Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Transports et des communications
Fascicule 18 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 22 avril 1997
Le comité permanent des transports et des communications du Sénat, qui a été saisi par ordre de renvoi du projet de loi C-44, conçu pour rendre le système portuaire canadien plus compétitif, plus efficace l'accès sur l'exploitation commerciale, prévoyant l'établissement d'autorités portuaires, la cession de certains ports, la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent, des services de traversier et d'autres services liés au commerce et au transport maritime et amendant la Loi sur le pilotage et amendant et abrogeant d'autres lois connexes, se réunit aujourd'hui à 15 h 39, afin d'étudier le projet de loi.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Nous accueillons aujourd'hui alors que nous étudions le projet de loi C-44, Loi maritime du Canada, des hauts fonctionnaires du ministère des Transports.
[Français]
Pourriez-vous s'il vous plaît donner votre nom et présenter vos collègues qui vous accompagnent?
M. Louis Ranger, sous-ministre adjoint aux politiques, ministère des Transports: Madame la présidente, m'accompagnent M. Neil MacNeil, directeur exécutif de la division des ports et havres, M. Barrie LePitre notre conseiller juridique, M. Bruce Bowie, directeur de la politique maritime, et M. Gérard McDonald, directeur de la division du Pilotage maritime .
La présidente: Nous avons deux heures: vous avez amplement le temps de faire votre présentation. Une heure pour vous et une heure pour l'Administration portuaire de Vancouver. Je pense qu'une heure c'est suffisant pour faire votre présentation et répondre aux questions des sénateurs.
M. Ranger: Madame la présidente, le projet de loi C-44 constitue le fondement même de la nouvelle politique nationale sur le transport maritime, qui a été annoncée en 1995 et qui vise à commercialiser et à donner plus de vigueur au secteur maritime au Canada.
Cette loi permettrait aux principaux ports du pays de fonctionner davantage comme des entreprises autonomes. Elle permettrait au ministre des Transports de commercialiser les opérations de la voie maritime et les services de traversiers. Elle améliorerait aussi le fonctionnement des administrations de pilotage.
[Traduction]
La partie I du projet de loi crée un nouveau type de société de port appelée «administration portuaire canadienne». Pour être constitué en administration portuaire canadienne, un port doit satisfaire à quatre critères: premièrement, il doit être autonome financièrement; deuxièmement, il doit posséder des activités diversifiées; troisièmement, il doit présenter une importance stratégique pour le commerce au Canada; et quatrièmement, il doit être rattaché aux principales lignes de chemin de fer ou axes routiers importants.
Les activités des administrations portuaires sont fondées sur les principes suivants; elles n'auront aucun recours au Trésor fédéral; elles seront constituées en société par lettres patentes en vertu de la Loi maritime du Canada; elles seront constituées sans émission de capital-actions; elles doivent recouvrer les coûts à l'aide des droits imposés; et elles doivent se conformer aux dispositions pertinentes de la Loi sur les sociétés par actions.
Conformément à ces principes, les pouvoirs d'une administration portuaire comprennent: la liberté commerciale d'établir les prix de ses services; les pouvoirs d'une personne physique pour gérer un port; le pouvoir de détenir des privilèges sur un navire; le pouvoir d'emprunter sur les marchés ouverts. Toutefois, en ce qui a trait aux immeubles fédéraux, l'administration portuaire ne peut engager que ses revenus et ses accessoires non fixés à demeure pour garantir ses emprunts, et non pas les immeubles fédéraux.
Il importe de noter que les administrations portuaires canadiennes seront des agents de la Couronne. Ce statut permettra aux ports de verser des subventions tenant lieu de taxes et de les exempter de l'application de l'impôt et de la réglementation provinciale; cette protection est nécessaire pour permettre à nos grands ports de rester compétitifs sur les marchés mondiaux. Cependant, les ports ne pourront pas contracter d'emprunt en leur qualité d'agent de la Couronne; ils devront convaincre les prêteurs commerciaux de la validité de leurs projets d'investissements, car l'État ne se portera pas garant des emprunts des ports.
Le projet de loi C-44 constitue une démarche sur mesure qui sert de compromis entre le fait d'accorder le statut de mandataire aux grands ports, d'une part, et la nécessité de protéger les intérêts de l'État, d'autre part. Cette loi donnera aux ports l'autonomie dont ils ont besoin pour fonctionner comme des entreprises commerciales sans exposer indûment l'État à d'autres responsabilités à l'avenir.
La partie II de la loi prévoit l'abrogation de la Loi sur les ports et installations portuaires publics. Elle fournit au ministre différentes options pour la gestion des ports qui continueront à faire partie du réseau fédéral. Elle prévoit également la cession ou le transfert des autres installations portuaires. Elle établit un nouveau régime réglementaire moderne pour ces ports publics, qui s'apparente à celui des nouvelles administrations portuaires. La partie II porte également que, pour une période de cinq ans, le ministre fait rapport au Parlement chaque année sur les cessions qui se produisent au cours de l'année.
[Français]
La Partie III du projet de loi définit un nouveau cadre de gestion pour la Voie maritime du Saint-Laurent. Le ministre, en vertu de la loi, pourra conclure des ententes d'exploitation avec une société sans but lucratif, qui pourrait être formée par des utilisateurs de la Voie maritime.
L'administration de la Voie maritime, telle qu'elle existe présentement, pourrait être dissoute par le gouverneur en conseil, à une date appropriée, afin de permettre l'exécution de ces ententes.
Le gouvernement resterait propriétaire de la Voie maritime et continuerait de réglementer la navigation dans la Voie maritime.
La Partie VI du projet de loi prévoit que le ministre peut signer des ententes avec d'autres parties, y compris avec des provinces, pour la prise en charge des services traversiers offerts par Marine atlantique.
[Traduction]
La partie VII de la loi prévoit un environnement plus commercial pour l'exploitation de nos administrations de pilotage. Elle prévoit que les tarifs de pilotage entrent en vigueur après expiration d'un avis de 30 jours. En cas d'appel, l'examen des augmentations de tarifs par l'Office national des transports doit être fait dans les 120 jours. Les limites d'emprunt des administrations de pilotage seront établies par le gouverneur en conseil. Le projet de loi prévoit qu'aucun crédit ne peut être accordé aux administrations de pilotage par le gouvernement, sauf en cas d'urgence. Nommé par le gouverneur en conseil après consultation avec les utilisateurs et l'administration, le président d'une administration de pilotage assumera sa charge à temps partiel ou à temps plein.
Le projet de loi prévoit par ailleurs que le ministre procédera à un examen en 1997 des diverses activités des administrations de pilotage en consultation avec les administrations et les usagers.
Finalement, je signale que l'ensemble du projet de loi sera soumis à une évaluation au bout de quatre ans.
La présidente: Dans quelle mesure ce projet de loi satisfait-il à l'exigence d'une plus grande autonomie pour les ports, qui devront néanmoins garder un lien avec le gouvernement en tant qu'agents de la Couronne?
[Français]
M. Ranger: Je vais donner un début de réponse et je vais demander à mon collègue, M. Neil MacNeil de compléter la réponse.
[Traduction]
Tout d'abord, les ports ne sont pas assujettis à la Loi sur la gestion des finances publiques, qui oblige les sociétés d'État et les agents de la Couronne à soumettre des plans quinquennaux à l'approbation de la commission. Les ports n'auront plus à présenter de plans d'emprunt ni à faire approuver leurs emprunts. De ce point de vue, chaque port devra présenter un plan d'entreprise, comme tout organisme privé, mais il ne le fera qu'à des fins d'information. Il n'aura pas à obtenir l'approbation d'un organisme central.
M. Neil MacNeil, directeur exécutif, Havres et Ports, Transports Canada: On voit à l'article 6 du projet de loi que la plupart des exigences de contrôle viennent de la Couronne. Cet article comporte les dispositions concernant les lettres patentes. Le ministre émet des lettres patentes après six mois de négociations avec chaque port. D'après la formulation du projet de loi, nous avons une structure générale qui laissera suffisamment de souplesse pour la mise en oeuvre de la Loi dans chaque port. Le port de Vancouver pourra avoir un pouvoir d'emprunt de 50 millions de dollars ou plus sans garantie de la Couronne, mais celui du port de Trois-Rivières ne sera peut-être que 10 millions de dollars. Il s'agit d'une formule souple fondée pour l'essentiel sur le rendement des ports au cours des dernières années et sur leurs besoins d'emprunt et de dépenses.
