre de ce programme pour se rendre compte qu'ils sont pratiquement indifférenciables, dans une large mesure, des projets qui seraient financés dans le cadre de notre processus normal de subventions sur concours. Autre point important, les projets de ce programme particulier sont approuvés exactement de même manière que nos subventions sur concours, c'est-à-dire qu'ils font l'objet d'une évaluation par les pairs.

Le public pourrait se demander si les connaissances et les résultats de la recherche sont guidés par ceux qui paient. D'après notre expérience, l'évaluation par les pairs est le meilleur mécanisme qui permette de s'assurer que cela ne se produira pas. Alors que l'industrie peut financer un projet donné, il reste que ce sont les mêmes pairs qui approuvent ce projet, qu'il s'agit des mêmes chercheurs qui usent de leur jugement pour tout autre projet. À cet égard, le contrôle de la qualité et l'indépendance universitaire s'appliquent aux programmes de partenariat de la même façon qu'aux subventions sur concours pour la recherche fondamentale.

Le sénateur Andreychuk: Comme je sais que votre temps est précieux, j'aimerais vous demander à tous les trois de nous donner le plus de renseignements comparatifs possibles. Je crois que l'OCDE nous a envoyé des tableaux comparatifs des coûts globaux universitaires et d'infrastructures, pays par pays. Vous nous avez indiqué certaines tendances de la situation ici sous forme de deux tableaux, mais des graphiques, des statistiques relatives à la recherche comparative par rapport au budget dans d'autres pays seraient fort appréciés.

On nous dit constamment, par exemple, que nous finançons moins la recherche que d'autres pays, mais si vous avez des faits et des chiffres, ce serait utile. Cela nous mène à toute une série de questions que je ne vais pas poser pour l'instant.

Par ailleurs, en ce qui concerne la recherche médicale, bien que nous parlions de modèles de mieux-être et de prévention, que ce soit dans le domaine des sciences sociales, de la santé ou même des sciences pures, on a de plus en plus l'impression d'être en fait en mode curatif lorsqu'il s'agit du financement, au lieu d'être en mode préventif et que là encore, nous perdons du terrain par rapport à nos partenaires en Europe et ailleurs qui partagent les mêmes idées que nous. Si vous avez des statistiques à ce sujet, je serais heureuse de les avoir.

Le sénateur Losier-Cool: Nous allons vous demander de revenir.

M. Brzustowski: Nous reviendrons avec plaisir.

Le sénateur Andreychuk: Dans le but de faire progresser notre société si éparpillée géographiquement parlant, nous avons essayé les centres d'excellence, et cetera. Ils ont donné de bons résultats, mais nous nous retrouvons confrontés au problème de la capacité d'attention très courte du public et du gouvernement, ainsi que l'a fait remarquer un ancien président. Il est rassurant que de temps à autre, ils pensent en périodes de quatre ans. En général, ces périodes sont plus courtes.

Comment faire comprendre que pour nous, il s'agit d'un investissement à long terme? On dit que les Canadiens veulent de l'espoir, mais ils veulent aussi des réponses presque instantanées. L'enseignement et la recherche représentent un investissement à long terme.

Ce qui m'inquiète plus aujourd'hui, ce sont les statistiques qui révèlent que les jeunes chercheurs s'en vont, étant donné que les universités ne peuvent leur fournir les moyens nécessaires de rester à cause de l'épuisement de leurs propres infrastructures. Alors que nous comprenons la raison d'être des compressions budgétaires actuelles, nous ne savons pas quelles en seront les répercussions sur la société d'ici 20, 30 ou 40 ans. Avez-vous des recommandations à faire pour nous aider à nous sortir de cette impasse?

M. Brzustowski: Je dois dire que pour exactement les mêmes raisons que vous venez de donner, je suis rassuré par la création de la Fondation canadienne pour l'innovation; elle permettra d'offrir cette première occasion aux nouveaux qui souhaitent faire du travail dans des domaines importants qui sont capitalistiques et qui coûtent cher. Bien d'autres pressions s'exercent aussi. Vous vous faites l'écho des sentiments les plus profonds des conseils de recherches lorsque vous parlez des répercussions à long terme de toute cette question.

M. Shugart: Nous avons pleinement conscience du fait que les conseils et les chercheurs en général doivent être extrêmement vigilants et être plus convaincants qu'ils ne l'ont jamais été, lorsqu'ils présentent leurs arguments, de manière que les gens comprennent.

Sans vouloir donner trop d'espoirs ou de garanties au sujet de la recherche qui peut ne pas donner de résultats à court terme, nous devons, comme vous le dites, être convaincants lorsque nous présentons nos arguments. Nous serions tous très heureux que le comité puisse nous conseiller à cet égard.

Certainement, les exigences à remplir en matière de rapport sur la performance au Parlement, nous aideront à savoir comment présenter nos arguments. C'est une question importante pour laquelle nous n'avons pas de réponse immédiate.

Mme Penrod: Les chercheurs qui font de la recherche à long terme devront s'efforcer de rendre compte de leurs résultats au fur et à mesure ... pas nécessairement dire au bout d'un an qu'ils ont trouvé une réponse dans le réseau de l'enseignement et de la formation, mais informer ces partenaires, le public canadien et les décideurs des résultats obtenus jusqu'ici, leur dire que c'est ce qu'ils font. Les comptes rendus de résultats doivent être présentés plus rapidement.

En tant que conseils, nous avons tous pleinement conscience de nos responsabilités et de celles de nos collectivités; nous savons que nous devons faire mieux en ce qui concerne le compte-rendu et la diffusion des résultats. Nous devons présenter nos arguments et le faire régulièrement.

Le sénateur Andreychuk: Nous entendons beaucoup parler du système australien de l'enseignement; ce pays a fait le point il y a quelques années et a apporté ces genres de changements ... accueillis, je le répète, avec des commentaires variables. Vous servez-vous de l'Australie à titre d'exemple ou d'indicateur?

