Délibérations du sous-comité de l'enseignement
postsecondaire
du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 14 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 17 avril 1997
Le sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour poursuivre son examen de l'état de l'enseignement postsecondaire au Canada.
Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous avons l'honneur ce matin d'accueillir l'honorable Robert W. Mitchell, ministre de l'Enseignement postsecondaire et de la Formation professionnelle de la Saskatchewan. Il est accompagné de sa sous-ministre, que nous avons rencontrée à Regina lors de la comparution du chancelier de l'université. Elle est revenue ce matin parce qu'elle ne veut pas que nous oubliions la Saskatchewan. Elle s'efforce toujours de faire valoir les pouvoirs de la Saskatchewan.
Nous sommes heureux de vous accueillir ce matin. Nous avons déjà reçu votre mémoire. Vous pourriez peut-être nous dire ce qu'il y a de nouveau dans le domaine de l'éducation et ce qu'on devrait faire différemment.
L'honorable Robert W. Mitchell, c.r., ministre de l'Enseignement postsecondaire et de la Formation professionnelle, ministère de l'Enseignement postsecondaire et de la Formation professionnelle de la Saskatchewan: Merci de m'avoir invité et de m'avoir permis de venir vous parler aujourd'hui.
J'ai passé quelque temps à réfléchir à la façon dont je devrais aborder la question aujourd'hui et à en discuter avec mes conseillers. Nous avons déposé un document qui note certains points importants pour notre province. Je ne lirai pas le document en entier et je n'ai pas non plus l'intention de m'y reporter souvent dans mon exposé. Le plus approprié serait que je fasse d'abord une brève déclaration au sujet de certaines des questions qui me préoccupent le plus et qui intéressent mon gouvernement. Nous pourrons ensuite relaxer et parler un peu des questions importantes pour votre comité.
Depuis environ 35 ans, le gouvernement fédéral fait beaucoup pour fournir un leadership très utile au Canada relativement à toutes les questions qui intéressent votre comité. J'y songeais hier encore en annonçant la stratégie de formation de la Saskatchewan hier à Regina. Je pense que vous avez reçu des exemplaires de ce document aussi.
Le gouvernement fédéral a joué un rôle extrêmement important, surtout pour la formation professionnelle, partout dans le Canada, et plus particulièrement dans ma propre province. Grâce à une aide fédérale très généreuse, nous avons pu construire d'excellentes installations de formation technique et professionnelle. Nous en sommes très fiers. Le gouvernement fédéral a aussi fait preuve de beaucoup de leadership sur les questions de politique. Ce leadership n'a pas flanché depuis 35 ans.
Au niveau provincial, nous avons choisi de collaborer avec les programmes fédéraux et de compléter et d'appuyer les initiatives fédérales et, au besoin, de les adapter à la province.
Lorsqu'on met sur pied de nouveaux programmes nationaux, il arrive très souvent que le programme ne soit pas parfaitement adapté à toutes les régions du Canada. Souvent, on peut même se demander à quelle région du Canada le ministère fédéral songeait en mettant au point de tels programmes. Au niveau provincial, nous devons trouver des moyens d'adapter ce programme à la situation particulière à la province. Comme bon nombre de provinces, nous nous sommes souvent plaints du fait qu'un programme ne nous convenait pas ou ne fonctionnait pas bien pour la province ou n'était pas vraiment ce qu'il nous fallait, mais dans l'ensemble nous avons été hautement satisfaits du leadership manifesté par le gouvernement fédéral depuis bien des années dans ce domaine important.
Je parlerai davantage du système de formation professionnelle parce que c'est dans ce domaine que nous devons passer beaucoup de temps ces jours-ci.
L'annonce faite par le premier ministre il y a plus d'un an selon laquelle le gouvernement fédéral se retirait pratiquement de la formation professionnelle nous a lancé un défi, puisque le départ du gouvernement fédéral a créé un vide du point de vue de la politique et du leadership en matière de formation professionnelle. Nous avons tout de suite compris que nous devions très rapidement élaborer notre propre stratégie pour garantir que nos citoyens auraient accès à la formation appropriée pour les emplois disponibles en Saskatchewan et dans la région des Prairies.
Nous nous sommes mis à l'oeuvre presque immédiatement. Vu les modifications annoncées à la caisse d'assurance-emploi, notre tâche devenait particulièrement urgente. Les membres du comité connaissent évidemment ces modifications, et je ne m'y arrêterai donc pas, sauf pour dire qu'elles ont ajouté une dimension financière au problème et un caractère d'urgence à notre travail.
L'année s'est avérée des plus intéressantes pour nous puisque nous tentions de mettre au point un cadre de politique afin de faire face aux questions de formation tout en faisant face aux contraintes financières créées par les modifications à la caisse de l'assurance-emploi. Heureusement, nous avons réussi à maîtriser l'htmect financier, et dans le budget que nous avons déposé le mois dernier nous avons pu combler le manque à gagner créé par les coupures fédérales. Nous avons surmonté cet obstacle et nous faisons face à l'avenir avec un sentiment de sécurité, sachant qu'en ce qui concerne notre programme de formation, son financement est assuré.
En ce qui concerne les questions de politique, nous avons préparé un plan durable qui devrait bien servir notre province. Il s'agit essentiellement d'un programme régional.
J'ai mentionné il y a quelques instants que les programmes nationaux ne répondaient pas toujours aux besoins des provinces comme la Saskatchewan. Dans la même optique, nous savons qu'un programme de la Saskatchewan ne répondrait pas nécessairement aux besoins de toutes les régions de la province. Je ne sais pas s'il en est ainsi dans toutes vos provinces, mais chez nous les marchés du travail diffèrent de façon remarquable d'une région à l'autre. Le marché du travail à Swift Current est très différent de celui de Prince Albert ou de Yorkton. Je vois le sénateur Andreychuk qui opine de la tête parce qu'elle sait que c'est le cas. Dans les différentes régions, nous devons traiter avec des marchés du travail extrêmement différents.
Nous en sommes venus à la conclusion dès le début que nous devions remettre aux différentes régions de la province le plus grand nombre de programmes et de responsabilités possible afin que celles-ci évaluent leurs propres besoins et mettent en place la formation nécessaire pour y répondre.
La population en général appuie cette approche. Lorsque j'ai publié la stratégie hier, sur le plan politique les partis d'opposition l'ont approuvée entièrement, et dans la communauté le plan a été très bien accueilli. Je pense que nous sommes sur la bonne voie.
Nous apprendrons beaucoup, au fur et à mesure. Il s'agit d'un nouveau domaine pour nous comme pour de nombreuses autres provinces. Nous avons beaucoup à apprendre, mais d'une certaine façon nous sommes heureux de cette nouvelle responsabilité. C'est quelque chose qui aurait dû se faire dans les années 60, lorsque le gouvernement fédéral a commencé à s'intéresser à ce domaine. Les provinces comme l'Alberta ont affirmé leurs propres compétences à l'époque et ont élaboré, très vigoureusement, leurs propres politiques de main-d'oeuvre, si on peut dire, leurs propres stratégies de formation. Ces provinces se trouvent maintenant en bien meilleure posture que nous, qui avons coopéré avec le gouvernement fédéral et permis à ce dernier d'assumer le leadership.
Je ne critique pas ce leadership, car je pense que le gouvernement fédéral a fait du bon travail dans ce domaine pendant qu'il s'y intéressait, mais malheureusement nous sommes restés à l'arrière-plan, nous avons laissé le gouvernement fédéral faire le gros du travail pendant toutes ces années, et maintenant, tout à coup, nous devons faire face à cette responsabilité de le faire nous-mêmes. Nous en sommes heureux. C'est un défi pour nous, mais tout le milieu de la formation dans notre province travaille ensemble comme jamais auparavant. Nous sommes très emballés par ce que nous faisons.
Au cours de la dernière année, j'en suis venu à croire très fermement qu'on ne peut laisser les choses aller trop loin. En d'autres termes, il ne faut pas que le gouvernement fédéral se retire complètement du domaine de la formation. Je vais vous expliquer pourquoi.
Si le gouvernement fédéral se retire complètement du domaine, nous risquons de nous retrouver avec un régime de formation divisé par province, où chacune ira de l'avant seul, sans considérer, comme il se doit, l'optique nationale. Je prétends donc que le gouvernement fédéral doit continuer à s'intéresser aux questions de formation afin de donner cette optique nationale à certaines de ces questions très importantes. Sinon, je crains que, à long terme, nous ne nous éloignions considérablement les uns des autres sur ces questions. Nous suivrons notre propre voie pour des raisons qui nous semblent logiques, au niveau de nos provinces, mais qui auront une incidence sur l'unité du pays et la situation de nos concitoyens tout au long de leur vie.
Évidemment -- et nulle part est-ce plus vrai qu'en Saskatchewan -- nous nous targuons de la mobilité de notre population active. Je dis bien «nulle part est-ce plus vrai qu'en Saskatchewan» parce que nous exportons de nombreux travailleurs vers d'autres régions du pays. Nous les formons, nous leur donnons une certaine expérience et nous les envoyons dans toutes les directions vivre leur vie dans d'autres provinces -- du moins, c'est l'impression que nous avons. C'est un élément important de notre vie que nous devons tenter de maintenir.
Je crains que si le gouvernement national se désintéresse de ces questions nous ne fassions les frais d'une balkanisation accrue de notre marché du travail, où les provinces suivront leur propre voie sans tenir compte, comme il se doit, des intérêts du marché du travail national et d'autres considérations nationales qui touchent les travailleurs.
Je veux vous donner un exemple. Il y a le Programme du sceau rouge, que vous connaissez. Les ouvriers de la Saskatchewan peuvent ainsi obtenir leur certificat dans leur province pour pouvoir ensuite travailler un peu partout dans le Canada comme hommes de métier qualifiés. Voilà un petit exemple de ce que le gouvernement fédéral peut faire par l'entremise d'un programme comme celui du sceau rouge. Si le gouvernement fédéral abandonne complètement la formation, alors un programme comme celui du sceau rouge ne serait plus qu'un rêve. Il serait très difficile de refaire la même chose. Il faudrait en effet une grande coopération entre les provinces, ce qui serait difficile en l'absence de leadership du gouvernement fédéral.
Je prétends donc que le gouvernement fédéral devrait réfléchir sérieusement aux conséquences de son retrait complet du domaine de la formation. Il est important de maintenir une présence nationale dans ce domaine. Confronté à nombre de ces questions pour la première fois au palier provincial, j'en suis venu à vraiment le comprendre au cours de la dernière année.
Deuxièmement, et dans la même veine, pour une province comme la nôtre, il faut que le gouvernement fédéral maintienne son financement de ce secteur. Les provinces pauvres n'ont tout simplement pas les moyens de faire face aux défis que présente le régime d'enseignement postsecondaire, y compris la formation, sans financement important du gouvernement fédéral. Nous ne serions pas en mesure de payer cela nous-mêmes.
Dans ma province, comme je l'ai mentionné précédemment, nous avons réussi à faire face au défi financier que présentaient les modifications apportées au transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, ainsi que les modifications à la caisse d'assurance-emploi, mais nous avons eu beaucoup de chance à cet égard. Nous y sommes parvenus uniquement à cause d'un revirement de la situation dans notre province qui nous a fourni des sommes supplémentaires que nous avons pu consacrer à ce secteur. Si cela s'était produit un an plus tôt, nous nous serions retrouvés en très mauvaise posture. Si nous n'avions pas pu combler les réductions de l'assurance-emploi, nous aurions perdu 27 p. 100 de notre capacité dans nos installations de formation professionnelle et technique. C'est beaucoup. Ce n'est que la chance qui nous a permis de compenser l'argent perdu et de poursuivre. Je crains que si l'appui du gouvernement fédéral à l'enseignement postsecondaire et plus particulièrement à la formation, disparaît ou diminue, les provinces les plus pauvres n'en soient lourdement frappées.
Bref, il faut que le gouvernement fédéral maintienne sa présence dans le secteur de la formation, tout d'abord afin d'apporter une optique nationale à certaines des questions connexes et à certains éléments du régime de formation. Il nous faut également le financement du gouvernement fédéral à l'appui de nos efforts au palier provincial.
Tout ce que j'ai dit reconnaît, comme vous l'avez fait, monsieur le président, au cours de notre brève conversation ce matin, la compétence des provinces dans ces questions. C'est tout à fait approprié. Je ne demande pas de modifications à la Constitution, mais il s'agit d'un pays que nous voulons tous garder. Il s'agit en fait de questions qui pourraient contribuer grandement à l'unité de notre pays -- c'est-à-dire le libre mouvement de nos populations d'une province à l'autre, la reconnaissance des compétences des uns et des autres. C'est le genre de pays que cela donne, c'est le genre de pays que nous voulons garder, c'est le genre de valeurs qu'il vaut la peine de défendre. Je crains que si le gouvernement fédéral s'éloigne trop des questions d'enseignement postsecondaire nous ne perdions notre cohésion et notre coopération et, à long terme, nous ne soyons témoins d'une balkanisation toujours plus grande à ce niveau.
Voilà le message important que je voulais vous transmettre aujourd'hui. Il n'en est pas question de façon détaillée dans notre mémoire, et c'est pourquoi j'en ai parlé.
Dans ce mémoire, nous traitons de plusieurs autres questions qui intéressent les membres du comité et notre province. L'aide aux étudiants est un tel sujet. Nous en traitons en détail. Je serais heureux d'en discuter ce matin, mais je n'ai rien à ajouter au mémoire que nous avons déposé.
Nous avons fait valoir une chose que j'aimerais préciser plus amplement. Il s'agit de la question de la technologie et de notre capacité de saisir et d'exploiter certaines des choses merveilleuses que nous faisons au Canada grâce à cette technologie. Pour un profane en technologie comme moi, il est difficile de bien l'expliquer.
Il y a beaucoup d'ivraie sur l'Internet, et il n'y a aucun mécanisme pour la séparer du bon grain. De plus en plus, il y aura des cours sur l'Internet. C'est incontestable. On me dit que l'on peut se procurer un diplôme universitaire, de chez soi, grâce à l'Internet. Toutefois, il n'y a aucun contrôle de la qualité, comme à l'université, qui vise le diplôme que vous obtenez. Ce domaine sera certainement fascinant dans l'avenir.
Nous, au Canada, avons beaucoup à offrir à nous-mêmes et au monde. Nous voulions lancer l'idée que ce comité pourrait encourager des études dans ce domaine -- c'est-à-dire des recherches et du développement -- dans le but d'utiliser la technologie moderne afin de fouiller cette question et d'élaborer la position du Canada et d'exploiter finalement ces possibilités à notre avantage économique, et, à long terme, à notre avantage culturel aussi. Voilà ce que nous disons dans le mémoire, et je serais heureux d'en discuter avec vous.
Pour conclure, j'aimerais revenir sur la question des étudiants. La situation de l'aide financière aux étudiants évolue constamment. Il y a eu des discussions entre les provinces et le gouvernement fédéral. Ce dernier a pris quelques initiatives dans son dernier budget. Il y a des éléments de notre programme que nous aimerions voir adoptés à l'échelle nationale, par exemple nos politiques de remise de dettes pour aider certains étudiants dans certaines situations. Le niveau de leur dette nous préoccupe beaucoup. Vous en avez entendu parler encore et encore ici. Nous devons en tenir compte jusqu'à un certain point et, d'une façon ou d'une autre, aider les étudiants -- surtout ceux qui viennent de familles modestes et ceux qui ont des besoins spéciaux. Nous devons nous montrer généreux à leur égard pour leur compte et pour l'avenir de notre pays.
Je vais m'arrêter sur cette note.
Le président: Je vais demander à l'ex-chancelière de votre université à Regina, le sénateur Andreychuk, d'amorcer la période des questions aujourd'hui.
Le sénateur Andreychuk: Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu comparaître ce matin et d'avoir abordé dans votre explication et dans votre mémoire non seulement les questions quotidiennes qui intéressent votre ministère, mais aussi le déroulement de votre dialogue avec le gouvernement fédéral.
Dans les audiences que nous avons eues jusqu'à maintenant et dans les mémoires qui nous ont été soumis, les intervenants ont eu tendance à se limiter à des problèmes particuliers. Je suis heureuse que vous ayez pris un certain recul et que vous ayez examiné la question dans son ensemble, car c'est ce que nous voulons faire dans notre rapport. En fait, nous voulons aller au-delà de recommandations précises visant à améliorer le système.
Si vous avez des suggestions à faire sur la façon d'atteindre cet équilibre délicat, nous les écouterons volontiers. Comment pouvons-nous faire une recommandation? D'une part, les autorités provinciales souhaitent récupérer la responsabilité de la formation dans bon nombre de ces domaines. Et pourtant, une présence nationale quelconque semble nécessaire. On ne nous a pas encore dit comment nous pourrions formuler cela sous forme de recommandation. La solution évidente est le financement, mais ce n'est pas tout. Comment créer un nouveau rapport entre le gouvernement fédéral et les provinces? On nous a répété à maintes reprises que le gouvernement fédéral devrait renouveler l'effort qu'il a fait dans les années 60, ce qui semble maintenant inacceptable à certaines provinces.
Ma question est de nature générale: dans quel cadre ce leadership du gouvernement fédéral pourrait-il s'exercer? Sous l'égide du Conseil des ministres de l'Éducation? Devrions-nous créer au sein du gouvernement fédéral un nouvel organisme qui réunirait les volets de l'éducation, de la formation et de l'emploi d'une nouvelle façon?
M. Mitchell: C'est précisément la question que soulèvent mes observations. C'est une question difficile, car j'ai du mal à évoquer des analogies convaincantes. Je veux me permettre d'en faire une, même si on peut discuter à savoir si elle est appropriée ou non.
À cet égard, la situation dans le domaine de la santé est instructive. C'est un domaine de compétence provinciale, mais le gouvernement fédéral y assume une présence essentiellement attribuable à son apport financier, qui débouche sur des conséquences ou des sous-produits extrêmement importants, dont le moindre n'est pas la Loi canadienne sur la santé, qui énonce les conditions du maintien du financement fédéral.
À mon avis, ces conditions ont littéralement assuré la survie du système de santé dans notre pays au cours de périodes de difficultés financières. C'est ainsi que les provinces ont été tenues d'inclure dans leur régime de soins de santé certains éléments fondamentaux énoncés dans la Loi canadienne sur la santé, qui sont très importants aux yeux des Canadiens.
Je ne suis pas sûr que ce modèle s'applique en l'occurrence. Je ne suis même pas sûr de vouloir le recommander au comité, mais il illustre néanmoins bon nombre de points importants.
