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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 25 - Témoignages du 14 avril 1999


OTTAWA, le mercredi 14 avril 1999

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones à qui a été renvoyé le projet de loi C-49, Loi portant ratification de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations et visant sa prise d'effet se réunit aujourd'hui, à 17 h 40, pour en étudier la teneur.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Cet après-midi nous accueillons des représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada qui vous entretiendront du projet de loi C-49. Vous avez la parole.

M. Bob Watts, sous-ministre adjoint, Services fonciers et fiduciaires, ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada: Nous avons préparé un texte qui sera fourni au comité. Il est en cours de traduction au moment où on se parle.

Honorables sénateurs, c'est un plaisir pour moi de pouvoir m'entretenir avec vous cet après-midi. Les personnes qui m'accompagnent sont Mme Geneviève Thériault, des Services juridiques, M. Kerry Kipping, directeur des projets liés aux ressources et M. Leroy Paul, conseiller en politiques des Services fonciers et fiduciaires.

Pour commencer, j'aimerais prendre quelques minutes pour vous présenter l'historique et une vue d'ensemble du projet de loi C-49, la Loi sur la gestion des terres des Premières nations et je répondrai ensuite à vos questions à ce propos.

Le 12 février 1996, le Canada et 14 chefs signaient l'Accord- cadre sur la gestion des terres des Premières nations. Le projet de loi C-49, la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, constitue la mesure législative issue de cette initiative. S'il est adopté par le Parlement, il servirait à ratifier l'accord-cadre.

L'accord-cadre et le projet de loi ne changeraient pas radicalement la relation fiduciaire de l'État avec les Premières nations signataires, quoique certaines obligations qui en découlent diminueraient graduellement pour l'État, à mesure que les Premières nations exercent leur nouveau pouvoir et assument leurs responsabilités en vertu du nouveau régime. L'accord-cadre et la mesure législative permettent aux Premières nations signataires de se soustraire à l'application des articles de la Loi sur les Indiens concernant la gestion foncière et d'établir leur propre régime pour la gestion de leurs terres et de leurs ressources, procurant ainsi une plus grande maîtrise sur le plan local.

L'élaboration de l'accord-cadre et du projet de loi s'est déroulé entièrement en partenariat avec les Premières nations concernées, en vue de favoriser les initiatives d'autogestion qui se traduiront, entre autres, par un développement économique plus fructueux dans les réserves, pour soutenir l'établissement de collectivités durables. Ces mesures habilitent les Premières nations à réagir sans délai aux décisions entourant les transactions commerciales associées à la gestion des terres.

À l'heure actuelle, en vertu de la Loi sur les Indiens, il est fréquent que de nombreux mois s'écoulent avant d'obtenir une décision concernant la gestion foncière et, souvent, des occasions d'affaires sont perdues pour cette raison. Cette initiative constitue une certaine forme d'autonomie gouvernementale sectorielle, adaptée aux besoins d'un groupe particulier de Premières nations; elle n'engage aucunement les autres Premières nations à suivre ce modèle. Il importe de comprendre que le régime foncier régissant les terres de réserve est unique, et prévoit la propriété des terres par l'État pour l'usage et le profit des membres des Premières nations.

Durant l'élaboration du projet de loi C-49, les provinces et les municipalités concernées ont été consultées. Lorsque des préoccupations nous étaient signalées, les représentants fédéraux ont rencontré les parties en cause pour essayer d'y répondre. Par exemple, nous avons eu des rencontres à plusieurs reprises avec des associations municipales, avec les sociétés de loterie, les entreprises de transport ferroviaire, de gazoduc et d'oléoduc, les associations de locataires en Ontario et les compagnies de services publics. Cette initiative contribue à faire progresser les efforts du gouvernement pour accroître l'autosuffisance dans les collectivités des Premières nations, en leur procurant les instruments nécessaires à une gestion efficiente et efficace des terres. Ce nouveau régime éliminera l'onéreuse réglementation imposée par la Loi sur les Indiens et permettra aux Premières nations signataires d'élaborer des initiatives de croissance économique et de création d'emplois, au profit de la collectivité tout entière.

Dans l'ensemble, le gouvernement fédéral vise à travailler en partenariat avec les autochtones pour assurer qu'ils ont en main les compétences et l'expérience voulues pour façonner leurs propres solutions. Le projet de loi C-49 représente une importante composante de cet effort et s'inscrit dans les objectifs généraux énoncés, il y a un peu plus d'un an, dans «Rassembler nos forces: Le plan d'action du Canada pour les questions autochtones».

Conformément à «Rassembler nos forces», nos priorités étaient de renouveler les partenariats avec les autochtones, de renforcer leurs régimes d'exercice des pouvoirs, d'édifier une nouvelle relation financière, de renforcer les collectivités et les économies, et d'appuyer les gens. Le projet de loi C-49 contribue de manière significative à la réalisation de chacun de ces objectifs.

J'aimerais ici faire valoir pour votre gouverne certains des plus importants enjeux du projet de loi C-49 et de l'accord-cadre. L'accord-cadre sur la gestion des terres des Premières nations ne constitue pas un traité. Il s'agit d'une délégation de pouvoirs sectoriels visant à renforcer les capacités des Premières nations dans le domaine de la gestion foncière. Par exemple, il est prévu d'offrir de la formation en gestion des terres aux représentants des Premières nations signataires ainsi qu'une assistance technique par l'entremise du Conseil consultatif sur les terres des Premières nations. La mesure législative n'a aucune répercussion sur les traités ou les droits ancestraux dont pourraient jouir l'une ou l'autre des Premières nations signataires.

La Charte canadienne des droits et libertés s'applique à la loi, aux codes fonciers et aux lois des Premières nations adoptées en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Le projet de loi, à l'encontre de la Loi sur les Indiens, ne précise pas les modalités de la gestion des terres. Il établit plutôt une assise, notamment un ensemble de principes et de processus convenus d'un commun accord, qui permet aux Premières nations d'élaborer un régime de gestion locale, moderne et responsable. Au nombre des caractéristiques notoires du processus figurent la transparence, l'obligation de rendre des comptes, la participation des membres des collectivités, les consultations et les politiques visant une gestion responsable. Ces éléments se manifestent d'ailleurs dans les trois codes fonciers déjà ratifiés par les Chippewa de Georgina Island, les Mississauga de Scugog Island et la Première nation de Muskoday.

Il importe de faire remarquer que les collectivités ont accordé leur appui à cette initiative par une majorité écrasante. Dans le cas de Georgina Island, la collectivité s'est prononcée en faveur à 150 contre 21; à Scugog Island, le vote favorable était de 72 contre 4; et à Muskoday, le résultat du vote était de 309 en faveur contre 40.

Cet appui est issu des consultations multiples entreprises auprès des membres des collectivités pour veiller à ce qu'ils soient en mesure de prendre une décision éclairée lors du vote de ratification. Ces collectivités des Premières nations méritent qu'on rende hommage à leur travail concerté pour définir une nouvelle orientation fondée sur leurs valeurs communes. Il est aussi manifeste que ces collectivités prennent leurs responsabilités au sérieux et souhaitent agir non seulement dans leur propre intérêt mais aussi au profit des autres qui ont des rapports quotidiens avec elles. Présentement, comme je l'ai dit tout à l'heure, cette initiative ne s'applique qu'au 14 Premières nations signataires de l'accord-cadre.

L'accord-cadre et le projet de loi prévoient tous deux la réalisation d'une étude, d'ici les quatre prochaines années, portant notamment sur les questions suivantes: le fonctionnement du régime de gestion des terres, la pertinence et l'adéquation du financement, le rôle continu du Conseil consultatif sur les terres, l'inclusion d'autres Premières nations, des changements susceptibles d'améliorer le fonctionnement de la gestion des terres, identifiés dans l'étude, les mécanismes de règlement extrajudiciaire des différends et tous les autres éléments sur lesquels se seront entendues les parties. Une fois cette étude complétée, ainsi que de plus amples consultations provinciales, il sera alors possible de rendre le régime accessible à d'autres Premières nations par voie d'un décret du conseil.