Mme Penrod: Il est intéressant de noter que dans le cadre des sciences sociales et humaines, l'Australie est l'un des pays avec lesquels nous travaillons en liaison très étroite pour la conception des programmes et la réflexion prospective. L'Australie nous a certainement donné une certaine indication de la façon dont elle s'organise, ainsi que vous le soulignez, avec des résultats variables. Nous travaillons en étroite collaboration avec ce pays.

Le sénateur Grafstein: Je ne suis pas membre du comité, mais dans notre psychisme national, ainsi que le sénateur Andreychuk et vous-même l'avez dit, alors que nos politiciens parlent des révolutions de l'information, de la technologie, de la science et de la recherche, ils ne pensent pas à financer les chercheurs dans ces domaines. Nous sommes bons pour en parler, mais ne joignons pas le geste à la parole. Il suffit de regarder les statistiques pour s'apercevoir que l'on parle de certains domaines, mais que notre financement est affecté ailleurs. Votre tableau sur la recherche en matière de santé en est un bon exemple.

Nous sommes en crise, et lorsque l'on y englobe des personnalités, elle devient très intense. Elle ne touche pas seulement la recherche en tant que telle -- c'est-à-dire ceux qui font de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée -- mais aussi, dans une plus grande mesure, le secteur des affaires. Au Canada, ce secteur a de très mauvais résultats qui sont quasiment obscènes, par rapport aux fonds dépensés. On peut dire: «Financez ce dont vous parlez», mais tout d'un coup la recherche fondamentale risque de diminuer considérablement par rapport à la recherche appliquée. À une époque, Bell Canada assurait à elle seule près de 75 p. 100 de toute la recherche fondamentale au Canada. La même chose s'applique aux domaines de la recherche, du gouvernement et des affaires. Pourquoi? Pourquoi cette charade?

Nous félicitons M. Klein de réduire radicalement les budgets et la recherche en Alberta. Il y a près de 20 ans, l'Alberta a essayé de se dégager d'une économie de ressources pour entrer dans une économie de recherche, à valeur ajoutée; elle s'en est très bien sortie. Tout d'un coup, il réduit radicalement le budget. Pourquoi? Qu'est-ce qui ne va pas? L'Australie s'en tire bien. Les intellectuels australiens ont décidé d'un commun accord qu'il fallait donner une orientation différente à l'économie, ce qu'ils ont fait.

Qu'est-ce qui ne va pas chez nos intellectuels, nos politiciens, nos gouvernements et nos milieux d'affaires? Qu'est-ce qui nous est arrivé? C'est en quelque sorte ma part de recherche fondamentale. J'aimerais savoir pourquoi nous avons échoué, alors que tant de personnes dévouées ont consacré et consacreront leur vie à la recherche.

N'ai-je pas raison? Si oui, dites-moi pourquoi.

Mme Penrod: Vous avez raison.

M. Brzustowski: J'ai beaucoup pensé à la question pour des raisons évidentes. J'ai prononcé hier un discours-programme sur la biotechnologie dans le cadre d'une conférence à Toronto. Il s'agissait de faire comprendre au public les possibilités offertes, de créer des attentes réalistes sans pour autant cacher les graves questions éthiques. La communication fait certainement partie de l'équation, mais il y a plus.

J'ai récemment reçu la visite d'une délégation suédoise qui m'a parlé d'une autre façon de faire. Je leur ai demandé: «Pouvez-vous m'expliquer pourquoi les choses sont si différentes en Suède qu'ici?» Le mot «histoire» m'a semblé le mot clé de leur réponse.

J'étais en Suède un jour après que le président d'une grande société de Montréal qui fait de l'ingénierie logicielle se soit rendu à Moscou pour fêter ses relations commerciales avec la Russie dans le domaine de la technologie et des produits à haute valeur ajoutée. C'est assez nouveau pour nous.

J'ai récemment lu un livre intéressant intitulé Conjuring Science qui traite de cette question, telle qu'elle se pose aux États-Unis. On y apprend que trois courants de pensée aux États-Unis ont donné lieu aux attitudes actuelles, qui sont légèrement différentes des nôtres, mais pas complètement. Il y a d'abord eu l'éthique protestante amenée par les pèlerins pour lesquels les questions relatives au fonctionnement de la nature faisaient l'objet de l'adoration de la création du Tout-Puissant; c'est ce qui a permis aux collèges religieux de devenir des universités scientifiques. Ensuite, il y a eu l'esprit de la frontière qui veillait à ce que toute connaissance soit pratique et capable de résoudre les problèmes actuels. C'est ce qui a permis de donner aux établissements d'enseignement supérieur leur mandat. Il y a eu une autre école de pensée, sorte de réaction viscérale contre l'esprit éclairé, contre la notion allemande de l'université de recherche, de la science pour la science. Cette réaction viscérale a été très forte dans les milieux d'affaires, car pour beaucoup de ses membres, les nouvelles connaissances n'étaient pas à l'origine de leur succès, contrairement à l'industrie chimique allemande, par exemple.

Il est intéressant de voir un équilibre se réaliser lorsque l'on rencontre des universitaires qui deviennent quelque peu extrêmes dans leur promotion de la science pour la science. J'aimerais être spécialiste en sciences sociales pour faire de la recherche dans ce domaine et l'appliquer au Canada. Je ne le suis pas. Toutefois, ce sont des choses très intéressantes et importantes. On retrouve des éléments de ces trois courants de pensée ici, mais il peut y en avoir d'autres.

Mme Penrod: Je suis certainement d'accord avec ce point de vue. Ni moi-même ni les spécialistes en sciences sociales ne connaissent la réponse. Toutefois, je reviens à ce qu'a dit le président, je crois que la communication est importante, ainsi que le fait de réunir les personnes qu'il faut au même moment. C'est un très petit exemple. Toutefois, en ma qualité de membre du Conseil de recherches en sciences humaines, je passe beaucoup de temps avec des membres intéressés du public, y compris des politiciens, qui veulent savoir pourquoi l'argent des contribuables est affecté au projet X ou Y.