Vous avez mentionné dans votre question le Conseil des ministres de l'Éducation. Ce conseil a fait de l'excellent travail au fil des ans et il est très apprécié des gouvernements provinciaux. Jusqu'à maintenant, il s'est attaché au système scolaire, de la maternelle à la douzième année, mais il a élargi son champ d'intérêt, surtout depuis l'année dernière, pour englober ces questions. C'est peut-être une tribune qui permettrait de concrétiser la participation ou la présence du gouvernement fédéral dont j'ai parlé. Cela prendrait une forme beaucoup plus informelle que celle de mon analogie avec la santé, mais c'est peut-être tout ce dont on a besoin. Il se peut qu'il soit suffisant d'avoir un mécanisme informel comme celui-là, au sein duquel le gouvernement national pourrait énoncer les préoccupations et les priorités nationales, particulièrement à mesure que les systèmes provinciaux acquièrent de la maturité. Au sein d'un tel conseil, le gouvernement fédéral pourrait exprimer ses préoccupations quant à l'orientation que nous prenons, ou encore proposer de nouvelles orientations à la lumière des changements économiques ou techniques qui surviennent dans le contexte national.
En l'absence de mécanisme, nous irons notre propre chemin. C'est toujours ainsi que les choses se sont passées dans notre pays. Si on laisse aux provinces un domaine de compétence exclusive, sans prévoir d'éléments rassembleurs ou de forces cohésives, elles prendront chacune une voie différente. Voilà la principale préoccupation que j'ai essayé d'exprimer.
Le sénateur Andreychuk: Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir maintenu cette tradition propre à la Saskatchewan de réfléchir à l'avenir, particulièrement dans le domaine de l'éducation. Aujourd'hui, je félicite le gouvernement actuel et les gouvernements précédents, qui ont accordé la priorité à l'éducation, même si nous semblons exporter la plupart de nos produits. Cependant, nous réussissons à en garder quelques-uns, comme l'atteste la présence de votre collègue à vos côtés.
Vous avez parlé de technologies modernes. Je viens de lire énormément et de participer à un certain nombre de colloques sur le sujet que vous avez évoqué. Notre système d'éducation entier, de la maternelle à la douzième année et jusqu'au niveau postsecondaire, exerçait un contrôle de la qualité sur la diffusion de l'information. Bien que nous ayons eu des idéologies différentes et appliqué des mécanismes différents pour évaluer les faits de temps à autre -- d'ailleurs, le fait que nous ayons permis une grande liberté d'expression et de pensée a été un atout dans le développement de notre société --, les nouvelles technologies mettent côte à côte à la fois des renseignements valables et discutables, sans aucun mécanisme d'évaluation.
Dans un livre publié récemment, on disait que les enfants acceptent d'emblée ce qui leur est présenté, car notre système leur offre toujours un environnement qui fait en sorte qu'ils croient qu'il s'agit d'informations légitimes. Pensez-vous qu'au moyen des programmes scolaires, et sans attendre jusqu'au niveau postsecondaire, nous pouvons modifier les outils pédagogiques dont nous nous servons auprès des jeunes pour leur permettre de développer un certain discernement face à cette manne d'information qui n'a pas eu de précédent dans notre société auparavant?
M. Mitchell: Oui. Je pense que c'est une très bonne idée. Nous devrions élaborer un mécanisme quelconque pour donner notre imprimatur à l'information valable pour que les étudiants aient un moyen de savoir que cette information respecte certaines normes.
À l'heure actuelle, ce qu'on trouve sur l'inforoute va du meilleur au pire, et il n'y a pas moyen de faire la distinction entre les deux. Vous avez raison de dire qu'étant donné que les jeunes adorent la technologie ils croient tout ce qu'elle leur transmet. On disait à peu près la même chose à notre époque au sujet des livres. Le seul fait que l'information était écrite, imprimée, était une caution. Toute information qui est sur l'Internet a énormément de crédit auprès des jeunes à qui j'ai parlé.
Le sénateur Andreychuk: C'est précisément là que je voulais en venir. Lorsqu'on nous disait que l'information figurait dans un livre, nous savions au moins que ce livre avait une certaine légitimité, et qu'il y avait des livres de tous ordres. Je ne constate pas que le système d'éducation s'adapte et enseigne aux enfants que la base de leur information est bien différente de celle qui était la nôtre. Je constate, au contraire, que les enseignants, les parents et les parlementaires font comme si l'ancienne base d'information avait toujours cours.
M. Mitchell: Oui.
Le sénateur Andreychuk: Les parents et les autorités scolaires responsables du développement des aptitudes cognitives de l'enfant n'ont pas encore marqué le coup. Il ne se fait pas encore tellement de recherche ou de réflexion pointue dans ce domaine.
M. Mitchell: C'est exact. Entre-temps, la technologie continue d'avancer à un train d'enfer, et nous risquons de ne jamais la rattraper. Autrement dit, c'est une cible mobile. C'est un domaine où des études et un développement approfondis s'imposent. Je le répète: nous avons beaucoup à offrir.
Nous sommes très enthousiastes en Saskatchewan, car nous disposons des installations du SCN, qui sont très perfectionnées sur le plan technique, et il y a des sites récepteurs un peu partout dans la province. Comme on compte environ 67 récepteurs sur un territoire aussi petit que le nôtre, nous pouvons sans difficulté communiquer de l'information. La possibilité de se servir de cette technologie pour élaborer nos programmes d'enseignement, peut-être sous forme interactive, et pour les acheminer dans les diverses collectivités de la Saskatchewan, est extrêmement stimulante.
Le président: Avant de donner la parole à le sénateur Forest, je tiens à dire qu'il y a quelques années, c'est un autre homme politique de votre province qui a beaucoup aidé le Canada à créer la Loi canadienne sur la santé, soit Tommy Douglas.
Ne serait-ce pas formidable si nous pouvions citer le nom de Mitchell en parlant de leadership dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement postsecondaire au Canada? Ne serait-il pas bien que nous citions fréquemment ce que vous avez dit dans notre rapport, notamment vos propos sur la nécessité d'instaurer des relations entre le gouvernement fédéral et les provinces pour unir le pays et ne pas nous retrouver avec de multiples petits États balkanisés ayant des perspectives et une formation différentes?
M. Mitchell: Eh bien, Tommy Douglas est un objet de vénération dans notre province.
Le sénateur Andreychuk: Il est bien plus que cela.
M. Mitchell: Nous en parlions ce matin. M. Perrins disait qu'il avait parlé à quelqu'un qui lui avait dit qu'il connaissait Tommy Douglas. Je l'ai interrompu pour dire que Tommy Douglas avait passé la nuit chez lui, car c'est une vieille histoire qu'on entend souvent en Saskatchewan. Si Tommy Douglas avait vraiment passé la nuit dans toutes les maisons où les gens disent qu'il a dormi, il aurait vécu jusqu'à 300 ans.
Le président: J'ignore quel genre de réputation il a en Saskatchewan, mais au Canada il est célèbre à titre de père du régime d'assurance-maladie.
M. Mitchell: C'est exact.
Le président: J'aimerais bien que M. Mitchell devienne l'homme dont on reconnaîtra la contribution en éducation. Cela ferait certainement l'objet d'un ouvrage intéressant. Les gens diraient: «Savez-vous que le ministre a passé la nuit chez moi?»
M. Mitchell: Je ne crois pas que cela fonctionnera.
Le président: Je vais maintenant demander à le sénateur Forest, de l'Alberta, elle aussi chancelière, mais dans une autre université, de vous poser quelques questions.
Le sénateur Forest: Merci beaucoup.
Monsieur Mitchell, j'ai beaucoup aimé votre exposé. Je pense que vous avez cerné le coeur du problème. Comment maintenir une présence nationale tout en respectant l'autonomie des provinces?
M. Mitchell: Précisément.
Le sénateur Forest: J'oeuvrais dans le système scolaire en Alberta lorsque a été instituée la formation professionnelle. À l'époque, la province a eu du mal à conserver une certaine autonomie tout en acceptant les deniers fédéraux. Je pense que présence nationale et deniers fédéraux font très bon ménage. En outre, cela est nécessaire.
M. Mitchell: Oui.
Le sénateur Forest: Bon nombre de gens ont évoqué cette idée qu'une présence nationale est très importante. Peut-être serait-il possible de s'inspirer du modèle du régime des soins de santé, en ce sens qu'il y aurait des principes ou des lignes directrices -- certaines personnes appellent cela des normes -- qui respecteraient les différences des provinces tout en établissant un niveau qu'elles devraient toutes respecter.
Croyez-vous que le Conseil des ministres de l'Éducation pourrait être le siège d'une telle discussion? Vous ne pouvez sans doute pas parler au nom des autres dirigeants provinciaux, mais pensez-vous qu'une idée comme celle-là pourrait susciter l'intérêt, sinon l'enthousiasme, de certains ministres? Cette instance pourrait contribuer à forger un véritable partenariat entre les gouvernements fédéral et provinciaux.
M. Mitchell: Je vous remercie de cette question. Avant d'y répondre, je signale que je n'ai pas discuté de la chose avec mes homologues, de sorte que je ne peux parler avec autorité. Cependant, je suis certain que nombre de ministres provinciaux seraient heureux de discuter de ce sujet et de voir quels progrès pourraient être accomplis, car nombreux sont ceux qui partagent les préoccupations que je vous ai exprimées. Ils les exprimeraient en termes différents, mais l'idée est là.
Le sénateur Forest: Oui.
M. Mitchell: Ce serait une tribune appropriée pour ce genre de discussion. Cela dit, la réaction ne serait pas unanime.
Le sénateur Forest: Non.
M. Mitchell: Mais je pense que cette idée susciterait un certain intérêt.
D'ailleurs, j'ai mentionné que le conseil allait aborder ces sujets, et ce, dès septembre.
M. Dan Perrins, sous-ministre de l'Enseignement postsecondaire et de la Formation professionnelle de la Saskatchewan: Oui, à l'automne.
M. Mitchell: Nous allons effectivement consacrer notre première séance à ces questions, et c'est d'ailleurs vous qui nous avez incités à aborder ce dossier. À une époque, les ministres de l'Éducation s'inquiétaient presque uniquement du système scolaire de la maternelle à la douzième année, et le reste allait de soi. Mais au fil des ans on a nommé des ministres responsables de l'éducation supérieure, de l'éducation permanente. La responsabilité des provinces s'est constamment accrue dans ce domaine. Je pense que le conseil est prêt à passer à l'examen de ces questions.
Le sénateur Forest: C'est une possibilité.
M. Mitchell: La plupart des ministres seraient disposés à examiner l'idée que vous avez avancée.
Le sénateur Forest: Vous avez mentionné que vous avez pris part aux négociations avec le gouvernement fédéral au sujet de la formation de la main-d'oeuvre; est-ce exact?
M. Mitchell: Nous n'avons pas amorcé de négociations officielles au sujet de l'offre du gouvernement fédéral de céder cette responsabilité, si c'est ce que vous voulez dire.
Le sénateur Forest: Non.
M. Mitchell: Nous avons de très bons rapports avec le ministère fédéral, et en particulier avec les fonctionnaires locaux de la Saskatchewan qui ont participé à notre stratégie de formation, à tout le moins en tant qu'observateurs intéressés. Ils ont été tenus au courant. Nous avons discuté de tous nos plans avec eux, et ils ont formulé une opinion informelle sur tout ce que nous avons fait. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux, mais nous n'avons pas encore amorcé de négociations formelles. Nous tardons un peu à le faire parce que nous ne sommes pas prêts.
Le sénateur Forest: Non.
M. Mitchell: Nous n'étions pas en mesure de répondre à l'offre fédérale avant d'avoir annoncé notre stratégie de formation -- ce que nous avons fait hier -- et commencé à la mettre partiellement en oeuvre. Cela dit, nous prévoyons agir sous peu. Une fois que nous aurons répondu à l'offre fédérale, les choses iront sans doute très vite.
Le sénateur Forest: J'ai trouvé intéressant que vous ayez dit vouloir maintenir les garanties pour les étudiants en difficulté financière, car on nous a énormément parlé de cela. Il est très important que ce problème crucial soit résolu aux deux paliers de gouvernement.
M. Mitchell: Je suis d'accord. Merci.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je vous remercie de votre exposé.
Si j'ai bien compris, vous n'êtes pas très heureux que le gouvernement fédéral renvoie aux provinces la responsabilité de la formation professionnelle et de la formation de la main-d'oeuvre. Je vous comprends lorsque vous dites que cela nous privera d'une perspective ou d'objectifs nationaux.
M. Mitchell: Oui.
Le sénateur Lavoie-Roux: D'autre part, je pense que cette initiative peut être heureuse pour éviter le chevauchement des dépenses et la confusion parmi la clientèle, qui ne savait pas à qui s'adresser. Je viens du Québec, où nous luttons depuis 30 ans pour récupérer ce dossier. La situation est sans doute différente en Saskatchewan, mais je ne pense pas que ce soit une mauvaise initiative. Je pense qu'elle a beaucoup de bons côtés.
Je sais que vous vous heurterez à la résistance de certaines provinces en matière d'enseignement postsecondaire, mais je n'en pense pas moins que le Conseil des ministres de l'Éducation est la meilleure tribune pour commencer à examiner ces questions. Lorsqu'il s'agit d'éducation, je ne pense pas qu'une tribune politique réussisse à apporter une contribution valable.
Qu'arrivera-t-il, à votre avis, à l'enseignement postsecondaire, particulièrement au niveau universitaire? Ce n'est pas si mal jusqu'au niveau collégial, mais lorsqu'on arrive au niveau universitaire -- et si le gouvernement fédéral n'assouplit pas les règles --, les choses deviennent plus difficiles, particulièrement au Québec. Toutes les universités ont réduit leurs coûts. Peut-être peuvent-elles atteindre une plus grande efficience encore d'un point de vue administratif. Je ne sais pas si nous avons exploré toutes les possibilités. Par exemple, lorsque nous sommes allés à Regina, nous avons visité le collège francophone.
M. Mitchell: L'Institut linguistique?
Le sénateur Lavoie-Roux: Oui. Il est en difficulté. L'argent ne rentre plus d'Ottawa comme par le passé. C'est bien beau de ne pas vouloir dire au gouvernement fédéral qu'il ne fait pas son devoir, mais -- et ce n'est pas une question de sectarisme politique -- soit le gouvernement fédéral souhaite que les universités survivent, et si c'est le cas il continuera à les aider, soit il s'en désintéresse. À ce moment-là il faudra s'adapter. La Saskatchewan ne compte que deux universités, alors qu'au Québec il y en a approximativement six ou sept. Je ne me souviens pas du nombre exact pour l'instant.
M. Mitchell: Il y en a au moins sept. La Nouvelle-Écosse en compte 12.
Le sénateur Lavoie-Roux: Mais je pense qu'ils comptent les collèges là-bas.
M. Perrins: Non.
Le sénateur Lavoie-Roux: Il y a 12 universités en Nouvelle-Écosse?
M. Perrins: Oui, et il y en avait 17 avant.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je devrais savoir cela. Nous sommes allés en Nouvelle-Écosse.
Voilà quelques observations générales. Je suis très inquiète. On a quelque peu assoupli les conditions du financement de la recherche en innovation, de même que pour les étudiants, mais ces étudiants ne sont pas encore nés. Cette mesure ne va pas aider les étudiants dès maintenant. J'exagère peut-être, mais ils auront sans doute quatre ou cinq ans avant de pouvoir en tirer parti.
La seule initiative positive est la prolongation de la période de remboursement, ce qui sera d'une certaine utilité. Autrement, je n'ai rien vu dans le budget qui soit très réjouissant pour l'enseignement postsecondaire.
M. Mitchell: Non.
Le sénateur Lavoie-Roux: Et je ne pense pas être trop sévère.
M. Mitchell: En effet.
Le sénateur Lavoie-Roux: Cela transcende l'affiliation politique. Je me soucie de l'éducation. J'ai enseigné à l'université. C'était à une époque où il y avait beaucoup plus d'argent, mais aussi beaucoup moins d'étudiants. C'était un autre monde. Aujourd'hui, nous devons vivre selon nos moyens.
Il ne faut pas prétendre faire des choses que nous ne faisons pas. Il faut injecter des ressources et fournir les outils à ce secteur pour convertir nos paroles en actes.
M. Mitchell: Je suis très heureux que vous ayez soulevé cette question, car je voulais justement en parler. J'ai eu peur pendant un instant que personne ne le ferait.
Le sénateur Lavoie-Roux: Même si nous ne sommes pas d'accord, c'est une bonne chose.
M. Mitchell: C'est juste.
Premièrement, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a de bons côtés au fait que les provinces assument la responsabilité de la politique concernant la formation de la main-d'oeuvre. Vous avez mentionné qu'au Québec on réclame cette responsabilité depuis 30 ans.
Il y a une vingtaine d'années, j'étais sous-ministre du Travail en Saskatchewan. À cette époque, dans notre province, toutes les questions relatives à la main-d'oeuvre relevaient du ministère du Travail. Je me souviens très bien des arguments invoqués à ce moment-là. C'était surtout le Québec qui revendiquait, mais j'étais tout à fait d'accord et j'invoquais moi-même les mêmes arguments.
Mon gouvernement et moi-même accueillons favorablement l'occasion d'assumer la responsabilité de la formation et d'essayer de la faire correspondre aux besoins de notre province.
Le sénateur Lavoie-Roux: Oui.
M. Mitchell: Je tiens à souligner le leadership du gouvernement fédéral, car il a été très important. Les responsables de ce dossier ont créé au fil des ans des programmes perfectionnés et accumulé beaucoup de connaissances quant à ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas sur le marché du travail. Nous avons tous bénéficié de cela, et nous ne pouvons nous permettre de perdre tout ce bagage et ces compétences. D'une façon ou d'une autre, nous devons conserver cela surtout en raison de la perspective nationale dont j'ai parlé tout à l'heure.
Je ne suis pas contre cette évolution. Je pense que c'est une bonne chose. Pour autant que nous puissions nous le permettre financièrement, ce sera un atout pour le pays, surtout si nous pouvons résoudre ce problème de la présence nationale. Je suis enclin à penser comme vous que le conseil pourrait être le meilleur des mécanismes existants. Il faudra quelqu'un de plus sage que moi pour trouver la meilleure solution, mais le conseil est assurément mon choix pour le moment.
