Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Peuples autochtones
Fascicule 10 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 17 juin 1998
[Traduction]
Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones, à qui a été renvoyé le projet de C-6, Loi constituant certains offices en vue de la mise en place d'un système unifié de gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et modifiant certaines lois en conséquence; et le projet de loi C-30, concernant les pouvoirs des Mi'kmaqs de la Nouvelle-Écosse en matière d'éducation, se réunit aujourd'hui à 10 h 01 pour examiner les projets de loi.
Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.
Le président: Chers collègues, notre premier témoin ce matin est l'honorable Jane Stewart, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. La ministre fera une déclaration préliminaire avant de répondre aux questions.
Madame la ministre, je suis désolé que nous ayons consacré tant de temps à ce projet de loi. Cela s'explique par sa complexité. C'est un texte difficile à comprendre, en particulier lorsque nous traitons de deux éléments de la négociation, l'un étant les revendications territoriales globales et l'autre l'orientation vers l'autonomie gouvernementale. Nous savons que votre ministère essaie de répondre à certaines des questions soulevées par les groupes autochtones, et je sais que ce n'est pas une tâche facile.
Nous avons eu une petite difficulté l'autre jour lorsque nous avons traité de régions situées au nord de la vallée du Mackenzie et qui ont déjà été prises en compte dans le règlement. Trois autres avaient participé aux premières étapes, qui ont duré jusqu'en 1990, mais ne faisaient plus partie du processus pour des raisons liées à la question de l'extinction des droits.
Madame la ministre, veuillez commencer.
Mme Jane Stewart, c.p., députée, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je comparais devant vous ce matin. Dans cette même salle, j'ai rencontré mes collègues Ralph Goodale et Allan Rock ainsi que les Dénés de Deline pour parler de questions très importantes auxquelles est confrontée cette collectivité. C'était un endroit particulièrement approprié pour ce genre de conversation.
J'aimerais remercier les sénateurs du grand intérêt qu'ils ont manifesté pour le projet de loi C-6. Je tiens à vous remercier de votre patience et d'avoir attendu que je comparaisse. Cela me donne l'occasion de répéter certains des renseignements que je vous ai fournis par lettre concernant certaines des questions soulevées lors des audiences du comité.
J'ai également eu récemment l'occasion d'écouter une partie des débats dans la salle du Sénat. Vous autres sénateurs pouvez être particulièrement brutaux lorsque vous parlez des ministres. Je pensais que nous avions des rapports d'amitié, mais vous êtes beaucoup plus politiques ici que nous ne le sommes à la Chambre des communes. Quoiqu'il en soit, j'ai pris plaisir à lire les transcriptions et plus particulièrement, j'ai apprécié l'intérêt que vous avez montré pour ce projet de loi.
Je suis sûre que vous savez tous que l'on critique depuis des décennies le gouvernement fédéral pour son régime de gestion des ressources dans le Nord. Ces critiques concernent le fait que le processus n'est pas suffisamment inclusif, pas suffisamment global et ne tient pas compte des opinions des gens de la région. Des décisions ont été prises sans que les autochtones n'y participent réellement. On nous a dit constamment que les gens souhaitaient avoir leur mot à dire dans la façon dont les ressources naturelles sont gérées.
Dans ce contexte, le projet de loi que les sénateurs étudient est donc historique. Pour la première fois, mon ministère se retirera complètement de la gestion des ressources dans la vallée du Mackenzie. Nous ne prendrons plus de décision sans tenir compte des gens qui habitent dans la région; mon ministère ne délivrera plus par lui-même des permis d'utilisation des terres et ne surveillera plus l'évaluation environnementale.
Grâce à ce projet de loi, les autochtones prendront des décisions en partenariat avec le gouvernement sur la façon dont les ressources seront gérées. Les décisions qui touchent la vallée du Mackenzie seront prises par les habitants de la vallée. Il s'agit d'une réelle cogestion, telle qu'elle est préconisée par la Commission royale sur les peuples autochtones et telle qu'elle est soulignée dans «Rassembler nos forces», la réponse du gouvernement aux travaux de la Commission royale.
Le projet de loi C-6 a une histoire longue et complexe. L'idée de la cogestion dans la vallée du Mackenzie a été lancée entre le début et le milieu des années 80 avant de faire l'objet d'un accord entre les Dénés et les Métis en 1990. Malheureusement, comme vous le savez, cet accord n'a pas été ratifié en raison de problèmes liés aux dispositions concernant l'extinction des droits.
La cogestion a été un élément clé des accords sur les revendications territoriales des Gwich'in et du Sahtu signée en 1992 et 1993. Les ententes négociées et signées par le gouvernement conservateur précédent prévoyaient des conseils de cogestion, notamment un Office d'examen des répercussions environnementales à l'échelle de la vallée. Les lois d'application ultérieures à ces ententes ont été appuyées par les deux partis au Sénat en 1992 et 1994 respectivement.
L'entente signée par le gouvernement conservateur précédent prévoyait une approche à l'échelle de la vallée. Je tiens à attirer votre attention là-dessus. Tout ceci n'est pas nouveau, mais en cours d'élaboration depuis longtemps et fait partie du processus visant à établir des partenariats plus solides avec les peuples autochtones et les peuples du Nord en général.
Le projet de loi que vous avez aujourd'hui devant vous est le résultat de ces accords sur les revendications territoriales. C'est le produit d'importantes consultations menées dans le Nord. J'ajouterais que plus de 35 versions du projet de loi ont été préparées. Nous reconnaissons que la première fois n'était peut-être pas la bonne et nous avons travaillé très fort pour rédiger ce projet de loi complexe de manière à en assurer l'application et à en faire un texte fécond.
Plus de 20 réunions ont eu lieu avec les groupes touchés et l'on a organisé des visites dans les collectivités pour examiner ce projet de loi avec les groupes autochtones. Dans l'ensemble, il a fallu cinq ans pour élaborer ce texte complexe et particulièrement technique. Le résultat est le projet de loi C-6 que vous avez devant vous. Je crois vraiment qu'il représente une bonne politique.
Comme tous les sénateurs le savent, la vallée du Mackenzie est l'un des grands écosystèmes du Canada et en fait, je crois, du monde. C'est là où se trouve le plus grand fleuve coulant vers le Nord du Canada et c'est également un écosystème intégré. Les décisions qui sont prises dans une région de la vallée peuvent avoir des incidences sur d'autres régions.
La gestion des ressources d'un tel environnement nous place devant deux choix. Le premier est d'établir un système unifié qui tienne compte de l'ensemble de l'écosystème de la vallée. L'autre est de négocier une diversité de régimes de gestion des ressources.
Le projet de loi C-6 reconnaît que la vallée du Mackenzie est un écosystème intégré qui a besoin d'être protégé. L'Office d'examen des répercussions environnementales prévoit une approche intégrée pour la gestion environnementale afin de tenir compte de l'ensemble de la vallée.
L'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie reconnaît que les décisions sur les terres et les eaux peuvent avoir des incidences sur l'ensemble de la vallée. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, notamment le ministre responsable des Affaires autochtones, Jim Antoine, estime que ce projet de loi est une bonne politique publique. Son sous-ministre, M. Fred Koe, l'a dit devant ce comité.
Il serait très difficile d'appliquer deux ou plusieurs régimes réglementaires dans notre territoire, dans l'Arctique de l'Ouest et la vallée du Mackenzie.
Cette approche intégrée permettra aux Premières nations de jouer un rôle décisionnel important pour toutes les terres, pas seulement pour les terres faisant l'objet d'un règlement. Cela donne aux Premières nations un pouvoir décisionnel dans des projets extérieurs à leurs terres, mais qui pourraient avoir une incidence sur elles. Cela ne serait pas possible si l'on adoptait un système fragmenté dans la vallée.
Je pense que tout le monde s'entend pour dire que l'approche intégrée représente une bonne politique, tant dans une perspective de gestion que pour la protection de l'environnement.
J'aimerais maintenant parler à nouveau des déclarations que certains ont faites au sujet de la possibilité de limiter l'application de ce projet de loi aux régions des Gwich'in et du Sahtu. Je pense que les sénateurs devraient bien comprendre toutes les implications de cette approche.
Premièrement, cela voudrait dire que le Canada ne respecterait pas ses obligations en vertu des accords conclus avec les Gwich'in et les Premières nations du Sahtu et qui sont protégés par la Constitution. Ces accords ont été ratifiés et appuyés par les sénateurs libéraux et conservateurs en 1992 et 1994.