Il suffit de réunir des chercheurs et des contribuables inquiets pour s'apercevoir qu'au bout d'une heure de débat au sujet de l'utilité et de l'importance du travail de recherche le plus ésotérique qui soit, financé par le Conseil, même la personne la plus furieuse finit par comprendre. Cela peut ne pas devenir une priorité pour elle, mais elle arrive à comprendre pourquoi la recherche fondamentale en poésie grecque, par exemple, pourrait améliorer la qualité de vie au Canada.

La même chose s'applique aux affaires. Pour encourager et promouvoir l'investissement dans la recherche, il faut trouver une meilleure façon de communiquer ce qu'est la recherche ainsi que son potentiel. Nous pourrions mieux faire à cet égard. Nous faisons de gros efforts et devons continuer sur cette voie. Financer ce dont on parle signifie qu'il faut faire comprendre pourquoi il faut prendre ce risque, et c'est important.

Vous avez raison; je n'ai pas la réponse. Nous essayons de faire mieux, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.

Le sénateur Forest: Pensez-vous, ainsi que l'a dit le sénateur Grafstein, que même si nous ne sommes pas encore en état de crise, nous n'en avons plus pour longtemps avant qu'elle ne se produise; que nous sommes sur le point de perdre toute une génération de chercheurs et de savants?

Mme Penrod: Certainement. Lorsque ces genres d'investissements sont supprimés, il faut injecter des sommes astronomiques pour revenir au point de départ. Cela pose de gros problèmes tant au plan du capital humain que de celui de l'infrastructure. Les pertes en capital humain sont potentiellement astronomiques.

Le président: Merci beaucoup d'avoir comparu aujourd'hui. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir donner les réponses aux questions auxquelles vous n'avez pas pu répondre aujourd'hui. Il se peut que nous communiquions de nouveau avec vous.

Chers collègues, nous entendrons maintenant les représentants du Bureau canadien de l'éducation internationale.

Si vous voulez bien commencer.

M. Jack Buckley, président du conseil, Bureau canadien de l'éducation internationale: Bonjour et merci de nous avoir invités à comparaître devant vous.

Le Bureau canadien de l'éducation internationale est l'une des plus anciennes associations du secteur de l'éducation au Canada et est en fait la seule association nationale qui représente les universités et collèges communautaires du Canada dans le domaine de l'éducation internationale. Le conseil d'administration de l'association est toujours présidé par un président d'université ou de collège communautaire. En tant que président du Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse, je suis heureux d'assumer la présidence du conseil du Bureau canadien de l'éducation internationale.

Au cours des ans, le bureau a joué un rôle de premier plan dans la recherche orientée vers l'action, la représentation et le perfectionnement professionnel ainsi que dans la gestion d'un vaste éventail de programmes d'éducation internationale, dont des programmes de bourses, d'échanges pour les enseignants et les étudiants et d'aide technique en éducation.

Le Bureau de l'éducation internationale a également été le principal mécanisme grâce auquel le Canada a fait la promotion de ses services éducatifs à l'étranger. Le bureau a vendu à des clients internationaux ou étrangers des services éducatifs d'une valeur de plus de 400 millions de dollars.

M. Jim Fox, président du Bureau canadien d'éducation internationale, présentera le mémoire préparé par notre bureau, après quoi nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions.

M. Jim Fox, président, Bureau canadien de l'éducation internationale: L'éducation internationale, que l'on définit à la fois comme des études faites au Canada par des étrangers et celles faites à l'étranger par des Canadiens, est largement reconnue comme une chose très positive pour le Canada, pour nos communautés et pour nos collèges communautaires et nos universités.

Les étudiants étrangers procurent au Canada toute une variété d'avantages culturels, intellectuels et économiques. Les étudiants étrangers ajoutent également une dimension internationale aux programmes universitaires, ce qui est de plus en plus un atout dans la société mondiale. Ils aident nos établissements d'enseignement à demeurer compétitifs selon les normes internationales d'excellence les plus élevées. Ils font en sorte que nos jeunes tissent des liens précieux avec l'étranger, liens qui enrichiront leur vie et amélioreront leurs perspectives de carrière.

Par ailleurs, les étudiants étrangers apportent au Canada une quantité importante de devises étrangères, soit près de 1,5 milliard de dollars par année. À l'échelle mondiale, le «commerce de l'éducation» se chiffrera à 28 milliards de dollars U.S. en 1997, et à 88 milliards de dollars U.S. d'ici 2025, ce qui fait du secteur de l'éducation l'industrie dont la croissance est la plus forte au monde.

[Français]

Les étudiants étrangers sont aussi une source de création d'emploi. On estime qu'un montant de 7 milliards de dollars provenant du marché des étudiants étrangers, crée 100 000 emplois. La Chambre de commerce de Vancouver estimait, il y a déjà 10 ans, que les étudiants étrangers créaient 19 000 emplois répartis à travers le Canada. Le BCEI, mon organisme, a effectué des études de cas à l'Université Laval, à l'Université de Dalhousie et à l'Université d'Ottawa.

Ces études de cas ont démontré que les revenus des étudiants étrangers ont créé des centaines d'emplois dans nos communautés autour de ces universités. Un autre htmect qui difficile à quantifier mais très significatif en terme de la prospérité future du Canada, est la relation directe existante entre l'éducation et le commerce, c'est-à-dire l'impact économique favorable à long terme des étudiants étrangers qui sont retournés dans leur pays d'origine qui font le commerce avec le Canada parce qu'il leur est familier.

