Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Peuples autochtones
Fascicule 26 - Témoignages du 20 avril 1999 (séance de l'après-midi)
OTTAWA, le mardi 20 avril 1999
Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-49, Loi portant ratification de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations et visant sa prise d'effet, se réunit aujourd'hui à 17 h 15 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nos premiers témoins, sénateurs, représentent le Conseil consultatif (provisoire) des terres.
M. Robert Louie, président, Conseil consultatif (provisoire) des terres: Monsieur le président, nous serions disposés à donner aux chefs et aux membres des conseils la possibilité de faire des commentaires, au besoin, à propos d'enjeux précis. Nous pensons que c'est peut-être la meilleure façon de gagner du temps ce soir.
Le président: Si je comprends bien, les personnes qui se trouvent derrière vous seront toutes touchées par le projet de loi. Est-ce exact?
M. Louie: C'est tout à fait exact.
Le président: D'accord. Selon ce que je crois comprendre, la majorité d'entre eux est favorable au projet de loi. Est-ce exact?
M. Louie: Tous les participants ici présents appuient le projet de loi sans réserve.
Le président: Très bien. La parole est à vous.
M. Louie: Bonsoir. Monsieur le président, honorables sénateurs, je tiens à vous remercier, en mon propre nom et au nom de nos chefs et de leur collectivité, de l'occasion qui nous est donnée d'être ici présents aujourd'hui et de comparaître devant vous.
Avec votre permission, je vais présenter la première partie de notre mémoire. J'ai l'intention d'être bref et d'aller droit au but. Je vais d'abord faire quelques remarques préliminaires pour expliquer la finalité et l'objectif principaux du projet de loi C-49 ainsi que de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres. Je m'intéresserai par la suite à l'expropriation, au partage des intérêts fonciers en cas d'échec d'un mariage, à la consultation municipale et à l'environnement.
Vu les contraintes de temps, les chefs et les membres des conseils ici présents ce soir qui aimeraient intervenir sur des questions précises éviteront de le faire. Cependant, ils aimeraient prendre la parole lorsque certains sujets seront abordés pendant la période de questions. Nous économiserons ainsi un temps précieux, ce qui nous permettra de nous concentrer sur les questions et les réponses. Voilà comment nous aimerions procéder.
Ce soir, j'ai à mes côtés le chef Barry Seymour, Première nation Lheidli-T'enneh, Colombie-Britannique, le chef Harry O'Donaghey, Première nation N'Quatqua, Colombie-Britannique, le chef Bill Williams, Première nation Squamish, Colombie-Britannique, le conseiller Harold Calla, Première nation Squamish, Colombie-Britannique, la conseillère Krisandra Jacobs, Première nation Squamish, Colombie-Britannique, le conseiller Vincent Yellow Old Woman, nation Siksika, Alberta, le chef Austin Bear, Première nation de Muskoday, Saskatchewan, la conseillère Ava Bear, Première nation de Muskoday, Saskatchewan, le chef Terry Pelletier, Première nation de Cowessess, Saskatchewan, le chef William Lathlin, Première nation crie d'Opaskwayak, Manitoba, la chef Margaret Penasse-Mayer, Première nation de Nipissing, Ontario, le chef Rennie Goose, Première nation des Mississaugas de Scugog Island, Ontario, la chef Lorraine McRae, Première nation des Chippewas de Mnjikaning, Ontario, le conseiller Arnold Ingersall, Première nation de Mnjikaning, Ontario, le chef William McCue, Première nation des Chippewas de Georgina Island, Ontario, le conseiller Pat Big Canoe, Première nation des Chippewas de Georgina Island, Ontario et, enfin, le chef Arthur Bear, Première nation de St. Mary's, Nouveau-Brunswick.
Sont aussi présents certains des membres de notre personnel technique, qui nous aideront à répondre à des questions précises.
Depuis bien plus de dix ans, nos chefs, nos conseillers et leurs collectivités de même que des chefs des terres, des spécialistes et des conseillers techniques travaillent sans relâche au projet de loi. Bien que notre groupe ne représente que 14 des 610 Premières nations que compte le Canada, nous comptons pour 15 p. 100 des transactions inscrites dans des réserves du Canada.
Au cours de cette période de dix ans, on a tenu, d'un océan à l'autre, des centaines de réunions auxquelles ont participé des collectivités des Premières nations, des représentants et des conseillers du gouvernement fédéral, des représentants des gouvernements provinciaux, des administrations locales et des associations municipales, le ministère de la Justice, des établissements financiers, des groupes d'intérêts concernés, des parlementaires et divers groupements autochtones nationaux, régionaux et locaux.
L'initiative, qui a été soigneusement réfléchie en plus de faire l'objet d'une recherche approfondie, est maintenant complète. Pendant dix ans, nous avons été à l'écoute et nous avons apporté les changements ou les modifications nécessaires. Néanmoins, notre accord-cadre a été signé le 12 février 1996, et le moment est aujourd'hui venu de le ratifier.
Le projet de loi C-49 et l'accord-cadre relatifs à la gestion des terres ont pour finalité et objectif principaux la reconnaissance du pouvoir des Premières nations de gérer au niveau collectif les territoires et les ressources des réserves, sans ingérence de la part d'autres gouvernements. Le projet de loi a trait à l'élaboration et à l'adoption de lois relatives à une gestion responsable des terres et à notre reconnaissance à titre de gouvernement, en tous points égal aux autres gouvernements, là où la gestion des terres et des ressources est concernée.
À cette fin, honorables sénateurs, nous sommes heureux des propos d'ouverture qu'a tenus le sénateur Chalifoux à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi C-49 et nous lui en sommes reconnaissants. Elle a correctement défini l'intention et la finalité du projet de loi.
Nos 14 Premières nations se soustrairont à l'application des dispositions de la Loi sur les Indiens qui concernent la gestion des terres, adopteront leurs propres codes fonciers et signeront des accords de transfert spécifiques avec le Canada. Le code foncier et l'accord spécifique doivent être approuvés par les membres qui ont le droit de voter, dans les réserves et à l'extérieur des réserves. Un vote a déjà été tenu dans trois des 14 Premières nations. Il faudra peut-être quelques années pour que les onze autres fassent de même.
Nos Premières nations voient dans cette initiative une étape vers l'autonomie gouvernementale. Ces dernières auront la possibilité de prendre leurs propres décisions. Ce faisant, elles n'auront pas de pouvoirs supérieurs à ceux du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien; en même temps, elles n'auront pas moins de pouvoirs.
Monsieur le président, je vais maintenant m'intéresser à certains des problèmes précis que vos collègues et vous-mêmes avez soulevés. Le premier a trait à l'expropriation.
L'expropriation est un dernier recours qu'on n'invoque que lorsqu'il est impossible d'acquérir des intérêts juridiques sur des terres de gré à gré. L'expropriation est un pouvoir essentiel à l'exercice du pouvoir. Le projet C-49 et l'accord-cadre respectent la norme canadienne qui régit les obligations et les pouvoirs liés à l'expropriation.
En consultant les documents que vous avez devant vous, honorables sénateurs, vous constaterez, au deuxième onglet, que les règles qui, dans le projet C-49, régissent les cas d'expropriation dans le cas des Premières nations sont identiques à celles qui régissent les interventions du gouvernement fédéral dans la Loi sur l'expropriation. Le projet de loi C-49 incorpore par renvoi la Loi sur l'expropriation fédérale. Les dispositions du projet de loi C-49 portant sur l'expropriation ne visent que les «ouvrages devant servir à la collectivité», ce qui, au niveau de la collectivité des Premières nations, équivaut aux notions d'ouvrage public ou d'autres fins d'intérêt public dans la Loi sur l'expropriation. Dans le projet de loi C-49, les termes «Première nation», «collectivité» et «bande» sont interchangeables. Par rapport à ceux qu'imposent d'autres ordres de gouvernement au Canada, les critères qui, dans le projet de loi C-49, régissent les mesures d'expropriation prises par des Premières nations sont identiques et, dans certains cas, plus rigoureux; pourtant, l'ensemble des recours et des mécanismes d'appel judiciaire sont disponibles.
Je ne vous ferai pas perdre votre temps en évoquant d'autres arguments que nous avons entendus, essentiellement qu'on ne peut, en toute confiance, déléguer des pouvoirs d'expropriation aux Premières nations et que certaines d'entre elles ont l'intention d'en faire un usage abusif. De tels commentaires ne méritent pas qu'on s'y attarde.
Récemment, nous avons demandé une opinion indépendante au sujet des questions touchant l'expropriation. Il s'agit d'un enjeu majeur et très important. Nous avons retenu les services de M. Ken Marchant, spécialiste reconnu du droit de l'expropriation constitutionnel. M. Marchant nous a fourni des avis écrits concernant les problèmes liés à l'expropriation. Vous retrouverez ces avis dans la reliure que vous avez devant vous. M. Marchant et moi-même répondrons aux questions que vous aurez concernant l'expropriation. Nous avons tenté de répondre au meilleur de nos connaissances aux questions précises que vous avez soulevées par le passé.
En ce qui concerne le partage des intérêts fonciers en cas d'échec du mariage, l'accord-cadre et le projet de loi C-49 représente la première initiative et le premier texte de loi fédéral à ce jour à s'attaquer à cette question. L'initiative doit être encouragée, et non mise en veilleuse ni assujettie à des critiques injustifiées.
À propos des biens matrimoniaux dans les réserves, la Loi sur les Indiens est muette. Dans leur état actuel, les lois provinciales ne s'appliquent pas à la possession d'un bien-fonds dans une réserve. Le conjoint séparé ou divorcé n'a droit qu'à une indemnisation correspondant à la partie de la terre qui lui revient.
Les critiques de l'initiative insistent pour dire que les Premières nations devraient être forcées d'adopter les lois provinciales qui régissent les biens matrimoniaux, à titre intérimaire ou permanent. Au moins trois raisons s'opposent à l'adoption de telles lois. Premièrement, les lois provinciales ne tiennent pas compte du mode de tenure spécial en vigueur sur les terres des réserves. Ce sont des terres de la Couronne. Deuxièmement, on doit prendre des dispositions particulières à l'égard des conjoints qui ne sont pas membres de la Première nation et qui, normalement, ne peuvent être propriétaires de terrains dans une réserve. Troisièmement, les lois provinciales qui régissent les biens matrimoniaux ne traitent pas toujours de façon cohérente le partage des terres au nom des deux conjoints.
Honorables sénateurs, il s'agit d'un très vaste problème. Nous nous y sommes intéressés à de nombreuses reprises, et bon nombre de réunions ont été tenues à ce sujet. Nous avons affaire à des enfants et à des conjoints des deux sexes. Les Premières nations ont l'intention de s'attaquer à ce problème.
L'accord-cadre et le projet de loi C-49 reconnaissent le droit des Premières nations d'élaborer des solutions adaptées à leurs collectivités. Ce pouvoir n'est ni illimité ni non démocratique.
De toute évidence, la Charte s'applique. Or, l'article 28 de la Charte se lit comme suit:
Indépendamment des autres dispositions de la présente charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes.
Les Premières nations n'auront pas la possibilité et n'ont pas l'intention d'exercer une discrimination entre les hommes et les femmes mêlés à des différends concernant le partage des biens matrimoniaux.
Les femmes ne seront pas désavantagées par les lois relatives aux biens matrimoniaux qu'adopteront les Premières nations. Elles seront consultées et auront le droit de voter relativement aux codes fonciers de leurs Premières nations. Honorables sénateurs, ce droit s'applique indépendamment du lieu de résidence, que ce soit dans les réserves ou à l'extérieur des réserves. Dans de nombreux cas, les femmes représentent la majorité des électeurs des Premières nations.
Les lois relatives aux biens matrimoniaux pourront toujours faire l'objet de contestations devant les tribunaux et d'examens judiciaires si, en elles-mêmes ou sur la foi de leur application, elles sont réputées contrevenir aux principes de la Charte. L'approche adoptée dans l'accord-cadre est tout à fait conforme aux recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones.
La chef Margaret Penasse-Mayer et la conseillère Ava Bear, de concert avec le chef Austin Bear et l'un de nos conseillers juridiques, Bill Henderson, répondront à vos questions concernant le partage des biens matrimoniaux ou d'autres détails relatifs au droit matrimonial. Au besoin, d'autres personnes pourront aussi faire des commentaires.
Je vais maintenant dire un mot de la consultation municipale. Au cours des derniers mois, certains ont laissé entendre que le projet de loi devrait faire l'objet de consultations auprès des municipalités: à leurs yeux, en effet, la législation municipale de la Colombie-Britannique et d'autres provinces oblige les municipalités à consulter les Premières nations au sujet de lotissements proposés. Nous convenons de la nécessité de conclure un accord de consultation réciproque avec l'administration locale. Nous pensons que c'est dans le cadre de négociations entre la Première nation et l'administration locale que cette question devrait être abordée; en d'autres termes, elle ne devrait pas être intégrée à un texte de loi provincial ou fédéral.
