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SAFE

Sous-comité de la sécurité des transports

 

Délibérations du sous-comité de la
Sécurité des transports
du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 8 - Témoignages pour le 18 mars 1997


HALIFAX, le mardi 18 mars 1997

Le sous-comité de la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 15 h 02 pour étudier l'état de la sécurité des transports au Canada.

Le sénateur J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous sommes heureux d'entreprendre nos audiences à Halifax aujourd'hui en entendant le directeur général de la Commission des transports des provinces de l'Atlantique, M. Peter Vuillemot.

La Commission des transports fait partie de la structure des transports dans tous ses aspects dans cette partie du Canada depuis plusieurs années. La commission a la confiance de tous en ce qui concerne son travail et ses connaissances dans le domaine dont elle s'occupe pour nous ici dans la région atlantique.

Je vous en prie, monsieur Vuillemot.

M. Vuillemot, directeur général, Commission des transports des provinces de l'Atlantique (CTPA): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureux de vous parler aujourd'hui de cette question importante. Vous avez reçu le mémoire de la CTPA. Je vais en faire ressortir les points saillants dans ma déclaration liminaire, après quoi je répondrai à vos questions au mieux de mes connaissances.

La sécurité des transports n'est pas un domaine dont la CTPA s'est occupée directement pendant les nombreuses années où elle a oeuvré dans le secteur des transports dans la région atlantique. Il est préférable de laisser à ceux qui ont plus de connaissances et d'expérience dans le domaine les aspects techniques de la sécurité des véhicules, de la conception des routes, et cetera. La CTPA a cependant participé activement aux discussions concernant des questions comme le réseau routier national et la réforme de la réglementation au Canada.

Comme vous le savez certainement, les transports constituent un élément essentiel à l'économie de la région atlantique. Les manufacturiers et les producteurs dépendent de services de transports sûrs et efficaces pour acheminer leurs produits sur les marchés nord-américains et mondiaux. L'industrie touristique dépend de moyens de transport sûrs et fiables pour attirer dans notre belle région les touristes de toutes les parties du monde. En tant que consommateurs, nous dépendons des transports pour nous apporter les produits que nous utilisons dans nos activités quotidiennes.

La CTPA a toujours exhorté le gouvernement fédéral à contribuer de façon appréciable aux travaux nécessaires à la réfection des routes dans la région atlantique. L'étude effectuée en 1992 sur le réseau routier national a identifié le réseau routier de la région atlantique comme étant celui qui a le plus besoin de travaux d'amélioration. Depuis ce temps, comme vous le savez certainement, des travaux importants de construction ont eu lieu, en particulier pour donner aux Maritimes des routes à quatre voies et à double chaussée. Cependant, il faut faire encore beaucoup plus.

Le gouvernement fédéral a contribué à ces travaux par une série d'accords ponctuels d'une durée déterminée conclus avec les provinces. Dans chaque cas, cependant, les fonds fédéraux en question provenaient des crédits prévus pour d'autres programmes. Il n'y avait pas de nouveaux crédits. La CTPA estime qu'un programme de réseau routier national aurait dû être en vigueur depuis des années, afin de fournir le financement nécessaire à la réfection, à la construction et à l'entretien du réseau routier national du Canada. Nous, au Canada, sommes parfois de grands parleurs et de grands argumentateurs, mais il y a des moments où nous parlons au lieu d'agir, et la CTPA estime qu'en l'occurrence les discussions ont duré beaucoup trop longtemps. La CTPA estime également que le gouvernement fédéral a la capacité financière nécessaire, dans le contexte de ses recettes actuelles, pour contribuer d'une manière appréciable à un tel programme de réseau routier national. Il n'est pas nécessaire d'imposer de nouvelles taxes aux usagers.

Notre deuxième argument concerne principalement la déréglementation et la réglementation en matière de sécurité au Canada. La CTPA est un fervent partisan de la déréglementation économique des transports au Canada. Elle appuie également les intervenants de l'industrie ainsi que les gouvernements fédéral et provinciaux dans leurs efforts pour mettre en oeuvre des règlements et des programmes en matière de sécurité. Il est cependant important de signaler que l'uniformité des règlements et l'uniformité de leur application sont des facteurs essentiels. Le gouvernement fédéral a la responsabilité d'assurer la coordination avec les divers autres paliers de gouvernement afin que des règlements uniformes en matière de sécurité soient adoptés et mis en oeuvre le plus tôt possible.

L'uniformité est importante pour assurer la conformité; il est également important de veiller à ce que les règlements en matière de sécurité ne deviennent pas des obstacles au commerce international ou interprovincial ou à la mobilité des personnes. L'uniformité de la réglementation amène aussi une plus grande uniformité dans l'application. Ce sont les deux principaux points dont nous parlons dans notre mémoire.

Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Roberge: Pouvez-vous me dire d'où vient votre financement?

M. Vuillemot: Notre financement vient d'une combinaison des subventions ou de l'aide financière des gouvernements provinciaux, en plus des services et des produits que nous vendons, en particulier des produits d'information, comme par exemple des brochures, des dépliants et d'autres publications.

Le sénateur Roberge: Vous parlez d'uniformité des normes. Pouvez-vous me donner un peu plus de détails? Quels obstacles nous empêchent, d'après vous, d'arriver à cette uniformité des normes?

M. Vuillemot: Au Canada, comme vous le savez, les routes et les autoroutes relèvent essentiellement de la compétence des provinces, et il y a donc dix provinces et deux territoires qui adoptent et appliquent leurs propres règlements dans tous les domaines concernant le transport routier. Parfois, et c'est probablement dû au hasard plus souvent qu'autrement, lorsqu'on passe d'une province à une autre, les règlements sont raisonnablement semblables, mais dans d'autres cas ils ne le sont pas. Cela peut devenir, dans certains cas, un obstacle au commerce, soit à cause des règlements eux-mêmes, soit à cause ou de la façon dont on les applique.

Le sénateur Roberge: Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait appliquer des normes uniformes à l'échelle du pays?

M. Vuillemot: Je ne sais pas vraiment comment le gouvernement fédéral pourrait appliquer des normes uniformes. Je pense que le gouvernement fédéral devrait prendre l'initiative d'amener toutes les parties concernées à uniformiser davantage les normes existantes. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral soit en mesure d'appliquer vraiment des normes, et je ne pense pas que les provinces souhaitent que le gouvernement fédéral le fasse, mais je pense qu'il a un rôle de coordination à jouer, c'est-à-dire qu'il doit rassembler les divers intervenants, les encourager à coopérer. Il y a peut-être d'autres mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour favoriser une plus grande uniformité dans les normes.

Le sénateur Bacon: Pour faire suite à ce que mon collègue vient de demander, pensez-vous que le gouvernement fédéral doive imposer certaines mesures de sécurité aux provinces dans le contexte de la conférence des ministres des Transports?

M. Vuillemot: Je ne suis pas certain que le mot «imposer» soit le bon.

Le sénateur Bacon: C'est un mot fort.

M. Vuillemot: En effet, c'est un mot fort.

Le sénateur Bacon: Je suis persuadée que les provinces penseraient ainsi.

M. Vuillemot: Je pense qu'il faut peut-être que quelqu'un prenne bien l'initiative. Le gouvernement fédéral pourrait peut-être établir des normes et essayer ensuite d'encourager les gouvernements provinciaux à respecter ces normes, sans en faire des règlements comme tels, dirais-je.

Le sénateur Bacon: On nous a dit que les routes constituent l'élément le plus important et devraient avoir la première priorité parmi les questions de sécurité à l'étude.

M. Vuillemot: Oui.

Le sénateur Bacon: Vous pensez de même?

M. Vuillemot: Dans la région de l'Atlantique, en ce qui concerne nos besoins en matière de transport vers les marchés d'Amérique du Nord, quand on se dirige vers les États-Unis et le reste du Canada, les routes représentent notre plus importante infrastructure. C'est par la route qu'on transporte la plupart de nos marchandises, que ce soit en termes de poids ou de valeur. Les routes constituent donc l'élément le plus important. En outre, sur les plans du tourisme et des déplacements personnels, c'est encore une fois le réseau routier qui est le plus fréquenté.

Le sénateur Bacon: Si le gouvernement fédéral prend l'initiative, pensez-vous que les provinces l'accepteront?

M. Vuillemot: Accepteront-elles qu'il prenne l'initiative? C'est une bonne question. Certaines d'entre elles pourraient l'accepter, mais elles ne l'accepteront probablement pas toutes, et il faudra peut-être leur offrir certains encouragements. Je ne suis pas certain que cet encouragement doit être monétaire. Il y a d'autres moyens.

Le sénateur Bacon: Quels sont-ils?