Ces associations se répercutent au niveau du tourisme, du commerce de l'investissement et d'autres relations. Le Canada demeure pour eux une seconde patrie. Nous savons, d'après des études, qu'ils demeurent pour le restant de leur vie des amis du Canada, puisqu'ils ont entrepris ici des études supérieures pour la plupart, en science, en technologie et en affaires. Il n'est pas invraisemblable de croire qu'ils penseront au Canada lorsqu'il sera question de recherche et de développement, d'acheter de la technologie ou de prendre de l'expansion.

À titre d'exemple, nous savons que les meilleurs partenaires commerciaux de la Grande-Bretagne sont les mêmes pays qui fournissent le plus d'étudiants étrangers.

[Traduction]

Vous aimeriez probablement avoir plus de preuves de certains des avantages que procurent les étudiants étrangers au Canada, mais je ne peux vous donner que quelques statistiques. En effet, à bien des points de vue, on néglige la population estudiantine étrangère. On ne l'étudie pas assez. En fait, il est difficile d'obtenir un compte récent de son effectif, car Statistique Canada a cessé d'exiger des données sur ce sujet.

Toutefois, nous savons que les tendances des inscriptions d'étudiants étrangers au Canada sont à la baisse, car les obstacles bureaucratiques à l'immigration sont nombreux et les procédures longues, les exigences linguistiques pour l'anglais élevées, et le processus d'admission dans les établissements d'enseignement est lent. Par contre, d'autres pays facilitent l'accès à leurs établissements aux étudiants étrangers.

De plus, nos politiques sont établies aléatoirement et sans aucune coordination. Par exemple, au cours des cinq dernières années, l'Ontario a beaucoup augmenté les frais de scolarité des étudiants étrangers, radié ces derniers du régime d'assurance-maladie provincial et déréglementé les frais de scolarité. Cela signifie que, cette année, certains établissements exigent des frais souvent beaucoup moins élevés que ce n'était le cas il y a quelques années, ce qui est une bonne chose. Mais il reste qu'il est encore difficile pour les étudiants étrangers, et peut-être même pour les étudiants canadiens, de comprendre les politiques et les procédures longues et nébuleuses à suivre lorsqu'ils ont a décider s'ils viendront étudier chez nous ou ailleurs. Ce n'est pas une façon de faire des affaires. C'est pourquoi ils optent souvent pour un autre pays que le Canada.

[Français]

Plusieurs pays ont réalisé que les étudiants étrangers constituent une industrie et adaptent leur politique à cet effet, alors que le Canada demeure encore hésitant à considérer l'éducation comme faisant partie d'une initiative commerciale. Les approches agressives de même que les stratégies de marketing élaborées par nos compétiteurs expliquent pourquoi seulement 33 000 étudiants étrangers se retrouvent aujourd'hui dans les universités canadiennes, soit à peu près le même nombre quand 1985 où 2,2 p. 100 de la part du marché, moins qu'il y a 10 ans, alors que nous nous partagions 3 p. 100 de ce même marché.

Au cours de cette même décennie, l'Australie et la Grande-Bretagne ont triplé leur nombre d'étudiants étrangers. Ils ont adopté des approches de marché en percevant l'éducation internationale comme une industrie en expansion. Ils se sont munis d'éléments incitatifs et facilitent l'accès aux universités et collèges. Ils ont amélioré la qualité et l'étendue des services qu'ils offrent aux étudiants étrangers. Ils ont mis l'accent sur les étudiants qui constituaient pour eux un intérêt stratégique en élaborant un plan de marketing national attirant ainsi un ordre d'étudiants étrangers.

L'Australie prévoit pour l'an 2010 un nombre excédant de 100 000 étudiants étrangers au sein de ces établissements, près d'un tiers de leur population actuelle, ce qui fera de l'éducation internationale l'une des principales exportations de ce pays. L'Australie a compris l'importance que ce marché occupe dans une économie globale basée sur le savoir.

[Traduction]

En revanche, le Canada n'a aucune stratégie, aucun objectif et ne fait pas d'efforts concertés. Alors que l'Australie prévoit hausser la proportion d'étudiants étrangers à 30 p. 100 de la population universitaire totale, le Canada, lui, compte actuellement moins de 5 p. 100 d'étudiants étrangers parmi son effectif, et ne s'est fixé aucun objectif pour l'avenir. Nous parlons de capacité d'absorption lorsque la demande intérieure est élevée, et nous cherchons à contingenter l'effectif étudiant. Et lorsque la demande intérieure diminue, nous nous activons pour recruter à l'étranger. Or, nous devrions envisager la situation dans une perspective à long terme et décider comment nous pouvons contribuer à accueillir, par l'intermédiaire du secteur public ou du secteur privé, le nombre croissant d'étudiants étrangers, particulièrement d'Asie, qui veulent étudier à l'étranger.

Le gouvernement fédéral doit agrandir son marché et déborder le cadre des centres d'éducation qu'il a établis en Asie. Nous devrions transférer au marché international nos effectifs excédentaires ou sans emploi du secteur de l'éducation et de la formation.

On prévoit que, dans le monde entier, les inscriptions étudiantes augmenteront de 3,5 p. 100 par année.

[Français]

Selon un rapport australien, le nombre d'étudiants recherchant une place au sein d'universités étrangères verra son nombre augmenter passant ainsi de 48 millions en 1990 à 96 millions en 2010. Selon ces mêmes prévisions, le nombre d'Asiatiques passera de 17 millions à 45 millions. Dès 2025, il y aura une demande pour 159 millions de places au sein des universités, près de quatre fois le nombre de 1990.

La demande de l'Asie augmentera à 87 millions. Le développement de l'éducation en Asie impliquant la formation de professeurs ou d'experts, devrait devenir un thème dominant au sein de la planification de l'économie canadienne.

[Traduction]

Je suis sûr que vous commencez à reconnaître l'importance de la demande qui existe en Asie dans le domaine des services éducatifs.

