Délibérations du comité sénatorial permanent des Peuples autochtones
Fascicule 21 - Témoignages pour la séance du matin
OTTAWA, le mardi 2 mars 1999
Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 07 pour étudier la question de l'autonomie gouvernementale autochtone en vue d'en faire rapport.
Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nos premiers témoins sont de la Indigenous Bar Association. Nous vous écoutons.
M. David Nahwegahbow, président, Indigenous Bar Association: Bonjour. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Don Worme, président sortant de la Indigenous Bar Association; Mme Helen Semaganis, l'actuelle secrétaire-trésorière de l'association, et Mme Diane Corbiere, une membre très active de l'association.
Honorables sénateurs, je vous remercie d'avoir invité la Indigenous Bar Association, l'IBA, à vous faire cet exposé. Notre association a été fondée en 1989. Comme son nom le dit, elle se compose d'avocats autochtones des quatre coins du Canada. Nous comptons parmi nos membres des Inuits, des Indiens et des Métis.
Comme le dit notre constitution, les objectifs de notre association se définissent ainsi: reconnaître et respecter le fondement spirituel de nos lois, coutumes et traditions autochtones; promouvoir l'avancement de la justice pour les peuples autochtones du Canada, tant sur le plan juridique que social; promouvoir la réforme des politiques et des lois qui touchent les peuples autochtones du Canada; et sensibiliser le milieu juridique, le milieu autochtone et le grand public aux problèmes juridiques et sociaux qui concernent les peuples autochtones du Canada. Nos principaux objectifs, je le répète, consistent à promouvoir le droit coutumier autochtone, la sensibilisation du public à certaines questions juridiques, la réforme du droit et la justice sociale pour les peuples autochtones.
Notre mémoire d'aujourd'hui ne portera pas sur toutes les questions que vous avez mentionnées dans votre document de travail, étant donné que c'est un ensemble de questions très vastes. Nous voulons plutôt nous concentrer sur les quatre questions suivantes: les principes fondamentaux, la reddition de comptes et la création de capacités, la durabilité et une proposition, soit la création du poste de procureur général chargé de faire appliquer l'article 35 et de faire respecter les obligations fiduciaires de la Couronne.
Commençons par les principes fondamentaux. À propos de la fonction gouvernementale autochtone, ce qui préoccupe le plus l'IBA, c'est le fait qu'on ne reconnaisse pas les droits des peuples autochtones à l'autodétermination, et le fait qu'il n'existe pas de reconnaissance juridique du droit inhérent des autochtones à l'autonomie gouvernementale. D'où, à notre avis, l'échec des négociations sur l'autonomie gouvernementale parce que les peuples autochtones ne disposent pas de leviers suffisants, et parce que les gouvernements fédéral et provinciaux n'ont pas ainsi la motivation qu'il leur faut pour négocier des accords d'autonomie gouvernementale équitables et valables. Tant que ces gouvernements vont nier l'existence de ces droits, on accomplira très peu de progrès. Il est nécessaire que votre comité se prononce sur cette question parce qu'elle est cruciale à notre avis, alors si vous le voulez bien, nous nous attarderons quelque peu sur ce sujet.
Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones reconnaissait deux fondements distincts à l'autonomie gouvernementale autochtone. On reconnaissait que le droit des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale se fondait sur les principes du droit internationaux. Les auteurs du rapport reconnaissent aussi que les peuples autochtones possèdent le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale en vertu des doctrines de la commom law. Les peuples autochtones du Canada ont toujours maintenu qu'ils possèdent ce droit à l'autonomie gouvernementale, mais les gouvernements ont constamment refusé de reconnaître ce droit.
L'actuel gouvernement a émis un énoncé de politique qui s'intitule: «L'autonomie gouvernementale autochtone: l'approche du gouvernement du Canada à la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale autochtone et la négociation de l'autonomie gouvernementale autochtone.» J'ai la certitude que vous connaissez ce texte, honorables sénateurs. Ce document reconnaît le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Cependant, le même texte pose de sérieuses difficultés.
Premièrement, il ne s'agit que d'une politique. C'est-à-dire qu'elle prête à interprétation et peut être modifiée aisément. Elle n'a aucune valeur juridique. Notre association croit que le droit à l'autonomie gouvernementale doit être reconnue en droit.
Deuxièmement, même si la politique fédérale sur les droits inhérents dit bien que l'on reconnaît le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, l'expérience à la table de négociation nous a appris que cette reconnaissance est limitée et sans valeur. Les avocats du ministère de la Justice et les négociateurs disent que ce droit inhérent est reconnu en principe; cependant, ils nient que certains groupes autochtones avec lesquels le gouvernement fédéral négocie possèdent ce droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. On dit aux peuples autochtones de s'adresser aux tribunaux s'ils veulent faire reconnaître spécifiquement le fait qu'ils possèdent le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Nous vous recommandons de presser le gouvernement fédéral de reconnaître sans réserve le droit à l'autodétermination et le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones, comme le recommandait le rapport de la commission royale.
Cependant, nous vous prions de noter que, même si nous sommes en faveur du principe général de reconnaissance dont fait état le rapport de la commission royale, nous n'approuvons pas nécessairement toutes les constatations du rapport relativement à la définition et à la portée du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Plus particulièrement, nous contestons, relativement au droit interne et au droit international, le principe selon lequel seules les nations autochtones d'une taille suffisante ou possédant d'autres caractéristiques définies par le rapport, possèdent le droit à l'autonomie gouvernementale.
Le fondement en common law des droits autochtones est constitué de la culture et du système de droit coutumier du peuple autochtone en question. En toute logique, il faut alors se pencher sur la preuve historique et les pratiques du peuple autochtone en question pour déterminer où réside la souveraineté ou le droit à l'autonomie gouvernementale de ce peuple.
À ce sujet, les diverses nations autochtones ont des lois, des coutumes et des pratiques qui leur sont propres. Par exemple, pour bon nombre d'Indiens en Colombie-Britannique, la souveraineté réside essentiellement au niveau de la nation. Le comité aura donc remarqué qu'en conséquence, lorsque les Indiens de la Colombie-Britannique emploient le terme «Première nation», ils désignent la nation plutôt que la bande.
Par contre, dans certaines régions du Canada à l'est de la Colombie-Britannique, par exemple, dans le cas de la nation Anishnabek, qui est ma nation à moi, le terme «Première nation» renvoie généralement à la bande ou à la collectivité. Cela s'explique par les différences dans les cultures, le droit coutumier et les pratiques du peuple Anishnabek. Les Anishnabek considèrent que la bande locale, ou la tribu, est le niveau d'organisation sociale où résident les aspects résiduaires de la souveraineté, sauf dans les secteurs qui sont expressément réservés au niveau de la nation.
Sans posséder tous les faits en main, il est incorrect de conclure que seule la nation autochtone possède le droit à l'autonomie gouvernementale. Certains membres de la section du droit international de notre association ont contesté les critères du rapport de la commission royale qui permettent de déterminer si un peuple autochtone possède le droit à l'autonomie gouvernementale.
Toujours dans le contexte des nations autochtones, le droit international reconnaît que le fait de conclure un traité confirme l'existence d'une personnalité internationale. Cela a été reconnu par l'étude des Nations Unies sur les traités qu'a entreprise M. Martinez, dont votre comité a reçu copie, et où il est dit que les traités indiens sont des traités internationaux.
De manière générale, au Canada, bon nombre des traités à numéro et des autres traités qui ont été ratifiés ont été signés par des chefs de bande et non par des nations centralisées. Il s'ensuit donc qu'un élément important de souveraineté politique résidait à ce niveau.
Les membres de notre section du droit international et notre association prient le comité d'examiner les normes internationales émergentes à cet égard, au lieu de se limiter en cette matière aux constatations du rapport de la commission royale.
Nous invitons le comité à prendre connaissance du texte en annexe intitulé: «Conclusions et recommandations de Nuuk sur l'autonomie gouvernementale autochtone.» Nous avons annexé ce texte à notre mémoire. Ces résolutions ont été adoptées par le Comité des experts des Nations Unies qui représentaient des gouvernements à une rencontre à Nuuk, au Groenland, en septembre 1991. Le comité doit savoir aussi qu'il existe un projet de déclaration des droits des peuples autochtones.
Nous aimerions maintenant parler de reddition de comptes et de création de capacités. Au sujet de la reddition de comptes, nous sommes d'accord avec la commission royale lorsqu'elle dit que le legs de l'expérience coloniale a eu un effet néfaste sur les gouvernements autochtones. Ces gouvernements autochtones autrefois souverains et complètement indépendants ont été marginalisés, d'abord par les gouvernements européens, et ensuite par les gouvernements canadien et provinciaux, et ils dépendent aujourd'hui de ces mêmes gouvernements. Le seul remède ici consiste à reconnaître véritablement le droit à l'autonomie gouvernementale.
Qui plus est, les pouvoirs publics du Canada doivent faciliter la reconstitution des capacités des peuples autochtones pour qu'ils puissent se gouverner eux-mêmes d'une manière conforme à leurs cultures respectives. En se gouvernant eux-mêmes, ces peuples seront en mesure d'édifier leurs structures gouvernementales traditionnelles à l'intérieur d'un paradigme familier pour les citoyens qu'ils sont censés servir, et à qui ils doivent rendre des comptes. Les notions de reddition de comptes et de transparence ne sont pas des concepts étrangers pour les peuples autochtones. Cependant, la manière dont on a fourni des ressources en ce sens aux peuples autochtones jusqu'à ce jour ne reflète pas de manière réaliste les besoins ou les valeurs des nations autochtones. En tant que telles, les responsabilités énormes relativement à la prestation des services, avec les moyens limités que nous avons, créent souvent un fardeau ingérable où la reddition de comptes est parfois compromise.
Nous en avons vu des exemples. Si l'on veut doter les nations autochtones d'un mécanisme authentique de reddition de comptes, il faut établir un partenariat réel avec les gouvernements du Canada, particulièrement le gouvernement fédéral, un partenariat qui reconnaît et respecte le statut unique, la culture et l'histoire des peuples autochtones. Ce partenariat doit également tenir compte du fait que, consécutivement aux politiques délibérément oppressives du gouvernement fédéral, les besoins des collectivités autochtones sont immenses.
Dans le cadre de cette discussion sur la reddition de comptes, les peuples autochtones doivent accélérer la création de capacités qui s'est faite à l'intérieur de nos nations dans un passé récent, et ce, d'une manière conforme à notre culture. Il y a moyen d'assurer cette reddition de comptes et d'accélérer la création de capacités en mettant sur pied le centre de transition de l'autonomie gouvernementale autochtone que recommandait la Commission royale. Nous, de la Indigenous Bar Association, croyons qu'il est de notre obligation d'assurer la mise en oeuvre de cette recommandation, et nous croyons que nous pouvons jouer un rôle important dans sa mise en oeuvre, étant donné notre perspective autochtone et la compétence que nous avons en matière de droit et d'exercice de la fonction gouvernementale.
Nous allons maintenant parler de durabilité. Sous cette rubrique, le premier sujet concerne les obstacles à la réalisation de l'autonomie financière dans le cadre du régime de la Loi sur les Indiens. La réalisation de l'autonomie gouvernementale est un processus évolutif. Pour diverses raisons, beaucoup de peuples autochtones ne sont peut-être pas en mesure de conclure dans un avenir rapproché des accords complets relativement à l'autonomie gouvernementale. Par exemple, la Loi sur les Indiens impose encore des obstacles aux Premières nations qui veulent réaliser leur indépendance financière. Quels que soient les efforts que l'on accomplira en vue de réaliser l'autonomie gouvernementale, il est nécessaire de supprimer ces obstacles qui empêchent les Premières nations de gouverner en se servant des actifs dont elles disposent. On fera un pas dans la bonne direction en adoptant une loi qui supprimera ces obstacles, loi qui doit être articulée avec le concours entier des Premières nations -- et je tiens à souligner que ce concours doit être entier. On créera ainsi un climat de certitude et l'on protégera mieux les intérêts des investisseurs, ce qui permettra aux Premières nations de trouver les capitaux qu'il leur faut pour améliorer les programmes et services gouvernementaux.