M. Vuillemot: On pourrait peut-être utiliser le régime fiscal, par exemple, pour encourager les entreprises. Je ne suis pas un spécialiste des finances, de sorte que j'ignore comment le gouvernement gère son argent, du moins je ne le sais probablement pas autant que je le devrais. Le gouvernement fédéral peut adopter une position beaucoup plus ferme pour amener les parties concernées à coopérer et pour préconiser le type de règlements de sécurité qui n'existent pas et dont nous avons besoin.

Dans notre pays, par exemple, au moment de la déréglementation économique survenue en 1988, beaucoup d'organismes comme le nôtre ont alors dit que si l'on déréglementait l'aspect économique du secteur des transports, il fallait en même temps mettre en oeuvre un code ou un système de sécurité. Eh bien, neuf ans plus tard, nous n'avons toujours pas de code national de sécurité. Personne n'a vraiment pris l'initiative d'en mettre un en oeuvre.

Le sénateur Bacon: Recommanderiez-vous à notre comité d'envoyer un message concernant l'adoption d'un code de sécurité?

M. Vuillemot: Oui.

Le sénateur Adams: Vous avez déjà envoyé quelqu'un, en 1996, au Comité des transports de la Chambre des communes.

M. Vuillemot: En effet.

Le sénateur Adams: Êtes-vous préoccupés aussi par la sécurité, ou seulement par la construction d'une route? Pourquoi viendraient-ils ici en décembre?

M. Vuillemot: Ce comité essayait essentiellement de trouver des façons de financer un programme de réseau routier national, et c'était principalement son objectif. Nous avons comparu devant ce comité et nous l'avons encouragé dans ses travaux. Nous lui avons transmis essentiellement le même message que nous vous apportons aujourd'hui, c'est-à-dire qu'à notre avis, dans le contexte financier actuel, le gouvernement fédéral a la latitude nécessaire, la capacité de contribuer d'une manière appréciable à un tel programme, et il doit discuter avec les représentants des provinces, des dix provinces et des deux territoires, pour en arriver à une formule de financement acceptable.

Nous croyons savoir qu'il y a eu des discussions en 1994 et que les provinces ainsi que les territoires s'étaient alors essentiellement entendus sur une formule acceptable. Le gouvernement fédéral n'avait pas alors donné son accord. Il y avait donc dix provinces et deux territoires qui s'étaient entendus, mais le gouvernement fédéral n'avait pas donné son accord.

Je ne sais pas du tout en quoi consistait la formule choisie.

Le sénateur Adams: Vous n'avez pas d'accord de partage des frais 50-50 pour la construction de la route transcanadienne ou son entretien, n'est-ce pas?

M. Vuillemot: Nous disons qu'il faut mettre en oeuvre un programme à long terme. Tout d'abord, le gouvernement fédéral doit reconnaître qu'un réseau routier national est un atout national et un moyen national de transporter la population et les produits d'une partie à l'autre du pays, ce qu'il ne reconnaît pas encore. Il considère les routes comme une responsabilité purement provinciale et ne reconnaît pas le fait qu'elles représentent un actif national. Le gouvernement fédéral doit aussi reconnaître que nous avons besoin d'un programme qui fournira un mécanisme continu de financement et d'entretien de cet actif national pendant de nombreuses années à venir. La plupart des autres pays industrialisés dans le monde ont de tels programmes.

Le sénateur Adams: Avez-vous des statistiques sur les accidents qui surviennent sur les routes de la Nouvelle-Écosse, des accidents comme ceux qu'on voit en Ontario, où de nombreux semi-remorques perdent des roues?

M. Vuillemot: Je n'ai pas ces statistiques sous la main, mais elles existent. Si vous parlez spécifiquement des camions d'entreprises commerciales qui perdent des roues, par exemple, je crois qu'il y a eu deux incidents de cette nature dans la région atlantique depuis l'automne dernier; il n'y en a certainement pas autant qu'en d'autres endroits. À mon avis, vous devriez examiner les règlements en vigueur dans les diverses provinces et les différences entre les types d'équipements qui sont permis sur nos routes par rapport à ce qui est permis sur les routes des provinces où ces accidents se produisent, et vous pourrez vous faire une idée, je pense, de l'origine du problème, c'est-à-dire que certains gouvernements permettent qu'on transporte plus de marchandises, des poids plus importants, de sorte que l'équipement est soumis à un plus grand stress.

Le sénateur Adams: Le gouvernement de l'Ontario a maintenant de nouveaux règlements sévères. Je pense qu'ils ont été adoptés il y a quelques semaines.

M. Vuillemot: C'est exact. Et un tel règlement de sécurité adopté dans une province, par exemple, pourrait devenir un obstacle au commerce interprovincial, car les marchandises sont transportées de la région atlantique, par exemple, jusque dans cette province, et même de cette province à d'autres provinces. Et l'on a maintenant ce règlement qui est en vigueur et qui pourrait devenir ou non un obstacle au commerce, selon la façon dont il est appliqué et ce qu'il signifie vraiment, mais je n'ai pas vu le libellé du règlement en question.

Le sénateur Adams: Que se passe-t-il lorsque quelqu'un va de la Nouvelle-Écosse en Ontario si son camion ne satisfait pas aux normes applicables sur les routes de l'Ontario? Que pensez-vous des cas où quelqu'un de la Nouvelle-Écosse se voit imposer une amende pouvant aller jusqu'à 50 000 $? Il ne vaudrait pas la peine de transporter des marchandises de la Nouvelle-Écosse en Ontario, en particulier des produits alimentaires.

M. Vuillemot: Ne vous méprenez pas sur ce que j'ai dit. Premièrement, je pense qu'il y avait certainement un problème et que l'Ontario a pris des mesures pour l'éliminer; que ce soit les bonnes ou les mauvaises mesures, on le verra, mais le gouvernement devait agir. Il a peut-être été trop loin. Le fait est qu'il y a maintenant dans une province des règlements qui n'existent pas ailleurs, et dans notre pays le commerce ne respecte pas nos frontières politiques; il se fait d'un bout à l'autre du pays, ainsi qu'entre le Nord et le Sud.

Si un véhicule de la région atlantique se trouve en Ontario et connaît un incident de cette nature, ce n'est pas un véhicule sûr, et il doit donc être assujetti aux pénalités en vigueur dans cette province, et nous n'y voyons pas d'objection. Nous aimerions cependant peut-être que des règlements soient en vigueur avant que des situations critiques comme celles-là se présentent; c'est pourquoi un code national de sécurité qui aurait été adopté il y a neuf ans aurait peut-être pu empêcher que nous nous retrouvions aujourd'hui dans une telle situation.

Le sénateur Roberge: Nous savons tous que les gouvernements n'ont pas d'argent. Ce n'est un secret pour personne et c'est peut-être pourquoi rien n'est arrivé au cours des années dont vous parlez. Ces dernières années, on a investi dans un programme d'infrastructure, et certaines provinces, y compris celles de l'Atlantique peut-être, en ont profité. Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez, parce que plusieurs pays font la même chose, c'est-à-dire qu'ils privatisent des routes. Avez-vous une opinion à ce sujet?

M. Vuillemot: Vous devez vraiment définir ce que vous entendez par «privatiser des routes». Si vous envisagez de privatiser un réseau routier national d'un océan à l'autre, je pense que c'est une idée ridicule. Si vous parlez du type de partenariat entre le secteur privé et le secteur public que nous avons entrepris dans notre pays pour construire certains projets particuliers, dans certaines régions, je pense que c'est probablement une solution de rechange utile. À mon avis, à long terme, ou par rapport à la durée de vie totale de l'infrastructure, cela ne fera probablement pas beaucoup de différence dans le coût total. Cela nous permet tout de même de construire cette infrastructure beaucoup plus vite.

Le sénateur Roberge: Et de l'entretenir?

M. Vuillemot: Je réserve mon jugement en ce qui concerne l'entretien. Plusieurs des programmes dont on a parlé sont peut-être applicables dans certaines régions, comme le sud du Québec, le sud de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, où le volume de circulation est énorme, mais en ce qui concerne les routes de la région atlantique ou des Prairies ou du nord de l'Ontario, vous vous rendrez compte qu'il est très difficile d'absorber des coûts de cette nature, étant donné le volume de circulation dans ces régions, et vous ne trouverez pas d'entrepreneur privé qui sera disposé à travailler dans ces régions.

Le président: Après avoir suivi les progrès de la déréglementation, économique et autre, pouvez-vous dire si, de l'avis de la commission, la déréglementation a eu des effets néfastes sur la sécurité, directement ou indirectement?