Au cours des dix dernières années, nous nous sommes lentement éveillés à l'importance de l'éducation internationale et de l'internationalisation pour notre propre système d'enseignement postsecondaire, nos propres étudiants et la prospérité future du Canada. Des énoncés de mission de nos universités et de nos collèges parlent aujourd'hui couramment de la dimension internationale et de l'internationalisation. Nous commençons à peine à saisir le sens de ces termes et leurs implications pour l'enseignement postsecondaire. Voilà une autre question à laquelle nous devrions accorder beaucoup plus d'attention.

L'effet profond de la réalité mondiale sur l'enseignement postsecondaire n'a rien d'étonnant. Nous pouvons imaginer que, de plus en plus, les jeunes Canadiens iront chercher leur première expérience professionnelle outre-frontières, qu'ils se chercheront des partenaires commerciaux sur de nouveaux marchés et, s'ils ont de la chance, qu'ils investiront à la fois au Canada et à l'étranger. Ils devront être des internationalistes. Nos universités et nos collèges les aident, mais ils doivent faire davantage encore. Les programmes universitaires s'internationalisent, les études et le travail à l'étranger donnent lieu à des associations, les possibilités de recherche sont élargies pour permettre une activité à l'extérieur du Canada, et nous puisons nos ressources dans le monde entier. Pourtant, nous estimons que moins de 3 p. 100 de nos étudiants de niveau postsecondaire ont une expérience d'apprentissage positive à l'extérieur du Canada au cours de leurs études. Les pourcentages comparatifs s'établissent à plus de 10 p. 100 dans les pays de l'Union européenne et à près de 10 p. 100 aux États-Unis. Les programmes comptant une année d'études à l'étranger sont monnaie courante aux États-Unis mais relativement rares au Canada.

Au cours de la dernière année, nous avons travaillé avec le secteur privé canadien pour voir comment il pourrait nous aider à résoudre le problème de l'internationalisation de nos ressources humaines. Récemment, nous avons conclu plusieurs ententes avec la société Celanese-Canada et la société Nortel qui favoriseront l'investissement du secteur privé dans l'internationalisation des jeunes Canadiens. Il est également encourageant de constater que le nouveau programme fédéral conférera une dimension internationale à l'initiative jeunesse.

[Français]

Au cours des prochaines années, l'élément international deviendra primordial à tous les niveaux de notre système d'éducation. Cet élément devient d'ailleurs de plus en plus pertinent et constitue un indicateur de qualité.

Au niveau postsecondaire, nous avons besoin d'accomplir plusieurs choses afin d'assurer la compétitivité du Canada dans ce domaine. Nous devons déterminer lesquels des étudiants étrangers le Canada devrait attirés et s'assurer qu'une stratégie nationale soit élaborée. Pour ce faire, nous avons besoin de considérer ces secteurs comme l'industrie qu'elle est.

Le ministères des Affaires extérieures du Commerce international pourraient commencer en établissant un groupe-conseil en matière de commercialisation de l'éducation internationale. Le BCEI aura besoin d'assurer un suivi de la performance et d'analyser les résultats en établissant une banque de données nationale qui sera utile à l'industrie. Dans notre récent rapport , intitulé «Où sont les étudiants?» -- le premier du genre -- nous comparons les parts du marché détenues par nos compétiteurs. Une telle étude devra être répétée au cours des prochaines années de pair avec des analyses comparatives portant sur des sujets reliés.

[Traduction]

Nous devons nous assurer, dans la mesure du possible, d'établir un ensemble cohérent de politiques et de pratiques concernant les étudiants étrangers ainsi qu'une gamme complète de «services après vente» de première qualité sur nos campus à l'intention des étudiants étrangers.

Nous devons faire de l'internationalisation une priorité pour le Canada à l'aube du prochain millénaire, et établir des objectifs et des stratégies correspondants qui tiennent compte de la diversification du commerce, l'aide officielle au développement, la coopération internationale, la défense, la R-D et l'éducation et la formation, et qui les intègrent en une vision commune de notre avenir à la fois en tant que Canadiens et en tant qu'internationalistes.

En fait, il serait peut-être temps de créer ces divisions en mettant sur pied une commission nationale de l'internationalisation dirigée par le gouvernement fédéral.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous suggérez dans votre dernière recommandation, votre réflexion finale, qu'il serait peut-être temps que l'on mette sur pied une commission nationale sur l'internationalisation des étudiants ou des études.

Si je me réfère au modèle de l'Université McGill, et davantage à ceux de l'Université de Montréal et de l'Université Laval, ils ont fait des gains considérables là-dedans. Est-ce nécessaire d'avoir une agence ou une commission fédérale pour en discuter. J'ai l'impression que nous allons encore créer une autre structure, alors que ce sont les universités qui devraient elles-mêmes prendre ces initiatives.

M. Fox: Je veux suggérer que la globalisation est un phénomène nouveau qui touche à peu près tous les secteurs de notre société.

Le sénateur Lavoie-Roux: On sait tout cela.

M. Fox: Une partie, évidemment, qui est bien affectée par la globalisation sont nos établissements éducatifs. En même temps, cela affecte nos intérêts commerciaux et notre recherche. Cela affecte tout. Pour l'avenir, il faut considérer toutes les dimensions d'une vision basée sur l'internationalisation et tout ce que cela veut dire pour notre société en transition, comme le sont toutes les autres. C'est, à mon avis, un moyen de donner une vision à quelque chose de très important pour notre jeunesse au Canada. C'est leur avenir qui est basé sur les thèmes différents que ceux qui faisaient partie de notre vie. C'est une occasion de ne pas seulement inviter les commentaires ou les contributions du secteur éducatif, mais aussi ceux de la société en général pour considérer tous ces dimensions.

