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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 24 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 24 mars 1999

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 h 05 pour étudier en vue d'en faire rapport la fonction gouvernementale autochtone.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe au fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, de nombreux membres de la communauté mohawk -- des chefs, des grands-mères, des anciens et plusieurs autres -- nous font l'honneur de leur présence. J'aimerais souligner la participation de leur communauté à notre table ronde sur la prise en mains par les autochtones. Ce fut très utile.

Aujourd'hui le grand chef Mike Mitchell fera un exposé sur la circulation des marchandises dans le cadre du traité Jay. Vous avez peut-être entendu parler de ce dossier. Nous voulons voir comment cela s'inscrit dans le concept de l'exercice des pouvoirs, surtout compte tenu de l'importance d'un bon gouvernement pour assurer une base économique solide. L'exposé du chef Mitchell devrait nous éclairer quant à l'orientation à prendre en ce qui concerne la base économique en vue de l'autonomie gouvernementale à venir.

Chef Mitchell, veuillez commencer votre exposé.

Le grand chef Mike Mitchell, réserve d'Akwesasne: (Le chef Mitchell s'exprime dans sa langue autochtone)

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre invitation à comparaître devant votre tribune sur le gouvernement.

Je suis accompagné des personnes suivantes: M. Micha Menczer, conseiller juridique auprès du Conseil mohawk; M. Russell Roundpoint, notre chargé des relations avec le gouvernement; M. Peter Garrow, directeur de l'éducation; Mme Lucy Papineau, directrice de la santé; Mme Angela Barnes, de la Table ronde Mohawk-Canada; le chef Steve Thomas, district St-Régis; M. Ron Sunday, directeur du développement économique; le chef Ray Mitchell, district de Snye; le chef Vaughn Phillips, village St-Régis; le chef Antoine Delormier, le chef de l'Île de Cornwall; et le chef George Adams, le chef de Snye. M. Arnold Goodleaf nous vient de Kahnawake; quand il sera question de commerce et de passage frontalier, il exposera le point de vue de sa communauté.

Je voudrais également présenter ma mère qui est matrone principale du clan du Loup au sein de la longue maison.

La carte que vous trouverez dans votre trousse montre que le territoire d'Akwesasne est divisé en districts, lesquels sont représentés par les chefs que je viens de présenter. L'île de Cornwall est un district à part entière. Ce district est situé du côté canadien, dans la province de l'Ontario. Le village St-Régis est un district situé au Québec. Le district de Snye se trouve également au Québec.

Il y a en tout 13 000 Haudenosaunee. Le Conseil mohawk administre 10 000 membres. Nous sommes littéralement coincés entre le Canada et les États-Unis. Au cours du siècle dernier, nous avons lutté constamment pour le maintien de nos droits, de notre identité, de nos traditions et de nos cultures, pris que nous sommes entre deux pays géants.

Je vais toucher un mot de nos origines. Nous sommes des Mohawks de la nation Mokawk. La nation Mohawk comprend Kahnawake, Kanesatake, Tyendinega, Oshweken et Wahta. Ces communautés mohawks habitent soit le Québec, soit l'Ontario.

Nous sommes parfaitement conscients d'être désignés comme étant une «communauté frontalière» et d'avoir été, au cours des douze dernières années, au centre d'une vive controverse. On a beaucoup écrit sur notre communauté. Nous sommes fiers de partager avec vous aujourd'hui certaines choses qui ont été dites au sujet de notre peuple et de notre communauté.

Ces douze dernières années, nous avons surveillé les débats qui se déroulent au Parlement. Certains partis politiques qualifient Akwesasne de paradis de la contrebande. Les Canadiens, par le truchement des médias, se font une certaine idée d'Akwesasne.

Je vais citer un article de journal typique:

Les autochtones doivent mettre fin à la contrebande.

Si les dirigeants de la réserve d'Akwesasne croient que les autochtones devraient être traités avec respect à la table de négociations quand ils traitent avec les gouvernements fédéral et provinciaux, ils n'ont qu'à commencer par assurer un meilleur maintien de l'ordre chez eux.

La réserve située près de Cornwall passe pour avoir été un centre d'activités de contrebande pendant plus de dix ans, ce qui ne peut que nuire à la réputation et aux chances de tous les autochtones, sur toutes les réserves, d'être pris au sérieux par le gouvernement dans les négociations portant sur tout, depuis les revendications territoriales jusqu'au principe de l'autonomie gouvernementale.

La semaine dernière, le géant de l'industrie américaine du tabac, RJR Reynolds-Nabisco, a consenti à verser au gouvernement américain 15 millions de dollars à titre d'amendes pour avoir acheminé en contrebande 26 semi-remorques remplies de cigarettes sur la réserve, puis les avoir vendues à prix réduits.

Ce plaidoyer de culpabilité devant un tribunal new-yorkais mettait fin à une enquête de quatre ans qui a vu des chefs d'accusation s'abattre sur 18 contrebandiers qui se livraient à toutes sortes d'activités illégales à l'intérieur et à l'extérieur d'Akwesasne. L'enquête a été menée par six corps policiers différents qui considèrent la réserve comme un grand réseau d'alcool, de tabac, de drogues et même d'immigrants illégaux.

Le moment est venu pour les autochtones d'assurer un meilleur maintien de l'ordre chez eux. Sans quoi, ils feront de vains efforts pour acquérir un peu de crédibilité.

C'est de là qu'il faut partir.

Je suis le grand chef d'Akwesasne depuis 1984. Jusqu'en 1989, le conseil que je dirigeais a envoyé à Ottawa plus de 20 lois particulières, des lois que notre communauté nous demandait de faire adopter en son nom. Ces lois concernaient les armes à feu, les explosifs, la défense de l'environnement, la sécurité de l'eau, les conditions d'éligibilité, la résidence, le tabac, et ainsi de suite.

Durant la période qui a précédé la controverse entourant la contrebande, des membres d'Akwesasne sont venus à Ottawa. Moi-même, ainsi que notre avocat et des chefs avons comparu devant le comité permanent des affaires autochtones et du comité permanent de la justice. Nous avons exprimé à Ottawa notre crainte que nos droits puissent être interprétés à des fins autres que celles prévues. Mandatés par la communauté, nous sommes venus ici pour représenter notre peuple, pour exposer les droits autochtones et pour offrir aux autorités compétentes notre participation à la défense de nos droits. Nos demandes n'ont pas été entendues.

Des réunions au niveau du sous-ministre ont été organisées avec une demi-douzaine de ministères, dont Revenu Canada, le ministère de la Justice et celui des Affaires indiennes. Pendant six mois nous sommes revenus à la charge dans l'espoir de convaincre le gouvernement qu'il devrait être conscient du risque qu'une interprétation de nos droits puisse ne pas garantir la protection des droits de notre peuple au sein de notre communauté. Nous avons dit que des influences extérieures se feraient sentir et que notre peuple en serait le jouet.

Nous avons même proposé la mise sur pied à Akwesasne d'un programme de surveillance de la frontière mohawk parce que nous sommes les gens qui connaissent le mieux les cours d'eau et les îles des environs. Entre Prescott et Valleyfield, il y a dans le Saint-Laurent 86 milles d'îles qui appartiennent aux Mohawks d'Akwesasne. Notre peuple connaît bien ces cours d'eau.

À la fin, les sous-ministres nous ont dit que si nous croyons à l'existence d'un droit autochtone, nous devons nous présenter devant un tribunal canadien et prouver l'existence de ce droit. Le gouvernement ne pourrait pas négocier avec nous en vue de protéger notre droit autochtone tant que nous n'aurions pas fait la preuve de ce droit devant un tribunal.