L'article 24.1.1 de l'accord sur la revendication territoriale des Gwich'in indique que le principe suivant s'appliquera à ce chapitre:
a) Le système intrégré de gestion des terres et des eaux devrait s'appliquer à la vallée du Mackenzie.
L'alinéa 24.3.2a) énonce d'autre part que:
Il sera créé un Office d'examen des répercussions environnementales («Office d'examen») qui sera l'outil primordial pour la conduite des évaluations et des examens des répercussions environnementales dans la vallée du Mackenzie.
L'alinéa 24.3.2b) affirme que:
L'Office d'examen comprendrait un nombre égal de membres nommés sur la proposition des groupes d'autochtones et du gouvernement, exception faite du président. Pas moins d'un membre de l'Office serait nommé par le conseil tribal des Gwich'in.
À l'alinéa 25.3.2a), l'Entente sur la revendication territoriale du Sahtu précise que:
l'Office d'examen créé pour appliquer les dispositions de l'Entente des Gwich'in sur l'examen des répercussions environnementales sera l'Office d'examen dont il est question dans cette entente.
Le fait de restreindre ce projet de loi aux régions visées par un règlement exigerait la réouverture de ces accords protégés par la Constitution.
Deuxièmement, la restriction du projet de loi aux régions visées par un règlement mènerait à un système disparate de gestion des ressources dans la vallée du Mackenzie, ce qui serait très inefficace pour les raisons que j'ai expliquées plus tôt.
Troisièmement, le projet de loi devrait être retiré et considérablement modifié. Il ne s'agirait pas d'un simple amendement. Le fait de limiter l'application du projet de loi aux régions de règlement signifierait que les offices d'écogestion prendraient des décisions dans ces régions et que le MAINC et l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest ou le CEAA conserverait le pouvoir décisionnel dans les autres régions.
Si un projet a des incidences sur l'ensemble de la vallée, le projet de loi ne prévoit pas actuellement de processus décisionnel intégré pour tenir compte de l'unicité de l'écosystème de la vallée. Cela n'assurerait pas une bonne protection environnementale et ni une bonne gestion des ressources.
Je sais que plusieurs Premières nations ont fait part de leurs préoccupations au comité. J'ai rencontré bon nombre de ces groupes à ce sujet. Je peux assurer le comité de ma volonté de régler les revendications territoriales dans le Nord et d'établir des accords d'autonomie gouvernementale moderne avec les Premières nations. Je peux également assurer les membres du comité que le projet de loi C-6 est adaptable. Il vise à ouvrir la voie au règlement progressif de ces accords sur les revendications territoriales. Je crois que les futurs accords, si cela était nécessaire, modifieront la loi telle qu'elle existe actuellement.
Je vois la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie comme un début et non comme une fin pour ce qui est du régime de gestion des ressources dans la vallée du Mackenzie. Les dispositions du projet de loi comportent et exigent en fait cette flexibilité.
Je renvoie le comité au paragraphe 8(1) qui exige de consulter les Premières nations au sujet de toute modification de la Loi, et au paragraphe 8(2), qui a été ajouté au projet de loi par les membres libéraux du comité permanent de la Chambre des communes. J'appuie totalement cet ajout, car il renforce notre responsabilité et l'exigence que nous avons de consulter, non seulement dans le cadre des accords sur les revendications territoriales, mais dans le cadre des accords d'autonomie gouvernementale également. Cette souplesse existe et l'esprit du projet de loi est clair.
Je suis sûr que les sénateurs savent que les accords sur les revendications territoriales qui sont protégés par la Constitution sont d'une importance primordiale. Par conséquent, cette loi devra être modifiée pour tenir compte des accords futurs. Le paragraphe 8(1) exige que l'on consulte les Premières nations au sujet de modifications à la Loi.
Cette souplesse du projet de loi C-6 a été soulignée par Richard Nerysoo, président du Conseil tribal des Gwich'in, lors de sa présentation au comité. Il a dit:
Rien dans ce projet de loi ne retire aux Premières nations la capacité de négocier des accords supplémentaires permettant la modification de ce texte de loi.
Le projet de loi oblige moi-même et les futurs ministres des Affaires indiennes et du Nord canadien à étudier la loi en consultation avec les Premières nations et d'apporter les modifications nécessaires à la suite des accords conclus avec elles. D'autre part, je voudrais rappeler aux membres du comité que l'article 5 contient une clause de protection, non seulement parce que cela pourrait rassurer les Premières nations, mais parce que nous affirmons que nous n'avons pas l'intention d'abroger les droits autochtones issus de traités ni d'y déroger. En fait, nous ne pouvons réduire la protection de ces droits, qui sont confirmés par la Constitution.
En résumé, honorables sénateurs, je crois que le projet de loi C-6 représente une bonne politique publique. Il satisfait aux engagements du Canada en vertu des accords sur les revendications territoriales existantes et est suffisamment souple pour tenir compte des accords futurs.
Je vous remercie de m'avoir donner l'occasion de comparaître et je suis prête à répondre à vos questions lorsque nous étudierons le projet de loi plus attentivement.
Le sénateur St. Germain: Merci, madame la ministre, d'avoir comparu aujourd'hui. Lorsque j'ai parlé du fait que vous ne comparaissiez pas, je ne pensais pas que cela ferait une telle histoire. Comme je l'ai déjà dit, je reconnais la franchise, l'intégrité et la sincérité que vous apportez à vos divers ministères. Je suis toujours très heureux de travailler avec vous.
La principale question qui nous occupe dans le cadre des audiences sur le projet de loi C-6 a trait aux effets possibles qu'il aura sur les titres autochtones et les futures négociations et sur le fait qu'il vise des terres beaucoup plus vastes que ce qui est requis en vertu des accords avec les peuples du Sahtu et les Gwich'in. Après avoir entendu les groupes qui s'opposent au projet de loi, j'en suis venu à la conclusion que le gouvernement semble faire des choses aux gens plutôt que pour les gens.
Par conséquent, compte tenu de l'état du droit tel qu'il est illustré par la décision Delgamuukw, comment pouvons-nous accepter que vous ayez le pouvoir juridique d'imposer le régime envisagé dans le projet de loi C-6 sur des terres qui n'ont pas encore fait l'objet de règlements?
J'ai demandé directement à la plupart des groupes si cela influera sur les négociations futures. Ils croient tous que c'est le cas, malgré ce que vous dites et malgré les paragraphes 8(1) et (2).
C'est pourquoi nous voulions que vous comparaissiez devant nous. Nous voulons voir si vous pouvez nous donner les assurances nécessaires pour permettre à ce projet de loi d'être adopté. Je sais que les gouvernements conservateurs et libéraux ont participé à ce projet de loi. Je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire que nous avons tous fait des erreurs sur les questions autochtones. Il faut espérer que nous n'en faisons pas une maintenant. C'est pourquoi je suis heureux que vous soyez ici.
Mme Stewart: Monsieur le sénateur, c'est un plaisir d'être ici. Je veux qu'il soit bien clair que par mon absence plus tôt, je ne voulais pas offenser le comité. Comme vous le savez, je respecte le comité ainsi que les Premières nations, dont je suis la partenaire. Mais mon emploi du temps est plutôt chargé. Je vous remercie de votre patience.
Je pense sincèrement que ce projet de loi est une étape extrêmement positive dans l'établissement d'un partenariat approprié et respectueux avec les peuples autochtones dans notre pays. La cogestion est la bonne façon de procéder. Je persiste et signe.
Les sénateurs doivent comprendre qu'il n'y a rien dans ce projet de loi qui porte sur les titres et les droits. Les titres et les droits sont déterminés et protégés par la Constitution. Nous négocions des accords avec les Premières nations pour résoudre ces questions et concilier ces droits avec le monde moderne. Le projet de loi n'a rien à voir avec les droits. Les droits existent. Ce projet de loi porte sur la façon de gérer et de protéger convenablement l'environnement dans la vallée du Mackenzie.
Je ferais l'analogie suivante: c'est comme posséder un terrain puis décider d'y construire une maison. Personne ne vous dit que vous n'avez pas le droit à ce terrain. Mais si vous décidez de construire, vos voisins veulent être sûrs que vous ne construisez pas une porcherie ou un immeuble de 20 étages.
Il ne s'agit pas de droit ni de titre. Rien dans ce projet de loi ne dérogera aux droits protégés par la Constitution. Il s'agit uniquement d'un régime de gestion qui donnera aux habitants de la vallée la possibilité de s'exprimer si un propriétaire de titre décidait de se lancer dans un projet.