M. Vuillemot: Je dois dire qu'à notre avis il n'y a pas eu de lien entre la déréglementation économique du secteur du transport et les changements survenus dans le niveau de sécurité pendant la même période. Je ne suis même pas sûr que nous ayons un réseau moins sûr maintenant qu'au moment de la déréglementation. Depuis ce temps, certains gouvernements ont adopté plusieurs autres règlements de sécurité qui diffèrent d'une province à l'autre, peut-être au point où il devient difficile aux conducteurs de véhicules de respecter les règlements, étant donné leur nombre et leur complexité.

Je vous invite à interroger un dirigeant de compagnie de camionnage ou, mieux encore, un camionneur; allez donc demander à un camionneur ce qu'il doit faire et ce qu'il estime pouvoir faire, compte tenu de la quantité de règlements et de toute la paperasse qu'il doit remplir avant de pouvoir conduire son camion, et s'il comprend vraiment tous les règlements qu'il s'efforce de respecter. À mon avis, c'est très difficile.

Le président: Connaissez-vous la pratique de la police routière de l'Ontario?

M. Vuillemot: Je sais qu'ils ont là-bas un programme d'inspection. Je ne le connais pas vraiment bien, non.

Le président: Vous ne le connaissez pas bien?

M. Vuillemot: Non.

Le président: Vous ne l'avez pas examiné suffisamment pour avoir une opinion, à savoir s'il y aurait peut-être lieu de faire la même chose ici, dans les provinces de l'Atlantique?

M. Vuillemot: Dans la région de l'Atlantique, toutes les provinces ont des programmes d'inspection des véhicules. On fait l'inspection des véhicules dans des stations prévues à cet effet, et il y a aussi des inspecteurs qui se déplacent et qui peuvent interpeller et inspecter un véhicule en tout temps. J'ignore si c'est différent pour ce qui est de l'intensité et si l'inspection elle-même est différente de celle que l'on fait en Ontario, mais nous avons bel et bien des programmes d'inspection ici. Nous faisons l'inspection des véhicules pour en garantir la sécurité, et cetera, et les véhicules doivent être certifiés un certain nombre de fois par année.

Le président: Est-ce que cela ressemble au programme en vigueur pour la sécurité des voitures? Il faut faire vérifier sa voiture pour garantir qu'elle est conforme aux normes de sécurité?

M. Vuillemot: C'est semblable, mais c'est plus rigoureux pour les véhicules commerciaux.

Le président: Mais il n'y a pas une présence énergique sur les routes du Nouveau-Brunswick, par exemple.

M. Vuillemot: Vous constaterez, je pense, que depuis pas mal de temps les exploitants de véhicules sont d'avis que le Nouveau-Brunswick est la province où les inspections sont les plus sévères. Les gens qui viennent de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard ou de Terre-Neuve savent qu'en arrivant au Nouveau-Brunswick ils peuvent s'attendre à un régime assez sévère, que ce soit dans les stations d'inspection ou de la part des inspecteurs itinérants.

Le président: Peut-être le temps est-il venu d'assurer l'uniformité en s'inspirant de ce modèle?

M. Vuillemot: Cela pose quelques problèmes. Bien sûr, il y a énormément de véhicules sur les routes, et je ne saurais vous dire quel pourcentage subit une inspection, mais je suis sûr que ce n'est pas 100 p. 100.

Le président: J'en reviens à cette question de savoir comment assurer le financement de la construction de nouvelles routes et des programmes d'entretien des routes. Nous avons vaguement envisagé d'inviter le gouvernement à réinjecter dans le système lui-même, je veux dire le réseau national, les routes importantes, environ 1,5c. ou 2c. pour assurer le renouvellement et l'entretien du réseau, et une somme égale, peut-être légèrement plus élevée, pour la construction de nouvelles routes dans un avenir prévisible, cet argent étant tiré directement de la taxe et divisé en diverses parts. Il y a actuellement des écarts dans la fiscalité d'une province à l'autre qui rendent difficile pour les exploitants et les autorités provinciales d'établir des programmes individualisés. Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Vuillemot: Oui, j'ai quelque chose à dire à ce sujet. Nous croyons que c'est un pas dans la bonne direction, en ce sens que le gouvernement fédéral puise actuellement dans le système entre un peu plus de 3 milliards et 5 milliards de dollars par année, selon la source des données, directement en taxes applicables au réseau routier, mais le gouvernement réinjecte très peu de cet argent dans l'infrastructure, peut-être de 5 à 10 p. 100, encore une fois selon les chiffres. Nous croyons assurément qu'il y a des possibilités de ce côté-là.

Nous croyons aussi que ces dernières années le gouvernement fédéral s'est retiré d'un nombre considérable d'autres programmes dans le domaine des transports. Il se déleste de ses responsabilités financières à l'égard des aéroports, de la navigation aérienne, des ports de mer, d'un bon nombre de programmes de subventions d'un bout à l'autre du pays. Ce retrait a créé une sorte de marge de manoeuvre financière assez considérable. Maintenant, je reconnais que cet argent sert en partie à réduire le déficit, ce qui est légitime, mais nous croyons qu'il y a de la place pour un certain réinvestissement. Quant à savoir si le montant ainsi réinjecté devrait être d'un sou et demi ou deux sous, je ne saurais le dire, mais nous sommes convaincus qu'il y a de la marge et que le gouvernement fédéral devrait réinvestir une partie de cet argent dans le cadre d'une formule de financement à long terme pour un réseau routier national.

Le président: Pour ce qui est des emprises ferroviaires dans votre domaine de préoccupation, et peut-être à l'ouest de Montréal, les voies ferrées sont-elles sûres, relativement sûres ou très sûres?

M. Vuillemot: Pour ce qui est des emprises ferroviaires, je ne saurais dire. Les chemins de fer ont été privatisés au Canada, et les compagnies de chemins de fer ont leurs propres structures. Je crois que cet hiver nous n'avons pas encore eu le moindre déraillement grave dans la région de l'Atlantique. Que je sache, il n'y en a pas eu cette année. Nous en avons eu de temps à autre. J'en conclus, et c'est ce qu'indiquent toutes les compagnies de ce secteur, que leur infrastructure est en bon état. Les usagers du service ne connaissent pas de problèmes de retard ou autres, ce qui indique que le réseau du Canada atlantique semble raisonnablement en bon état.

Quand on parle de sécurité, il y a plus en cause que l'état de l'infrastructure et de l'assiette de la route. Il y a aussi l'état mécanique de l'équipement qui emprunte la voie en question, il y a aussi la formation des employés et le système de réglementation et la question de savoir si les employés comprennent ce système et respectent les règlements. C'est une foule de choses. L'infrastructure n'est qu'un élément.

Le sénateur Bacon: Vous semblez satisfaits du règlement qui s'applique actuellement au transport des matières dangereuses. Est-ce parce que vous avez connu des problèmes de sécurité auparavant dans la région de l'Atlantique?

M. Vuillemot: Pour ce qui est du transport des matières dangereuses, non, nous n'avons pas vraiment éprouvé de problèmes de sécurité à ce chapitre au Canada atlantique. Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas eu des incidents isolés. En général, nous n'avons pas eu de problèmes de ce côté-là. Les règlements qui ont été établis par Transports Canada vers le milieu ou la fin des années 80 étaient au départ et demeurent à ce jour très complexes et difficiles à comprendre et à interpréter. Transports Canada a un bon programme pour aider les expéditeurs et les transporteurs à interpréter les règlements; le ministère travaille de concert avec eux. Actuellement, il y a beaucoup d'activités visant à simplifier ces règlements et à les rendre plus faciles à comprendre et à observer, et c'est un pas dans la bonne direction. Parfois, les règlements sont rédigés de telle manière qu'ils sont difficiles à comprendre et exagérément compliqués.

Le sénateur Bacon: Recommanderiez-vous d'autres changements, des règlements supplémentaires?

M. Vuillemot: Il n'est pas question que je demande de réglementer davantage. J'en ferais la recommandation s'il y avait des problèmes et si des règlements étaient nécessaires pour les résoudre; à ce moment-là, il faut réglementer. Bien souvent, je crois que les règlements sont mis en place avant que les parties en cause aient eu la chance de régler le problème, et, dans ces cas-là, on a tendance à exagérer quelque peu.

Le sénateur Roberge: Maintenant que les chemins de fer ont été privatisés et que nous avons des exploitants de lignes sur courtes distances, avez-vous fait les analyses et des études sur la sécurité des lignes sur courtes distances en comparaison de la situation antérieure?

M. Vuillemot: Non, pas au sujet de la sécurité; nous n'en avons pas fait.

Le sénateur Roberge: Vous n'avez aucun commentaire à faire là-dessus, aucune inquiétude?

M. Vuillemot: Nous avons des lignes sur courtes distances en exploitation ici depuis un certain nombre d'années, et la Commission des transports des provinces de l'Atlantique appuyait sans réserve la création de ces lignes et a été partie prenante au processus, et selon notre expérience à cet égard les exploitants sont satisfaisants. Ils ont offert un bon service à leurs clients, et, à notre connaissance, les groupes d'employés de ces organisations ne signalent pas beaucoup de problèmes de sécurité.