Le second sujet sous cette rubrique porte sur de nouveaux accords budgétaires conformes aux accords sur l'autonomie gouvernementale. Le financement des gouvernements autochtones exige de nouvelles relations budgétaires ainsi que des mécanismes de financement qui correspondront aux nouveaux accords sur le partage des pouvoirs auxquels adhéreront les diverses parties à ces accords sur l'autonomie gouvernementale. Il faudra entreprendre des discussions pour déterminer comment les fonds seront transférés aux gouvernements autochtones, et par quel gouvernement, fédéral ou provincial. Nous recommandons ici la création d'une table nationale sur les relations financières.
Le troisième sujet traite des recettes pouvant provenir des ressources naturelles. Il y a deux choses ici. Premièrement, il faut reconnaître que les peuples autochtones ont droit à la redistribution équitable des terres et des ressources à l'intérieur de leurs territoires traditionnels. Ce qui veut dire que les gouvernements autochtones doivent avoir une part équitable des bienfaits économiques qui résultent de l'exploitation des ressources naturelles sur leurs terres. Cette part équitable pourrait prendre la forme de redevances ou d'un partage des taxes foncières générées sur nos territoires traditionnelles.
Encore là, je tiens à souligner cet aspect particulier de notre mémoire parce que nous nous inquiétons vivement de cette perception dans le grand public selon laquelle les peuples autochtones reçoivent constamment des aumônes, alors qu'ils ont un intérêt légitime dans les ressources immenses qui ont contribué pour beaucoup au développement de notre pays. Tout ce que les peuples autochtones veulent, c'est une redistribution équitable de ces ressources.
Les obligations et valeurs mobilières pourraient constituer une autre source de recettes. Les gouvernements autochtones devraient aussi avoir les mêmes pouvoirs que les autres gouvernements relativement à l'émission d'obligations et de valeurs mobilières qui financeront leurs projets.
Dans le quatrième sujet, il est question de l'égalité financière à réaliser. Il faut se rappeler que ce ne sont pas tous les gouvernements autochtones qui sauront trouver des fonds suffisants à même leurs ressources. Il se peut que certains d'entre eux n'aient pas de ressources suffisantes. Il faut assurer à ces gouvernements des transferts de fonds suffisants pour qu'ils puissent fournir à leurs citoyens des programmes et des services qui se comparent à ceux des autres. Ce transfert de fonds doit se faire sous forme de financement global. Ce transfert serait ainsi plus respectueux de l'autonomie des gouvernements autochtones. Un financement conditionnel ou un financement ciblé ne ferait que maintenir le paternalisme qui a corseté jusqu'à ce jour les peuples autochtones.
La dernière partie de notre mémoire traite de l'article 35, du procureur général et du respect des obligations fiduciaires. L'une des questions que posait votre comité est la suivante:
Bon nombre de groupes autochtones s'inquiètent de l'érosion de leurs relations particulières avec la Couronne. Comment pouvons-nous réaliser l'autonomie gouvernementale tout en maintenant ce lien particulier?
La question porte évidemment sur les obligations fiduciaires de la Couronne. Pour bien comprendre ce dont il s'agit, vous devez connaître les origines de cette relation fiduciaire. Les peuples autochtones ont toujours parlé du lien de confiance qu'ils ont avec la Couronne. C'était pour eux à l'origine un concept politique. Depuis quelque temps, depuis les jugements de la Cour suprême du Canada dans les affaires Guerin, Sparrow et Delgamuukw, nous y voyons un concept juridique qui crée des obligations juridiques. Les obligations fiduciaires émanent de la nature des droits autochtones et des titres autochtones, et entre autres choses, aux termes de ces obligations, les peuples autochtones ne peuvent céder leurs droits ou leurs titres à personne sauf à la Couronne. Cette contrainte visait à l'origine à protéger les intérêts fonciers des Indiens. Cette obligation fiduciaire a évolué historiquement à partir des premières mesures exécutives et législatives, dont la Proclamation royale de 1763. En droit, on reconnaît ainsi que l'on confie des pouvoirs extrêmes à la Couronne relativement aux peuples autochtones et à leurs droits, mais on impose ainsi une obligation juridique correspondante à la Couronne, qui doit agir dans le respect des intérêts supérieurs des peuples autochtones.
Quel rapport cela a-t-il avec l'autonomie gouvernementale? Les droits autochtones comprennent une vaste gamme de droits, des titres fonciers autochtones, en passant par les droits de chasse et de pêche, jusqu'au droit à l'autonomie gouvernementale, question dont la Cour suprême du Canada a été saisie mais sur laquelle elle n'a pas encore rendu de jugement. D'ailleurs, comme nous l'avons fait remarquer plus tôt, le gouvernement actuel reconnaît que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est un droit protégé par l'article 35. La Couronne a par conséquent le devoir de protéger non seulement les droits autochtones relatifs au territoire, mais aussi le droit à l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones. Si des autochtones s'inquiètent de voir la Couronne renoncer à son obligation fiduciaire avec l'avènement de l'autonomie gouvernementale, c'est parce que la Couronne a trahi cette confiance maintes fois par le passé.
Autrement dit, l'expérience a appris aux peuples autochtones qu'ils ne doivent pas faire confiance à la Couronne lorsqu'il s'agit de protéger leur intérêt supérieur. Bien sûr, ce manque de confiance est exacerbé par la crainte du transfert des responsabilités en cette époque d'austérité financière. Nous disons dans notre mémoire qu'il faut remédier à ce manque de confiance en apportant des réformes structurelles qui protégeront et maintiendront les relations fiduciaires avec la Couronne tout en permettant aux gouvernements autochtones de s'épanouir. Il y a un rapport entre ce manque de confiance et le conflit d'intérêts constitutionnel qui a toujours existé et qui continue d'exister entre la Couronne fédérale et le ministère de la Justice lorsqu'il s'agit de jouer ces deux rôles que sont, d'une part, la protection des droits des autochtones et des droits issus des traités et, d'autre part, la protection des droits et des intérêts des Canadiens de manière générale -- ce qu'on appelle en jurisprudence l'intérêt public. Depuis toujours, les peuples autochtones ont été les perdants dans ce conflit d'intérêts parce que les intérêts politiques ont toujours favorisé la majorité.
La réforme structurelle que nous recommandons en vue de protéger et de maintenir les obligations fiduciaires de la Couronne doit, au même moment, régler la question du conflit d'intérêts. Voilà pourquoi la Indigenous Bar Association recommande la création d'un poste de procureur général chargé de protéger les droits issus de l'article 35, et ce procureur général aurait les mêmes fonctions que les procureurs généraux du fédéral et des provinces, qui sont chargés aujourd'hui de protéger les lois fédérales et provinciales ainsi que les droits issus de la Charte.
Ce procureur général aurait pour principale fonction de protéger les droits autochtones et les droits issus des traités contre les gouvernements et autres intérêts hostiles. Il aurait aussi pour fonction de corriger les lacunes du système judiciaire, objectif que n'ont pas atteint jusqu'à présent les législateurs fédéraux et provinciaux, en dépit du fait qu'on a mené un grand nombre d'enquêtes à ce sujet. L'administration de la justice est une fonction gouvernementale importante à laquelle la Commission royale a consacré un rapport distinct intitulé: «Par-delà les divisions culturelles».
Les Premières nations, les Inuits et les Métis assumeront un pouvoir encore plus grand sur leurs territoires et leur gouvernement. Les ententes d'autonomie gouvernementale qui sous-tendent cette hypothèse d'un pouvoir accru seront scrutées à la loupe dans le contexte juridique actuel. Plusieurs ententes se sont déjà révélées catastrophiques pour les peuples autochtones, si bien qu'il faut prévoir une rigoureuse protection constitutionnelle comme celle qui est prévue pour les droits garantis par la Charte et les lois fédérales et provinciales aux termes des articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867.
En conclusion, l'Indigenous Bar Association veut s'assurer que les recommandations découlant du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones sont examinées sérieusement. L'IBA apprécie les efforts du comité et des honorables sénateurs qui ont eu un rôle à jouer à cet égard.
Nous travaillons avec le Barreau du Haut-Canada, l'Association du Barreau canadien et la Commission de réforme du droit du Canada en vue de convoquer une conférence pour faire suite aux recommandations de la commission royale sur les peuples autochtones. Il s'agit de donner suite plus précisément à la recommandation 13 de la Commission qui invite la communauté juridique canadienne à convoquer une conférence sur les questions traitées dans le rapport.
Une conférence doit avoir lieu à Osgoode Hall, à Toronto, les 22, 23 et 24 avril, pour étudier les aspects juridiques du rapport de la commission. Nous ne nous limiterons toutefois pas aux recommandations du rapport. Si l'un ou l'autre des membres du comité voudrait participer à cette conférence, vous êtes les bienvenus. J'ai ici certains des documents relatifs à la conférence, notamment l'affiche publicitaire et le programme.
Voilà qui termine notre exposé. Je tiens à vous remercier de nous avoir permis de vous adresser la parole.
Le sénateur St. Germain: J'ai deux questions. Premièrement, vous dites qu'il faut régler le problème du manque de confiance au moyen d'une réforme structurelle afin de maintenir et de protéger les obligations fiduciaires de la Couronne, tout en permettant aux gouvernements autochtones de prendre leur essor.
D'après la lecture que j'en fais, l'entente des Nishgas, corrigez-moi si je me trompe, monsieur, donnera aux Nishgas le titre de propriété sur leurs terres. Or, si la responsabilité fiduciaire découle du titre de propriété sur les terres des peuples autochtones, il se trouve que, dans le cas des Nishgas, ces terres seront détenues en fief simple et les Nishgas pourront les grever et en faire ce qu'ils voudront.
Les Nishgas deviendront essentiellement une nation, selon le terme qu'ils utilisent pour se désigner, ou une entité, si bien qu'ils ne seront plus visés par la relation fiduciaire qui existait en vertu de la common law et ils se trouveront donc dans la même situation que n'importe laquelle autre entité au pays. Pourriez-vous nous expliquer cette contradiction apparente?
M. Nahwegahbow: Je n'ai pas eu l'occasion d'examiner l'entente des Nishgas dans le détail. Je préférerais pouvoir me reporter aux termes précis de l'entente.
Si vous dites que les Nishgas ont renoncé complètement à toutes obligations fiduciaires à leur égard en concluant cette entente, je ne suis pas sûr que ce soit le cas.
Le sénateur St. Germain: Je vous demande votre interprétation. Je ne suis pas avocat, mais c'est ainsi que j'interprète l'entente. Ils recevront le titre de propriété sur leurs terres. Les terres ne seront plus la propriété de la Couronne. Elles appartiendront en fief simple à la nation Nishga, qui pourra les grever, les vendre ou en faire tout ce qu'elle voudra.
Toutes les parties à l'entente d'autonomie gouvernementale sont assujetties à la constitution qui en est le fruit.
Si, toutefois, la responsabilité fiduciaire de la Couronne découle du titre qu'elle a sur les terres qu'elle détient pour les peuples autochtones, cette responsabilité fiduciaire demeure-t-elle intacte? Dans l'affirmative, comment? Voilà ma question. Il est peut-être injuste de vous la poser.
M. Nahwegahbow: Je réponds à cela que tout dépend des conditions énoncées dans le traité. Si les Nishgas ont expressément renoncé à quelque obligation fiduciaire que ce soit de la part de la Couronne, je dirais que cette obligation n'existe peut-être plus.