Il faut bien séparer ces choses et les comprendre. Les Premières nations qui s'inquiètent doivent comprendre qu'il ne s'agit pas de titre. Je ne suis pas d'accord avec le Parti réformiste pour dire que l'on peut légiférer pour éliminer les droits autochtones, comme cela a été dit ailleurs.
À mon avis, il est extrêmement important que les différents groupes des Premières nations aient une perspective générale de l'ensemble de la vallée. Ce qui se produit à une extrémité du fleuve touche en effet l'autre partie. Il s'agit uniquement de trouver un mécanisme approprié pour protéger cet écosystème très important.
Je ne parlerai pas des négociations car elles se déroulent à d'autres endroits. Mais si le gouvernement propose un mandat sur certaines questions, alors bien entendu, nous apporterons certaines limites budgétaires et autres, l'une étant la décision de votre gouvernement d'adopter une approche unifiée à l'égard de l'aménagement de la vallée du Mackenzie. Je ne changerai pas d'idée. C'est un des éléments que nous apporterons à la table des négociations. Je crois que nous avons raison. Je crois qu'il s'agit d'une bonne politique publique.
Le projet de loi est historique et, en fait, apporte une perspective tout à fait nouvelle. Nous avons ici quelque chose de très positif. Pour ce qui est de la question des droits, aucune disposition du projet de loi ne leur porte atteinte. Pour ce qui est de notre mandat à la table des négociations, je protégerais l'idée de l'approche unifiée. J'en suis encore plus convaincue maintenant. C'est ce qui ressort de mes déplacements d'un territoire à l'autre.
Nous essayons d'adopter le même genre de régime pour la gestion de l'environnement et le développement dans le Yukon. À cet égard, nous avons examiné la loi concernant les eaux au Nunavut. On nous dit que nous devons tenir compte des écosystèmes dans leur intégralité. Il n'est pas bon pour les personnes qui vivent dans cette région d'adopter une stratégie disparate. Cela n'est bon ni pour les tiers ni pour les secteurs économiques dont nous devons aider le développement dans le Nord. Nous devons établi r un plan qui soit logique et gérable. De plus, il doit être respectueux de toutes les parties en cause et il doit nous permettre de protéger cet écosystème très sensible du Nord.
Le sénateur St. Germain: Madame la ministre, pourquoi pensez-vous que les Dogrib et les Dénés nous diraient aussi vigoureusement que cela va effectivement les gêner dans leurs négociations de leurs règlements sur les revendications territoriales? Je conviens que nous devons avoir un système global. A-t-on jamais pensé que nous pourrions conserver le système actuel pour ceux qui n'ont pas encore obtenu de règlements et adopter le projet de loi C-6 uniquement pour les Gwich'in et le Sahtu?
J'en reviens à Delgamuukw. La décision Delgamuukw, comme nous le voyons aujourd'hui dans le Globe and Mail, a de vraies répercussions sur ma province, qui est probablement la plus litigieuse en ce qui concerne les négociations sur les revendications. Je sais que vos fonctionnaires disent que c'est la seule façon de procéder et que le projet de loi ne nuira pas aux futures décisions sur les titres. Mais ces bandes ont insisté sur le fait que cette mesure réduira leur capacité de négocier.
C'est la seule question que j'aurais, et je ne suis pas avocat de profession.
Mme Stewart: Je ne suis pas avocate non plus, monsieur le sénateur, ce qui est peut-être un handicap. Je ne prétends pas savoir ce que pensent les Dogrib ou d'autres Premières nations qui ont comparu devant vous. Je les ai rencontrés. À mon avis, nos négociations se déroulent très bien.
Pour ce qui est de Delgamuukw, nous voyons que cette orientation a été prise pour s'assurer qu'il y ait des consultations avec les Premières nations au sujet de tout ce qui pourrait empiéter sur leurs droits et leurs titres. La décision suggère que nous les consultions au sujet des interventions qui pourraient avoir lieu dans les terres sur lesquelles ils ont des droits et des titres. Ce projet de loi est un reflet de Delgamuukw. Nous y voyons l'exigence d'inclure les Premières nations dans les consultations sur toute modification et de participer avec elles aux stratégies de développement.
À mon avis, ce projet de loi tient compte des orientations données par les tribunaux pour ce qui est des consultations que nous devons mener avec les Premières nations lorsque nous prenons des mesures et au moment où ils prennent leurs propres décisions sur leurs propres terres.
Les Premières nations qui négocient actuellement avec nous ont davantage de possibilités qu'il n'y en avait pour les Gwich'in et le Sahtu à la fin des années 80 et au début de cette décennie. Nous avons maintenant une politique sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Nous avons étudié avec soin, et nous continuons de le faire, l'exigence relative à l'extinction des droits. Nous établissons différentes stratégies pour que les revendications territoriales aboutissent à des certitudes.
Pour ce qui est de cette décennie, et peut-être de la suivante, l'histoire montrera l'aspect positif de la nouvelle dynamique et de la compréhension de l'orientation qui nous a été donnée par la Cour suprême, par le biais de Delgamuukw, et de ce que la Commission royale nous a demandé de faire, à savoir établir un nouveau partenariat. En adoptant le modèle du respect et de la reconnaissance mutuels, de la responsabilité et du partage, nous créons des régimes et des partenariats qui sont bien différents de ce qui existait il y a 10 ans encore, lorsque nous négocions avec les Gwich'in et le Sahtu.
Je ne peux pas confirmer les préoccupations qui ont été exprimées devant vous, monsieur le sénateur. Ce que je peux confirmer, c'est que nous comprenons, que le ministère comprend que, au moment où nous poursuivons les négociations, c'est la chose à faire. Dans le contexte de ce projet de loi, nous croyons que les droits et les titres sont totalement protégés.
Nous croyons que la chose à faire du point de vue de la politique publique, soutenue par des gens comme Richard Nerysoo, est d'adopter une stratégie à l'échelle de la vallée. Ce projet de loi nous fait faire un bond en avant en modifiant les repères qui reflètent notre lien avec le passé.
Le sénateur St. Germain: Lorsque nous avons tenu ces audiences, un de vos négociateurs était présent. Selon lui, cela allait nuire aux négociations. Je vais m'arrêter là, monsieur le président.
Le sénateur Johnson: Madame la ministre, merci de votre présence aujourd'hui. Nous avons tenu de nombreuses audiences sur ce projet de loi. Je pose aujourd'hui deux questions au nom du sénateur Andreychuk, qui ne pouvait pas être présente.
Bien que le gouvernement tienne compte de l'intérêt national et puisse adopter le projet de loi, il est important qu'il se soucie également de l'intérêt des minorités. Autrement dit, il est important de consulter les groupes autochtones. De plus, on doit prendre en compte leurs points de vue lorsque l'on arrête la politique nationale. Comment prenez-vous cette préoccupation en compte et comment consultez-vous ces groupes qui s'opposent au projet de loi C-6?
Mme Stewart: Comme je l'ai dit dans mes commentaires préliminaires, nous avons pris beaucoup de temps pour préparer ce projet de loi. Cela fait cinq ans que nous avons commencé à parler des stratégies et des incidences de cette approche sur les Premières nations. En fait, le projet de loi est le résultat des accords sur les revendications territoriales des Gwich'in et du Sahtu et, comme tel, rend tout à fait compte des intérêts autochtones.
Depuis le début de sa rédaction, nous nous sommes rendus dans les communautés, nous avons parlé avec leurs membres de cette stratégie. Nous avons parlé du concept de cogestion et de la participation réelle des Premières nations qui ne bénéficient pas d'accords sur les revendications territoriales. Nous avons également parlé de leur capacité à participer aux groupes de travail qui seront créés et à faire partie du processus de mise en oeuvre, si ce projet de loi recevait la sanction royale.
Le nombre des partenariats a augmenté. Les relations se sont améliorées, non seulement dans le contexte du projet de loi, mais également dans le contexte plus large des relations de travail de gouvernement à gouvernement que nous établissons par le biais de notre politique sur les droits inhérents.
Le sénateur Johnson: Si l'on a utilisé l'article 8, en plus des articles de protection, pour protéger les groupes qui doivent encore négocier leurs revendications territoriales, la ministre va-t-elle s'engager à faire en sorte que le paragraphe 8(2) soit interprété comme visant également les revendications territoriales? Autrement dit, une fois toute autre revendication territoriale réglée, la ministre va-t-elle réexaminer la loi, en consultation avec les Premières nations, pour s'assurer que leurs intérêts sont pris en compte dans la gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie? Je crois que c'est ce dont vous parliez tout à l'heure.