Les Akwesasnes ont porté leur cause devant un tribunal en 1956. La Cour suprême a débouté les Mohawks pour une considération d'ordre technique. Elle a invoqué la non-ratification du traité Jay par le Parlement. Même si ce n'était qu'un sur 28 articles qui n'avait pas été ratifié, le tribunal jugeait que le traité ne pouvait pas avoir force de loi. Cette décision n'a pas touché que les Akwesasnes; elle a touché toutes les Premières nations. Elle a également créé une zone grise qui est sujette à interprétation.

Or, le Congrès américain a ratifié le traité Jay. C'est pourquoi bien des autochtones aux États-Unis et au Canada savaient que nous avions un droit ancestral. Nous savons que ce droit existe. Nous savons que c'est un droit national et que nous devons tous protéger. Tel était mon mandat. Le Conseil m'a chargé de venir à Ottawa pour exprimer la nécessité de clarifier nos droits.

En 1988, je n'ai pas eu le choix. Les anciens et les femmes de notre communauté ont rempli un camion de vivres, d'épiceries, de meubles et d'appareils ménagers dont une machine à laver, pour symboliser ce que la Gendarmerie royale canadienne avait confisqué en 1956. Un millier de Mohawks ont traversé le pont en 1988. Nous nous sommes rendus sur le territoire canadien et nous avons tout déclaré à la douane. Ensuite nous avons donné tous ces biens aux Mohawks de Tyendinega. Sur le chemin du retour, sur l'autoroute 401, une voiture de la GRC s'est amenée et son conducteur a fait un signe pour indiquer qu'il ne voulait pas de mal. Il a dit: «Je pense que c'est ce que vous cherchiez» et j'ai été accusé d'avoir refusé de payer les droits de douane et les taxes.

Nous nous sommes présentés devant un tribunal pour faire établir une jurisprudence. Dix ans plus tard, en juin 1997, la Cour fédérale du Canada a convenu avec les Mohawks qu'ils avaient un droit ancestral de traverser la frontière et un droit ancestral de commercer.

Portée en appel, la décision antérieure a été confirmée. Cette fois-ci, le droit a été mieux défini. Les droits commerciaux historiques des Mohawks et des Iroquois étaient limités au Québec et à l'Ontario dans tous ces domaines.

Je reviendrai sur le principe des droits commerciaux et historiques et sur la façon dont il devrait être appliqué aujourd'hui, sur les autres Premières nations concernées et sur les raisons pour lesquelles le Canada ne devrait pas craindre de discuter ou de négocier avec nous ou encore de se pencher sur les modalités d'application de ce droit.

Je veux parler de la communauté d'Akwesasne. Cette communauté a tout tenté, mais on l'a qualifiée de repaire de contrebandiers et d'autres individus qui violent la loi. Quoi qu'il en soit, dans l'intervalle, la communauté a pu prendre en charge l'éducation. J'invite le directeur de l'éducation à expliquer pendant quelques minutes ce que les Mohawks ont fait pour eux-mêmes dans le domaine de l'éducation.

M. Peter Garrow, directeur de l'éducation, réserve d'Akwesasne: Honorables sénateurs, vous avez tous déjà vu des attrapeurs de rêves. Vous en avez probablement acheté pour décorer vos maisons. Nous nous efforçons d'inculquer l'éducation dans nos enfants pour que ces rêves se réalisent.

Nous touchons chaque année la vie de 1 600 élèves. Le territoire d'Akwesasne compte trois écoles, deux au Québec et une en Ontario. Nous dispensons un programme coopératif et un programme d'enseignement par les pairs à titre d'école alternative. Quelque 350 étudiants poursuivent des études postsecondaires. Ils se spécialisent dans plusieurs disciplines. Ils constituent probablement notre ressource la plus précieuse.

Nous sommes responsables de l'éducation depuis 1985. Notre commission scolaire dispose de trois membres par district. Nous nous occupons du programme d'études, y compris l'enseignement de la langue mohawk. Dans notre école, nous nous intéressons aux études certes, mais également aux traditions. Nous voulons enrichir l'expérience d'apprentissage.

Je suis stupéfait de voir que notre langue et même nos programmes sociaux mohawks aient survécu pendant 500 ans. Nous ne sommes pas comme les communautés du Nord qui ont été en contact avec la société canadienne ou américaine au cours des 100 dernières années. Nous sommes en contact avec la société occidentale depuis 500 ans. Il en va de même pour les communautés micmac. Nous croyons fermement qu'il nous faut dispenser cette éducation à nos enfants. Nous devons poursuivre cette mission.

Les modèles de rôle que nous voulons pour nos enfants, ce sont les éducateurs et les dirigeants politiques, non pas les contrebandiers ou les individus décrits dans les journaux.

Nous devons créer des partenariats avec des commissions scolaires, tant au Canada qu'aux États-Unis. Nous sommes en train de créer ces partenariats. Nos districts scolaires s'intéressent à ce que nous enseignons à nos enfants en ce qui concerne l'environnement, les rôles et les valeurs familiales et communautaires. Ils veulent emprunter des choses que nous avons.

Il est important d'enseigner et d'apprendre l'historique que le chef Mitchell a fait du traité Jay. Les enfants ont besoin de savoir et veulent savoir qui nous sommes. Il est important que les enfants soient profondément enracinés dans les deux mondes.

L'école de Cornwall que fréquentent la plupart de nos 350 élèves du secondaire est censée fermer ses portes. Nous envisageons d'instituer une école internationale pour tenir compte de notre situation géographique. Nous sommes à la frontière. Cela présente des avantages mais aussi des inconvénients. Quoi qu'il en soit, nous voyons toujours le bon côté des choses. Nous tirons parti de la situation pour donner à nos enfants un enseignement qui les rende fiers de ce qu'ils sont et font.

Le chef Mike Mitchell: Honorables sénateurs, nous sommes ici pour vous parler de prise en mains, mais nous ne sommes pas aller la quémander. Bien des fois, par la force des choses, il nous a fallu assumer certaines responsabilités parce qu'il n'y avait personne qui veuille le faire.

J'ai mentionné que nous sommes pris entre le Canada et les États-Unis; mais géographiquement parlant, nous sommes des habitants de l'État de New York, du Québec et de l'Ontario. Cela fait en tout cinq administrations. Il y a un conseil tribal qui gouverne le côté américain, le Conseil mohawk d'Akwesasne gouverne le côté canadien et un gouvernement traditionnel avec lequel collabore notre conseil.

Notre communauté a pris en charge la justice et a institué ses tribunaux. Nous avons formé une commission législative. Nous avons une commission de police et une commission scolaire. Nous gérons notre propre programme de protection de l'environnement. Nous avons un budget annuel de 58 millions de dollars que nous consacrons à l'éducation, à des travaux d'immobilisations, au logement, aux questions sociales, à la santé, et le reste.

En 1984, quand je suis entré en fonctions, ce budget avoisinait les 5 millions de dollars et le ministère des Affaires indiennes gérait tout. Il prenait toutes les décisions. Nous devions lui demander la permission pour améliorer nos écoles, nos routes et que sais-je encore. Outre ce montant de 5 millions de dollars, il y avait un déficit de 2 millions de dollars. Quand je suis arrivé, les fonctionnaires s'apprêtaient à fermer tous les bureaux administratifs; ils allaient tout gérer, sans consulter le conseil.

M. Crosbie était alors le ministre des Affaires indiennes. J'ai fait un voyage spécial pour lui dire que mon comité voulait assumer la responsabilité de notre communauté et de nos gens. Ensemble, nous avons élaboré un plan pour éliminer le déficit. Nous avons mis sur pied un nouveau programme de gestion. Nous voulions que nos gens conçoivent et administrent nos programmes et participent aux affaires de notre peuple et de notre communauté. Il nous a fallu cinq ans pour nous débarrasser de ce déficit de 2 millions de dollars et notre budget ne se chiffrait plus à 5 millions de dollars. Au bout de 10 ans, notre budget s'élevait à 42 millions de dollars vu l'ampleur de nos programmes et de nos services. Nous faisons l'objet d'une vérification.