Par ailleurs, les dispositions du projet de loi sur l'obligation de rendre compte diffèrent de celles de la Loi sur la gestion des finances publiques. Comme dans le cas des administrations aéroportuaires, chaque administration portuaire devra tenir une réunion publique annuelle au cours de laquelle elle déposera ses états financiers vérifiés, des résumés de ces plans d'entreprise, un état de la rémunération des administrateurs et des cadres supérieurs ainsi qu'un plan d'utilisation des terres. Nous pensons garantir ainsi l'équilibre entre l'autonomie commerciale réelle de chaque port et l'obligation de rendre compte aux actionnaires.
Le sénateur Roberge: Quelle différence y a-t-il entre une administration aéroportuaire et un agent de la Couronne?
M. MacNeil: Les administrations aéroportuaires ne sont pas des agents de la Couronne. Elles concluent un bail avec le gouvernement fédéral, qui reste propriétaire des biens fonciers. L'administration aéroportuaire est une société à but non lucratif et sans action donnant droit aux plus-values, créée en vertu de la législation provinciale sur les sociétés.
On a voulu placer les administrations portuaires canadiennes sous la protection de la Couronne fédérale tout en leur déléguant les pouvoirs nécessaires à une bonne gestion du trafic maritime aux fins de la sécurité et du respect de l'environnement. C'est pourquoi nous proposons que les administrations portuaires soient non pas des sociétés d'État, mais des agents de la Couronne qui bénéficient d'une certaine protection de la Couronne. Elles échappent en partie à l'imposition, elles ont des pouvoirs de réglementation et elles s'acquittent d'un certain nombre de fonctions que n'assument pas les administrations aéroportuaires.
Ainsi, NAVCAN assure le contrôle de l'espace aérien dans les aéroports, mais ce n'est pas une administration aéroportuaire. Néanmoins, l'essentiel des pouvoirs réels exercés par la Couronne dans un port le seront par l'intermédiaire de l'administration portuaire, par cette nouvelle société que nous sommes en train de créer.
Le sénateur Roberge: Avez-vous envisagé d'utiliser la formule de l'administration aéroportuaire?
M. MacNeil: En effet, au cours des trois dernières années, nous avons étudié cette possibilité mais nous en sommes venus à ce modèle différent, car c'est celui dont les ports ont besoin et qu'ils souhaitent obtenir.
Le sénateur Roberge: Après consultation des usagers?
M. MacNeil: Oui, nous consultons les usagers depuis 1995.
Le sénateur Roberge: Pourquoi le processus a-t-il été aussi long?
M. MacNeil: Il a fallu bien des opérations de courtage pour en arriver là. De nombreux ports souhaitaient ce modèle et certains d'entre eux ne répondaient pas à nos critères. Il a donc fallu du temps avant que la démarche aboutisse.
Le sénateur Roberge: Y a-t-il des groupes d'utilisateurs qui s'opposent au projet de loi sous sa forme actuelle?
M. MacNeil: Quelques groupes s'y sont opposés lors des audiences du comité de la Chambre, mais je ne connais aucune opposition actuelle.
Nous avons déposé devant le comité de la Chambre 127 amendements, dont une cinquantaine ont été approuvés. Ce projet de loi résulte d'un compromis. Mais je ne pense pas qu'il suscite d'opposition importante actuellement.
Le sénateur Roberge: Nous verrons. J'espère que tous vos amendements n'ont pas été présentés au cours de la dernière demi-heure, comme cela s'est produit dans le cas du projet de loi C-32.
Les petits ports sont dans une situation tout à fait différente de celle des administrations portuaires canadiennes que vous proposez. Que se passera-t-il si un petit port n'a pas les ressources suffisantes pour continuer à fonctionner? Que vont-ils devenir? Est-ce qu'ils se sont manifestés auprès de vous ou du comité de la Chambre des communes?
M. MacNeil: Pour vous donner un aperçu, on compte au Canada 572 ports publics répertoriés en tant que ports commerciaux relevant de Transports Canada, auxquels s'ajoutent 2 200 ports qui relèvent du ministère des Pêches et Océans. Parmi les 572 premiers, nous en avons relevé 30 ou 40 qui ont une activité commerciale réelle. Les 500 autres ne sont pas des ports commerciaux ou n'ont qu'un très faible trafic.
Le sénateur Roberge: Est-ce que ce sont des ports de plaisance, par exemple?
M. MacNeil: Oui. Il y a une différence entre un havre public et un port. Les havres publics ne sont pas tous des ports. Il s'agit parfois d'un simple estuaire dans une baie. Lorsque nous avons amorcé notre démarche, nous pensions donner le statut d'administration portuaire canadienne aux ports commerciaux et créer une deuxième catégorie de ports appelés havres publics, pour les ports qui atteignent un certain trafic. Notre idée était de les confier aux collectivités locales. On désaffecterait une troisième catégorie, les havres publics, qui n'ont pas d'installations portuaires. C'est ce que nous avons fait. Nous avons désaffecté 200 ports environ et nous sommes en train de confier 200 autres havres publics aux collectivités locales.
À notre demande, le gouvernement nous a dispensés des exigences concernant les biens fonciers fédéraux excédentaires. Nous essayons, par la négociation, d'amener les collectivités locales et les usagers à créer et à gérer leurs propres sociétés portuaires. Nous avons un fonds de dessaisissement des ports de 125 millions de dollars.
Avant de confier un port à la collectivité locale, nous nous assurons de quatre éléments essentiels au transfert: un titre foncier libre, ce qui n'est pas souvent le cas; la qualité des installations du point de vue du génie civil; la situation environnementale et les perspectives commerciales. Nous recueillons l'information de base, nous en faisons part aux futurs propriétaires et nous négocions le transfert. C'est à cela que sert le fonds de dessaisissement des ports. Si un port a besoin de fonds de roulement pour améliorer ses installations, il peut se servir du fonds de dessaisissement des ports au moment du transfert.
Le sénateur Roberge: Avez-vous entrepris ce genre de négociations avec la plupart des petits ports?
M. MacNeil: Oui. Nous avons effectué 10 transactions jusqu'à maintenant au cours desquelles nous avons effectivement vendu le port et nous en avons transféré le titre. Nous avons soumis à des collectivités 92 lettres d'intention pour lesquelles les négociations sont en cours. Nous espérons qu'une trentaine de ces dossiers aboutiront dès cette année.
Le gouvernement nous a donné six ans pour nous départir des 272 ports qui nous restent.
Le sénateur Roberge: Je m'inquiète également de la question des activités policières dans les ports. Je crois savoir que les forces policières des ports sont hautement spécialisées dans la sécurité portuaire et dans la sécurité des personnes qui se déplacent sur de petites embarcations dans les ports. Pouvez-vous nous dire quelles décisions vous avez prises à ce sujet?
M. MacNeil: En 1983, lorsque le gouvernement de l'époque a transformé le Conseil des ports nationaux en Société canadienne des ports, une disposition de la loi prévoyait la possibilité de créer une Police nationale des ports. On a effectivement créé six détachements de la Police des ports du Canada. Ils se trouvent à Vancouver, à Montréal, à Québec, à Saint-Jean, à Halifax et à St. John's. Le total des effectifs est de 110 agents.
Depuis 1994, nous essayons de trouver la meilleure façon de remplir les fonctions de sûreté et de sécurité dans ces grands ports. Après avoir commandé des études à des experts-conseils indépendants et après consultation d'autres corps de police et des usagers des ports, nous avons décidé qu'il était préférable de séparer les activités de police des fonctions de sûreté et de sécurité. Nous demandons à l'administration portuaire d'assumer la responsabilité de la sûreté et de la sécurité, c'est-à-dire de faire fonctionner les voies d'accès, les écluses, les phares et balises, et cetera.
Nous estimons que les activités policières doivent être confiées à deux autorités de police légitimes. C'est tout d'abord le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire de la GRC, qui s'occupe des questions de contrebande, et cetera; ensuite, les ministères des Douanes et Accise et de la Citoyenneté et de l'Immigration s'occupent de la contrebande et de l'immigration illégale. Cette fonction fédérale reste la même. La GRC assume ces fonctions depuis 20 ans et elle continuera.