Mme Stewart: Oui, en effet. Les paragraphes 8(1) et (2) exigent clairement de nous que nous entamions des consultations avec les Premières nations là où il y a des accords sur les revendications territoriales. Je dois souligner que ces accords sont prépondérants et constitutionnels. Ils sont prépondérants par rapport à cette loi.
De même, je lisais les observations du sénateur Andreychuk. Elle se demandait s'il n'y avait qu'un seul accord de revendication territoriale et s'il n'y avait qu'un seul accord d'autonomie gouvernementale, cette même exigence de consultation existerait-elle? La réponse est oui.
Le sénateur Johnson: La gestion globale de l'environnement est importante. Une fois encore, j'ai lu certaines de vos interventions à la Chambre des communes, et tout cela ne portait pas à controverse. Mais il est également important de noter qu'il existe un certain nombre de moyens pour adopter une stratégie globale. Votre gouvernement en a choisi un, mais il y en a d'autres. Il est donc important que vous et votre ministère continuiez d'étudier les implications concrètes, compte tenu de tous ceux qui sont touchés par le plan de gestion. Je ne pense pas que nous soyons en désaccord du tout sur cette question.
Mme Stewart: À cet égard, je joue deux rôles -- celui de ministre des Affaires autochtones et celui de ministre responsable d'entreprises de nature provinciale dans les territoires.
Avec cette approche, nous créons un projet de loi global, qui tient compte de ces deux responsabilités. Il nous donne également la capacité d'avancer dans la bonne direction si l'occasion d'un transfert des responsabilités se produisait -- et je crois que nous n'en sommes pas loin -- et si les autochtones de l'Arctique de l'Ouest pouvaient adopter ce projet de loi et continuer de l'améliorer. Nous avons essayé d'envisager les prochaines étapes et de ne pas compliquer les choses. Nous avons plutôt essayé d'encourager la création d'un gouvernement qui soit plus proche des gens et qui puisse prendre des décisions au nom de ceux qu'il représente indirectement.
Le sénateur Johnson: Merci de comparaître ce matin. Cela a fait une grande différence dans l'adoption de ce projet de loi au Sénat.
Le sénateur Forest: J'aimerais également vous remercier, madame la ministre, de comparaître ici aujourd'hui. En tant que parrain de ce projet de loi, je tenais absolument à ce que tous les intérêts soient pris en compte.
Je me suis rendu dans la vallée du Mackenzie à plusieurs reprises. Je connais l'importance de l'écosystème de la vallée. J'ai également établi des liens étroits avec les autochtones, c'est pourquoi je tenais à ce que l'on tienne compte de leurs préoccupations.
En parrainant ce projet de loi, ce qui m'intéressait surtout, c'était de répondre aux préoccupations du sénateur Andreychuk. Je lui ai parlé longuement avant-hier. Mais puisque le sénateur Johnson en a parlé ici, je me sens plus à l'aise.
Mme Stewart: J'aimerais reconnaître également le travail de l'honorable sénateur dans la présentation de ce projet de loi ainsi que celui des autres sénateurs libéraux qui n'ont pas craint de faire face aux problèmes et préoccupations.
J'ai dit dès le départ au sénateur St. Germain -- pas officiellement mais officieusement -- qu'au moment où nous tentons d'établir des relations plus modernes et plus appropriées avec les peuples autochtones, je reconnais que certains de nos alliées les plus fidèles se trouvent autour de cette table. Je ne voudrais jamais compromettre cette relation.
Le sénateur St. Germain: J'aimerais également vous remercier, madame la ministre. Le sénateur Forest a fait un excellent travail, comme vous l'avez souligné. Je suis heureux que vous soyez ici ce matin pour répondre aux questions et je me ferai un plaisir de travailler avec vous sur le dossier de la Colombie-Britannique également, qui selon moi est essentiel. Je vous en ai parlé officieusement.
La décision Delgamuukw aura d'énormes répercussions en Colombie-Britannique. Il faudra assurer un leadership réel pour s'assurer que tous les participants puissent vivre dans le cadre susceptible d'être créé par cette décision de la Cour suprême. Je serais très heureux de travailler avec vous.
Le président: Chers collègues, y a-t-il une motion pour renvoyer le projet de loi au Sénat sans amendement?
Le sénateur St. Germain: J'en fais la proposition.
Le sénateur Johnson: J'appuie la motion.
Le président: Souhaitez-vous, chers collègues, adopter la motion?
Des voix: D'Accord.
Le président: Adopté.
Madame la ministre, je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps, mais j'aimerais vous demander de nous parler du projet de loi C-30. Vous pourriez peut-être nous expliquer comment nous en sommes arrivés à ce projet de loi. D'après ce que l'on a pu entendre hier au Sénat, ce texte représente une étape positive dans la mesure où il permettrait aux communautés autochtones d'assumer la responsabilité administrative de leurs propres destinées.
Mme Stewart: J'aimerais dire que le sénateur Butts parrainera ce projet de loi et souligner à quel point nous avons de la chance d'avoir quelqu'un de son envergure et quelqu'un qui a sa connaissance du peuple mi'kmaq en Nouvelle-Écosse pour diriger cette initiative.
Je suis très satisfaite de pouvoir comprendre plus clairement l'importance d'adopter des stratégies d'autonomie gouvernementale, notamment dans des domaines comme l'éducation, une compétence qui a tant à voir avec la possibilité d'offrir un avenir plus optimiste, plus sain, plus heureux et plus respectueux aux enfants autochtones.
Lorsque les enfants autochtones n'ont pas la possibilité de connaître leurs traditions, lorsqu'ils n'ont pas la possibilité d'apprendre leur langue et lorsqu'ils n'ont pas la possibilité de communiquer avec leurs aînés, nous ne leur offrons pas une base humaine solide qui leur donnera la confiance, le courage et la capacité de contribuer non seulement aux affaires de leurs propres communautés, mais à la société en général.
Après avoir rencontré les chefs de la Nouvelle-Écosse qui seront responsables de l'éducation des Mi'kmaqs et après avoir constaté l'énergie et l'engagement qu'ils ont exprimés, je suis convaincue que c'est une étape justifiée. Le partenariat tripartite entre le gouvernement fédéral, les Mi'kmaqs et la province de Nouvelle-Écosse témoignent de l'orientation que prend notre pays à l'égard des peuples autochtones.
J'ai eu le plaisir d'être présente avec le premier ministre et le chef Marshall, porte-parole de la communauté mi'kmaq. Ils sont nos partenaires dans cette entreprise. Les membres de la communauté nous ont parlé de l'importance que cela revêt pour eux et de l'intérêt que cela représentera pour préparer les jeunes à un avenir plus heureux.
Honorables sénateurs, je vous recommande ce texte de loi. Je le considère comme un texte historique. Je crois que nous verrons de plus en plus d'ententes de ce genre qui montrent que nous pouvons concilier les droits autochtones et la modernité au Canada.
Ce qui se passe en Nouvelle-Écosse m'encourage. Je serai là-bas vendredi pour assister à une réunion tripartite avec les chefs de la Nouvelle-Écosse et la province, au cours de laquelle nous parlerons d'autres compétences dans lesquelles nous pouvons progresser.
Cela est extrêmement important pour nous. C'est une façon de reconnaître et de concilier ces droits dans le domaine des compétences et de l'administration. C'est ce qui est important au sujet de ce projet de loi.
Le président: Madame la ministre, je vous remercie à nouveau de votre excellente présentation. Bon nombre de questions ont été éclaircies.
Le sénateur St. Germain: Je me demande pourquoi cela nous arrive si tard et si rapidement.
Comment en est-on arrivé au financement fédéral de base de 26 millions de dollars et comment ce fonds sera-t-il administré? Quelle assurance avons-nous que la gestion ne va pas dérailler?
Mme Stewart: Je n'aimerais pas commencer sur l'hypothèse que les Mi'kmaqs ne sont pas en mesure de gérer leur propre système d'éducation. Je crois qu'ils le peuvent. Tout indique, selon les écoles communautaires, que les conseils fonctionneront très bien.
Le montant du financement a été déterminé en fonction de programmes existants et du soutien à l'éducation. Je laisserai les détails techniques à mes fonctionnaires.