Notre communauté a pu rester stable. Si vous appréciez la dynamique qui vous entoure, pour rester une communauté stable, il vous faut pouvoir envoyer vos enfants à l'école, il vous faut pouvoir participer au développement économique, et il vous faut pouvoir générer des emplois. Après avoir lu le rapport de la commission royale, nous avons invité les commissaires à Akwesasne et nous avons témoigné devant un juge et Georges Erasmus. Ils ont transporté la commission royale à Akwesasne. C'était au début des années 90. Nous sortions d'une guerre civile à Akwesasne. Notre communauté était aux prises avec des problèmes transfrontaliers et de jeux.

Nous avons survécu à des crises internationales entourant des jeux illégaux. Je mentionne cela parce que le mois prochain un casino ouvrira ses portes du côté américain, un projet qui a fait l'objet de négociations avec Washington et l'État de New York. Il est tout à fait licite. Nous espérons qu'il favorisera l'emploi chez nous.

Nous envisageons d'autres formes de développement économique. J'ai parlé des îles qui s'étendent sur des milles dans le Saint-Laurent. Nous sommes dans une ceinture touristique. Il y a des îles magnifiques dans le Saint-Laurent. Les Mille-Îles sont juste en amont. La région est presque sous-développée et les opportunités abondent. Toute collectivité qui est aussi près de la frontière que nous le sommes -- nous sommes juste à la frontière -- devrait se trouver dans une position avantageuse sur le plan du développement économique; pourtant, ce n'est absolument pas notre cas.

Nous avons mis au point un concept qui nous permette de générer des richesses pour nous-mêmes afin que nous n'ayons pas toujours à compter sur le ministère des Affaires indiennes ou le gouvernement canadien. Il s'agit simplement de pouvoir nous gouverner nous-mêmes, élaborer des accords de partenariat, trouver des arrangements mutuellement satisfaisants en matière de justice, créer nos propres institutions ou accorder une plus grande latitude aux institutions que nous avons déjà créées. Le fait d'avoir davantage notre mot à dire, d'avoir un champ de compétences plus large et de disposer d'un plus grand nombre de partenariat résoudrait les problèmes de contrebande.

Dans ces coupures de journal il y a toutes sortes de manchettes: «Un contrebandier canadien avoue qu'il a participé à la livraison de cocaïne»; «La GRC épingle des trafiquants d'armes»; «Démantèlement d'un réseau de passeurs de sans papiers ayant un chiffre d'affaires de 280 millions de dollars».

En 1994, le premier ministre a dû se lever en Chambre pour faire savoir que la contrebande des cigarettes coûtait environ 1 milliard de dollars par année au Canada. C'est beaucoup d'argent. Nous avions déjà demandé au gouvernement d'établir une patrouille frontalière mohawk qui pourrait travailler en collaboration lui, d'augmenter les effectifs de nos services de police, de nous permettre de jouer un plus grand rôle en matière policière. Il nous a dit: «Retournez à Akwesasne. C'est nous qui sommes les responsables. Nous nous occuperons de votre communauté.» Nous avons connu l'enfer, nous avons essuyé une guerre civile, mais nous avons survécu et nous vous disons aujourd'hui: «Nous vous l'avions bien dit.»

L'éditorial souligne que les autochtones doivent cesser de faire de la contrebande. Ce ne sont pas les autochtones qui ont créé la situation. Ce sont les gens des deux côtés de la frontière, au Canada comme aux États-Unis, qui nous ont entraînés. Nous ne sommes que des pions. Il y en a bien quelques-uns qui sont devenus riches, mais c'est surtout les compagnies de tabac, leurs dirigeants et d'autres groupes qui sont devenus millionnaires. Notre communauté est loin d'être riche. Nous avons toujours du mal à créer des emplois.

Nous voulons établir un partenariat avec le Canada pour assurer une stabilité à long terme pour Akwesasne. Nous travaillons avec des gens qui sont très fiers de leur patrimoine et de leur culture et qui aimeraient vivre dans une société où règne l'ordre. C'est ce que nos gens veulent.

J'aimerais maintenant examiner les conséquences pour le Canada au cas où ses tribunaux jugeraient que les autochtones ont des droits ancestraux en matière de passage frontalier et de commerce. Je passerai donc la parole à M. Menczer, qui vous expliquera les actions en justice et leur historique.

M. Micha J. Menczer, conseiller juridique, Conseil des Mohawks, réserve d'Akwesasne: Le grand chef Mitchell a fait un bref historique de l'affaire et souligné que ce n'était pas là la façon mohawk d'agir. Plusieurs démarches ont été faites au Canada et au comité parlementaire pour expliquer la façon dont les Mohawks considèrent leur droit de passage frontalier. Cela n'avait rien à voir avec ce que l'on peut lire dans les grands titres des journaux. Le grand chef a reçu des matrones principales et des gens de la communauté des directives sur ce qu'il fallait transporter à travers la frontière, sur les éléments essentiels de notre droit de passage frontalier et sur notre dispense historique du paiement des droits de douane au Canada. Il s'agissait d'objets ménagers usuels, de la nourriture, des livres, des couvertures, des laveuses et autres nécessités de la vie pour la communauté. Lorsqu'on lui a demandé la destination de ces marchandises, il a répondu qu'elles iraient à d'autres autochtones dans le cadre de l'aide traditionnelle aux communautés voisines.

Tout cela a été expliqué au tribunal, au cours d'un procès qui a duré près de quarante jours. Le juge a compris. Le texte de sa décision faisait 105 pages. Cela ne voulait pas dire que les Mohawks n'étaient pas d'avis qu'ils avaient aussi un droit plus étendu. Ce n'est pas ce que nous avons demandé au tribunal, ni au Canada. Nous avons gagné le procès parce que notre cause était juste et que nous avons été compris.

Nous sommes retournés devant le gouvernement du Canada et le grand chef a dit: «Nous avons fait ce que vous nous avez demandé. Nous avons demandé l'avis des tribunaux et ils nous ont dit que nous avions ce droit.» Le gouvernement a interjeté appel. Nous avons donc défendu notre cause devant la Cour d'appel fédérale et nous avons encore une fois eu gain de cause. La Cour d'appel fédérale a affirmé que le juge de première instance avait eu raison et elle a précisé un peu en ajoutant que nous traitions en fin de compte avec nos voisins des Premières nations en Ontario et au Québec.

Nous avons tenté d'établir avec le Canada une façon qui nous permettrait d'harmoniser nos rapports. La trousse d'information donne des détails sur les succès qui ont été remportés, mais il y a des limites.

Il y a deux raisons qui expliquent que cela n'ait pas fonctionné. Tout d'abord, le Canada n'était pas prêt à demander à ses fonctionnaires de signer une entente provisoire. Nous sommes donc rendus à la Cour suprême. Nous n'avons pas peur de nous présenter devant les tribunaux parce que nous sommes d'avis que leurs jugements sont solides et justes. Cela ne signifie pas pour autant que les Mohawks se contentent d'attendre la décision des tribunaux. Ils ont pris certaines mesures.

Comme vous pouvez le voir dans la trousse, les Mohawks considèrent que leur droit de passage frontalier entraîne également la responsabilité de bien le gérer et de bien l'exercer. Les renseignements contenus dans la trousse précisent bien que les Mohawks considèrent leurs relations avec le Canada sur une base de paix, d'amitié et de respect. C'est ainsi que nous avons présenté ce droit depuis dix ans et nous avons fait beaucoup d'efforts à cet égard.

Qu'entend-on par responsabilité? Vous avez entendu le chef Mitchell vous donner des exemples dans le domaine de la justice, de la police Mohawk et de la patrouille frontalière qui avait été proposée. Les Mohawks ont adopté de nombreuses lois, même sans le consentement du Canada, et ils les appliquent dans leur communauté pour délivrer des permis pour certaines activités dans le but de les réglementer.