Pour en venir aux universités, le gouvernement fédéral devrait faire preuve de plus de souplesse. La situation est plutôt déprimante pour une province pauvre, et je mets notre province dans la catégorie des provinces pauvres. Nous recevons des paiements de péréquation, et, chose certaine, nous avons un niveau d'endettement considérable et des difficultés financières dont les répercussions continueront de se faire sentir tout au long de notre vie et de celle de nos enfants avant de disparaître.
Notre capacité de financer les universités est plutôt limitée. Le plus navrant au sujet des réductions du TCSPS, c'est qu'elles marquent un recul de la part du gouvernement fédéral par rapport aux ententes de partage des coûts pour le financement des universités. Rien n'indique que le gouvernement renversera la vapeur ou qu'il soit disposé à revenir aux arrangements antérieurs au sujet du partage des coûts. Cela est alarmant du point de vue d'une province comme l'Alberta, qui essaye de faire vivre quatre universités, dont deux sont des universités à programmes complets. Ce sont des établissements coûteux, qui, d'ailleurs, devraient coûter plus cher encore, étant donné qu'ils ressentent tous les effets des compressions. C'est un phénomène qui n'est pas propre au Québec; c'est partout la même chose. Les universités sont vraiment coincées.
Le sénateur Lavoie-Roux: Oui, c'est partout la même chose.
M. Mitchell: Nous savons que dans notre province il est possible de réaliser des économies sur le plan administratif. Vous êtes peut-être au courant des mesures que nous avons prises. Nous nous sommes engagés dans un processus qui a donné des résultats remarquables. Si vous le voulez bien, je vous expliquerai brièvement ce qu'il en est.
Les deux universités de notre province se faisaient concurrence au lieu de collaborer l'une avec l'autre, ce qui est assez naturel. Elles se livraient concurrence pour les étudiants, le financement de la recherche et les fonds du gouvernement. Elles ne collaboraient pas du tout. C'est ainsi que nous apparaissaient les choses, à nous du gouvernement. Elles essayaient toutes deux d'offrir une vaste gamme de programmes. Ainsi, l'Université de la Saskatchewan, qui est née pratiquement en même temps que la province, offre une très vaste gamme de programmes. L'école d'ingénierie est sans doute le meilleur exemple, car elle offre la plus vaste fourchette de programmes de l'ouest du Canada.
M. Perrins: De tout le Canada, d'après certains.
M. Mitchell: Le plus vaste du Canada, peut-être. Il y a davantage de programmes à l'Université de la Saskatchewan qu'à l'Université de l'Alberta et à celle de Calgary réunies. Elle forme des dizaines d'ingénieurs chaque année. De ce nombre, quatre ou cinq restent dans la province de la Saskatchewan. Par conséquent, nous offrons cette éducation à l'échelle du pays, et c'est une très bonne éducation. Nos diplômés réussissent très bien et sont très recherchés.
Nous voulons continuer à faire cela, mais nous nous rendons compte que c'est un service que nous offrons à l'ensemble du pays. Nous le faisons pour le monde entier, mais pour notre pays en particulier. Nous n'y voyons pas d'objection, mais pour continuer à le faire convenablement nous avons besoin d'une aide considérable qui ne peut venir que du gouvernement fédéral. Comme vous, sénateur Lavoie-Roux, je souhaite qu'il assouplisse sa position et examine la situation de façon réaliste à l'avenir.
J'ai convaincu un de mes amis, avocat principal à Regina du nom de Harold MacKay -- que le sénateur Andreychuk connaît sans doute -- d'agir à titre de facilitateur entre les deux universités pour les amener à voir s'il n'y aurait pas moyen de collaborer sur le plan administratif. À l'origine, l'idée était de cerner les domaines où la collaboration leur permettrait de réaliser des économies, par rapport à ce qui leur en coûte de faire cavalier seul. Il a obtenu de ses interlocuteurs une collaboration remarquable. Il a réussi à les amener à collaborer dans de multiples dossiers administratifs.
En outre, il a obtenu qu'elles s'entendent pour collaborer relativement à leurs programmes afin d'éviter qu'une université n'instaure un programme qui fasse double emploi avec ce qui est disponible dans l'autre université. Ainsi, leurs représentants se parlent et décident conjointement qui fera quoi. Chose plus importante encore, ils ont commencé à discuter de la question du mandat. En fait, ils peuvent se diviser les domaines d'études universitaires, décider qui offrira quel sujet et essayer d'atteindre l'excellence dans leurs domaines de prédilection au lieu d'essayer de satisfaire tout le monde et son père. Ce processus me rend extrêmement fier et heureux. Je pense que nous sommes sur la bonne voie.
Je prends prétexte de votre question pour aborder un autre sujet. Nous avons entendu parler d'une étude qui prédit qu'éventuellement il y aurait environ 10 universités au Canada qui seraient des universités de première classe. Les autres seraient, je ne sais pas, de deuxième ou de troisième classe. On nous a aussi dit que dans les Prairies seule l'Université de l'Alberta serait désignée université de première classe. Cela nous inquiète énormément, car la plupart d'entre nous peuvent uniquement se permettre d'envoyer leurs enfants à l'université à Saskatoon ou à Regina.
Nous voyons d'un très mauvais oeil un système qui dicterait que pour assurer les meilleures chances de succès à ses enfants il faut nécessairement les envoyer étudier à Toronto, Edmonton, Halifax ou Vancouver. Nous acceptons que certaines universités seront meilleures que d'autres parce qu'elles sont mieux dotées, parce qu'elles ont de meilleurs professeurs, une meilleure planification, une longue tradition ou une réputation d'excellence dans certains domaines. Cela est normal. Mais il serait inacceptable que nous restions passifs face à l'élaboration de ce qui serait un système universitaire à deux vitesses dans notre pays, comportant 10 universités reconnues comme étant excellentes, qui recevraient des fonds de recherche et un soutien considérable du gouvernement fédéral et du secteur privé alors que les autres universités auraient les miettes et essayeraient, tant bien que mal, de poursuivre leur mission. Il faut absolument agir pour empêcher cela.
Le sénateur Forest: Je pense que tous ceux qui sont dans la salle sont d'accord avec vous. Seule l'Université de Regina a un collège indien fédéré.
M. Mitchell: Oui. C'est une chose remarquable.
Le sénateur Forest: S'il y a une solution, c'est celle-là. Tout le monde s'entend pour dire que le financement du gouvernement fédéral cette année constituait un bon départ.
M. Mitchell: Oui.
Le sénateur Forest: Mais c'est un départ, sans plus. Il faut faire mieux.
M. Mitchell: Oui.
Le sénateur Lavoie-Roux: Pourriez-vous nous donner la référence de l'étude dont vous nous avez parlé?
M. Mitchell: Bien sûr.
M. Perrins: Il s'agit de l'étude de M. David Cameron.
Le sénateur Lavoie-Roux: Merci.
Le président: Y a-t-il autre chose?
M. Mitchell: J'aimerais ajouter quelque chose, monsieur le président.
J'ai peut-être déjà parlé plus qu'il ne faut, mais nous sommes tellement alarmés par cette perspective que nous avons amorcé des discussions avec le Manitoba, et dans une moindre mesure avec l'Alberta, sur les moyens à prendre pour régler le problème. Nous avons envisagé de combiner toutes nos universités en une seule université des Prairies qui serait dotée de campus à Edmonton, Calgary, Lethbridge, Regina, Saskatoon, Winnipeg et Brandon. On se servirait des installations existantes pour former une université unique qui serait en mesure de prendre sa place dans ce nouveau scénario mondial, ou dans le scénario du XXIe siècle dont j'ai parlé tout à l'heure. Je ne sais pas dans quelle mesure l'idée fera son chemin, mais, chose certaine, le gouvernement de la Saskatchewan est disposé à explorer cette idée avec ses provinces soeurs.
Le sénateur Lavoie-Roux: Merci beaucoup.
Le sénateur Andreychuk: J'ai omis un domaine très important. Je pense que l'exemple de la Nouvelle-Écosse est très convaincant. Combiner pour combiner n'est pas un gage d'excellence en éducation. Avant d'envisager de combiner les ressources des établissements des Prairies, il faut comprendre la raison d'être des universités. Il ne s'agit pas de simplement livrer concurrence sur le plan de la taille. Il y a un désavantage incontestable à cela.
Dans les milieux gouvernementaux, cela semble être l'attitude qui a cours en ce moment: pourquoi avons-nous deux universités? J'accorde à l'étude MacKay beaucoup de crédit pour avoir mis l'accent sur l'excellence en éducation. Il en est découlé énormément de bonnes choses. Je pense que l'opportunisme ne devrait pas être le moteur de notre système d'éducation, et je suis sûre que vous tiendrez compte de cela.
L'éducation des autochtones me préoccupe, tout comme elle préoccupe la commission royale, notre comité et un segment important de notre société. Des problèmes fondamentaux entravent l'éducation des autochtones au niveau postsecondaire. Il y a le fait que le gouvernement fédéral est responsable des Autochtones -- du moins de la majorité d'entre eux -- et le financement des universités par les provinces. Je suis au courant de la bataille qu'a dû livrer le Saskatchewan Indian Federated College pour être reconnu comme université accréditée, mais autoréglementée, si je peux me permettre d'employer ce terme pour ne pas parler d'autonomie administrative. Comme ses dirigeants l'ont fait remarquer aux membres de notre comité, ils ont passé 10 ans dans les limbes au sein de l'Association des universités et collèges du Canada, mais maintenant le SIFC est reconnu comme université à part entière en raison de l'excellence de ses programmes.
Entre le système fédéral actuel, de qui relèvent les Autochtones, et le système provincial, comment faire pour légitimer l'éducation autochtone avant que la crise ne s'aggrave? À mes yeux l'éducation est une clé.
M. Mitchell: Oui, c'est une question très importante, et nulle part plus importante qu'en Saskatchewan.
Le sénateur Andreychuk: Oui.
M. Mitchell: Nous sommes extrêmement fiers du SIFC pour des raisons que vous n'avez pas de mal à comprendre. Le problème lié au partage des compétences entre les ordres de gouvernement existe toujours. Il n'est pas réglé et il entrave le développement et le progrès du SIFC. Nous devons faire en sorte qu'il disparaisse, d'une façon ou d'une autre.
Nous allons essayer par la voie de la négociation. Cependant, ce problème est lié à de multiples autres questions ayant trait aux responsabilités des gouvernements fédéral et provinciaux à l'égard des Indiens inscrits. Le gouvernement fédéral reconnaît que ces derniers sont de son ressort tant qu'ils vivent sur les réserves, mais dès qu'ils en sortent, comme par magie ils ne sont plus considérés comme des Indiens et deviennent la responsabilité du gouvernement provincial. J'exagère un peu pour renforcer mon argument, mais il est indéniable que cela nuit au SIFC. Nous devons absolument régler ce problème rapidement.
Il y a aussi d'autres établissements autochtones, comme le Gabriel Dumont Institute et le Dumont Technical. Nous collaborons étroitement avec ces organismes et nous travaillons d'arrache-pied pour leur redonner un nouveau souffle. Nous faisons des progrès, mais ce n'est pas sans difficultés.
Le président: Monsieur Mitchell, je vous remercie de cet excellent exposé. Vous avez répondu très clairement à nos questions.
Vous avez dit plusieurs fois que votre politique en matière de formation de la main-d'oeuvre était prête et que vous alliez négocier incessamment avec le gouvernement fédéral. Vous avez annoncé cela hier, ou avant-hier, dans votre province. Vous serait-il possible de faire parvenir un exemplaire de cette politique à notre greffière?
M. Mitchell: Oui. Nous avons ce document ici.
Le président: Pourriez-vous en laisser un exemplaire à notre greffière pour que nous puissions en faire des copies?
M. Mitchell: D'accord.
Le président: Je pense que cela serait utile.
M. Mitchell: Oui.
Le président: Je tiens à vous remercier, ainsi que votre sous-ministre, d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Nous avons rencontré votre sous-ministre à Regina, et nous avons beaucoup apprécié sa contribution. Si nous pouvions avoir une politique sur la formation de la main-d'oeuvre qui porte le nom de «Politique Mitchell», cela serait certainement un atout pour le Canada.
M. Mitchell: Merci beaucoup, monsieur le président. Je veux simplement mentionner le rapport MacKay. Si vous avez le temps, la lecture du rapport de Harold MacKay est des plus édifiantes. Je fraye depuis longtemps dans les milieux gouvernementaux, j'ai lu des tas de rapports, mais c'est indéniablement le meilleur que j'ai jamais lu. C'est une oeuvre littéraire. Il est très rare de trouver dans la masse des rapports gouvernementaux une véritable perle, une oeuvre littéraire. Je vous en recommande vivement la lecture si vous avez le temps.
Le président: Merci beaucoup, monsieur.
M. Perrins: Ce n'est pas un bureaucrate qui l'a écrit.
Le président: Si vous le voulez, vous pouvez rester ici pour entendre le témoin suivant.
M. Mitchell: Je vous remercie de votre offre, mais comme j'ai des rendez-vous échelonnés toute la journée, je devrai partir. Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de comparaître ici et de rencontrer les membres d'un comité comme le vôtre au sujet d'une question aussi importante.
Le président: Nous vous remercions tout particulièrement, monsieur le ministre, d'être venu nous voir et de porter autant d'intérêt à l'enseignement postsecondaire.
Nous accueillons maintenant M. Ross Finnie et M. Saul Schwartz, professeurs à l'Université Carleton.
Bienvenue à nos audiences. Je ne serai pas là pour entendre votre exposé, mais je pourrai en lire le compte rendu par la suite. Je vous remercie beaucoup d'être venus comparaître aujourd'hui.
Je demanderais maintenant à la vice-présidente d'assumer la présidence.
Le sénateur Thérèse Lavoie-Roux: (vice-présidente) occupe le fauteuil.
La vice-présidente: Bienvenue, monsieur Finnie. Bienvenue, monsieur Schwartz. Vous avez la parole.
M. Saul Schwartz, professeur, Université Carleton: Nous nous limiterons à cinq minutes environ chacun, car nous préférons répondre à vos questions. Nous allons nous inspirer de la totalité de nos travaux, ce qui fait suite au témoignage précédent de M. Finnie sur un autre sujet. Nos travaux ont une plus grande portée que le sujet plutôt étroit, mais important, des prêts aux étudiants.
Premièrement, les études supérieures sont maintenant plus importantes, plus risquées et plus coûteuses que jamais, ce qui n'est pas sans créer des problèmes. Prenons le point de vue des étudiants. On leur demande de courir des risques qu'on n'a jamais demandé à leurs prédécesseurs de courir. Si nous souscrivons à l'idée que nos enfants doivent s'efforcer de réaliser leurs rêves, nous devons néanmoins prévoir une autre avenue pour ceux qui échoueront, car ils seront inévitablement nombreux à échouer. Pour chaque personne qui gagne une médaille olympique, il y en a beaucoup d'autres qui ne montent pas sur le podium.
Deuxièmement, les prêts aux étudiants, et en particulier les prêts consentis aux termes du Programme canadien de prêts aux étudiants, représentent une initiative heureuse et positive pour le Canada. En fait, ils représentent un modèle de coopération entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les établissements d'enseignement postsecondaire. Je tenais à dire cela d'entrée de jeu, car j'entends bientôt les critiquer. En général, il s'agit là d'un programme positif.
Or, depuis cinq ans, deux choses se sont produites. Premièrement, les programmes de subventions provinciaux ont essentiellement disparu, surtout en Ontario et dans les Maritimes. Par conséquent, les subventions provinciales aux étudiants ont essentiellement disparu. En général, les sommes d'argent que les étudiants ont dû emprunter ont augmenté sensiblement. Nos travaux, dont M. Finnie vous parlera dans un instant, portent sur des étudiants qui ont reçu leur diplôme universitaire en 1990. Depuis lors, les subventions ont chuté et le niveau des emprunts a augmenté énormément. Selon nos calculs, l'étudiant moyen emprunte environ 6 000 $ par an pour chaque année de sa scolarité. Ils ne fréquentent pas tous l'université pendant un grand nombre d'années, mais il s'agit d'une moyenne annuelle.
De concert avec des fonctionnaires de Ressources Humaines Canada, je participe à l'évaluation du PCPE. Dans ce contexte, nous avons interrogé des groupes cibles composés d'emprunteurs, et nous avons entendu des histoires assez alarmantes. Ainsi, une mère seule de la Nouvelle-Écosse nous a dit avoir emprunté 12 000 $ pour suivre un cours de toilettage des animaux familiers. Elle s'est rendu compte au milieu de ses études qu'elle ne pourrait jamais obtenir un emploi -- pour peu qu'elle en obtienne un -- qui soit suffisamment rémunérateur pour qu'elle puisse rembourser son emprunt.
On entend de multiples histoires au sujet de gens qui font précisément ce que nous leur conseillons de faire, c'est-à-dire poursuivre leurs études et leur formation, et qui, malgré tout, ne sont pas récompensés pour autant. Cela est inévitable. En général, je pense que les prêts sont une bonne chose. Cependant, dans deux ou trois ans, vous entendrez des histoires alarmantes. Des gens qui ont emprunté des sommes considérables ne peuvent trouver d'emploi. Et cela se produira de plus en plus.
Troisièmement, on a souvent une idée toute faite au sujet du profil de l'étudiant emprunteur. On s'imagine que c'est un étudiant d'université en quête d'un diplôme de premier cycle. Cependant, ce n'est pas la norme. Environ la moitié des étudiants qui ont recours au PCPE ne sont pas des étudiants du premier cycle universitaire. Ils fréquentent des collèges communautaires et des collèges de formation privés. Certains d'entre eux apprennent l'entretien des réseaux d'ordinateurs. Ils paient des frais allant de 6 000 $ à 8 000 $ parce que ces écoles privées ne sont pas financées par le gouvernement.
Permettez-moi de vous donner un exemple. La semaine dernière, j'étais à Terre-Neuve pour prononcer une allocution au sujet des prêts et subventions visant la formation professionnelle. Il s'agit d'un programme de formation qui relève de l'assurance-emploi. Cela entre quelque peu en conflit avec les prêts aux étudiants, car dans certains cas cette formation est analogue à une formation universitaire. À Terre-Neuve, dans la foulée de la LSPA, qui à ce moment-là a versé des prestations généreuses aux bénéficiaires de l'assurance-emploi pour retourner à l'école, environ une centaine de nouvelles écoles ont vu le jour pour tirer parti des sommes disponibles pour la formation.
Il convient de reconnaître -- et je suis convaincu que vous le faites dans vos délibérations -- l'interaction entre les programmes de formation et l'enseignement postsecondaire traditionnel.