En ce qui concerne l'activité criminelle, nous demandons aux corps de police municipaux de s'en occuper, comme ils le font actuellement. Pour prendre l'exemple le plus tragique, s'il y avait un meurtre dans le port de Montréal, la police du port ferait intervenir la police municipale pour qu'elle fasse enquête.
Lorsque nous conférons à un port le statut d'administration portuaire canadienne, nous lui demandons de négocier avec la municipalité pour assurer les services nécessaires, dont nous assumons les coûts. Vous avez sans doute entendu dire, dans les médias, que le gouvernement fédéral se décharge de ses responsabilités sur le pauvre contribuable de la province ou de la municipalité. Cela n'est pas conforme à la réalité.
Le sénateur Roberge: Qui assume le coût de la police municipale ou de la GRC?
M. MacNeil: Les services de la GRC ne sont pas facturés aux administrations portuaires actuellement. On a toujours considéré qu'il s'agissait d'une responsabilité policière fédérale, que l'ensemble des contribuables devait prendre en charge.
Le sénateur Roberge: Et les municipalités?
M. MacNeil: En ce qui concerne les forces policières municipales, nous demandons qu'elles soient indemnisées à l'avenir par les administrations portuaires. Nous commençons à négocier sur ce point. Le prochain témoin, le capitaine Stark, pourra vous parler des ententes conclues avec la Ville de Vancouver. Nous sommes actuellement en train de négocier avec chacune des cinq autres municipalités concernées.
Le sénateur Roberge: Lorsque j'étais à Halifax, on m'a fait comprendre que ce sont les utilisateurs qui assument actuellement le coût de la sécurité dans les ports.
M. MacNeil: Oui, par l'intermédiaire des frais portuaires normaux. La sûreté et la sécurité vont continuer à être financés grâce aux frais portuaires normaux. C'est exact.
[Français]
Le sénateur Pépin: Il est indiqué, je pense, dans la loi, que les ports devront être reliés à des voies ferroviaires. Je fais suite aux questions du sénateur Roberge: lorsqu'on pense à des ports de moindre envergure, ceux qui seront fermés ou que vous donnerez à ce moment-là aux municipalités, qu'est-ce qui va arriver aux ports qui ne sont pas rattachés soit à une voie ferrée ou bien à un port maritime qui va fonctionner? Alors qu'est-ce qui va se produire?
M. Ranger: À ce moment-là, ce sont des ports qui ne sont pas éligibles à devenir des administrations portuaires et ils deviennent éligibles pour des transferts à d'autres. S'ils ne sont pas reliés à rien, c'est qu'ils tombent dans la catégorie des régions éloignées. Il y a soixante ports qui tombent dans cette catégorie et qui restent sous le contrôle de Transports Canada.
Le sénateur Pépin: Vous allez continuer d'exercer un contrôle, ce ne sera pas les municipalités?
M. Ranger: Les ports qui sont vraiment isolés restent sous le parapluie de Transports Canada.
Le sénateur Pépin: Si on se réfère maintenant à la Voie maritime du Saint-Laurent, est-ce qu'il y a déjà eu des ententes ou avez-vous déjà négocié avec des groupes privés au sujet de l'aménagement de la Voie maritime? Comment entendez-vous procéder?
M. Ranger: Nous avons des négociations qui sont très avancées avec un groupe d'usagers qui représente en fait 75 p. 100 du tonnage qui circule actuellement dans la Voie maritime. Il y a une lettre d'entente de principe qui a été conclue en juin dernier. Et maintenant, on attend l'adoption du projet de loi pour pouvoir continuer ces négociations.
Le principe de base serait que les utilisateurs géreraient les opérations de la Voie maritime au quotidien. La Voie maritime est une immobilisation très importante. Il est entendu que le gouvernement va devoir continuer à injecter des fonds pour maintenir la Voie maritime. C'est une immobilisation de plusieurs milliards de dollars. C'est entendu que ce n'est pas seulement à partir des péages qu'on va pouvoir continuer à faire l'entretien majeur dans la Voie maritime. Donc, les groupes d'utilisateurs géreraient la Voie maritime au quotidien, mais le gouvernement fédéral continuerait d'injecter des montants importants à chaque année pour maintenir les infrastructures en place.
Le sénateur Pépin: L'administration de la Voie maritime actuellement est partagée avec les États-Unis, je pense. Quelle est leur attitude à cette approche?
M. Ranger: Du côté américain également, ils sont en train de revoir comment la St. Lawrence Seaway Development Corporation fonctionne et le régime change également de leur côté. Ils vont, à partir de l'an prochain, être beaucoup plus axés sur des critères de performance. Mais pour l'instant, la Voie maritime est gérée par deux entités autonomes. Et c'est bien entendu que pour que cela fonctionne, ils doivent se consulter continuellement. Je préside un comité conjoint avec mon homologue américain pour essayer d'identifier différentes façons de couper dans les coûts, d'éliminer les dédoublements et ainsi de suite. Donc, il y a des discussions continuelles qui se poursuivent pour essayer de couper dans nos coûts et peut-être de se partager la gestion par sections de la Voie maritime. Il y a toutes sortes de problèmes de souveraineté qui sont soulevés et on parle tous à long terme d'un objectif où on pourra peut-être avoir une agence binationale. Mais nous n'en sommes pas encore là.
On se dit, et je pense que les Américains ont le même raisonnement, que dans le court terme, il faut voir ce qu'on peut faire pour couper les dépenses. Mais on n'abandonne pas un projet à plus long terme de travailler comme une agence binationale. L'idée est toujours là.
Le sénateur Pépin: Alors disons que ce processus se fait conjointement avec les États-Unis.
M. Ranger: Absolument, et d'ailleurs, certains des usagers avec lesquels nous discutons présentement sont des usagers américains.
Le sénateur Pépin: Qu'est-ce qui va arriver aux employés des voies maritimes? Est-ce qu'ils ont des chances d'être récupérés par les nouveaux propriétaires ou les nouveaux administrateurs?
M. Ranger: On voudrait changer la façon de gérer la Voie maritime. La très grande majorité des employés vont continuer à faire le même travail qu'ils font aujourd'hui. Le conseil d'administration sera différent et on espère qu'il y aura peut-être plus de discipline commerciale dans les décisions.
Le sénateur Pépin: On nous dit qu'il y aura un président à temps partiel ou à temps plein, mais il va y avoir aussi un représentant, si je comprends bien, du gouvernement fédéral, provincial et des municipalités. Non, là, je mêle deux affaires, Je ne parle pas de la Voie maritime, excusez-moi. J'ai terminé pour mes questions sur la Voie maritime, je reviens sur le sujet des ports. Est-ce que j'ai bien compris: il va y avoir un représentant du gouvernement fédéral, un représentant provincial, des municipalités et des usagers?
M. Ranger: Les usagers vont faire des suggestions, des recommandations au gouvernement fédéral, mais la nomination va se faire par le gouverneur en conseil.
Le sénateur Pépin: Mais il va y avoir un groupe qui va les représenter.
M. Ranger: C'est exact.
Le sénateur Pépin: Je vous remercie.
La présidente: Comment peut-on faire des recommandations pour avoir des usagers qui soient représentés? De quelle façon cela va-t-il se faire.
M. Ranger: Par l'intermédiaire des lettres patentes, qui, par exemple, vont prévoir des mécanismes où les usagers font des recommandations au gouvernement. La nomination comme telle va être une nomination fédérale, mais sur recommandation.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane: Monsieur MacNeil, vous parlez de l'intervention des municipalités. Est-ce que la démarche sera la même que lors de la privatisation des aéroports?
M. MacNeil: Ce n'est pas tout à fait la même chose.
Le sénateur Cochrane: Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est, s'il vous plaît?
M. Bruce Bowie, directeur, Politique maritime, Transports Canada: Pour autant que je sache, ce sont les collectivités locales qui décident de la composition du conseil d'administration de l'aéroport. Les statuts constitutifs de la société créée pour gérer l'aéroport déterminent la composition du conseil. Le fédéral n'intervient pas dans la nomination des directeurs, alors qu'en ce qui concerne les ports, à l'exception des représentants de la province et de la municipalité, tous les membres du conseil sont nommés par le gouverneur en conseil, le plus souvent sur la recommandation des usagers. Le processus de nomination est donc tout à fait différent.