Avant de finir, j'aimerais aussi dire que toutes les universités et les collèges ont beaucoup pensé à l'internationalisation et tous ce que cela veut dire pour le programme d'études. C'est quelque chose de très important que nous devons encourager. C'est aussi important de se rendre compte que c'est quelque chose en évolution. Nous ne savons pas tout l'impact que l'internationalisation aura. Pour nos jeunes, c'est un domaine où nous avons vraiment besoin de leadership.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je ne suis pas contre regarder l'éducation dans un cadre beaucoup plus vaste que les frontières et les provinces du pays. Je vous pose à nouveau la question: pourquoi les institutions elles-mêmes, les universités, les collèges, qui d'ailleurs ont déjà commencé à agir dans ce sens et qui sont très au fait des dimensions internationales et de la compétitivité internationale, pourquoi faut-il ajouter une autre agence qui se chargerait de sensibiliser les institutions, les universités et les collèges à ce phénomène, auquel ils sont déjà sensibilisés? Il y a peut-être des problèmes concrets qui surviennent. Il y a peut-être des liens plus étroits ou mieux articulés entre les établissements d'éducation et parfois avec le ministère de l'Éducation. Il semblerait qu'à Régina ou en Colombie-Britannique - ce n'est pas souvent que nous sommes chanceux comme cela - il serait plus facile pour les étudiants étrangers de venir au Québec que d'aller dans les autres provinces. Nous avons entendu cela déjà. Ils se demandaient s'il y avait un truc spécial pour le Québec.

Je pense qu'il faut éviter d'ajouter des structures, des conseils et des commissions. Je comprends que cela permet de faire un peu de patronage et de créer des emplois, et encore faut-il s'entendre. Cela ne vous empêche pas d'encourager les institutions à le faire, mais non pas de vous substituer aux institutions. Vous ne m'avez pas convaincue.

M. Fox: Je ne veux pas suggérer une autre agence. Je veux suggérer un mécanisme pour créer une vision importante sur l'internationalisation. Il s'agit de donner à nos jeunes, à ceux qui travaillent dans le milieu de l'éducation, du secteur privé et de la recherche de considérer les htmects de l'internationalisation. Je ne veux pas proposer une agence, pas du tout.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous n'êtes pas les seuls, nous avons entendu parler un peu partout ou nous sommes allés de la notion de marketing que l'on introduit dans les échanges d'étudiants ou la venue ici d'étudiants. Nous le faisons à peu près depuis toujours dans les universités du Québec. Cela n'a jamais été une course vers le marketing. C'était une vision de dire que nous pourrions donner une chance à d'autres pays pour qu'ils puissent éduquer les leurs. L'exemple le plus concret qui me vient à l'esprit est celui de l'ouverture d'une école de génie au Sénégal avec des professeurs de polytechnique qui sont allés là-bas et ont ouvert une école de génie. Il y a plusieurs années de cela. Cette préoccupation est toujours présente.

Je veux bien avoir des étudiants étrangers, mais je n'aime pas cette motion de marketing que cela va nous apporter de l'argent et que cela fera vivre nos institutions d'établissements alors que nous sommes un pays riche. Ce sont des pays beaucoup plus pauvres que nous et sous-éduqués. Cela n'est pas votre problème. Cette notion de marketing est tellement introduite que j'ai de la misère à l'accepter.

M. Fox: Oui, les relations sont basées sur l'éducation sont toujours des relations très spéciales. L'éducation, en effet, a beaucoup d'htmects. C'est vraiment, comme vous l'avez décrit, une occasion de communication entre les cultures. Cela est enrichissant pour nos universités.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il n'y a pas de problème avec cela.

M. Fox: En même temps, le monde voit notre capacité à l'éducation comme quelque chose de valable. Ils veulent payer pour pouvoir y participer. De cette façon, sur le plan national, et avec tous nos défis économiques, nous devons peut-être considérer l'éducation comme une partie importante de notre économie. On le comprend comme cela dans d'autres pays comme l'Australie, la Grande-Bretagne et les États-Unis.

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce des modèles que nous voulons suivre? L'éducation, pris d'une façon globale, c'est évident que c'est essentiel pour l'économie d'un pays dans ce sens où il faut éduquer nos gens, les préparer et faire de la recherche. Cela est important au plan économique pour l'Australie et la Grande-Bretagne, c'est leur vision des choses. Est-ce la vision que nous voulons? Voulons-nous aller siphonner des pays qui n'ont pas d'universités simplement parce qu'au plan économie cela nous rapportera? Il nous faudra faire une réflexion. Il ne faut pas enlever cela de nos préoccupations, mais il faut essayer de le mettre dans un cadre qui puisse être acceptable de la part d'un pays qui n'est quand même pas misérable par rapport à un nombre de ces pays. Autant je veux les aider, autant je ne veux pas en profiter non plus.

M. Fox: Présentement, l'éducation à la même importance que l'exportation du blé dans l'économie du Canada en termes d'exploitation.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il y a des gens qui ont travaillé pour faire pousser le blé. Quant à cela, on pourrait même parler des cochons et tout le reste également.

[Traduction]

M. Buckley: Monsieur le président, à ce sujet, j'aimerais poser la question suivante: est-il intrinsèquement utile pour la société canadienne que les Canadiens étudient à l'étranger et que les étudiants étrangers étudient au Canada? C'est un défi que notre société doit relever.

Nous vivons à l'ère de la mondialisation. Nous ne pouvons pas nous isoler du reste du monde. Contrairement aux autres pays qui ont une histoire et des traditions différentes, le Canada a mis du temps à considérer l'invitation d'étudiants étrangers au Canada comme une expérience enrichissante pour les Canadiens sur les plans social et culturel et dont le but n'est pas nécessairement de venir en aide aux pays en développement ni de leur donner l'occasion de se familiariser avec notre système d'enseignement postsecondaire. Il est important que nos étudiants et les professeurs qui forment les Canadiens de demain aient l'occasion de vivre, d'étudier et de travailler avec ces étudiants étrangers en raison de l'enrichissement que leur apporte au cours de cette période de formation ce mélange de cultures, de langues et de traditions.