En ce qui concerne la raison pour laquelle le projet de loi est arrivé si tard, accompagné d'une demande d'adoption rapide, nous pouvons en fait y consacrer beaucoup de temps. Si vous souhaitez y passer plus de temps, n'hésitez pas. Il se peut que nous ayons progressé plus vite que prévu dans l'établissement du partenariat entre les Premières nations et nous-mêmes et dans l'engagement d'aller de l'avant. Une fois que nous avons eu commencé et que le projet de loi a été rédigé, l'élan était donné.
J'aimerais une fois encore louer le sénateur Butts, qui nous a encouragés à présenter ce projet de loi au Sénat. C'est pourquoi je suis heureuse que la Chambre des communes l'ait étudié aussi rapidement.
Le sénateur St. Germain: Y a-t-il eu des dissensions au sein du groupe?
Mme Stewart: Certains Mi'kmaqs ont choisi de ne pas participer. Ils étaient tous présents à la conférence de presse en Nouvelle-Écosse lorsqu'il a été annoncé que nous allions aller de l'avant. On leur a dit que le projet de loi leur permettrait de participer plus tard, s'ils le jugeaient utile.
Il y a souvent une attitude attentiste chez les Premières nations, ce qui est normal. Je ne tiens pas à dicter aux gens ce qu'ils doivent faire. Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, nous ne voulons pas être les visages pâles qui dirigent les Premières nations, comme nous l'avons fait par le passé.
Ce projet de loi englobe ceux qui ne participent pas actuellement au processus et leur permet de le faire s'ils le souhaitent. Nous ne voulons pas exiger d'eux des choses qu'ils ne jugent pas appropriées pour le moment.
Le sénateur St. Germain: Quel pourcentage des Premières nations l'ont approuvé?
Mme Stewart: Neuf des 13 Premières nations participent.
Le sénateur Taylor: Madame la ministre, même si j'estime que cette question est juste, elle n'est peut-être pas de votre compétence. Étant moi-même descendant des Mi'kmaqs du Nouveau-Brunswick, je suis peut-être plus au courant de leurs problèmes.
Il arrive souvent que lorsque le gouvernement fédéral adopte une loi pour aider les Premières nations dans le domaine de l'éducation, qui est de compétence provinciale en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, cela finit par ne mener nulle part car la province annule ce que le gouvernement fédéral a fait.
Gagnons-nous quelque chose ici? Sommes-nous certains que le gain net pour les Mi'kmaqs ne sera pas zéro? Avons-nous tout fait pour que le gouvernement de Nouvelle-Écosse traite les Mi'kmaqs comme des habitants de la Nouvelle-Écosse aussi bien que comme des Mi'kmaqs, au lieu de le voir éviter de prendre ses responsabilités.
Mme Stewart: Monsieur le sénateur, en plus de ce projet de loi fédéral, le gouvernement provincial adoptera sa propre loi. Il y a d'autres facteurs évidents qui ajoutent à la complexité du texte de loi, comme les gens qui vivent dans les réserves et qui ne sont pas Mi'kmaqs. Le projet de loi tient compte de ces difficultés. En travaillant avec la province, nous avons convenu de tenir compte de tous.
À mon avis, cela n'est pas du tout perçu comme une façon de transférer les coûts ou quelque chose du genre. On estime que cela indique clairement, pour la première fois, que la province a un rôle important à assumer à l'égard des questions autochtones. Elle comprend que sa responsabilité est claire et qu'elle doit être présente à la table des négociations.
En ce qui concerne ses liens avec la Couronne, le peuple mi'kmaq comprend que la responsabilité de la Couronne va souvent plus loin que celle de l'État fédéral. Je pense que cela ouvre la voie à un nombre croissant de partenariats importants, et pas seulement dans la province de la Nouvelle-Écosse.
Il y a des faits nouveaux très intéressants au Nouveau-Brunswick qui indiquent un changement dans le rôle que cette province estime avoir relativement aux Premières nations. Elle a offert de négocier non seulement sur les questions liées au bois d'oeuvre, mais aussi sur de plus vastes questions d'autonomie gouvernementale et de revendications territoriales.
Nous faisons des progrès. Si nous collaborons de manière positive, nous verrons d'énormes changements se produire plus rapidement que jamais auparavant, car nous serons plus généralement conscients de la manière dont nous pouvons adopter une stratégie différente. Je ne pense pas du tout que cela soit perçu de manière négative ou opportuniste.
Le sénateur Adams: Madame la ministre, merci de comparaître ici ce matin. J'ai quelques questions sur le projet de loi C-30.
Le peuple mi'kmaq a perdu en grande partie sa langue et sa culture. Le projet de loi C-30 en traite-t-il ou traite-t-il simplement d'éducation?
Lorsque le gouvernement fédéral a assumé la responsabilité de l'éducation dans nos collectivités au cours des années 50, il nous était même interdit de parler nos langues. Le projet de loi C-30 prévoit-il un financement pour restaurer la langue et la culture? Le chiffre de 26 millions de dollars peut sembler être une forte somme d'argent, mais elle pourrait être insuffisante.
Mme Stewart: C'est une question très importante, monsieur le sénateur. En fait, elle nous ramène à certaines des recommandations de la Commission royale sur certaines approches que nous avons adoptées par le passé et qui ont encouragé la perte de la culture et de la langue traditionnelles. Il n'y a pas de solution unique pour remédier à cette situation.
Nous avons précisé une approche dans notre énoncé de réconciliation et dans notre réponse pour les personnes qui ont subi des abus physiques et sexuels dans les pensionnats, de même que dans la disposition sur la fondation en matière de guérison qui aidera les collectivités à se rétablir. Cela vise en grande partie à restaurer et à rétablir une fierté et un lien avec le passé.
Ce projet de loi est un autre élément d'un tout. Il vise à encourager et à permettre la pratique de la langue mi'kmaq dans la vie quotidienne des enfants. Le programme d'étude sera créé en mi'kmaq. L'avantage n'est pas seulement pour les Premières nations. Lorsque le programme d'étude évoluera, il est clair qu'il pourra être modulé pour les écoles non autochtones. Ainsi, l'importance de l'éducation publique pour nos histoires communes se révélera davantage dans l'apprentissage quotidien des enfants non autochtones.
Jusqu'à maintenant, la création et l'élaboration des programmes d'études mi'kmaq n'ont pas été une priorité du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, pas plus que dans ma propre province de l'Ontario. La compréhension de nos relations traditionnelles avec les Premières nations ne fait pas partie du programme d'études général dans le réseau des écoles publiques. Le fait d'insister sur ce point permettra non seulement de stimuler cette génération d'enfants mi'kmaq, mais si nous continuons d'établir un partenariat efficace entre les conseils scolaires, on pourra également utiliser ce programme d'études à l'extérieur.
Je ne peux pas dire combien de temps il nous faudra pour y arriver. Par tous les moyens possibles et, notamment, grâce à la portée en général de la politique sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, nous trouverons un certain nombre de moyens qui permettront de restaurer la culture et la tradition.
Vous avez raison, cela ne permettra pas de tout faire. Mais nous pourrons avancer dans le domaine si important de l'éducation.
Le sénateur Adams: Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons conclu un accord de financement pour les élèves des écoles secondaires, qui ne profite pas beaucoup à ceux d'entre nous qui vivons dans la communauté. Les gens du sud ont davantage accès à ces crédits. Les gens qui viennent du sud pour vivre dans le territoire envoient parfois leurs enfants à l'école secondaire dans le sud. Par conséquent, cet argent profite aux gens du sud, et non à ceux qui vivent dans la communauté. J'ose espérer que le projet de loi C-30 ne fonctionnera pas ainsi. J'ose espérer qu'il aidera les gens de la communauté qui ont besoin d'envoyer leurs enfants à l'école secondaire dans le sud, car il n'y a pas d'école secondaire dans certaines collectivités. Je ne sais pas combien de personnes vivant à l'extérieur de la communauté ou hors-réserve appartiendront à la collectivité mi'kmaq.
Mme Stewart: Foncièrement, il s'agit d'une stratégie touchant l'administration ainsi que la compétence. Nos projets et nos politiques mettent l'accent sur l'éducation à dispenser sur place dans les collectivités. Bien sûr, cela découle de l'ancienne stratégie sur les pensionnats qui prévoyait de regrouper tout le monde dans des endroits communs. Nous reconnaissons que ce n'est pas ce que nous voulons continuer de faire.