M. Ross Finnie, professeur, Université Carleton: J'aimerais d'abord parler des tendances globales d'emprunt et de remboursement. Le vieux dicton qui vient à l'esprit est le suivant: au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Comme c'était le cas pour les pensions alimentaires, il y a en l'occurrence très peu de données valables qui apportent une réponse aux nombreuses questions que nous nous posons au sujet des emprunts contractés au niveau postsecondaire. J'ai trouvé fortuitement certaines données que j'ai pu exploiter, ainsi que diverses publications. Tout cela figure dans notre livre, dont vous avez des exemplaires.
M. Schwartz: Ne le tournez pas à l'envers. À Terre-Neuve, quelqu'un m'a fait remarquer que si l'on met la page couverture à l'envers, on obtient cette image d'yeux qui pleurent ou de larmes qui coulent. Je ne m'en étais jamais rendu compte. J'espère que ce n'est pas un complot.
M. Finnie: J'ai donc pu mettre la main sur ces données issues de vastes sondages représentatifs des étudiants qui ont terminé leurs études collégiales ou universitaires. Ces données englobaient trois générations différentes: celle qui a terminé en 1982, celle qui a terminé en 1986, et celle qui a terminé en 1990. Une série de questions portaient sur les prêts étudiants; par exemple: «Aviez-vous un prêt étudiant? Dans l'affirmative, à combien se chiffrait-il?» Et environ deux ans après l'obtention de leur diplôme, on leur a demandé: «Combien avez-vous remboursé? Avez-vous rencontré des problèmes? Dans l'affirmative, quelles étaient les sources de ces problèmes?»
Comme les données dont j'ai pu me servir étaient très représentatives, nous avons été en mesure de faire une analyse par niveau de scolarité, par province, par domaine d'études et par sexe. Nous avons effectué une analyse détaillée et relié tout cela à des données subséquentes, dont le revenu après les premières années sur le marché du travail.
Il serait utile d'avoir des chiffres annuels établissant combien les étudiants empruntent à chaque stade de leur éducation. Autrement dit, à la fin de leur scolarité, et ensuite après l'obtention du diplôme, on pourrait déterminer l'ampleur de leur dette, quel pourcentage ils ont pu en rembourser, quelles conséquences cela a pour leur vie, leur décision de poursuivre des études supérieures, et cetera. Il y a tout un éventail de questions qu'on pourrait poser. On pourrait élaborer un questionnaire éminemment utile. Cela en vaudrait sans doute la peine. Cependant, comme ces données sont inexistantes, ce que nous avons est sans doute la meilleure information qu'on puisse trouver.
Le problème, c'est que le dernier groupe d'étudiants que nous avons pu examiner ont obtenu leur diplôme en 1990. Manifestement, les choses ont changé depuis, mais même pour 1990 les résultats sont intéressants. En effet, ils renferment des surprises et vont à l'encontre de l'idée que se faisaient la plupart des gens de la situation, même en 1990.
Le résultat le plus frappant pour la génération de 1990, c'est que la moitié des étudiants qui ont obtenu un baccalauréat avaient un prêt étudiant. Cela signifie que la moitié n'en avait pas. Cela étonne souvent beaucoup de gens qui pensent que la plupart des étudiants ont des prêts.
L'emprunt moyen à la fin d'un programme réussi s'établissait à 8 500 $ environ. La moitié des étudiants en avait un. Quelques caractéristiques intéressantes se rattachent à cela. Les niveaux d'emprunt semblent à peu près les mêmes pour les hommes et les femmes. Et la même chose est ressortie par champ d'études, à l'exception de la médecine, mais pour l'ingénierie, les domaines à revenu élevé et à faible revenu, c'était du pareil au même. Le sondage a révélé une autre donnée intéressante toutefois: le total de l'emprunt contracté était approximativement le même par niveau de scolarité. Les titulaires de maîtrises terminaient approximativement avec le même emprunt au total que les bacheliers, et la même chose s'applique aux titulaires de doctorats.
C'est un résultat particulièrement intéressant, puisqu'il contredit l'idée que bien des gens se font lorsqu'ils entendent parler des emprunts moyens contractés au niveau du baccalauréat, auxquels on ajoute ceux de la maîtrise et, ensuite, du doctorat. Ce n'est pas nécessairement ainsi que les choses se passent. Le fait est qu'à mesure qu'ils avancent dans le système, les étudiants accumulent davantage de dettes, mais ceux qui poursuivent des études supérieures ont généralement des emprunts moindres aux niveaux précédents. Ainsi, les titulaires de maîtrises ont généralement emprunté moins lorsqu'ils étaient bacheliers. Nous en parlons dans le livre. C'est un résultat important.
Ce qui importe, c'est que ces données montrent qu'il ne s'agit pas d'une augmentation constante. Quant à savoir si cela demeure vrai aujourd'hui, c'est discutable. On entend parler d'étudiants qui affirment terminer leurs études avec des dettes de 20 000 $ et un baccalauréat. On dit aussi que cela en décourage d'aller chercher un diplôme supérieur. C'est vrai que cela peut être un facteur de dissuasion, mais l'équation n'est pas aussi simple que cela, du moins en termes de niveaux d'emprunt.
Pour ce qui est du remboursement, nous avons constaté que le taux de remboursement était assez élevé, même au cours des deux ou trois premières années suivant l'obtention du diplôme. Les étudiants qui avaient emprunté -- et nous parlons de la moitié de la population étudiante qui a terminé ses études -- avaient remboursé en moyenne le tiers de leur dette environ après deux ans. Un nombre substantiel d'entre eux avait remboursé la totalité de leurs emprunts. Certains n'avaient fait que peu de progrès, mais le remboursement était relativement rapide.
Chose intéressante, parmi ceux qui avaient encore des prêts en souffrance deux ans après, un pourcentage relativement faible, avouaient avoir des difficultés à les rembourser. Les chiffres figurent dans ce livre. Cela représentait de 20 à 25 p. 100. Il est important de garder à l'esprit que les 20 à 25 p. 100 qui ont répondu «oui» avaient rencontré des difficultés. Rappelez-vous où nous avons commencé. La moitié seulement des étudiants avaient des prêts et environ un tiers d'entre eux avaient réussi à les rembourser entièrement en l'espace de deux ans. Une fois la poussière retombée, environ 7 ou 8 p. 100 de tous les diplômés ont des difficultés à rembourser leurs prêts aux termes du Programme canadien de prêts aux étudiants.
La vice-présidente: Cela vaut pour les titulaires de baccalauréats ou pour tous les niveaux?
M. Finnie: Cela varie. Je pense qu'on commence au niveau du baccalauréat. C'est au niveau du baccalauréat. Les chiffres sont dans le livre.
Pour le niveau de la maîtrise, c'est à peu près la même chose -- autrement dit, 20 p. 100 de ceux qui ont répondu. À tous les niveaux, le pourcentage est approximativement le même.
Cela constitue un résultat important, car on aurait sans doute cru, même en 1990, que le pourcentage de diplômés ayant des difficultés à rembourser leurs prêts aurait été plus élevé. Encore une fois, je répète que la situation a changé depuis. Il serait intéressant de savoir ce qu'il en est à l'heure actuelle.
La vice-présidente: Les choses ont peut-être empiré.
M. Finnie: Il ne fait aucun doute que la situation a empiré, mais nous ne savons pas dans quelle mesure. Je ne connais aucune donnée suffisamment valable pour nous permettre de cerner la situation.
En 1997, il y aura un autre sondage de ce genre, ce qui nous donnera une meilleure idée. En moyenne, l'endettement n'était pas particulièrement lourd, et les étudiants n'avaient pas tellement de mal à rembourser leurs emprunts. Cependant, il y avait des concentrations de problèmes. Cela ne fait aucun doute. Et cela nous donne une perspective intéressante. En moyenne, les choses n'allaient pas si mal, mais nous devons être vigilants au sujet de ces concentrations de problèmes.
J'aimerais dire quelques mots au sujet de l'htmect équité de l'enseignement postsecondaire. Généralement, les étudiants n'ont pas tellement d'argent, mais c'est parce qu'ils en sont à ce stade de leur vie. Personne n'a beaucoup d'argent à cet âge-là. En moyenne, les étudiants de niveau postsecondaire viennent de milieux socio-économiques aisés et, plus que jamais, ils tendent par la suite à toucher des revenus plus élevés que d'autres. Avec le résultat que les transferts pour l'enseignement postsecondaire sont généralement régressifs. Si l'on considère le contribuable moyen, chaque fois que des sommes sont versées pour l'enseignement postsecondaire -- dans une perspective à long terme --, il s'agit d'un transfert régressif. Autrement dit, c'est le citoyen moyen qui finance celui qui est plus nanti. C'est une considération qu'il convient de toujours garder présente à l'esprit. Par exemple, au moment où les étudiants paient 3 000 $ ou 4 000 $ de frais de scolarité, les 8 000 $, 9 000 $ ou 10 000 $ versés par l'État se retrouvent dans la poche de ceux qui viennent généralement de milieux socio-économiques favorisés et qui, ultérieurement, toucheront des revenus supérieurs. Cela devrait être pris en considération.
À cela se rattache la question de l'accès. Ce ne sont pas tous les étudiants de niveau postsecondaire qui viennent de milieux favorisés. Quelle que soit la politique retenue, elle devra tenir compte de ces deux facteurs, soit la nature régressive des transferts en moyenne et le fait que cette moyenne ne vise pas tous les cas. Pour les familles qui n'ont pas beaucoup d'argent pour venir en aide à leur enfant, particulièrement si les choses tournent mal, le problème est différent. Mais la plupart des étudiants pourraient assumer des frais de scolarité de 5 000 $ ou 10 000 $, à condition qu'il y ait des mécanismes qui leur permettent d'emprunter et de rembourser ensuite sur une période prolongée. Cependant, cela ne sera pas toujours le cas. C'est un problème, particulièrement pour ceux qui ne peuvent compter sur le soutien de leur famille.
J'aimerais maintenant dire une ou deux choses au sujet du Programme canadien de prêts aux étudiants. C'est le titre du livre. Notre analyse nous a amenés à conclure que les changements récents ont pratiquement tous été dans la bonne direction. Je songe notamment au fait que les limites d'emprunt ont été augmentées, de sorte qu'il y a davantage d'argent disponible pour les étudiants dans le besoin. On a aussi normalisé les critères d'emprunt et précisé qui peut et ne peut pas emprunter. Il y a davantage d'équité dans tout le pays.
Chose importante, on a injecté des fonds supplémentaires dans les programmes d'aide aux étudiants qui rencontrent des difficultés dans les années qui suivent immédiatement l'obtention du diplôme, par exemple pour ceux qui sont en chômage. On a maintenant élargi cela à ceux qui ont de faibles revenus. Ils peuvent avoir accès au soutien du revenu, ce qui est bon. C'est un moyen d'aider ceux pour qui les choses ne tournent pas comme prévu à traverser cette période extrêmement difficile.
Enfin, on a conféré aux banques la responsabilité du remboursement, ce qui devrait se traduire par une perception plus souple et plus efficiente des prêts aux étudiants. Il devrait y avoir moins de mauvaises créances.
L'ancien système prévoyait des échéances de remboursement très rigides, en principe sur une période d'une dizaine d'années. Si quelqu'un traversait une période difficile et que les banques étaient appelées à négocier le remboursement, il risquait, dans bien des cas, de compromettre la garantie fédérale relative aux prêts. Il y avait en fait par le passé des obstacles à la souplesse. La plupart de ces obstacles ont été supprimés du fait que les banques sont désormais responsables des prêts. Cela pourrait amener les gérants de banque à demander à l'étudiant s'il traverse une période difficile et, si c'est le cas, à s'enquérir de la date à laquelle il pourrait commencer à rembourser son prêt.
On a sensiblement amélioré le Programme canadien de prêts aux étudiants ces dernières années. En fait, on a fait beaucoup d'efforts pour lui conférer la souplesse d'un programme axé sur le revenu. Il sera intéressant de voir les résultats que cela donnera.
Mon dernier point n'a rien à voir avec ma recherche. Il s'inspire uniquement de mon expérience, des expériences de mes collègues et des étudiants. Ce que nous entendons, ce que nous voyons et ce que nous constatons, c'est que les choses ont changé radicalement dans le système d'enseignement postsecondaire depuis les trois, quatre ou cinq dernières années. Il y a eu un déclin marqué de la qualité de l'éducation. On n'embauche pas de nouveaux professeurs, et le nombre d'étudiants dans les classes s'accroît. Il est d'ailleurs plus élevé que jamais. Les classes comptent rarement moins de 200 ou 300 étudiants. Étant donné qu'on a réduit le nombre d'aides-enseignants, pour leurs examens, au lieu de répondre par de vraies réponses à de vraies questions, on leur propose des choix multiples. C'est le système en vigueur aujourd'hui. L'université est une usine, et une usine qui se dégrade.
Ces dernières années, l'éducation telle qu'on la concevait, c'est-à-dire l'éducation fondée sur l'enseignement de Platon, l'échange d'idées, l'expression de ces idées sur papier et leur évaluation, ainsi que les rapports entre les étudiants et entre les professeurs et les étudiants, s'est sensiblement détériorée.
Que les frais de scolarité soient de 3 000 $, 4 000 $ ou 5 000 $ par année, cela importe sans doute à bon nombre d'étudiants, mais dans l'ensemble, ce qui importe le plus, c'est de savoir ce que nous voulons faire du régime d'enseignement postsecondaire au Canada. Qui doit s'en occuper? Pour le compte de qui? Qui doit payer? Le principal problème est celui de la qualité. À mon humble avis, la qualité de nos établissements d'enseignement postsecondaire diminue rapidement, que l'on parle de l'Université Carleton, de Queen's ou de n'importe quelle autre université. C'est la même chose partout. Cela doit nous inquiéter immédiatement et pour l'avenir. Nos universités doivent être au coeur d'une économie fondée sur le savoir.
Chaque fois que nous perdons un professeur qui décide de s'établir aux États-Unis parce qu'il y a là de meilleures installations de recherche ou qu'il peut faire deux ou trois fois plus d'argent qu'au Canada, chaque fois qu'un étudiant se trouve devant un examen à choix multiples au lieu de pouvoir exprimer ses idées par écrit et d'obtenir le commentaire d'un professeur, nous faisons disparaître d'autres possibilités pour l'avenir. Nous devrons en payer le prix plus tard.
La vice-présidente: Merci.
Je suis heureuse que vous soyez venus ici aujourd'hui. Nous avons entendu le point de vue des étudiants d'un peu partout. Ils insistent tous sur la qualité de l'enseignement et sur le fardeau de la dette. Certains nous ont dit qu'ils auront une dette de 40 000 $ sans la moindre garantie d'obtenir un emploi. Vous vous êtes penchés de plus près sur ce problème, et cela nous intéresse beaucoup.
M. Finnie: Les journalistes rencontrent toujours les mêmes étudiants dans les cafétérias. Ce sont tous des étudiants qui doivent 40 000 $. De mon côté, je vous prie de consulter le tableau 4 de notre livre.
La vice-présidente: À quelle page?
M. Finnie: C'est à la page 30. Nous montrons la répartition du fardeau de la dette pour 1990. Nous montrons la proportion des étudiants à différents niveaux de dette. Par exemple, 15 p. 100 des étudiants au niveau du baccalauréat ont une dette de plus de 15 000 $, et c'est à peu près la même chose pour les femmes. Seulement environ 15 p. 100 des étudiants qui obtiennent un baccalauréat ont accumulé plus de 15 000 $ de prêts, et seulement 5 p. 100 ont plus de 20 000 $ de dettes. C'était, bien sûr, en 1990.
M. Schwartz: Il y a un fait peu connu au sujet des prêts aux étudiants qui vous semblera très logique dès que je vous l'aurai signalé. Ceux qui empruntent le plus sont ceux qui réussissent le mieux, parce que vous ne pouvez pas accumuler une dette de 40 000 $, 30 000 $ ou 20 000 $ à moins d'avoir fait de bien longues études. L'étudiant qui suit un programme d'un an qui ne lui donne pas grand-chose sur le plan de l'emploi n'emprunte pas 30 000 $. Celui qui emprunte de tels montants est celui qui a obtenu un baccalauréat et a peut-être continué ses études pour obtenir sa maîtrise; ce sont eux qui empruntent le plus et ce sont eux aussi qui ont le plus de chances de bien réussir sur le marché du travail et qui seront le mieux en mesure de rembourser ces emprunts importants. Le montant de l'emprunt est donc lié à la réussite postsecondaire. La corrélation n'est cependant pas parfaite. Il y a des gens qui empruntent beaucoup et qui ne réussissent pas très bien, mais, de façon générale, ceux qui empruntent le plus sont ceux qui peuvent le mieux rembourser.
Le sénateur Andreychuk: Je suis de plus en plus mêlée. Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire, soit que le montant des emprunts n'augmente pas au niveau de la maîtrise et du doctorat?
M. Finnie: Oui. C'est un résultat intéressant, n'est-ce pas?
Le sénateur Andreychuk: Savez-vous pourquoi? D'après certains témoins que nous avons entendus, on peut emprunter moins pour obtenir son premier diplôme parce qu'on n'a pas besoin de se spécialiser beaucoup à ce niveau-là. À mesure que l'on atteint le niveau de la maîtrise et du doctorat, on a besoin d'outils ou d'instruments plus spécialisés qui coûtent beaucoup plus cher, et l'on n'emprunte plus uniquement pour payer les frais de scolarité, mais aussi tout le reste. Certains nous ont dit le contraire. Vous dites de votre côté que le montant des emprunts n'augmente pas. Pourtant, je vous ai entendu dire il y a un instant que c'est l'étudiant qui a le mieux réussi, qui a fait les études les plus longues et qui travaille pour obtenir un autre diplôme qui emprunte 40 000 $. Comment faire le rapport entre tout cela?
M. Schwartz: Le point le plus important, c'est que les étudiants qui font de longues études viennent pour la majorité de familles aisées. Nous avons constaté dans les données que, par exemple, au niveau de la maîtrise, les étudiants ont emprunté moins avant d'obtenir leur baccalauréat parce qu'ils n'étaient pas admissibles pour emprunter autant. Leurs parents étaient plus riches. C'est de cela que voulait parler M. Finnie.
De mon côté, je veux parler des quelques étudiants qui vous diront ou qui diront aux journalistes qu'ils ont emprunté 40 000 $. Ces quelques étudiants sont ceux qui n'appartiennent pas à une famille à revenu élevé et qui ont dû emprunter 6 000 $ par an pendant quatre, cinq ou six ans. Leur cas est assez rare. De façon générale, ceux qui obtiennent une maîtrise ou un doctorat font partie d'une famille à revenu élevé et n'étaient donc pas admissibles pour emprunter autant avant d'obtenir leur baccalauréat.