Le concept d'une maison des échanges d'Akwesasne sera probablement présenté au conseil plus tard ce mois-ci. Ce sera un organe de réglementation communautaire qui sera chargé d'étudier les activités commerciales avec les autres groupes de Premières nations en vue de déterminer si elles sont légitimes et profitables pour la communauté et si elles correspondent à la façon dont les Mohawks voient leurs droits. Dans l'affirmative, le concept sera approuvé et mis en oeuvre.

D'un autre côté, Akwesasne conclut des ententes avec les autres Premières nations. Le droit de passage frontalier porte essentiellement sur des activités commerciales. Les autres Premières nations ne vivent pas en vase clos. Il y a des liens entre les Premières nations. L'une des premières ententes qui aient été conclues nous liait à la communauté mohawk voisine de Kahnawake. Nous vous avons d'ailleurs fourni une copie de cette entente commerciale.

Il y a eu une certaine confusion entre la dernière ligne du paragraphe 6 et la première ligne du paragraphe 7 de cette entente et j'aimerais apporter des précisions à cet effet parce qu'il s'agit d'un document important.

Le texte du paragraphe 6 aurait dû être ceci:

Les transactions et les marchandises visées par la présente entente commerciale sont exemptes du paiement de droit de douane, taxe ou redevance prélevé par un gouvernement externe.

Le texte du paragraphe 7 aurait dû être ceci:

La présente entente commerciale peut être modifiée par consentement mutuel des peuples d'Akwesasne et de Kahnawake, dans le but d'ajouter des biens ou des services à la demande de leur conseil ou de leur communauté.

Ce document représente bien la nature des discussions. On y retrouve également en annexe une importante déclaration en deux pages du droit de commerce entre les Premières nations. Ce sont les principes sur lesquels les communautés d'Akwesasne et de Kahnawake se sont entendues pour guider leurs relations et celles des autres Premières nations.

Ce document parle des droits, mais aussi de l'exercice responsable de ces droits. Toutefois, dans nos entretiens avec le gouvernement du Canada, nous nous sommes heurtés à un mur de briques. Il est important que cela se sache.

Dans votre trousse, il y a également une lettre qui a été envoyée au Parti libéral par le grand chef Mitchell et son conseil. Notre droit de passage frontalier a été reconnu politiquement et son application administrative a été sanctionnée par les tribunaux. Dans le cadre de son mandat interne, le Parti libéral a adopté une résolution appuyant le développement économique, la ratification du traité Jay et le droit de passage frontalier. Pourtant, il n'a transposé cela dans le mandat du gouvernement. La communauté ne comprend pas pourquoi le gouvernement n'a pris aucune mesure alors que la légitimité du besoin est reconnue.

Le chef Mitchell a parlé du traité Jay. L'article III, qui traite du droit de passage frontalier, est le seul article qui n'ait pas encore été ratifié. Si le chef Mitchell et la communauté demandent à votre comité d'appuyer la ratification de cet article, cela n'a rien de nouveau. En 1983, le rapport Penner, du comité parlementaire sur les affaires autochtones, a recommandé au Parlement de ratifier le traité Jay et d'adopter la loi de mise en oeuvre sans délai. Toutefois, rien n'a encore été fait.

La communauté est d'avis que ce droit lui revient. Deux tribunaux l'ont examiné. Les libéraux l'ont reconnu et le comité parlementaire a recommandé la ratification du traité. Toutefois, cette importante mesure n'a pas encore été prise.

À mon avis, ces documents démontrent que nous sommes capables de nous prendre en mains et nous demandons l'appui du comité à ce sujet.

M. Russell Roundpoint, agent de liaison inter- gouvernementale réserve de Kahnawake: Honorables sénateurs, je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour appuyer nos frères de Akwesasne. Je ne prendrai pas beaucoup de votre temps parce que je crois que les représentants de Kahnawake feront leur propre exposé devant votre comité plus tard.

J'aimerais parler un peu des échanges commerciaux et de l'entente dont il est question. La communauté de Kahnawake a vécu de nombreux conflits et bouleversements, tout comme ce fut le cas chez nos frères de Akwesasne. En 1988, la Gendarmerie royale du Canada et la police provinciale ont effectué une descente conjointe dans notre communauté. Bon nombre de gens ont été arrêtés. Du tabac, de l'argent et des dossiers ont été saisis.

À ce moment-là, notre communauté a mandaté le conseil mohawk de Kahnawake de négocier à tous les niveaux de gouvernement pour protéger nos compétences territoriales, économiques et politiques. Fort de ce mandat, le conseil mohawk de Kahnawake a entrepris de conclure une entente-cadre avec le Canada. Nous négocions avec le Canada depuis 1991.

En 1995, nous avons entrepris des négociations avec la province de Québec. Au sujet des conditions plus particulières et plus relatives, nous avons négocié depuis 1993 avec les autres communautés mohawks pour tenter de renouer en partie nos liens originaux qui devraient nous permettre d'exercer et de revendiquer nos compétences réciproques. L'exercice commun de ces compétences et la revendication de nos droits nous permettraient de mieux défendre, de mieux protéger et de mieux définir la nation et la souveraineté mohawks et de nous assurer que les gouvernements fédéral et provinciaux au Canada, les gouvernements des États américains et les autres Premières nations comprennent bien cette réalité.

Il y a plusieurs autres éléments qui sont rattachés à cette entente commerciale. C'est une entente qui vise le commerce, les affaires et les relations harmonieuses. C'est un test. C'est une tentative d'instaurer pour nous un système de freins et de contrepoids. C'est aussi pour voir la réaction des gouvernements fédéral et provinciaux. Ces gouvernements ont établi des droits de douane et des règlements applicables au commerce interprovincial de certaines des choses dont nous parlons dans notre entente.

Comment un gouvernement peut-il adopter une politique qui favorise le libre-échange entre les peuples au niveau international et du même souffle entraver sinon interdire le commerce intérieur entre les nations et les tribus autochtones du Canada? C'est ce que nous voulons mettre à l'épreuve. La communauté de Kahnawake sera aux côtés de nos frères et de nos soeurs d'Akwesasne pour défendre cette entente. Nous la mettrons en <#0139>uvre, nous l'appliquerons, et s'il y a contestation, nous la défendrons.

Le chef Mike Mitchell: J'aimerais terminer en disant quelques mots sur la justice, et plus particulièrement sur la nécessité d'établir une société respectueuse de lois. Tout comme les Iroquois, les peuples mohawks, dans toute leur histoire et dans tout leur être, croient en un pacificateur qui viendrait dans nos territoires pour y instaurer la grande loi de la paix.

Il y a eu des gouvernements autochtones en Amérique du Nord depuis au moins 1 000 ans. À l'époque du contact, les femmes élisaient les dirigeants. Un homme ne pouvait rester dirigeant que s'il faisait du bon travail. Dans le cas contraire, les femmes lui donnaient trois avertissements, après quoi elles le renvoyaient. Tant qu'il était un bon dirigeant, il n'y avait pas d'élections pendant deux ou même quatre ans. C'était une société unique et créative dans laquelle il y avait beaucoup de freins et de contrepoids. Ensemble, la vérité, la justice et le pouvoir marquaient la société de l'époque. Ces peuples avaient également un grand respect pour leur créateur.

Dans ce contexte social, de 1888 à 1899, le Canada a commencé à faire des efforts en vue d'apporter une certaine démocratie à Akwesasne. La Loi sur les Indiens a prévu un système d'élection. Pendant 100 ans, nos gens ont résisté, essayant de retourner à ce concept autochtone de la prise en mains. En plus de gouverner, il faut faire preuve de respect, non seulement pour les gens et pour l'environnement, mais également pour la Terre, notre mère. C'est ce que l'on enseigne aux nôtres depuis toujours.