De toute évidence, il existe des limites financières à la rapidité avec laquelle nous pouvons construire des installations. Le ministère estime que l'éducation devrait être dispensée sur place dans les collectivités, si possible. Cela ne se fera pas immédiatement. Le coût des matériaux de construction pose un défi. Mais c'est essentiellement l'approche que nous adoptons ici.
M. Joe McNeil, conseiller, Affaires intergouvernementales, région de l'Atlantique, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Honorables sénateurs, en prévision de l'adoption de ce projet de loi, Eskasoni, qui est la plus importante collectivité mi'kmaq en Nouvelle-Écosse, a entamé des négociations avec le secteur privé. Elle a construit dans la réserve une école secondaire de haute technologie. Je l'ai visitée, et c'est l'une installations les plus modernes que possède cette communauté. On retirera les élèves du secondaire du réseau provincial pour les instruire sur place. C'est une indication de l'orientation que prennent les Mi'kmaqs dans le cadre de cette compétence accrue.
Le président: Merci, madame la ministre. Je crois que vous avez d'autres engagements. Il y a ici des représentants de votre ministère.
La page 3 du projet de loi mentionne une société qui doit être mise sur pied, et indique:
Est constitué Mi'kmaw-Kina'matnewey, personne morale sans capital-actions ayant pour mission d'aider les communautés en ce qui touche les programmes et services qu'elles sont tenues d'offrir en matière d'éducation.
Il ne s'agit pas réellement d'un conseil scolaire, mais de quelque chose qui lui ressemble. Par ailleurs, je crois que le gouvernement du Canada s'est engagé à fournir un certain pourcentage du financement nécessaire pour maintenir ces activités. Je suppose aussi, sauf erreur, que la province contribue. Pouvez-vous nous dire quels sont les pourcentages, entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, consacrés aux besoins opérationnels de cette société?
Mme Stewart: Je vais vous renvoyer à mes spécialistes techniques ici.
Le président: Madame la ministre, je ne tiens pas à vous chasser, mais vous pouvez partir si vous le souhaitez.
Je vous sais gré de votre comparution. Vous nous avez beaucoup aidés et vous nous avez permis de bien comprendre l'orientation de votre ministère. Tout ce que je peux vous dire, c'est de continuer votre excellent travail.
Vous vous êtes déjà engagée à comparaître devant le comité lors de son étude spéciale à l'automne. Je vous en suis très reconnaissant.
Mme Stewart: Merci, honorables sénateurs. J'ai hâte de vous revoir à l'automne.
Le président: Les deux représentants du ministère pourraient-ils s'approcher?
Lorsque la loi ne renferme aucun article d'incorporation précis, nous nous retrouvons souvent avec ce que vous appelez un accord moderne, comme celui-ci, qui ne peut pas être mis en application. Quelle est la formule de financement que prévoit ce projet de loi?
M. McNeil: Si cela pouvait être utile, je pourrais passer en revue le processus de financement et clarifier du même coup certaines questions antérieures.
Le budget total actuel est d'environ 24 millions de dollars. Un chiffre plus élevé a été utilisé lorsque nous avons négocié pour les 13 bandes. Les quatre bandes qui n'ont pas signé l'accord étaient d'assez petites bandes, et cela n'a donc pas réduit de beaucoup le chiffre, mais le montant a été réduit.
Le chiffre de 24 millions de dollars représente trois différents types de financement. Premièrement, ce que nous appelons le financement pour l'éducation de base A, c'est-à-dire le financement qui serait normalement prévu pour l'éducation dans une réserve en Nouvelle-Écosse. Cela ne représente pas une augmentation importante de la base A.
Deuxièmement, il y a un élément de capital dans le budget qui est prévu pour maintenir et remplacer les écoles existantes dans les réserves qui ont été construites par le gouvernement fédéral et dont les Mi'kmaqs assumeront la responsabilité. Ce montant est d'environ 1,5 million de dollars. Ce montant sera fourni chaque année et les Mi'kmaqs l'utiliseront pour entretenir les installations existantes et pour fournir ultérieurement les crédits destinés à remplacer ces bâtiments.
Le troisième élément du budget, ce sont les crédits de gestion de 1,2 million de dollars. Cet argent sera utilisé pour exercer la compétence qui sera créée par l'adoption du projet de loi C-30. Ce sont là les trois types de financement.
Dans le financement de gestion, la société dont parle le président sera financée directement à même ce montant de 1,2 million de dollars. Quelque 600 000 $ financeront les activités annuelles de cette société.
De plus, il y a une hausse -- ou ce que nous appelons un article de rajustement -- dans les modalités de financement, qui est l'annexe B de l'accord. Cet arrangement prévoit une augmentation annuelle. Les honorables sénateurs devraient savoir qu'il s'agit d'un arrangement de financement quinquennal, renouvelable et renégociable après quatre ans.
Cet arrangement financier comprend deux facteurs de rajustement. Premièrement, il y a l'augmentation du pourcentage annuel de population dans la réserve en Nouvelle-Écosse. Par conséquent, si la population augmente de 3 p. 100, par exemple, le budget sera augmenté d'autant pour exercer davantage de pressions sur les Mi'kmaqs afin qu'ils assurent les services d'éducation. Deuxièmement, si le MAINC prévoit ce que nous appelons une augmentation générale du prix dans le budget annuel de l'éducation, cela sera alors prévu pour les Mi'kmaqs. La combinaison des deux donnera une augmentation annuelle du pourcentage au cours des cinq premières années.
Les Mi'kmaq et le MAINC tiendront des négociations au début de la cinquième année, et nous établirons un nouveau régime budgétaire pour les cinq années suivantes et les années ultérieures.
C'est un accord quinquennal parce que le MAINC a seulement le pouvoir de signer un accord quinquennal. Il ne peut pas excéder cinq ans. Sinon, nous négocierions un accord plus long.
Le président: Qu'en est-il de la participation provinciale?
M. McNeil: Il n'y a aucune contribution financière des provinces. Lorsque le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a signé l'accord tripartite, le premier ministre a indiqué clairement que le gouvernement appuyait le souhait des Mi'kmaqs d'assumer la compétence en matière d'éducation dans la réserve. Il a été clair sur la division de la compétence entre les activités exercées dans la réserve et celles exercées hors-réserve. Il n'y a ici aucun empiétement. La province a été très claire.
Cela dit, la province a pris un certain nombre de mesures liées directement à nos négociations et aux initiatives prises par les Mi'kmaqs. Par exemple, la modification de la Nova Scotia Education Act pour permettre la participation des Mi'kmaqs aux conseils scolaires en Nouvelle-Écosse et la création du Conseil consultatif du premier ministre. Les Mi'kmaqs siègent en fait à un niveau supérieur et conseillent le premier ministre en matière d'éducation, de culture et de langue en ce qui concerne la culture mi'kmaq dans la province.
La province a aussi mis sur pied un programme linguistique mi'kmaq de la septième à la dixième années dans le réseau scolaire public ordinaire en Nouvelle-Écosse. Elle mettra en place un projet pilote en septembre pour le programme de la dixième année. Cette province accorde un appui très marqué et elle est très coopérative.
La School Board Association de la Nouvelle-Écosse a lancé une invitation aux Mi'kmaqs pour qu'ils deviennent des associés. C'est là un lien très étroit. La province assure de très nombreux services en nature. Cependant, elle a indiqué clairement que le gouvernement fédéral assumait la responsabilité financière dans la réserve.
Le président: Qu'en est-il des normes sur l'élaboration du programme d'études? La province aurait-elle une influence sur cette société?
M. McNeil: Dans l'accord, les Mi'kmaqs se sont engagés à offrir une éducation qui garantisse le passage des élèves à un réseau provincial dans toutes les régions du Canada sans pénalité scolaire. L'élève ne sera aucunement pénalisé du fait d'avoir été instruit dans la collectivité mi'kmaq.
La politique de la collectivité mi'kmaq, et je suis d'accord avec elle, est que non seulement les élèves recevront une bonne éducation générale, ils recevront aussi une éducation appropriée sur le plan culturel et linguistique.
La province n'interviendra aucunement sur la nature du programme d'études en dehors de la référence précise qui est faite dans cette disposition particulière de l'accord.
Le président: Selon vous, cela va-t-il au-delà du transfert administratif? Ne s'agit-il pas, à la limite, de transfert de compétence?
M. McNeil: Nous estimons que c'est une délégation de la compétence que le gouvernement fédéral estime avoir actuellement sur l'éducation dans les réserves.