Dans chacune des provinces, des centaines, voire des milliers d'ententes de service locales sont en vigueur -- dans bon nombre de cas, les Premières nations sont partie prenante. Ce n'est guère nouveau. De telles ententes sont conclues tous les jours.
Nous avons étudié les dispositions législatives en vigueur en Colombie-Britannique et la situation dans d'autres provinces. Dans la législation municipale de la Colombie-Britannique, rien n'oblige les municipalités à consulter les Premières nations relativement à des lotissements proposés. Au terme de l'examen que nous avons fait de la situation dans d'autres provinces, nous n'avons relevé aucune prescription législative obligeant les municipalités à consulter les Premières nations. Nous avons effectué des recherches poussées à cet égard.
Si vous avez des questions à propos de la consultation des municipalités ou encore de la procédure en vigueur en Colombie-Britannique, en particulier, le chef Bill Williams et le conseiller Harold Calla, de la Première nation Squamish de la Colombie-Britannique, seront heureux de vous aider en vous fournissant tous les détails voulus.
J'aimerais maintenant dire un mot de la question environnementale et du traitement que nous entendons lui réserver avec d'autres régimes gouvernementaux. L'Environment Act de la Colombie-Britannique et d'autres dispositions législatives provinciales obligent le promoteur à présenter un avis préalable aux diverses parties, y compris les Premières nations, tôt au stade de la planification et, plus tard, une fois le projet accepté aux fins d'un examen.
Le projet de loi C-49 témoignera de l'intention de nos collectivités de conclure avec d'autres administrations désireuses d'en venir à des accords réciproques, des ententes afin d'harmoniser les mécanismes d'évaluation environnementale et d'assurer une concertation dans d'autres domaines. À cette fin, je vous renvoie à divers articles de l'accord-cadre -- notamment les articles 25.7, 26.1 et 26.2
L'accord-cadre témoigne également de l'intention des Premières nations de signer avec les provinces et d'autres administrations de nouveaux accords visant à assurer la santé et le bien-être non seulement de nos propres collectivités, mais également de nos voisins. Nous sommes très fiers des percées réalisées et de ce que nous avons accompli dans le dossier de l'environnement.
Vous avez sous les yeux la reliure que nous avons pris la liberté de préparer à votre intention. Si, avec votre permission, je puis passer en revue les documents qu'on y trouve, vous verrez que nous avons tenté de répondre aux questions spécifiques et techniques que vous avez soulevées antérieurement, au stade de la deuxième lecture et à l'occasion de la comparution du ministère devant le comité du sénat.
Je vous renvoie à l'onglet 2, où on retrouve les documents relatifs à l'expropriation ainsi que les avis fournis par M. Marchant. Les informations qu'on y retrouve portent expressément sur des questions soulevées antérieurement par les honorables sénateurs.
L'onglet 3 porte sur la question des biens matrimoniaux. On y retrouve un historique de la question, l'application de la Charte concernant la question de l'égalité et d'autres questions touchant les différends matrimoniaux et la répartition des biens. Nous précisons également pourquoi notre initiative est à bon droit considérée comme étant la première qui s'attaque à la question des biens matrimoniaux sur les réserves, conformément aux lois adoptées dans nos collectivités.
L'onglet 4, qui porte sur la consultation municipale, comporte des remarques sur les mythes entourant la consultation des Premières nations par les municipalités de même que diverses lettres portant sur la question. On y retrouve également une copie de la correspondance échangée avec l'Union of BC Municipalities portant sur un accord de réciprocité sur lequel nous nous sommes entendus. Le président du comité des affaires autochtones de l'Union of B.C. Municipalities était présent à l'occasion de la comparution du ministère, la semaine dernière. Il était disposé à confirmer cet accord aux fins du compte rendu.
L'onglet cinq résume le contexte factuel de la question des locataires de Musqueam. Si nous avons ajouté ces documents, c'est pour dissiper les méprises et les malentendus qui peuvent exister aujourd'hui. Si vous avez des questions à ce sujet, je vais tenter d'y répondre, de concert avec les chefs présents. Le chef Bill Williams et le conseiller Harold Calla ont proposé d'ajouter des commentaires précis à ce sujet.
Les onglets six à dix contiennent des transcriptions des commentaires formulés jusqu'ici par des sénateurs à propos du projet de loi C-49 et de l'accord-cadre. Nous avons inclus ces transcriptions aux cas où nous devrions nous y référer par souci de clarté.
Pour conclure mon exposé initial, je souligne qu'il s'agit ici d'une introduction par trop brève à notre initiative concernant la gestion des terres. Cette dernière est essentielle pour permettre à nos collectivités d'exercer les pouvoirs qui leur reviennent de droit sur leurs propres terres et leurs propres ressources ainsi que de faire des affaires suivant le cycle conjoncturel qu'on retrouve dans le vrai monde. Avec tout le respect que nous leur devons, nous pensons que les membres du comité devraient renvoyer le projet de loi C-49, Loi portant ratification de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations et visant sa prise d'effet, devant le Sénat, sans modification.
Je vous remercie, monsieur le président et honorables sénateurs. Tous les membres du groupe ici présent sont disposés à passer directement aux questions et à fournir des réponses.
Le président: Je vous remercie de votre exposé. Nous allons maintenant passer à la période de questions.
Le sénateur Ghitter: D'entrée de jeu, je dois féliciter les témoins des renseignements qu'ils nous ont fournis, lesquels sont très détaillés et clairs. Je vous félicite du travail acharné que vous avez consacré au projet de loi au cours des dix dernières années. Il s'agit d'un projet de loi important. Je sais que vous avez tous dû déployer des efforts considérables pour être présents ici.
Quant aux commentaires que je ferai aujourd'hui, je vous prie de ne pas les interpréter comme dénotant un manque de confiance ni quoi que ce soit du genre, ainsi que vous en faites état dans les documents que vous avez présentés aujourd'hui. Mes propos porteront sur le cheminement qui a conduit aux dispositions législatives les plus équitables possibles pour toutes les parties concernées. Mes questions ne traduisent pas un manque de confiance à l'endroit des chefs, ni des personnes qui, à l'avenir, pourront manifester une volonté de s'associer à un régime de gestion des terres comparable à celui que nous avons devant nous.
Mes commentaires doivent être interprétés comme étant tout à fait favorables à ce que vous vous proposez d'accomplir au moyen du projet de loi. J'aimerais qu'on voie dans mes remarques une tentative de mettre au point le projet de loi le plus crédible et le plus achevé qui soit pour toutes les parties intéressées, de façon qu'il bénéficie de la meilleure compréhension et du plus grand respect possible dans la population en général du Canada, et non dans votre seule population. Voilà ce que je voulais dire en exergue à mes propos.
Les dispositions relatives à l'expropriation me préoccupent. J'ai fait des commentaires à ce sujet au Sénat. Vous les avez intégrés à votre documentation. Vous y avez même fait allusion. J'ai lu le mémoire savant consacré à cette question par M. Marchant, lequel fait partie de la documentation qui nous a été remise.
Je dois avouer ne toujours pas être persuadé. J'ai besoin de votre aide. Il est possible que certains aspects m'échappent. En guise de préface, je précise toutefois que le projet de loi, à mon avis, ne protège toujours pas adéquatement les personnes dont les terres sont en passe d'être expropriées. Permettez-moi de poser de simples questions à M. Marchant, qui pourrait peut-être clarifier la situation.
Imaginons que je sois titulaire d'un domaine à bail sur une réserve et que les décideurs en viennent à la conclusion qu'ils ont besoin de la terre en question «à des fins d'intérêt collectif» -- au sens large. L'intérêt collectif s'applique par exemple aux établissements de santé. Dans l'accord conclu avec les Muskodays, on en fait une interprétation très large. Selon ce que je comprends, on me signifie un avis dans lequel on m'informe que ma terre fait l'objet d'un besoin et que, dans 30 jours, elle ne m'appartiendra plus. Je me demande alors: «Quand serai-je indemnisé? Qu'arrive-t-il si je ne suis pas d'accord avec l'évaluation de la terre? À qui dois-je m'adresser? Dans quel délai? Comment puis-je avoir la certitude qu'on me traitera de façon adéquate?»
Dans la Loi sur l'expropriation fédérale, toutes ces questions sont touchées; dans le projet de loi, on ne consacre que 25 lignes à la question de l'expropriation.
Le fait que le projet de loi me protégera en tant que titulaire de domaine à bail ne me procure aucun réconfort relativement aux questions suivantes: quand serai-je payé? Que puis-je faire pour recevoir sans délai une indemnisation adéquate? Comment éviter d'interjeter appel? En fait, il est possible que je ne puisse me pourvoir en appel que devant les personnes qui m'ont exproprié.
Voilà la lecture que je fais de la situation. J'aimerais qu'on me fournisse des explications et qu'on me rassure en me montrant bien que les locataires ne risquent pas de se retrouver dans une telle situation.
M. Ken Marchant, conseiller juridique, Conseil consultatif (provisoire) des terres: Avant de répondre à la question, monsieur le président, je tiens à m'assurer que nous avons la même compréhension du fonctionnement de la Loi sur l'expropriation fédérale à cet égard. Je suis particulièrement intéressé de savoir quand l'indemnisation serait versée en application de la loi fédérale. Que vous en semble-t-il?
Le sénateur Ghitter: Je connais bien la loi, avec laquelle j'ai eu l'occasion de travailler en tant qu'avocat. J'ai lu la Loi sur l'expropriation, dont j'ai ici un exemplaire. Je m'y suis intéressé sur le plan pratique.
M. Marchant: Si je comprends bien, il faut habituellement au moins quelques mois, sauf en cas de consentement. Un avis initial est signifié, puis la loi fédérale prévoit un délai de 30 jours au cours duquel l'intéressé peut aller en opposition, ce qui met en branle une procédure d'audience relative à l'expropriation. Il peut aussi y avoir des pourvois en appel et des choses de ce genre.
Si, aux termes de la loi fédérale, le ministre entend donner suite à la mesure d'expropriation, il signifie un avis de confirmation, et la loi porte que, dans un délai de 90 jours, une offre d'indemnisation doit être présentée, laquelle peut alors être contestée.
Ce que je veux dire, c'est que, aux termes de la loi fédérale, le versement d'une indemnisation n'est nullement instantané, surtout en cas d'opposition. Aux termes de la loi, la Couronne peut prendre la terre, même si cette dernière ne fait pas l'objet d'un besoin urgent. Le titre de propriété est cédé, et la question de l'indemnisation fera l'objet de négociations ou peut-être même d'un arbitrage futur.
Le sénateur Ghitter: Si je comprends bien, on remet à la personne expropriée un document d'évaluation. En ma qualité de propriétaire exproprié, j'ai droit à la valeur totale de l'évaluation. En cas de différend, ou si j'ai le sentiment que mon terrain vaut davantage, je peux intenter un recours. En Alberta, où j'ai été mêlé à de nombreuses actions de même nature, la situation est la même.
M. Marchant: Je vais revenir en arrière et, ce faisant, répondre à la question. Vous voudrez peut-être que je fournisse plus de détails.
Le projet de loi C-49, Loi sur la gestion des terres des Premières nations, définit les règles de façon assez précise, qu'elles s'inscrivent dans le cadre du projet de loi, particulièrement l'article 28, ou du mécanisme d'incorporation par renvoi des règles de la loi fédérale concernant l'indemnisation. Le paragraphe 28(5) du projet de loi C-49 a pour effet d'importer ces règles dans le projet de loi.
Certains détails sont fournis dans le projet de loi C-49. Cependant, comme vous le savez, l'un des objectifs consiste à permettre aux Premières nations d'administrer leurs propres terres. Tel est l'objet du projet de loi. Les Premières nations auront notamment le pouvoir d'adopter les procédures détaillées appelées à régir les expropriations. Sur le plan des politiques, on a jugé que les dispositions complexes que renferme la loi fédérale ne s'appliqueront pas nécessairement au niveau d'une Première nation donnée.
Ces règles détaillées restent à être déterminées par les lois que les Premières nations adopteront. C'est ainsi qu'on définira la procédure détaillée. Je ne serais pas en mesure de préciser certains aspects de ces détails jusqu'à ce qu'ils aient été présentés. Ayant examiné la situation avec soin, je suis toutefois en mesure d'affirmer avec un degré élevé de confiance que le projet de loi C-49 renferme des protections et des droits de contestation identiques à ceux dont bénéficient le titulaire de domaine à bail ou toute autre partie intéressée expropriée aux termes de la Loi sur l'expropriation en application au niveau fédéral.
Je vous renvoie aux quatre instruments principaux qui suivent, ce qui me permettra de fournir davantage d'explications. Premièrement, la question est de savoir si le droit de contester l'intérêt public ou collectif a bel et bien trait au bien-être de la collectivité concernée plutôt qu'à un intérêt particulier. Comme le savent les honorables sénateurs, les tribunaux ont, sur ce point, interprété la loi de façon relativement stricte.