Le sénateur Cochrane: Comment réagissent les municipalités à cette formule que vous leur proposez?
M. MacNeil: La plupart des municipalités n'ont jamais été représentées au sein des commissions portuaires, du moins pas dans les ports les plus importants. C'est là un avantage pour les municipalités.
Elles s'inquiètent surtout de la possibilité qu'elles perdent des revenus fiscaux sous forme de taxes municipales. En vertu du compromis élaboré au cours des deux dernières années, même si les locataires payent des taxes municipales importantes sous forme de taxes d'occupation des entreprises, nous avons convenu que dès qu'elle accédera au statut d'agent de la Couronne, chaque administration portuaire canadienne aura droit à des subventions tenant lieu de taxes. Parmi les 15 ports figurant à l'annexe en tant qu'administration portuaire canadienne, huit des municipalités concernées recevront désormais de nouvelles recettes fiscales, qu'elles ne recevaient pas précédemment sous forme de subventions tenant lieu de taxes.
Si des représentants de la Fédération canadienne des municipalités étaient ici, ils vous diraient qu'ils sont favorables à ce projet de loi. C'est une bien meilleure solution. Elle est beaucoup plus stable en ce sens que la municipalité peut miser sur un certain montant de recettes fiscales et désormais le port sait combien il devra payer chaque année.
Le sénateur Cochrane: Cette formule ne concerne pas les petits ports, n'est-ce pas?
M. MacNeil: Non, nous parlons ici uniquement des administrations portuaires canadiennes.
Le sénateur Cochrane: Combien y en a-t-il?
M. MacNeil: Actuellement, il y en a 15 qui sont énumérées dans l'annexe, mais le projet de loi stipule que les ports peuvent présenter une demande à cette fin à tout moment. Si un port répond aux critères requis, le ministre doit lui octroyer ses lettres patentes.
Le sénateur Cochrane: L'un de ces critères concerne le volume du trafic, n'est-ce pas?
M. MacNeil: Il y a quatre critères: l'autosuffisance financière, le trafic diversifié, de façon que le port ne dépende pas d'une seule catégorie de marchandises, la connexité intermodale...
Le sénateur Cochrane: Peut-être devrions-nous entendre leur point de vue, madame la présidente.
La présidente: Nous l'avons déjà entendu.
Le sénateur Cochrane: Je veux dire le point de vue des municipalités.
La présidente: À ma connaissance, elles n'ont pas demandé à se faire entendre. Si elles ne veulent pas comparaître devant nous, nous ne pouvons pas les y contraindre.
Le sénateur Cochrane: Ce n'est pas ce que je veux dire, mais nous pourrions les consulter.
La présidente: Nous en avons déjà consulté certaines.
M. MacNeil: Elles ont comparu à deux reprises devant le comité permanent de la Chambre.
La présidente: Nous recevons demain des représentants de Toronto.
Le sénateur Cochrane: Je n'ai pas la liste des témoins.
La présidente: Nous venons de distribuer cette liste, immédiatement après avoir reçu le projet de loi de la Chambre.
Le sénateur Cochrane: C'est bien là le problème.
M. MacNeil: Le comité permanent des transports de la Chambre des communes a voyagé à deux reprises à travers le pays et a consulté de nombreuses municipalités. Il a consulté à deux reprises la Fédération canadienne des municipalités. Au bout de deux ans, la plupart d'entre elles sont désormais satisfaites de la structure du projet de loi, et c'est sans doute pour cela qu'elles ne tiennent pas à se manifester aujourd'hui.
Le sénateur Cochrane: J'en doute. Je suis certaine qu'il y a d'autres raisons.
M. MacNeil: Si vous voulez, nous pouvons nous engager à demander aux municipalités de vous envoyer une note par télécopieur.
La présidente: Vous pourrez poser vos questions demain aux représentants de Toronto.
Le sénateur Cochrane: En effet.
La question que je me pose avant tout est la suivante: que va-t-il advenir des plus petits ports, qui n'auront pas le statut d'administration portuaire?
M. MacNeil: Une soixantaine d'entre eux vont continuer à relever de la Couronne et du gouvernement fédéral.
Le sénateur Cochrane: Est-ce que nous pourrions en avoir la liste?
M. MacNeil: Certainement. On leur a conféré le statut de port éloigné?
Le sénateur Cochrane: Quand pourrions-nous recevoir cette liste?
M. MacNeil: Je vous la ferai parvenir demain matin.
La présidente: Vous pourriez l'envoyer au comité, et je la déposerai pour que chacun de ses membres puisse en avoir un exemplaire.
M. MacNeil: Je la ferai parvenir au greffier dès demain.
Par l'intermédiaire de Transports Canada, le gouvernement fédéral reste responsable de leur entretien annuel et de leurs immobilisations. Nous les qualifions de ports éloignés car ils servent à tirer une région de son isolement, lorsqu'il n'existe aucun autre moyen pour assurer le transport des marchandises et des personnes dans cette région. C'est précisément pour cela que le gouvernement fédéral en conserve la responsabilité.
Le sénateur Cochrane: Est-ce que ce statut risque d'être un jour remis en question?
M. MacNeil: Je ne suis pas en mesure de prendre des engagements à perpétuité. Actuellement, ces ports continuent à relever de la Couronne, du moins jusqu'à la prochaine modification de la loi.
Les 272 ports énumérés en tant que ports régionaux doivent faire l'objet d'une procédure de dessaisissement. La Couronne fédérale va vendre ses biens, de préférence à la collectivité locale, en jouant un rôle de courtier entre les usagers actuels, les locataires des installations portuaires et la collectivité. Dans la plupart des cas, les 100 lettres d'intention tombent dans cette catégorie.
Bayside, au Nouveau-Brunswick, est un petit port situé à 30 milles de Saint-Jean; la collectivité de Bayside s'est unie aux usagers pour former une société à but non lucratif en vertu de la Loi sur les sociétés du Nouveau-Brunswick. Cette société a négocié une lettre d'intention avec nous. Nous avons réalisé quatre études, et nous sommes en train de négocier un transfert au profit de cette société, qui sera propriétaire du port et qui en assurera l'exploitation. Il s'agit donc d'une société à but non lucratif, c'est-à-dire que nous espérons qu'elle réalisera des profits ou qu'elle dégagera un excédent d'exploitation, mais les dividendes ne seront pas distribués. Ils seront réinvestis dans le port ou serviront à faire baisser les coûts de transit des marchandises.
Une centaine de négociations de ce genre sont en cours actuellement, ce qui nous laisse environ 172 autres ports avec lesquels nous pouvons envisager une procédure de dessaisissement au cours des six prochaines années. Dans certains cas, le dessaisissement ne pourra pas se faire en direction de la collectivité locale. Certaines collectivités ne veulent pas assumer la responsabilité des installations portuaires.
Le sénateur Cochrane: Je ne suis pas certaine d'être d'accord avec vous. C'est plutôt qu'elles ne peuvent pas en assumer la responsabilité.
M. MacNeil: Pour une raison ou une autre, elles décident de ne pas l'assumer. Le gouvernement est toujours propriétaire du port et en assure l'exploitation, mais il devra un jour décider s'il le garde ou s'il le ferme.
Le sénateur Cochrane: Ce que je crains surtout, c'est qu'il faille faire des réparations importantes dans certains ports ou havres d'ici une dizaine d'années. Le dragage est une activité importante. Si les administrations en sont responsables et qu'elles n'ont pas les fonds nécessaires pour respecter toutes les normes de sécurité indispensables dans les ports, que va-t-il se passer? Est-ce qu'il va falloir à chaque fois reprendre toute l'étude du dossier?
Si on procède de cette façon il en coûtera sans doute aussi cher au gouvernement en frais administratifs qu'en dix ans de rémunération versée aux employés des ports.
M. MacNeil: On a posé la même question dans chaque collectivité lorsque nous avons signé les lettres d'intention et que nous avons parlé de la perspective d'un transfert.
Lorsque nous effectuons un transfert, il porte sur une entité fonctionnelle viable. Normalement, le port doit continuer à gagner de l'argent, qui est placé dans un fonds de développement de façon à permettre les investissements futurs et les opérations de dragage ou les réparations. Le port a un pouvoir d'emprunt. Il peut emprunter de sa propre initiative et peut augmenter le montant des frais imposés aux utilisateurs de façon à améliorer ses installations. L'idée directrice, c'est que ce sont les utilisateurs, et non pas les contribuables, qui doivent financer les installations. C'est pourquoi nous avons proposé ce fonds de dessaisissement de 125 millions de dollars.