Mon collègue peut traiter cette question sur un plan plus juridique. Cependant, nous croyons comprendre qu'il s'agit d'une question de concurrence de la compétence en matière d'éducation dans les réserves.
M. Allan Cracower, conseiller juridique, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: En ce qui concerne la société elle-même, il faut comprendre que son but essentiel est d'appuyer la prestation des services d'éducation et la mise en oeuvre des programmes. Cette société ne sera pas habilitée à adopter des lois. Ce pouvoir est conféré aux collectivités particulières, qu'il s'agisse des conseils scolaires ou des conseils de bande. Il faut bien comprendre cette distinction.
Les programmes d'études dont parle le président seraient traités dans chaque collectivité.
Pour la question de la compétence à exercer, l'article 93 de la Constitution prévoit que les législatures provinciales ont un pouvoir législatif exclusif en matière d'éducation. L'article 91 permet au Parlement d'adopter des lois exclusivement en ce qui concerne les Indiens et les terres qui leur sont réservées. Par conséquent, il y a la question de la compétence concurrente. Aussi, avons-nous travaillé en harmonie avec la province et les Premières nations de manière à limiter à l'éducation dans les réserves le champ de la compétence à exercer, seulement pour éviter les conflits possibles.
Le sénateur Taylor: Ce projet de loi me tracasse. Je ne suis pas aussi heureux que M. McNeil et la ministre, en raison d'une longue expérience dans l'Ouest en matière d'éducation dans les écoles autochtones et les écoles séparées. J'aperçois un nuage ou deux à l'horizon.
Notre expérience montre que nous parlons de deux choses ici -- les articles 91 et 93. Comme vous l'avez mentionné, cela ne pose pas de problème. Cependant, je suis d'avis, comme beaucoup d'autres, qu'un autochtone est non seulement une personne autochtone et un citoyen du Canada, mais aussi un citoyen de la province. La province ne peut pas repasser les coûts de l'éducation au gouvernement fédéral.
Le MAINC, dans son désir d'élargir la compétence du ministère, s'est toujours empressé d'assumer la responsabilité de l'éducation des Autochtones en vertu de l'article 91. J'ai souvent estimé que cela était, à long terme, au détriment du peuple autochtone. Cela a permis aux provinces qui cherchaient à économiser de se défiler et de déclarer: «Voici 5 000 ou 10 000 personnes dont le gouvernement fédéral s'occupera, et nous allons nous retirer de ce domaine de responsabilité». Selon moi, la province, sur une base par habitant, devrait fournir du financement pour les réserves tout comme elle le fait pour le centre-ville de Halifax, par exemple.
L'une des raisons pour lesquelles cette question se pose, et nous l'avons noté en Alberta et en Saskatchewan, c'est que nous aurons des écoles autochtones qui enseigneront la langue dans la réserve, mais il viendra un moment où les parents de ces enfants souhaiteront qu'ils puissent entrer en concurrence avec d'autres. Ces enfants doivent pouvoir faire concurrence aux autres enfants pour obtenir des emplois et des places dans les universités. Nous voulons qu'ils trouvent leur place dans les écoles secondaires et ainsi de suite. Les parents comprennent qu'ils donnent à leurs enfants une compréhension de base de la culture, mais ils veulent qu'ils puissent aussi gagner leur vie.
Pour commencer, le gouvernement fédéral dira qu'il a construit cette grande école secondaire et que les élèves doivent y rester. Il ne veut pas qu'ils aillent à la ville voisine. Le conseil scolaire de la ville voisine peut dire que ces enfants relèvent du fédéral et qu'il ne voit pas pourquoi il devrait fournir des locaux pour des classes.
Ce qui me tracasse ici, c'est que vous pouvez faire la même erreur que nous avons commise dans l'Ouest. Il n'y a pas de système homogène. C'est très important, à mon avis. Les chefs peuvent parler de culture et les politiciens peuvent avoir des idées nobles, mais l'élève est celui qui a besoin d'éducation à l'endroit et au moment où il le souhaite. Dans la société qui est mise sur pied, je ne vois pas de condition préalable pour que le gouvernement provincial s'occupe des parents d'un enfant mi'kmaq, s'ils décident que leur enfant devrait aller à l'école en dehors de la réserve ou dans l'autre réseau. Qu'avez-vous fait pour que cela soit homogène?
M. McNeil: C'est une excellente question. C'est une chose dont nous avons discuté. Il y a deux éléments à votre question. Premièrement, l'élève aura-t-il accès à l'école de son choix, étant donné qu'il a reçu un certain degré d'éducation dans la réserve? Deuxièmement, il y a la question des ressources et celle de savoir à qui incombe la responsabilité à ce sujet.
En ce qui concerne la question des ressources, le MAINC a pour politique jusqu'à maintenant d'assumer la responsabilité financière pour tous les élèves qui vivent dans la réserve, non seulement dans le cas des élèves mi'kmaq de Nouvelle-Écosse ou d'autres élèves autochtones, mais aussi pour les élèves non indiens qui vivent dans la réserve. C'est la politique. Cela a toujours été une politique. C'est une question complexe, parce que cela comprend non seulement l'éducation, mais aussi le développement social dans les régions. Cela comprend aussi d'autres structures de soutien dans la réserve et la question de la responsabilité financière, qu'il s'agisse de la province ou du gouvernement fédéral.
Le gouvernement fédéral a choisi de ne pas chercher à régler l'énorme question nationale de savoir à qui incombe la responsabilité financière de la mise en oeuvre des programmes dans les réserves, ou hors-réserve pour les Indiens inscrits qui vivent en dehors de la réserve. C'est une question complexe, et nous avons respecté la politique existante. Nous avons convenu de financer l'éducation pour tous les élèves, y compris les non-Indiens vivant dans les réserves, et la province a accepté de financer tous les élèves, y compris les Indiens inscrits et les peuples autochtones hors-réserve.
J'appuie fortement Eskasoni au sujet de l'établissement de cette école secondaire de haute technologie, avant-gardiste et porte-étendard. C'était là son choix, et c'est la seule réserve ou la seule collectivité qui l'ait fait. Tous les autres élèves utiliseraient normalement, de la sixième à la huitième année, le réseau scolaire provincial.
Des accords provinciaux sur les frais de scolarité sont en place et ils sont administrés par les Premières nations, soit dit en passant, et non par le gouvernement fédéral. Ces accords prévoient des ressources pour les élèves s'ils fréquentent les écoles communautaires hors-réserve du réseau provincial.
Après l'adoption du projet de loi C-30, les collectivités seront investies de la compétence. Nous espérons qu'elles représentent leurs élèves le mieux possible et qu'elles permettent à ceux qui choisissent de ne pas fréquenter l'école dans la réserve de fréquenter une école du réseau provincial. Il est clair cependant que cette décision appartiendra à la collectivité -- et non au gouvernement fédéral -- après l'adoption de ce projet de loi.
Le sénateur Taylor: Pendant quelques années, j'ai représenté une région de l'Alberta qui était équipée de belles écoles de haute technologie hors-réserve. De fortes pressions s'exercent sur une famille qui veut transférer son enfant d'une école autochtone à une école non autochtone. La province dit: «Vous y avez une grande école». Je me place du point de vue des élèves.
Je vous souhaite beaucoup de succès, mais je fais une mise en garde. Je suis de ceux qui pensent que les élèves et les parents sont plus importants que la bande, le gouvernement fédéral ou la province, dans la mesure où ils peuvent rendre le système homogène.
Plus de la moitié des membres des peuples autochtones vivent maintenant hors-réserve dans des villes canadiennes. Je pense que c'est probablement la même situation en Nouvelle-Écosse. Que fait-on pour un enfant mi'kmaq ou un enfant métis? Les parents peuvent vouloir que leur enfant aille vivre à Halifax ou dans une autre ville. Qu'advient-il de l'éducation de l'enfant? Y a-t-il des services de transport par autobus pour l'amener à l'école autochtone? Où cela s'arrête-t-il? Je comprends que vous ne puissiez pas transporter en autobus ces enfants sur une distance de 50 milles, mais cela serait possible sur une distance de 20 milles. Peut-être y a-t-il une école autochtone dans la ville. Que fait-on à ce sujet?
M. McNeil: En ce qui concerne l'éducation, la politique du MAINC et du gouvernement fédéral s'arrête à la frontière de la réserve. Par conséquent, si un élève mi'kmaq vivait dans la ville de Halifax, on lui assurerait un service de transport par autobus et tous les autres services accessibles à tout résident de Halifax pour l'éducation. Cependant, l'élève ne serait pas transporté en autobus vers une réserve.