Est-ce bien cela, monsieur Finnie?
M. Finnie: Oui. C'est un résultat important. Par exemple, le tableau à la page 25 montre les niveaux d'emprunt moyen. Nous ne savons pas exactement pourquoi, mais au niveau du baccalauréat, par exemple, les étudiants qui obtiennent leur diplôme ont une dette de 8 700 $; ceux qui obtiennent leur maîtrise ont une dette de 8 400 $ et de 8 600 $; et les étudiants au niveau du doctorat ont une dette de 7 500 $ et 9 000 $.
Le sénateur Andreychuk: Vous dites cependant que vos données ne vont que jusqu'en 1990. Nous allons rédiger un rapport d'ici peu. Si nous tenons compte de ce que nous avons entendu, le titre de notre rapport devrait être «Faut-il sonner l'alarme?», mais d'après vous, ce devrait être «Dissiper les fausses notions».
Ce qui me trouble, c'est que la réduction énorme des paiements de transfert aux universités et à toutes les infrastructures sociales qui touchent les familles, les étudiants et les universités, ont eu lieu depuis 1990.
M. Finnie: C'est exact.
Le sénateur Andreychuk: Que les craintes des étudiants soient fondées ou non, bon nombre d'entre eux sont très inquiets. Comme je l'ai dit hier, je suis tout à fait convaincue que les étudiants sont de nature quelque peu cynique et sceptique, ce qui est une très bonne chose. Cela les pousse à se demander si l'éducation qu'ils obtiennent est de bonne qualité et s'ils paient trop cher. Même si c'est une caractéristique de ce groupe d'âge, et que c'est une caractéristique tout à fait saine, j'ai l'impression que les étudiants sont plus inquiets qu'auparavant.
Vos chiffres donneraient-ils les mêmes résultats pour la période de 1990 à 1997 ou y aurait-il des changements? S'il y a des changements, est-ce parce que les emplois ne sont plus là?
M. Finnie: Un bon titre serait peut-être «Sonnons l'alarme tout en dissipant les fausses notions». Il faudrait dissiper certaines notions erronées, par exemple, celle voulant que le fardeau de la dette augmente à mesure que l'on passe du baccalauréat à la maîtrise et au doctorat.
Le sénateur Andreychuk: Oui.
M. Finnie: Je demande aux gens: «Qu'y a-t-il de nouveau?» Ils me répondent: «Même en 1990, si quelqu'un vous avait dit que seulement 6 ou 7 p. 100 de tous les étudiants qui obtiennent un baccalauréat empruntent et ont du mal à rembourser, la plupart des gens auraient été étonnés.» La situation s'est effectivement détériorée, mais ce qui s'est détérioré, c'est une situation et une structure sur laquelle nous n'avions pas tellement de renseignements au départ. Autrement dit, la situation s'est bien aggravée depuis 1990, mais à cette époque-là, la situation n'était pas aussi déplorable qu'on aurait pu le croire. C'est un fait important.
Qui plus est, les tendances générales se sont probablement maintenues. Par exemple, le niveau d'emprunt par domaine et par genre est probablement resté à peu près stable. Nous ne pouvons en être sûr, mais c'est probablement encore le cas pour les trois groupes que nous avons examinés.
Si l'on essaie de déterminer où il y a un problème, on constate qu'ils sont dans les domaines où les niveaux de rémunération sont plus faibles après l'obtention du diplôme. Il y a des étudiants qui obtiennent des emprunts et qui songent à l'avenir. D'une certaine façon, ils choisissent de demander un emprunt. Ils se lancent dans un domaine d'études particulier où il y a des problèmes parce que le niveau de rémunération est plus faible qu'ailleurs et ainsi de suite.
Nous voudrions lancer un avertissement aux étudiants et leur dire: «Prenez garde lorsque vous obtenez un emprunt et choisissez le sujet de vos études. Il y a certaines tendances relatives au niveau de la dette selon les sujets d'étude et certains rapports avec les problèmes de remboursement.» C'est tout à fait logique. Le problème vient de ce qui se passe sur le marché du travail. La situation était peut-être différente en 1990 que ce que nous aurions pu prévoir. Les tendances qui se dégagent ont peut-être été établies à partir des chiffres de cette époque, mais la situation était quelque peu différente de ce que nous aurions pu croire. La structure générale des emprunts est probablement plus ou moins la même maintenant.
Je voudrais terminer en parlant de ce qu'on dit à propos de la difficulté de trouver des emplois. Si l'on utilise les mêmes données dans un autre secteur de recherches, on constate que l'absence d'emplois est une idée erronée qu'on exagère beaucoup. Autrement dit, les tendances d'emploi, les niveaux de rémunération, et ainsi de suite, n'ont pas diminué tellement pour les diplômés au niveau postsecondaire malgré tout ce qu'on entend dire à ce sujet. Par exemple, la situation ne semblait pas si mauvaise au moment où les diplômés de 1990 à 1992 sont arrivés sur le marché du travail.
Il n'y a pas vraiment de preuves chez les diplômés au niveau postsecondaire que la situation s'est particulièrement aggravée depuis le début des années 90. La situation est sans doute pire qu'elle ne l'était pour ceux qui ne poursuivent pas leurs études, par exemple, pour ceux qui ont un niveau de compétence plus faible et pour les étudiants plus jeunes. Une fausse notion dont nous devons nous méfier consiste à dire que les choses vont très mal pour tous les adolescents, mais la situation n'est pas aussi grave pour ceux qui ont un diplôme postsecondaire.
La vice-présidente: Ce n'est pas ce qu'on nous dit dans la communauté.
M. Schwartz: Je suis certain que non.
La vice-présidente: Ceux qui obtiennent un diplôme en commerce, en droit, en génie et dans d'autres domaines ne trouvent pas d'emplois.
M. Finnie: J'ai maintenant les données de 1995 et je commence à les analyser. On aurait pu croire que la situation était plus grave pour les diplômés de 1990 que pour ceux de 1982, par exemple, mais ce n'était pas le cas. Les taux de chômage et les niveaux de rémunération étaient à peu près les mêmes. La situation était plus favorable pour les diplômés en 1986 parce que l'économie était très forte au milieu des années 80. De façon générale, la situation des diplômés de 1990 n'était pas particulièrement plus précaire que celle des diplômés de 1982. C'est ce que révèlent les chiffres.
M. Schwartz: Permettez-moi de vous rappeler certains faits historiques qui vous aideront peut-être à rédiger votre rapport.
En 1966, on discutait beaucoup de la question de savoir si les étudiants allaient même emprunter et si on ne leur imposait pas un fardeau trop lourd en les obligeant à emprunter. Personne ne connaissait la réponse à l'époque. On disait: «La situation en 1966 n'est pas la même qu'en 1960, il faudra attendre de voir les nouvelles données.» Les étudiants ont continué à emprunter et l'accès aux études s'est accru énormément en partie à cause de ces emprunts.
En 1976, un expert-conseil de Washington a rédigé un article célèbre qui s'intitulait «Imposons-nous un trop lourd fardeau à toute une génération?» On s'inquiétait parce que les étudiants avaient emprunté alors qu'on avait cru qu'ils ne le feraient pas. Vu qu'ils avaient emprunté, on se demandait si l'on imposait un trop lourd fardeau à toute une génération vu que les étudiants devraient rembourser leur dette après l'obtention de leur diplôme. D'après l'expert-conseil, les étudiants n'avaient pas encore suffisamment emprunté à l'époque.
Vers la fin des années 80, j'ai mené une étude parce que le Sénat des États-Unis craignait que les étudiants n'empruntent que pour pouvoir acheter une automobile ou une maison et mener de façon générale le genre de vie auquel on s'attendrait pour des gens à la fin de la vingtaine. Encore une fois, la réponse était que les étudiants empruntaient plus qu'en 1976, mais que, sauf pour le même petit groupe de 5 ou 10 p. 100, il n'y avait pas la moindre preuve que ces emprunts leur causent vraiment des problèmes.
À la fin des années 80, nous avions dit: «Mais la situation a changé; nous devrons attendre les années 90 pour savoir dans quelle mesure.»
Dans notre livre, M. Finnie et moi signalons que nous examinons en 1996 ce qui est arrivé aux diplômés de 1990. Les étudiants empruntaient alors plus que leurs prédécesseurs, mais dans l'ensemble, ils n'ont pas tellement de mal à rembourser. Nous disons encore une fois: «Attendez un instant; la situation a changé énormément au cours des années 90.» Cela étant dit, la situation m'inquiète, mais elle m'inquiète de la même façon qu'elle inquiétait les gens en 1966, en 1976 et en 1986. J'ignore quel titre je pourrais donner au rapport, mais la même tendance s'est toujours manifestée au cours des années. La situation évolue encore. Les étudiants empruntent toujours plus, mais nous nous aventurons en territoire inconnu, comme nous l'avons toujours fait.
M. Schwartz: Il faut aussi avoir une certaine perspective.
La vice-présidente: Je m'excuse, mais je dois vous interrompre. Le sénateur Forest et moi-même devons maintenant nous rendre au comité des finances.
Le sénateur Forest: Je m'excuse, mais je dois partir maintenant.
La vice-présidente: Je vous remercie de votre exposé. Je lirai la transcription très attentivement. C'est très intéressant pour nous qu'on fasse le point de façon aussi exacte. Nous avons entendons toutes sortes de choses un peu partout dans le pays. C'est une question importante et vos témoignages nous aideront dans notre examen de l'enseignement postsecondaire.
M. Finnie: Nous ne représentons aucun groupe particulier. Je pense que nous pouvons l'affirmer sans crainte. Nous nous intéressons uniquement au régime d'enseignement.
La vice-présidente: Oui.
M. Finnie: Nous avons essayé de faire une étude objective.
Le sénateur Forest: Je propose que le sénateur Andreychuk occupe maintenant le fauteuil.
La vice-présidente: Êtes-vous d'accord?
Des voix: D'accord.
La vice-présidente: Adopté.
Nous nous excusons de l'interruption. Je prie le sénateur Andreychuk d'occuper maintenant le fauteuil.
Le sénateur Raynell Andreychuk (présidente suppléante) occupe le fauteuil.
La présidente suppléante: Je m'excuse moi aussi. D'habitude nous attendons à la fin de juin pour avoir des activités aussi frénétiques, mais personne ne semble savoir au juste s'il y aura des élections ou non.
M. Schwartz: Je croyais que ce devait être le 2 juin.
La présidente suppléante: Exactement. Nous nous comportons comme si nous étions à la fin de juin, ce qui veut dire que la plupart d'entre nous devons assister en même temps à quatre séances de comité. Heureusement, la transcription des délibérations nous arrive très rapidement. Nous lisons beaucoup et tout le monde finit par se rattraper. Même si nous sommes peu nombreux, cela ne veut pas dire que le débat ne nous intéresse pas.
L'objectif est-il toujours l'universalité et l'accès à l'éducation dont on parlait toujours dans les années 60? Nous voulions à l'époque donner des chances égales à tous ceux qui avaient le talent et le désir de fréquenter l'université. Nous avons retiré beaucoup d'argent du programme; il y a donc beaucoup moins d'argent disponible. Vos chiffres montrent-ils que nous devons faire plus pour un groupe particulier, qu'il représente 8 ou 10 p. 100? Autrement dit, y a-t-il des gens qui devraient fréquenter l'université, mais qui ont du mal à le faire à cause de leur situation financière? Devrions-nous faire quelque chose de spécial pour les aider?
M. Finnie: Nos chiffres n'ont pas vraiment de rapport avec ce problème qui porte sur la question de savoir qui serait dissuader de fréquenter l'université parce que les frais de scolarité augmentent?
La présidente suppléante: Vous avez aussi signalé que la plupart des gens obtiennent des emprunts. Le niveau de la dette est malgré tout acceptable, même s'il augmente. Les étudiants peuvent rembourser leurs emprunts parce qu'ils ont des emplois qui les attendent et qui leur permettront de le faire, sauf pour les 6, 8 ou 10 p. 100 qui ont du mal à rembourser. J'ai peut-être laisser entendre à tort que la situation est injuste parce que ces diplômés constituent des atouts pour notre société. Devrions-nous faire davantage pour atténuer les problèmes qu'ils éprouvent à rembourser leurs emprunts ou sont-ils eux-mêmes la cause de leurs propres problèmes?
M. Schwartz: Notre livre porte sur les diplômés au niveau du baccalauréat. Je ne pense pas que vous devriez vous faire du souci pour eux. Certains ont sans doute des problèmes; il ne fait pas le moindre doute qu'un petit pourcentage de ces étudiants font beaucoup d'efforts pour obtenir leur diplôme et ne trouvent pas d'emploi. N'oubliez pas que la moitié de ceux qui demandent un emprunt ne fréquentent pas l'université, mais plutôt un collège communautaire ou une école de métier et font des études qui ne mènent pas à l'obtention d'un diplôme. Ce secteur ne sert ni les enfants de la classe moyenne ni les enfants des riches. Il sert les échelons inférieurs de la classe moyenne. Ce sont ceux qui suivent par exemple un cours de toilettage de chiens ou d'Internet. On exerce très peu de contrôle sur la qualité de l'enseignement fourni par ces établissements. Je ne suis pas certain que l'on contrôle tellement la qualité de l'enseignement fourni dans les universités, mais il y en a certainement moins dans le cas des établissements de formation privés et peut-être même des collèges communautaires. C'est là que l'on trouve les taux les plus élevés de prêts non remboursés et c'est là que les étudiants suivent un cours d'un an ou deux et constatent ensuite qu'il n'y a pas d'emploi pour eux. Cela ne s'applique pas à tout le monde non plus. D'après moi, la plupart de ceux qui fréquentent ce genre d'école en ont pour leur argent. À votre place, ce sont ces étudiants qui m'inquiéteraient. Je ne m'inquiéterais pas pour les étudiants au niveau du baccalauréat.
M. Finnie: Je ne pense pas cependant que nous soyions en désaccord sur l'autre chose, soit la question de savoir si l'on a un filet de sécurité pour aider un peu ceux que le système laisse en rade. C'est l'un des principaux avantages d'un régime de remboursement basé sur le revenu. Nous parlons de régimes de ce genre dans notre livre. L'un des avantages vient du fait que cela constitue d'une certaine façon une espèce d'assurance pour ceux qui n'ont pas un revenu très élevé une fois leurs études terminées, qu'ils aient obtenu leur diplôme ou non. C'est un avantage. De façon générale, existe-t-il un régime du genre maintenant? Comme l'a dit M. Schwartz au début de ses observations, la situation est plus risquée que jamais.
Y a-t-il quelque chose pour s'assurer contre ce risque? Les changements apportés récemment au Programme canadien de prêts aux étudiants se sont attaqués dans une certaine mesure aux problèmes. Comme je l'ai dit tantôt, le gouvernement a accru les subventions d'intérêts non seulement pour les chômeurs, mais aussi pour les diplômés qui ont un faible revenu. C'est probablement un pas dans la bonne voie. De façon générale, ce peut être un facteur de dissuasion. Autrement dit, si les étudiants songent à leur avenir, même s'ils sont au courant de tous les faits, ils diront: «Il y a 5 ou 10 p. 100 de chance que j'emprunterai tout cet argent et que j'aurai beaucoup de mal à le rembourser.» Ceux qui se feront le plus de souci sont les étudiants de familles qui n'ont pas les moyens financiers de les aider.
Permettez-moi de vous donner un exemple précis. Supposons le cas de deux enfants qui ont les mêmes talents et qui veulent tous deux poursuivre leurs études après l'école secondaire. Un fait partie d'une famille riche et l'autre d'une famille moins riche. Les deux diront peut-être: «Je veux continuer mes études, mais je ne suis pas certain du résultat.» L'enfant de la famille riche se dira peut-être: «Même si j'accumule pas mal de dettes, il y aura toujours quelqu'un pour m'aider si je dois la rembourser et si je ne gagne pas assez pour le faire après avoir obtenu mon diplôme.»
L'enfant qui ne vient pas d'un milieu aussi favorisé ne sera pas dans la même situation. Dans bien des cas, le facteur d'assurance dont nous voulons parler est quelque chose de privé qui touche uniquement la famille parce que c'est ainsi que notre société fonctionne. Pour ceux qui n'ont pas cette assurance, y a-t-il un autre genre d'assurance ou un autre moyen d'obtenir de l'aide? C'est pour cela que je pense que nous sommes d'accord parce que la question d'accès est importante à ce niveau-là.
Pour la moyenne des diplômés, une dette de 15 000 $ ou de 20 000 $ n'est pas grand-chose. C'est le prix d'une automobile et les membres de notre société veulent encore acheter des automobiles. Par ailleurs, pour un diplômé qui n'est pas certain d'avoir un filet de sécurité si les choses vont mal, cela peut limiter gravement l'accès aux études.
La présidente suppléante: C'est une chose qui devrait nous inquiéter et sur laquelle nous devrions nous pencher?
M. Schwartz: Dans le cadre de l'examen du développement des ressources humaines au sujet du Programme canadien de prêts aux étudiants, j'ai rédigé un rapport qui analyse les conséquences des prêts et des subventions sur le niveau des inscriptions et la persistance des étudiants. D'après tous ces articles, qui viennent pour la plupart des États-Unis, il ne faut pas l'oublier, il ressort clairement que les subventions ont des conséquences positives sur les inscriptions et la persistance. Si vous donnez de l'argent aux gens, cela augmente les chances qu'ils s'inscriront à l'université.
Les chiffres relatifs aux prêts sont très ambigus. Si vous jetez un coup d'oeil aux 10 ou 12 études qui ont été menées à ce sujet, vous verrez que certaines montrent que l'on augmente les chances d'inscription et de persistance en consentant plus de prêts. D'autres études montrent que le niveau des inscriptions et de la persistance diminue à cause des facteurs mentionnés par M. Finnie. D'autres études encore montrent qu'il n'y a pas de conséquences. La question est difficile. Je ne pense pas que nous connaissions la réponse.
Ce que nous savons par contre, d'après les études aux États-Unis, c'est que le pauvres hésitent davantage à emprunter. Ce n'est pas qu'ils refusent de le faire. Si vous demandez aux gens s'ils pensent que c'est une bonne chose d'emprunter pour faire des études, 95 p. 100 des gens des classes supérieures répondront oui, mais bien sûr, ils ne sont pas obligés d'emprunter; environ 90 p. 100 des gens de la classe moyenne qui doivent emprunter diront que c'est bien d'emprunter, mais seulement 80 p. 100 de la classe pauvre répondront oui. Il y a un rapport entre le revenu familial et la volonté d'emprunter.