Afin de répondre aux préoccupations concernant la protection des droits des tierces parties, le projet de loi C-49 exige que les représentants des Premières nations avisent toute personne qui détiendrait des droits sur une terre à laquelle s'applique un code foncier proposé, avant que ces derniers ne fassent l'objet d'un vote par la collectivité. Les détenteurs de droits pourront ainsi avoir la possibilité de faire valoir leurs préoccupations aux Premières nations.

À notre avis, le projet de loi C-49 et le processus qu'il prévoit sont bien fondés. Les modalités, nous l'avons déjà dit, ont été élaborées dans le contexte d'un partenariat à part entière avec les Premières nations concernées, en vue de favoriser les initiatives d'autogestion qui se traduiront, entre autres, par de meilleures conditions économiques dans les réserves.

Elle respecte le principe voulant que les collectivités des Premières nations signataires jouissent de la possibilité de participer activement à l'élaboration d'un régime qui aura des répercussions directes sur leur quotidien, ce qui est conforme aux recommandations émanant de la Commission royale sur les peuples autochtones.

Les modalités procurent aux Premières nations des possibilités de perfectionner leurs compétences et d'accroître leur expérience en gestion des terres. Elles assurent la participation des collectivités aux décisions, en exigeant que le code foncier soit approuvé sur le plan local, renforçant ainsi l'obligation de rendre des comptes de la part du chef et du conseil envers les membres.

Honorables sénateurs, il s'agit aussi de l'une des premières mesures législatives fédérales concernant les Premières nations -- exception faite d'une revendication territoriale ou d'un traité --, qui exige expressément la participation entière de la collectivité, c'est-à-dire de toutes les personnes vivant dans la réserve et en dehors de la réserve. Actuellement, la Loi sur les Indiens, par exemple, accorde le privilège de voter uniquement aux personnes vivant normalement dans la réserve. Les modalités remettent les pouvoirs de la gestion des terres entre les mains des Premières nations ce qui représente une amélioration et une modernisation de la situation actuelle en vertu de la Loi sur les Indiens. Le processus prévoit une réduction des interventions du ministère et de la ministre dans les décisions et les activités entourant la gestion foncière dans les collectivités des Premières nations signataires et confère désormais cette responsabilité à ces dernières. Il permet aux collectivités des Premières nations signataires de tirer profit des possibilités d'initiatives susceptibles de faire croître l'économie et l'emploi. Il procure les instruments nécessaires pour garantir la mise en place d'un régime opérationnel efficace, comme les pouvoirs de légiférer des Premières nations et de faire respecter leurs lois, ainsi que les mécanismes de règlement des différends. Il prévoit aussi une forte obligation de rendre des comptes au sein des Premières nations.

Le projet de loi C-49 protège les intérêts des tierces parties en garantissant la poursuite des modalités existantes des baux, des licences et des permis, et il prévoit une tribune de règlement des différends.

En outre, le projet de loi permet aux Premières nations signataires de s'inscrire en chefs de file pour combler la lacune législative qui existe concernant les biens immobiliers matrimoniaux. À l'heure actuelle, il n'existe aucune loi régissant cette question. La Loi sur les Indiens est muette sur le sujet. Il s'agira de la première fois où il sera possible de régler cet enjeu dans les collectivités des Premières nations et surtout, par elles.

Le projet de loi favorise l'élaboration de régimes de protection et d'évaluation environnementales, qui s'harmoniseront avec ceux en vigueur sur les plans fédéral et provincial. Ces régimes devront faire l'objet de négociations et d'une approbation par la ministre du MAINC, le ministre de l'Environnement, les Premières nations et les provinces, si elles souhaitent participer. Les régimes prévoient des mécanismes de consultation.

Le projet de loi offre également une meilleure protection des assises territoriales des réserves, en éliminant l'application de l'article 35 de la Loi sur les Indiens sur le pouvoir d'expropriation et en limitant les pouvoirs fédéraux à cet égard. Ces terres ne peuvent pas être vendues ni aliénées, sauf par voie d'un échange de terres. L'intégrité des terres en question doit être maintenue.

Le projet de loi favorise de bonnes relations entre les Premières nations signataires et les compétences avoisinantes, en conférant le pouvoir de transiger directement entre elles, sans l'intervention du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien dans chacune des transactions. Par exemple, à l'heure actuelle, si une compétence voisine souhaite conclure une entente de services, il est possible pour les Premières nations de négocier les modalités, mais il est nécessaire d'obtenir l'approbation de la ministre pour que l'entente soit conclue. Le processus peut être très long, comme vous le diront la plupart des personnes qui ont dû vivre cette frustration.

Le projet de loi C-49 ne se veut pas une solution à tous les problèmes associés à la Loi sur les Indiens ou aux terres de réserve, mais il constitue un pas important dans la solution de certains d'entre eux.

Au cours des débats entourant le projet de loi, un certain nombre de questions ont été soulevées. Nous sommes au fait de ces préoccupations et aimerions maintenant vous les exposer brièvement.

Le recours à l'expropriation est un instrument bien établi de l'exercice des pouvoirs et une facette essentielle de la gestion foncière. On ne l'invoque pas aisément. De plus, toute expropriation peut être assujettie à un examen par les tribunaux. Les Premières nations, dans l'exercice de leurs pouvoirs en matière d'expropriation, seraient tenues de respecter les principes de justice naturelle, les principes généraux qui s'appliquent à l'expropriation au Canada et seraient sujettes à l'application régulière de la loi. Ces principes englobent la signification d'un avis, l'enregistrement de l'avis dans le Registre des terres indiennes, le droit d'opposition, l'établissement d'une tribune indépendante pour entendre les objections avant que soit accordée l'autorisation d'exproprier, des procédures de prise de possession de l'intérêt en cause, ainsi qu'une indemnisation en temps opportun.

Comme vous le savez, mesdames et messieurs les sénateurs, diverses compétences de gouvernement détiennent un pouvoir d'expropriation. Au nombre d'entre elles figurent notamment les gouvernements fédéral et provinciaux, les institutions publiques et privées, comme les municipalités, les commissions scolaires, les universités, les hôpitaux et les services publics -- par exemple, les compagnies d'électricité, les agences de gazoducs et d'oléoducs, les autoroutes, les compagnies ferroviaires et les agences environnementales.

Les pouvoirs d'expropriation peuvent être exercés dans l'intérêt de la collectivité, ou pour d'autres fins d'intérêt collectif pour les Premières nations. Dans ce cas précis, l'intérêt de la collectivité vise les projets d'approvisionnement en eau et d'égouts, et les autres fins d'intérêt collectif pour les Premières nations veulent dire des hôpitaux, des écoles, des casernes de pompiers, des maisons de retraite et autres. C'est un pouvoir que les Premières nations n'exerceront pas à la légère. Elles n'y auront recours que si d'autres moyens d'acquérir les droits en question ont échoué.

Il doit y avoir une indemnisation, comme le stipule la Loi sur l'expropriation du régime fédéral. Cette dernière doit prendre en compte l'utilisation optimale dans le calcul d'une juste valeur marchande, ainsi que les autres éléments qu'il faut considérer habituellement dans la détermination de l'indemnisation.

En ce qui concerne les biens matrimoniaux, à l'heure actuelle, dans les cas d'échec du mariage, la répartition des biens matrimoniaux, comme l'automobile, l'argent, les régimes de retraite ou les biens immobiliers qui sont situés en dehors des réserves, est déterminée conformément aux lois provinciales. Le jugement de la Cour suprême du Canada, dans la cause Derrickson c. Derrickson, établissait que les lois matrimoniales provinciales ne pouvaient pas s'appliquer pour déterminer la répartition des droits détenus dans des terres de réserve, parce que ces terres sont de la compétence exclusive du gouvernement fédéral.

Le gouvernement fédéral convient qu'il existe une lacune juridique dans la Loi sur les Indiens, concernant la question des biens matrimoniaux. Il faut bien comprendre que les Premières nations se trouvent dans une situation unique. Leurs terres sont détenues par la Couronne au profit de la collectivité. Les terres n'appartiennent pas à des membres particuliers de la bande.