Soit dit en passant, la réserve la plus proche de Halifax serait Shubenacadie, qui est située à une distance d'environ 45 minutes.
Cela dit, cela n'empêche pas les Mi'kmaqs de négocier avec la province. Ils ont le pouvoir de négocier. On leur confère un pouvoir fédéral délégué, et la compétence assortie, afin de conclure un protocole au sujet des élèves des Premières nations qui vivent hors-réserve. En fait, ils assument une responsabilité supplémentaire pour les membres de la bande qui vivent hors-réserve. Il faut se rappeler que nous établirons une nouvelle relation selon laquelle les collectivités et le chef du conseil de bande traiteront directement avec la province.
Durant tout ce processus, nous avons cru que ces collectivités étaient beaucoup plus en mesure de prendre des décisions et de négocier au nom de leurs membres que ne l'étaient les bureaucrates fédéraux.
Je ne suis pas sûr que cela réponde à votre question.
Le sénateur Taylor: Je ne crois pas que cela y réponde. Je dois dire par ailleurs qu'un trajet de 45 minutes pour aller à l'école est assez normal pour un enfant des Prairies canadiennes.
Vous dites que la collectivité peut négocier au sujet des enfants mi'kmaq. Or, la communauté aura-t-elle le soutien financier du gouvernement fédéral? Vous avez dit que votre responsabilité s'arrête à la frontière de la réserve. Y aura-t-il un soutien financier pour les familles mi'kmaq qui résident hors-réserve?
M. McNeil: Comme je l'ai déjà mentionné, il existe des accords en matière de frais de scolarité qui prévoient des montants pour les élèves qui vivent dans la réserve afin de fréquenter des écoles du réseau provincial situées hors-réserve. Conformément à ces accords en matière de frais de scolarité, les bandes versent en fait une allocation d'environ 5 200 $ par élève pour lui permettre de fréquenter l'école provinciale. Cela remplace toute autre taxe payée.
Le sénateur Taylor: Monsieur le président, je ne sais pas si le témoin cherche à s'esquiver. Je pose une question simple sur un enfant mi'kmaq qui peut n'avoir jamais vécu dans une réserve et qui désire y fréquenter l'école. Quelle est la responsabilité fédérale à ce sujet?
M. McNeil: C'est une situation hypothétique. Conformément à la politique actuelle, la province a clairement la responsabilité financière. Cependant, elle peut négocier avec une collectivité des Premières nations pour offrir des services d'éducation. La province serait responsable au plan financier de cet élève, parce qu'il vit dans un endroit relevant de sa compétence, parce qu'il paie des impôts et contribue aux recettes de la province, comme toute personne ne vivant pas sur une terre de la Couronne fédérale.
Le président: Sénateur Taylor, pour l'instant le MAINC n'assume pas la responsabilité des gens qui vivent hors-réserve.
Le sénateur Taylor: Ce que je veux dire, c'est que 55 p. 100 des membres de nos peuples autochtones ne vivent pas dans des réserves, et le MAINC n'assume pas de responsabilité à leur égard. Je veux que cela soit consigné aux fins du compte rendu. Le témoin continue d'éviter cette question.
Le sénateur Forest: J'appuie fortement ce projet de loi. Il y aura des difficultés de mise en application, comme il y en a toujours, mais je lui accorde mon appui.
J'ai une question sur l'éducation postsecondaire. J'ai cru comprendre d'après les propos du sénateur Butts que ce projet de loi inclura l'éducation postsecondaire. Ai-je mal compris?
M. McNeil: Le projet de loi traite de la compétence en matière d'éducation aux niveaux élémentaire et secondaire. Il prévoit aussi la compétence pour ce qui est du financement fourni pour l'éducation postsecondaire. Nous avons fait très attention de ne pas indiquer que nous avions une compétence sur l'éducation postsecondaire, parce que le gouvernement fédéral n'en a pas dans ce domaine. Cependant, nous fournissons à l'échelle nationale quelque 240 millions de dollars pour l'enseignement postsecondaire à l'intention des élèves des Premières nations qui vivent aussi bien dans la réserve que hors-réserve.
Dans le cas des Mi'kmaqs, il s'agit d'un montant d'environ 5 millions de dollars. Les Mi'kmaqs seraient responsables de la gestion de ce montant et fourniraient de l'aide tant aux élèves dans la réserve qu'aux membres des bandes hors-réserve qui fréquentent l'université, sur la même base qu'auparavant.
Le sénateur Forest: Dans la documentation fournie, j'ai noté des lettres de soutien d'un certain nombre d'universités. Je présume que ce sont les institutions que ces élèves fréquentent normalement.
M. McNeil: Oui. À titre d'exemple, je crois que plus de 200 élèves mi'kmaq fréquentent l'University College of Cape Breton à Sidney. Je crois qu'il y a quelque 500 élèves au niveau postsecondaire en Nouvelle-Écosse sur une population de 9 800 personnes d'origine mi'kmaq, ce qui représente, à mon avis, un taux supérieur à la moyenne nationale en matière de fréquentation d'établissements postsecondaires.
Le sénateur Forest: Cela serait certainement supérieur à la moyenne dans l'ouest du Canada.
La sénatrice Butts: Je peux assurer le sénateur Forest que ce projet de loi ne change rien. Les frais de scolarité sont payés pour les élèves autochtones, dont le nombre est supérieur à 200 cette année.
Ce n'est pas un changement soudain. En 1996, 1 376 Mi'kmaqs fréquentaient des écoles gérées par la bande. Il y en avait 1 096 dans les écoles mi'kmaq gérées par la province. Par conséquent, plus de la moitié d'entre eux fréquentaient déjà des écoles gérées par la bande. C'est une transition progressive et non soudaine. Nous avons préparé cela depuis des années. Les bandes ont géré de plus en plus leurs propres écoles, aussi bien au niveau élémentaire que secondaire.
À l'université, ils ont étudié la langue mi'kmaq comme langue seconde, alors que la plupart des gens ont étudié le français. Il y a aussi un cours crédité en culture mi'kmaq.
Par conséquent, ce n'est pas un changement soudain par rapport à ce que nous avons fait. Nous préparons cela depuis des années. Il ne sert à rien de comparer avec ce qui se fait dans d'autres provinces.
J'ai déjà été directrice d'une école secondaire où quatre autobus transportaient des filles provenant de réserves. Elles avaient hâte de ne plus devoir faire ce trajet en autobus pour fréquenter plutôt des écoles de haute technologie dans leur propre réserve. Ce projet de loi leur permettra de le faire.
Je tiens à assurer le comité qu'il ne s'agit pas d'une transition soudaine ou d'un chambardement.
Le sénateur Adams: J'ai une autre question pour nos témoins du ministère.
Quels sont les moteurs économiques dans la collectivité mi'kmaq? La forêt en est-il un? Parfois, lorsqu'on vient d'une petite collectivité, même avec une bonne éducation, faut-il aller à la ville pour trouver du travail. Quelles sont les perspectives économiques pour les gens de la collectivité?
M. McNeil: Je suis certain que les membres du comité savent que la côte Est a éprouvé de graves difficultés économiques au cours des dernières années. La situation des recettes dans les réserves en Nouvelle-Écosse est encore plus compliquée. Les bandes sont sous-développées sur le plan de l'industrie ou de l'entrepreneuriat. Avec le début des activités dans l'industrie du gaz à l'île de Sable et l'initiative touchant la forêt pour laquelle la province a lancé aux collectivités mi'kmaq une invitation à négocier pour utiliser les terres domaniales et pour certaines expansions dans les pêches, nous espérons que la situation économique s'améliorera. Cependant, c'est probablement une situation très semblable à celle d'autres régions du Canada où les collectivités autochtones sont sous-développées sur le plan économique.
Vous avez parfaitement raison; bon nombre de ces élèves finiront par travailler à l'extérieur des réserves dans des centres urbains ou ils déménageront pour trouver de l'emploi, tout comme beaucoup de Canadiens de l'Est doivent le faire.
Le président: Merci de votre témoignage aujourd'hui.
Nous passons maintenant à l'étude article par article du projet de loi.
Les articles 2 à 13 doivent-ils être adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: L'annexe est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le président: Quelqu'un peut-il proposer que je fasse rapport de ce projet de loi sans amendement?
Le sénateur Forest: Je le propose, monsieur le président.
Le président: Est-ce adopté, chers collègues?
Des voix: Adopté.
La séance est levée.