Cela dit, je sais que dans le cas d'un exploitant en particulier on a signalé des incidents l'année dernière. C'était au Nouveau-Brunswick. Je crois toutefois que la plupart des problèmes ont été réglés par les employés et la direction; le gouvernement provincial s'en est mêlé également.

Le sénateur Roberge: Vous nous avez parlé principalement de quelques points de votre mémoire. Nous avons parlé des lignes sur courtes distances, nous avons parlé de différents modes de transport. Avez-vous d'autres préoccupations que vous voudriez soulever?

M. Vuillemot: Au sujet de la sécurité, je le répète, la Commission des transports des provinces de l'Atlantique ne s'est pas mêlée directement de cette question dans le passé, et nous ne prévoyons pas qu'elle le fera. Les exploitants, les promoteurs et les constructeurs de l'infrastructure sont beaucoup mieux placés que nous pour analyser tout cela. Notre principale préoccupation, c'est que les règlements qui seraient éventuellement mis en place devraient être uniformes d'une province à l'autre.

Il faut qu'il y ait uniformité pour un certain nombre de raisons. D'abord, pour en assurer la compréhension, afin que les gens qui doivent les respecter les comprennent et sachent à quoi s'attendre quand ils passent d'une partie à l'autre du pays ou du continent. S'ils sont relativement uniformes cela aide également à en assurer la mise en application, et cela rend aussi le système un peu moins coûteux pour tous les intéressés. C'est moins coûteux à administrer pour le gouvernement, c'est moins coûteux pour les gens qui essaient de les respecter. Pour toutes ces raisons, nous sommes tout à fait en faveur d'une réglementation uniforme.

Nous sommes également préoccupés parce que le transport est un secteur de service et que les entrepreneurs de ce secteur s'efforcent de répondre aux exigences de leurs clients, par un souci d'équilibre et de possibilité d'intervention; il faut faire attention de ne pas mettre en place un régime de réglementation sévère qui fera obstacle aux échanges commerciaux, aux déplacements des voyageurs, et qui nous empêchera de concurrencer les autres régions de l'Amérique du Nord, ou même du monde, puisque nous vivons maintenant dans une économie mondialisée.

Le sénateur Adams: Vous avez dit plusieurs fois que vous aimeriez avoir une plus grande uniformité. Nous allons rencontrer des représentants de Transports Canada à Ottawa, et je crois que pour l'essentiel ils sont en faveur d'une norme canadienne. Il semble que ce qui vous préoccupe surtout, ce sont les voitures et les camions semi-remorques. Quelles normes envisagez-vous?

M. Vuillemot: Il y a bien sûr un certain nombre de niveaux de réglementation. D'abord, il y a les normes mécaniques visant le véhicule lui-même et ses caractéristiques mécaniques. Il faut aussi des normes pour la façon dont on utilise ces véhicules, le chargement, en poids et en dimensions, et cetera, la façon dont il est attaché et tenu en place. On peut aussi avoir des normes applicables aux exploitants, pour s'assurer qu'ils ont un certain niveau de compétence, par exemple. Toutefois, le transport routier est de compétence provinciale.

Le gouvernement fédéral, à juste titre à mon avis, s'en remet essentiellement aux provinces pour réglementer l'exploitation et la sécurité des véhicules. Nous croyons toutefois que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour ce qui est de coordonner et de proposer des niveaux appropriés de réglementation ou des normes de sécurité précises; par exemple, tel véhicule peut-il transporter 100 000 livres de fret. C'est simplement un chiffre que je lance au hasard. Cela ne veut pas dire que je suis en faveur d'une telle norme. On pourrait faire des choses semblables et suggérer des normes; les autorités fédérales peuvent suggérer des normes pour la formation des camionneurs, afin d'uniformiser tout cela d'un bout à l'autre du pays. Elles pourraient établir des normes pour le matériel, stipuler que les camions doivent être munis de certains types de freins ou de certaines caractéristiques de sécurité. On pourrait établir des normes à cet égard et ensuite prendre des mesures pour encourager les provinces à les mettre en pratique.

La situation actuelle, c'est que nous avons une foule de domaines, particulièrement sur le plan opérationnel. Je pourrais vous donner rapidement un exemple. Si vous transportez au Nouveau-Brunswick un chargement qui est peut-être un peu plus large ou un peu plus long que les dimensions standards des véhicules, vous ne pouvez le faire que pendant la journée. Par contre, en Nouvelle-Écosse, vous ne pouvez transporter le même chargement que pendant la nuit. Alors, pourquoi a-t-on deux territoires limitrophes qui adoptent un règlement différent pour le même produit, le même chargement? Pourquoi?

Par exemple, en Nouvelle-Écosse, un véhicule qui transporte une charge extra-longue ou extra-large doit afficher à l'avant un panneau indicateur rayé de rouge et de blanc, avec la lettre D, signifiant «dimensions exceptionnelles». Si le véhicule ne transporte aucune charge, il faut enlever ce panneau. Au Nouveau-Brunswick, l'enseigne doit être apposée sur le véhicule, peu importe qu'il transporte ou non une charge. Voilà ce que je veux dire.

Le sénateur Adams: Les États-Unis ont de meilleures normes que le Canada. Au Canada, on autorise jusqu'à 130 000 livres de charge utile pour les semi-remorques, tandis qu'aux États-Unis on permet seulement 80 000 livres. Quant aux règlements applicables aux camionneurs, aux États-Unis on limite la conduite à 10 heures d'affilée, tandis qu'au Canada c'est 13 heures. Je pense que si nous avons davantage d'accidents de la circulation sur nos routes, c'est parce que nous avons des charges plus lourdes et parce que les camionneurs conduisent plus longtemps.

M. Vuillemot: Je ne suis pas prêt à dire que les normes sont meilleures ou pires au Canada ou aux États-Unis; les normes sont différentes à divers égards. Dans certains États américains, on a le droit de transporter sur les routes des charges beaucoup plus lourdes que ce que l'on permet au Canada. Dans certains États, on peut tirer trois remorques; dans d'autres États, c'est interdit. Je le répète, cela varie d'un territoire à l'autre.

Pour ce qui est des limites de poids et du nombre d'heures de conduite, je crois que les exploitants de véhicules sont probablement beaucoup mieux placés pour répondre à cela. On vient de publier d'une étude internationale sur la fatigue des conducteurs, et je crois que l'une des conclusions de l'étude, c'est qu'il n'y a aucun avantage ou inconvénient appréciable quant aux heures de conduite aux États-Unis ou au Canada, que ce n'est pas un facteur qui influe sur la fatigue du conducteur.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Vuillemot.

Nous avons maintenant l'honneur d'accueillir le capitaine John Hughes. Il est marin et il possède un bagage rare dans le domaine de la navigation, une expérience dont lui-même et la collectivité peuvent être fiers.

M. John Hughes, directeur de port, Secunda Marine Services Limited: Je voudrais lire une brève déclaration.

Ce n'est que récemment que j'ai accepté le poste de directeur de port chez Secunda Marine Services Limited, après une carrière de 20 ans comme capitaine au long cours, y compris, depuis 1985, comme commandant de divers navires battant pavillon canadien, britannique, bahamien et barbadien. On m'a demandé de prendre la parole aujourd'hui au nom de M. Alfred Smithers, président de Secunda Marine.

Je voudrais d'abord aborder brièvement certaines questions qui ont été soulevées au cours des séances précédentes du comité. Premièrement, au sujet de la réduction du nombre d'aides flottantes à la navigation, nous n'avons aucune objection à cela et nous n'y voyons pas un obstacle à la sécurité de la navigation, puisque c'est plus que compensé par l'avancement de techniques qui sont à la disposition du navigateur moderne.

C'est également vrai dans le cas de l'élimination graduelle des phares habités. Je sais que diverses organisations de la côte ouest se sont opposées à cette mesure, mais je crois qu'ici la situation est quelque peu différente.

Nous sommes également satisfaits de l'actuel système de contrôle des navires par l'État du port et nous appuyons les efforts déployés par Transports Canada pour mettre en oeuvre cet important accord visant à faire respecter les mêmes règles par tous les exploitants de navires et à veiller à la sécurité de tous les marins et à la protection de l'environnement.

Un commentaire formulé par M. Jim Murray, de FedNav, au sujet du manque d'expérience pratique de certains responsables des inspections par l'État du port effectuées au Canada, ainsi que la solution qu'il proposait au problème, soit une meilleure formation et davantage d'expérience pratique pour les inspecteurs, m'amène dans une discussion sur ce qui sera à mon avis le plus grand défi de l'industrie maritime pour la prochaine décennie, c'est-à-dire la formation d'un personnel expérimenté, en nombre suffisant pour répondre à la demande du gouvernement et de l'industrie.