Cette situation singulière est l'une des raisons qui motive une recherche factuelle concernant cette lacune juridique dans la Loi sur les Indiens, entreprise par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, en consultation avec des représentants autochtones. Par ailleurs, il incombe toujours aux 14 Premières nations auxquelles s'applique le projet de loi C-49 de tenter de régler cette question dans leurs propres codes fonciers.

Les Premières nations signataires exercent un rôle de chef de file dans ce travail qui consiste à combler cette lacune de la Loi sur les Indiens concernant les biens immobiliers matrimoniaux dans leurs collectivités respectives. L'accord cadre et la mesure législative prévoient un processus collectif devant être inclus dans le code foncier, qui exige que la collectivité, et non pas le conseil, élabore des règles et des procédures régissant l'usage, l'occupation et la possession des terres de la Première nation, ainsi que la répartition des droits sur les terres dans le cas d'échec d'un mariage. Ces règles et ces procédures ne doivent faire aucune discrimination fondée sur le sexe. La Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de la Constitution, s'applique, car c'est la Constitution qui est la loi suprême au Canada.

En ce qui concerne les consultations, les Premières nations reconnaissent qu'il s'agit là d'un élément important dans la gestion des terres. Elles ont l'intention de renforcer les relations existantes et d'en établir de nouvelles, au besoin, avec les compétences avoisinantes. Les ententes déjà en vigueur, comme celles portant sur les services publics ou les forces de l'ordre, s'en trouveront également renforcées.

Les Premières nations sont disposées à établir des ententes bilatérales qui doivent être de nature réciproque en ce qui a trait à toutes les compétences.

Honorables sénateurs, nous sommes convaincus qu'il s'agit d'un bon projet de loi. Il favorise l'autosuffisance économique et des gouvernements responsables chez les Premières nations. Il représente un pas positif dans la bonne direction pour les Premières nations. Nous croyons que les Premières nations, dont vous entendrez les propos un peu plus tard durant cette présentation, bénéficieront de leurs nouveaux pouvoirs et de leurs nouvelles compétences, dans le renforcement de leurs collectivités ainsi que dans l'élaboration de pratiques plus rigoureuses du gouvernement. Cette initiative concerne l'édification de solides collectivités durables et nous croyons que ce projet de loi fait progresser les Premières nations dans cette voie.

Nous avons entendu que les principes sur lesquels s'appuie le projet de loi, c'est-à-dire le développement économique, l'exercice des pouvoirs, la responsabilisation, la création de capacités et l'exercice de la gestion foncière qui est soustrait à la Loi sur les Indiens, sont orientés vers l'avenir. Nous sollicitons votre appui pour aider les Premières nations à réaliser leurs aspirations et à reprendre la maîtrise de leurs terres et de leurs ressources.

Honorables sénateurs, ceci conclut ma présentation et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le sénateur St. Germain: Comme vous l'avez si bien souligné, monsieur Watts, les points de préoccupation visent les questions d'expropriation et de biens matrimoniaux, ainsi que le code foncier.

Je viens de la Colombie-Britannique et je sais que la population de la côte Ouest s'inquiète beaucoup en ce qui concerne l'expropriation. Logiquement, la situation de Musqueam a suscité de la controverse, même s'il y a eu de l'exagération dans certains domaines.

À mon avis, il s'agit d'un bon projet de loi, car il aidera ces 14 bandes à s'affirmer et, espérons-le, les aidera au plan économique de manière à devenir viables dans leurs collectivités respectives.

Il s'agit en fait de trouver une solution acceptable pour tous. Je suis sûr que vous suivez le hansard. Comme l'a déclaré le juge en chef Lamer, nous sommes tous ici pour y rester. Nous devons trouver des solutions qui ne créent pas de différences entre les collectivités. Musqueam fait partie de cette entente également. En Colombie-Britannique, la question relative à la bande de Musqueam doit être réglée en priorité. C'est dans cet esprit que je vous pose ces questions.

Tout d'abord, on me dit que la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande sechelte traite différemment de la question de l'expropriation. Si je comprends bien, le projet de loi C-49, tel que libellé, ne cadre pas nécessairement avec les exigences de la Loi sur l'expropriation du gouvernement fédéral. C'est ce que plusieurs personnes ont porté à notre attention par suite de certaines rumeurs voulant que des bandes indiennes augmentent les loyers et les taxes pour les besoins de l'expropriation. C'est l'avis de certains.

Pourquoi la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande sechelte en traite différemment? Apparemment, cette loi va main dans la main avec la Loi sur l'expropriation du gouvernement fédéral, contrairement à ce projet de loi. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

M. Watts: Je vais commencer à répondre avant de donner la parole à M. Kipping.

Dans le processus qui a mené à la rédaction de ce projet de loi, nous avons examiné les lois sur l'expropriation de tout le pays, y compris la loi fédérale. Dans ce cas, la négociation portait en particulier sur les 14 Premières nations avec lesquelles nous traitions. Elles peuvent ne pas avoir les mêmes intérêts. Par ailleurs, cela se produit à un autre moment que celui où la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande sechelte a été mise au point.

Il est clair que certaines des définitions et certains des processus retenus dans ce projet de loi sont compatibles avec la Loi fédérale sur l'expropriation, par exemple, la notion du calcul de l'indemnisation. Certaines des périodes, comme celles relatives aux préavis, sont compatibles également avec la Loi fédérale sur l'expropriation. D'un point de vue général, ce que visent le projet de loi et l'accord cadre et ce que vont viser les conventions de transfert avec les Premières nations, reflètent les discussions tenues aujourd'hui avec les Premières nations, discussions qui ne sont pas les mêmes que celles tenues avec la bande sechelte il y a de nombreuses années.

M. Kerry Kipping, directeur, Direction des projets liés aux ressources, Services fonciers et fiduciaires, ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada: Pour ce qui est du processus global de l'expropriation, nous avons examiné les dispositions relatives à l'expropriation de la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande sechelte et en avons conclu qu'elles sont semblables, voire même identiques, aux dispositions prévues dans le projet de loi C-49, Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Par exemple, la loi sechelte indique que les pouvoirs d'expropriation peuvent être exercés dans l'intérêt de la collectivité. Dans le projet de loi C-49, les pouvoirs d'expropriation peuvent être exercés pour la réalisation d'ouvrages devant servir à la collectivité ou pour d'autres fins d'intérêt collectif pour les Premières nations. D'après nous, ces pouvoirs sont semblables et le libellé est identique à celui de l'accord sechelte.

La Première nation sechelte a le pouvoir de prendre des lois justes et raisonnables à l'égard de l'expropriation. Dans le projet de loi C-49, nous pensons avoir inclus des dispositions semblables à celles de la Loi sechelte, des dispositions identiques au processus prévu en vertu de la Loi fédérale sur l'expropriation.

Pour ce qui est de l'expropriation, en termes concrets, les Premières nations prévoiront ces règles et procédures, mais elles s'inspireront de la Loi fédérale sur l'expropriation pour ce faire. Par exemple, si l'on examine les dispositions relatives à l'expropriation que l'on retrouve dans le code foncier Muskoday, on s'aperçoit qu'elles sont identiques aux dispositions et aux processus prévus par la Loi fédérale sur l'expropriation en ce qui concerne l'expropriation proprement dite, le préavis, et l'indemnisation. Nous croyons que les dispositions du projet de loi C-49 relatives à l'expropriation reflètent également ces processus et dispositions. Même si le libellé peut être légèrement différent, l'esprit est le même que celui de la Loi fédérale sur l'expropriation.

Le sénateur St. Germain: Pourquoi n'avez-vous pas repris les termes que l'on retrouve dans l'actuelle Loi sur l'expropriation du gouvernement fédéral au lieu de vous aventurer sur un terrain glissant, portant à la controverse? Je ne suis pas avocat, mais j'ai certainement déjà payé des avocats dans ma vie. À partir du moment où vous commencez à vous écarter de ce qui est accepté comme étant la loi, vous ouvrez la porte à des procès. J'ai bien l'impression que les avocats de la Colombie-Britannique -- qui représentent les divers organismes qui seront touchés -- s'inquiètent à ce sujet.

Si vous pouvez répondre à ces questions au fur et à mesure, peut-être que bien de nos inquiétudes seront apaisées, et que vous pourrez ainsi atténuer tous les problèmes dont nous allons discuter.