Deuxièmement, la loi fédérale et le projet de loi C-49 portent tous deux qu'on doit agir à des fins d'intérêt collectif. Il s'agit d'un critère plus strict. Les tribunaux ont fait preuve de beaucoup de rigueur sur ce point.
Soit dit en passant, je constate que la loi qui régit l'autonomie gouvernementale des Sechelts ne revêt pas le même caractère de «nécessité». Elle est loin d'être aussi stricte. Il suffit que l'expropriation soit dans l'intérêt collectif.
Troisièmement, on doit accorder une indemnisation juste. On le précise clairement, et les règles découlant de la loi fédérale s'appliquent.
Enfin, on doit appliquer les règles de la justice fondamentale et naturelle, y compris le droit à un préavis raisonnable et à une audience juste devant un tribunal impartial. Ces règles fondamentales s'appliquent à toutes les questions pouvant faire l'objet d'un différend, qu'il s'agisse du bien-fondé de l'expropriation ou de l'importance de l'indemnisation.
Dans l'hypothèse où on revendiquerait une protection accrue, je renvoie les sénateurs aux dispositions de la Déclaration canadienne des droits de 1960. Cette déclaration a de nombreux points en commun avec la Charte des droits, mais on y retrouve un élément absent de la Charte, nommément la protection des droits de propriété. En particulier, la déclaration -- qui s'applique toujours au niveau fédéral -- porte que les droits de propriété doivent être respectés et qu'on ne peut les retirer qu'en vertu d'une application régulière de la loi.
Le sénateur Ghitter: Permettez-moi de contester vos propos. Nous pourrions peut-être nous reporter à l'article 28, qui se lit comme suit:
(1) La Première nation peut, en conformité avec les règles prévues par le code foncier, procéder à l'expropriation des intérêts sur ses terres dont elle a besoin, de l'avis de son conseil, à des fins d'intérêt collectif, notamment la réalisation d'ouvrages devant servir à la collectivité.
Lorsque, dans le contexte de l'accord conclu avec les Muskodays, je constate l'interprétation qu'on fait de la notion des «ouvrages devant servir à la collectivité», je dois dire en toute franchise que jamais, à ma connaissance, on n'a traité les établissements de santé, les maisons de retraite et les services de garderie en tant qu'ouvrages devant servir à la collectivité.
Dans le dossier de l'expropriation, la notion d'«intérêt public» à laquelle vous avez fait allusion ne se rapporte, à ma connaissance, qu'aux routes, aux égouts et aux questions de cette nature. Selon mon expérience, jamais on n'a invoqué l'«intérêt public» en regard des services de garde, des établissements de santé et des maisons de retraite, sans parler d'autres besoins, par exemple plus de logements. On peut peut-être invoquer l'intérêt collectif, mais je me demande si un tel intérêt justifie une expropriation. Peut-être voudra-t-on s'approprier mon terrain pour y bâtir un casino. Est-ce dans l'intérêt public?
La notion d'«intérêt public» telle qu'on la retrouve dans l'accord conclu avec les Muskodays pose à mes yeux de nombreux problèmes. Elle m'apparaît très large, et je me sentirais plus à l'aise si elle était limitée.
M. Marchant: Essentiellement, la formulation du paragraphe 28(1) reprend pour le compte des Premières nations celle de la Loi sur l'expropriation fédérale. Le paragraphe 4(1) de la Loi sur l'expropriation fédérale porte que la Couronne peut exproprier tout droit réel immobilier dont, «de l'avis du ministre», plutôt que de celui du chef et du conseil, «dont elle a besoin [...] pour un ouvrage public ou pour une autre fin d'intérêt public» plutôt que «à des fins d'intérêt collectif, notamment la réalisation d'ouvrages devant servir à la collectivité».
La formulation est très semblable. La différence, c'est que l'intérêt public, en ce qui a trait au gouvernement du Canada, a trait à tous les citoyens du Canada. En ce qui a trait à une Première nation, il s'agit d'un regroupement d'Indiens formant une Première nation, dont la composition est clairement définie.
Le sénateur Ghitter: Si, en Alberta, où on peut exiger la tenue d'une enquête pour établir si l'intérêt public ou le fait qu'un ouvrage doive servir à la collectivité constitue une condition préalable à la mise en branle du processus, vous vous présentiez devant une commission d'enquête et que vous disiez: «Je veux exproprier cette terre pour un ouvrage public ou une autre fin d'intérêt public, c'est-à-dire aménager un établissement de santé», vous essuieriez un refus. À mes yeux, la notion d'«intérêt collectif» est bien plus vaste que ce que je vois ici.
M. Marchant: Le critère qui régit la notion d'«intérêt collectif» est de savoir si la mesure favorise ou non le bien-être général de la collectivité. À mon avis, les hôpitaux et les écoles favorisent le bien-être de la collectivité. En fait, certains hôpitaux disposent même de pouvoirs d'expropriation.
Je suis en désaccord avec vous, sénateur, sur un point précis. La Cour suprême du Canada établit clairement que la décision de principe de procéder à une expropriation constitue bel et bien une décision de principe, et non une condition préalable pouvant être contestée. Il s'agit d'un arrêt qui concerne l'Alberta, Calgary Power Limited et Halmrast c. Copithorne.
Le sénateur Ghitter: C'est un vieil arrêt, mais je m'en souviens.
M. Marchant: On l'a appliqué assez récemment.
Le chef Bill Williams, Première nation de Squamish: On ne doit pas oublier que les Premières nations tirent directement leurs pouvoirs de la Constitution. Nous ne tirons pas nos pouvoirs d'autres sources, comme le font les municipalités et d'autres organisations. Nos pouvoirs vont d'une extrémité du spectre à l'autre, ce qui comprend alors la santé de nos citoyens.
Dans la Constitution, le gouvernement fédéral, au moyen de transferts et d'accords conclus avec les différentes provinces, a cédé les pouvoirs en question à chacune des provinces. Ces dernières sont donc habilitées à saisir des terres à des fins provinciales. Elles saisissent des terres pour aménager des hôpitaux et à d'autres fins nécessaires liées à la santé. En tant que Première nation, nous exerçons ce pouvoir en vertu de la Loi sur les Indiens. Nous voyons dans la santé un besoin commun à notre collectivité.
Les soins prodigués à nos enfants dans des garderies constituent une question d'intérêt communautaire qui sert notre collectivité lorsque nos enfants grandissent. Nous ne nous restreignons pas sur la foi des compétences provinciales ou municipales. Nous devons tenir compte du spectre complet de la collectivité.
Le sénateur Ghitter: Si, sur une réserve, vous aviez besoin d'une terre à des fins d'intérêt collectif, et que vous demandiez au gouvernement fédéral de l'exproprier pour vous, je tiens pour acquis que le gouvernement fédéral serait lié par la Loi sur l'expropriation fédérale.
M. Marchant: Non, c'est faux. Pas sur une réserve. Je vais vous faire lecture de la disposition.
Le paragraphe 18(2) de la Loi sur les Indiens comporte une caractéristique intéressante sur laquelle je souhaite attirer votre attention. On lit:
Le ministre peut autoriser l'utilisation de terres dans une réserve aux fins des écoles indiennes, de l'administration d'affaires indiennes, de cimetières indiens, de projets relatifs à la santé des Indiens, ou, avec le consentement du conseil de la bande, pour tout autre objet concernant le bien-être général de la bande, et il peut prendre toutes terres dans une réserve, nécessaires à ces fins, mais lorsque, immédiatement avant cette prise d'effet, un Indien particulier avait droit à la possession de ces terres, il doit être versé à cet Indien, pour un semblable usage, une indemnité d'un montant dont peuvent contenir l'Indien et le ministre, ou, à défaut d'accord, qui peut être fixé de la manière que détermine ce dernier.
Premièrement, les tribunaux ont toujours affirmé que le critère qui régit l'intérêt public est le bien-être général, c'est le critère qu'on continuera toujours d'utiliser en cas de contestation. Le critère ne porte pas sur une quelconque liste d'intérêts parce qu'une telle liste n'existe tout simplement pas. C'est un critère que les tribunaux appliqueront.
Deuxièmement, on envisage le versement d'une indemnité aux Indiens touchés, même s'il s'agit, à mon avis, d'une bizarrerie de la loi. Cependant, on n'évoque pas l'indemnisation des non-Indiens.
Dans le projet de loi C-49, les deux bénéficient d'un traitement égal.
À mon avis, les intérêts indiens et non indiens peuvent contester la notion d'intérêt public ou collectif, tout comme ils peuvent le faire en vertu de la Loi sur l'expropriation fédérale. Ils peuvent contester la nécessité d'une mesure prise à ces fins, tout comme ils le peuvent en vertu de la loi fédérale. En cas de différend, ils peuvent mettre en doute l'application des principes de la justice fondamentale sur tous les plans, et ils auront droit à une indemnisation équitable, en vertu des mêmes règles.
À mes yeux, sénateur, il s'agit d'un ensemble de protection très solide. C'est, je crois, la position des chefs qui comparaissent devant vous.
Le sénateur Ghitter: Imaginons que la Couronne ait conclu un contrat de location avec un membre ne vivant pas sur une réserve et qu'elle souhaite annuler ce contrat et exproprier le terrain. Voulez-vous dire qu'elle pourrait le faire sans passer par la procédure d'expropriation? Est-ce ainsi que vous interprétez le paragraphe dont vous venez de faire lecture?
M. Marchant: Le paragraphe de la Loi sur les Indiens?
Le sénateur Ghitter: Oui.
M. Marchant: Non. Il s'agit de la disposition relative à l'expropriation qui s'applique actuellement au droit immobilier sur les réserves.
Le sénateur Ghitter: En réponse à ma première question, vous avez dit que la Loi sur l'expropriation ne s'applique pas. À supposer que la Couronne ait cédé un droit de tenure à bail -- comme c'est le cas à Musqueam et ailleurs -- et qu'elle souhaite annuler ce droit et reprendre le terrain, laissez-vous entendre que la Loi sur l'expropriation fédérale ne s'applique pas? Est-ce bien là votre position?
M. Marchant: Je tiens à bien clarifier ce dont il est question. S'il s'agit d'un contrat de location ou d'un accord analogue sur une réserve, la Loi sur les Indiens, dans un tel cas, s'applique bel et bien. S'il s'agit d'un contrat conclu avec la Couronne à l'extérieur d'une réserve, la Loi sur les Indiens ne s'applique pas. Dans un tel cas, la Loi sur l'expropriation fédérale s'applique.
Je ne connais pas les détails du contrat de location. J'aimerais que vous produisiez le contrat en question pour que je l'examine et que je vous donne une opinion claire à son propos. La différence, c'est que, s'il vise un terrain situé sur une réserve, la Loi sur les Indiens s'applique. Si, en revanche, il s'agit d'un contrat conclu avec la Couronne relativement à une terre ne se trouvant pas sur une réserve, la Loi sur l'expropriation fédérale s'applique.
À l'instar des recours, les règles et les protections seraient les mêmes, dans le projet de loi C-49 et dans la Loi sur l'expropriation fédérale.
M. Louie: J'aimerais ajouter à ce que M. Marchant et le chef Williams ont déjà indiqué. Je veux m'assurer que tous les honorables sénateurs comprennent bien l'enjeu.
Premièrement, nous faisons ici référence à des terres qui se trouvent dans les réserves. Elles relèvent de la compétence fédérale. Il ne s'agit pas ici de terres en fief simple. Les terres en fief simple diffèrent de ce que les Premières nations ont établi ici. Il s'agit d'un fait fondamental et important. Je tiens à attirer votre attention sur ce point.
Deuxièmement, l'expropriation, quel que soit l'objet visé, constitue un dernier recours. Les membres des Premières nations ne sont pas stupides. Ils feront preuve d'une très grande prudence. Nous en avons discuté de façon franche et intime. La réalité, c'est que les Premières nations feront l'objet d'un examen minutieux au microscope. Cela dit, aucune Première nation n'a l'intention de manquer à ses obligations vis-à-vis de ses membres, de tierces parties intéressées ni de qui que ce soit d'autre au pays puisque c'est ce sur quoi l'opinion publique canadienne se centrera. Une erreur aura un effet sur nous tous. Nous n'allons certainement pas commettre cette erreur.
À cet égard, nous avons fait notre travail, et, sénateur Ghitter, je tiens à ce que vous le compreniez très bien, vous et les autres sénateurs. Nous n'allons pas nous tirer dans le pied. On a ici affaire à la notion de bon gouvernement. Les Premières nations ici présentes ont l'intention de former de bons gouvernements. Toutes les Premières nations qui s'intéressent à cette question ont l'intention de faire preuve de prudence.