Traditionnellement, pour entreprendre une carrière dans le domaine maritime, il faut d'abord être élève officier, puis au fil du temps acquérir de l'expérience chez un armateur, une formation sur la terre ferme dans une école de marine, passer des examens gouvernementaux et avancer ainsi jusqu'à des postes supérieurs sur un navire, comme capitaine ou chef mécanicien. Ce n'est qu'après avoir occupé ces postes supérieurs pendant une certaine période qu'on peut profiter d'une mutation latérale pour travailler au gouvernement comme inspecteur de navires, examinateur de capitaines et de lieutenants, inspecteur pour l'État du port, inspecteur du Bureau de la sécurité des transports, agent de contrôle de la pollution, ou dans d'autres secteurs, comme pilote, surveillant de cargo, formateur dans une école de marine, expert en assurances, capitaine d'armement, et cetera. On franchit normalement ces étapes en une quinzaine d'années.

Il ne fait aucun doute pour moi que nous aurons toujours besoin au Canada de personnel compétent pour surveiller, inspecter et piloter les navires naviguant dans nos eaux, afin de garantir la sécurité du trafic maritime sur notre territoire. En tant qu'industrie nous devons nous demander d'où viendront ces ressources.

En tant qu'armateur canadien ayant des activités diversifiées nous nous sommes efforcés de placer sur nos bateaux des officiers canadiens afin d'être en mesure de répondre aux besoins futurs en personnel, quel que soit le pavillon du navire. Il faut dire aussi qu'en vertu de la convention actuelle sur la norme SCTW, nous ne pouvons être assurés de la qualité des certificats de compétence délivrés par d'autres pays.

Avec l'avènement de la norme SCTW-95, deux changements sont probables. D'abord, les officiers canadiens coûteront plus cher à cause des exigences de formation supplémentaires; ensuite, la «liste blanche» proposée pour les États qui se conforment à la convention, contrôlée par l'OMI, nous donnera une meilleure garantie de qualité. Ajoutons à cela la réduction du financement gouvernemental de l'enseignement aux adultes de septembre dernier, et on obtient des officiers canadiens qui coûteront si cher qu'ils ne pourront s'insérer dans le marché, si on les compare avec ceux des autres pays industrialisés où des dégrèvements fiscaux ont été accordés, grâce auxquels les sociétés peuvent réduire le salaire brut, sans réduire le salaire net des officiers, et si on les compare avec ceux des pays en développement où les exigences et les attentes quant aux salaires sont inférieures.

Ces facteurs pourraient très bientôt s'associer pour fermer les portes aux Canadiens qui veulent obtenir une expérience pratique des niveaux supérieurs de la marine, une expérience essentielle pour former les futurs spécialistes chargés de la surveillance de la sécurité de l'industrie du transport maritime au Canada.

Monsieur le président, c'était là mon bref exposé, et je répondrai maintenant volontiers à toutes vos questions.

Le sénateur Roberge: Vous dites n'avoir aucune objection par rapport à l'élimination graduelle des phares habités. On en a fait tout un plat sur la côte ouest. C'est peut-être parce qu'il y a là davantage de navigation de plaisance qu'ici. Pourriez-vous nous expliquer votre position?

M. Hughes: Je n'ai pas d'expérience pratique personnelle de la côte ouest, mais je crois qu'il y a là-bas davantage de navigation côtière. Dans l'Est, le transport maritime est plus diversifié quant à la taille des navires et à l'expérience des officiers. La géographie de notre côte est aussi légèrement différente. Je crois que les navires longeant la côte du Canada dépendent beaucoup moins de ce que j'appellerais les aides à la navigation côtière parce que nous connaissons davantage le matériel moderne dont sont équipés les navires aujourd'hui.

Le sénateur Roberge: Iriez-vous jusqu'à dire qu'un jour, par exemple, on n'aurait plus besoin de pilotes dans certaines parties de l'Est du Canada, sur le Saint-Laurent ou ailleurs, grâce à la nouvelle technologie?

M. Hughes: Non, je ne suis pas de cet avis. Il y a une petite différence, d'après moi. Le pilotage permet de faire profiter de nos connaissances locales des navires étrangers ou des navires de fort tonnage qui n'ont pas l'expérience de certains de nos cours d'eau. Les aides flottantes ou fixes, les phares, sont un service. On offre un service météorologique et un service d'établissement des positions. Ainsi, les progrès effectués grâce au GPS, au DGPS et au STM, par exemple, ainsi que l'amélioration des radars, ont presque supprimé le besoin des feux fixes comme aide à la navigation.

Je crois que je peux dire, d'après mon expérience ici et ailleurs dans le monde, qu'on ne les utilise plus vraiment pour ce à quoi ils étaient destinés il y a quelques décennies, à leur entrée en service.

Le sénateur Roberge: Devrait-il y avoir des procédures pour identifier les navires qui, par exemple, ne sont pas sûrs? Avez-vous des commentaires à formuler sur les procédures et la sécurité en général?

M. Hughes: Je pense que des procédures existent déjà pour identifier les navires entrant dans nos eaux qui ne sont pas sûrs. Comme je le disais, nous sommes satisfaits des mesures prises relativement à l'inspection des navires par l'État du port. La norme SCTW a quant à elle répondu à de nombreuses préoccupations relatives à la formation et à l'accréditation des officiers de ces navires. Le problème que je vois, au niveau des ressources humaines, c'est le temps qui s'écoule entre le début d'une carrière en mer et le moment où un marin est d'un calibre suffisant pour devenir lui-même, par exemple, un bon inspecteur pour l'État du port. Il y a de moins en moins de marins, pas seulement au Canada, mais très certainement partout dans le monde; il nous faut songer à la formation de gens d'expérience au cours de la prochaine décennie.

Le sénateur Roberge: Quelle recommandation faites-vous au comité, qui pourrait la reprendre?

M. Hughes: Je pense que c'est une question très importante et dont on parle fréquemment depuis que je suis entré dans l'industrie. On peut tirer deux conclusions de la situation actuelle: le Canada devra un jour accepter d'importer des gens compétents pour des tâches de surveillance au Canada, et nous serons alors en compétition avec des pays européens, avec d'autres pays occidentaux dont le bassin de personnel compétent se vide aussi. Il nous faut dès maintenant prévoir ce que seront nos besoins et songer à la façon dont le gouvernement du Canada pourrait aider l'industrie privée à offrir des places sur ses navires, à des fins de formation.

Le système actuel de formation engage la participation des gouvernements provinciaux pour ce qui est de l'instruction, des écoles, et celle du gouvernement fédéral, soit de Transports Canada, pour les examens. Nous confions actuellement à l'industrie le volet pratique de la formation. Si l'un des ces trois intervenants ne remplit pas son mandat, vous n'aurez pas de marins expérimentés en bout de ligne.

Le sénateur Roberge: Vous dites donc qu'il y a actuellement des lacunes, pas seulement à cause des coûts mais aussi à cause des participants, que ce soit le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial ou les sociétés privées, qui ne s'acquittent pas de leur mandat?

M. Hughes: Non, je dirais que les sociétés font tout ce qu'elles peuvent, étant donné le nombre de navires. Ce qui me préoccupe, je le répète, c'est que le nombre de places sur les navires pour des élèves officiers n'est plus ce qu'il était il y a une quinzaine d'années. Le gouvernement fédéral, ou divers organismes de pilotage, ou le Bureau de la sécurité des transports, ne verront pas les effets de cette réduction du nombre de postes, sauf au niveau supérieur de formation. Dans l'industrie, nous voyons déjà les effets de cela sur la formation des officiers subalternes, et il est difficile dans certains cas de placer des gens compétents sur nos navires.

Le sénateur Roberge: Je comprends, mais qu'est-ce que vous recommandez ou voudriez recommander, concrètement? Le gouvernement fédéral devrait-il, par exemple, constituer un fonds pour s'assurer qu'on puisse travailler à réduire les coûts pour les sociétés maritimes, afin qu'il y ait davantage de couchettes sur les navires? Que recommandez-vous concrètement?

M. Hughes: Oui. J'hésite à faire des recommandations précises pour l'instant, sénateur. La grande question, c'est que si nous voulons offrir ces trois étapes de la formation, il faut se rappeler que deux d'entre elles dépendent actuellement du gouvernement, c'est-à-dire du gouvernement provincial pour les écoles, et du gouvernement fédéral pour les examens des marins. Ce sont évidemment deux questions plus faciles à régler. Il est toutefois plus difficile de trouver comment on incitera l'industrie à offrir des navires sur lesquels seront formés les marins. Tout ce que je veux dire, en fait, c'est que le climat actuel rend très difficile pour un armateur de fournir des vaisseaux battant pavillon canadien et servant au commerce international sur lesquels ce genre de formation peut être offert.