M. Kipping: Nous avons utilisé des expressions qui à notre avis reflètent la réalité des Premières nations.

Par exemple, dans le projet de loi C-49, nous utilisons la phrase: «fins d'intérêt collectif» pour une Première nation. Selon nous, les fins poursuivies par cette Première nation reflètent les fins d'intérêt public du Canada. Elles reflètent les termes de la Loi fédérale sur l'expropriation qui parle de «fins d'intérêt public». La collectivité de la Première nation représente l'intérêt public des Premières nations. Par conséquent, nous croyons que ces mots veulent dire la même chose.

Nous avons présenté ces processus à nos conseillers juridiques qui nous ont dit que nous sommes cohérents quant à la voie que nous poursuivons. Nous avons reçu des conseils juridiques semblables sur d'autres termes, comme, par exemple, ceux de la disposition qui stipule que les Premières nations doivent tenir compte des niveaux d'indemnisation prévus par la Loi sur l'expropriation, lorsqu'elles procèdent à des expropriations ou calculent l'indemnisation. Nous avons examiné des précédents fédéraux à cet égard. La Cour suprême a arrêté dans plusieurs affaires que l'expression «tient compte de» reflète le mot «doit», si bien que nous considérons avoir de solides arguments à cet égard. Nous ne croyons pas que les mots que nous avons utilisés portent atteinte aux genres de positions que l'on retrouve dans la Loi fédérale sur l'expropriation ou dans toute autre loi du pays sur l'expropriation, que nous avons examinées.

Le sénateur Andreychuk: À mon avis, vous avez raison de dire que des expressions comme «tenir compte de» sont assez compatibles avec la Loi sur l'expropriation, qu'il s'agisse de la loi fédérale et d'autres lois, mais le mot «public» pose un problème. Le concept d'expropriation à des fins d'utilité publique a initialement fait peur au Canada, mais au fil du temps, la jurisprudence a défini ce que sont les «fins d'utilité publique». Le dilemme qui se pose, selon moi, c'est que rien dans ces définitions n'indique que «l'intérêt de la collectivité» et «les fins d'intérêt collectif» pour une Première nation tombent dans les mêmes catégories que ce que l'on qualifierait d'intérêt «public» et, par conséquent, il serait facile pour les deux côtés de dire, que dans des circonstances semblables, ils pourraient procéder à des expropriations. Toutefois, comme vous n'en établissez pas le rapport, ni dans la définition ni dans l'article où vous définissez «intérêt de la collectivité» et «fins d'intérêt collectif» pour une Première nation, je me retrouve dans la position -- et bien sûr, je dois dire que je suis avocate -- où je pense pouvoir dire que les fins d'intérêt collectif pour une Première nation équivalent à des fins d'intérêt public, tout en étant peut-être différentes. C'est le dilemme qui va se poser et qui suscite une certaine appréhension.

Personnellement, je suis convaincue que les Premières nations vont s'en tenir à la définition de «fins d'intérêt public», mais ce qui m'inquiète, c'est qu'il s'agit d'une nouvelle expression qui ne semble pas rassurer les esprits. Vous utilisez l'expression «fins d'intérêt collectif» pour une Première nation et vous dites qu'elle équivaut à l'expression «fins d'intérêt public», mais je ne retrouve pas cette affirmation dans le projet de loi si bien qu'il ne me reste plus qu'à me fier à la bonne volonté des Premières nations. Rien dans le projet de loi ne les oblige à le faire et c'est cette lacune qui pose un problème. Ayant parlé aux Premières nations, je sais qu'elles ont certainement l'intention de le faire, mais cela n'est pas inscrit dans le projet de loi.

M. Kipping: Nous avons examiné la Loi fédérale sur l'expropriation pour essayer de trouver des définitions de «fins d'intérêt public». Il n'y en a pas. Ce concept est défini à la suite de procédures d'appel, d'expropriations, ainsi que par la jurisprudence. Les Premières nations seront guidées par la même jurisprudence et par les mêmes directives découlant de celle-ci. Nous n'avons rien pu trouver qui définisse véritablement l'expression «fins d'intérêt public» dans n'importe laquelle des lois sur l'expropriation.

Le sénateur Andreychuk: C'est précisément ce que je veux dire. Lorsqu'il en a été question pour la première fois, l'expression «fins d'intérêt public» a été aussi floue que l'expression «fins d'intérêt collectif» pour une Première nation; toutefois, au fil des ans, elle a été définie par la jurisprudence. Sûrement, nous pourrions avoir dit que l'expression «fins d'intérêt collectif» pour une Première nation englobe les «fins d'intérêt public» telles que définies par la jurisprudence. Je sais que l'on ne peut pas faire abstraction de la jurisprudence, mais je vous pose la question suivante: pourquoi ne pouviez-vous pas rattacher cette expression à la jurisprudence? Avec un peu d'imagination, je crois que l'on pourrait en trouver une définition.

M. Kipping: En ce moment même, je ne sais pas vraiment comment on pourrait le faire. Lorsque nous avons établi le processus d'expropriation dans le projet de loi C-49, nous l'avons pris en compte et en avons conclu que si une Première nation ne respecte pas l'application régulière de la loi où les règles de justice naturelle, les tribunaux seraient en mesure de définir ce processus de la même façon qu'ils le font maintenant lorsque, sous le régime de la Loi fédérale sur l'expropriation, une personne conteste la fin stipulée d'une expropriation; elle peut en saisir les tribunaux et avoir recours aux mécanismes d'appel. Il existe donc un processus pour régler cette question. Nous voulions donner aux Premières nations la même latitude, la même capacité de progresser, d'instituer leurs pouvoirs d'une façon qui leur permette d'avoir recours à la jurisprudence en cas de contestation. Nous n'avons pas cherché à limiter leurs pouvoirs, mais plutôt à les élargir afin d'y inclure tous ceux prévus par la Loi fédérale sur l'expropriation ou par toute autre loi provinciale sur l'expropriation.

Le sénateur Andreychuk: Ce ne sont pas les expressions «application régulière de la loi» et «justice naturelle» qui posent le problème. Je crois que l'on en a traité suffisamment et qu'elles doivent évoluer. La question importante qui se pose est la suivante: «Quand pouvez-vous m'exproprier?» Nous savons que l'expression «fins d'intérêt public» a été définie. Si une province ou une municipalité procédait à une expropriation pour par exemple, ouvrir un parc de loisirs, elle se heurterait probablement à des obstacles. Si elle voulait ouvrir une école ou un service nécessaire, elle ne se heurterait probablement pas aux mêmes obstacles, car je crois que ces fins sont définies. Nous ne savons pas ce que signifie l'expression «fins d'intérêt collectif» pour une Première nation. Je suis plus à l'aise avec l'expression «intérêt de la collectivité», mais je ne suis pas si sûre que les tribunaux définiraient le droit d'expropriation à des fins d'intérêt collectif pour une Première nation de la même façon que le droit d'expropriation à des fins d'intérêt public, car je crois que les Premières nations occupent une place unique dans la structure du Canada.

Mme Geneviève Thériault, conseillère juridique, Services juridiques, ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada: Je ne sais pas si je peux répondre complètement à votre question, mais l'expropriation représente toujours un pouvoir extrême et provoque toujours une incompatibilité entre le droit d'un particulier et les droits relatifs à l'intérêt public. Il n'y a pas de raison de croire que des expressions autres que «fins d'intérêt public» ou «réalisation d'ouvrages devant servir à la collectivité» seraient interprétées autrement par les tribunaux. L'expropriation a toujours été autorisée seulement à des fins d'intérêt public. C'est la seule raison pour laquelle il est possible d'exercer les pouvoirs d'expropriation.

Le sénateur St. Germain: Monsieur le président, ce sujet est si important -- c'est la partie la plus controversée du projet de loi -- que je veux être sûr que le sénateur Andreychuk obtient une réponse claire et complète à cet égard.