Cependant, il n'en découle pas nécessairement que le maintien d'une obligation fiduciaire soit incompatible avec des ententes d'autonomie gouvernementale qui pourraient mener notamment à l'octroi d'un titre en fief simple, d'un intérêt absolu sur les terres, s'il s'agit là d'un des éléments du traité. Cela répond-il à votre question?
Le sénateur St. Germain: Je sais qu'il s'agit d'une question complexe. Je n'essaye pas de vous piéger, mais simplement d'obtenir des éclaircissements.
Comme je suis de la Colombie-Britannique, je sais que la question intéresse grandement tous les habitants de la province. Je m'inquiète tout particulièrement du fait que beaucoup d'habitants de la Colombie-Britannique et du Canada croient que l'autonomie gouvernementale exonère la communauté autochtone visée de toute obligation future que ce soit de la part de la Couronne, des gouvernements et des Canadiens. Il s'agit là d'une perception erronée, dans une large mesure, d'après ce que j'ai entendu à nos audiences, la plupart des groupes autochtones estiment toujours que la responsabilité fiduciaire demeure intacte, même en présence d'un régime d'autonomie gouvernementale.
Nous nous efforçons de dissiper ce malentendu lorsque nous rédigerons notre rapport, qui jouera un rôle critique pour nos autochtones. Il est aussi important de ne pas créer de mouvement de ressac parmi les autres citoyens.
M. Nahwegahbow: Monsieur le président, la question est sans doute sur la table. Si un groupe appartenant à une Première nation ou quelque autre groupe décide d'y renoncer expressément, la responsabilité disparaît donc. L'obligation fiduciaire n'est toutefois ni diminuée ni éliminée par les ententes d'autonomie gouvernementale. Voilà mon argument.
Les deux notions ne s'excluent pas. Elles ont une incidence l'une sur l'autre, mais en principe, elles ne s'excluent pas.
M. Don Worme, ancien président, Indigenous Bar Association: Merci, sénateur St. Germain, pour cette observation. Ce sont effectivement là des questions d'une importance cruciale.
Les points d'interrogation à ce sujet montrent bien toutefois qu'au Canada, les autochtones, et plus particulièrement les Premières nations, ne forment pas un groupe homogène. Les vues des Premières nations de la Colombie-Britannique ne coïncident pas nécessairement avec celles des Premières nations du Québec ou de la Saskatchewan. De même, les vues des Blancs d'Europe ne sont pas nécessairement homogènes non plus. C'est quelque chose qu'il faut comprendre dans le contexte des ententes individuelles qui sont conclues dans les différentes régions du pays.
D'après la connaissance limitée que j'en ai, l'entente répartit les terres en un certain nombre de catégories différentes, comme c'est le cas de l'entente Crie-Naskapi et de la Convention de la Baie James dans le nord du Québec. Il se peut bien qu'il y ait donc une certaine diminution de la responsabilité fiduciaire, selon, comme vous dites, le genre d'autorité qui est effectivement détenue par les signataires des Premières nations à ces ententes.
Il y a toutefois plusieurs autres considérations. Premièrement, les peuples autochtones du Canada n'ont pas tous la même conception de ces questions. Deuxièmement, le maintien d'une certaine responsabilité fiduciaire n'est pas nécessairement incompatible avec le titre de propriété que détiennent les autochtones sur certaines terres, certaines étant sources de revenus et d'autres étant détenues en copropriété.
Je ne sais pas si cela vous éclaire, sénateur.
Le sénateur St. Germain: La plus grande difficulté à laquelle nous nous heurtons, et je suis sûr que la commission royale s'est aussi heurtée à cette difficulté, est de formuler des recommandations universelles qui s'appliqueraient à des communautés complètement différentes. Elles ne sont pas homogènes, comme vous dites. Dans nos efforts pour en arriver à des recommandations concernant l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones, nous avons constaté que ces peuples sont très différents les uns des autres. Il suffit de comparer les Haida de la Colombie-Britannique et les Inuits du Nord pour se rendre compte des énormes différences entre eux et entre leurs besoins respectifs. Il y a 600 bandes différentes qui ont toutes des besoins différents.
Le sénateur Pearson: Ma question concerne la mondialisation et l'échéancier prévu relativement à certaines des questions dont vous avez traitées. J'ai un scénario optimiste et un scénario pessimiste que je veux vous soumettre afin que vous me disiez ce que vous en pensez.
Nous arrivons à la fin d'un siècle exponentiel. Au début du siècle, la population mondiale était de 1,6 milliard, tandis qu'elle est maintenant de 6 milliards. La population canadienne représente maintenant 0,5 p. 100 de la population du monde. Nous nous trouvons dans une situation de déséquilibre à cause de l'immensité de notre territoire par rapport à la taille de notre population.
C'est là une considération importante dans tout débat sur la durabilité. Nous sommes passés d'une économie axée sur les terres et les ressources naturelles aux marchés de capitaux où se transigent titres financiers, obligations, valeurs mobilières, et cetera. Nous sommes maintenant en train de passer à une économie mondiale axée sur le savoir. Je ne crois pas qu'il soit possible à qui que ce soit dans le monde entier de vivre à l'écart de l'économie mondiale.
Selon le scénario optimiste, dans une économie axée sur le savoir, les groupes autochtones ont autant de capital à injecter ou à utiliser que n'importe quel autre groupe. Selon le scénario pessimiste, si vous êtes tributaires des terres et des ressources naturelles, ou si vous recherchez une certaine durabilité de ce côté-là, cela ne sera pas suffisant, comme le savent bien ceux qui ont tenté de gagner leur vie par la pêche.
Dans vos propos sur la durabilité, je n'ai rien entendu au sujet de l'importance capitale d'investir dans l'éducation de vos jeunes.
M. Nahwegahbow: Même s'il n'en est pas question dans notre rapport, cela ne veut pas dire que ce n'est pas important. Nos bénévoles ont eu très peu de temps pour rédiger le mémoire. Naturellement, l'éducation est très importante. Nous ne serions pas là, aucun de nous, si nous n'avions pas fait des études, c'est sûr. Ce n'est toutefois pas là notre domaine de compétence.
En ce qui concerne les terres et les ressources naturelles, je dirais que, tout comme la dépendance excessive à l'égard des terres et des ressources naturelles, la théorie qui se fonde sur la mondialisation et sur l'importance du savoir comporte peut-être des lacunes. Il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé récemment au Japon, qui avait à sa disposition du savoir en abondance, mais peu de ressources naturelles. Le pays a connu des crises économiques assez graves.
Je ne pense pas que nous puissions oublier le fait que les ressources naturelles dont disposent les peuples indigènes sont limitées. Partout où je me rends, j'entends invariablement dire que le savoir est important, que l'éducation est importante, mais que la terre est vitale. Sans terres, on a pas de ressources et on ne peut pas exister.
M. Worme: Ce que vous dites au sujet de la durabilité est exact, sénateur Pearson. L'information statistique que vous donnez est aussi importante parce qu'elle reflète, en partie, la situation qui prévaut dans ma région d'origine, la Saskatchewan. Des études démographiques récentes montrent qu'en Saskatchewan, notre population croit à un rythme de 33 p. 100 par an. On me dit aussi -- et je n'en suis pas absolument sûr -- que, d'ici 25 ans, les autochtones de la Saskatchewan représenteront 50 p. 100 de la population de la province. Aussi, la dépendance à l'égard d'une quantité de terres et de ressources limitées ne serait sans doute pas durable à longue échéance, comme vous le disiez.
Il est toutefois essentiel dans l'avenir immédiat de dépendre d'une répartition juste de la fortune provenant des terres et les ressources, en Saskatchewan par exemple, et ce, pour plusieurs raisons. Nous n'avons tout simplement pas pour l'instant ce qu'il faut pour passer à une économie fondée sur le savoir ou encore à la technologie de l'information. Il faut d'abord des efforts considérables pour instruire le grand nombre de jeunes autochtones qui viendront bientôt se joindre à nous. Sinon, ceux qui voudraient présenter ces données statistiques de façon négative auront peut-être bien raison.
Il semble que certains cherchent à jouer les Cassandre, disant que, si nous ne réglons pas ces problèmes, nous laisserons un triste héritage à nos enfants. Ce n'est pas là la position que nous présentons ici aujourd'hui. Nous disons plutôt qu'il s'agit là de données statistiques et qu'il faut sans tarder essayer de régler certains des déséquilibres qui existent sur le plan du revenu pour que les jeunes, notamment, aient des chances raisonnables d'accéder à l'économie fondée sur le savoir dont vous parlez.
Le sénateur Gill: Vous dites qu'il ne convient de conclure quoi que ce soit sans tenir compte du fait que seules les nations autochtones ont le droit à l'autonomie gouvernementale. Cela veut donc dire que vous mettez en doute le bien-fondé du rapport de la commission royale. Y a-t-il dans ce rapport une définition de ce que c'est qu'une «nation»?
M. Nahwegahbow: On y trouve certaines définitions, mais je trouve que le rapport est plutôt faible sur ce plan-là. Je crois qu'on y précise que la nation doit avoir une taille suffisante, mais il y a des exceptions. Les commissaires parlent par exemple des Hurons du Québec. Il n'y a toutefois qu'une communauté de Hurons là-bas. Ils parlent ensuite de nations qui chevauchent des frontières et d'une cohésion qui tiendrait au fait d'être visés par un même traité. Ainsi, du point de vue juridique, le rapport est plutôt faible sur cette question-là. Les commissaires tentaient de trouver une réponse aux arguments ou aux reproches voulant qu'il y ait 600 communautés autonomes ou nations indépendantes. Ce nombre leur paraissait trop élevé pour être acceptable aux yeux de la population.
Auquel cas, il faut dire les choses comme elles sont. Il s'agit ici d'une question politique. Du point de vue juridique, cependant, il faut examiner les faits historiques et les documents relatifs à chaque situation.
Le sénateur Gill: C'est la bande qui est au centre des rapports entre le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et les Indiens, et ce, depuis toujours. Bien des gens auraient préféré que ce soit la nation, mais cela n'a jamais été le cas sur le plan juridique. Ainsi, le rapport part sans doute du principe que la bande est au centre des rapports entre le ministère et les Indiens. Le regroupement des bandes en nations ne se trouve pas exclu pour autant. Ainsi, dans le cas de ma nation, la nation montagnaise, les rapports se font généralement avec la bande, mais elle pourrait accepter qu'ils se fassent avec la nation. La Loi sur les Indiens ne l'exclut pas -- elle ne dit pas que les rapports ne peuvent pas se faire avec la bande.
M. Nahwegahbow: Je suis d'accord avec vous là-dessus, sénateur Gill.
Ce contre quoi nous en avons, c'est cette constatation du rapport selon laquelle la souveraineté ou le droit à l'autodétermination n'existe qu'à ce niveau-là, alors qu'il pourrait y avoir incompatibilité avec l'histoire et les circonstances du peuple en question. Cela ne veut pas dire toutefois que, à l'avenir, les Montagnais, par exemple, pourraient vouloir que les rapports se fassent uniquement au niveau de la nation parce que c'est plus commode sur le plan politique. De là à dire toutefois qu'il faut adopter cela comme règle ou comme principe, il y a toute une marge.
Le sénateur Wilson: Vous avez parlé de l'autodétermination telle que l'entend le gouvernement fédéral, comme étant, non pas un droit, mais un objectif de la politique gouvernementale. Cette perception vaut non pas seulement pour les peuples autochtones, mais aussi la société dominante dans son ensemble.
Je vous donne un exemple: en novembre dernier, au moment de l'examen à Genève du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, un certain nombre d'ONG étaient là pour compléter le rapport du gouvernement au Comité des droits de la personne. Il y avait parmi elles des groupes de lutte contre la pauvreté et des groupes de femmes qui ont dit que ces choses-là étaient considérées, non pas comme un droit, mais comme un objectif de la politique gouvernementale. Par conséquent, le Canada n'a pas eu une très bonne note du Comité des droits de la personne.