L'autre point que j'aimerais soulever est relativement important. L'expropriation est une question qui intéresse non seulement des tierces parties -- c'est-à-dire les preneurs à bail, qu'ils se trouvent à Musqueam ou ailleurs -- mais aussi les membres de la bande. Les membres de la bande doivent voter pour l'adoption de leur code foncier. Il s'agira d'une amélioration considérable. Lorsqu'ils seront appelés à voter, les membres de la bande devront étudier avec beaucoup de soin le secteur visé par la mesure d'expropriation.
Il s'agit d'un pouvoir conféré à un gouvernement. Nous formons des gouvernements, et il s'agit d'un accord de gouvernement à gouvernement. Nous avons ici affaire à l'exercice du pouvoir par nos gens. Nous ne voulons pas que ce pouvoir, par rapport à celui que détient tout autre gouvernement du pays, soit réduit ni appliqué dans une moindre mesure. Je puis vous assurer que c'est un point de vue que nous défendons tous très fermement.
Le sénateur Wilson: Je ne me suis pas prononcé sur le projet de loi C-49 en deuxième lecture parce que d'autres sénateurs ont soulevé les questions qui me préoccupaient. Cela dit, je ne suis pas avocat. Comment détermine-t-on une indemnisation équitable?
M. Marchant: Il s'agit de la juste valeur marchande telle que déterminée par un évaluateur indépendant, compte tenu de l'utilisation optimale de la terre en question et d'indemnisations versées en contrepartie de troubles de jouissance, par exemple les frais de déménagement -- dans l'hypothèse où vous êtes tenu de quitter votre résidence. Des règles particulières s'appliquent aussi à des situations particulières; par exemple, un immeuble spécialisé construit aux fins d'un hôpital ou une usine spécialisée. En vertu des règles fédérales, une indemnisation additionnelle est versée dans de tels cas.
Enfin, on effectue des rajustements lorsque, par exemple, on ne prend qu'une partie d'un terrain ou une moitié, mais non l'autre. J'espère avoir répondu à votre question.
Le sénateur Wilson: En ce qui concerne la juste valeur marchande de ces maisons, personne ne voudra plus les acheter. Quelle est la juste valeur marchande de ces maisons?
M. Marchant: Je ne suis pas certain de comprendre pourquoi vous dites que personne ne voudra acheter ces maisons?
Le sénateur Wilson: J'ai reçu des lettres de certains titulaires de domaines à bail qui, dans l'état actuel des choses, se disent incapables de vendre leur maison. Par conséquent, elles n'ont aucune valeur marchande.
Le sénateur Johnson: Faites-vous référence à Musqueam?
Le sénateur Wilson: Oui.
M. Marchant: Je ne suis pas évaluateur, et il est difficile de faire des commentaires à propos d'un marché donné. Cependant, on retrouve des marchés actifs de toutes sortes dans l'ensemble des régions du Canada, y compris des marchés pour les locaux loués. Dans la plupart des cas, les évaluateur sont en mesure d'établir une valeur raisonnable.
Le sénateur Wilson: Je fais ici expressément référence à Musqueam. Les personnes qui m'ont écrit disent qu'elles aimeraient vendre leur maison et partir, mais elles en sont incapables parce que personne ne veut les acheter.
M. Marchant: La situation de Musqueam n'a rien à voir avec le projet de loi. C'est ce que je crois comprendre.
Le chef Williams: En ce qui concerne Musqueam, le tribunal a déjà statué sur la valeur marchande de la terre. La valeur marchande de la terre est supérieure de 6 000 p. 100 à 7 000 p. 100 à ce qu'elle a été au cours des 30 premières années. Voilà le problème. Le tribunal a établi le taux du marché, et les titulaires de domaine à bail se demandent pourquoi ils doivent payer le prix du marché d'aujourd'hui. Voilà leur problème. Ils ne veulent pas payer le taux du marché d'aujourd'hui.
Le sénateur Wilson: Avait-on informé ces titulaires de domaine à bail non autochtones que ce problème allait se poser dix ans après la conclusion du contrat?
Le chef Williams: Le problème a été défini 30 ans avant le début de la période de renouvellement. C'était écrit dans le contrat au moment où ils ont commencé à payer 375 $ par année pour les trois quarts d'une acre.
Le sénateur Wilson: Le projet de loi C-49 ou l'accord-cadre prévoit-il un examen périodique des dispositions relatives à l'expropriation de la part des Premières nations? Croyez-vous que ce soit là une bonne idée?
M. Marchant: L'accord-cadre porte qu'un examen doit être effectué au cours des quatre premières années, lequel doit s'effectuer dans un délai de un an ou moins. En vertu de l'accord-cadre, la commission de la gestion -- dont le comité de direction se compose des chefs qui comparaissent devant vous ce soir -- agit de plus comme conseiller technique des Premières nations relativement au projet de loi. La commission a pour mandat de superviser toute la mise en oeuvre du projet de loi.
M. Louie: En réalité, l'examen se déroulera bien avant l'expiration du délai prévu de quatre ans. Le délai de quatre ans constitue un minimum. Le délai garantit la tenue d'un examen. La vérité, c'est que l'examen se met en branle en prévision de l'adoption du projet de loi.
À supposer que le projet de loi soit adopté en troisième lecture -- et nous espérons qu'il le sera --, un examen poussé débutera probablement dans un délai de six mois. Si je dis six mois, c'est parce qu'on retrouve dans diverses régions de la province quelques autres Premières nations qui nous disent: «Nous étudions la situation de près. Nous avons des lettres, des comptes bancaires et des résolutions de soutien. Nous voulons nous associer au processus. Pouvez-vous nous y associer?» Nous avons travaillé en collaboration avec ces collectivités des Premières nations. Elles se sont adressées à nous et au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous avons l'intention de faire en sorte qu'un examen complet soit effectué dans un délai très court. C'est notre intention, et c'est ainsi que nous voyons les choses. Cependant, nous savons que nous ferons l'objet d'un examen au microscope pendant tout ce temps.
Le sénateur Wilson: La culture autochtone m'est toujours apparue comme très hospitalière. Je ne me suis jamais senti attaqué. Vous entendre dire que vous savez qu'on épiera vos faits et gestes m'a quelque peu rassuré.
Avez-vous tenté de faire en sorte que les Premières nations ou les titulaires de domaines à bail se parlent, ou a-t-on affaire à une négociation sans compromis?
M. Louie: M. Henderson aimerait répondre à la question. Puis, j'ajouterai peut-être quelques mots à ses commentaires.
M. Bill Henderson, conseiller juridique, Première nation de Muskoday, Conseil consultatif (provisoire) des terres: Il y a une différence, selon qu'on s'exprime de façon générale ou spécifique. De façon générale, la plupart des Premières nations ont eu des consultations avec des tiers locataires, là où il s'en trouve dans les réserves. Si vous faites précisément référence à la situation de Musqueam, on a affaire à une négociation sans compromis.
Comme le chef Williams l'a souligné, un bail a été signé en 1965 et, en 1995, a fait l'objet d'une révision après 30 ans. Le litige portait principalement sur la signification des mots «valeur foncière actuelle» dans le bail. Les locataires affirmaient et affirment toujours que la valeur du terrain au parc de Musqueam correspondait à la moitié de celle des terrains se trouvant de l'autre côté de Southwest Marine Drive à Vancouver. La Première nation n'est pas de cet avis. À ses yeux, ses terres valent autant que celles de quiconque.
«Valeur foncière actuelle» est une expression juridique que les tribunaux ont interprétée. En cour d'appel, un juge s'est dit d'accord avec les locataires; cependant, trois juges de la cour d'appel fédérale ont à l'unanimité donné raison à la Première nation. Les locataires, comme ils en ont parfaitement le droit, ont demandé l'autorisation d'interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada.
Oui, on a ici affaire à une situation conflictuelle. Un terrain doit-il être loué à rabais parce qu'il se trouve dans une réserve? La Première nation refuse absolument de l'admettre. La question a été soumise aux tribunaux.
Une année après la procédure d'examen et le déclenchement du conflit, la Musqueam First Nation, de concert avec d'autres Premières nations, ont signé un accord-cadre relatif à la gestion des terres dans lequel elles s'engagent à respecter les intérêts de tierces parties présentes dans leur réserve conformément aux documents constitutifs, c'est-à-dire, dans ce cas-ci, les baux. Les locataires et la Première nation n'ont fait que se concentrer sur le bail, dont ils ont demandé aux tribunaux d'interpréter le libellé.
Le sénateur Gill: Je suis très heureux de la tournure des événements. Pendant longtemps, on a cru que les autochtones étaient dépendants ou administrés par d'autres. Aujourd'hui, un groupe de personnes comme vous se lève et décide de prendre son propre destin en main. Sur ma réserve, j'ai été chef pendant dix ans; j'ai souffert de la gestion d'autrui.
Au Québec, j'ai travaillé au ministère des Affaires indiennes. Au nom du ministère, j'étais responsable de la gestion des terres du Nord. À l'époque, j'étais fermement convaincu que les décisions en cette matière devraient être prises par les intéressés eux-mêmes. Je me sentais mal à l'aise à l'idée de prendre de telles décisions à partir de Québec.
Je me réjouis du pas en avant que vous avez franchi, et je suis confiant. Je sais que les terres en question seront bien administrées parce que ce sont les Indiens qui assumeront les responsabilités, bénéficieront des avantages ou souffriront des inconvénients. Cela ne fait aucun doute; je suis certain que tout se passera bien.
En ce qui concerne les cas de divorce, entendez-vous proposer une modification pour faire en sorte que les intéressés soient satisfaits? Lorsque le projet de loi C-31 a fait l'objet d'un débat, j'étais chef de ma réserve. Nous devons veiller à ce que les femmes bénéficient d'un traitement égal et équitable. J'ignore ce qu'il faut faire, mais quelque chose doit être fait.
M. Louie: J'aimerais dire quelques mots en réponse à vos préoccupations. Par la suite, nous nous tournerons vers la chef Margaret Penasse-Mayer, de la Première nation de Nipissing.
Vous comprenez la gestion des terres, et nous en sommes heureux. Nous sommes indéniablement satisfaits de vos propos. Vous parlez très bien l'anglais.
M. Louie: Nous avons apporté des modifications et, l'année dernière, nous avons débattu de cette question en profondeur. Pour clarifier la question des femmes et du mariage, nous avons apporté des modifications à l'article 5.4 de l'accord-cadre. Les modifications en question ont été approuvées, et elles font maintenant partie du projet de loi C-49. Comme vous le voyez, le travail a été bien fait.
En outre, nous avons pris la liberté de préparer des options en cas de séparation. Tous les chefs de toutes les collectivités prennent la question très au sérieux. Je puis vous assurer que la question du mariage a été traitée de façon très responsable.
Il y a la Charte. Elle fait partie du texte de loi. Le projet de loi vise tous les autochtones, quel que soit leur sexe. C'est là son intention et son objet.
Des groupements de femmes autochtones précis ont soulevé un enjeu bien plus vaste, à savoir qu'on doit s'occuper de tous nos membres. Nos enfants en particulier sont importants. Telle est l'intention qu'on retrouve derrière le projet de loi et l'accord-cadre. Il s'agit d'un enjeu bien plus vaste que celui qui a été soulevé devant les tribunaux ou ailleurs concernant le fait que les femmes seraient laissées à elles-mêmes. Nous nous occupons de nos gens, de la totalité d'entre eux. Tous sont également importants.
Croyez-moi, sénateur, cette question a été prise très sérieux, et nous nous en sommes occupés.
Je sais que la chef Margaret Penasse-Mayer aimerait faire quelques commentaires et en dire plus sur la question.
La chef Margaret Penasse-Mayer, Première nation de Nipissing, Conseil consultatif (provisoire) des terres: J'aimerais parler davantage de la question du droit matrimonial, absente de la Loi sur les Indiens. Aucune solution n'est en vue. Nous avons décidé de nous attaquer au problème. Le moment était idéal pour faire tout le travail, y compris dans le dossier des terres. Dans notre collectivité de la Première nation de Nipissing, près de North Bay, les anciens parlent de cette question depuis un certain temps. À l'époque, cependant, la bande ne disposait pas des ressources nécessaires pour documenter la question et consulter la collectivité. Pour ce faire, il faut du temps et de l'argent. Lorsque nous avons décidé de légiférer dans le dossier des terres, nous avons jugé bon d'intégrer cette question au débat. Nous sommes très heureux de le faire. Nous comprenons la gravité de cette question, qui ne concerne pas que les femmes. Dans notre collectivité, on est membre de la bande ou on ne l'est pas. Dans notre collectivité, on retrouve des non-membres de la bande qui sont mariés à un membre de la Première nation ou qui résident avec d'autres personnes. Nous devons nous attaquer à ces problèmes. Nous le comprenons, et nous prenons la question très au sérieux. Je voulais que vous le sachiez.