M. Finnie: Par exemple, une chose sur laquelle nous sommes en bonne partie d'accord, c'est que, en moyenne, le montant de la dette accumulée par les enfants de familles pauvres ne représente pas un fardeau excessif. Dans l'exemple que j'ai mentionné tantôt, le problème survient si l'investissement lui-même n'est pas fructueux. Cependant, même ceux pour qui l'investissement porterait fruit risque d'avoir une attitude différente et d'hésiter à investir si le revenu familial est faible.
Certains économistes en tiennent compte, mais peut-être pas autant qu'ils le devraient lorsqu'ils préconisent des frais de scolarité plus élevés dans le cadre d'un régime de remboursement basé sur le revenu qui permettrait aux étudiants de rembourser ces montants plus élevés pendant toute leur vie. D'abord, il y a le problème tout à fait réel de l'assurance et, deuxièmement, les facteurs psychologiques dont vient de parler M. Schwartz.
La présidente suppléante: Ma question finale a trait à une chose que vous avez mentionnée et dont on a parlé lors de nos audiences à Vancouver, soit que l'enseignement postsecondaire n'est pas uniquement dispensé dans les collèges communautaires et les universités, il y a aussi l'apprentissage permanent qu'offre maintenant de plus en plus l'entreprise privée. Ce genre d'enseignement est parfois régi à l'échelon provincial et d'autres fois non. Vous pouvez par exemple décider de donner des cours grâce à l'Internet. Ce que je reçois maintenant par mon ordinateur est tout à fait incroyable.
D'abord, est-ce une chose qui doit nous préoccuper? Deuxièmement, quel effet cela a-t-il sur les emprunts? Plus de gens cherchent-ils des moyens différents d'obtenir un diplôme postsecondaire. Est-ce un facteur de risque parce que l'on n'offre pas automatiquement des services d'orientation et autres choses du genre dans le cadre du système?
M. Schwartz: Oui. J'ai des idées bien arrêtées à ce sujet. Les écoles privées de formation constituent une solution très réelle pour ceux qui m'inquiètent le plus, c'est-à-dire pour les membres des classes à faible revenu. Cependant, ces écoles sont très mal réglementées. Les provinces ont le devoir de s'assurer de la qualité de l'enseignement dispensé par ces écoles, mais elles ne le font pas. Elles n'essaient pas de voir si l'enseignement qu'elles offrent est de bonne qualité. Personne ne va voir ce que l'on enseigne dans ces écoles. D'après ce genre d'établissement, 90 p. 100 de leurs diplômés trouvent du travail, mais personne ne va vérifier combien trouvent un emploi ou combien en trouvent effectivement un dans le domaine où ils ont reçu leur formation.
Cela dit, ils sont précieux parce qu'ils servent les gens qui me préoccupent. Le taux de non-remboursement des prêts en Colombie-Britannique est d'environ 50 p. 100 pour ceux qui étudient dans ces écoles. Je ne pense pas que ce soit de la faute des étudiants. Le fait est qu'ils ne trouvent pas de travail après leurs études et qu'ils ont des emprunts importants à rembourser. Il faut renforcer considérablement la réglementation mais nous ne pouvons pas compter sur le marché pour cela. En principe, on devrait pouvoir compter sur le marché pour dire: «Si une école n'assure pas une éducation de qualité, elle finira par disparaître». Toutefois, cela ne semble pas marcher comme cela.
La présidente suppléante: Est-ce un phénomène qui s'accentue au Canada? On a toujours pensé que c'était un phénomène américain.
M. Schwartz: Je n'ai pas les chiffres sous les yeux mais tout ce que j'ai vu à ce sujet semble indiquer que de plus en plus d'étudiants fréquentent ce genre d'école. Ce ne sont pas toujours des gens qui sont allés à l'université ou dans un collège communautaire; ce sont des gens qui travaillent depuis quelques années et qui ont maintenant 22, 23 ou 24 ans. Ils comprennent que ce qu'ils ont ne suffit pas. Ils ne veulent pas aller étudier Shakespeare, même si je pense que ce serait une bonne idée. Ils veulent étudier Java. Ils disent: «Donnez-moi un cours de Java et expliquez-moi comment cela s'intègre au Web afin qu'après un an d'études -- ou six mois, si nécessaire -- je puisse me présenter à une entreprise en déclarant: je connais le programme Java, donnez-moi du travail». Je ne pense pas que ce soit sur le marché traditionnel qu'ils envisagent la concurrence. La concurrence vient d'un jeune dans la vingtaine qui n'a pas d'emploi ou qui s'inquiète de sa sécurité d'emploi.
La présidente suppléante: Vous avez dit que vous n'aviez pas ces statistiques ici?
M. Schwartz: Non, en effet.
La présidente suppléante: Les chiffres sont-ils toutefois disponibles?
M. Schwartz: Tout ce secteur est tellement peu réglementé que je ne pense pas que nous sachions combien cela représente d'étudiants. J'ai la proportion de prêts aux étudiants accordés à des étudiants dans ce genre d'établissement mais je n'ai pas cela sous les yeux.
La présidente suppléante: Nous vous serions reconnaissants de nous communiquer cela.
M. Schwartz: Je pense que c'est publié chaque année à la partie III des prévisions budgétaires sous le titre Programme canadien de prêts aux étudiants.
La présidente suppléante: Si vous pouviez nous en fournir une photocopie, cela nous aiderait.
M. Schwartz: Je chercherai cela mais je veux dire que c'est un domaine qui est insuffisamment réglementé et qui n'a jamais été assez étudié -- surtout en ce qui concerne la qualité, où des chiffres nous vous aideront pas beaucoup.
La présidente suppléante: Avez-vous des questions?
M. Finnie: J'aimerais simplement ajouter un commentaire. Il y a un élément d'information important au sujet de ce problème. Par exemple, les gens de Développement des ressources humaines nous parlent d'étudiants en fin d'études qui disent: «Vous voulez dire qu'il faut que je rembourse mon emprunt?» Ça c'est le problème de base. On n'en entend souvent parler. Ensuite, il y a de grandes différences selon le domaine d'études.
Les gens sont-ils au courant? Ce sont des adultes et nous les traitons en adultes qui investissent dans leur formation. D'un autre côté, il semble y avoir des problèmes d'information auxquels a fait allusion M. Schwartz et il y a le fait aussi que les gens semblent mal renseignés. Par exemple, on pourrait envisager d'annexer au PCPE une fiche indiquant les conditions de remboursement. Par exemple, plutôt que de laisser quelqu'un de 18 ans emprunter le maximum pour l'université, on pourrait lui rappeler: «Si vous empruntez ce montant, il faudra le rembourser. Voici les conditions». C'est le genre d'explication qu'il faut donner. Si ces renseignements sont fournis, si l'on précise les différences entre les différents domaines d'études de telle sorte que les étudiants soient bien au courant, cela pourrait les aider à faire leurs projets en conséquence.
La présidente suppléante: Nous pouvons nous arrêter là. Merci beaucoup de nous avoir fait réfléchir à cette question. Tout cela suscite beaucoup d'émotions et nous avons entendu parler de beaucoup de situations personnelles. Merci de nous avoir fait part de votre point de vue d'universitaire, de nous avoir fourni ces statistiques et le fruit de vos réflexions.
Vous avez souligné quelque chose dont on a parlé dès le début de nos audiences, à savoir qu'il faut insister sur les informations et l'orientation à donner aux gens qui veulent emprunter, au fait qu'il ne s'agit pas simplement de contracter un emprunt. Autrement dit, il s'agit d'une prise de conscience des consommateurs. Ils savent qu'ils ne doivent pas abuser de leurs cartes Visa mais on ne leur dit pas de ne pas abuser d'emprunts quand on va à l'université si l'on ne sait pas à quoi s'attendre après ses études. C'est tout autant une prise de conscience que d'une information qui est nécessaire.
M. Finnie: Il s'agit d'un investissement. C'est un investissement personnel et social et c'est donc un problème très difficile.
Nous couvrons dans notre livre la question du juste niveau d'emprunt étudiant et de frais de scolarité. Cela se trouve en annexe et donne une idée de la distinction entre le privé et le social et les notions d'équité. Si vous voulez approfondir la question, nous vous renvoyons donc à cette annexe.
La présidente suppléante: Merci de ce renseignement, c'est un livre qui nous intéresse beaucoup.
Le sénateur Bonnell vient de rentrer de sa réunion et je lui rends donc sa place.
Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.
Le président: Peut-être devrais-je vous remercier moi aussi. Je suis désolé de ne pas avoir été en mesure d'entendre tout ce que vous aviez à dire mais j'ai obtenu un budget pour que le comité puisse poursuivre son travail. C'est important, aussi, parce que sans argent on ne peut pas obtenir de prêt étudiant et on ne peut rien faire.
Merci d'être venu. Tout ce que vous avez dit a été consigné et nous pourrons nous y reporter.
Je remercie le sénateur Andreychuk d'avoir assumé la présidence en mon absence. Tout le monde est tellement occupé en ce moment, on a l'impression que quelque chose se prépare. Je ne sais pas exactement quoi mais nous allons probablement être fixés avant la fin de la fin de semaine.
Merci encore.
M. Schwartz: Merci.
Le président: Nous avons maintenant deux représentants de l'Association nationale des étudiants handicapés au niveau postsecondaire. Je demanderais d'abord à M. Asuncion de présenter son collègue. Vous aurez ensuite une demi-heure pour faire votre exposé, après quoi nous vous poserons quelques questions.
Allez-y.
M. Jennison Asuncion, membre du conseil d'administration, vice-président, Affaires internes, Association nationale des étudiants handicapés au niveau postsecondaire: Je suis étudiant à l'Université Concordia de Montréal. Je suis accompagné du coordonnateur national des besoins.
Au nom de notre président, Kent Hare, de tout le conseil de direction et de notre conseil d'administration auquel je siège également, je tiens à vous remercier de nous donner cette occasion de prendre la parole devant votre sous-comité.
Nous pensons que c'est particulièrement important car cela nous donne la possibilité de vous sensibiliser davantage aux problèmes critiques que rencontrent les étudiants handicapés et à vous les expliquer de façon plus détaillée. En 1991, les étudiants handicapés représentaient 7,4 p. 100 de la population étudiante. On se doute que ce chiffre a sensiblement augmenté depuis.
Je commencerais par dire quelque chose qui est évident pour nous et que nous aimerions que vous compreniez tous, à savoir que l'accès à des études postsecondaires est essentiel pour nous car cela nous permet d'obtenir les compétences nécessaires et les connaissances voulues pour nous intégrer au marché du travail.
Voilà comment j'aimerais procéder: je vais vous parler d'abord un peu de notre organisation, de notre travail et je vous entretiendrai ensuite de certains problèmes qui nous préoccupent particulièrement. Je conclurai en m'arrêtant sur certaines initiatives pour lesquelles nous sollicitons votre appui ainsi que celui d'autres secteurs. Nous nous ferons ensuite un plaisir de répondre à vos questions.
L'Association nationale des étudiants handicapés au niveau postsecondaire est un organisme dirigé par ses membres. L'année dernière, à notre congrès à Toronto, nous avons célébré notre dixième anniversaire dans ce domaine. Avec nos organismes affiliés au Québec et en Colombie-Britannique, la participation directe de nos membres et nos communications, nous nous attachons à encourager les étudiants handicapés à se prendre en main afin d'avoir accès à de bonnes études postsecondaires et de s'épanouir pleinement.
Voici comment nous sommes organisés. Nous avons un conseil d'administration élu qui représente chaque province et les territoires. Tous les handicaps sont représentés. Nous avons aussi un conseil de direction composé du président, des vice-présidents et d'un secrétaire-trésorier. À Ottawa, nous avons une équipe présidée par M. Smith. Nous avons aussi d'autres membres de notre équipe de soutien qui nous aident dans nos activités journalières.
Nous nous efforçons d'apporter à nos membres, aux personnes handicapées en général, et à d'autres intéressés, les informations les plus à jour et les plus complètes sur les services offerts au niveau postsecondaire aux étudiants handicapés; des moyens de financement possibles, qu'il s'agisse de bourses ou de subventions ordinaires du gouvernement; et d'initiatives de transition concernant l'insertion professionnelle.
En 1996, nous avons participé à un groupe de travail constitué pour examiner le rôle du gouvernement fédéral vis-à-vis des personnes handicapées en général. Le rapport s'intitule: «Equal Citizenship for Canadians with Disabilities: A Will to Act».
Je vous encourage tous à y jeter un coup d'oeil afin de saisir la portée de ce problème au Canada.
De notre côté, nous étions bien prêts à expliquer les besoins des étudiants handicapés. En fait, nous avons soumis entre autres une étude de 1996 sur les possibilités d'emplois qui contenait certaines données statistiques importantes sur la situation des étudiants handicapés. J'y ferai brièvement allusion et, je pourrai éventuellement répondre à vos questions à ce sujet.
En outre, ces dernières années, nous avons conseillé Développement des ressources humaines Canada au sujet du Programme canadien de prêts aux étudiants, en particulier pour les personnes souffrant d'handicaps permanents. Nous travaillons en collaboration avec l'AUCC, la FCEE, et tous les autres organismes à d'autres travaux de recherche. Au cours de l'année, nous nous sommes beaucoup intéressés à l'utilisation du Web. On vous en a parlé tout à l'heure. Nous profitons à fond du Web pour communiquer les informations à notre disposition. Nous avons également pris la liberté de collaborer avec nos amis, nos collègues, aux États-Unis et dans le monde entier, grâce à cela. En fait, cet été, notre association représentera le Canada, et je représenterai l'association à un rassemblement international de dirigeants étudiants. Nous y discuterons de toutes sortes de projets liés à l'action revendicatrice et aux études postsecondaires et aux carrières. Nous sommes très enthousiastes face à toutes ces perspectives.
Grâce au financement de développement des ressources humaines et d'autres moyens, nous travaillons actuellement à un projet national sur les services dont je me ferai un plaisir de discuter tout à l'heure. Nous avons aussi un programme de mentorat qui permettra aux étudiants handicapés d'être mis dans des situations d'emplois l'année prochaine, pendant un ou deux jours, ou une semaine, afin d'avoir une idée de ce qui les attend dans ce domaine. Voilà un peu en quoi consiste notre organisation.
Je passerai maintenant aux problèmes plus particuliers que nous étudions. Ce ne sont d'ailleurs pas nécessairement des problèmes. Ce sont des questions qu'il nous faut aborder. En 1991, 7,4 p. 100 de la population étudiante était handicapée. Il y en a de plus en plus qui souhaitent poursuivre des études postsecondaires, que ce soit des étudiants qui souffrent d'handicaps visibles ou d'autres qui souffrent d'handicaps invisibles et que nous représentons aussi. J'inclus là-dedans les étudiants ayant des difficultés d'apprentissage en particulier. Aux États-Unis et au Canada, les étudiants ayant des difficultés d'apprentissage sont de plus en plus nombreux et nous devons représenter tous les handicaps au sein de notre organisme et en général.
Le nouveau système de financement dans le cadre du Transfert canadien au titre de la santé et des programmes sociaux aura une incidence remarquable sur les études postsecondaires au Canada. Avant les changements en question, des montants étaient mis de côté spécifiquement pour les études postsecondaires. Avec ce nouveau système, les provinces sont maintenant chargées de décider les montants qui doivent être réservés aux études postsecondaires. On devine qu'à cet égard, nous nous inquiétons beaucoup pour les personnes handicapées et pour d'autres groupes de défense des droits. Nous voulons nous assurer que les subventions actuelles ne diminuent pas car cela aurait une incidence négative sur l'accessibilité aux études collégiales et universitaires. Nous demandons ainsi au gouvernement fédéral de veiller à ce que les personnes handicapées puissent participer au même titre que les autres aux études supérieures, peu importe ce qu'elles veulent étudier et peu importe où elles résident.
Maintenant passons au financement de la scolarité. Les personnes handicapées et la population en général reconnaissent depuis longtemps que les besoins spéciaux des étudiants qui ont des difficultés d'apprentissage entraînent des coûts supplémentaires. Prenons mon exemple. J'utilise un ordinateur avec braille pour aller à l'école et prendre mes notes. Il est évident que je ne peux m'offrir un matériel de 20 000 $. Je ne pense pas qu'il y ait grand monde qui puisse se payer ce genre de chose. C'est le genre de matériel qui, de toute évidence, est très important.
Peut-être qu'il faudra plus longtemps à certains étudiants handicapés pour poursuivre leur scolarité. Il arrive souvent qu'ils choisissent de prendre moins de cours et de faire des études à temps partiel. Un des inconvénients dans un tel cas est que les bourses qui existent pour les étudiants handicapés s'adressent habituellement aux étudiants à plein temps. Pour un étudiant handicapé qui fait des études à temps partiel, il doit avoir recours à des fonds privés et ceux-ci ne sont pas accessibles. Pour le financement des études postsecondaires, l'argent que versent les gouvernements provinciaux, même pour les études à temps partiel, n'est pas forcément suffisant pour couvrir les frais d'inscription et les manuels. Les manuels, les fournitures et les aides techniques sont particulièrement coûteux pour les étudiants handicapés.
Le Programme canadien de prêts aux étudiants apporte une aide sous forme de prêts ou des subventions pour initiatives spéciales aux étudiants handicapés. Les services couverts par ces subventions pour initiatives spéciales couvrent tout l'éventail allant du preneur de notes au documentaliste; les interprètes gestuels et autres; aux soins auxiliaires, aux aides techniques et à l'assistance à la recherche, dont je profite moi-même. Étant étudiant en sciences politiques, vous pouvez deviner qu'il y a d'énormes quantités de papier et de choses à faire. Je dépens d'un adjoint de recherche qui m'aide à la bibliothèque à accéder à tous les microfilms nécessaires et à faire des photocopies et le genre de choses qui s'imposent.
D'autre part, dans ces subventions pour initiatives spéciales, il y a les documents présentés sous d'autres formes, notamment en braille, en cassettes, et cetera. Il faut augmenter les montants offerts dans le cadre de ces subventions pour initiatives spéciales. Les besoins varient selon les étudiants. Par exemple, si un étudiant aveugle a besoin de faire traduire un ouvrage en braille, cela peut coûter très cher. Certains de mes collègues d'autres provinces m'ont dit que cela pouvait coûter jusqu'à 2 000 $ ou 3 000 $. Si un étudiant handicapé de la vue veut utiliser cette subvention pour initiatives spéciales pour un preneur de notes, c'est un gros problème actuellement. Qu'est-ce qui est le plus important: faire traduire un livre en braille ou avoir un preneur de notes? Nous estimons qu'il faudrait donc augmenter les sommes disponibles dans ce domaine.