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels doit de nouveau être examiné en mars 1999. Quelle sera votre approche? Quelle démarche entendez-vous suivre? Prévoyez-vous vous présenter devant le Comité des droits de la personne? Est-ce possible que vous y témoigniez avec d'autres groupes de la société dominante, comme les groupes de femmes et les groupes de lutte contre la pauvreté, pour demander que ces choses-là soient considérées, non pas simplement comme un objectif de la politique gouvernementale, mais comme un droit en droit international?
M. Nahwegahbow: Nous aimerions bien être là. Nous sommes toutefois une petite organisation bénévole qui a peu de moyens. Nous essayons d'intervenir là où nous le pouvons.
Certains de nos membres sont très actifs à l'échelle internationale. Je songe tout particulièrement à M. J. Wilton Littlechild, de Hobbema. Nous nous en remettrions à M. Littlechild et d'autres membres de notre organisation pour nous guider. J'aborderai la question avec M. Littlechild.
Le sénateur Wilson: Croyez-vous qu'il y aurait un certain mérite à opter pour cette approche parmi toutes celles qu'il serait possible de suivre?
M. Nahwegahbow: Je ne crois pas que, comme peuples indigènes, nous devrions limiter notre action au territoire canadien. Manifestement, le Canada est très sensible aux délibérations qui se poursuivent à l'extérieur de son territoire et il en tient compte dans ses démarches.
Nous devons aussi comprendre que les droits des autochtones prennent de plus en plus d'importance à l'échelle internationale. C'est la décennie des droits des peuples autochtones. J'exhorte les membres de notre organisation à prendre des initiatives à l'extérieur du pays, quand c'est nécessaire, afin de faire reconnaître légalement nos droits au Canada.
Le sénateur Andreychuk: J'ai une question qui fait suite à celle du sénateur Gill. Je crois que la commission royale a eu de la difficulté à trouver sur quoi centrer les négociations. Les membres en sont arrivés au troisième niveau et ont signalé que des regroupements pourraient aider à centrer le débat. Vous ne semblez pas être d'accord.
L'un de nos problèmes en ce qui concerne l'autonomie gouvernementale vient du fait que chaque groupe qui a comparu devant le comité a dit quelque chose de différent, ce qui est naturel. Cependant, certains ont dit que ceux qui étaient reconnus lorsqu'ils vivaient dans une réserve, mais qu'ils l'ont quittée depuis, ne veulent pas que les dirigeants de la réserve parlent en leur nom. Il y a aussi les groupes qui ne réunissent pas les conditions prescrites dans la Loi sur les Indiens et qui veulent une forme de gouvernement.
Je crois que la commission royale a admirablement bien réussi à établir un rapprochement entre tous ces points de vue dans la collectivité non autochtone et dans la collectivité autochtone, parce que la situation est complexe des deux côtés. Si quelqu'un n'appuie pas le processus, comme on l'a signalé, il faut au moins qu'un nombre assez important de personnes se regroupent pour que le gouvernement fédéral puisse s'occuper de leur cas. Quelles solutions de rechange proposeriez-vous?
M. Nahwegahbow: Je n'ai pas dit que nous n'appuyons pas le processus. Nous contestons plutôt le principe fondamental du rapport, selon lequel une nation existe si elle est souveraine ou a le droit à l'autonomie gouvernementale.
Comme les membres du comité l'ont sans doute entendu dire, il y a divers groupes qui ont besoin de trouver leurs propres solutions à eux pour en arriver à une autonomie gouvernementale significative. Les Métis sont différents. Les peuples autochtones en milieu urbain sont très différents. Les Premières nations ou les nations indiennes du pays sont différentes. Les populations inuites sont différentes également de toutes les autres. Nous devons être prêts à accepter des solutions différentes.
Je n'accepte pas qu'on essaie de caser toutes les Premières nations dans ce concept de nation, étant donné que ce n'est pas correct sur le plan historique et légal. C'est peut-être correct sur le plan politique et c'est peut-être la façon la plus économique et la plus commode d'organiser l'autonomie gouvernementale future des Premières nations, mais on aurait pu établir de meilleures distinctions entre les divers groupes.
Le sénateur Andreychuk: Si vous n'acceptez pas le concept proposé, quelle est la solution? Je comprends parfaitement ce que vous essayez de dire -- que tout le monde n'entre pas dans le même moule. C'est aussi vrai de notre société en général. Beaucoup de gens ne correspondent pas aux moules dans lesquels on les place, mais si nous voulons nous organiser, nous devons accepter certains concepts, nous devons les utiliser d'abord et ensuite voir comment on peut accommoder ceux qui n'y correspondent pas.
Si nous voulons aider les autochtones et aider le gouvernement fédéral par nos recommandations, comment devrions-nous nous y prendre? Si j'ai bien compris le rapport de la commission royale, on a suggéré de commencer par utiliser le concept de «nation», sachant parfaitement que chaque règle comporte des exceptions, comme vous le savez fort bien, mais la commission a établi au moins une règle, un principe et une ligne directrice qu'elle espère voir prise au sérieux par le gouvernement fédéral.
Si vous n'acceptez pas ce principe, comment pouvez-vous nous aider à formuler une recommandation pour faire progresser ces concepts, au lieu de prolonger simplement la discussion?
M. Nahwegahbow: Nous recommandons que le gouvernement reconnaisse sans équivoque notre droit à l'autonomie gouvernementale. Ce droit n'appartient pas nécessairement aux nations seulement. Le gouvernement doit le reconnaître. Il y a aussi une question de faits et de preuves pour déterminer qui possède historiquement ce droit. Si la culture et le système de droit coutumier d'un groupe en particulier, qu'il s'agisse d'une nation, d'une bande ou d'une tribu, se situaient à un niveau plus local, je crois que nous devons respecter cela. Le gouvernement canadien a toujours l'habitude d'appliquer ce qu'il estime être le plus approprié, au lieu de chercher à savoir ce qui convient le plus aux gens. Si ce qui est plus approprié, mieux adapté ou plus conforme à la culture d'un peuple est d'être une nation globale, c'est probablement bon pour ces gens.
Le problème, dans ce principe, vient de ce que certaines bandes indiennes sont plus habituées à fonctionner à un niveau local et n'entrent donc pas dans cette catégorie. Le peuple nishnawbe, par exemple, qui est réparti de l'Ontario jusque dans la partie supérieure des États-Unis, autour des Grands Lacs, ne peut pas entrer dans ce casier. Son histoire est différente. Cela risque de retarder la mise en oeuvre de son autonomie gouvernementale, parce que les gouvernements disent que la souveraineté réside au niveau de la nation et que par conséquent, nous devrons revenir quand nous serons tous d'accord. Voilà la difficulté.
Le sénateur Andreychuk: Sans cette approche, cependant, vous courez le risque qu'un groupe vienne négocier avec le gouvernement fédéral, pendant plusieurs années peut-être, et qu'ensuite un groupe dissident de ce groupe ne soit pas d'accord. Le gouvernement fédéral devra-t-il alors reprendre toutes les négociations? C'est une autre difficulté à laquelle nous faisons face. Le gouvernement fédéral devra-t-il négocier avec le groupe minoritaire qui dit que le groupe plus important ne parle pas en son nom et qui veut être traité différemment et séparément?
M. Worme: Je ne suis pas certain du principe légal qui s'appliquerait dans le cas de votre hypothèse, mais cela nous aiderait à déterminer quelle devrait être la solution. On voit constamment ce genre de choses dans le monde. Je lisais ce matin un article de journal au sujet du Kosovo. Je sais qu'à un moment donné, la communauté des nations a traité avec le Kosovo comme une nation particulière. Et pourtant, aujourd'hui, il y a de nouveaux groupes qui disent que le grand groupe ne parle pas en leur nom, qu'ils sont une nation distincte. Je reconnais que nous devons évidemment résoudre ce genre de questions.
Derrière tout cela, il y a la nécessité d'établir un certain degré de confiance entre le gouvernement et les groupes autochtones qui se présentent pour négocier, et de déterminer le fondement juridique pour leur représentation. Je ne dis pas qu'il suffira qu'un groupe se présente et dise qu'il représente tous ces Indiens. Dans plusieurs collectivités autochtones, on a des conventions et des protocoles que l'on suit. Je parlerais au moins au nom des Indiens du traité 4 qui ont suivi un protocole en vertu duquel nos dirigeants ont été nommés et ont reçu la souveraineté politique afin de signer un traité, par exemple. On traitera de questions de cette nature.
Je terminerai en disant simplement que plusieurs de ces questions ne sont pas résolubles. Un certain nombre de groupes viendront dire qu'ils ne sont pas représentés par les représentants politiques de leur région ou de leur collectivité. Cependant, il faut que des questions de cette nature soient résolues au sein des collectivités autochtones. On pourra offrir de l'aide technique, juridique et autre, par l'entremise de notre groupe, et par l'entremise du centre de transition pour les gouvernements autochtones suggérée dans le rapport de la commission royale. Une institution de cette sorte s'occuperait de questions aussi complexes.
Le sénateur Andreychuk: Cette suggestion est utile. Le traité 4 est un très bon exemple de ce dont nous discutons. Certains groupes en dehors des réserves disent que leurs droits inhérents sont leurs droits inhérents personnels et qu'ils ne devraient pas être déterminés par ceux qui vivent encore à l'intérieur des réserves. Nous devons nous occuper de tout ce concept des autochtones en milieu urbain. Si vous avez des éclaircissements à nous apporter à ce sujet, et des recommandations, vous nous aideriez, en particulier parce que vous venez d'une région où le problème est marqué.
Pouvez-vous me donner un peu plus de renseignement sur Indigenous Bar Association? Combien de membres l'Association compte-t-elle présentement? Je me souviens de l'époque où il n'y avait pas de barreau autochtone. Je me souviens également de l'époque où le premier avocat autochtone a été admis au Barreau et pratiquait dans l'ouest du Canada. Pensez-vous qu'on peut être plus optimiste quant à la possibilité de résoudre ces questions maintenant que les peuples autochtones sont représentés par des gens bien instruits comme vous?
J'ai déjà participé à des réunions où des non-autochtones comme moi me disaient ce que les peuples autochtones voulaient et ce dont ils avaient besoin. C'était des agents et des experts-conseils qu'on avait embauchés. Il me semble qu'une participation plus directe des peuples autochtones à ces négociations serait bien préférable.
M. Worme: C'est le genre de participation que nous espérons.
Ce que nous offrons à titre de peuples autochtones, c'est la perspective d'une Première nation, des Inuits et des Métis, un point de vue que ne partagent pas nécessairement nos collègues non-autochtones. On peut le voir dans des initiatives que nous avons entreprises avec l'Association du Barreau canadien.
Notre association compte environ 600 membres à l'heure actuelle. Il y a à peine quelques années, comme l'a fait remarquer le sénateur Andreychuk avec raison, les avocats autochtones dans ce pays pouvaient se compter sur les doigts d'une main.
Heureusement, nous augmentons en nombre, mais proportionnellement, nous ne sommes pas encore assez nombreux. Nos effectifs augmentent cependant rapidement. Plus de 50 p. 100 des membres de notre organisation sont des femmes et c'est aussi un fait important.
Le sénateur Chalifoux: Dans la Loi constitutionnelle de 1982, il est bien établi qu'il y a trois nations séparées et distinctes de peuples autochtones: les Métis, les Inuits et les Premières nations. Au sein des Premières nations, il y a plusieurs autres nations -- non pas des groupes, mais des nations.
Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones propose l'adoption d'une loi sur la reconnaissance et le gouvernement des nations autochtones. Comment une telle loi fonctionnerait-elle, d'après vous, dans le cas de questions comme la diversité culturelle et historique des nations distinctes parmi les peuples autochtones du pays? Qu'adviendrait-il, d'après vous, des traités existants qu'ont signés certaines des nations, dans le contexte de ce projet de loi et du modèle d'autonomie gouvernementale?
Mme Helen Semaganis, secrétaire-trésorière, Indigenous Bar Association: Nous avons étudié brièvement cette recommandation. Notre principale préoccupation, comme l'a mentionné M. Nahwegahbow dans son exposé, concerne les principes relatifs au statut de nation. Le rapport de la commission n'a peut-être pas été assez loin quand il a reconnu les éléments inhérents au statut de nation en vertu desquels les différentes nations du Canada se définissent.
Une autre de nos grandes préoccupations concerne le fait qu'on n'a pas reconnu dans ces recommandations les principes internationaux propres au statut de nation. Ce sont les premières lacunes du rapport auxquelles il faut remédier immédiatement, à notre avis.
Il faut absolument éviter de se retrouver avec une autre loi fédérale comme la Loi sur les Indiens. Nous devons envisager la possibilité d'autres formes de lois sur une base régionale. Dans le territoire d'où je viens et qui a fait l'objet d'un traité, une loi de mise en oeuvre du traité conviendrait peut-être mieux qu'une loi fédérale comme celle dont il est question dans cette recommandation.
Le sénateur Chalifoux: Où se situent les traités existants, d'après vous, dans le cadre du régime d'autonomie gouvernementale?
M. Worme: Dans notre mémoire, les traités existants sont des documents indépendants. Ils sont spécifiquement reconnus dans l'article 35 de la Constitution.
De nouvelles lois seront peut-être nécessaires pour donner vie à ces traités, en quelque sorte. Aux États-Unis, les traités font automatiquement l'objet d'une loi fondamentale. Ce n'est pas le cas au Canada. Il se peut fort bien qu'une élaboration soit nécessaire pour mettre en oeuvre ces traités.
Il est important de reconnaître que les traités sont déjà des documents constitutionnels, qu'ils sont reconnus comme des documents constitutionnels en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
M. Nahwegahbow: Nos collègues de la section internationale du Barreau autochtone voudraient aussi que nous mentionnions que ces traités devraient être reconnus comme des instruments internationaux et des textes réglementaires. De cette manière, il serait reconnu que les peuples qui les font sont également reconnus à l'échelle internationale.
Le sénateur Chalifoux: Trois nations séparées et distinctes sont reconnues dans la Constitution. Comment entrevoyez-vous l'autonomie gouvernementale de chaque nation? Voudriez-vous qu'elle soit consacrée dans des mesures législatives séparées? Je ne pense pas qu'il en soit question dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones ou dans tout autre rapport.
M. Nahwegahbow: Il faut un processus indépendant dans lequel les négociateurs des Premières nations puissent avoir confiance.
Lorsqu'on essaie de négocier autour d'une table l'autonomie gouvernementale, il y a des gens de l'autre côté qui ont des opinions catégoriques au sujet de leurs propres intérêts. Je veux parler du ministère des Affaires indiennes et du ministère de la Justice. Ils ont des mandats assez explicites.
Comme les auteurs d'autres études l'ont recommandé, il nous faut un organisme indépendant du ministère des Affaires indiennes qui joue le rôle de facilitateur ou médiateur neutre. Un texte réglementaire unique serait également une option.
Tout compte fait, les ententes touchant les accords particuliers d'autonomie politique négociés avec les Premières nations devront être ratifiées. Il faudra peut-être dans ces circonstances avoir un cadre pour les traités ou un texte réglementaire.
Il faut reconnaître qu'il pourra y avoir des nuances et des distinctions d'une région à l'autre.
Mme Semaganis: Vous avez demandé quel rôle les traités jouaient dans l'autonomie gouvernementale; j'aimerais signaler qu'en Saskatchewan, il existe un processus auquel je participe actuellement.
En plus d'être membre de l'IBA, je suis également la négociatrice principale de la FSIN à la table de négociations sur les traités. Les traités et les liens qu'ont forgés le Canada et les Premières nations il y a 125 ans, sont le fondement même de toutes négociations sur l'autonomie politique des autochtones. Cette table de négociation des traités et là où seront établis les principes directeurs qui orienteront les négociations qui auront éventuellement lieu à la table sur l'autonomie politique ou à la table sur les relations financières. Si à la table sur l'autonomie politique nous négocions du bien-être des enfants, nous le ferons en fonction des traités et des rapports qui existent déjà. C'est la façon dont nous avons abordé la question en Saskatchewan.
Le président: J'ai plusieurs questions à vous poser, monsieur Nahwegahbow, mais le temps ne nous permet pas de passer à une discussion détaillée des préoccupations dont vous avez fait état.
Nous avons déjà entendu nombre de ces préoccupations auparavant, tout particulièrement celles qui touchent la définition de «nation» et la façon dont cette définition s'appliquera. Toute loi adoptée par le Parlement doit s'inspirer de l'article 35 qui touche les Indiens, les Métis et les Inuits. On ne sait cependant pas comment ces choses se feront.
Il existe plusieurs préoccupations. À titre de chef autochtone, j'ai souvent eu l'occasion de discuter de questions qui découlent de l'article 35 et d'autres questions qui touchent les autochtones. Nous ne percevons peut-être pas le concept de nation ou sa définition de la même façon, mais nous devons composer avec le système qui existe actuellement. Comment pouvons-nous le faire tout en maintenant notre identité? Nous voulons pouvoir nous servir de cette identité comme fondement.
Le concept de «coexistence» s'applique au palier local, régional, provincial et national. Les Premières nations ont tendance à intervenir plus au niveau local et beaucoup moins au niveau provincial ou national, même si elles sont représentées par des associations provinciales et nationales. C'est peut-être une chose sur laquelle le comité voudra se pencher.
Monsieur Nahwegahbow, le 8 mars, nous organiserons une table ronde avec les leaders nationaux et les autres parties intéressées pour discuter de la gestion des affaires publiques. Évidemment, vous pouvez faire communiquer votre opinion par l'entremise de l'Assemblée des Premières nations ou par l'entremise de n'importe quel autre groupe autochtone qui à votre avis peut défendre vos intérêts. Cependant, si nous soulevons les préoccupations dont vous avez fait état aujourd'hui, lors de notre réunion avec les leaders lors de la table ronde, nous chercherons plutôt des solutions au lieu de créer de nouveaux problèmes.
Je vous remercie de votre exposé qui était fort enrichissant. Je suis convaincu que nous trouverons une autre façon de composer avec les choses qui vous préoccupent et que nous continuerons à avoir de bonnes relations de travail.
Chers collègues, nos prochains témoins représentent la First Nations Accountability Coalition du Manitoba.
Vous avez la parole.
Mme Leona Freed, présidente (Manitoba), First Nations Accountability Coalition: Messieurs, mesdames les sénateurs, j'aimerais d'entrée de jeu m'excuser si les termes assez directs employés dans notre exposé vous offensent. Cependant, c'est un message qui vient directement du coeur et je parle au nom de bien des membres de ma bande.
La coalition est un organisme enregistré au Manitoba. De nombreuses personnes nous ont fait part de leur inquiétude devant le fait que les chefs et les conseils ne s'acquittent pas de leur responsabilité de rendre des comptes. Beaucoup estiment que si la situation ne s'améliore pas, leur avenir et celui de leurs enfants seront des plus sombres. Autrement dit, l'avenir de nos enfants est sérieusement compromis.
La First Nations Accountability Coalition se fait aujourd'hui le porte-parole des autochtones de cinq provinces. Je parlerai en fait au nom du Manitoba, de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, du Nouveau-Brunswick et de l'Alberta.
Mme Galloway se fera le porte-parole de la coalition en Saskatchewan.
Nous avons tous les mêmes réserves à l'égard de l'autonomie gouvernementale. À notre avis les populations autochtones de ces cinq provinces ne sont pas prêtes pour ce mode de gouvernement. L'imputabilité, la démocratie et la justice sont essentielles à l'indépendance, à l'autonomie et au dynamisme des Premières nations. Or, elles n'existent pas dans ces provinces. Ces populations n'ont en outre pas ou à peu près pas accès au logement, à l'éducation, à l'emploi, à des soins médicaux, des élections et aux fonds des bandes.
Plutôt, la plupart des chefs des Premières nations et les membres de leur famille, leurs proches et leurs amis ont cependant droit à des faveurs, des emplois, des études, des logements (sur la réserve ou à l'extérieur), des propriétés achetées à l'extérieur de la réserve, à l'extérieur de la province ou dans certains cas, à des vacances ou des voyages à l'étranger et à des tournées de maisons de jeux aux États-Unis. On trouve également des chefs qui se sont nommés eux-mêmes, des chefs muets, des chefs illettrés, des chefs qui se font acheter et d'autres qui se font graisser la patte, ainsi que des chefs héréditaires c'est-à-dire qui occupent ce poste pour la vie. Ce dernier type de dirigeant ne tient même pas d'élections. Nous ne pouvons donc pas voter pour notre chef. Le chef et sa famille établissent toutes les règles sans consulter qui que ce soit.
Les chefs et conseillers utilisent les fonds des bandes à leurs fins personnelles en se souciant très peu ou pas du tout des besoins des membres de la bande. C'est le règne de la fraude. Ils gonflent le nombre des membres de la bande pour réclamer plus d'argent du gouvernement fédéral. Le contribuable paie donc deux fois pour ces membres de bandes des Premières nations. Une première fois, lorsque le gouvernement fédéral alloue un montant pour la personne qui censément réside dans la réserve et une deuxième fois lorsqu'une somme est réclamée pour ces mêmes membres de la bande qui en fait ne résident pas dans la réserve et qui touchent de l'aide social dans la localité où ils habitent.
Les détournements et la mauvaise gestion des fonds des bandes sont également courants chez la majorité des Premières nations du Canada. Une somme de 16 millions de dollars avait été versée à une Première nation du Manitoba dans le cadre de l'Entente sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, montant qui s'est mystérieusement volatilisé en une année. À Winnipeg, les chefs et les membres de leur famille se promènent en limousine. Lorsqu'un membre d'une bande s'oppose à une décision du chef et du conseil, on lui coupe les services, il est chassé de la réserve, les membres de sa famille font l'objet de violentes attaques, ses animaux familiers sont tués, ses enfants sont arrêtés par les Services à l'enfance et à la famille, ses pneus lacérés, le contenu de sa maison détruit, et on lui retire son emploi ou l'aide sociale qu'il reçoit. Les chefs et les conseillers abusent de leur pouvoir et recourent à des méthodes d'intimidation à l'égard des membres de la bande.
Des autochtones du Canada vivent dans des conditions qui s'apparentent à celles des pays du tiers monde et sont privés de leurs droits démocratiques et de leurs droits à l'égalité. La majorité des Premières nations sont entièrement tributaires des fonds fédéraux qui leur sont alloués, mais aucune obligation de rendre des comptes n'est associée aux versements de cet argent qui provient des poches des contribuables. Les personnes visées par le projet de loi C-31 sont les plus touchées et on les oublie complètement.
Tous nos litiges ont été confiés au ministère des Affaires indiennes, notamment au bureau de la ministre Stewart. Nous n'arrivons à obtenir aucune collaboration ou à ce que quoi que ce soit soit accompli sur les plans de la reddition des comptes ou de l'amélioration des droits démocratiques et des droits à l'égalité. Le ministère des Affaires indiennes condamne les activités criminelles des chefs et des conseils des Premières nations du Canada mais ne leur impose aucune sanction.