Le système électoral prévu dans la Loi sur les Indiens nous a inculqué la cupidité, il nous a appris qu'il fallait avoir le dessus sur l'autre et que c'est le plus puissant qui survivra. Nous avons perdu notre sens d'identité. En ce qui concerne la fonction gouvernementale, notre réponse à la commission royale et au ministère des Affaires indiennes tient compte à la fois des concepts traditionnels et de la réalité moderne dans laquelle nous vivons; ce sont des principes qui remontent à plusieurs siècles et qui s'appliquent encore aujourd'hui.

Je vais inviter notre représentant en matière de justice, le chef Vaughn Phillips, à vous parler de certaines questions liées au domaine de la justice à Akwesasne, de ce que les gens ont été capables de faire tout en respectant les limites établies dans la Loi sur les Indiens.

Le chef Vaughn Phillips, réserve d'Akwesasne: Je suis responsable du portefeuille de la Justice à Akwesasne. Nous nous sommes rendus compte il y a bien des années que nous ne pouvions pas attendre que ce pouvoir nous soit délégué. Il nous fallait élaborer nos propres lois pour les habitants d'Akwesasne. Nous devions aller au-delà des paramètres établis à l'article 107 de la Loi sur les Indiens. Il nous fallait d'abord juger selon les lois que nous avions adoptées par la collectivité, puis demander à nos policiers d'en assurer l'exécution dans notre collectivité.

Nous avons fait tout cela avec très peu de soutien financier des gouvernements fédéral et provinciaux, sinon aucun. Nous devions le faire parce que la population l'avait demandé. C'est elle qui nous a guidés dans ce processus. Nous avons cette capacité actuellement. L'organe législatif de notre système de justice élabore nos lois, s'inspirant à la fois des concepts traditionnels et de la réalité contemporaine, de façon à ce qu'Akwesasne ait vraiment ses propres lois. Nous avons un appareil judiciaire qui ne se limite pas seulement à un juge. Nous avons des programmes de déjudiciarisation, des tribunaux qui s'occupent uniquement des questions liées aux terres, et des groupes de médiation. Nous essayons de couvrir tous les aspects de la justice. Comme je l'ai mentionné, nous avons un service de police chargé de faire respecter ces lois.

Nous avons maintenant besoin d'accords réciproques avec les gouvernements fédéral et provinciaux de sorte que, si nous jugeons qu'une personne doit être envoyée dans un pénitencier en dehors de notre territoire, le gouvernement du Québec ou celui de l'Ontario nous aidera.

Actuellement, le calme et la paix règnent sur le territoire d'Akwesasne. Je suis certain que le gouvernement fédéral aimerait bien penser que c'est grâce à sa décision d'inonder d'agents de la GRC la région de Cornwall et des environs. Toutefois, nous préférons croire que ce calme et cette paix sont l'oeuvre de notre peuple, de nos aînés qui guident le conseil et la collectivité, parce que nous croyons dans la justice à Akwesasne. Nous croyons dans une collectivité calme, pacifique et sûre.

Le chef Mike Mitchell: Ce n'est là qu'un bref exposé sur une collectivité très controversée. Pour vous donner notre point de vue sur notre situation, nous parlons de concepts et d'idées qui n'ont rien à voir avec la dépendance à l'égard du ministère des Affaires indiennes, à l'égard de l'État providence, à l'égard des cadeaux du Canada. Nous parlons d'égalité et de respect mutuel, d'un vrai partenariat.

Notre collectivité est différente de toute autre collectivité en Amérique du Nord, autochtone ou non, et c'est une situation difficile peu importe le genre de leadership qu'on a. Le Canada a besoin d'investir dans la réserve d'Akwesasne. Pour maintenir cette stabilité, le Canada doit devenir un partenaire et accorder son appui dans bien des secteurs, y compris l'application de la loi et les traditions de notre peuple.

Si la paix et le calme règnent sur le fleuve Saint-Laurent, c'est grâce aux aînés qui sont assis derrière moi. Ils ont déclaré la guerre aux trafiquants de drogue qui passent sur notre territoire. La collectivité a fait une loi antidrogue pour les Mohawks d'Akwesasne. Nous voterons sur cette loi ce printemps. Cette loi doit être appuyée par le Canada. Nous devons travailler avec les organismes extérieurs, tant américains que canadiens. Il faut bannir la drogue et les trafiquants de drogue de notre collectivité pour que celle-ci puisse prendre la situation en main, assurer la sécurité et faire régner la loi.

Nous avons partagé avec vous certains des concepts auxquels nous adhérons et des efforts que nous déployons en ce qui a trait à la fonction gouvernementale et à la capacité des gens de se prendre en main et d'assumer la responsabilité de leur collectivité. L'histoire révèle que nous n'avons pas eu la vie facile. Nous disons la même chose que le Canada: pour survivre, pour avoir la paix, nous devons respecter l'ordre public et nous respecter les uns les autres.

Le problème, c'est que les lois nous ont été imposées. Elles ne tiennent pas compte de nos traditions et de nos valeurs. Nous voulons qu'elles en tiennent compte. Si nous pouvions avoir ce mélange, si nous pouvions moderniser nos traditions, si nous pouvions vraiment accepter nos responsabilités, nous pourrions changer les grands titres et dire: «Ce ne sont pas les autochtones qui doivent mettre fin à la contrebande. Nous devons tous faire notre part.» Ce n'est pas nous qui avons mis la frontière internationale ou les frontières entre les provinces et les États là où elles sont. Nous n'avons pas demandé que ces frontières soient établies. Elles ont été mises là pour diviser notre peuple, et elles ont eu l'effet désiré.

C'était là l'essence de notre exposé.

Le sénateur Chalifoux: Merci pour cet exposé des plus intéressants. La nation Blackfoot de l'Alberta et d'autres nations en Colombie-Britannique ont les mêmes préoccupations. Elles sont également à cheval sur la frontière. La seule différence, c'est que ces nations ont été divisées. Les familles vivent d'un côté ou de l'autre de la frontière. En tant que femme autochtone et en tant qu'aînée, j'ai examiné plusieurs de ces questions.

Avez-vous rencontré d'autres nations au Canada pour discuter des préoccupations transfrontalières que vous partagez? Au pays des Blackfoots en Alberta, Harley Frank a été accusé d'avoir vendu son grain de l'autre côté de la frontière. Son grain et son camion ont été confisqués. Cette affaire est actuellement devant le tribunal. Tout cela est lié à la question du traité Jay. J'ai lu un article au sujet d'une affaire semblable en Colombie-Britannique.

Nous avons aussi une organisation autochtone canado-américaine sur le libre-échange. J'ai eu l'occasion de donner une conférence devant les membres de cette organisation. Participez-vous à ces activités?

Le chef Mike Mitchell: Nous participons à toutes ces activités. Nous avons été invités à la conférence sur le commerce autochtone à Calgary. Nous avons été les hôtes d'une conférence sur le commerce autochtone tenue ici même, à Ottawa, en décembre 1997. Beaucoup de représentants des nations autochtones d'un bout à l'autre du Canada ont assisté à cette conférence. En fait, beaucoup de gens nous ont demandé de tenir une autre conférence du genre à mesure que ce dossier progresse.

Nous avons eu l'occasion d'entendre des conférenciers qui ont travaillé à l'ALENA aux États-Unis et au Canada. La conférence visait à permettre aux participants de se pencher sur la façon dont les choses se font à l'échelle mondiale et sur le continent nord-américain et d'examiner la question du commerce autochtone et des responsabilités à assumer à cet égard. Akwesasne joue un rôle de premier plan dans la promotion d'une politique commerciale nationale et de la participation des autochtones au commerce.