Conformément aux recommandations du groupe de travail fédéral, dont je parlais tout à l'heure, notre association affirme sans aucune hésitation que nous sommes absolument contre le fait que l'on considère actuellement ces subventions pour initiatives spéciales comme un revenu imposable. Étant donné la nature, la portée et l'objet de ces subventions, nous estimons qu'elles doivent être considérées comme une nécessité première pour permettre aux étudiants de poursuivre leurs études postsecondaires.
J'aimerais revenir à toute cette question du nouveau système de financement en vertu du transfert canadien au titre de la santé et des programmes sociaux. Au fur et à mesure que l'argent diminue ou que les provinces diminuent leurs subventions, nous savons tous comment les universités s'y prennent en augmentant les frais d'inscription, en diminuant les programmes, et cetera. Cela signifie pour les étudiants handicapés qu'il leur faut davantage d'argent pour payer leurs cours et leurs manuels. Comme on le disait tout à l'heure, cela mène à un endettement important. Pour les étudiants handicapés qui n'auront pas forcément tout de suite accès à une carrière après leurs études, cet endettement représente un problème, c'est évident, s'ils ne peuvent pas commencer à rembourser tout de suite.
Le Programme sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées est actuellement à l'étude et notre représentant de l'Ontario est la personne clé en la matière. Ce programme a bien servi les étudiant handicapés pendant des années. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que les étudiants handicapés, et les étudiants en général, réalisent qu'un simple diplôme universitaire ne suffit pas forcément pour obtenir un bon emploi. Par exemple, je tombe dans cette catégorie. Mon baccalauréat est une première étape qui, je l'espère, me permettra de poursuivre mes études supérieures à l'automne.
Les étudiants handicapés comprennent que les employeurs, de nos jours, cherchent les plus qualifiés dans de nombreux domaines, techniques ou autres. Les études supérieures sont un domaine dans lequel les étudiants handicapés, comme tous les autres étudiants, se dirigent. Le Programme sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées, le Programme canadien de prêts aux étudiants et les programmes provinciaux d'aide aux étudiants doivent être assouplis afin de permettre aux étudiants de poursuivre leurs études supérieures. Voilà pour nos préoccupations d'ordre financier.
Je parlerai maintenant de ma spécialisation. Je me ferai un plaisir d'entrer dans les détails tout à l'heure.
Outre le coût d'éducation et les coûts supplémentaires que doivent supporter les étudiants handicapés, qu'il s'agisse d'aides techniques ou autres, ceux-ci font face à une absence de normalisation dans les services, les programmes et les arrangements entre les différents établissements scolaires et entre les différentes provinces. Cela mène non seulement à une inégalité fondamentale entre les différentes populations étudiantes handicapées au Canada mais cela limite aussi notre liberté de choisir parmi les possibilités d'éducation qui sont offertes aux autres étudiants.
Vous conviendrez certainement que cette situation est tout à fait inacceptable, surtout à notre époque. Nous aimerions que l'on remédie au plus vite à cette situation. Pour tout un éventail de raisons, un étudiant de n'importe quelle ville aura à sa disposition l'université X et l'université Y. Pour une raison ou une autre, il choisira peut-être l'université X pour les services qui y sont offerts, essentiellement grâce aux ressources dont dispose cette université, par rapport à l'université Y qui aurait peut-être un programme d'études qui conviendrait mieux. Cela varie d'une ville à l'autre. Je remarquerai néanmoins qu'il y a évidemment d'excellents exemples d'universités qui ont pu disposer des subventions voulues pour réaliser de gros progrès et offrir les cours, les locaux et la technologie nécessaires. Il y en a; ce sont toutefois des exceptions et non pas la règle générale.
Nous avons dressé une liste d'environ quatre ou cinq initiatives globales pour lesquelles nous aimerions pouvoir compter sur votre collaboration et sur votre appui ainsi que sur ceux d'autres secteurs de la société afin que les Canadiens -- tous les Canadiens -- aient également accès aux études postsecondaires. J'ai fait allusion à certaines d'entre elles mais je m'arrêterai maintenant quelques instants sur certains de ces engagements que nous recherchons.
Tout d'abord, l'engagement de chacun des éléments du milieu postsecondaire. Cela va des professeurs à l'administration, tout le monde s'engageait à assurer les meilleures normes d'apprentissage sans entrave et sans obstacle aux étudiants handicapés. Quand je dis «sans obstacle», je parle non seulement de l'existence de cours, de programmes et de possibilités pour les étudiants handicapés de suivre les programmes qu'ils souhaitent mais également des aménagements physiques nécessaires pour les étudiants en fauteuils roulants, par exemple, des résidences accessibles, des résidences universitaires, des trottoirs aménagés, et cetera.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit s'engager à garantir aux provinces un niveau de financement pour les études postsecondaires qui ne les porte pas à couper dans les programmes très nécessaires pour les étudiants handicapés. J'ai fait allusion lorsque je parlais de ce nouveau système de financement.
Troisièmement, les décisionnaires des établissements postsecondaires doivent s'engager à reconnaître l'importance de garantir le financement de services spéciaux dans les universités. Je parlais tout à l'heure du fait que certains établissements scolaires n'offraient pas tous les mêmes services. Malheureusement, c'est là que l'on rencontre beaucoup de problèmes. Ce ne sont pas les fournisseurs de services ni quiconque, en particulier, qui sont responsables mais si l'on veut avoir les technologies voulues, le personnel et les professionnels spécialisés, il faut que l'on soit assuré d'un certain budget. Avec toutes les coupures que l'on opère dans les établissements postsecondaires -- les décisionnaires étant obligés de juger de ce qui est important par exemple, un programme d'athlétisme plutôt qu'un programme de science informatique ou certaines infrastructures, et cetera -- nous devons être assurés que ceux-ci sont bien conscients de l'importance du traitement des services spécialisés offerts dans les universités aux étudiants handicapés, qu'il s'agisse de bureaux de services aux étudiants handicapés, ou de rampes ou d'autres choses.
Quatrièmement, chaque gouvernement provincial et territorial et leurs ministères et organismes respectifs doivent s'engager à calculer et à administrer les programmes d'aide aux études postsecondaires de façon plus équitable, c'est-à-dire en reconnaissant pleinement les besoins particuliers de toutes les catégories d'étudiants handicapés. Ces catégories figurent entre parenthèses dans notre exposé. Je prendrai l'exemple de ce qui se produit dans certaines provinces pour les étudiants ayant des troubles d'apprentissage. Toutefois, cela ne se limite pas à ce groupe particulier.
Au fur et à mesure des recherches, on tente de mieux reconnaître les besoins des étudiants présentant des troubles d'apprentissage. Il nous faut toutefois progresser plus vite. Par exemple, notre représentant du Nouveau-Brunswick m'a dit que le gouvernement provincial reconnaît l'utilisation d'ordinateurs comme une dépense médicale. Je ne sais pas comment cela se passait avant mais je crois qu'ils devaient payer eux-mêmes ces ordinateurs. Cela montre que le Nouveau-Brunswick a une politique très progressiste. Il faut que ce genre de choses se retrouvent ailleurs pour aider les étudiants ayant des troubles d'apprentissage, les étudiants handicapés et tous les autres étudiants qui souffrent d'un handicap ou d'un autre.
Cinquièmement -- et c'est extrêmement important -- le gouvernement fédéral doit s'engager à montrer la voie et les éditeurs canadiens doivent commencer à assumer leurs responsabilités en corrigeant immédiatement une situation très grave. Il y en effet très peu de manuels scolaires canadiens et de manuels professionnels disponibles sous d'autres formes. Malheureusement, nous n'avons pas parlé de ces manuels professionnels dans notre mémoire mais je voudrais en dire quelques mots. Je me citerai en exemple.
J'ai toujours essayé d'éviter les cours à contenu canadien parce qu'au cours des trois années que j'ai passées à l'université -- je termine mon diplôme à la fin de ce semestre et je pense que je suis bien donc bien placé pour dire ce que j'ai à dire -- je n'ai jamais trouvé de manuels canadiens sur cassette. Pour une raison ou une autre, il n'y a pas de bibliothèque nationale. De ce fait, nombre d'entre nous se tournent vers des bibliothèques privées américaines. Je mentionnerai en particulier Recording for the Blind and Dyslexic, qui est un organisme non lucratif aux États-Unis, qui regroupe 80 000 titres d'ouvrages professionnels et universitaires sur cassette. Je suis membre de cet organisme et je suis donc des cours qui utilisent ces manuels américains afin d'avoir la quasi-garantie de trouver les documents dont j'ai besoin sur cassette. Sinon, je suis obligé d'acheter le manuel. Dans mon cas, j'ai la chance d'avoir un groupe de bénévoles pour m'aider mais, de façon générale, l'étudiant doit se présenter au Bureau des étudiants handicapés pour demander qu'on lui mette le livre sur cassette.
Si vous avez une multitude d'étudiants handicapés ayant besoin de livres sur cassettes et ne comptant que sur des bénévoles vous pouvez fort bien vous imaginer qu'il va falloir beaucoup de temps pour le faire. Je ne crois pas avoir besoin de vous expliquer que, si vous recevez votre manuel ou un chapitre la quatrième ou la cinquième semaine de la session, ce n'est de la faute de personne, mais c'est comme ça. Parfois, il est un peu tard pour se rattraper.
Nous avons besoin d'éditeurs au Canada qui comprennent qu'il faut plus de manuels canadiens sur supports de substitution -- c'est à dire, des supports électroniques ou sur disquettes. Le gouvernement fédéral doit demander à la Bibliothèque nationale, ou à l'Institut national canadien pour les aveugles, à un organisme en tout cas -- même s'il faut créer une nouvelle instance -- de prendre les mesures voulues pour que l'on mette plus de textes universitaires canadiens et de textes professionnels sur bandes. J'ai entendu parler de plusieurs histoires d'avocats au Canada qui n'ont pas accès aux recueils de jurisprudence sur bandes ou sur disquettes ou à des textes de lois actualisés sur cassettes ou en braille.
J'en reviens aux étudiants qui ont des difficultés d'apprentissage et qui auraient aussi besoin de cassettes. Il ne s'agit pas seulement des étudiants qui sont aveugles ou mal voyants; il s'agit d'étudiants qui ont des difficultés d'apprentissage précises et qui ont besoin d'audio livres. Il s'agit d'étudiants qui ont d'autres déficiences physiques qui doivent avoir accès à des livres sur cassettes pour toutes sortes de raisons. En m'inspirant de ma propre expérience, je dis qu'il faut avoir accès à cela.
Sixièmement, il faut que tous les paliers de gouvernement, l'industrie et les établissements postsecondaires s'engagent à prendre des mesures concrètes pour garantir l'accès universel aux vastes ressources et possibilités universitaires qu'offrent actuellement l'autoroute électronique et toutes les nouvelles technologies d'apprentissage.
Encore là, c'est un de mes domaines de spécialité. J'espère étudier dans ce domaine, nommément, les technologies d'apprentissage. Plusieurs universités se tournent vers la télé éducation, par exemple, en se servant de l'Internet, des multimédias, des vidéos et du reste. Il y a beaucoup de matière accessible sur l'Internet, qu'il s'agisse de matière canadienne ou autre.
Il nous faut des lois semblables à celles qui existent aux États-Unis, qui garantissent l'accès universel. Il faut que le gouvernement dise aux éditeurs de logiciels qu'il tient à ce que l'on intègre dans les logiciels qui sont offerts actuellement sur l'Internet et dans les établissements d'éducation postsecondaire des dispositifs d'accès complet pour les étudiants ou quiconque ont des besoins particuliers. Les éditeurs ont besoin de ressources financières pour offrir des postes d'Internet accessibles. Il y a des universités qui en ont, et c'est surtout parce qu'elles disposent des crédits voulus. Encore là, cela nous ramène à la question des subventions des gouvernements provinciaux aux établissements d'enseignement postsecondaire, à l'utilisation de ces subventions et aux priorités qu'ils se fixent.
Septièmement, il faut s'engager à créer un programme national qui reconnaît la nécessité de l'interprétation pour les étudiants qui sont sourds ou malentendants. N'étant pas sourd ou malentendant moi-même, malheureusement je dois être franc et dire que je ne peux pas nécessairement parler de ces besoins en particulier, mais je crois que nous pouvons vous fournir plus d'informations sur ce sujet au besoin. Cette nécessité se passe d'explications, et M. Smith voudra peut-être vous en parler plus tard.
Enfin, nous voulons que toutes les parties s'engagent à consulter activement les étudiants à toutes les étapes de la mise en oeuvre des services, que ce soit au stade initial de la formulation ou de la mise en oeuvre des politiques, ou au moment de l'évaluation de ces services, politiques, projets et programmes, ou au niveau provincial ou fédéral, et cetera; parce que nous serons les bénéficiaires ultimes de telles innovations. Il nous faut participer à tous les niveaux. Ce n'est pas un reproche, mais nous avons des bureaucrates ou des décideurs qui décident du financement et de ce genre de choses, selon ce qu'ils jugent approprié, sans nécessairement solliciter la contribution des étudiants handicapés, et sans voir si les crédits sont suffisants ou quel genre de matériel on utilise. On met parfois du matériel et des aides techniques sur des listes qui ne sont pas nécessairement utiles au étudiants handicapés. Il faut que l'on ait davantage de contacts avec tous les décideurs pour voir s'il y a lieu de placer tel matériel sur la liste ou de rendre cette règle un peu plus souple pour que tous les étudiants handicapés puissent y avoir accès.
Tout cela a peut-être l'air bien exigeant; toutefois, nous avons la certitude qu'on peut faire beaucoup dans plusieurs de ces domaines si nous avons la coopération nécessaire, les crédits voulus et votre appui à tous. Le Canada ne vit pas en vase clos. Étant donné que notre pays est reconnu à l'échelle internationale pour la haute qualité de son régime de santé et pour son niveau de vie qui est un des plus élevé au monde, nous pensons qu'en allant de l'avant avec ces initiatives, le Canada peut servir de modèle à la communauté internationale à qui il dira: «Voici ce que nous réussissons à faire. Vous, le pays X ou Y, vous pouvez suivre notre exemple.» Le Canada a toujours été connu pour ce genre d'initiatives, il a guidé d'autres pays, et il a pris les devants. En particulier, on pourrait donner des leçons aux États-Unis en ce qui concerne ce genre de législation historique, et cetera. Je crois qu'ils peuvent nous enseigner certaines choses, mais je pense que nous pouvons même faire mieux à certains égards.
En conclusion, je tiens à vous remercier encore une fois d'avoir accepté d'écouter l'Association nationale des étudiants handicapés au niveau postsecondaire, et la communauté des étudiants handicapés en général. Nous tenons également à vous remercier d'avoir reconnu le fait que les étudiants handicapés jouent un rôle important dans le système d'éducation canadien et doivent par conséquent être entendus.
Je veux vous remercier et vous souhaiter du succès dans vos travaux importants, et je tiens à ce que vous sachiez que le conseil d'administration et le comité exécutif sont disposés à maintenir le dialogue et à répondre à vos questions parce que nous savons que ces dossiers sont compliqués à certains égards, et certains d'entre eux sont assez nouveaux pour ce qui est des technologies d'apprentissage, de l'Internet, de l'accès et du financement. Nous serons là pour répondre à toutes vos questions lorsque vous rédigerez votre rapport et présenterez vos projets.
Le président: Merci, monsieur Asuncion, c'était un texte excellent. Vous nous avez vivement impressionnés, sachant surtout que vous avez un handicap visuel, et pourtant vous n'avez même pas hésité une seule fois. Il n'y a pas une virgule, pas un point qui manque. C'était un exposé excellent et nous vous en félicitons.
M. Smith a-t-il quelque chose à ajouter?
M. Frank Smith, coordonnateur, Association nationale des étudiants handicapés au niveau postsecondaire: L'exposé de M. Asuncion était fort complet. J'ajouterai quelques observations sur les travaux actuels de notre association, et je vous parlerai un peu plus de notre présence au sein des associations étudiantes et des organismes d'handicapés.
Pour ce qui est de notre réseau, comme l'a dit M. Asuncion, nous avons deux filiales provinciales. Nous collaborons également avec une quarantaine d'associations d'étudiants handicapés sur les campus canadiens, tant au niveau des collèges que des universités. Nous sommes membres du Conseil des canadiens avec déficiences, la plus grande association de consommateurs handicapés du Canada. Nous travaillons également en étroite collaboration avec la Fédération canadienne des étudiants et étudiantes. Pour ce qui est des milieux où nous sommes présents, nous travaillons pour le compte des handicapés avec le Conseil des canadiens avec déficiences et ses membres, et du côté étudiant, avec la Fédération canadienne des étudiants et étudiantes et leurs membres.
Comme l'a mentionné M. Asuncion, nous croyons fermement dans un système d'aide financière aux étudiants fondé essentiellement sur les subventions. C'est très important pour les étudiants handicapés, qui doivent assumer une foule de dépenses supplémentaires que les autres étudiants ne connaissent pas. Pour ce qui est de la participation à l'éducation postsecondaire, je tiens à ajouter que dans le cadre de notre travail actuel, nous sommes très présents dans les discussions entourant les recommandations émanant du groupe de travail dans un rapport intitulé: «Equal Citizenship for Canadians with Disabilities: A Will to Act».
La semaine prochaine, il y aura des discussions ici à Ottawa avec des membres du groupe de travail et des représentants de Développement des ressources humaines Canada sur la création de ce fonds offrant des possibilités aux étudiants ayant des besoins spéciaux qui a été annoncé dans le dernier budget fédéral. Il s'agit d'un fonds de 30 millions de dollars qui aidera nos membres à faire la transition de l'école au travail.
Nous participons activement aux discussions portant sur la reconfiguration du PRPPH. D'ici quelques mois, ça ne s'appellera peut-être plus le PRPPH. Nous voulons nous assurer que, peu importe la nouvelle formule de financement, il y aura un programme solide de cette nature qui prendra en charge les coûts de réinsertion professionnelle des personnes handicapées qui veulent avoir accès à l'éducation postsecondaire, et qu'il y aura un programme national d'aide financière aux étudiants solide ainsi qu'un programme d'aide financière provinciale aux étudiants solide en place.