M. Louie: Honorables sénateurs, je vous renvoie une fois de plus à l'onglet 3. Il s'agit d'un volet important de notre présentation. Les renseignements qui s'y trouvent complètent ce que nous disons ici ce soir. Nous aimerions que vous examiniez avec soin toute la correspondance qui figure sous l'onglet 3 ainsi que tous les renseignements présents dans la reliure. Nous nous sommes intéressés au problème. Nous avons tenté de répondre avec le plus de soin possible à la question que vous avez soulevée, sénateur, concernant la question des biens matrimoniaux et leur division en cas d'échec du mariage.
Le sénateur Chalifoux: Vous dites que les membres de la bande ont été consultés. A-t-on aussi consulté les non-membres de la bande qui sont mariés à des membres de la bande?
La chef Penasse-Mayer: Nous avons l'intention de consulter la collectivité. Chaque collectivité du Canada a ses valeurs. Dans notre collectivité, ce sont principalement des femmes qui dirigent. Elles ont joué un rôle prépondérant dans la collectivité. Elles ont fait de la collectivité ce qu'elle est aujourd'hui. Des consultations auront lieu à propos de toutes ces questions. Ce n'est qu'après qu'on tranchera.
Le sénateur Chalifoux: M. Louie et moi-même avons discuté de cette question. Je reçois de nombreuses lettres de la part de femmes qui sont mariées à des membres de bande concernant ce qui leur arrivera en cas d'échec du mariage. Que leur arrivera-t-il? Qu'arrivera-t-il aux enfants issus de ces mariages? Mes commentaires s'appliquent également au cas d'un non-membre de la bande qui épouse une femme qui est membre de la bande. Les auteurs de nombreuses lettres se demandent si ces questions sont abordées dans le projet de loi C-49.
La chef Penasse-Mayer: Oui.
M. Louie: La chef Lorraine McRae de Mnjikaning s'est jointe à nous. La chef McRae aimerait réponde à la question.
La chef Lorraine McRae, Chippewas de Mnjikaning: Honorables sénateurs, c'est un plaisir d'être parmi vous aujourd'hui. Cette question compte parmi celles qui revêtent la plus grande importance pour notre collectivité. Dans notre collectivité, les enfants passent d'abord et avant tout. Notre territoire est critique, très important. Par l'entremise de notre territoire, nous communiquons avec nos ancêtres et les générations futures. Je suis une femme qui, en raison de son mariage, a perdu son statut, et cette question est très importante à Mnjikaning. Toute la collectivité s'occupe des enfants, et les décisions sont prises en fonction de leur bien-être.
À la maison, nous avons été confrontés à un problème il y a quelques mois. Une non-autochtone est mariée à un autochtone, et ils ont deux enfants. L'autochtone a convenu avec son conjoint non autochtone de demeurer sur place avec les enfants. Ils ont pris cette décision entre eux, avec la famille et l'ensemble de la collectivité. La question était présentée au conseil et s'est réglée d'elle-même. Chacun sait que c'est ainsi que tout se passera. Il y a eu d'autres cas. Dans de tels cas, l'ensemble de la collectivité veille sur les enfants. On agit toujours dans un souci d'équité.
M. Louie: Honorables sénateurs, vous avez abordé une question très importante. La conseillère Ava Bear aimerait répondre à votre question, de même que le chef Terry Pelletier.
La conseillère Ava Bear, Première nation de Muskoday: Bonjour. Il est vrai que ce sont les enfants qui constituent notre priorité. Dans notre collectivité, nous avons été confrontés à des cas d'échec du mariage. La maison est toujours cédée au parent qui a la garde des enfants. Nous avons des pères célibataires et des mères célibataires. Ce sont toujours les enfants qui viennent en premier. Ils revêtent pour nous une importance capitale. Ils représentent notre avenir.
Je crois comprendre que certaines des lettres que vous recevez proviennent de la Native Women's Association of Canada et de la Native Women's Association de la Colombie-Britannique. À l'occasion de sa comparution devant le comité permanent de la Chambre des communes en décembre, la Première nation de Muskoday a déposé une pétition précisant que ces deux groupes de femmes ne nous représentent pas. Nous ne savons pas qui elles sont. Nous ne l'avons jamais su. Elles n'ont jamais communiqué avec nous pour nous inviter à les élire ni à participer aux élections. Nous ne faisons pas partie de ces groupes. Les femmes de notre collectivité ont été très irritées d'apprendre que ces femmes se prononçaient contre un accord relatif à un code foncier qu'elles avaient elles-mêmes appuyé au sein de la collectivité et en faveur duquel elles avaient voté. Muskoday est l'une des collectivités où le nombre des électrices est supérieur à celui des électeurs.
Je ne vois pas pourquoi un groupe qui n'a strictement rien à voir avec notre collectivité pourrait signifier son opposition. Notre collectivité sait très bien comment s'occuper de ces gens. Nous l'avons fait, et nous allons continuer de le faire. Si c'est là le genre de lettres auxquelles vous faites allusion, je pense que vous devriez plutôt tenir compte des préoccupations des femmes qui vivent dans les collectivités et qui sont touchées par l'accord. Je vous remercie.
Le chef Terrence Pelletier, Première nation de Cowessess: Bonjour, sénateurs. Je tiens à soulever certaines questions concernant les droits des femmes.
Notre accord définit une procédure en vertu de laquelle nous devons consulter nos membres à propos des lois qui entreront en vigueur après que nous nous serons prononcés par vote. Nous avons tous recueilli beaucoup de commentaires, y compris de la part de femmes, à propos des questions soulevées ici.
Notre comité s'intéresse à ces règles depuis 1993. On a demandé à nos membres de nous faire part de leurs commentaires, après quoi les règles ont été révisées. Notre proposition ne fait pas partie de la trousse d'information qui vous a été remise parce qu'elle n'a pas encore fait l'objet d'un vote.
À nos tables, nous débattons d'enjeux importants. Deux des membres qui, à notre table, ont participé à la rédaction des dispositions législatives sur la gestion des terres ont un conjoint qui ne réside pas dans la réserve. Lorsque ces questions sont à l'étude, nous recueillons de nombreuses réactions. Vous devez comprendre que, en tant que chefs, nous devons fournir à nos gens des logements ainsi que des services de santé et d'éducation.
Je vous mentionne deux incidents très malheureux qui se sont produits en Saskatchewan. Dans le Nord, un chef a fait la manchette après avoir expulsé une femme qui n'était pas de la réserve. Elle s'était mariée dans une réserve différente et ne comptait plus parmi les membres, de sorte qu'il l'a expulsée. Dans le Sud, plus près de ma propre réserve, une grand-mère et ses petits-enfants sont morts des suites de l'incendie de la maison dans laquelle ils vivaient, dans une collectivité avoisinante. La maison était en très mauvais état, et ce n'était pas un endroit convenable pour eux. La réserve était située tout près. On a demandé au chef pourquoi il n'avait pas fourni un logement à cette dame, et il a répondu que c'était parce que la moitié des personnes qui vivaient dans des maisons de la bande n'étaient pas membres de la bande. Ils n'étaient pas membres de la réserve en question.
D'une part, on nous reproche d'obliger des personnes à partir; d'autre part, on nous reproche de les autoriser à rester. Nous ne faisons pas pousser les maisons. Elles sont difficiles à trouver.
En ce qui concerne les terres, le projet de loi ne nous confère aucun pouvoir. En revanche, il reconnaît notre capacité et notre droit de définir notre propre avenir. On débat des droits des femmes et de l'expropriation de terres aux fins de l'aménagement d'écoles et de garderies.
Si vous n'adoptez pas le projet de loi, sénateurs, nous ne serons jamais en mesure de régler ces problèmes au niveau communautaire. Rien ne servirait alors d'avoir des discussions avec les femmes ni de débattre du pouvoir du conseil en matière d'utilisation du sol. Nous n'aurons pas l'argent nécessaire pour faire quoi que ce soit ni intérêt à agir. Les mesures que nous pourrions prendre, le cas échéant, seraient sans effet.
En vertu du projet de loi, nous pouvons discuter de ces questions avec nos gens. Nous pouvons parvenir à un accord raisonnable quant à la façon dont nous administrons nos propres affaires.
Le projet de loi remet en cause le pouvoir que les dispositions législatives fédérales confèrent au ministre de gérer les terres des Premières nations. Jusqu'en 1996, toutes mes terres étaient recouvertes de mauvaises herbes. Rien n'y poussait. Le premier ministre a déclaré qu'il redonnait aux Premières nations un pouvoir que le gouvernement fédéral détenait en fiducie.
Nous avons consacré beaucoup de temps au projet de loi. Il ne s'est pas fait en un jour. Nous n'avons pas agi à la dérobée, et nous ne cherchons pas à berner qui que ce soit. Nous agissons au vu et au su du public, et nous discutons avec vous.
Vous devez comprendre que les terres des réserves n'engendrent pas la richesse. Elles ne sont pas gage de richesse comme elles le sont à l'extérieur des réserves. Elles appartiennent à tous.
J'ai cultivé un lopin de terre jusqu'en 1989. Lorsque je suis parti, il était dans ma famille depuis cinq générations. Mon père est mort en 1966, et ma mère s'est retrouvée devant rien. J'ai repris l'affaire, et je me suis retrouvé devant rien. La terre n'est pas gage de richesse. On ne peut créer de richesses. Rien ne sert d'y investir, puisque, à la fin, elle ne vous appartient pas.
Le projet de loi nous donnera la possibilité de rentrer à la maison et de planifier notre avenir. Il nous permettra de déterminer ce que nous voulons pour nous-mêmes. Il nous aidera à organiser, à gérer et à faciliter le changement, lequel sera bénéfique pour tous, particulièrement nos femmes et nos enfants.
En ce qui concerne les pouvoirs que nous exercerons à titre de chefs et de conseils, nous devrons nous comporter en gens d'affaires compétents. Nous n'avons pas beaucoup d'argent à investir dans tous ces projets. Nous devrons tendre la main et convaincre des personnes de notre capacité d'être de bons partenaires et de notre volonté de ne pas faire un mauvais usage des pouvoirs qui nous sont conférés. Nous avons besoin de la confiance que nous donne le projet de loi. Nous devons être en mesure de convaincre des personnes d'investir dans nos terres, quelle que soit la fin visée.
L'adoption du projet de loi C-49 nous permettra de revenir devant nos gens et de mettre au point un plan pour faire de nos collectivités des collectivités saines de même que pour mettre un terme aux divisions. Si nos collectivités sont saines, d'autres nations et collectivités qui nous entourent le deviendront également.
Honorables sénateurs, notre Première nation, vieille de 125 ans, en est à une étape très critique de son développement. Il y a deux ans, nous avons signé l'Entente sur les droits fonciers issus de traités, et nous administrons 52 000 acres de terres additionnelles. Le projet de loi nous permettra de gérer ces terres et d'utiliser les recettes qu'elles génèrent au profit de nos gens.
Ce matin, j'ai discuté avec le représentant du ministre. Il m'a dit: «Vous avez acheté toutes ces terres, qui deviennent des terres de la réserve. Vous devez envoyer l'argent à Ottawa, où nous le garderons pour vous. Vous pouvez nous demander de vous laisser utiliser votre propre argent.»
Dans l'état actuel des choses, nous administrons ces terres plutôt bien. Elles génèrent des sommes additionnelles dont nous ne disposions pas auparavant. Si nous faisons du bon travail, pourquoi voudrions-nous céder l'argent à Ottawa? Ottawa n'administre pas bien les terres. Nous, nous les administrons bien. Au cours des 125 dernières années, Ottawa a administré nos terres de façon désastreuse. Nous n'en avons rien tiré. Maintenant que nous les administrons pour notre propre compte, nous avons enfin commencé à gagner de l'argent, et nous pouvons investir dans divers projets. Nous pouvons investir des sommes additionnelles dans nos écoles. Nous pouvons aménager une garderie ou une résidence pour personnes âgées. Nous pouvons stimuler notre petite économie.
Sénateurs, je vous remercie respectueusement de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole.
Le chef Williams: J'aimerais dire un mot des commentaires formulés au sujet de la question des terres et de ce qui sera fait pour faire en sorte que tous les membres de la collectivité profitent de la terre ou de son utilisation.
Une fois de plus, je dois effectuer un retour en arrière et rappeler que nous sommes aujourd'hui régis par la Loi sur les Indiens. Elle a été promulguée en 1863 ou à peu près. Depuis, elle a fait l'objet d'à peu près une demi-douzaine de modifications portant sur divers articles. L'un d'eux a trait aux femmes.
Nous connaissons tous le genre de traitement que, jusqu'en 1985, la Loi sur les Indiens réservait aux Indiennes -- il était désastreux. Depuis, les choses ont un peu changé. En réalité, cependant, la Loi sur les Indiens porte expressément que la terre doit être inscrite au nom du chef du foyer -- et donc, implicitement, l'«homme». Cette disposition fait partie de la loi telle qu'elle existe aujourd'hui. Voilà qui explique en partie le problème auquel nous sommes confrontés.