Le sénateur Bacon: Nous savons qu'il y a eu des compressions à la Garde côtière. Pensez-vous que cela a nui à la capacité de cet organisme d'assurer la sécurité dans nos eaux?

M. Hughes: Je n'ai pas vu cet effet. Nous sommes en faveur d'une réduction du nombre d'aides flottantes. Avec les progrès techniques, cela ne gênerait pas nos opérations.

Le sénateur Bacon: Vous semblez être au courant des discussions que nous avons eues dans l'Ouest au sujet de l'AWOS. D'après votre expérience, diriez-vous que les renseignements fournis par l'AWOS sont exacts et fiables?

M. Hughes: D'après mon expérience, oui. Dans les conversations que j'ai eues avec nos capitaines au cours des dernières années, je n'ai entendu aucune plainte au sujet de ce service.

Le sénateur Bacon: Est-ce la même chose en cas de tempête? On nous a dit que pendant les tempêtes la précision pouvait laisser à désirer.

M. Hughes: Le genre de navires que nous avons ici disposent de toute une gamme de systèmes pour recevoir de l'information météorologique et pour préparer leurs propres prévisions. Dans l'Est, on dépend probablement moins de ces services qu'ailleurs au pays.

Le sénateur Bacon: Diriez-vous que l'AWOS est aussi fiable que les phares habités?

M. Hughes: Je dirais que son service est suffisant. Dans les commentaires auxquels vous faites allusion, on dit que l'oeil du gardien de phare perçoit mieux certaines conditions en mer, par exemple, que les instruments. Je ne le conteste pas, mais je dirais qu'un marin, s'il connaît la source des renseignements qu'on lui fournit, et s'il les utilise en même temps que d'autres systèmes à sa disposition, peut faire sur son navire une bonne évaluation des conditions météorologiques. C'est ce que nous avons constaté.

Le sénateur Adams: Vous êtes préoccupé par la sécurité dans les ports. Ce qui me préoccupe, ce sont les navires qui arrivent au Canada. Nous avons des règlements canadiens. Comment le système fonctionne-t-il avec un navire européen, ou un autre navire étranger, qui arrive à Halifax ou ailleurs au Canada? Vous avez le contrôle d'ici jusqu'au Saint-Laurent, comme si la tour principale d'Edmonton était responsable du trafic aérien. Lorsque les navires entrent dans notre zone de 200 milles, comment le système fonctionne-t-il pour ce qui est du directeur du port?

M. Hughes: Il y a un système géré par Transports Canada. Quelqu'un de ce service pourrait mieux que moi répondre à votre question. Il y a un système d'information pour l'Est du Canada qui permet au gouvernement d'obtenir à l'avance des renseignements sur les navires qui passeront dans les eaux canadiennes ou qui arriveront à un port canadien. Pour ce qui est de la qualité des navires et de leur état, on n'en sait rien avant leur arrivée, avant l'inspection par l'État du port.

Dans le cadre de l'inspection par l'État du port, si un navire quitte l'Europe ou tout pays signataire de la convention et s'il y avait une défectuosité signalée avant son départ, par exemple, parce que l'armateur a un certain délai pour procéder à la réparation, ce renseignement sera fourni à la Garde côtière ou à Transports Canada. Ils seront au courant du problème avant l'arrivée du navire dans les eaux canadiennes.

Le sénateur Adams: Le Canada dépense chaque année 200 millions de dollars pour le sauvetage de naufragés. S'il y avait un incendie sur un navire, s'il était endommagé et arrivait à Halifax, qui paierait la réparation? Comment cela fonctionne-t-il au port d'Halifax?

M. Hughes: Pour tout navire ayant besoin de réparations à son arrivée à Halifax, il s'agit d'une transaction commerciale, et c'est à l'armateur de payer la réparation.

Pour ce qui est de la protection de notre environnement et pour s'assurer que le navire ne va pas couler dès sa sortie du port, diverses mesures sont prises. Tous les navires des pays signataires de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, de même que les navires voyageant à l'étranger pour des raisons commerciales, doivent être inspectés par l'une des sociétés de classification. Il faudra approuver la réparation et s'assurer qu'elle a été faite selon une norme reconnue. Si un navire endommagé arrive dans un port canadien, la Direction de la sécurité des navires, en vertu de l'Accord sur le contrôle des navires par l'État du port, s'assurera que les normes sont respectées.

On a donc un outil pour nous assurer qu'un navire arrivant dans un port canadien n'en repartira pas dans un état qui en ferait un danger dans nos eaux.

La norme SCTW et les diverses autres conventions visent à garantir que tous les armateurs du monde, quel que soit leur pays, satisfont à une norme identique ou semblable, afin que les gouvernements soient assurés qu'un navire entrant dans leurs eaux est d'une sécurité acceptable.

Pour ce qui est des coûts de la recherche et du sauvetage, c'est une question d'ordre national.

Le sénateur Adams: Dans les environs d'Halifax la mer est bien plus mauvaise que dans l'Ouest. Certains navires pétroliers passent ici, en provenance du Chili et en direction de Montréal. Est-ce qu'on inscrit l'heure du départ du Chili et l'heure d'arrivée au port de Montréal? Est-ce que cela vous touche? Est-ce uniquement la Garde côtière qui s'occupe de la sécurité du navire à son entrée dans la zone de 200 milles?

M. Hughes: En tant que directeur portuaire pour une société commerciale je ne me mêle pas des affaires des autres.

Le sénateur Adams: Je pensais que le port avait peut-être à s'en mêler. Comme pour les avions, Transports Canada s'assure que les navires sont sûrs à leur entrée dans la zone de 200 milles. S'il y a un déversement de pétrole au large, qui est responsable? Est-ce que la société est responsable, ou est-ce que le gouvernement du Canada doit payer pour le nettoyage? J'aimerais savoir comment ça marche. En tant que directeur du port, savez-vous comment le système fonctionne pour les cargos ou les pétroliers arrivant à Halifax?

M. Hughes: Pour ce qui est du port d'Halifax, un responsable de la société du port pourrait mieux vous répondre que moi-même.

En réponse à votre question sur les navires de passage dans la zone de 200 milles, il n'y a pas de déclaration obligatoire pour les navires passant ici, entre deux pays.

Le sénateur Bacon: Est-ce que Secunda Marine Services Ltd. a une politique au sujet de l'abus de drogue et d'alcool par ses employés?

M. Hughes: Nous avons un énoncé de politique sur la consommation abusive d'alcool et d'autres drogues, en effet. Nous interdisons la consommation d'alcool et de drogue sur nos navires. Jusqu'ici, cela n'a pas été un grave problème pour nous. La politique de la société, c'est de l'interdire. Si nous avions un problème de consommation abusive d'alcool ou de drogue, notre service des ressources humaines offrirait à notre employé de l'aider à régler son problème. Mais jusqu'ici, cela n'a pas représenté pour nous un grave problème au point de vue sécurité.

Le sénateur Bacon: Mais si vous aviez des difficultés, vous assureriez quand même la sécurité de vos gens?

M. Hughes: Oui, absolument.

Le sénateur Roberge: Y a-t-il des vérifications obligatoires?

M. Hughes: Non, il n'y a aucune vérification.

Le sénateur Roberge: Aimeriez-vous le faire éventuellement?

M. Hughes: Seulement si nous étions obligés de le faire en vertu de la loi.

Le sénateur Roberge: Dans votre mémoire, vous avez dit que vous voulez que le gouvernement fédéral accorde un allégement fiscal que les compagnies pourraient déduire de leurs salaires bruts. Je voudrais parler encore de la société. Je ne sais pas comment le système fonctionne. Avez-vous des stagiaires?

On devient d'abord élève officier. Ensuite, on passe à un autre niveau et on devient capitaine, ou on reçoit un autre titre. Y a-t-il des gens à bord de vos navires qui n'ont aucune tâche en particulier parce qu'ils sont en formation pour devenir capitaine, par exemple, ou est-ce que tout le monde fait un travail et est payé en conséquence?

M. Hughes: Il y a un certain nombre de personnes venant d'une des écoles qui voudraient passer une courte période en mer afin d'obtenir un certificat de nettoyeur de pont ou de cuisinier. Parfois des gens viennent du programme de recrutement qui est offert à un des collèges en Nouvelle-Écosse. Ce programme permet ensuite de devenir marin non breveté. Il s'agit d'une courte période de formation en tant que préposé au matériel de pont ou de marin non breveté. On trouve certaines personnes de ce genre à bord de nos navires. Ils ne reçoivent aucun salaire de notre part pendant la courte période de formation qu'ils passent à bord du bateau. Ils retournent ensuite à l'école.

Le sénateur Roberge: Quelle est la durée de la formation?