À ce sujet, nous sommes membres du Groupe consultatif national sur l'aide financière aux étudiants de Développement des ressources humaines Canada, il s'agit d'un groupe consultatif, où nous retrouvons la Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants, l'AUCC, l'Association des collèges communautaires du Canada et d'autres associations. Le groupe consultatif national s'est réuni à Ottawa il y a deux ou trois semaines, et à cette occasion, notre président a parlé du Programme canadien de prêts aux étudiants et du Programme de subventions pour initiatives spéciales. Notre présence à cette réunion était importante parce que l'année dernière a été la première où l'on a mis en oeuvre le volet de subventions pour initiatives spéciales du Programme canadien de prêts aux étudiants.
Voilà plusieurs projets sur lesquels nous travaillons. Au sein de notre association, nous travaillons au niveau organisationnel, au niveau des groupes membres et au niveau d'autres associations de personnes handicapées et des associations étudiantes de niveau postsecondaire. Pour ce qui est du projet auquel nous travaillons, notre projet d'approche nationale aux services que nous allons mener au cours de la prochaine année nous permettra de travailler de concert avec des partenaires très importants et des intervenants qui ont un intérêt véritable ici, et cela comprend des fournisseurs de services par l'entremise de l'Association des services aux étudiants des universités et collèges du Canada et la Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants. Nous espérons également faire intervenir le conseil des ministres de l'Éducation afin que le Projet d'approches nationales aux services que nous allons recommander reçoive l'appui de cette instance et des ministres provinciaux de l'Éducation.
Voilà les quelques choses que je voulais ajouter à ce que M. Asuncion a dit. Si vous le voulez, vous pouvez maintenant nous poser vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Smith. Je vais commencer par le sénateur Andreychuk, qui a été chancelière de l'Université de Regina à une époque.
Le sénateur Andreychuk: Tout le travail que vous avez accompli m'impressionne beaucoup. En tout cas, je suis sidérée par le nombre de réunions auxquelles vous devez assister. Je ne me plaindrai plus jamais de mes conflits d'horaires.
De toute évidence, vous êtes bien branché. Même si vous avez avoué être un peu nerveux en commençant, j'aurais aimé m'adresser à un comité du Sénat avec autant de compétence que vous lorsque j'avais votre âge. Mais le temps presse, et je vais m'en tenir aux domaines que vous avez mentionnés. Néanmoins, je peux vous donner l'assurance qu'il s'agit là pour nous de questions très importantes et qu'elles figureront dans notre rapport.
J'aimerais avoir deux clarifications. Vous avez dit que les subventions pour initiatives spéciales sont imposables. Tout d'abord, s'agit-il là des nouvelles subventions qui sont apparues l'an dernier et que vous avez mentionnées? Avez-vous fait des demandes pour les faire exempter de l'impôt?
Deuxièmement, on entend beaucoup parler de la nouvelle loi sur le droit d'auteur. Le Sénat l'examine en ce moment. La question de l'utilisation des textes a été soulevée, et l'on a dit que ces textes seraient visés par la nouvelle Loi sur le droit d'auteur, ce qui aura des effets sur les universités et les étudiants. Vous êtes-vous penchés sur cette question, ou êtes-vous même au courant de cette question?
M. Smith: En réponse à la première question, j'ai avec moi le dépliant du Programme canadien de prêts aux étudiants, Aide aux étudiants ayant des déficiences permanentes, qui explique le programme de subventions pour initiatives spéciales et son fonctionnement, qui dit quels handicapés y sont admissibles, quel genre de financement on permet pour les aides techniques, le matériel et les services et tout le reste.
Nous avons travaillé avec le ministère et discuté avec lui pendant un bon bout de temps de la question de l'exonération fiscale des subventions pour initiatives spéciales. D'ailleurs, d'après la recommandation no 50 du texte intitulé «A Will to Act» les subventions pour initiatives spéciales ne sont pas considérées comme un revenu imposable. C'est la recommandation du groupe de travail sur les déficiences; c'est la recommandation de notre association également. Nous discutons toujours de cette question avec le ministère et le Groupe consultatif national sur l'aide financière aux étudiants. Nous l'avons soulevée à la dernière réunion à laquelle nous avons assisté, et je crois qu'on pourra très bientôt modifier cette situation. C'est aussi une question de finance, nous devons donc en discuter en profondeur avec le ministère des Finances.
En réponse à votre seconde question sur le droit d'auteur et les modifications à la Loi sur le droit d'auteur, je dois avouer que je ne suis pas personnellement spécialiste dans ce domaine. Le Conseil des Canadiens avec déficiences a participé activement aux discussions portant sur les modifications à la Loi sur le droit d'auteur dans notre pays, et il a fait valoir en quelque sorte pour notre compte bon nombre des arguments que Jennison mentionnait au sujet du droit d'auteur. Étant donné qu'il s'agit de la plus grande association nationale représentant des personnes handicapées, le Conseil des Canadiens avec déficiences a pris l'initiative dans ce dossier.
M. Asuncion: Notre nouveau conseil d'administration vient tout juste d'être élu. D'ailleurs, le nouveau conseil d'administration n'est en place que depuis novembre et je suis moi-même vice-président seulement depuis mars.
Le sénateur Andreychuk: Vous n'auriez pas dû nous dire ça parce que je pensais que vous étiez là depuis beaucoup plus longtemps, étant donné que vous maîtrisez si bien ces dossiers.
M. Asuncion: Pour ce qui est du droit d'auteur j'ai mis sur pied un groupe de travail d'éducation et de technologie au sein de l'ANENV. Je peux vous donner l'assurance que nous allons examiner cette entente sur le droit d'auteur. D'ailleurs, je vais y voir dans les semaines à venir. Nous sommes heureux du travail que le CCD a accompli en notre nom, et nous allons maintenir ce lien, mais dans les mois à venir, nous allons également faire connaître nos propres vues à ce sujet -- à savoir, une fois que nous aurons terminé notre examen de la loi.
C'est un dossier assez compliqué, comme l'a dit M. Smith. Nous voulons prendre le temps voulu, au niveau du conseil d'administration et de nos membres, pour examiner l'entente sur le droit d'auteur afin de porter un jugement informé et bien raisonné sur ce dossier. Nous allons y voir dans les semaines et mois à venir.
Le sénateur Andreychuk: Je vais maintenant vous poser une question très complexe et, étant donné que nous manquons de temps, j'aimerais une réponse brève.
Ayant travaillé dans ce domaine il y a quelques années, je sais que les étudiants ayant des déficiences qui entraient dans les établissements postsecondaires avaient l'impression d'entrer dans un milieu hostile ou au mieux, un milieu qui ne les comprenait pas ou qui n'était pas adapté à leurs besoins. Croyez-vous que les entraves sont aujourd'hui davantage à caractère financier, ou croyez-vous qu'il existe encore un manque de sensibilité aux besoins des étudiants handicapés?
M. Asuncion: Étant moi-même à l'université, ayant passé par le cégep, et ayant des contacts, je suis heureux de vous dire que les choses ont définitivement changé. On est de plus en plus sensibles aux besoins des étudiants handicapés, qu'il s'agisse des professeurs ou de tout autre niveau. Oui, les choses se sont nettement améliorées. En fait, c'est davantage la société qui a évolué et qui est devenue plus tolérante.
Les plus grands obstacles qui subsistent sont de nature financière et technologique. Les étudiants handicapés ont accès à une vaste gamme de technologies d'adaptation et de moyens qui ont rendu accessibles des programmes qui ne l'étaient pas il y a quelques années. Nous devons avoir accès à tout ce matériel. On rencontrera toujours à un moment ou l'autre des attitudes personnelles ou des attitudes d'administration ou de facultés particulières qui nous seront défavorables, mais nous voulons croire que les choses ont définitivement changé. Notre projet d'approche nationale aux services témoigne de ce changement. Les fournisseurs de services disent: «Oui, nous voulons collaborer. Nous voulons vous aider au maximum.» Les universités coopèrent. Cela vous en dit long. J'espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Andreychuk: Merci beaucoup.
M. Smith: Même si nous travaillons avec une quarantaine de groupes ou d'associations d'étudiants handicapés qui résident dans les campus du Canada, nous comptons aussi dans notre réseau environ 150 à 155 collèges, universités et cégeps, qui offrent au moins un service quelconque s'adressant aux étudiants handicapés. Nous avons un réseau très complet d'établissements d'enseignement au pays qui font au moins un effort pour fournir des services et des mesures de soutien aux étudiants handicapés.
Le sénateur Andreychuk: Merci.
Le sénateur Lavoie-Roux: Pardonnez-moi de n'avoir pu être des vôtres avant, mais j'étais retenue à un autre comité.
Je sais les efforts que vous devez déployer pour obtenir une éducation postsecondaire. Vous avez soulevé la question de la technologie et des moyens qui vous facilitent la vie. Recommandez-vous des mesures qui faciliteraient votre entrée sur le marché du travail?
Vous n'en faites pas mention dans votre mémoire, mais c'est une question importante.
M. Asuncion: Oui. Si vous voulez savoir quelles recommandations nous faisons au gouvernement, la première est de s'assurer, tout d'abord, que le financement voulu est disponible pour nous permettre d'avoir accès à ces programmes qui facilitent l'entrée sur le marché du travail. Dans mon cas à moi, j'en suis heureux, mais tous n'ont pas autant de chance. Bien des employeurs cherchent maintenant des personnes ayant des compétences techniques élevées. Pour ce qui est des recommandations, nous voulons qu'on offre aux étudiants un financement qui leur permette au besoin de faire des études supérieures qui leur donneront cette formation technique.
Nous recommandons également que l'on veille à ce que les étudiants disposent de cette aide technique et à ce que le gouvernement fasse en sorte que les employeurs sachent qu'il est absolument essentiel qu'ils aient le matériel voulu s'ils veulent engager un étudiant handicapé. Les entreprises doivent savoir qu'elles doivent avoir ce matériel. Les entreprises disposent ces jours-ci de certains crédits; le gouvernement peut peut-être jouer un rôle en leur offrant des subventions équivalentes pour permettre aux étudiants qui entrent sur le marché du travail d'avoir le matériel d'adaptation nécessaire, et ainsi ils pourront donner leur plein rendement au travail et même postuler tous les postes ouvrant droit à l'avancement. Oui, nous nous intéressons nettement à ce domaine.
Lorsque l'industrie met au point des aides didactiques à l'intention des employeurs, nous lui demandons de faire savoir que cette formation est accessible sur supports de substitution. Si bien qu'un employé handicapé pourra avoir accès à ces aides didactiques et, s'il le désire, il pourra hausser ses compétences au niveau voulu pour postuler des postes ouvrant droit à l'avancement.
J'espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Lavoie-Roux: Merci. Je sais que c'est un gros problème. Voilà pourquoi j'ai posé cette question.
M. Asuncion: Oui, c'est un gros problème.
M. Smith: En juillet 1996, nous avons réalisé une étude sur les possibilités d'emplois des étudiants et des diplômés du niveau postsecondaire ayant des handicaps, où 424 étudiants et diplômés des quatre coins du Canada nous ont parlé des problèmes que pose la transition de l'université au travail. Si le sous-comité désire, nous pouvons lui en faire parvenir un exemplaire.
Ce rapport renferme une constatation importante, et vous la trouverez dans notre mémoire, à savoir que 45 p. 100 des répondants à cette étude ont dit qu'à leur avis, l'éducation postsecondaire ne les avait pas préparés au marché du travail. Cette étude faisait intervenir un très grand nombre de participants des quatre coins du pays et affligés de toutes sortes d'handicaps et de profils et d'expériences éducatifs différents. Il s'agit d'une analyse très détaillée et complète de tous les problèmes, qu'il s'agisse de la transition de l'université au travail, de la valeur de l'éducation, de la recherche d'un emploi et des difficultés inhérentes, des obstacles au marché du travail, des qualifications que les personnes handicapées croient devoir obtenir pour entrer sur le marché du travail. Certains htmects du rapport portent sur l'éducation strictement, et d'autres ont trait aux autres compétences que l'on peut acquérir par d'autres moyens, par exemple par le travail communautaire ou autre.
En outre, notre organisation a un conseil consultatif des employeurs avec lequel nous travaillons, qui comprend environ 25 membres, dont 20 grands employeurs nationaux des divers secteurs de l'économie. Nous travaillons en étroite collaboration avec notre conseil consultatif des employeurs pour remédier aux problèmes que nous avons mentionnés relativement à la transition de l'université au travail et aux difficultés que les personnes handicapées éprouvent au cours de cette transition.
Le sénateur Lavoie-Roux: Avez-vous dit que vous nous enverriez un exemplaire de l'étude que vous avez mentionnée, ou pouvons-nous en obtenir un quelque part?
M. Smith: Je peux vous faire parvenir un exemplaire de ce rapport. D'ailleurs, nous pourrons en remettre un exemplaire aujourd'hui au sous-comité. Nous en avons apporté un. Nous avons également des copies du dernier numéro de notre bulletin. Nous avons publié le sommaire des constatations de cette étude dans ce bulletin. Nous pouvons remettre ces deux textes au sous-comité avant de partir aujourd'hui.
M. Asuncion: Au sujet de ces textes, M. Smith et moi-même avons parlé du Projet d'approches nationales aux services. L'Association nationale des étudiants handicapés au niveau postsecondaire est extrêmement fière de ce projet. Nous travaillons ici en partenariat avec divers secteurs, et nous serions plus qu'heureux de vous remettre une copie de ce texte aussi, pour vous montrer ce qui s'est fait en matière d'éducation récemment. Nous pouvons vous donner ce texte aussi.
Le sénateur Lavoie-Roux: Merci. Tout ce qui peut nous aider à voir le plus de facettes de ce problème est utile.
M. Asuncion: Il faut espérer que nous recevrons un financement supplémentaire pour entreprendre certains nouveaux projets. À ce sujet, il y aura définitivement de nouveaux projets qui, s'ils sont acceptés par notre conseil d'administration, porteront sur d'autres questions que nous avons soulevées. Nous sommes très heureux de voir notre association s'attaquer directement à ces nombreux problèmes. Nous sommes heureux de la coopération que nous recevons ainsi que de l'intérêt manifesté par vous et par d'autres secteurs aussi.
Le président: Merci. Nous vous saurions gré de remettre ces documents au greffier du comité.
Je cède maintenant la parole à le sénateur Forest, de l'Alberta, qui a également été chancelière d'une autre université dans son temps.
Le sénateur Forest: J'étais probablement déjà chancelière quand vous êtes né.
Votre enthousiasme et votre optimisme me ravissent, et je suis également contente d'apprendre que vous formez une association nationale. C'est formidable.
Vous avez parlé des universités qui peuvent vous procurer ce dont vous avez besoin. Dans certains campus plus vieux, on a beaucoup de mal rien qu'avec les installations. Est-ce que ça s'améliore?
M. Asuncion: Malheureusement, l'étude que nous allons entreprendre, le Projet d'approches nationales aux services, constituera l'étude la plus complète réalisée à ce jour sur cette question, et portera en particulier sur celle que vous avez posée, nommément l'accès aux installations. Je peux vous donner un exemple concret d'une université. Je dois souligner cependant qu'il ne s'agit que d'un exemple, mais je ne peux pas dire que c'est le seul.
Par exemple, l'Université McGill de Montréal est une vénérable institution où l'on trouve beaucoup de vieux immeubles. On s'y est donné énormément de mal pour rendre bon nombre de ces immeubles accessibles. Cela se fait à ce niveau. Nous espérons apprendre dans le cours de notre étude quelles autres universités ont pris ces mesures concrètes.
Vous avez raison, poser des rampes ou installer des ascenseurs dans les vieux immeubles est un peu difficile. Néanmoins, on s'efforce d'y porter remède. D'ailleurs, plusieurs universités ont réussi à déplacer des cours dans les immeubles plus neufs, si c'est ce qu'il faut faire. Chose certaine, il y a beaucoup de coopération et de compréhension à cet égard.
Le sénateur Forest: C'est merveilleux. Merci.
Vous parliez du soutien à l'éducation postsecondaire et vous disiez craindre d'être perdant étant donné qu'il n'y a plus qu'une seule enveloppe versée aux provinces pour l'éducation? Avez-vous des exemples de cela, ou est-ce simplement une crainte? Je sais que c'est un programme nouveau.
M. Smith: Des exemples de quoi, exactement?
Le sénateur Forest: De ne pas recevoir sa juste part des fonds.
M. Smith: Le Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux remplace l'arrangement qui était en place depuis de nombreuses années au titre du FPE et du RAPC. C'est seulement avec le temps que l'on pourra établir l'incidence exacte du nouvel arrangement de financement.
Le sénateur Forest: Oui, je le comprends.
M. Smith: On voit déjà des indices, dans les provinces et dans les institutions, de programmes qui subissent des compressions et de fortes augmentations des frais de scolarité pour les étudiants. Les intervenants précédents vous ont parlé de l'endettement des étudiants. Chose certaine, les étudiants handicapés qui finissent leurs études postsecondaires avec de lourdes dettes ont énormément de difficultés à les rembourser, surtout dans le climat qui règne actuellement sur le marché de l'emploi, puisqu'il est deux fois plus difficile aux personnes handicapées de se trouver un emploi.
Le sénateur Forest: Il faudra donc attendre pour se prononcer.
M. Asuncion: Il faut tenir compte du coût de la technologie et de l'aide technique, par exemple les imprimantes et les ordinateurs en braille, les choses de ce genre, qui sont actuellement disponibles sur le marché. Un ordinateur complet pour un étudiant aveugle peut coûter jusqu'à 15 000 $ par étudiant. Si de nombreux étudiants aveugles ou handicapés visuels en ont besoin, surtout si l'on suppose que les compressions budgétaires se poursuivront, il y aura fort probablement de nouvelles règles et de nouvelles contraintes sur l'équipement disponible. C'est une grave préoccupation relativement à la technologie.
Le sénateur Forest: Merci beaucoup. Félicitations pour les remarquables progrès que vous avez accomplis en 25 ans.
Le président: Je tiens à remercier MM. Asuncion et Smith pour leurs excellents mémoires. Vous êtes jeunes et vous méritez des félicitations. À votre âge, j'aurais tremblé de nervosité à l'idée de m'adresser à une bande de vieux sénateurs. Vous vous en êtes très bien tirés.
M. Smith: Merci beaucoup.
Le président: Merci d'être venus aujourd'hui.
M. Smith: Merci de nous avoir consacré de votre temps.
Le président: Nous avons d'autres travaux et nous poursuivrons la séance à huis clos.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.