Le sénateur Andreychuk: Je vais essayer encore une fois. L'expression «aux fins de l'intérêt public» vise, on le sait, toute la collectivité, les municipalités, les provinces et le gouvernement fédéral, mais nous ignorons ce que représente l'intérêt public des Premières nations. Vous semblez dire que ces intérêts sont équivalents. Personnellement, je ne suis pas certaine qu'ils le sont, ni qu'ils devraient l'être. Voilà le problème. Il se peut que les besoins des Premières nations soient tout à fait différents des autres besoins publics, si je peux m'exprimer ainsi. À cet égard, il y a un manque de clarté et de certitude.

M. Kipping: Nous pourrions prendre cette question en délibéré et revenir donner une réponse au comité avant la fin de vos délibérations, si cela vous convient.

Le sénateur Andreychuk: Nous voulons avoir des droits d'expropriation semblables pour les Premières nations. D'une part, nous voulons que les personnes qui traitent avec les Premières nations sachent exactement ce qui peut arriver à leurs droits mais d'autre part, nous ne voulons pas enfermer les Premières nations dans un carcan de droits qui ne répondront pas à leurs besoins. En fait, ce que nous souhaitons, c'est une définition de «aux fins des Premières nations».

M. Kipping: Avec l'autorisation de la présidence, nous allons prendre la question en délibération.

La présidente: Nous reviendrons sur ce point plus tard.

Le sénateur St. Germain: Ceux d'entre vous qui représentez le ministère sont-ils au courant des enjeux, des problèmes et des détails concernant la situation de la réserve de Musqueam? Ce n'est pas une question piège.

M. Watts: Nous sommes au fait des problèmes et des détails de la situation.

Le sénateur St. Germain: Vous avez parlé des biens matrimoniaux et du fait que la législation provinciale à cet égard ne s'applique pas dans les terres de réserve. N'y a-t-il pas des années que ce dossier est à l'étude au ministère des Affaires indiennes et du Nord? Vous avez évoqué la lacune qui existe dans la Loi sur les Indiens. C'est encore là un dossier très litigieux. Nous allons entendre des témoins à ce sujet, mais il serait utile de connaître votre opinion avant qu'ils ne comparaissent. Les femmes autochtones ont clairement exprimé leur position.

Quelles mesures avons-nous prises pour combler cette lacune?

M. Kipping: Vous avez raison, il y a une lacune dans la Loi sur les Indiens et elle a fait l'objet d'un examen. Il y a eu certaines tentatives ratées en vue de modifier la Loi sur les Indiens, notamment encore l'an dernier.

À l'heure actuelle, nous avons des discussions avec le Congrès des peuples autochtones et l'Assemblée des Premières nations au sujet de l'annonce qu'a fait la ministre en juin dernier quant à la nomination d'un enquêteur. Une fois nommé, l'enquêteur collaborera avec les communautés autochtones, l'APN et le CPA pour cerner les enjeux, les définir plus clairement et proposer à la ministre, au ministère et au gouvernement une série d'options visant à combler cette lacune et à régulariser la situation pour que les femmes autochtones soient traitées sur un pied d'égalité avec les femmes non autochtones vivant en dehors des réserves.

Le sénateur St. Germain: L'adoption du projet de loi C-49 va-t-il améliorer leur sort ou se retrouveront-elles dans la même situation après son entrée en vigueur?

M. Kipping: Je ne dirais pas que le projet de loi C-49 va «améliorer leur sort». Je considère qu'il améliorera leur position fondamentale en ce qui a trait aux biens matrimoniaux dans le contexte de l'échec d'un mariage.

Comme M. Watts l'a dit tout à l'heure, il n'existe pas à l'heure actuelle de loi qui s'applique aux femmes autochtones en cas de rupture d'un mariage. Le projet de loi conférera à la collectivité -- par le biais des codes fonciers et de la mesure législative -- la possibilité d'établir des règles et des procédures pour régler ces questions qui, à l'heure actuelle, ne sont pas réglées ailleurs.

Le projet de loi C-49 prend en compte les caractéristiques culturelles, linguistiques et traditionnelles des collectivités. Elle remet l'interprétation des règles et des procédures entre les mains de l'ensemble de la collectivité, de ceux et celles qui vivent sur les réserves et hors réserves. La collectivité elle-même, après consultation, doit voter sur l'établissement des règles et procédures. Cet exercice n'est pas laissé entre les mains d'un petit groupe de décideurs. Nous pensons que cela représente un progrès important.

Le sénateur Andreychuk: Si j'ai bien compris, l'adoption du projet de loi C-49 va résoudre les problèmes découlant des différends concernant les biens matrimoniaux, problèmes auxquels font face toutes les femmes qui vivent dans les réserves des Premières nations à l'heure actuelle?

M. Kipping: Oui.

Le sénateur Andreychuk: Dans les codes fonciers concernant les droits de propriété, la définition de «communauté» va-t-elle englober tous les membres inscrits des Premières nations, hommes et femmes?

M. Kipping: Oui. Les personnes devant approuver le code foncier seront toutes des électeurs inscrits vivant à l'intérieur ou à l'extérieur des réserves, hommes et femmes.

Le sénateur Andreychuk: Ce sera donc l'ensemble de la communauté.

M. Kipping: C'est exact.

Le sénateur Andreychuk: Savez-vous si l'une ou l'autre des Premières nations conteste devant les tribunaux des cas afférents à l'article 31?

M. Kipping: Des 14 bandes signataires de l'accord-cadre sur la gestion des terres des Premières nations, aucune n'a fait appel aux tribunaux pour l'instant en vue de contester le projet de loi C-31.

Le sénateur Andreychuk: Si ces codes fonciers établissent des principes allant à l'encontre de ce que juge approprié votre ministère, quelle sera la position du gouvernement?

M. Kipping: Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question

Le sénateur Andreychuk: Toutes les femmes assujetties à la Loi sur les Indiens peuvent-elles s'attendre à jouir du droit de propriété dans un proche avenir? Si ces droits varient d'une réserve à l'autre, quelle sera la position du ministère? Visez-vous l'uniformité?

M. Watts: Je peux prédire l'issue de nos discussions avec les organisations autochtones, mais j'estime qu'il sera difficile d'en arriver à une solution globale en raison des différentes approches des diverses communautés à l'égard des terres. Dans certaines communautés, on délivre un certificat de possession ou «ticket». Dans d'autres, les gens savent qu'ils ont le droit de vivre à un endroit parce que leur père et leur mère y ont vécu avant eux. Dans d'autres encore, il existe une approche plus communautaire et il n'y a pas de notion de propriété privée.

À mon avis, il sera difficile de trouver une solution qui s'adapterait à tous les cas.

Comme je l'ai mentionné, il existe une lacune législative dans la loi. Cependant, il n'y a pas de favoritisme en faveur d'un sexe ou d'un autre. Dans certaines communautés, la plupart des terres appartiennent à des hommes alors que dans d'autres, elles appartiennent à des femmes. Une solution unique ne pourra être appliquée partout.

Le sénateur Andreychuk: Je crois savoir que tous les projets de loi soumis au Parlement doivent porter la signature d'un ministre qui atteste ainsi que la mesure respecte la Charte des droits et liberté. Qu'a-t-on fait dans ce cas?

Mme Thériault: Tous les projets de loi rédigés au niveau fédéral sont vérifiés en termes de conformité à la Charte.

Le sénateur Andreychuk: Ils doivent être signés par le ministre.

Mme Thériault: Le ministre de la Justice.

Le sénateur Andreychuk: Ce projet de loi l'a-t-il été?

Mme Thériault: Ce projet de loi l'a été, comme tous les autres projets de loi fédéraux.

Le sénateur Andreychuk: L'a-t-il été?

Mme Thériault: Oui. Tous projets de loi sont signés par un ministre afin d'attester qu'ils sont conformes à la Charte.

Le sénateur Lawson: Je m'intéresse à un autre problème de bail autochtone ailleurs; en Californie, en fait. La situation là-bas se compare directement à celle de la réserve de Musqueam, et c'est pour cette raison que j'en parle.

La région entourant celle où nous nous trouvons est en pleine expansion en raison de la vigueur de l'économie américaine. Toutes les semaines, les journaux rapportent des augmentations de prix considérables dans tous les domaines. Dans certains lotissements, 10 à 15 personnes font la queue pour présenter une offre sur un lot. On tire au sort pour savoir qui aura le droit d'acheter. Cela se fait à l'exclusion d'une région qui est assujettie à un bail autochtone.