Le sénateur Cochrane: Mais ce n'est qu'une première étape, ou une étape de transition.
La présidente: Pensez-vous que ce projet de loi laisse aux ports la possibilité de créer des entreprises connexes, ou est-il au contraire trop restrictif?
M. Ranger: La mesure permet à chaque port d'entreprendre ce que nous appelons les activités portuaires essentielles, c'est-à-dire les activités que doit normalement assumer un port, mais elle l'autorise également à entreprendre d'autres activités accessoires. Dans le cadre de ces activités, le port n'est plus considéré comme agent aux fins d'application de la loi.
Par exemple, il arrive de plus en plus fréquemment que du matériel ou des pièces de rechange arrivent dans deux conteneurs différents, et qu'il faille en faire l'assemblage à l'étape du débarquement avant que la marchandise ne soit expédiée vers sa destination finale en Amérique du Nord.
Si un port nous dit qu'il aimerait se lancer dans ce genre d'activités, nous devons lui en donner l'autorisation. Néanmoins, il doit en assumer seul la responsabilité, puisque cela répond à son intérêt commercial. Il se comporte alors comme n'importe quelle autre entreprise. Mais bien sûr, nous lui donnons les autorisations nécessaires.
La loi distingue les activités portuaires essentielles des activités non essentielles, mais les deux peuvent se dérouler sur le même site.
Le sénateur Landry: On a déjà répondu à la plupart des questions que je voulais poser. Je me préoccupe surtout des petits ports utilisés par 20, 30 ou 40 pêcheurs. Est-ce que le projet de loi répond à leurs aspirations?
M. MacNeil: Ce projet de loi ne concerne pas les petits ports. Il ne concerne aucun des 2 200 ports qui relèvent du ministère des Pêches et Océans dans le cadre du programme des ports pour petites embarcations. C'est un programme différent.
Le sénateur Roberge: J'ai reçu une lettre du Commissaire à la protection des renseignements personnels du Canada, Bruce Phillips dans laquelle il écrit ceci:
[...] je suis heureux de voir que les ports et les administrations de pilotage visés par le projet de loi doivent être inscrits à l'annexe des organismes régis par la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Il signale également dans sa lettre que l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent, qui compte environ 750 employés, n'est plus assujettie à la Loi sur la protection des renseignements personnels et qu'elle devient un organisme à but non lucratif. Pourquoi cette loi s'applique-t-elle aux ports et pas à la voie maritime?
M. Bowie: En ce qui concerne les ports et les administrations de pilotage, ce sont des agents de la Couronne. Ils continuent à faire partie de la famille fédérale en tant que fournisseurs de services. Nous en faisons des organismes à vocation plus commerciale, mais ce sont toujours des entités fédérales.
En ce qui concerne l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent, sa gestion et son exploitation sont confiées à une entreprise privée qui va l'exploiter pour nous en vertu d'un accord de gestion. Il s'agit d'un organisme privé distinct qui, en fait, va assurer l'exploitation de la voie maritime. Elle ne fait donc plus partie des entités fédérales.
Le sénateur Roberge: Lorsqu'on privatise NAV CANADA, les aéroports ou autres choses, les anciens employés du gouvernement fédéral sont toujours soumis à la protection des renseignements personnels. Je ne vous suis pas.
M. Bowie: Je ne pense pas que la Loi sur la protection des renseignements personnels s'applique à NAVCAN.
Le sénateur Roberge: Dans sa lettre, M. Phillips dit aussi ceci:
[...] le gouvernement du Canada considère que lorsque des programmes ou services du gouvernement fédéral sont privatisés ou commercialisés, le maintien de la protection des renseignements personnels dans des conditions analogues à celles que prévoit la loi doit être prévu dans l'accord entre l'organisme gouvernemental et la société privée à laquelle les responsabilités sont transférées.
C'est ce qui doit se passer en vertu de la réglementation gouvernementale.
M. Bowie: Vous avez fait référence à la loi proprement dite. Cette loi crée les administrations portuaires canadiennes et les administrations de pilotage. Cependant, en ce qui concerne l'accord de gestion de la voie maritime, il va y avoir une société distincte qui n'est pas créée par la voie législative et qui assurera l'exploitation de la voie maritime.
Le sénateur Roberge: Exactement.
M. Bowie: Il n'est pas question, dans ce projet de loi, des accords conclus entre la Couronne et la société d'exploitation de la voie maritime. Tout cela est traité dans l'accord de gestion, où nous imposons certaines exigences en ce qui concerne l'accès à l'information, la protection des renseignements personnels et le respect de la réglementation fédérale.
Le sénateur Roberge: Dans plusieurs cas antérieurs, tout cela faisait partie non pas de l'accord, mais du projet de loi. Vous voulez maintenant le faire figurer dans un accord de gestion avec la nouvelle société à but non lucratif que vous envisagez de créer. Je vous signale qu'autrefois, ces exigences figuraient dans des projets de loi analogues à celui dont nous sommes saisis actuellement.
M. Bowie: À ma connaissance, les mesures qui ont créé les administrations aéroportuaires, par exemple, ne prévoient pas l'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je pense que dans la lettre à laquelle vous faites référence, on dit que cette loi ne s'applique pas.
Le sénateur Roberge: Le commissaire dit qu'il préférerait que les administrations portuaires figurent dans le projet de loi.
M. Ranger: Vous dites que dans des cas semblables, la loi s'est appliquée alors qu'elle ne s'applique pas dans le cas présent. Cela ne veut pas dire qu'on ne puisse pas résoudre le problème par un accord de gestion. Nous avons eu un choix à faire, et c'est cette dernière solution que nous avons retenue.
Le sénateur Roberge: D'après la loi, n'êtes-vous pas obligés de l'inclure dans la mesure législative?
M. Ranger: Non, je ne crois pas; c'est exact.
Le sénateur Roberge: C'est pourtant ce qui est dit. Avez-vous l'intention de l'inclure dans l'accord de gestion?
M. Ranger: Oui, c'est bien notre intention.
Le sénateur Cochrane: Pourriez-vous nous dire où en est rendue la privatisation des services de traversier dans les provinces de l'Atlantique?
M. Ranger: Oui. La privatisation ou le transfert des services de traversier se fait beaucoup plus rapidement que nous nous y attendions. Le transfert de deux services de traversier de la baie de Fundy est entré en vigueur le 1er avril cette année. À la fin mars, nous avons également transféré à la province l'un des principaux services, c'est-à-dire celui du Labrador.
Des négociations sont en cours au sujet d'autres services de traversier. En fait, les deux traversiers de la baie de Fundy et celui du Labrador ont été transférés assez rapidement.
Le sénateur Cochrane: Le transfert du service de traversier du Labrador a-t-il posé des problèmes?
M. Ranger: Le service du Labrador était inclus dans une entente cadre par laquelle nous transférions 17 havres. Nous avons transféré le service de traversier à la province, à perpétuité, à la condition que nous lui verserions la somme de 340 millions de dollars pour que le service continue d'être offert à perpétuité.
Le sénateur Cochrane: Une fois les 340 millions de dollars dépensés, le gouvernement fédéral devra-t-il verser d'autres sommes?
M. Ranger: Non. Cette somme représente notre calcul de la valeur nette actuelle. Si cet argent était mis en banque, il rapporterait suffisamment d'intérêts pour payer les services à perpétuité. C'est ce que nous avons calculé, et la province l'a accepté. Nous avons également transféré les navires qui faisaient partie de ce service.
Le sénateur Cochrane: Les dispositions relatives au pilotage maritime que l'on trouve dans ce projet de loi seront-elles applicables?
M. Gerard McDonald, directeur, Pilotage maritime, Transports Canada: Oui. Nous estimons que bon nombre des changements apportés au régime de pilotage maritime par ce projet de loi sont importants et améliorent la Loi actuelle sur le pilotage maritime. Nous comprenons néanmoins que nous n'avons pas une mesure législative parfaite. C'est pourquoi nous avons inclus une disposition pour que soit examinées de nouveau les questions qui doivent être étudiées plus à fond. Cet examen sera terminé à la fin de cette année.