Ce n'est pas uniquement une question économique; c'est un htmect fondamental de la formation des penseurs de demain, des gens d'affaires de demain, de gens qui établissent très tôt dans leur développement des liens avec d'autres pays grâce aux gens d'autres pays, qu'il s'agisse de Canadiens qui étudient à l'étranger ou d'étudiants étrangers qui étudient au Canada.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec cette approche, monsieur le président, c'est excellent. Il faut la mettre dans cette perspective et non pas uniquement dans une perspective économique, comme j'ai l'impression que plusieurs semblent vouloir le faire. Je suis tout à fait d'accord là-dessus.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk: Je tiens à vous féliciter pour votre mémoire. Comme j'ai eu l'occasion de travailler avec vous sur le terrain, je trouve encourageant de constater que votre organisation voit loin. Je vous en félicite. Votre mémoire a été très succinct et vous avez abordé tous les points névralgiques.

J'ai été frappée par l'expression «l'internationalisation de nos ressources humaines». Je considère que c'est le thème central de votre mémoire et je tenais simplement à le souligner.

Cependant, après avoir lu votre rapport, j'ai été frappée -- non pas de façon négative -- par les statistiques concernant les étudiants asiatiques. Ce phénomène a une influence sur nos valeurs sociales, nos débouchés économiques, et cetera. Je recommande la lecture du rapport à mes collègues.

J'aimerais toutefois avoir un peu plus de statistiques. Dans votre rapport, vous évaluez que moins de 3 p. 100 de nos étudiants du niveau postsecondaire ont, durant leurs études, une expérience d'apprentissage positive à l'étranger, comparativement à 10 p. 100 dans l'Union européenne et à 10 p. 100 aux États-Unis.

Avez-vous des précisions à apporter à ce sujet? Lorsque j'ai fait mes études, on encourageait ceux d'entre nous qui voulions faire des études universitaires à obtenir notre deuxième diplôme à l'étranger. On nous encourageait à explorer d'autres perspectives de vie pour faire de nous de meilleurs Canadiens. Je suppose que c'est ce que vous voulez dire.

Vous avez indiqué que le pourcentage au Canada est de 3 p. 100 et à l'étranger de 10 p. 100. Au-delà des statistiques, existe-t-il d'autres raisons qui expliquent pourquoi cela est positif? Si vous pouviez nous communiquer vos réflexions à ce sujet ou si vous aviez de la documentation, je vous en serais reconnaissante.

M. Fox: Dans notre mémoire, nous avons voulu entre autres faire ressortir qu'il n'y a pas eu beaucoup d'études qui ont été faites à ce sujet et que l'on fait beaucoup de suppositions. Nous supposons bien sûr qu'il est bon et utile de se familiariser avec d'autres cultures dans le cadre de ses études. Nous savons qu'il existe de nombreuses initiatives en ce sens en Europe et en Asie, surtout, et aux États-Unis, même pendant toutes les années d'après-guerre.

Notre propre pourcentage de 3 p. 100 est fondé sur une enquête que nous avons effectuée auprès des universités et collèges du Canada, et nous avons des données comparables d'autres pays.

Le sénateur Andreychuk: Ce que je voulais dire, c'est que de nombreux professeurs et gens d'affaires instruits qui sont venus au Canada ont contribué au tissu social de notre pays et ont permis de bâtir notre pays au cours des dernières années. En sommes-nous au point où nous avons besoin de l'apport que procure ce mélange d'idées et de peuples pour continuer à occuper la première place que nous ont accordée les Nations Unies, tout en maintenant un bon rendement économique et de bons programmes sociaux?

M. Fox: C'est une bonne question. Je ne peux pas y répondre immédiatement.

Le sénateur Andreychuk: Si vous avez de l'information anecdotique pour appuyer cette théorie, j'aimerais en prendre connaissance.

Je sais que vous avez travaillé en Europe de l'Est. Il ne fait aucun doute que le gouvernement du Canada a été parmi les premiers à favoriser les échanges avec les anciens pays de l'Union soviétique et d'autres pays d'Europe de l'Est. À votre avis, est-ce une région où il serait utile de promouvoir nos services et de recruter des étudiants étrangers? Vous n'en avez pas parlé dans votre rapport.

M. Fox: En fait, tout notre travail consiste à établir des liens, c'est-à-dire à utiliser l'éducation pour réunir les peuples de culture différente. C'est ce que nous avons fait en Europe de l'Est. Au départ, cette initiative était surtout axée sur les milieux professionnels mais a suscité de plus en plus l'intérêt des professeurs d'universités et même des étudiants. Elle est donc en train de prendre plus d'ampleur.

Il ne fait aucun doute que l'établissement de liens offre des possibilités sur bien des plans, entre autres sur le plan commercial qui est un htmect important sans pour autant être le seul htmect.

Les liens qui se forment grâce aux études offrent tant de retombées, si vous me permettez ce terme, et dans le cas de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est, nous commençons tout juste à entrevoir toutes les possibilités intéressantes qu'ils offrent.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Je vous remercie, monsieur le président. J'étais surprise des certaines statistiques qu'il y a dans ce mémoire. Est-ce que nos étudiants canadiens sont plus réticents d'aller à l'étranger? En d'autres mots, est-ce que vous avez des raisons ou des façons d'expliquer pourquoi? Est-ce le coût ou est-ce que nos universités canadiennes réussissent à donner cette vision globale dont on parle? Est-ce que les étudiants canadiens ne sentent pas le besoin d'aller à l'extérieur ou est-ce un ensemble de toutes ces raisons? Avez-vous certaines raisons pour croire ces statistiques?

M. Fox: Je pense que si l'on compare les États-Unis et le Canada, dans plusieurs universités de États-Unis ils ont intégré une année à l'étranger comme faisant partie de leurs études. Au Canada, on ne fait pas, jusqu'à présent, beaucoup ce genre d'échange. Cela fait partie du programme pour la plupart des Américains ou des Européens qui vont à l'étranger pour étudier. Cela est intégré comme partie normale. Au Canada, nous commençons à incorporer une année à l'étranger comme faisant partie de nos programmes, mais actuellement, il n'y a pas beaucoup de possibilités.