J'ai interrogé un avocat californien, spécialiste des affaires indiennes. «Quels sont vos honoraires?» Il m'a répondu: «Je demande 300 $ pour trois questions.» J'ai répondu: «C'est plutôt cher, n'est-ce-pas?» Il m'a dit: «Ce l'est. Quelle est votre troisième question?»

J'ai ensuite consulté un de mes amis gérant de banque. «Pourquoi le marché immobilier connaît-il cette hausse fulgurante sauf pour ce qui est des terrains assujettis à baux locatifs?»

Il m'a répondu: «Combien de temps reste-t-il sur le bail?» J'ai dit: «Il arrive à échéance en 2031, d'ici 32 ans. C'est long.» Il a rétorqué: «Pas aux yeux des banques. Pour accorder une hypothèque de 30 ans, il faut qu'il reste au minimum 40 ans sur le bail. Si ce n'est pas le cas, nous n'accordons pas de prêt sur 30 ans.» Les gens ne peuvent vendre leurs propriétés parce que les acheteurs ne peuvent obtenir d'hypothèque. Il faut que vous compreniez qu'avec chaque année qui passe, la valeur diminue.

Cela représente un parallèle direct avec la situation de la bande de Musqueam.

La Cour fédérale a déclaré que la valeur fixée pour une terre assujettie à bail était comparable à celle d'une terre appartenant à des particuliers. D'après ce qu'on m'a dit en Californie dans d'autres tribus, la décision de la Cour fédérale selon laquelle la valeur des terres cédées à bail diminue tous les ans, de même que la possibilité de les vendre, n'est pas valable. Cela a été prouvé très clairement.

Par conséquent, je suis allé voir directement le représentant de la tribu et je lui ai dit: «Pourquoi ne négocions-nous pas directement à la condition que vous ne me disiez pas que mon terrain cédé à bail sur des terres autochtones a la même valeur qu'un terrain appartenant à des particuliers?» Il m'a dit que s'il me disait cela, il trahirait la vérité. Il s'agit là d'un représentant de la tribu qui m'a dit précisément la même chose que mon banquier m'avait dit. La valeur continue de diminuer.

À ce moment-là, j'ai dit: «Sur quelle base allons-nous négocier?» Il m'a présenté une formule simple et claire, fondée sur la superficie du lot, son emplacement et tous les critères habituels, assortie de la précision selon laquelle la valeur diminue avec le temps. Il m'a dit: «Vous aviez un taux raisonnable. En fait, il était inférieur à la valeur marchande. Il était comparable à la valeur marchande à l'époque où le bail a été négocié, mais il est sous-évalué maintenant. Si vous voulez prolonger votre bail pour qu'il atteigne une durée de 65 ans, c'est-à-dire jusqu'à 2063, nous sommes disposés à le faire, mais il faudrait signer un nouveau bail maintenant. Même s'il vous reste 31 ans à environ 1 200 $ par année, il vous faudrait payer un taux plus concurrentiel à partir de maintenant».

À première vue, cela m'a paru très raisonnable. Le nouveau taux est passé à 2 600 $. Cela s'est fait à peu près en même temps où, d'après le sénateur St. Germain et d'autres, le taux dans la réserve de Musqueam allait augmenter de 7 000 p. 100.

Dans la foulée de cette décision de la Cour fédérale, quelles sont les possibilités pour les habitants de la réserve de Musqueam, qui sont durement pénalisés, d'obtenir un règlement négocié équitable? A-t-on prévu un système de médiation, d'arbitrage ou autre qui garantirait un traitement équitable des propriétaires?

M. Kipping: Le projet de loi à l'étude n'aura aucune incidence sur la situation dans la réserve de Musqueam. Ce dossier relevait de la Loi sur les Indiens.

En instaurant ce genre de processus aux termes du projet de loi C-49, ce sont davantage les Premières nations, les titulaires du bail, si je puis dire, qui pourront gérer ces relations et ensemble, être en mesure de régler ce genre de problème. Je ne veux pas parler trop longuement du cas de la réserve de Musqueam puisque les tribunaux en sont saisis. Je ne suis pas un expert quant au processus général.

Les rapports entre les Premières nations et leurs locataires ne pourront que s'améliorer grâce à la possibilité de rapports plus directs allant dans le sens que vous avez évoqué, sénateur, au lieu que le gouvernement agisse comme intermédiaire sans permettre à ce genre de rapports de se développer. Le projet de loi fait beaucoup progresser le processus général et permet à ce genre de rapports de s'établir.

Comme je l'ai dit, ce qui s'est produit dans la réserve de Musqueam est malheureux, mais cela s'est produit aux termes de la Loi sur les Indiens. La même chose serait arrivée, que le projet de loi C-49 ait été présenté ou non. Malheureusement, la question est maintenant devant les tribunaux et le débat est devenu acrimonieux. Ce n'est pas un problème que le projet de loi peut régler à ce stade-ci. Cependant, nous espérons que ce genre de rapports pourra se développer.

Le sénateur Lawson: Laissez-vous entendre que ce qui s'est passé dans le cas de la nation Musqueam ne pourra se produire à la suite de l'adoption du projet de loi C-49? Si c'est bien cela, je veux que vous me citiez l'article qui garantit cette protection.

M. Kipping: Je ne pense pas qu'il y ait un article précis dans le projet de loi qui assure cette protection. Cela dit, la mesure stipule que les baux, licences ou intérêts existants continueront aux termes existants.

Le processus global que le projet de loi vise à établir confère aux Premières nations la capacité d'assurer un développement durable de leurs communautés et d'en tirer parti pour leur propre avantage économique mais aussi celui de leurs voisins. On souhaite accroître la viabilité économique à long terme de la communauté. Aucune disposition du projet de loi ne précise que c'est ce qui se passera. Il faut donner à ces relations l'occasion de se développer, comme se développeraient n'importe quels autres rapports entre propriétaire et locataire. La mesure ouvre la porte à cette possibilité.

Le sénateur Lawson: La ministre n'a-t-elle pas dit, il y a quelques semaines, qu'elle proposait une médiation quelconque pour tenter de résoudre le problème?

M. Watts: Je ne sais pas trop ce qu'il en est. Je sais que l'idée de la médiation a été évoquée. Je ne suis pas sûr que toutes les parties ont accepté ce processus. Il se peut que ce soit une bonne idée. Le projet de loi C-49 embrasse la notion de médiation et de règlement des différends.

À la suite de l'adoption du projet de loi C-49, je pense que nous verrons des exemples de baux modernes. Vous avez parlé d'une situation où un bail avait été négocié il y a 30 ans, sans qu'il y ait eu examen du loyer au cours de ces 30 ans. La valeur des propriétés immobilières a connu une hausse fulgurante dans la région avoisinante. Nous en voyons le résultat en termes de baux fondés sur une valeur marchande équitable.

À mon avis, les baux modernes prévoiront sans doute des échéances de renouvellement tous les cinq ans ou peut-être même avant, mais ils seront conformes au libellé des baux ailleurs dans le pays.

Le sénateur Lawson: J'ai lu dans un des nombreux articles parus dans les journaux de Vancouver que la bande de Musqueam interjetait appel de la décision de la Cour fédérale. Les propriétaires ont parlé d'une augmentation de 7 000 p. 100. Ils font appel au motif que cela n'est pas suffisant. Ils s'attendaient à un rendement plus élevé. Êtes-vous au courant de cela?

M. Kipping: C'est nouveau pour moi. Je croyais savoir que les locataires de la bande de Musqueam avaient demandé l'autorisation d'en appeler de la décision de la Cour, mais pas que la Première nation avait fait appel.

Le sénateur Lawson: C'est une affaire que votre ministère devra régler car cela influencera un grand nombre de personnes de bonne foi, dont moi-même.

En passant, j'ai signé un nouveau bail.

Si le ministère ne règle pas la situation de la bande de Musqueam, cela aura un effet négatif sur la façon dont bon nombre d'entre nous voterons dans ce dossier puisque nous craindrons que davantage de pouvoirs soient accordés pour conclure ce genre de marché. C'est un dossier important que ne doit pas négliger votre ministère.