Le sénateur Cochrane: Que se produira-t-il si les sociétés enregistrent des pertes?
M. McDonald: À l'heure actuelle, trois des quatre sociétés de pilotage affichent des profits.
Le sénateur Cochrane: À l'heure actuelle?
M. McDonald: Oui. La quatrième comble actuellement ses pertes au moyen de prêts commerciaux. Il y a deux façons de combler les pertes: il faut réduire les coûts ou augmenter les recettes. C'est au conseil de l'administration portuaire qu'il incombera de décider, en consultation avec les utilisateurs du service, quels sont les meilleurs moyens de compenser les pertes qui pourront se produire.
Le sénateur Cochrane: Certaines personnes ont également posé des questions importantes sur les services policiers. Le sénateur Roberge en a parlé, et c'est une question qui inquiète divers secteurs du pays. C'est une question qui doit être sérieusement prise en compte avant d'adopter une mesure législative. Vous dites que les services de police seront assumés par la GRC et les employés des douanes.
M. MacNeil: À l'avenir, il y aura trois fonctions: la sécurité et la sûreté, qui sera confiée à l'administration portuaire, les activités fédérales et les services policiers, qui relèveront de la GRC, des ministères des Douanes et accise et de la Citoyenneté et de l'Immigration, comme c'est le cas déjà depuis plusieurs années.
Le troisième aspect, c'est qu'au lieu d'avoir un projet de loi particulier à un petit groupe de ports, nous demandons au procureur général de signer des accords avec les municipalités et les administrations portuaires sur la fourniture de services policiers municipaux.
Nous avons longuement étudié la question et nous estimons que c'est la meilleure solution. Tous les services policiers, sauf celui qui est éliminé, estiment que c'est la bonne solution.
Le sénateur Cochrane: Je n'ai pas besoin de vous rappeler les compressions imposées à la GRC. Dans ce contexte, l'augmentation des fonctions aura-t-elle des conséquences?
M. MacNeil: Il ne s'agit pas d'un fardeau supplémentaire. La GRC assume déjà ces fonctions à la satisfaction générale, et elle continuera de le faire.
Le sénateur Cochrane: Des bureaux de douanes ont été fermés dans ma propre région. Lorsqu'un navire arrive au port et que l'on craint qu'il ne transporte des drogues, il faut avoir recours à un agent des douanes à 75 milles de là parce que le bureau des douanes de ce port a été fermé par suite de compressions budgétaires.
M. MacNeil: De quelle région venez-vous?
Le sénateur Cochrane: Je suis de la région de Stephenville.
M. MacNeil: Lorsqu'un navire est en route vers le port de Halifax ou vers celui de St. John's, le directeur du port sait à quel moment il arrivera, d'où il vient et quels services seront nécessaires. Nous pouvons demander à la GRC de venir à la rencontre du navire.
Le sénateur Cochrane: Il n'y a plus que quelques employés des douanes dans la région. Que se produirait-il s'ils étaient occupés dans un autre port? Ils ne peuvent pas trop s'éparpiller.
M. MacNeil: Le capitaine Stark vous expliquera peut-être comment fonctionne son port. Il a été directeur de port à Saint-Jean et à Halifax et dirige maintenant le port de Vancouver. Nous n'avons pas eu de problèmes dans les six ports où il y a maintenant des services policiers.
Le sénateur Cochrane: Vous n'en avez pas eus encore.
M. MacNeil: Nous ne créons pas de problème, nous en résolvons un.
Madame la présidente, vous avez dit que demain des représentants de la Ville de Toronto comparaîtront. Permettez-moi de déposer une étude réalisée par la firme Nesbitt Burns sur la Commission du havre de Toronto. Les sénateurs souhaiteront peut-être la lire avant d'entendre les représentants de Toronto. Dans l'étude, on tente de déterminer si le port de Toronto répond aux critères qui lui permettraient d'être inscrit sur la liste des administrations portuaires.
La présidente: Je la distribuerai aux membres du comité. Merci de votre témoignage.
Bienvenue, capitaine Stark. Je vous cède la parole.
Le capitaine Norman C. Stark, président-directeur général, Administration portuaire de Vancouver: Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous.
Comme l'a dit M. MacNeil, j'ai travaillé au Port de Saint-Jean de 1979 à 1981 et au port de Halifax de 1981 à 1985. Je travaille au port de Vancouver depuis 1985 et j'en suis le président-directeur général.
De tous les ports d'Amérique du Nord, celui de Vancouver est celui dont les activités sont le plus diversifiées. L'an dernier, nous avons reçu 72 millions de tonnes de cargaison, ce qui représente environ 23 p. 100 de tout le commerce maritime international au pays. Nous avons également reçu 700 000 passagers en croisière. L'an dernier, le port de Vancouver était le deuxième en importance en Amérique du Nord.
Nos activités sont très diversifiées, allant du transport du charbon à celui du canola, des produits chimiques aux conteneurs et des conteneurs aux navires de croisière. Environ 60 p. 100 de nos exportations nous viennent de l'Alberta et de la Saskatchewan, provinces sans littoral. Notre port est autant celui de Saskatoon et de Grande Prairie que celui de Vancouver.
Notre conseil d'administration se réunira la semaine prochaine à Regina. Chaque année, nous nous réunissons à l'extérieur du port de Vancouver. L'an dernier, nous sommes allés à Toronto. Par ailleurs, nous tenons une conférence des utilisateurs du port à laquelle participent des débardeurs, des manutentionnaires céréaliers, des exploitants de silos portuaires et des représentants de tous les fournisseurs de services, y compris des sociétés de chemin de fer. Ce groupe tient une réunion d'un jour avec nos clients, après la réunion du conseil d'administration.
Notre port est également le port de conteneurs de l'Ouest canadien pour les provinces de l'Ontario et du Québec. Une grande partie de nos conteneurs viennent de Toronto et du Québec, certains même des Maritimes. Nous recevons directement à Vancouver du crabe des neiges en provenance des Maritimes.
Ce qui est essentiel pour nous, dans cette mesure législative, c'est de déterminer quels sont ses effets quant à la position concurrentielle du port vis-à-vis des ports subventionnés américains, plus particulièrement ceux du nord-ouest du Pacifique, dont Seattle, Tacoma, Portland, Longview et ainsi de suite.
C'est un défi difficile à relever, que celui des ports américains, mais il faut le relever de façon compétitive, énergique et professionnelle. Des initiatives portuaires, en tout cas, font partie de la solution. Il nous faut également une politique intégrée qui fasse de la position concurrentielle de nos ports nationaux une priorité fédérale afin d'améliorer notre capacité de devenir des moteurs économiques, au lieu de nous en empêcher.
Le port de Vancouver crée environ 10 800 emplois directs. Sa masse salariale est de 1 million de dollars. Le port verse également des millions de dollars en impôts à tous les ordres de gouvernement.
Le projet de loi C-44 présente de nombreux avantages. Nous sommes particulièrement satisfaits que tous les pouvoirs de l'administration portuaire soient confiés au conseil d'administration, que le processus de décision soit rationalisé, que les prélèvements spéciaux soient éliminés et qu'on ait aboli la Société canadienne des ports.
Le nouveau modèle de régie permet également aux utilisateurs de notre port, qui fournissent la cargaison, l'infrastructure et les services, d'avoir leur mot à dire dans le choix des administrateurs.
Il est essentiel que la Loi canadienne sur la marine permette aux ports nationaux d'exercer une concurrence efficace et innovatrice en réduisant la bureaucratie et en augmentant l'autonomie au niveau local. C'est ce que fait le projet de loi C-44.
Les ports nationaux font partie de l'infrastructure du Canada et sont essentiels à la réalisation de nos objectifs en matière de commerce international. Le gouvernement fédéral devrait continuer d'être propriétaire des ports nationaux et de régir leurs activités. Sous le régime du projet de loi C-44, les ports continueront d'être fiduciaires du gouvernement fédéral dans l'administration des terres portuaires fédérales.
Nos concurrents américains ont sur nous de nombreux avantages. Il y a par exemple les obligations exemptes d'impôts applicables aux projets d'immobilisation et la possibilité de lever des impôts auprès des propriétaires fonciers locaux, qui confèrent à ces ports un avantage important sur les nôtres. Par exemple, le port de Seattle a levé l'an dernier plus de 35 millions de dollars américains en impôts auprès des habitants de la ville. Dans le comté de King, lorsque vous payez vos impôts fonciers, 300 $ sont versés à l'administration portuaire.