Mme Stewart parle de mise au grand jour, de transparence et de redressement de la situation, mais rien de tout cela ne se produit. Ce ne sont que des paroles en l'air. La ministre affirme également que de 2 à 3 p. 100 des chefs ne rendent pas compte de l'utilisation des fonds de bande, mais elle est complètement dans l'erreur. La situation dans les cinq provinces canadiennes que je représente ici aujourd'hui en est la preuve. De fait, seulement 2 à 3 p. 100 des chefs rendent des comptes de l'utilisation des fonds de bande.
La mise en oeuvre par Mme Stewart de la Stratégie nationale sur les questions autochtones («Rassembler nos forces») est, vous me pardonnerez l'expression, pure foutaise. Il est insensé de consacrer 4,6 milliards de dollars de recettes fiscales à un programme bidon inadapté aux besoins des populations autochtones. Les Premières nations ont un besoin pressant d'imputabilité, de démocratie et de justice et n'ont que faire des renseignements inexacts au sujet de l'éducation, du logement et de l'emploi publiés par la ministre.
La ministre des Affaires indiennes et tous les services du ministère dans les différentes régions participent au problème de corruption. Mme Stewart et les représentants du ministère refusent de résoudre ce grave problème de crainte de se mettre dans le tort. Ils n'acceptent de collaborer qu'avec les chefs et conseillers et avec les leaders autochtones. Ils refusent d'écouter ce qu'ont à dire les membres des bandes et de collaborer avec eux, et ne font aucun cas des plaintes que reçoit le ministère au sujet des détournements de fonds des bandes.
La First Nations Accountability Coalition du Manitoba ne reconnaît pas l'Assemblée des chefs du Manitoba et les membres des coalitions des quatre autres provinces dont je suis le porte-parole aujourd'hui n'acceptent pas davantage le leadership de l'Assemblée des Premières nations. Nous n'avons pas voté pour eux et n'avons pas eu notre mot à dire dans les élections.
Ils n'agissent pas en vrais leaders autochtones. En effet, de véritables leaders autochtones ne feindraient pas d'ignorer les souffrances de leur peuple; un véritable leader autochtone fournirait assistance à son peuple lorsqu'il en a besoin et mettrait fin à toutes ces souffrances inutiles. Il ne laisserait pas empirer l'avenir de son peuple. Un véritable leader autochtone collaborerait avec la population pour résoudre les problèmes qui sévissent au sein de la nation. Un véritable leader autochtone ne volerait pas les membres de son propre groupe. Les autochtones que nous représentons n'ont plus rien, ils sont opprimés, ils sont exploités. Nous vivons dans la dépendance, l'impuissance et de désespoir, il n'existe aucun espoir. Notre culture originale n'existe plus.
Des pouvoirs véritables doivent être donnés aux personnes ordinaires. Voici ce que nous pensons et que nous recommandons. La reddition de comptes doit être davantage qu'une vérification destinée aux fonctionnaires fédéraux; elle doit comprendre une évaluation des programmes et des retombés positives de ceux-ci sur les membres du groupe. L'obligation de rendre des comptes appartient non seulement au chef et au conseil, mais englobe également la responsabilité du gouvernement fédéral à l'égard des Indiens de plein droit.
Les politiques du gouvernement fédéral nous ont réduits à l'unique dimension de personnes habitant des réserves, dimension qui nous réduit à l'impuissance. Tous les fonds des programmes sont distribués par le chef et le conseil à une population tributaire de cet argent. Dans toutes les autres démocraties du monde, c'est d'abord la population qui finance les programmes du gouvernement. Ceux et celles qui décident de quitter la réserve sont dans une large mesure dépossédés de leurs droits sur les terres de réserve, sur les avoirs de la bande ou sur les revenus et les fonds investis par la bande.
Notre coalition recommande que les sommes reçues dans le cadre des traités passent de 5 $ à 5 000 $. Cette proposition est fondée sur le prix moyen d'une acre de terre comparé à la valeur pour le même lopin dans les années 1800. Dans certains des traités, on réservait 25 $ pour les chefs et 15 $ pour les membres du conseil. Si ces montants passaient à 25 000 $ et à 15 000 $ respectivement, il ne serait plus nécessaire que les Indiens inscrits au Canada reçoivent des prestations sociales. Cela permettrait d'éliminer les salaires de 100 000 $ actuellement versés aux chefs et aux conseillers et, ce qui compte encore plus, les membres de la bande ne seraient plus à la merci du chef et du conseil lorsque l'autonomie gouvernementale sera instaurée; cela contribuera à mettre un terme à l'augmentation du taux de suicide et de la criminalité, à la malnutrition des autochtones et à leur départ des réserves -- car nous savons tous qu'éventuellement l'autonomie gouvernementale sera un fait.
Nous recommandons également la nomination d'un ombudsman qui ferait respecter l'obligation de rendre compte de l'utilisation des fonds des bandes des Premières nations; qui aiderait les membres des bandes à atteindre l'autonomie et, par la suite, l'autonomie gouvernementale; qui assurerait la médiation dans les différends avec le gouvernement provincial ou fédéral, ou avec des membres de la bande de la collectivité, en collaborant avec les divers paliers de gouvernement; qui ferait régner l'égalité et la justice chez les Premières nations du Canada; qui porterait des accusations criminelles contre les personnes et les groupes qui mènent des activités criminelles au sein des Premières nations, ce qui aurait un effet dissuasif.
J'ai ajouté quelques recommandations. L'une d'entre elles touche la décentralisation des fonds des bandes. La gestion de tous les fonds fédéraux ne doit plus être confiée aux chefs et aux conseils. Davantage de fonds doivent être versés directement aux particuliers pour qu'ils puissent enfin prendre leur vie en main. Des membres du conseil ou des comités peuvent être responsables de divers programmes, mais le financement des programmes ne devraient pas pouvoir passer d'un programme à un autre, comme c'est actuellement le cas. C'est souvent là où l'argent disparaît et on ne peut obtenir aucune reddition de comptes.
Les Premières nations devraient recevoir une aide financière pour devenir autonomes. Cependant toute aide financière devrait être imposée, dollar pour dollar, comme dans les autres démocraties. Nous devrions payer des impôts et des taxes.
Il convient également d'instaurer l'égalité et de créer un contexte qui favorise davantage l'équité et la liberté. Car sans l'obligation de rendre compte et sans le respect des droits démocratiques et du droit à l'égalité, aucune autonomie gouvernementale n'est possible.
Mme Rita Galloway, présidente (Saskatchewan), First Nations Accountability Coalition: Je suis de la Première nation de Pelican Lake, description 191. J'ai apporté deux pétitions des membres de ma bande, y compris leurs numéros de traité indiquant que je suis leur porte-parole.
Notre coalition existe depuis 1989. Depuis, nous avons rencontré nombre d'autochtones. Nous avons commencé nos activités à l'échelle locale. Nous sommes par la suite devenus une organisation provinciale. Nous sommes un organisme à but non lucratif et nous défendons les intérêts des membres de notre groupe.
Nous avons trois déclarations aujourd'hui. Nous n'avons pas de chef ou de membres de conseil qui soient membres du conseil d'administration de notre organisation parce que nous représentons la population. En fait nos membres se plaignent des chefs et des membres de conseil et la façon dont ils agissent dans les réserves.
À nos débuts, personne ne voulait nous écouter. Nous avions les documents qui démontraient bien qu'il y avait une mauvaise gestion des fonds reçus par les bandes. Nous nous sommes tournés vers Justice Canada, la GRC et le ministère des Affaires indiennes. Il n'y avait pas de porte-parole de la population, et personne ne voulait étudier nos documents.
Lorsque nous avons constitué l'organisation, nous avions déjà communiqué avec 69 Premières nations de la Saskatchewan, certaines comptant 100 membres, d'autres 200 membres. Les résidents de la Saskatchewan disent qu'il y a eu de graves fraudes. Nous avons des preuves. Nous avons donné ces documents aux médias parce que lorsque nous les avons présentés au ministère des Affaires indiennes ou à la GRC, on nous a dit que c'était un problème dont devraient être saisis le chef et le conseil.
Nous n'avions aucun recours si nous voulions qu'on règle ce genre de problème.
Le népotisme est chose courante et, pour cette raison, des gens non compétents administrent les bandes. Dans ma Première nation, le directeur de l'éducation n'a que sa 10e année. Ce directeur demande aux étudiants de 10e année comment créer des programmes destinés aux étudiants de 11e et 12e années. Comment faire des progrès s'il n'existe aucun contrôle externe?
Nos anciens ont également été victimes de violence, ce qui ne s'était jamais produit auparavant. La violence est à la hausse. Il y a des femmes et des enfants maltraités. Que faire? Les femmes maltraitées dont les vêtements ont été déchirés sont venues à la maison de ma grand-mère pour qu'on les aide. Que doivent-elles faire? Ni le chef ni le conseil n'essaient de régler ce genre de problème. Où sont nos droits de la personne sur la réserve?
Le nombre de suicides et d'homicides est à la hausse. Il existe un taux de chômage élevé.
Il n'existe aucune imputabilité financière. Les administrateurs des bandes n'ont aucun compte à rendre, même à leurs membres. Des familles luttent contre d'autres familles. Certains des membres de famille font partie du conseil. Mon père est un ancien et devrait leur offrir des conseils. Comme je l'ai dit, il n'existe aucune imputabilité financière, et il n'existe aucun livre que puissent consulter les membres de la bande. Il n'en existe simplement pas.
On crée des bureaucraties lourdes sous prétexte qu'on cherche à s'orienter vers l'autonomie gouvernementale; et cela fait double emploi. Il y avait le ministère des Affaires indiennes, il y a maintenant des dépenses importantes qui sont faites pour les bureaux des tribus, la Saskatchewan Indian Nations, la AEPN et les conseils de bande. Cependant les enfants ont faim. Si le chef et le conseil ne vous portent pas dans leurs coeurs, vous devrez vendre votre table et vos chaises pour pouvoir nourrir votre famille, ou on mettra peut-être le feu à votre maison.
On nous a dit que certains ont tiré des coups de feu sur des maisons. Les membres de l'assemblée législative ont été amenés en secret dans la réserve pour voir les trous dans ces maisons, des personnes qui n'ont vraiment personne pour les représenter. Lorsque nous parlons du problème à la province, elle nous dit que la question relève du fédéral. Qui assure la protection des droits de la personne des membres des bandes?
Nous avons donné suite aux rapports présentés par notre conseiller juridique qui vient d'intervenir. Le président du Saskatchewan Indian Cultural Centre, une de nos institutions autochtones, a dû s'adresser à un arbitre qui a constaté qu'elle avait pris 58 000 $ qui appartenaient aux membres de cette réserve. Quelle peine lui a-t-on imposé? Aucune. Elle louait sa télévision à cette organisation, elle assurait deux de ses véhicules sous prétexte qu'ils seraient utilisés par le centre éducatif, elle achetait des produits pédagogiques pour lesquels elle n'avait pas de reçus. Lorsque le comptable a dit qu'il y avait des problèmes, on a constaté qu'elle avait en fait pris 58 000 $. Mais c'était la fin de l'histoire. Oui il y a eu dédommagement, mais la justice? Si vous volez, peu importe votre race, vous devriez être pénalisé. Nous avons trop de systèmes de justice distincts pour les autochtones en raison de leur race. Cela ne devrait pas être le cas parce que cela fait trop de victimes.
Je suis une Indienne visée par un traité. Je paie des impôts parce que je travaille pour une province.
J'ai une liste de genres de rapports que l'on fait à notre organisation. Nous avons constaté que certains intervenants ont des investissements à l'étranger, ont de nouveaux véhicules, possèdent plusieurs propriétés et reçoivent des salaires élevés. Les membres des Premières nations se tournent vers les médias parce que personne d'autre ne veut les écouter. Le ministère fédéral de la Justice nous a dit qu'il s'agissait d'une question politique délicate et gênante et qu'il vaudrait mieux s'adresser à la Société Radio-Canada. Lorsque le journaliste est venu à la réserve, on l'attendait avec une barre d'acier. La femme du chef l'a poursuivi. C'est là où le public a commencé à nous appuyer car auparavant il ne savait pas à quel point les droits de la personne n'étaient pas respectés dans les réserves.