M. Kipping: Le ministère s'y intéresse très sérieusement. Je pense que les locataires et les représentants de la nation Musqueam se sont rencontrés à quelques occasions pour tenter de résoudre le problème entre eux. Je ne sais pas où en sont les discussions, mais je sais qu'on déploie des efforts pour amener les deux parties à résoudre le problème. C'est la meilleure réponse que je peux vous donner pour l'instant.

Le sénateur St. Germain: Comme le sénateur Lawson l'a signalé, la question porte sur l'aspect de la valeur, et cela a fait l'objet d'une décision d'un tribunal. Il n'y a rien dans la loi qui permette de régler une situation comme celle-ci car la plupart d'entre nous qui avons évolué dans le monde des affaires savons qu'une terre cédée à bail, peu importe de qui elle est louée, n'a pas la même valeur qu'un terrain en fief simple.

J'ai été ébahi lorsque les tribunaux ont rendu cette décision. Je pense que vous avez raison: les tribunaux sont maintenant saisis de l'affaire au nom des résidents de la réserve de Musqueam.

Le ministère est-il disposé à présenter des amendements si les témoignages présentés ici prouvent, sans l'ombre d'un doute, qu'il est justifié de présenter un amendement à des fins de précision, disons, au sujet de la question de l'expropriation?

M. Watts: Nous avons dit tout à l'heure que nous étions disposés à revenir sur la question de l'expropriation et à l'examiner davantage avec le comité.

Le sénateur St. Germain: J'ai raté cela; je suis désolé. Je n'ai pas d'autre question.

Le sénateur Chalifoux: Je vous remercie de comparaître devant notre comité. Ce projet de loi est très important.

Aux termes de la Loi sur les Indiens, chaque bande est responsable de ses membres. Comme vous le savez, il y a une liste générale et aussi une liste de bande. Aux termes du projet de loi C-31, certaines personnes étaient exclues à jamais de la liste de bande.

Vous avez parlé des membres des communautés des 14 bandes en question. Je veux savoir si leurs membres englobent les Indiens assujettis au projet de loi C-31 qui n'ont jamais été inscrits sur la liste de bande?

J'ignore si les 14 Premières nations ont inclus les autochtones assujettis au projet de loi C-31 sur leurs listes de bande, mais je sais qu'en Alberta, un grand nombre de bandes n'admettent pas ces Indiens parmi les membres de leur bande.

Je m'inquiète surtout de ce qui se passera en cas d'échec du mariage. Vous dites que vous négociez avec l'Assemblée des Premières nations et le Congrès des peuples autochtones. Avez-vous envisagé de consulter les organismes de femmes autochtones pour régler le problème de l'échec du mariage et du partage des biens?

M. Watts: Pour ce qui est de savoir qui est membre, certaines Premières nations, dans la foulée du projet de loi C-31, ont assumé le contrôle de leur propre code. Désormais, ce sont elles qui décident qui est membre. Le ministère conserve toujours certaines listes de membres. En fait, nous conservons la plupart des listes de bande au Canada.

Je crois savoir que dans le contexte du présent projet de loi, les personnes pouvant voter sont les membres résidant à l'intérieur et à l'extérieur des réserves qui figurent dans le code de membres ou la liste de membres maintenue par le ministère des Affaires indiennes et du Nord.

Le sénateur Chalifoux: Est-ce la liste du ministère des Affaires indiennes et du Nord ou la liste de la bande? Il s'agit de deux listes différentes. Je le sais car ma famille est aux prises avec le problème. Votre ministère a une liste générale, mais il y a aussi une liste de bande. Laquelle sera utilisée?

M. Watts: Nous allons prendre la liste qui identifie les membres. Le ministère a une liste générale des Indiens inscrits. Nous avons une liste des Indiens inscrits membres d'une bande en particulier. Ces listes en question sont aussi dressées par les bandes pour lesquelles nous avons des listes. Environ la moitié des bandes au Canada ont leur propre code en ce qui concerne les membres et elles compilent leurs propres listes de membres.

Le sénateur Chalifoux: Je le sais.

J'ai reçu de nombreuses lettres de femmes qui ont récupéré leur statut après que leur mère en eut été privée pour avoir épousé un non-autochtone. Elles avaient demandé de figurer sur la liste de bande et cela leur avait été refusé car les bandes assument le contrôle de leurs propres listes de bande.

Je veux savoir si ces hommes et ces femmes sont autorisés à voter dans les bandes de leurs ancêtres? Vont-ils figurer sur les listes? Quelle est la position des 14 bandes signataires de cet accord-cadre?

M. Kipping: À ma connaissance, les listes du ministère et les listes de bande ont été comparées -- à tout le moins les trois que nous avons utilisées. Elles ont été consolidées pour que tous les membres des Premières nations soient autorisés à participer au vote.

Il serait sans doute préférable de poser la question aux Premières nations elles-mêmes, mais je crois savoir qu'à l'heure actuelle, aucune des 14 Premières nations signataires n'est partie à un conflit parce qu'une personne aurait été ajoutée comme membre de la Première nation.

Notre liste et celle des Premières nations, que ce soit elles qui contrôlent leur propre liste ou que ce soit nous qui l'ayons en main, sont compatibles à ce stade-ci.

Le sénateur Chalifoux: Je voulais vous demander en deuxième lieu si vous consultez les organisations de femmes autochtones qui interviennent directement auprès des 14 bandes?

M. Kipping: Là encore, le ministère a appris que, malheureusement, l'Association des femmes autochtones du Canada a choisi de ne pas participer au processus pour l'instant. Je ne suis pas sûr des motifs, mais je peux obtenir des renseignements à ce sujet et en faire part au comité. L'Association des femmes autochtones pouvait tout à fait participer au processus, mais elle a choisi de ne pas le faire.

Le sénateur Gill: D'après ce que je comprends, la terre est considérée de manière différente selon les réserves. Dans certains cas, des certificats de possession sont émis, dans d'autres, la terre est considérée comme appartenant à tous. Dans d'autres cas encore, on retrouve ces deux situations.

Est-ce que la situation actuelle va se maintenir? Les bandes doivent-elles conserver le statu quo lorsqu'elles adoptent un nouveau régime de gestion des terres? Alors qu'il transfère des terres aux Indiens, le ministère a-t-il reçu des demandes au sujet de la gestion de ces terres? Comment cela va-t-il se passer?

M. Kipping: Nous allons transférer aux Premières nations les intérêts portant sur les terres qui reviennent actuellement au Canada. Les certificats de possession enregistrés, les baux, d'autres types de biens immobiliers enregistrés seront transférés à la Première nation. Le projet de loi C-49 confère aux Premières nations le pouvoir de concevoir un régime sur mesure de gestion des terres pour la collectivité en question.

Un peu plus tôt, un sénateur a soulevé la question de la protection des intérêts d'une tierce partie. Ces intérêts seraient transférés tels quels, et nous nous attendons à ce qu'ils soient respectés au moment du transfert. Toutefois, c'est à la collectivité elle-même de décider du statut et de l'utilisation de ces terres, ainsi que de la façon dont de nouveaux intérêts seraient créés. Là encore, c'est à la collectivité de décider à l'interne de la gestion de ces terres.

Le sénateur Gill: Je ne dis pas que tel est le cas pour ces bandes, mais dans certaines bandes, les terres n'ont pas le même statut. Parfois, elles appartiennent aux Indiens, d'autres fois à des non-Indiens. Certains vont faire des revendications. Que va-t-il alors se passer?

M. Kipping: En vertu du projet de loi C-49, pour l'instant, seules les terres de réserve existantes seront touchées. Si les Premières nations font l'acquisition d'autres terres par suite de revendications, elles peuvent les ajouter aux terres de réserve si le Canada et les Premières nations elles-mêmes en conviennent. Soit elles seraient assujetties au projet de loi C-49, soit la Première nation pourrait décider de considérer ces terres comme à l'extérieur de la réserve et du régime du projet de loi C-49, en décidant qu'elles sont en fief simple, qu'elles représentent une réserve spécifique, qu'elles lui appartiennent ou qu'elles lui appartiennent en commun avec d'autres Premières nations.