Le sénateur Chalifoux: Où en est ce dossier? Y a-t-il un plan d'action issu de cette conférence? Y a-t-il des chances que vous soyez capables d'entreprendre des négociations avec tous les niveaux de gouvernement sur une politique que vous avez élaborée?

Le chef Mike Mitchell: Oui. Un certain nombre de nations et de tribus ont rédigé collectivement une déclaration qui interprète ce que ces droits devraient représenter et la façon dont ils devraient être exercés et qui décrit ce que devraient être nos relations avec les autres. Nous avons réuni des idées et des positions en vue de négociations politiques.

Le sénateur Chalifoux: Où en sont ces négociations?

Le chef Mike Mitchell: C'est un concept relativement nouveau au Canada. On nous a demandé d'informer divers groupes autochtones de ce que nous faisons. Cela finit toujours par ressembler à une conférence parce que beaucoup de gens se réunissent et échangent des idées.

Comme nous l'avons dit plus tôt, nous savons que les droits existent, mais comment devons-nous les interpréter maintenant? Que pense le Canada? Quelles sont ses préoccupations? Lorsque nous discutons de ces questions, il est beaucoup plus facile de dire que nous pouvons interpréter et exercer nos droits de cette façon. C'est le travail que nous faisons dans le moment.

Le sénateur Chalifoux: Il y a des services de police autonomes sur les réserves en Alberta là où la GRC n'est pas présente. Avez-vous la même chose? Si oui, d'où viennent les fonds?

M. Roundpoint: Le service de police d'Akwesasne est autonome. Il compte 21 agents, dont plusieurs femmes. Une entente quadrilatérale entre le Canada, le Québec, l'Ontario et Akwesasne est négociée tous les trois ans, et le financement vient de là. Ce service de police est chargé de l'application des lois communautaires ainsi que des lois fédérales et des lois provinciales de l'Ontario et du Québec. C'est une lourde tâche.

Le sénateur Chalifoux: Ce service de police est-il reconnu?

M. Roundpoint: Oui, il est reconnu.

Le sénateur Chalifoux: C'est très important parce que cela fait partie intégrante de l'autonomie gouvernementale. Le Sénat sera bientôt appelé à examiner le projet de loi C-49, qui porte sur la gestion des terres des Premières nations. Cette mesure législative touche quatorze Premières nations. Êtes-vous au courant?

M. Menczer: Les autochtones d'Akwesasne sont au courant de cette mesure législative. Ils ont eu des discussions avec certains des chefs concernés et entretiennent de bonnes relations avec ces chefs. Cependant, ils ont choisi de ne pas s'intéresser activement à cette mesure législative pour diverses raisons liées à leurs priorités. La gestion des terres est une préoccupation à Akwesasne, mais ce n'est pas une aussi grande priorité que les autres questions qui ont été mentionnées ici.

La déclaration du droit de commerce est le fruit de la conférence d'Akwesasne sur le commerce transfrontalier à laquelle ont participé des Premières nations venant de partout au pays. Elle a été élaborée à ce moment-là et renvoyée ensuite aux diverses collectivités pour qu'elles l'examinent et l'adoptent. Akwesasne et Kahnawake ont incorporé cela dans leur entente. Ce travail se poursuit.

Le sénateur Pearson: Merci beaucoup pour votre exposé que j'ai trouvé fort convaincant. Il était extrêmement intéressant et important. Je suis heureuse que vous ayez pu venir ici aujourd'hui pour partager ces idées avec nous. Je ne suis pas certaine de ce que le Sénat pourra faire à cet égard. Si vous pensez que vous avez une mauvaise réputation, la nôtre est bien pire! Mais nous essayons de faire des choses importantes ici.

La Cour suprême a-t-elle accepté d'entendre la cause?

M. Menczer: Le Canada a demandé la permission de porter la cause en appel. Nous avons soumis notre réponse à cette demande, que nous n'appuyons évidemment pas. Nous croyons que cela a assez duré et nous attendons la décision de la cour à savoir si elle entendra la cause ou non. La Cour d'appel a fortement appuyé la décision du juge de première instance. Nous verrons. C'est quelque chose de nouveau. Nous entendons encore des nouvelles à ce sujet.

Le sénateur Pearson: Si la Cour suprême n'entend pas la cause, le jugement est-il en votre faveur?

M. Menczer: Oui.

Le sénateur Pearson: Ce serait là le résultat le plus immédiat.

M. Menczer: Ce serait là le résultat le plus immédiat et le meilleur résultat que nous puissions avoir. Nous sommes satisfaits de la décision de la Cour d'appel.

Le sénateur Pearson: J'ai une question à poser au sujet de l'éducation. L'évolution nette de la capacité dans votre secteur est une question qui m'intéresse, mais il y a quelque chose que je n'ai pas bien compris. Avez-vous dit que vous aviez 350 étudiants dans des établissements postsecondaires?

M. Garrow: Oui.

Le sénateur Pearson: Où étudient-ils?

M. Garrow: Environ 55 p. 100 étudient dans des universités et collèges aux États-Unis et environ 45 p. 100 sont au Canada.

Le sénateur Pearson: Est-ce que cela pose des problèmes aux Américains?

M. Garrow: Pas du tout. Nous donnons une subvention aux étudiants qui fréquentent des universités et collèges américains. Les étudiants eux-mêmes sont obligés de faire appel à divers programmes de bourses, de subventions, et cetera, à cause du taux de change.

Le sénateur Pearson: C'est très encourageant.

M. Garrow: Effectivement. Nous considérons ces étudiants comme une ressource dont la collectivité pourra profiter plus tard: des enseignants, des environnementalistes, des biologistes, des scientifiques, et ainsi de suite. Nous voulons aussi avoir des économistes et des comptables. Un certain nombre d'étudiants font des études dans ces domaines aux États-Unis et au Canada.

Le sénateur Pearson: Excellent. Avez-vous des élèves au niveau secondaire à Cornwall?

M. Garrow: Oui. Environ 250 élèves fréquentent la General Vanier High School qui, malheureusement, doit fermer ses portes. D'autres élèves fréquentent d'autres écoles à Cornwall. Certains fréquentent des écoles privées.

Le sénateur Pearson: Aimeriez-vous avoir une école dans votre propre collectivité?

M. Garrow: Nous avons une population suffisante pour avoir notre propre école secondaire. Cela fait partie de nos plans, mais cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. Nous nous concentrons sur les besoins spéciaux et les programmes de renforcement qui nous aideront.

Le sénateur Pearson: L'investissement dans les jeunes est la réponse à bien des choses pour l'avenir.

M. Garrow: C'est vrai.

Le sénateur Adams: Vous faites des lois au sein de votre collectivité. Vous avez dit que vous aviez fait des démarches auprès d'Ottawa à cet égard. Je veux des précisions au sujet de vos lois. Sont-elles reconnues par Ottawa ou s'appliquent-t-elles uniquement à votre bande? Comment fonctionne le système? Je veux en savoir plus long. Est-ce que le député de votre région vous aide?

M. Menczer: Les lois sont adoptées par la collectivité, comme le chef Vaughn Phillips l'a mentionné. Elles sont envoyées au ministère des Affaires indiennes par courtoisie. On fait des efforts pour ne pas créer de conflit, pour voir si les désirs de la collectivité correspondent à ce que le ministère des Affaires indiennes est prêt à accepter conformément à son mandat. Dans l'affirmative, la loi est reconnue à la fois par la collectivité et par le ministère des Affaires indiennes. Dans la négative, la collectivité prend une décision et adopte sa propre loi. Elle estime avoir le droit inhérent de le faire en vertu de l'article 35 de la Constitution. Le Canada a accepté cette position, et les lois sont appliquées en fonction de cela.

On s'efforce de collaborer et de faire en sorte que la loi soit reconnue dans la mesure du possible. Le chef Phillips voudra peut-être ajouter quelques remarques au sujet de ce processus.