En 1980, les Squamish ont adopté leur propre politique concernant l'enregistrement des terres. Nous enregistrons les terres nous-mêmes. Lorsqu'une maison est allouée à quelqu'un, le chef et le conseil demandent au bénéficiaire s'il a un conjoint -- à la suite d'un mariage ou d'une union de fait. Dès lors, les deux personnes sont les propriétaires inscrits du lot et de la maison. Si nous avons affaire à un parent célibataire, la maison est inscrite au nom de ce dernier et à celui des enfants. Il s'agit d'une disposition contraire à la Loi sur les Indiens. Aux termes de la Loi sur les Indiens, notre système d'enregistrement n'est pas considéré sous un jour favorable. Dans l'intérêt de la collectivité, nous tenons à ce que le terrain soit inscrit au nom de toutes les personnes visées par l'allocation de la terre et du lot.
En ce qui concerne les personnes inscrites sur la liste des logements, nous allouons les logements selon la date de présentation des demandes ou lorsque les personnes se présentent au bureau de la bande pour se faire inscrire sur la liste. La date que nous utilisons est celle de la présentation de la demande.
À l'heure actuelle, nous allouons des maisons aux personnes qui se sont présentées à notre bureau en 1983. Elles ont maintenant droit à une maison.
Une fois qu'elles sont réputées admissibles à une maison, nous leur allouons 80 000 $ pour la faire construire. Elles peuvent choisir les plans qui leur conviennent, les couleurs, et cetera. Elles peuvent choisir l'un ou l'autre des lots résidentiels que nous possédons dans les 22 réserves où des lots résidentiels sont réservés aux membres de la collectivité, à supposer qu'elles ne disposent pas d'un lot familial ou qu'un tel lot ne leur ait pas été légué par testament. À supposer qu'un lot leur ait été légué par testament, mais qu'elles ne souhaitent pas y vivre, elles peuvent céder le lot en question à la nation et en choisir un autre, où elles pourront élever leurs enfants.
Au sein de notre collectivité, nous faisons preuve de souplesse. Dans l'intérêt de notre collectivité, nous allons bien au-delà des dispositions de la Loi sur les Indiens. Au sein du gouvernement indien de Squamish, l'allocation des lots et l'intérêt de tous les membres de la collectivité constituent incontestablement une priorité.
Il y a un autre aspect dont je vais demander à M. Calla de parler.
M. Harold Calla, conseiller, Première nation de Squamish: En ce qui concerne Squamish, il y a deux choses à comprendre. C'est l'une de nos membres qui est en partie à l'origine de l'initiative de la National Native Women's Association. Je crois comprendre que vous accueillerez une autre de nos membres la semaine prochaine. Je suis reconnaissant au sénateur Andreychuk de nous permettre de nous exprimer sur cette question, qui revêt une grande importance.
Il importe de comprendre que, à Squamish, on ne paie pas un sou pour sa maison. Ni l'une ni l'autre des parties à une union n'a d'avoir propre dans la maison. C'est la bande qui paie la maison et qui s'occupe de son entretien. C'est de là que vient l'intérêt que nous portons aux maisons. C'est également ce qui nous distingue un peu des autres, du moins pour le moment. Je ne sais pas pendant combien de temps nous serons en mesure d'agir de la sorte, mais, pour le moment, c'est ce qui nous distingue.
Le bon sens nous intéresse et nous motive. Le tissu social même de notre collectivité témoigne de notre intérêt. Nous sommes tout aussi intéressés que vous à gagner de l'argent, et nous allons travailler en ce sens. Étant donné les défis auxquels nous sommes confrontés sur le plan législatif et stratégique, nous avons toutefois dû adopter certaines règles et certains règlements pour baliser notre action. Ces règles ont trait à bon nombre des questions que vous avez soulevées.
Les enfants passent au premier plan. En cas d'échec du mariage -- qu'il s'agisse de personnes mariées ou qui vivent en union de fait, d'un Indien ou d'un non-Indien, ou quoi que ce soit, la personne qui a la garde des enfants conserve la maison.
Le sénateur Mahovlich: Qui a dicté cette règle?
M. Calla: La collectivité.
Le sénateur Mahovlich: Si je suis marié et que je veux emmener mes enfants avec moi, je peux le faire. La collectivité ne peut pas m'en empêcher.
M. Calla: Oui. Ce n'est pas ce que nous vous demandons. Nous n'affirmons pas que les enfants doivent demeurer dans la réserve. Tout ce que nous disons, c'est que, à supposer que les enfants demeurent au sein de la collectivité, le conjoint qui en a la garde est celui qui conserve la maison.
Le sénateur Ghitter: Qu'arrive-t-il en cas de conflit relatif à la garde des enfants?
M. Calla: Il incombe aux tribunaux de trancher. Quelqu'un doit nous donner des orientations.
Le sénateur Ghitter: Qu'arrive-t-il entre temps?
M. Calla: Les enfants demeurent à la maison.
M. Henderson: Je vous rappelle respectueusement que la garde des enfants est une question qui, au Canada, relève du droit provincial -- du moins dans les provinces de common law. Dans de tels cas, c'est la cour provinciale qui tranchera en vertu d'une loi provinciale. La Première nation prend acte du jugement et accorde au conjoint qui a la garde des enfants le droit d'occuper la maison.
Le sénateur Ghitter: La Première nation reconnaît-elle la jurisprudence de la province dans laquelle ces enfants résident?
M. Calla: Pas en dernière analyse. En vertu de quelques initiatives en cours, le bien-être des enfants relève d'un pouvoir délégué qui sera transféré.
Le sénateur Ghitter: Vous dites la même chose?
M. Henderson: Je ne vais certainement pas contredire ce que disent le chef et le conseil. Bon nombre de ces conflits sont tranchés par la cour provinciale, et la Première nation en prend acte.
«Compétence» est un mot dont l'emploi est risqué. Dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, on affirme que tous les aspects du droit de la famille devraient relever de la compétence des Premières nations. L'article 35 porte sur cette disposition. J'explique simplement le fonctionnement des contentieux relatifs à la garde des enfants. Parfois, on passe par une entente familiale, et d'autres fois encore, par une entente entre les deux parties. La Première nation en prend acte. «Prendre acte» est une expression plus neutre. La Première nation alloue la maison au conjoint qui a la garde des enfants. Les enfants demeurent dans la collectivité, indépendamment du parent qui en a la garde. On met l'accent sur les enfants, et non sur le parent.
M. Calla: On a manifesté des préoccupations à propos, par exemple, du cas des non-Indiens ou des conjoints de fait. Si, au terme d'une relation de 30 ans, l'une des deux parties meurt, qu'arrive-t-il? Le survivant est-il jeté à la rue? Nous nous sommes penchés sur ces questions. En vertu de notre politique coutumière, les conjoints de fait ou les non-autochtones conservent dans les deux cas le droit de résider dans la maison jusqu'à la fin de leur vie naturelle. La propriété est à ce moment transférée à un autre membre de la collectivité, habituellement au sein de la même famille.
Nous voulons qu'on comprenne bien la situation, en particulier le fait que nous n'obligeons personne à partir du simple fait qu'il s'agit d'un conjoint de fait ou d'un non-autochtone. En cas de décès du conjoint, ces personnes sont autorisées à demeurer dans l'habitation jusqu'à la fin de leur vie naturelle. Ce n'est qu'alors que nous nous occupons de la maison. On ne le comprend pas toujours. J'ai cru qu'il était important de faire cette mise au point, et je suis heureux de l'occasion qui m'a été donnée de m'exprimer sur ce point.
Le sénateur Ghitter: Il s'agit d'informations importantes. Pour ma part, il est certain que je n'en comprenais pas le fonctionnement. Je vous remercie d'avoir éclairé ma lanterne.
Dans un même ordre d'idées, imaginons qu'un conflit survienne à propos de la personne qui sera autorisée à demeurer dans la maison, dans l'hypothèse où il n'y a pas d'enfants. Dans un tel cas, qui prend la décision?
M. Calla: En dernière analyse, c'est au tribunal qu'il incombe de trancher. Un non-membre peut être autorisé à utiliser la terre, mais jamais à la posséder.
Le sénateur Ghitter: Je comprends, mais, à la lumière de propos tenus plus tôt, j'ai cru comprendre que, en cas de conflit, vous établirez, en application de l'article 17 du projet de loi, des «règles générales -- de procédure et autres -- applicables en cas d'échec du mariage», et cetera.
Je croyais comprendre que vous ne vouliez pas que la compétence de la province dans laquelle se trouve la réserve intervienne ou ait préséance en pareil cas. Dans un cas, vous acceptez cette compétence; dans l'autre, vous la refusez. Est-ce bien ainsi qu'il faut comprendre votre intention?
Le sénateur Andreychuk: Je vais répondre.
Le sénateur Ghitter: Très bien. Le juge va répondre.
Le sénateur Andreychuk: Ne mêlons-nous pas deux choses? Nous évoquons ici la situation telle qu'elle existe. On a affaire à un cas d'autonomie gouvernementale prépondérant et en suspens. Tel est l'essence même du rapport de la commission royale. Si, par conséquent, les négociations gouvernementales s'engagent dans une autre direction, tout va peut-être changer, y compris le projet de loi C-49. Pour le moment, les bandes qui seront régies par le projet de loi C-49 respectent la compétence des provinces, n'est-ce pas?
M. Henderson: De quoi parlons-nous? De la garde des enfants ou du partage des biens matrimoniaux?
Le sénateur Andreychuk: Procédons sujet par sujet.
M. Henderson: En ce qui concerne la garde des enfants, la Première nation prend acte de l'ordonnance émise par un tribunal provincial en application d'une loi provinciale.
En ce qui concerne le partage des biens matrimoniaux dans une réserve, les tribunaux provinciaux qui invoquent des lois provinciales n'exercent aucun pouvoir constitutionnel. En émettant une ordonnance concernant l'utilisation ou la possession de la maison, ils vont au-delà de leur pouvoir. Ils peuvent allouer une indemnisation sur la foi de la valeur nette de la propriété familiale. Dans un tel cas, ils se contentent d'apprécier la valeur de la propriété et de répartir la somme correspondante. En revanche, ils ne peuvent, en vertu d'une loi provinciale, émettre une ordonnance relative à l'allocation de la maison. Dans la Loi sur les Indiens, aucune disposition ne permet une telle allocation en cas de différend matrimonial, sauf si les parties sont d'accord. Le cas échéant, elles peuvent exécuter un transfert. Dans le cas contraire, aucune disposition de la Loi sur les indiens n'autorise les tribunaux à agir de la sorte.
Le fait nouveau, et la percée que réalisent les Premières nations, c'est qu'elles seront habilitées, sans qu'un tel pouvoir ne soit prévu dans la Loi sur les Indiens ni dans une loi provinciale, à édicter des règles concernant les mesures que prendront les collectivités en cas d'échec du mariage. Qu'il s'agisse du foyer conjugal ou d'une série de biens dans la réserve, on s'appuiera sur des règles pour les répartir de façon équitable.
Le sénateur Ghitter: Merci. C'est très utile.
M. Louie: Sénateurs, vous trouverez sous l'onglet 3 un tableau illustrant les divers droits qui s'appliquent en cas d'échec du mariage. Le tableau porte sur les questions qui ont trait au foyer conjugal, au partage des biens fonciers du patrimoine familial, aux ordonnances d'indemnisation pour les conjoints, à l'égalité des sexes, aux pensions alimentaires pour conjoint, aux pensions alimentaires pour enfants de même qu'à la garde des enfants de parents divorcés. Nous avons tenté de résumer toutes ces questions dans un tableau. Nous espérons qu'il vous aidera à comprendre l'application des lois provinciales relativement à ces diverses questions.
Quant à la question qu'a posée au départ le sénateur Chalifoux à propos des conjoints non autochtones ou non membres, la réponse est oui. On s'occupera d'eux et des enfants, les enfants venant en premier lieu.
Le sénateur Andreychuk: Au cours des deux dernières années, j'ai lu beaucoup de documents, mais je tiens à être absolument certaine d'être à jour. Si j'en crois ce qu'on m'a dit, il est établi dans l'accord-cadre que des instruments comme la Charte des droits et libertés s'applique, que les droits existants de tierces parties seront honorés et que les codes fonciers seront établis plus tard.
Nous nous attachons aujourd'hui au projet de loi C-49. Je croyais comprendre que les codes fonciers seraient négociés et mis en place sous réserve du projet de loi C-49. Dois-je aujourd'hui comprendre que certains codes fonciers ont déjà été mis en place?