Des gens qui n'ont même pas un diplôme universitaire sont responsables de l'administration des écoles. Ils n'ont aucun compte à rendre aux membres de la bande.
Des prêts sont offerts à des personnes choisies, mais il n'y aucune imputabilité financière. Il est impossible d'interjeter appel.
On refuse de nous montrer les dossiers financiers à l'échelle locale. Dans le rapport de la commission royale d'enquête on fait état de ces problèmes signalant que ce n'est pas chose rare. On aurait tort de croire que l'autonomie gouvernementale permettra de régler tous les problèmes, peu importe le type de gouvernement.
En Saskatchewan, par exemple, 72 Premières nations parlent qui ont des langues différentes. Il y a trois types de Cris: les Maskégons, les Cris-des-Plaines et les Cris des régions boisées. Il s'agit de variations régionales des Cris. Vous simplifiez trop si vous croyez que toutes ces nations négocieront ensemble l'autonomie politique.
Il faudrait avoir une imputabilité financière au niveau local. la commission royale d'enquête recommande dans son rapport de donner plus d'argent aux bandes. Nous ne voulons pas plus d'argent. Ce que nous voulons c'est qu'on utilise sagement l'argent dont nous disposons déjà.
Les chiffres les plus récents indiquent qu'en un an, 350 000 $ ont été versés au chef. Puis 200 000 $ ont été versés aux conseillers. Cet argent devrait être dépensé pour l'éducation des gens qui vivent dans la réserve. Il n'y aucun contrôle. On ne respecte pas les droits de la personne parce que les lois provinciales sur les droits de la personne ne s'appliquent pas dans les réserves. De quels recours disposent ceux qui vivent dans les réserves?
Le sénateur St. Germain: J'ai constaté qu'un député a appuyé votre cause. Souvent, lorsque les gens mettent en doute quoi que ce soit qui touche les autochtones, il y a tout un coup de ressac. On dit qu'ils sont racistes. Comment pouvons-nous surmonter ce problème?
Je sais qu'il existe bien des injustices. D'après ce que j'ai lu et ce qu'on m'a dit, le ministère des Affaires indiennes appuie surtout le statu quo, soit les chefs actuels.
Comment pourrions-nous faire connaître votre situation pour qu'on trouve vraiment une solution au problème?
Mme Freed: Je ne sais pas si vous avez constaté que ceux qui se plaignent de racisme sont en fait nos chefs autochtones.
Le sénateur St. Germain: Vous avez raison. Cependant, la presse, comme ce qu'on retrouve dans le Globe and Mail, qui a récemment publié une série d'articles sur les bandes qui connaissent une bonne réussite économique, se concentre sur les réussites. Ces articles ne sont pas nécessairement exacts. Je crois rarement ce que disent les journalistes.
Vous nous dites que ces injustices se produisent non seulement chez les bandes économiquement viables, mais également chez les bandes qui reçoivent des allocations de base du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord. Vous dites que dans nombre de cas les chefs et leurs conseils privent les membres des bandes de leur juste part de cette aide financière.
Comme vous le savez, notre comité a pour mandat d'étudier l'autonomie politique. Avez-vous des recommandations à faire à cet égard?
Est-ce que la nomination d'un ombudsman est la solution à vos problèmes, ou seulement une partie de la solution?
Mme Freed: Ce n'est qu'une partie de la solution. Ce n'est que la pointe de l'iceberg. La fraude flagrante est monnaie courante.
Au Manitoba, il y a 61 Premières nations, et une seule de ces réserves est bien administrée. Une seule réserve assure un service d'imputabilité, assure la démocratie et l'égalité.
Le sénateur St. Germain: Comment sont traités ceux qui ne vivent pas sur les réserves?
Mme Freed: Au Manitoba, la majorité des membres de bande qui vivent à l'extérieur des réserves vivent à Winnipeg. Nombre de membres des bandes vont vivre à l'extérieur des réserves parce qu'ils ne reçoivent pas de service dans les réserves ou parce qu'on les force à quitter les réserves. Comme je l'ai dit dans mon exposé, ceux qui s'opposent à la façon dont les bandes sont administrées sont victimes de toutes sortes de tracasseries.
Mme Galloway: Je recommande entre autres que le vérificateur général du Canada ait les mêmes pouvoirs dans les réserves que dans les autres secteurs. Il devrait y avoir une imputabilité véritable.
Le président: Dans votre exposé vous dites qu'on ne respecte pas les normes. Vous dites que c'est peut-être parce qu'il n'y a pas de normes au niveau communautaire.
Habituellement dans les bandes est-ce que les gens sont élus?
Mme Galloway: Il suffit de revoir les recommandations que j'ai faites. Nous devrions suivre les mêmes procédures que celles qui figurent dans la Loi sur les élections au niveau des réserves; les mêmes procédures qui sont suivies lors des élections fédérales.
Il n'est pas rare en Saskatchewan de constater qu'une boîte de scrutin a disparu. Une réserve a dépensé plus de 86 000 $ en honoraires d'avocat pour essayer de mettre en place un système qui permettrait une certaine vérification.
Vendredi dernier, lorsque je suis allée voter parce qu'on nous avait demandé quelles terres nous devrions acheter, les gens avaient cinq ou six bulletins de vote chacun. Il n'existe aucun règlement à l'égard des votes.
Le président: À quel intervalle ont lieu les élections?
Mme Galloway: À tous les deux ans.
Le président: Si les membres des bandes ne veulent pas les représentants élus, ils peuvent voter pour s'en défaire; n'est-ce pas?
Mme Freed: Au Manitoba, une fois qu'un chef est élu, il change tous les règlements et la coutume des bandes, et j'entends par là les pratiques héréditaires, et vous vous retrouvez avec un chef à vie. Il occupera ce poste jusqu'à la fin de ses jours. Lorsque les gens cherchent à s'opposer à lui, il se produit toutes sortes de choses.
Le président: Vous dites donc que les gens ne sont pas prêts pour l'autonomie gouvernementale. Vous préféreriez que l'on maintienne le statu quo, mais vous voulez qu'on assure une imputabilité financière.
Mme Freed: Les chefs autochtones sont prêts à l'autonomie gouvernementale. Cependant, nous, les membres des bandes ne sommes pas prêts, et nous ne serons prêts que lorsqu'il y aura imputabilité financière, démocratie et égalité.
Le président: Pourriez-vous nous fournir une liste des membres des bandes et les communautés dans lesquelles ils vivent. Je pense à ceux qui, d'après vous, ne sont pas prêts pour l'autonomie politique.
Mme Freed: Savez-vous combien de temps cela prendrait pour préparer tout cela? Je suis bénévole.
Le président: Je veux simplement savoir si vous disposez de ces renseignements.
Mme Freed: Je peux le faire et je le ferai.
Le président: Si vous critiquez des gens qui ne sont pas ici, vous devez être disposée à nous fournir des renseignements.
Mme Freed: Je me procurerai ces renseignements, mais il me faudra quelques mois.
Le sénateur St. Germain: Peut-être notre comité devrait-il essayer de rencontrer les simples membres des bandes plutôt que d'écouter les chefs et les membres des conseils.
Mme Freed: Notre coalition pour l'imputabilité est en train d'organiser une réunion de toutes les nations du Canada qui aura lieu à Winnipeg le 3 juin. Vous êtes le bienvenu. La plupart des membres de la bande y assisteront.
Le sénateur Chalifoux: Il y a plusieurs mois, la coalition du nord-est de l'Alberta m'a communiqué un rapport, précisément sur ce sujet, rapport que j'ai donné à la ministre Stewart. Le ministère, lui aussi veut qu'on rende des comptes. Si vous voulez un exemplaire de ce rapport, j'en ai plusieurs dans mon bureau.
Le président: Vous dites que vous voulez conserver le statu quo, mais vous voulez tout de même que l'on remédie au mécanisme d'imputabilité dans les plus brefs délais. Avez-vous envisagé d'invoquer les dispositions de la Loi sur les Indiens, bien que ces dispositions semblent parfois créer une certaine animosité?
Mme Freed: À quoi sert la Loi sur les Indiens quand nos chefs peuvent rejeter l'article 74 qui porte sur les élections et le scrutin, et retourner à la coutume de la bande? À quoi nous sert la Loi sur les Indiens quand on les autorise à faire cela?
Le président: En fait, vous voulez dire que le statu quo n'est pas possible.
Mme Freed: Pas si les chefs peuvent invoquer leurs propres règles au fur et à mesure.
Mme Galloway: Par le passé, la Loi sur les Indiens a fait preuve de discrimination envers la communauté autochtone. Il importe de la remettre en question car elle nous a imposé des limites si étroites que nous ne pouvons pas jouir des mêmes conditions que les non-autochtones.
Nous n'avons pas besoin de rester sur un territoire indien pour réussir. Je suis agricultrice, pourvoyeure et enseignante, et je fais également des études supérieures. Les gens de ma tribu sont venus me voir et m'ont demandé d'essayer de vous expliquer cela pour que vous sachiez qu'eux aussi, souffrent.
Le président: Si j'ai bien compris, vous dites que la situation n'est pas la même pour tout le monde. C'est un cas isolé qui pose un problème dans votre province que vous nous exposez.
Mme Galloway: Ce n'est pas un problème provincial, c'est un problème canadien. Il y a des gens de la Colombie-Britannique et de l'Alberta qui nous téléphonent et qui veulent que les choses changent. Nous avons des aînés qui viennent dans les bureaux des bandes réclamer la reddition de comptes. Quand on assiste à ce même scénario dans plusieurs provinces et que personne n'écoute, que peuvent faire ces gens-là?
Le sénateur Chalifoux: Je vous remercie beaucoup pour votre exposé particulièrement intéressant. Étant moi-même autochtone, ce sont des problèmes auxquels je me heurte depuis des années. J'espère que nous réussirons à y trouver une solution satisfaisante.
Les bandes, les réserves, les communautés métisse et inuit se heurtent à de nombreux problèmes au niveau de la communauté, à la base (at the grassroots). Je n'aime pas l'expression «grassroots»: nous ne sommes pas en-dessous du sol.
Mme Galloway: Nous avons l'impression d'être en dessous du sol.
Le sénateur Chalifoux: Ce que vous réclamez, ce sont des droits fondamentaux, la justice, la responsabilité financière et des élections. Lorsqu'une personne est élue chef, est-ce toujours celle qui a la plus grosse famille?
Mme Galloway: C'est toujours celle qui a les poches les plus profondes, ou celle qui fait venir un camion de meubles dans la réserve.
Le sénateur Chalifoux: Je sais bien que beaucoup de gens ne sont peut-être pas prêts pour l'autonomie gouvernementale, mais à votre avis, que peut-on faire pour corriger ce genre de situation?
Mme Galloway: Il serait bon pour commencer que le Parlement impose, législativement, la responsabilité financière.
Le sénateur Chalifoux: Saviez-vous que la Loi sur les droits de la personne n'englobe pas les Indiens conventionnés?
Mme Galloway: Oui. Et on s'en rend compte dans les réserves. Les droits de la personne sont continuellement bafoués.
Le sénateur Chalifoux: J'imagine que vous voudriez nous voir étudier cet aspect-là lorsque nous étudierons l'autonomie gouvernementale, ce qui ne se produira probablement pas avant plusieurs années.
Ai-je bien compris que vos priorités sont les droits de la personne, la justice, la responsabilité financière et les élections?
Mme Freed: Également l'égalité pour les gens qui sont régis par la Loi C-31.