Le projet de loi C-49 s'applique seulement aux terres de réserve actuelles ou aux terres que le Canada et les Premières nations conviennent de mettre de côté comme réserves.

Le sénateur Gill: Un régime de gestion des terres doit être établi dans quatre ans. Que va-t-il se passer? Le régime sera-t-il approuvé par la ministre ou par le Parlement? Qui va l'approuver? La décision sera prise par toute la bande, mais qu'arrivera-t-il à Ottawa?

M. Kipping: J'aimerais préciser un point; les Premières nations qui ont signé l'accord-cadre ne sont nullement tenues de créer un régime de gestion des terres en vertu de ce processus. C'est un processus facultatif. Les 14 Premières nations qui ont signé l'accord-cadre et accepté de participer à ce processus savent que, à un moment donné, elles peuvent décider de ne pas continuer de suivre le processus ou au contraire, prendre la décision inverse. Il n'est pas stipulé qu'elles doivent adhérer à ce programme d'ici quatre ans et il n'est pas précisé non plus comment cela va fonctionner.

Le sénateur Gill: Il va bien falloir que quelqu'un l'approuve à un moment donné.

M. Kipping: Les codes fonciers établis par les Premières nations seront examinés par la ministre, mais seront approuvés par les collectivités des Premières nations.

Deux documents doivent être pris en compte en même temps. Le premier, c'est le code foncier, et le deuxième, c'est l'accord spécifique. La ministre et la Première nation doivent s'entendre sur le contenu de l'accord spécifique. Si la ministre est d'avis que les codes fonciers renferment quelques incertitudes, elle peut, à sa discrétion, ne pas signer l'accord spécifique jusqu'au moment où les parties conviennent du processus. Toutefois, au bout du compte, c'est la collectivité qui va prendre la décision au sujet de tout le processus.

Les décisions relatives à la gestion des terres sont prises au sein de la collectivité. Le statut de ces terres, la façon dont elles seront gérées, qui sera responsable et comment, les décisions prises et les organismes créés et nommés pour gérer ces terres sont des décisions qui seront prises par la collectivité elle-même et qui seront ratifiées par cette dernière.

Le président: J'ai participé aux négociations visant à trouver une solution pratique à la question des terres dans le cadre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Jusqu'à présent, aucune solution pratique n'a été trouvée.

Avez-vous bien dit que la propriété de la terre n'est pas nécessairement transférée à la collectivité, mais que cette terre continue d'être une terre de réserve? En d'autres termes, vous donnez aux Premières nations les compétences en matière de gestion de la terre. Est-ce bien cela?

M. Kipping: Oui. Le titre foncier appartient toujours à la Couronne. Les terres seront définies comme terres des Premières nations, mais ce sont des réserves aux termes de la Loi sur les Indiens. Nous donnons aux Premières nations le pouvoir de gérer ces terres au sein des collectivités, pour leur usage et leur profit. En d'autres termes, la ministre ne joue plus un rôle de premier plan, mais laisse la place aux Premières nations qui prennent en charge la gestion quotidienne de ces terres.

Le président: La ministre délègue-t-elle également son autorité pour ce qui est d'un code foncier relatif aux services publics -- c'est-à-dire les lignes de transmission, l'accès et les voies d'accès?

M. Kipping: Nous transférons les intérêts existants portant sur ces terres au moment où nous transférons l'administration et la responsabilité de celles-ci aux Premières nations. En cas d'intérêts de tierce partie -- lignes de transmission ou autres intérêts portant sur ces terres -- qu'il s'agisse de permis, bail ou autres -- les Premières nations en deviennent les gestionnaires.

Le président: Elles en ont donc cette responsabilité?

M. Kipping: Oui, absolument.

Le sénateur Adams: Nous avons entendu des témoins représentant l'organisation de Musqueam à propos de ce projet de loi. Si le projet de loi C-49 est adopté, est-ce que n'importe qui peut développer un condominium? Par exemple, les Indiens du Sahtu peuvent-ils développer un condominium dans la ville de Vancouver? Ces témoins nous ont dit que ce n'était pas possible, car ils vivent sur une réserve, mais que leurs membres peuvent acheter une part de ce condominium.

Comment cela va-t-il fonctionner? Le projet de loi C-49 empêche-t-il à une bande de développer un condominium sur ses terres de réserve et de le louer à d'autres?

M. Kipping: En vertu du projet de loi C-49, les Premières nations pourront se lancer dans les genres d'entreprises économiques et de possibilités d'affaires auxquelles elles n'ont pas accès en ce moment à cause de la Loi sur les Indiens. Elles seront en mesure de le faire.

Tout le processus permet aux Premières nations de prendre des décisions au sujet de la gestion de ces terres, pour ce qui est de leur utilisation, leur occupation, leur planification, et cetera. Elles détiendront tous les pouvoirs en matière de gestion de ces terres dans le respect des règles fixées par la collectivité au sujet du développement de ces terres.

Le sénateur Adams: Qu'en est-il des services de police? La bande va-t-elle coopérer avec la ville pour assurer les services de police?

M. Kipping: Ce projet de loi ne vise absolument pas autre chose que la gestion des terres. Tout ce qui s'applique normalement en vertu de la Loi sur les Indiens, mis à part la gestion des terres, sera maintenu.

Ce projet de loi ne donne pas aux Premières nations de pouvoirs en matière de services de police autres que ceux qui leur sont déjà conférés en vertu de la Loi sur les Indiens; elles peuvent également instaurer des relations de travail avec les municipalités. Ce projet de loi ne leur donne pas de pouvoirs supplémentaires dans ce domaine. En vertu de la Loi sur les Indiens, elles ont déjà la possibilité de conclure des ententes avec les municipalités avoisinantes. L'adoption de ce projet de loi ne changera rien dans ce domaine, puisqu'il ne vise que l'administration ou la gestion quotidienne des terres elles-mêmes; il aura aussi un effet sur les dispositions de la Loi sur les Indiens qui limitent les Premières nations dans la façon dont elles veulent utiliser leurs terres au profit de leurs collectivités et des générations futures.

Le sénateur Adams: L'approvisionnement en eau, le système d'égouts et les réseaux routiers doivent-ils être développés en concertation avec la ville, ou est-ce une responsabilité de la bande?

M. Kipping: En matière d'eau et d'égouts, les Premières nations vont continuer de faire ce qu'elles ont toujours fait. Ce projet de loi n'y change rien; par contre, ce projet de loi supprime le rôle de la ministre. Lorsque les Premières nations doivent conclure une entente d'entretien courant avec une municipalité avoisinante, la ministre ne participe pas au processus. Elles peuvent traiter sur un pied d'égalité avec cette municipalité, accélérer le processus et instaurer de meilleures relations de travail. Ce projet de loi vise à créer de nouveaux partenariats et de nouvelles relations entre les Premières nations et les municipalités avoisinantes.

Le sénateur Lawson: Si une terre est attribuée à une bande autochtone, alors qu'elle a été expropriée à une entité non autochtone, et que les non-autochtones contestent le montant payé, de quel recours, le cas échéant, les non-autochtones disposent-ils en matière d'arbitrage ou d'appel, mis à part le recours au conseil de bande?

M. Kipping: À l'heure actuelle, comme l'indique le projet de loi C-49, l'entité visée par l'expropriation dispose du même recours que vous et moi -- si notre propriété était expropriée -- indépendamment de l'endroit où nous vivons. Elle peut demander une audience, une justification de cette expropriation; elle peut comparaître devant un autre groupe de règlement des différends. En dernier recours, elle peut saisir les tribunaux de la question. Le projet de loi ne change pas ce processus.

Le sénateur Lawson: Avant d'en saisir les tribunaux, elle a droit à l'arbitrage.

M. Kipping: Oui.

Le sénateur St. Germain: Il est dommage que nous n'ayons pas le temps d'entendre M. Abrams.

Le président: Nous allons nous arranger pour l'entendre à un autre moment.

Merci pour votre exposé. Lorsque nous aurons entendu nos autres témoins, nous vous inviterons probablement à revenir avec la ministre.

M. Kipping: Entendu.

Le président: La séance est levée.

La séance est levée.


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