Le chef Phillips: Nous avons actuellement un processus en quatre étapes pour l'adoption de lois au sein de notre collectivité. Le fondement de la loi est proposé au comité législatif par les gens. Travaillant avec un avocat, le comité législatif prépare l'ébauche de la loi. Une fois l'ébauche terminée, elle est présentée au conseil avant d'être soumise à la collectivité.

Un exemple de cela est la loi interdisant les drogues. Nous y travaillons depuis plus d'un an. L'ébauche de cette loi a été soumise à la collectivité à pas moins de 20 réunions avec les aînés, les jeunes, les femmes et les hommes, dont l'apport a été considérable. Chaque fois que l'ébauche est soumise à la collectivité, des changements y sont proposés.

Nous en sommes à la dernière phase du processus d'adoption de cette loi interdisant les drogues. Le 8 avril, nous aurons une assemblée générale spéciale à Akwesasne. À ce moment-là, selon le nombre de personnes qui assisteront à l'assemblée, le Conseil mohawk aura trois choix. Nous pourrons adopter la loi sur-le-champ; nous pourrons la rejeter sur-le-champ; ou, si les personnes présentes à l'assemblée le désirent, nous pourrons tenir un référendum pour que toute la collectivité puisse se prononcer sur cette loi. Compte tenu des importantes ramifications de cette loi -- qui vise à interdire formellement les drogues chez nous -- je crois qu'elle sera soumise à l'ensemble de la collectivité.

Le sénateur Adams: Le ministère des Affaires indiennes a-t-il accepté certaines des lois adoptées par la collectivité?

Le chef Phillips: Le ministère nous a dit à plusieurs reprises qu'il ne voulait même pas savoir ce que nous faisions, que nous devrions tout simplement le faire.

Le sénateur Adams: Vos lois sont-elles reconnues au Canada et aux États-Unis?

Le chef Mike Mitchell: Cette loi, qui est très importante pour la collectivité, fera l'objet d'un vote tant du côté américain que du côté canadien d'Akwesasne. Je prédis que le ministère des Affaires indiennes ne l'acceptera pas et que le ministère de la Justice y verra un problème.

C'est malheureux parce que cette loi pourrait faire disparaître une industrie illégale de 1 milliard de dollars. Les autorités américaines voient l'utilité des efforts d'Akwesasne pour lutter contre ce problème. Avec l'aide de nos aînés et de nos familles, nous avons déclaré la guerre aux drogues à Akwesasne. Nous avons utilisé nos anciennes traditions pour forcer les trafiquants de drogue à cesser leurs activités. C'est pourquoi cette loi est si importante.

Il y a un manque de compréhension et de sensibilité culturelle dans notre pays. Nous vous demandons de comprendre ce que nous faisons, mais on nous dit que nos façons de procéder vont à l'encontre de celles du gouvernement fédéral.

Il y a beaucoup de travail à faire. Les deux côtés d'Akwesasne, c'est-à-dire le côté canadien et le côté américain, ont reçu le mandat de demander un vote sur l'adoption de cette loi visant à interdire les drogues.

Le sénateur Cochrane: Je m'intéresse à l'arrangement que vous avez avec la Gendarmerie royale du Canada. Vous dites que certains de vos gens travaillent avec les bureaux de la GRC en Ontario et au Québec. Est-ce bien comme cela que vous fonctionnez?

Le chef Raymond Mitchell, réserve d'Akwesasne: Je suis responsable du portefeuille des services policiers. En ce qui concerne les crimes graves, plus précisément la contrebande de drogues, d'étrangers et d'armes à feu, notre service de police travaille avec la GRC, la PPO, la Sûreté du Québec, les autorités américaines, la police de l'État de New York, la DEA, les forces fédérales, et ainsi de suite. Nous avons d'abord proposé verbalement l'idée d'une collaboration avec tous ces services, mais ceux-ci ont manifesté très peu d'enthousiasme. Nous avons mis notre plan sur papier. Une fois qu'ils ont vu ce que nous voulions faire, toutes ces organisations voulaient s'approprier notre plan parce qu'il expliquait comment on pouvait s'y prendre pour débarrasser notre collectivité de la contrebande de drogues, d'armes à feu et d'étrangers.

Nous avons une relation de travail avec toutes ces organisations. Nous avons même des détachements, c'est-à-dire qu'un de nos agents va travailler avec la GRC pendant une certaine période et un de leurs agents vient travailler avec nous. Pour montrer les progrès accomplis, durant la récente tempête de verglas, des agents de la GRC patrouillaient notre territoire dans nos voitures de police. Nos policiers sont allés prêter main-forte à leurs collègues du côté américain d'Akwesasne. Ce petit service de police était complètement débordé, et nos policiers ont permis à ces gens de prendre quelques jours de congé.

Nous voyons Akwesasne comme une collectivité sans frontière. Nous avons aidé. La GRC était là. C'était quelque chose de nouveau pour Akwesasne. Il n'y a pas si longtemps, la présence de services de police de l'extérieur n'était pas acceptée à Akwesasne.

Le sénateur Cochrane: Il me semble que ce serait là la bonne approche à adopter. Croyez-vous qu'on devrait adopter cette même approche dans d'autres secteurs? Le sénateur Pearson a parlé de l'éducation. Avez-vous le même genre d'arrangement dans ce secteur? Avez-vous des discussions et des ententes avec le Québec, l'Ontario, l'État de New York et ainsi de suite dans d'autres secteurs?

Le chef Raymond Mitchell: J'ai oublié de mentionner que nos policiers font l'objet de nominations conjointes avec l'Ontario, le Québec et les forces fédérales. Ils sont reconnus comme policiers par chaque province. Une fois leur formation terminée, ils reviennent et sont assermentés par le Québec, par l'Ontario et par Akwesasne. En fait, ils sont assermentés trois fois.

Le sénateur Cochrane: Quoi qu'il en soit, il me semble que c'est un arrangement acceptable puisque tout le monde a l'air de travailler ensemble dans le même cadre et ainsi de suite. Je me trompe peut-être, mais il me semble que ce soit la bonne approche à adopter. Je crois que c'est un bon arrangement.

Et que se passe-t-il dans les autres secteurs? Parlez-moi de ce qui se passe dans le secteur de l'éducation.

Le chef Mike Mitchell: Pour répondre brièvement à votre question, c'est une question de compétence; il faut qu'Ottawa reconnaisse la situation qui existe au niveau international.

Je vais vous parler d'une situation qui s'est produite au cours des six derniers mois. J'ai emmené à Ottawa le procureur de l'État de New York, un agent du service américain des douanes et de l'immigration, un agent et un superviseur de la patrouille frontalière et des enquêteurs du bureau du procureur des États-Unis. Nous avons eu une réunion de deux ou trois heures avec le sous-ministre des Affaires indiennes, qui était accompagné de représentants du ministère de la Justice. Ils ignoraient totalement les renseignements que nous leur avons fournis au sujet de ce qui se passait autour d'Akwesasne du côté américain. Certains criminels occupant des rangs élevés au sein du crime organisé avaient été arrêtés pour trafic de drogue dans cette région. Ces arrestations avaient été rendues possibles du côté américain grâce à la collaboration avec les Mohawks d'Akwesasne. Cet exemple les a convaincus qu'il était effectivement possible de faire participer Akwesasne à ces efforts.

Nous devons continuer de travailler et de faire pression sur Ottawa. Nous disons au gouvernement fédéral: «Il est préférable que vous travailliez avec nous et que vous nous fassiez participer aux choses qui doivent être faites.» Dans le passé, les autorités responsables de l'application de la loi voyaient les habitants d'Akwesasne comme une bande de criminels. On refusait de fournir des renseignements à notre service de police, à notre système de justice, à notre conseil et aux membres de la collectivité en général parce que nous étions tous des suspects. Nous avons commencé à faire des changements au sein de la collectivité, et ces changements ont porté fruit. On commence à voir la différence.