Le sénateur Chalifoux: Oui, c'est un point très important.
Le sénateur Landon Pearson (présidente suppléante) occupe le fauteuil.
La présidente suppléante: Je m'intéresse à tout ce qui a trait aux enfants et à ce que nous pouvons faire pour les protéger. Vous avez soulevé une question qui me préoccupe grandement. Vous avez parlé de la fonction d'ombudsman.
Je fais partie de ceux qui ont recommandé la création d'un poste national de commissaire chargé de défendre les intérêts des enfants, un concept qui est encore au stade de projet. Un commissaire chargé de défendre les intérêts des enfants autochtones serait très utile. Cette personne pourrait s'occuper des cas de mauvais traitements dont vous avez parlé. Je vous parle d'un commissaire autochtone qui défendrait des enfants autochtones.
Mme Freed: Cela semble être une bonne idée. Au Manitoba, dans une des réserves, le chef est héréditaire. La soeur du chef occupe huit postes. En autre, elle est directrice exécutive des services à l'enfance et à la famille, et elle abuse de son pouvoir. Si vous n'êtes pas d'accord avec elle, elle vous enlève vos enfants. Si vous lui dites une chose de travers à elle, ou à ses enfants, elle s'arrange pour qu'on vous enlève vos enfants.
Les services à l'enfance et à la famille embauchent des gens qui ne sont pas qualifiés, qui sont incompétents et sur lesquels on ne peut pas compter, ils retirent les enfants aux parents sans aucune raison valable. Plusieurs familles sont venues me demander de les aider à récupérer leurs enfants. Il y a deux de ces cas qui pourraient aboutir devant les tribunaux car les travailleurs sociaux ne savent pas ce qu'ils font. Ils séparent les familles sans juste raison. S'ils ont quelque chose à reprocher à quelqu'un, ils lui enlèvent ses enfants, ce qui est tout à fait inacceptable dans la société actuelle.
Mme Galloway: Il y a beaucoup d'enfants autochtones qui finissent par aboutir dans les centres-villes. Ce sont des jeunes pleins de colère. Les réserves étant surpeuplées, l'éducation offerte est limitée, nos enfants ne sont pas protégés. Beaucoup de gens disent qu'ils enferment leurs enfants avant d'aller magasiner en ville, ou encore, ils les amènent avec eux. Ils ont de grosses familles. Ces parents ont peur des prédateurs sexuels. Notre système judiciaire prononce des sentences communautaires, si bien que ces prédateurs sont parmi nous.
J'enseigne à de nombreux enfants de la communauté autochtone. Quand on me dit qu'ils ont été maltraités, cela m'attriste beaucoup. Pour protéger la population non-autochtone, il y a des moyen et des modes de vérification, mais cela n'existe pas dans les réserves.
La présidente suppléante: On ne cesse de parler de ces «moyens de vérification», qui apparemment n'existent pas.
Mme Freed: La personne dont je vous parlais est également directrice exécutive des services à l'enfance et à la famille dans sa réserve. Un jeune de 16 ans a dû demander une ordonnance de bonne conduite contre cette femme alors qu'elle occupait ce poste. J'ai les formulaires d'ordonnance de bonne conduite ici. Deux autres femmes ont également dû demander une ordonnance de bonne conduite contre cette femme. Je me suis adressée à notre gouvernement provincial qui a refusé d'intervenir.
La présidente suppléante: Je connais ces problèmes de compétence.
Le sénateur Chalifoux: En ce qui concerne l'ombudsman, l'Alberta a nommé un défenseur des enfants, et cela a causé beaucoup de problèmes. Qui nommerait cet ombudsman et aurait un droit de regard sur ses activités? Serait-il nommé par le gouvernement provincial ou bien par le gouvernement fédéral? Comment procéderait-on, étant donné que le système n'a pas fonctionné en Alberta?
Mme Galloway: Nous avons demandé à la province de nommer un ombudsman. Quand on lit l'article 35, on voit que le terme «autochtone» comprend les Indiens conventionnés et les Métis. Ce sera à nous de catégoriser ces gens car pour l'instant c'est extrêmement vague. Nous avons besoin d'un ombudsman provincial pour s'occuper des autochtones qui vivent hors-réserve et pour aider les gens à comprendre les problèmes. Quant aux autochtones qui vivent dans les réserves, il importe que les autorités provinciales ou fédérales puissent intervenir librement lorsque les droits de la personne sont violés, quel que soit l'endroit. Pour protéger nos enfants, il importe que le système n'ait pas de frontière car, à l'heure actuelle, ils sont innombrables à mourir.
Le sénateur Mahovlich: J'ai l'impression que nous avons besoin d'un ombudsman dans chaque province, qui serait responsable devant le procureur général. Est-ce que ce serait la solution?
Mme Freed: Cela semble être une bonne idée. Aujourd'hui, je représente plusieurs réserves, et je sais qu'un seul bureau ne réussirait pas à s'occuper de tous ces problèmes.
Le sénateur Mahovlich: Qui nomme le procureur général? Jadis, c'était la Reine, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Le sénateur Andreychuk: Voulez-vous parler du procureur général de chaque province?
Le sénateur Mahovlich: Oui.
Le sénateur Andreychuk: C'est le gouvernement du jour.
Le sénateur Mahovlich: Le gouvernement du jour. Ce serait un début.
Mme Galloway: Nous avons aussi transmis l'information aux provinces.
Le sénateur Chalifoux: Leurs politiques et leurs règlements sont inadéquats. Voilà le problème. Voilà pourquoi je demande qui donnerait aux ombudsmans le pouvoir de faire ce qu'ils doivent faire. C'est la province qui a compétence en matière de protection de l'enfance et c'est là toute la question. Voilà ce qu'il faut résoudre.
Mme Freed: Si vous voulez une copie de ce texte, je me ferai un plaisir de vous le remettre.
Nous ne pouvons pas avoir un ombudsman qui serait nommé par le gouvernement, un parti politique ou les chefs autochtones. Par ailleurs, il doit y avoir un conseil d'administration. Tous les pouvoirs ne peuvent pas être confiés à une seule personne.
Le sénateur Mahovlich: Le gouvernement du jour nomme le procureur général et c'est ce dernier qui nomme l'ombudsman.
Mme Freed: C'est inacceptable, car nous nous retrouverions a la case départ.
La présidente suppléante: La plupart des ombudsmans rendent compte à l'assemblée législative, et donc à tous les partis, pas uniquement au parti majoritaire.
Dans votre organisation, dans quelle mesure avez-vous su encourager la participation des jeunes?
Mme Galloway: J'ai eu récemment une réunion où nos jeunes ont dit: «Que faisons-nous et où allons-nous?» Ils étaient ravis des progrès réalisés et du fait que l'on apercevait la lumière au bout du tunnel. Vous leur redonnez espoir.
Le sénateur Andreychuk: La situation s'améliore-t-elle ou non? Je suis de la Saskatchewan. Ce qui me redonne espoir, c'est de voir qu'un plus grand nombre de jeunes autochtones poursuivent leurs études et exigent des comptes de leurs dirigeants. Cela vient lentement, mais ils commencent à jouer un plus grand rôle. Avez-vous constaté cela?
Mme Galloway: Oui. Depuis nos débuts en 1989, nous constatons que cela se produit de plus en plus. Les médias commencent à le remarquer, ce qu'ils refusaient de faire au début. Nous commençons aussi à voir quelques progrès dans la collectivité autochtone, non seulement chez les jeunes mais aussi parmi les anciens. Je vais vous remettre une copie du mémorandum que j'ai adressé à la ministre dans lequel nous demandons une meilleure reddition de comptes dans la réserve.
Le sénateur Andreychuk: Dans quelle mesure les gens remettent-ils en question le droit coutumier? D'après le rapport de la commission royale, on dit que nous devons respecter les structures dans les diverses réserves. Ma réplique a toujours été que la coutume n'a rien de statique où que l'on habite. Elle évolue. Dans quelle mesure avez-vous pu remettre en question certaines coutumes de 1880, ou peu importe? Les coutumes d'aujourd'hui pourraient être bien différentes de ce qu'elles étaient il y a un siècle en raison de la simple évolution ou de certaines forces externes. Réussissez-vous à faire accepter ce fait?
Mme Freed: Non. La Première nation à laquelle j'appartiens a un chef héréditaire. J'ai écrit au ministère des Affaires indiennes -- j'ai toute la correspondance ici, si vous la voulez -- demandant les statistiques relatives au référendum par lequel nous avons renoncé à appliquer l'article 74 pour revenir aux coutumes de la bande. La première réponse du ministère disait que le 24 août 1972, la Première nation Dakota Plains avait cessé d'appliquer l'article 74 pour retourner à la coutume de la bande. J'avais égaré cette lettre et, environ un mois plus tard, j'ai envoyé la même lettre par télécopieur au ministère et la réponse que j'ai obtenue, laquelle était contradictoire, c'était que notre réserve, celle de la Première nation Dakota Plains, lorsqu'elle s'était séparée de la réserve mère de Long Plains, était automatiquement assujettie aux procédures d'élection de la coutume de la bande. J'ai écrit à Jane Stewart et sa réponse m'a donné les mêmes détails.
Je me souviens que nous avons eu des élections. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu un référendum dans notre réserve. Quel fouillis. C'est sans issue. Si nous voulons remettre en question les coutumes de la bande, nous devons nous adresser aux tribunaux. Nous n'avons ni le temps, ni l'argent.
Le sénateur Andreychuk: Ma question n'avait pas pour but de remettre en question vos coutumes héréditaires. Votre système vous permet de changer vos propres coutumes.
Mme Freed: Comment pouvons-nous les changer si nous n'avons aucun contrôle?
Mme Galloway: Les structures qui existent dans les collectivités autochtones constituent une dictature. Les gens ont peur de parler. Certains ont renoncé et ont fermé leurs fenêtres. Ils restent et vivent leur vie sans s'occuper des autres. En outre, on est souvent coupable par association. Cela nous ramène à la question des droits de la personne et des coutumes.
Dans le passé, les collectivités autochtones avaient de belles coutumes. Nous pouvons être biculturel et vivre aux côtés des autres, mais il faut qu'il y ait une certaine éthique, de l'honnêteté, de l'intégrité et de l'imputabilité. Cela nous ramène aux véritables coutumes autochtones qui se sont perdues. Je ne sais pas combien de temps il faudra pour que le gouvernement du Canada prenne conscience de ce qui se passe dans les collectivités autochtones et dise: «Oui, tous doivent être traités sur un pied d'égalité. Accordez-leur leurs droits fondamentaux.»
Le sénateur Andreychuk: Avez-vous déjà porté vos doléances devant des groupes autochtones ou devant la Commission des droits de la personne? Vous semblez attendre une solution du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux. N'avez-vous pas songé à vous adresser à la Commission des droits de la personne, l'instance qui a pour mission de protéger les droits de la personne?
Mme Freed: L'un de nos membres travaillait comme administratrice au service de bien-être mais quand elle a adhéré à notre groupe, elle a été congédiée. On lui a dit que c'était nécessaire étant donné la fusion du service du bien-être social et d'un autre programme dans la réserve. Elle s'est adressée à la Commission des droits de la personne qui a refusé d'intervenir.
Le sénateur Andreychuk: Je songeais à l'instance internationale dont les comités examinent la situation des peuples indigènes. Je ne crois pas qu'elle ait été mise au courant. Vous pourriez peut-être envisager cette option.
Mme Galloway: Si quelqu'un peut nous fournir les renseignements nécessaires, nous le ferons.
La présidente suppléante: C'est une excellente recommandation et nous allons veiller à ce que vous obteniez les renseignements nécessaires.
Au nom de mes collègues, je vous remercie d'être venue aujourd'hui. Votre témoignage a été extrêmement intéressant.
La séance est levée.