Les quelques avantages que nous avons, au Canada, par exemple notre statut d'agent fédéral, seront protégés comme il se doit dans le projet de loi C-44. Mais il faut être réalistes. Ne nous attendons pas à ce que les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux nous donnent les mêmes avantages que nos homologues américains. Toutefois, il est essentiel que les administrations portuaires canadiennes ne perdent pas les avantages dont elles disposent déjà. Le projet de loi C-44 protège ces avantages.
On peut comprendre que le gouvernement fédéral souhaite empêcher les administrations portuaires de créer des obligations et des responsabilités imputables directement ou indirectement au trésor fédéral. Nous sommes d'accord avec cette restriction et nous croyons que le gouvernement est protégé de bien d'autres façons, par exemple par les examens spéciaux, les assemblées générales annuelles des administrations portuaires et d'autres mécanismes de responsabilité exigés en vertu du projet de loi C-44.
Si le Parlement veut que les grands ports canadiens soient concurrentiels et exercent des pouvoirs délégués étendus, le Parlement doit donner aux ports nationaux la souplesse nécessaire pour faire preuve d'initiative et d'esprit d'entreprise. Il doit confier aux administrateurs la responsabilité de remplir leur mandat et de rendre compte de leurs actes. C'est ce que fait le projet de loi C-44.
Nous ne voulons pas avoir carte blanche. Pour ce qui est des zones floues, le projet de loi C-44 autorise comme il se doit le ministre à modifier au besoin les lettres patentes de chaque port et à leur conférer des pouvoirs supplémentaires lorsque des circonstances changeantes, imprévisibles et exceptionnelles le nécessite.
Nous croyons qu'une bonne mesure législative, tout comme un bon plan à long terme, doit être forte, adaptable et pouvoir tenir compte des changements de situation et des circonstances imprévisibles. Nous croyons que le projet de loi C-44 répond également à ce critère.
Il n'est ni facile ni rapide de modifier des lois. Par conséquent, il importe que la Loi maritime du Canada laisse suffisamment de latitude au ministère ou au Cabinet pour permettre aux ports de remplir leur mandat à titre de moteurs économiques, et ce, de façon responsable et progressiste. C'est un objectif qu'atteint le projet de loi C-44.
Nous croyons que le projet de loi C-44 est une bonne mesure législative. Le régime portuaire qu'il mettra en place nous aidera à atteindre nos objectifs nationaux en matière de commerce.
La présidente: Monsieur Stark, êtes-vous satisfait des dispositions sur la nomination des administrateurs?
M. Stark: Oui, je trouve que c'est un très bon système. De cette façon, les utilisateurs de nos ports peuvent présenter des candidatures. C'est une question qui les inquiète depuis bien longtemps. Dans le nouveau régime, ils peuvent proposer jusqu'à cinq candidats que le ministre nommera par le truchement du gouverneur en conseil.
Cela donne également une possibilité intéressante aux municipalités. Le port de Vancouver est entouré de huit municipalités. Avoir un seul représentant municipal, c'est un pas dans la bonne voie. Nous aurons également un représentant de la Colombie-Britannique, un représentant des autres provinces de l'Ouest et un représentant fédéral. Le conseil d'administration sera bien composé. D'après ce que je sais, et d'après les divers mémoires émanant de Vancouver, tout le monde en semble satisfait.
Le sénateur Cochrane: Vous avez une vaste expérience des ports et des havres. Votre port fonctionne bien à Vancouver. Vous avez dit que 700 000 passagers passent par le port de Vancouver chaque année, n'est-ce pas?
M. Stark: C'est exact.
Le sénateur Cochrane: C'est fantastique.
M. Stark: Cela couvre en fait une période de cinq mois, de mai à septembre.
Le sénateur Johnson: Il en va de même à Port-aux-Basques.
Le sénateur Cochrane: J'aimerais bien que ce soit le cas.
D'après vous, quels seront les effets de ce projet de loi sur les ports plus petits du pays?
M. Stark: Il m'est difficile de me prononcer sur les autres ports, mais à mon avis, ce projet de loi répond de bien des façons aux besoins de tout le monde. Il n'est pas facile de tenir compte de tous les besoins. Venant de Vancouver je sais qu'il n'est pas facile de tenir compte de toutes les municipalités et de tous les groupes d'intérêt.
Le gouvernement a bien tenu compte des opinions de la population par le truchement de ses comités. Il reste encore des préoccupations, comme celles que vous avez soulevées, mais le gouvernement a tenu compte des besoins de tous dans toute la mesure du possible. Avec ce nouveau modèle on s'engage résolument dans la bonne voie.
J'ai travaillé dans le régime du conseil des ports nationaux, dans les années 70, le régime de Ports Canada, et j'ai vu les progrès accomplis. J'estime que cette mesure est un pas important dans la bonne direction.
Le sénateur Cochrane: Croyez-vous que ce projet de loi sera bon pour les ports plus petits, à l'avenir?
M. Stark: J'estime qu'il sera bon pour tous les ports, à longue échéance.
Le sénateur Johnson: Dans votre mémoire, vous mentionnez toutes les provinces de l'Ouest sauf le Manitoba. Je n'ai pas eu grand temps pour étudier cette mesure législative, mais j'aimerais vous poser une question au sujet du port de Churchill. Traitez-vous avec le port de Churchill?
M. Stark: Pas vraiment, non.
Le sénateur Johnson: Comme vous le savez, ce port soulève une controverse depuis des années.
Y a-t-il d'autres mesures que vous auriez souhaité voir intégrer à cette mesure législative? Vous semblez très satisfaits du projet de loi.
M. Stark: Oui, nous en sommes satisfaits.
Le sénateur Johnson:Y a-t-il d'autres questions qui devraient être examinées plus tard ou êtes-vous entièrement satisfaits?
M. Stark: Il y a toujours place à l'amélioration dans toute mesure législative. Comme on l'a dit, la mesure sera examinée dans quatre ans. Il faut laisser sa chance à ce projet de loi. Il ne fait aucun doute que d'ici cinq ans certains changements deviendront souhaitables, mais compte tenu de ce que nous disposons maintenant, de la multitude de lois diverses, j'estime que ce projet de loi est un grand progrès et qu'il profitera grandement non seulement au régime portuaire et au gouvernement, mais aussi aux expéditeurs de cargaison et aux utilisateurs des ports. Après tout, notre raison d'être c'est de rendre les produits canadiens plus concurrentiels sur les marchés mondiaux. C'est l'un des effets de ce projet de loi.
Le sénateur Johnson: D'ici le prochain examen du projet de loi, dans quatre ans, à combien estimez-vous le tonnage des cargaisons et le nombre des passagers qui passeront par le port de Vancouver? Vous avez dit que 60 p. 100 de vos exportations viennent de l'Alberta et de la Saskatchewan. Quelles sont vos estimations pour les prochaines années?
M. Stark: Nous n'aimons guère faire de prévisions.
Le sénateur Johnson: Je suis simplement curieux de voir avec quelle rapidité l'Ouest va conquérir le pays.
M. Stark: D'ici l'an 2005, nous nous attendons à recevoir plus d'un million de passagers.
Bon nombre de nos produits dépendent bien sûr des marchés mondiaux. Le marché du charbon est en pleine croissance et se porte très bien. Dans le premier trimestre de cette année, notre transport par conteneurs a augmenté de 33 p. 100. L'an dernier, il avait augmenté en tout de 24 p. 100. Quant aux céréales, il y a de plus en plus de marchés qui s'ouvrent dans les pays riverains du Pacifique. L'administration portuaire a maintenant 14 bureaux en Extrême-Orient. Nous avons des bureaux à Beijing et dans plusieurs pays de l'Extrême-Orient.
Le sénateur Johnson: Est-ce le marché qui connaît la croissance la plus rapide?
M. Stark: L'Extrême-Orient?
Le sénateur Johnson: Oui.
M. Stark: Tout à fait.
Le sénateur Landry: Le port de Vancouver est trois ou quatre fois plus grand que le port de Halifax, n'est-ce pas?