Nous commençons à voir s'établir un climat de confiance avec la GRC. Nous avons de nombreux points en commun. On manque parfois de respect envers notre travail, mais la situation s'améliore. Nous sommes toutefois encore bien loin de notre but.

Le sénateur Cochrane: C'est ce que je voulais entendre. Je suis heureuse que la situation s'améliore. Comme dans toute autre chose, où qu'on soit ou qui qu'on soit, on aura toujours des conflits, mais tant que les choses s'améliorent, c'est bien. Il faut travailler pour que les choses s'améliorent. Je suis heureuse de vous entendre dire cela, grand chef.

Le chef Mike Mitchell: Le Canada a refusé de reconnaître la compétence des Mohawks. Il pense qu'il a la priorité absolue et qu'il a compétence dans tous les domaines. Cela a nui à la participation des Mohawks. Cela a été un obstacle au progrès dans bien des secteurs. Nous arrivons quand même à avancer lentement pour ce qui est de promouvoir les initiatives et les efforts conjoints en faisant valoir notre compétence et en donnant l'exemple.

Le sénateur Cochrane: Vous avez mentionné votre budget annuel de 58 millions de dollars. Je ne sais pas comment fonctionne votre organisation. Combien d'argent recevez-vous du gouvernement fédéral pour votre budget annuel?

Le chef Mike Mitchell: Nous recevons environ 45 millions de dollars du gouvernement fédéral, que nous utilisons dans des secteurs comme l'éducation, la santé, les programmes sociaux, l'aide sociale, et ainsi de suite. Nous administrons cet argent.

M. Menczer: Je veux éclaircir un point. Cet argent n'est pas simplement donné à Akwesasne. Par exemple, une partie importante de cette somme sert à administrer des programmes comme le logement, l'éducation ou l'aide sociale. Si cet argent n'était pas administré par le gouvernement mohawk d'Akwesasne, il serait dépensé par le ministère des Affaires indiennes ou par Santé Canada pour l'administration des mêmes programmes. Nous ne faisons essentiellement qu'administrer cet argent.

Le sénateur Cochrane: Je ne dis pas le contraire, mais cet argent vous est donné pour que vous l'administriez, pour qu'il serve à financer vos différents services et à aider vos gens de diverses façons, n'est-ce pas?

M. Menczer: Oui, effectivement, mais il y a bien des restrictions. Comment cet argent pourrait être administré de façon plus efficace est une question que nous pourrions peut-être examiner un autre jour.

Le sénateur Gill: Pouvez-vous nous parler un peu de vos services de santé? Nous n'avons encore rien entendu à ce sujet.

Mme Lucy Papineau, directrice de la Santé, réserve d'Akwesasne: Le service du développement social et de la santé compte 285 employés. Nous sommes fiers de nos diverses installations. Nous avons un centre de soins de longue durée de 30 lits en Ontario, une résidence pour personnes âgées de 30 lits au Québec, une clinique en Ontario et une au Québec, et une clinique dentaire. Nos divers programmes de santé vont de la prévention aux soins tertiaires. Nos programmes sociaux répondent aux besoins communautaires et sociaux. Nous avons aussi trois garderies.

Cependant, nous avons constamment des défis à relever sur le plan législatif et sur le plan des limites de compétence à cause de notre situation géographique unique. Nos professionnels sont régis par l'organe législatif de la province où ils pratiquent et ne peuvent pas aller d'une province à l'autre à moins d'être enregistrés dans les deux provinces. Parfois, nos médecins ne sont pas membres de l'association au Québec et refusent de voir nos patients. Nous avons deux régimes d'assurance-maladie, soit celui de l'Ontario et celui du Québec. Comme vous pouvez le voir, nous sommes constamment confrontés à des difficultés et à des contraintes.

Notre but à long terme est d'avoir notre propre législation mohawk en matière de soins de santé afin d'avoir le meilleur des deux mondes et de pouvoir établir nous-mêmes les conditions de travail de nos professionnels. Nous voulons notre propre carte d'assurance-maladie qui combinerait les régimes de l'Ontario et du Québec pour répondre aux besoins de notre collectivité. En avril 1997, le Conseil mohawk a négocié avec Santé Canada pour que nous soit transférée la responsabilité de notre système de soins de santé. Nous avons maintenant cette responsabilité. Dans notre système de soins de santé, nous avons un processus d'évaluation qui nous permet d'aller dans la collectivité pour répondre aux besoins des gens.

Le président: Comme le sénateur Pearson l'a dit, nous, au Sénat, avons un problème de réputation, comme vous, à cause de la perception créée par les médias.

Avant que je ne commence à communiquer avec les leaders de la collectivité concernée, je ne comprenais pas clairement la situation. Je suis certain que cette même lacune au niveau de la connaissance et de la compréhension existe au sein de la population canadienne en général. Que faire dans un tel cas? Je crois que nous avons beaucoup de travail à faire, non seulement en ce qui a trait à vos problèmes particuliers, mais aussi en ce qui a trait à tout le concept de la fonction gouvernementale et de la compétence. Aujourd'hui, aux termes de la Constitution, il n'y a que deux niveaux de gouvernements dans notre pays: le gouvernement fédéral et les provinces.

J'ai participé directement, dès le début, aux négociations sur le rapatriement de la Constitution au Canada. L'article 35 de la Constitution a sa raison d'être. Les autochtones savent pourquoi il existe. Le gouvernement sait aussi pourquoi l'article 35 a été inclus dans la Constitution. Cependant, on fait parfois semblant de l'oublier ou on ne veut tout simplement pas s'en souvenir.

La route sera longue, mais nous devons essayer de trouver une façon d'arriver à notre but. Je sais que les procédures judiciaires ne sont pas terminées et que vous êtes prêts à donner une autre chance au gouvernement du Canada. Toutefois, il ne s'agit plus de déterminer si les droits existent ou non. Il s'agit plutôt d'obtenir que ces droits soient reconnus et de déterminer si cette reconnaissance s'applique seulement à une région géographique ou aux autochtones d'un bout à l'autre du pays.

Les Mohawks ont une lourde responsabilité à assumer au nom de toutes les nations autochtones du pays. Nous savons que nous devons informer la population canadienne en général. Pouvons-nous, en tant que groupes autochtones, essayer de faire comprendre notre point de vue aux Canadiens? Il doit être absolument clair que nous n'essayons pas de faire obstruction au système mais bien d'améliorer celui-ci pour le rendre plus efficace pour eux et pour nous. Si c'est le cas, lorsque le gouvernement du Canada aura l'impression qu'il a épuisé tous les recours possibles dans cette bataille, il devra établir un mécanisme pour communiquer avec nous. Comme vous l'avez mentionné, le Conseil mohawk d'Akwesasne est prêt à poursuivre les négociations avec le gouvernement fédéral. Peut-être que ce comité peut essayer d'accélérer les choses et d'amener le gouvernement à se pencher sur cette question en établissant une table de négociation. Est-ce que ce serait acceptable pour vous si nous essayions de faire des démarches en ce sens en votre nom? C'est directement lié à la question que nous étudions, soit la fonction gouvernementale. J'aimerais entendre vos opinions à ce sujet.

Le chef Mike Mitchell: Vos démarches seraient grandement appréciées.

Le président: Ce serait utile si vous pouviez devenir membre du groupe de travail que nous essayons d'établir sur la fonction gouvernementale avec une base économique. Nous voulons quelque chose que nous pourrions montrer aux Canadiens en disant: «Voici ce que nous voulons dire.» Je crois que le commerce fait partie intégrante de tout ce concept. Nous vous invitons cordialement à participer au processus.

La séance est levée.


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