M. Henderson: Oui, sénateur, c'est exact. Au moment de la négociation de l'accord-cadre, qui est à l'origine du présent document et le chapeaute, le ministre de l'époque a tenu à s'assurer que certaines Premières nations allaient se prévaloir de cette option avant de déposer à la Chambre des communes ce qui était alors le projet de loi C-75. Deux Premières nations ont adopté des codes fonciers et conclu des ententes spécifiques, ce qui, pour la Première nation, constitue le moyen de ratifier l'accord-cadre. Le projet de loi C-75 est mort au feuilleton avant d'avoir été ratifié et nous étudions à sa place le projet de loi C-49.
Le projet de loi C-49 ratifie l'accord-cadre pour le compte du gouvernement fédéral et apporte les modifications législatives rendues nécessaires par l'entrée en vigueur d'un code foncier. Par exemple, les articles 20 à 30 de la Loi sur les Indiens ne s'appliquent plus: en effet, ces dispositions régissent la gestion des terres par le ministre. Un certain nombre d'autres dispositions sont mentionnées dans le texte de loi. En réalité, le projet de loi C-49 ratifie l'accord et apporte, au niveau fédéral, les modifications nécessaires à sa mise en oeuvre, une fois les codes fonciers en vigueur.
Le sénateur Andreychuk: Ma question demeure. Certains codes fonciers ont-ils été négociés et ont-ils fait l'objet d'un vote dans les réserves? Sont-ils un fait accompli, sous réserve de l'entrée en vigueur du projet de loi?
M. Henderson: D'abord, les codes fonciers ne sont pas négociés. Ils sont mis au point par la Première nation; leur conformité avec l'accord-cadre est assujettie à un examen effectué par une tierce partie indépendante; ils font alors l'objet d'un vote auquel peuvent prendre part tous les électeurs de la collectivité, qu'ils vivent dans la réserve ou à l'extérieur de la réserve. Trois d'entre eux sont en place, mais, de toute évidence, ils n'auront d'effet juridique que lorsque l'accord aura été ratifié au niveau fédéral. Or, le projet de loi vise précisément à ratifier l'accord-cadre. Dans les cas qui nous occupent, la ratification entraînera l'entrée en vigueur des codes fonciers.
Le sénateur Andreychuk: À l'occasion de séances antérieures tenues avec des représentants du ministère, je me suis dite préoccupée par tout le débat entourant la question de l'expropriation et les nombreux cas d'expropriation de terres à l'extérieur des réserves. On nous a dit que le paragraphe 28(1) vise à conférer des pouvoirs d'expropriation applicables aux terres des Premières nations assimilables à ceux qui s'appliquent aux terres autres que celles des Premières nations.
Ce que je craignais, c'était que nous n'utilisions pas des mots comme «travaux publics», à l'égard desquels il existe une abondante jurisprudence dont nous pouvons nous inspirer. On a plutôt choisi d'utiliser des mots comme «ouvrages devant servir à la collectivité». Ce qui me préoccupe, c'est qu'il ne s'agit peut-être pas de la même chose. Nous ne pouvons simplement inférer que l'ensemble de la jurisprudence relative à l'expropriation sera perçue sous un jour favorable en cas de conflit portant sur des terres des Premières nations. Par conséquent, j'ai demandé au ministère de se pencher sur cette question. J'espère qu'on me répondra.
Je tiens à être bien certaine que, en matière d'expropriation, on n'évacue pas les notions de justice naturelle pleine et entière, d'application régulière de la loi, et cetera. Une question a trait à l'objet de l'expropriation. Nous devons nous préoccuper de cet enjeu. Une autre question a trait au mode de fonctionnement qui sera adopté.
Je croyais que nous aurions le temps de nous prononcer sur ces questions, mais, puisque ces codes fonciers sont déjà en place, nous avons simplement à déterminer s'ils sont conformes à ce qui nous apparaît comme juste.
M. Henderson: M. Marchant a au préalable répondu en grande partie à cette question, et je suis certain qu'il acceptera de répéter ce qu'il a dit à votre intention.
Le sénateur Andreychuk: En raison d'engagements dans d'autres comités, je n'ai malheureusement pas pu arriver plus tôt. Si ces questions ont été débattues avant mon arrivée, je me contenterai de lire la transcription. Je vous prie donc de ne retenir que les points qui n'ont pas été abordés.
M. Henderson: Je vais laisser à M. Marchant le soin de décider s'il doit ajouter aux propos qu'il a tenus plus tôt ou les répéter à votre intention.
En ce qui concerne les codes fonciers déjà en place, oui, il est possible qu'un problème se pose. À supposer que le comité souhaite introduire dans la loi une disposition imprévue qui s'ajoute à l'accord-cadre, laquelle n'aurait pas été traitée dans les codes fonciers qui ont déjà été adoptés, on devra peut-être faire quelque chose. Ce problème se pose donc en théorie. Cependant, il s'agit pour l'essentiel d'un problème théorique.
Plus tôt, un sénateur a demandé si la question de l'expropriation fera l'objet d'un examen dans quatre ans. Dans quatre ans, il n'y aura pas d'expropriations à examiner. Il s'agit d'un pouvoir essentiel, et non d'un pouvoir qui sera beaucoup exercé, ni immédiatement ni, selon toute vraisemblance, à long terme. Le cas échéant, je pense qu'on devra s'en occuper, mais il s'agit d'un problème théorique dans la mesure où il existe peut-être des codes fonciers qui ne se conforment pas à l'idée que vous vous faites de ce qu'ils devraient contenir.
Le sénateur Andreychuk: À mes yeux, il ne s'agit pas que d'un problème théorique puisque les Premières nations, pour gérer ces terres comme il se doit, doivent, me semble-t-il, posséder certains pouvoirs d'expropriation qu'elles exerceront dans des circonstances particulières.
M. Henderson: Oui. Voilà pourquoi ces dispositions figurent dans le projet de loi.
Le sénateur Andreychuk: Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un problème théorique. Je pense que les pouvoirs en question sont des plus nécessaires, au même titre qu'ils sont prévus ailleurs, me semble-t-il, dans l'intérêt public.
Je tiens à être bien certaine de comprendre exactement quand on peut recourir à l'expropriation, ce que les pouvoirs concernés signifient et quelles sont les procédures. Voilà pourquoi je pose la question.
M. Henderson: En disant qu'il s'agit d'un problème «théorique», je voulais dire non pas qu'il s'agit d'un problème inexistant, mais bien plutôt d'un problème qui n'a pas un caractère urgent. Ce n'est pas un problème pratique, et on peut peut-être y remédier. Quant aux motifs d'expropriation, aux protections et au caractère équitable de la procédure, M. Marchant a fourni des documents sur lesquels, j'en suis sûr, il se fera un plaisir de revenir.
M. Louie: Nous avons ici deux conseillers juridiques qui brûlent d'envie de répondre directement à votre question, sénateur Andreychuk. Au besoin, Patrick Orr ajoutera quelques mots pour s'assurer que la réponse ne laisse place à aucune ambiguïté.
M. Marchant: Sénateur Andreychuk, je serai bref, et je n'étofferai ma réponse que si vous le souhaitez.
La jurisprudence relative aux fins d'intérêt public s'applique directement, à mon avis, aux dispositions proposées du projet de loi C-49 et, de façon plus précise, aux notions d'«intérêt collectif» et d'«ouvrages devant servir à la collectivité». Pourquoi est-ce que je dis cela? En vertu du droit général qui les régit, les expropriations doivent se faire dans l'intérêt public. Il s'agit également d'une caractéristique des critères relatifs à la justice fondamentale qui font partie du droit général et qui sont de plus garantis par la Déclaration canadienne des droits.
Lorsque, dans le domaine de l'expropriation, on utilise les mots «aux fins de la municipalité», les tribunaux comprennent tout de suite que l'administration municipale vise les résidents de la municipalité, et non la population plus générale dont s'occupe un gouvernement national. Dans le contexte des Premières nations, les mots «collectivité» et «bande» sont synonymes. Ils s'appliquent tous deux au bien-être général de la collectivité, à un ensemble de personnes et d'intérêts qu'on appelle «Première nation» ou «bande». En cas d'expropriation, le critère relatif à l'intérêt public s'appliquerait donc au bien-être général du groupe d'intérêt visé et non d'un groupe d'intérêt privé.
Le sénateur Andreychuk: Je suis d'accord. Ce n'est pas ce qui me préoccupe. En fait, ce sont les mots «ouvrages devant servir à la collectivité» qui me préoccupent. À ma connaissance, il s'agit d'une formulation nouvelle. De toute évidence, les tribunaux et les conseils arbitraux s'inspireront de la jurisprudence du droit de l'expropriation. On peut imaginer que les mots «ouvrages devant servir à la collectivité» s'appliquent plus qu'au public en général ou au public non autochtone. En fait, l'intérêt de la collectivité s'appliquerait aussi aux écoles et à d'autres structures publiques. Les Premières nations ont une histoire différente, et c'est pourquoi j'ai demandé au ministère de réfléchir à mes commentaires. Vous voudrez peut-être vous reporter aux commentaires que j'ai faits antérieurement et présenter une réponse écrite.
M. Marchant: J'ai lu vos commentaires. Je ne crois pas qu'il existe une grande différence, sur le plan conceptuel, entre ce que les Premières nations pourraient faire et ce qu'un autre ordre de gouvernement pourrait faire. Ce sont des gouvernements. Ils agiront à l'intérieur de leurs compétences. Par exemple, les Premières nations procéderont peut-être à une expropriation pour aménager un cimetière sacré, tandis qu'une administration municipale pourra le faire pour aménager un monument aux morts. Ces différences culturelles ne seront pas le critère retenu. C'est le bien-être général de la collectivité qui sera le critère retenu.
Je ne suis pas d'accord pour dire que l'introduction des mots «devant servir à la collectivité» constitue une caractéristique nouvelle. En fait, on ne fait que définir le public pour le compte duquel on pourra procéder à une expropriation. Ces mots ne visent qu'à définir clairement à l'intention des tribunaux les membres du public visé. À mon avis, les tribunaux comprendront parfaitement de quoi il s'agit. La composition du public est clairement définie.
M. Patrick Orr, avocat et rédacteur législatif: Sénateurs, c'est moi qui suis le rédacteur de lois qui, il y a des années, a produit cette formulation. Je sais qu'il est assez rare que vous ayez l'occasion de parler à un rédacteur de lois.
À l'époque, les opinions que nous avons recueillies auprès de conseillers de l'extérieur était que nous ne pouvions pas utiliser les mots «à des fins d'intérêt public», même si l'expression est quelque peu plus répandue. Dans les administrations du Canada, on utilise de nombreuses autres expressions. Sous l'onglet 2, vous trouverez une liste des diverses formulations utilisées. Elles varient considérablement. L'idée était que nous ne pouvions pas utiliser le mot «public» puisque les dispositions visaient la collectivité de la Première nation, et non le grand public. En ce sens, le mot est plus restrictif que le mot «public». Nous avons tenté de trouver une formulation de nature à préciser la notion d'«intérêt collectif» et d'établir clairement que les ouvrages devaient servir à la Première nation, c'est-à-dire à la collectivité, à la communauté et au public en tant qu'entité politique de la Première nation. L'intention visée n'était que de bien montrer que les ouvrages devaient servir à la Première nation et que seule la Première nation concernée est habilitée à se prononcer sur ce point.
Le sénateur Andreychuk: Si les trois personnes qui ont répondu se disent d'avis qu'il n'y a pas de différence, la position est acceptable. Si vous voulez ajouter à vos réponses, je vous prierais de le faire par écrit de façon que nous puissions y réfléchir.
Depuis des années que je m'intéresse à ces questions, j'en suis venue à la conclusion que la communauté d'intérêts des Premières nations diffère de la communauté d'intérêt en contexte non autochtone. On peut imaginer qu'il existe des motifs d'expropriation propres aux Premières nations auxquels nous n'avons pas encore songé. J'espère que nous comprenons tous que leurs besoins sont satisfaits, sans oublier la réticence et la crainte qu'inspire l'expropriation. À mes yeux, il s'agit d'une arme à deux tranchants, et c'est pourquoi je tenais à ce que nous nous demandions si cette question avait fait l'objet d'une réflexion suffisante.
M. Henderson: Je vous renvoie à l'onglet 2 des documents qui vous ont été fournis. M. Marchant a présenté un avis portant précisément sur les mots «ouvrages devant servir à la collectivité», tels qu'ils ont utilisés. La date indiquée est le 19 avril.
L'intérêt des Premières nations diffère-t-il dans certains cas de celui du grand public? On peut l'imaginer, mais il est certain que les critères applicables devront être satisfaits. En cas de contestation de fins qui paraissent créatives ou nouvelles, on devra certes répondre à des critères devant des tribunaux. Dans la présente décennie, les contestations ne sont pas rares.
Le sénateur Andreychuk: Un autre sujet de préoccupation a trait aux tenures à bail dans une réserve particulière. Le problème ne paraît pas lié au projet de loi C-49. En réalité, il s'agit plutôt d'un problème qui a trait aux contrats de location et à la façon dont on les gérait au moment où ils ont été conclus.