M. Hughes: Entre six semaines et six mois. Si Secunda est satisfaite du travail de ses stagiaires, elle leur offre un emploi presque immédiatement après le stage.

Le sénateur Roberge: Est-ce la norme dans l'industrie, ou seulement pour Secunda? Beaucoup de sociétés ont des programmes de formation en vertu desquels elles embauchent pour une période de six mois à un an des gens sortant de l'école, ce qui compense les départs des employés compétents. Je ne prétends pas que les gouvernements fédéral et provincial ne devraient pas contribuer. Mais je veux parler de la société. Peut-elle faire davantage pour aider?

M. Hughes: Je suis sûr qu'on peut toujours faire davantage, si les efforts communs visent un même but.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Un de nos navires est actuellement en route vers un port d'Afrique. Il y a deux élèves officiers à bord. Ils ne reçoivent aucun salaire et sont là en plus de l'équipage régulier non breveté. Ils ne remplacent pas l'équipage régulier; ils sont là en plus de lui. Ils sont là uniquement pour la formation.

Nous essayons de prendre autant d'élèves officiers que possible. Il est clair que nous n'avons pas un nombre illimité de places. Je crois que cela a toujours été la norme dans notre industrie. Cela se fait probablement moins maintenant au Canada que par le passé, simplement parce qu'il y a moins de bateaux battant pavillon canadien.

Le président: Le rôle que joue l'AWOS sur la côte ouest est assez différent de celui qu'il joue sur la côte est, car les pilotes de la côte ouest l'utilisent surtout pour savoir ce qui se passe de l'autre côté de la chaîne de montagnes. Sur la côte est, ce besoin est évidemment moindre. Il y a un vieil adage qui dit: quand on perd un phare de vue, on voit le suivant. Ils étaient là pour cette fin. Ils étaient nécessaires sur la côte est parce que nous n'avions aucun autre moyen.

Je serais prêt à tuer celui qui essaierait de mettre en place le système AWOS sur l'île de Sable. C'est un des rares endroits dans le monde où il faut des phares. On ne voudrait sûrement pas compter sur un système automatique d'observation météorologique à cet endroit.

J'ai des inquiétudes concernant la sécurité en mer. Beaucoup de progrès ont été réalisés au cours des dix ou quinze dernières années, mais il y a encore beaucoup de travail à faire. Il nous faut une nouvelle Loi sur le Code maritime, qui contient des dispositions concernant les marins et leur situation. J'entends toujours des histoires d'horreur de seconds qui passent trois jours à nettoyer un réservoir et ensuite trois jours à le remplir, et qui dorment seulement deux ou trois heures. Faire le tour du monde et dormir dans une couchette chaude à l'occasion sans jamais enlever ses vêtements, c'est quelque chose, mais c'est dangereux.

Comment contourner ce problème? On a un second qui, 96 heures plus tard, fait une erreur de jugement, et on dit que c'est sa faute. Il était sur le pont en train de charger et de nettoyer. S'il quitte le pont et si un incident arrive, on dit qu'il est incompétent. On lui impose toutes sortes d'exigences. S'il est consciencieux, il les respecte; il fait le travail, les réservoirs sont nettoyés, les cargaisons sont chargées et transportées. Mais cette personne-là est une menace et un danger.

Je crois que le marché canadien prendra de l'ampleur. C'est inévitable. Même si nous n'apportons aucun changement à notre façon de faire, le marché grandira naturellement. Au fur et à mesure que cela se produira, la flotte de navires canadiens qui se trouvent sur nos côtes aura besoin d'un nombre grandissant de travailleurs. Que faire? On peut décider d'avoir trois officiers de pont et faire en sorte que le chef travaille le jour; il n'est donc responsable de rien, et il peut partir s'il le désire. On peut aussi avoir des gens reposés, qui ont dormi, et qui peuvent le surveiller. Tout ça pour avoir une personne de plus.

Les coûts d'équipage sont si énormes que parfois on met en jeu la sécurité du navire parce qu'on se passe des services non seulement du chef, mais également du maître d'équipage ou du préposé aux pompes. Normalement, il y a quelqu'un qui travaille non pas juste 10, 12 ou 15 heures, mais quatre ou cinq jours de suite.

Cela nuit à la sécurité. Comment régler ce problème? Quelle est notre approche? Où doit-on aller pour trouver des solutions?

M. Hughes: Le problème dont vous parlez, monsieur le président, n'est pas nouveau. On l'a certainement constaté.

Le président: Il existe depuis les débuts du transport maritime.

M. Hughes: La plupart des capitaines le connaissent bien depuis des années. Il y a des règlements fédéraux en place pour régir les heures de travail. Il serait plus précis de dire que les heures de repos sont prévues pour une période donnée.

Le président: Quelles sont les règles pour un capitaine chez Secunda?

M. Hughes: Nous suivons les règlements canadiens sur nos navires canadiens.

Le président: Selon les règlements canadiens, quelles devraient être les heures de travail? Je ne sais pas combien d'heures un homme peut travailler.

M. Hughes: On prévoit huit heures de repos pour chaque période de 24 heures. Je sais très bien que sur le plan pratique il est souvent très difficile de l'accorder lorsqu'on est loin de tout soutien.

Voici comment nous fonctionnons. Si le capitaine, qui est responsable du navire, nous fait part de ses préoccupations, nous prenons les mesures voulues pour y répondre. Je pourrais vous citer quelques exemples de navires qui ont signé des ententes contractuelles pour fournir un service quelconque de façon continue pendant une période de 24 heures, que ce soit un service PAP, hydrographique ou autre. Lorsqu'un bateau doit suivre ce genre de programme, nous lui donnons un officier de plus pour ajouter à l'effectif complet habituel de trois.

Il s'agit peut-être d'un problème opérationnel. Il faudrait peut-être parler davantage des heures de travail. De mon point de vue, je ne considère pas qu'il s'agisse d'un gros problème opérationnel dans une compagnie bien gérée. Dans 99 p. 100 des cas, les règlements existants suffiraient. Cependant, il y aura des exceptions.

Le président: La loi contient-elle des dispositions relatives à la sécurité qui doivent être revues, selon vous? Si oui, pourriez-vous en mentionner une ou deux?

M. Hughes; Je vais être franc. Je n'ai pas eu l'occasion de me familiariser avec la nouvelle loi. Il ne serait pas juste de parler de l'ancienne loi sans la comparer à la nouvelle, et je ne suis pas en mesure de faire cela en ce moment. J'aimerais remettre cette question à plus tard.

Toute la question de l'accréditation et des normes de sécurité pour les personnes est certainement examinée. C'est là que se trouve le problème de sécurité à mon avis.

Le président: Une fois la construction du pipeline terminée, et ce sera des années très occupées, est-ce que les navires de service, comme la flotte de base de Secunda, seront nécessaires? Est-ce qu'on leur fera appel?

M. Hughes: J'espère qu'on aura besoin de nous.

Le président: Mais pas autant que pendant les périodes de forage ou d'exploration, n'est-ce pas?

M. Hughes: Pendant la mise en place du pipeline, il s'agit d'une activité commerciale. L'augmentation globale des activités sur la côte est du Canada créera certainement plus de travail dans l'industrie de soutien des activités en mer. Nous espérons qu'il y aura une augmentation du niveau actuel de l'activité commerciale.

Le président: Est-ce que les exigences en matière de sécurité sont différentes pour une activité de ce genre de celles qu'on exige pendant l'étape de l'exploration?

M. Hughes: Non. Les exigences ne sont pas différentes. Par contre, les exigences en matière de sécurité pour les navires d'approvisionnement en mer sont différentes de celles qui sont prévues pour un pétrolier ou pour tout navire qui fait du cabotage. Ces activités sont régies par l'Offshore Petroleum Board selon les règlements provinciaux. Il y a des exigences en matière de sécurité qui dépassent celles qui sont prévues dans la Loi sur la marine marchande du Canada. Oui, il y a des exigences supplémentaires pour les activités de soutien en mer.

Le président: Quelle est notre situation par rapport à celle du gros projet dans la mer du Nord? Nous n'avons pas encore eu cette expérience, mais est-ce que nos normes de sécurité se comparent assez bien avec celles qui existaient pour ce projet? Est-ce que les équipages ont eu une bonne formation? Est-ce que les navires sont bien équipés? Est-ce que tout permet de penser que nos activités seront plus sécuritaires que celles de la mer du Nord, où la situation était assez épouvantable, du moins au début?