J'ai parlé tout à l'heure avec le président de notre conseil d'administration qui m'a dit qu'au niveau collégial au Canada, il n'y a pas d'échanges pour les étudiants. C'est une attitude que l'on doit changer. C'est le rôle de mon organisme, en effet, de créer les connaissances des possibilités en terme d'échanges éducatifs. Je pense pas que ce soit une question de réticence de la part de nos gens.

Le sénateur Losier-Cool: C'est une question d'argent, surtout au niveau des collèges communautaires. Cela coûterait plus cher pour nos étudiants.

[Traduction]

M. Buckley: C'est maintenant une réalité canadienne: une proportion de plus en plus grande d'étudiants du niveau postsecondaire au Canada font des études dans des collèges communautaires, que ce soit avant l'université, après l'université ou en remplacement de l'université. Ce pourcentage atteint pratiquement 50 p. 100 maintenant.

Les collèges fonctionnent différemment d'une province à l'autre mais essentiellement il s'agit d'établissements qui ne décernent pas de diplômes universitaires, sauf quelques exceptions.

En ce qui concerne la formation des techniciens et des technologues, qui est leur rôle principal, à l'heure actuelle les étudiants au Canada ont peu de possibilités de se familiariser avec les technologies d'autres pays dans le cadre de leur formation, que ce soit par leurs études ou par des stages.

Parfois, notre avantage concurrentiel les défavorise. C'est un htmect dont doivent s'occuper les collèges et qui prendra de plus en plus d'importance avec le temps.

Le sénateur Forest: Simplement pour ajouter à ces données anecdotiques, j'étais à l'Université de l'Alberta qui a été l'une des premières universités à développer un programme d'études asiatiques et des liens en Asie. Même si elle est toujours avancée dans ce domaine, je trouve très inquiétant que le nombre d'étudiants étrangers ait diminué. Je conviens que nous perdrons beaucoup si cette tendance se poursuit.

Il y a un htmect encourageant que nous pouvons peut-être aborder. L'un de nos fils est enseignant au niveau secondaire et s'occupe d'études internationales. Il fait la navette avec ses étudiants entre le Canada et l'Asie. Il vient de rentrer de Thaïlande où il a reçu une offre d'emploi comme directeur du mouvement international des étudiants entre le Canada et la Thaïlande. Il a dit que nous aurions besoin de 50 fois plus de programmes comme ceux qui existent maintenant au niveau secondaire.

C'est un htmect que nous pourrions aborder dans notre rapport. Nous pourrions indiquer la possibilité d'intensifier les échanges au niveau secondaire, ce qui encouragerait par la suite les étudiants à participer davantage à ce type d'échanges.

En Colombie-Britannique, nous avons appris que le Collège Capilano et l'Université de Victoria ont des programmes d'échanges internationaux avec l'Asie parce qu'ils sont situés bien sûr en bordure du Pacifique.

J'approuve tout à fait vos recommandations. Comme vous, je pense que nous devrions avoir un organisme national chargé de la coordination et de l'échange d'information sur les initiatives en cours entre les différents collèges et universités, qui puisse ensuite fournir une orientation quant aux initiatives qui devraient être prises à l'échelle internationale, car nous sommes vraiment à la traîne. Beaucoup d'entre nous avons été très étonnés d'apprendre que l'Australie est nettement en avance sur nous. Je serais tout à fait prête à appuyer ce type de développement auquel participeraient les universités et les collèges. Ceux qui s'y connaissent pourraient faire profiter les autres de leur savoir-faire et les aider à élaborer des politiques pour l'avenir.

Cela présente un avantage économique. Lorsque j'étais à l'université au moment où les facultés étaient contingentées, les Canadiens se demandaient pourquoi nous réservions des places aux étudiants étrangers. Les étudiants, les professeurs et l'administration des universités en comprennent l'utilité mais je ne suis pas sûre que ce soit le cas en ce qui concerne le public canadien. Il faudrait établir un véritable programme de sensibilisation publique pour que ce projet se concrétise.

M. Buckley: J'aimerais également ajouter qu'il est tout aussi nécessaire que la position du Canada à ce sujet s'exprime de façon cohérente au niveau fédéral. À l'heure actuelle, différents ministères adoptent différentes positions qui ne sont pas toutes compatibles ou uniformes. Compte tenu de la multitude de collèges et d'universités, l'absence d'une vision nationale quant à nos projets et au rôle que nous voulons jouer à l'avenir sur la scène internationale rend les choses d'autant plus difficiles.

Le sénateur Forest: Si ce projet de cohésion se concrétise -- et je suis sûre qu'il se concrétisera -- faudrait-il selon vous évaluer le fonctionnement du programme en fonction de l'expérience qui s'en dégagera?

M. Buckley: Ce serait nécessaire.

Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier, monsieur Fox et monsieur Buckley, pour votre excellent rapport. Si vous avez d'autres réflexions à nous communiquer au cours des prochaines semaines, nous aimerions les entendre également.

Chers collègues, je vous demanderais de rester encore un instant, s'il vous plaît.

La semaine dernière, le comité de direction s'est réuni et a fait certaines propositions concernant notre calendrier. Je vous remettrai une copie du procès-verbal de la réunion du comité de direction qui s'est tenue le mercredi 5 mars avec le sénateur Lavoie-Roux, le sénateur Perrault et moi-même. Nous convenons que le sous-comité au complet devrait adopter le calendrier suivant et planifier ses audiences pour les mois de mars et d'avril.

J'aimerais que quelqu'un propose l'adoption du rapport maintenant.

Le sénateur Forest: Je fais une proposition en ce sens.

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Nous poursuivrons maintenant à huis clos pour décider de la façon de procéder en ce qui concerne le rapport provisoire.

La séance se poursuit à huis clos.


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