M. Stark: Je crois que le port de Halifax a manutentionné environ 14 millions de tonnes de marchandises l'an dernier. Nous en avons manutentionné 72 millions de tonnes la même année, le port de Montréal environ 22 millions de tonnes et celui de Saint-Jean, environ 20 millions de tonnes.
Le sénateur Landry: Le port de Saint-Jean est-il plus grand que le port de Halifax?
M. Stark: Oui, au niveau du tonnage. Le port de Saint-Jean achemine de grandes quantités de pétrole grâce au pétrole brut de la Société pétrolière Irving.
M. MacNeil: La différence, c'est que le port de Halifax traite très peu de denrées en vrac. On y traite surtout des conteneurs. Le port de Vancouver traite des produits en vrac très importants comme le charbon et la potasse.
Le sénateur Landry: J'ai remarqué que certains de vos conteneurs sont transportés par train de Moncton à Vancouver. C'est une situation qui ne satisfait pas beaucoup Halifax, mais c'est ainsi.
M. MacNeil: Il y a maintenant un pont terrestre. Il est plus facile de faire entrer les marchandises au pays par Vancouver et de les transporter par rail d'un bout à l'autre du pays ou de les exporter par le port de Vancouver.
M. Stark: Dans le cas de Singapour, il est bien plus économique de transporter les cargaisons venant de l'Ouest par le canal de Suez jusqu'au port de Halifax. Mais à l'est de Singapour, en remontant vers le Japon, la Corée et Hong Kong, il est plus économique de les amener sur la côte ouest. La situation est à peu prés la même qu'au Canada.
Le sénateur Landry: Cela doit être une grande aventure, parce que c'est tout un voyage de transporter des conteneurs de Moncton à Vancouver.
M. Stark: Cela prend quatre jours ou quatre jours et demi.
Le sénateur Landry: Vous avez parlé de crabe des neiges.
M. Stark: C'est exact.
Le sénateur Pettin: Parmi les conditions, on dit qu'il faut protéger l'environnement. Puisque vous venez de la Colombie-Britannique, avez-vous des problèmes particuliers en ce qui a trait à l'environnement?
M. Stark: Oui. Notre personnel compte trois spécialistes de l'environnement. Il y a un docteur en océanographie, un biologiste et un chimiste. Nous avons un service de l'environnement.
Dans tout ce que nous faisons, nous sommes très sensibles aux questions environnementales. Lorsque nous construisons de nouvelles installations, comme nos nouveaux quais, nous les dotons de refuges qui permettent aux petits poissons de se mettre à l'abri des gros poissons. Lorsque nous faisons des travaux de dragage, nous les faisons par couches de façon à avoir différents types de croissance et de refuges à différents niveaux de la mer. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour protéger l'environnement.
La présidente: Croyez-vous que le calcul du dividende à payer au gouvernement fédéral soit équitable?
M. Stark: Si nous obtenons ce que je crois, alors, c'est équitable. Le gouvernement fédéral mérite que ses investissements lui rapportent, tout comme les actionnaires. Par le passé, il y a eu des prélèvements spéciaux. Depuis 1985, le port de Vancouver a versé 150 millions de dollars en remboursement aux actionnaires. Nous avons eu des prélèvements spéciaux. Le montant des dividendes que nous payons augmente ou diminue en fonction de notre revenu net. Dans le nouveau régime, le montant payé sera fixe, puisqu'il s'agira d'un pourcentage de notre revenu brut. Nous saurons davantage ce que nous aurons à payer. Nous serons mieux en mesure de faire des prévisions que maintenant.
Le sénateur Roberge: Avez-vous discuté avec vos cinq autres partenaires qui deviendront à un moment donné des administrations portuaires? Partagent-ils vos sentiments?
M. Stark: Je pense que oui. Nous avons des réunions entre administrateurs des ports. Nous avons aussi des entretiens téléphoniques, pas tous les jours mais de façon régulière parce que nous travaillons ensemble.
Le sénateur Roberge: Je voudrais d'abord vous remercier de votre exposé qui était excellent et qui nous a beaucoup appris. Vous avez répondu à beaucoup de questions que je me posais.
J'ai une petite question qui se rattache à celle de la présidente. Je constate que votre port et celui de Montréal verseront plus de 5 p. 100 en dividendes par rapport à environ 3 p. 100 que verseront les autres. Je pense que cela vous paraît juste.
M. Stark: Cela me paraît trop.
Le sénateur Roberge: Je suppose que M. Tadeau estime également que c'est juste.
M. Stark: Je pense que oui.
Le sénateur Roberge: Quand je rentrerai à Montréal, je me renseignerai auprès de M. Tadeau.
La présidente: Pensez-vous que les changements effectués au pilotage donneront de bons résultats?
M. Stark: Sur la côte Ouest nous faisons partie de ce qu'on appelle la communauté maritime occidentale. Nous avons participé aux droits de services maritimes notamment, et cetera. Nous passons pas mal de temps avec l'administration du pilotage et avec les pilotes. Le pilotage de la côte ouest est très compliqué. Il y a énormément d'îles et beaucoup de zones peu profondes. Le régime qu'ils ont en place est bon. Un comité travaille maintenant à y apporter des améliorations opérationnelles. Je pense qu'il est présidé par Marion Robson qui travaille pour le CTR. Cela ne fait peut-être pas partie de ses nouvelles responsabilités mais c'est elle qui préside le comité. Le comité a fait du bon travail et il examine l'opportunité d'apporter des améliorations fonctionnelles. À propos de la côte ouest, je crois que le système qu'il envisage est un bon système.
La présidente: Quels rapports a votre port avec les autres ports de la Colombie-Britannique comme ceux du Fraser? Êtes-vous en concurrence avec eux ou existe-t-il une collaboration? Comment cela se passe-t-il?
M. Stark: Il y a une certaine quantité de marchandises qui passent par Prince Rupert, qui n'est pas tellement au Nord, comme le charbon du Nord-Est et une certaine quantité de pâtes provenant du Nord. Il y a aussi des céréales qui passent par ce port. Nous ne sommes pas en forte concurrence avec Prince Rupert. En fait, nous nous efforçons de collaborer pour faire la promotion de croisières à partir de Prince Rupert. Avec le réseau fluvial du Fraser, il y a une concurrence pour certaines sortes de marchandises. Malheureusement les règles ne sont pas tout à fait égales dans ce cas. En tant que commission portuaire, le port a certains avantages que nous n'avons pas mais là encore une fois, nous collaborons dans bien des secteurs comme l'environnement. Il existe le Greater Vancouver Gateway Council qui comprend l'administration aéroportuaire, les ports maritimes, le secteur ferroviaire et celui du camionnage, les débardeurs, la main-d'oeuvre et tous les organismes fournisseurs de services. Nous collaborons avec le port du Fraser dans ces secteurs. Effectivement il existe une concurrence pour certains clients. Il achemine environ 20 millions de tonnes de marchandises.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
[Français]
Le sénateur Mercier: Est-ce que vous transportez de l'aluminium?
[Traduction]
La présidente: Transportez-vous de l'aluminium?
M. Stark: De l'aluminium?
Le sénateur Mercier: Oui.
M. Stark: Non. L'aluminium n'arrive pas à Vancouver mais à Kitimat qui se trouve au Nord. C'est là où se trouve la fonderie Alcan et certaines quantités d'aluminium sont expédiées de là-bas.
La présidente: Le projet de loi vous aidera-t-il dans votre situation concurrentielle par rapport à la commission portuaire?
M. Stark: Il établit des règles plus uniformes. En ce qui concerne les administrations portuaires, j'estime qu'elles devraient être assujetties aux mêmes règles. C'est le secteur privé qui devrait faire concurrence. Si les règles sont inégales, et que les administrations portuaires aident à enrichir les armateurs étrangers, à ce moment-là c'est l'administration portuaire et le gouvernement qui perdent. J'estime qu'il faudrait que les règles soient les mêmes pour toutes les administrations portuaires. Que les entreprises du secteur privé offrent des taux concurrentiels et se fassent concurrence. Nous relevons tous les deux du même ministre, alors il n'y a pas deux sociétés de la Couronne et deux administrations portuaires fédérales qui se font concurrence selon des règles inégales. C'est mieux de laisser ce soin au secteur privé. Ce projet de loi va créer un régime plus uniforme.
La présidente: S'il n'y a pas d'autres questions, je voudrais vous remercier, monsieur Stark, de votre exposé.
La séance est levée.