M. Hughes: On a fait beaucoup de progrès depuis la fin des années 70 et le début des années 80, même sur cette côte. Les navires sont là. Nous avons la chance d'avoir gardé beaucoup de membres des équipages qui étaient formés pendant cette belle époque. Il ne fait aucun doute qu'il y a un bassin plus important de personnes à qui on peut faire appel. Comme vous le savez, monsieur le président, il y a eu une explosion d'activités pendant cette période. Grâce à cela, bien entendu, il y a eu une augmentation du niveau de connaissance et du nombre de personnes qualifiées. Avec la diminution progressive des activités, toutes ces personnes qui ont reçu leur formation dans des sociétés canadiennes installées sur la côte est du Canada se sont éparpillées soit dans d'autres pays, soit dans d'autres métiers.

Nous avons su garder un petit groupe de ces personnes, parce que Secunda a continué ses activités pendant toute la période. Compte tenu du niveau d'activité qu'il y aura, je n'ai pas de préoccupations concernant la sécurité de ce personnel expérimenté.

Quant à une comparaison avec la mer du Nord, ce dernier endroit est devenu très sécuritaire au niveau du travail.

Le président: J'espère bien, après un quart de siècle...

M. Hughes: Je veux bien, mais ils en sont arrivés à un niveau qui montre bien que leurs pratiques de travail sont bien sécuritaires. Nous faisons la même chose qu'eux aujourd'hui sur la côte est. Si vous me passez l'expression, nous cherchons à atteindre un niveau «mer du Nord».

Le sénateur Adams: Il y en a qui attrapent le mal de mer très facilement sur ces plates-formes de forage sous-marin, même s'ils y effectuent le même travail que sur terre. Est-ce que cette même personne peut travailler sur ces plates-formes, ou existe-t-il des règlements?

M. Hughes: Nous sommes une compagnie privée, alors nous ne faisons manifestement pas les règlements dans ce domaine. Cependant, il existe des règlements, ou même certaines propositions de règlements, pour traiter de ce problème, un peu comme ce fut le cas il y a dix ou quinze ans lors de l'âge d'or des plates-formes de forage sous-marin. En gros, Transports Canada les traite comme des navires plutôt que comme des plates-formes fixes, s'il s'agit bien de plates-formes de forage semi-submersibles, mais encore une fois, pour plus de précisions, vous devriez demander des renseignements à quelqu'un du ministère.

Pour les raisons que vous citez, il incombe à l'exploitant d'assurer que cet élément d'expertise maritime existe bien.

Le sénateur Adams: Si j'ai posé cette question, c'est que j'ai vu des monteurs de l'Alberta travailler sur ce genre de plate-forme au large du Groenland. Les vagues là-bas ne sont pas aussi grosses que sur la côte est. Ça prenait une quinzaine de jours pour quelques-uns d'entre eux avant de s'habituer à vivre sur cette plate-forme en mer. Si on n'a pas vécu l'expérience, il faut un certain temps pour s'y adapter.

Le sénateur Roberge: J'aimerais revenir à ces huit heures de repos dont vous avez parlé. Ce sont des navires battant pavillon étranger. Est-ce qu'on y a la même politique?

M. Hughes: Oui.

Le président: Quand nous étions sur la côte ouest, on nous a parlé des complexités de Transports Canada et de la Garde côtière et du transport maritime sur la côte ouest. J'aimerais vous citer une étude complétée en 1992:

Malgré le scepticisme entourant l'importance que pourrait avoir tout document remis au gouvernement à ce sujet...

Le sujet étant les modifications aux règlements et autres lois concernant les activités maritimes:

[...] nous avons préparé un mémoire de 60 pages détaillant notre position et des propositions de changements aux 114 jeux de règlements maritimes qui existaient à l'époque. Nous avons proposé que 24 règlements soient révoqués, qu'un certain nombre de jeux de règlements soient fondus, que quatre jeux soient remplacés par des normes, que 20 règlements soient modifiés, simplifiés ou transformés en directives. On a proposé que le reste des règlements dont il était question soient gardés et appliqués de façon plus conséquente et plus juste par le Service d'inspection de la sécurité des navires.

Cette étude a été complétée en 1992. Nous sommes maintenant en 1997. Malheureusement, je n'ai pas toute l'étude ici avec moi, mais il serait intéressant de savoir ce que vous pensez de certaines de ses parties.

Notre système maritime est désuet. Il faudrait y effectuer beaucoup de changements et de remises à jour. En réalité, il serait peut-être plus facile de tout reprendre à zéro. Y a-t-il des secteurs d'activité de la flotte Secunda où vous aimeriez voir introduire des changements? Y a-t-il certains règlements qui ne sont plus nécessaires à notre époque? De quelle expérience vécue dans votre nouvel univers, au fur et à mesure que vous vous y habituez, pouvez-vous nous faire part?

M. Hughes: Pour vous parler d'une de mes préoccupations et de la manière dont est affecté un groupe de navires plutôt qu'un seul, un des problèmes ou une des préoccupations, c'est qu'en notre qualité d'armateur commercial, il nous faut respecter un certain nombre de normes différentes pour différentes raisons. S'il s'agit d'un navire canadien, nous devons respecter les dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada comme s'il s'agissait des exigences du pays dont le navire bat pavillon.

Pour des raisons commerciales, assurance, et cetera. nous devons garder ce navire dans un état conforme à une norme contrôlée par une société de classification, qui est une compagnie privée qui fait ce genre de contrôles reconnus à l'échelle internationale et tient compte du même genre de choses de façon détaillée. Cela suit d'extrêmement près les exigences imposées en vertu des règlements découlant de la Loi sur la marine marchande.

À l'heure actuelle, nous observons deux normes très semblables, si l'on accepte qu'elles servent des fins très différentes. L'une sert à des fins commerciales; l'autre est là parce que le gouvernement exerce un contrôle. Il y a un parallèle, même s'il y a quelques domaines où il y a des différences. Cela nous préoccupe jusqu'à un certain point. Question de fonctionnement, je ne crois pas que concilier ces différences signifierait une diminution de la sécurité de quelque façon que ce soit.

Si l'on prend tous les autres États du pavillon à travers le monde qui laissent aux sociétés de classification le soin d'effectuer les contrôles, vous verrez que les normes ne sont pas inférieures. Il y a tout simplement un jeu de normes plus pratique. Il n'y a qu'un jeu de contrôles et un jeu de règlements à observer. La périodicité de certaines choses devient un problème. Dans le cas des sociétés de classification, chaque élément de machinerie du navire doit subir une inspection complète tous les cinq ans. Il y a certains cas où il faut faire certaines choses pour le même élément de machinerie peut-être tous les quatre ans, s'il s'agit d'un navire battant pavillon canadien. De notre point de vue, il y a beaucoup de chevauchement de services en fin de compte.

Si nous devions apporter des changements structurels à un navire canadien, nous soumettrions les plans, et les calculs seraient faits par la société de classification. Transports Canada devrait aussi les faire. Il nous faut donc obtenir deux approbations pour le même élément, ce qui constitue un inconvénient et une dépense additionnelle. Au bout du compte, cela ne change rien à la nature du travail qui est fait parce que les normes sont les mêmes.

Le sénateur Roberge: Vous disiez que certains pays font faire ce genre de choses à contrat?

M. Hughes: Oui. Dans le cas de beaucoup de flottes battant pavillon étranger, les gouvernements n'ont pas de système d'inspection des navires. Ces gouvernements consentent à ce que ce travail soit fait par les experts en classification.

Le sénateur Roberge: Y a-t-il des pays d'importance qui font cela, ou s'agit-il tout simplement de pays comme le Liberia?

M. Hughes: Difficile de répondre à cette question. On doit bien peser ses mots. Je n'aime pas l'expression «pavillon de complaisance». Il y a des pays offrant des pavillons de complaisance qui ont quand même bonne réputation, puisque les normes qu'ils imposent sont, dans bien des cas, au moins aussi strictes, sinon plus strictes, que les normes nationales de ce qu'on pourrait appeler, au sens large, les pays occidentaux. Pour moi, il ne s'agit pas d'un gros problème.

Comme armateur, il ne fait aucun doute que la vie est plus facile si on n'a pas à répondre à deux organismes.

Le sénateur Roberge: Dans l'avenir, est-ce que Transports Canada pourrait privatiser cette partie de l'affaire?

M. Hughes: Je ne crois pas que nous le souhaitions. Le ministère nous rend d'insignes services. Il ne faut pas oublier qu'il y a beaucoup de navires battant pavillon canadien qui, vu leur tonnage et les endroits où ils se rendent, ne sont pas obligés de se soumettre à un examen de classification. Il y va donc de l'intérêt de tous que nous gardions un service d'inspection des navires.

Là où il y a chevauchement, il serait préférable d'établir un parallèle plus étroit entre les deux jeux de règlements ou les exigences en matière d'inspection de la Direction de la sécurité des navires.

Le président: Monsieur Hughes, merci de vous être déplacé jusqu'ici aujourd'hui. Ce fut un plaisir de vous entendre.

La séance est levée.


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