Je me trompe peut-être, mais l'intention n'a jamais été que, à supposer que le projet de loi C-49 soit adopté, on puisse recourir à l'expropriation pour se débarrasser de titulaires de domaine à bail.
M. Henderson: Vous avez tout à fait raison. Il n'existe aucune intention de ce genre. Dans certains milieux, il est à la mode ou il apparaît nécessaire de soulever un tel argument, mais les Premières nations et le chef Campbell, s'il était présent, soutiendraient avec beaucoup de fermeté qu'on n'y a jamais pensé. Le cas échéant, nous aurions passé les quatre dernières années devant les tribunaux à soutenir que les terres valent plus de deux fois plus que ce que disent les locataires.
Le sénateur Andreychuk: Le problème a pris naissance au moment du renouvellement des baux.
M. Henderson: Il a pris naissance au moment de l'examen des baux après les 30 premières années, soit en 1995. On a appliqué un calcul tout à fait différent aux 20 années suivantes, soit de 1995 à 2015. Voilà d'où vient le problème. Bien entendu, il a donné lieu à un litige.
Le sénateur Andreychuk: Diriez-vous que le problème s'assimile à celui de la perception des taxes municipales, particulièrement en Saskatchewan, où les municipalités, soudainement, utilisent une méthode différente pour calculer les taxes? Certaines personnes ont vu leur compte de taxes doubler en une année. Est-ce le genre de problème qui s'est posé en 1995?
M. Henderson: Je n'assimilerais pas le problème à celui de la taxation. Le projet de loi C-49 ne porte pas sur la taxation. En réalité, cette question est nommément exclue. En fait, je l'assimilerais plutôt à la situation qu'on a connue dans les parcs nationaux, où des personnes qui payaient 20 $ pour un lot résidentiel dans la ville de Banff se sont, après 1960, retrouvées avec une facture beaucoup plus élevée. Cela ne leur a pas plu. Le problème s'est posé dans les parcs nationaux. Il s'est posé dans diverses réserves. Certaines étaient partie prenante à la présente initiative, d'autres non.
Certaines personnes payaient de 20 $ à 50 $ pour des chalets aménagés sur la plage. Après 1960, elles ont payé bien davantage.
Dans le cas qui nous occupe, certaines personnes, en 1994, occupaient de véritables domaines dans l'un des plus beaux quartiers de Vancouver en ne payant que 395 $ par année en contrepartie, moins que ce que leur aurait coûté la location d'un espace de stationnement n'importe où en ville. Voilà la réalité. Par conséquent, le calcul a changé. Le problème s'est posé en 1995, avant même la signature de l'accord.
Le sénateur Andreychuk: Monsieur le président, allons-nous entendre des témoins au sujet de l'historique des baux?
M. Henderson: À l'onglet 5, vous allez trouver un résumé de la situation. Les dispositions pertinentes du bail s'y trouvent. Les locataires comparaîtront devant vous, mais j'ignore comment ils feront le compte rendu d'un conflit entre propriétaires et locataires vieux de 30 ans.
Le sénateur Andreychuk: Dans ce cas, vous en savez plus que moi.
M. Henderson: Oui. La disposition pertinente du contrat de location vous indiquera l'objet du litige. L'affaire est toujours devant le tribunal.
Le sénateur Andreychuk: Le gouvernement fédéral, qui, jusqu'en 1995, administrait ces baux d'une valeur d'environ 300 $, a-t-il eu recours à la médiation ou a-t-il entrepris des négociations pour résoudre le différend qui oppose les titulaires de domaine à bail et les nouveaux gestionnaires?
M. Henderson: La gestion des baux par la Première nation, aux termes de l'article 53 de la loi, remonte à 1980. Apparemment, il n'y a pas eu beaucoup de problèmes avant la nouvelle révision des loyers.
Quant à savoir ce que le gouvernement fédéral a fait pour régler le différend qui est toujours devant les tribunaux, la question a été posée au gouvernement la semaine dernière. Si ses représentants ont d'autres éléments à communiquer, vous voudrez peut-être les interroger à leur retour ici. Je ne suis pas en mesure de vous informer, au nom des Premières nations concernées, de l'état d'avancement du dossier. Je peux vous parler de ce que les chefs m'ont demandé de faire, mais cela n'a strictement rien à voir avec l'accord-cadre ni le projet de loi.
Le sénateur Johnson: Je pense qu'il existe une certaine confusion entre le lien qui, le cas échéant, existe entre le projet de loi C-49, en particulier les dispositions touchant l'expropriation, et le problème qui se pose sur la réserve de Musqueam, en Colombie-Britannique, en ce qui a trait aux loyers qui sont aujourd'hui exigés, relativement à une location à long terme sur des terres de la réserve. Je pense qu'il serait utile que vous clarifiiez la nature de ce lien parce que nous avons reçu une lettre de la Bande indienne de Musqueam, dans laquelle des représentants affirment essentiellement ce que j'ai dit, à savoir que les problèmes de location qui concernent la Bande de Musqueam ont été à tort liés au projet de loi C-49 et qu'il s'agit en réalité de deux enjeux distincts et différents. Je pense qu'on en est venu à faire un lien entre les deux -- certainement dans les médias et dans les propos qu'on nous tient depuis peu.
M. Henderson: Les deux questions sont désormais liées sur le plan des relations publiques. Sur le plan juridique, elles sont si distinctes que, à mon avis, la question ne posera problème à personne.
Je répondrai de la façon suivante: on a affaire à un différend concernant un contrat de location. Ce dernier est vieux de 30 ans, et les tribunaux ont été saisis de l'affaire. Le Parlement étudie un projet de loi, et vous perdez ou vous avez perdu la dernière ronde devant les tribunaux. Le résultat vous déplaît. Vous voulez accéder à un comité parlementaire. Vous voulez faire de cette question une question politique parce que le résultat économique vous déplaît. Sur ce point, tout le monde s'entend. On a mis de l'avant une campagne relativement véhémente pour faire de cette question une question politique.
Une fois de plus, la Première nation a tout à fait raison. Le litige n'a strictement rien à voir avec la procédure en cours. Que faire pour accéder à un comité parlementaire? Vous vous mettez en quête d'un crochet quelconque -- réaliste ou irréaliste, ténu ou non ténu -- pour accrocher votre problème économique à l'initiative. Vous apercevez le mot «expropriation» et vous dites: «Notre problème, ce n'est pas que nous devrons payer un loyer plus élevé que nous le voudrions; notre problème, c'est que nos propriétés ne sont pas commercialisables parce que, un jour ou l'autre, quelqu'un voudra peut-être les exproprier et nous dédommager en contrepartie.» Voilà le lien. C'est une question de relations publiques.
Le sénateur Ghitter: Ce n'est pas mon point de vue. Je fais une lecture différente de la situation. À mes yeux, il n'y a aucun lien entre les enjeux.
Je suis d'accord avec vous pour dire qu'un climat de méfiance s'est installé. Vous y avez fait allusion en invoquant le climat conflictuel qu'on connaît aujourd'hui. Lorsque, de toute évidence, votre compte de taxes augmente, votre loyer augmente, et vous vous adressez aux tribunaux pour signifier votre opposition. Je pense que les personnes qui nous écrivent nous disent, dans ce cas particulier, qu'un grave climat de méfiance s'est installé, ce qui s'est soldé par ce que les personnes intéressées considèrent comme une diminution de la valeur de la propriété étant donné que les dispositions relatives à l'expropriation qui sont aujourd'hui en place ne l'étaient pas auparavant. Si on leur avait accordé des droits acquis, comme ils nous en ont fait la recommandation, il n'y aurait probablement pas de problème, et nous ne recevrions pas de lettres. Je ne dis pas non plus que c'est la solution.
Je pense que ces personnes sont toutes conscientes du fait qu'il n'y a pas de lien, mais je pense qu'elles sont inquiètes en raison du climat de méfiance qui s'est installé. Je ne prends pas parti. Tout ce que je dis, c'est que c'est ainsi que le problème semble se poser aujourd'hui. Les intéressés redoutent les dispositions relatives à l'expropriation en raison de l'ambiguïté et de l'absence de clarté évidentes du projet de loi. Voilà la lecture que je fais de la situation.
M. Henderson: Dans ce cas, nous allons devoir convenir de notre désaccord. J'apprécie votre impartialité et la sensibilité que vous témoignez aux personnes qui ont porté cette question à votre attention. J'ai lu le discours que vous avez prononcé au Sénat. Ce qui m'a frappé en particulier, et je peux en dire autant du chef et du conseil de Musqueam, ce sont les mots suivants: «Si les bandes continuent de se comporter de façon inappropriée». Je ne sais pas exactement ce que la bande a fait d'inapproprié, sinon tenter de faire respecter les modalités d'un contrat de location au profit de la Première nation.
L'«expropriation» est un problème faux et illusoire. Si, comme je l'ai indiqué plus tôt, elle a tenté pendant quatre années d'obtenir la valeur optimale pour le terrain en question, comment peut-on imaginer sérieusement que la Première nation cherche, sur la foi d'une intention subversive, à faire diminuer la valeur du terrain ou à l'exproprier pour moins que la valeur qu'elle a cherché à établir pendant toutes ces années? C'est insensé.
Il n'y a pas de lien; nous sommes d'accord sur ce point. Je serais heureux d'entendre les locataires reconnaître qu'il n'y a pas de lien et d'en faire rapport au chef et au conseil de Musqueam parce qu'il est inutile de discuter plus longtemps de cette question devant le comité ou dans le contexte du projet de loi. Il n'y a pas de lien entre les deux.
Le sénateur Ghitter: Je suis d'accord, mais je dois également ajouter que, en ce qui a trait à un recours extraordinaire comme l'expropriation, on doit avoir affaire à une obligation spécifique, concise et claire quant aux procédures applicables. Je ne vois rien de tel dans le projet de loi. J'aimerais en discuter beaucoup plus en détail, mais le temps file.
M. Calla: Je ne prétends pas parler au nom de la Bande de Musqueam, mais, en sa qualité de plus important propriétaire de terrains non lotis de Vancouver, la nation de Squamish a un certain intérêt dans le présent débat.
Par le passé, les Premières nations de Vancouver et des environs de Vancouver n'ont exercé aucun contrôle sur la valeur des terrains dans la région métropolitaine de Vancouver. Je pourrais vous montrer des baux analogues visant des terres des Squamish qui ne rapportaient que 8 000 $ par année pour 24 acres de terre qui se trouvent aujourd'hui pratiquement au centre-ville de Vancouver. La valeur marchande du terrain a changé et, parce que les intéressés ont choisi de faire fi du type de tenure qu'ils avaient à l'égard des terres en question, la valeur, à mon avis, a augmenté. Ces ententes n'avaient pas de secret pour quiconque se donnait la peine de les lire, qu'il s'agisse des avocats qui s'occupaient des transactions, des banques qui les finançaient, des agents immobiliers qui vendaient les propriétés ou des acheteurs. Tout le monde a fait le pari que la révision des loyers allait prendre une autre tournure. Tous ont perdu leur pari, et ils ne sont pas contents. À mon avis, nous courons des risques en faisant les frais de mauvaises décisions prises par certaines personnes en matière d'investissement. Je pense que ce n'est pas notre rôle. Je pense que ce n'est pas votre rôle non plus.
La réalité, c'est que la valeur des propriétés a augmenté. On assiste peut-être à une certaine forme de rajustement des prix. C'est la réalité. Qu'est-il arrivé aux prix à Vancouver, en 1982? Que leur est-il arrivé à Toronto? Ce sont des réalités. Personne n'y peut rien. Les personnes qui se sont portées acquéreur des terrains en question l'ont fait en toute connaissance de cause. Elles étaient conscientes de la décision qu'elles prenaient. Peut-être n'avait-on pas prévu l'augmentation de la valeur des propriétés dans la région métropolitaine de Vancouver, mais c'est la réalité. La formule est là. Elle rend compte du taux de rendement que nous utilisons actuellement dans nos propres révisions de loyer.
Le sénateur Ghitter: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit. Je ne cherche pas à brandir la bannière des titulaires de domaine à bail sans égard à vos commentaires. Comme l'a indiqué le sénateur Mahovlich, on paie le prix et on court sa chance.
Mais laissons de côté la situation de Musqueam pendant un moment. S'il s'agit de dispositions relatives à l'expropriation qui sont générales et appropriées, des droits et des recours devraient également être prévus. Voilà tout ce que je dis. Mes propos n'ont rien à voir avec la bande de Musqueam. Tout ce que je dis, c'est que de bonnes dispositions législatives libellées de façon responsable établiraient ces droits sans ambiguïté.
Le moment est peut-être mal choisi, monsieur le président, mais j'aimerais mieux comprendre l'avis juridique de M. Marchant parce qu'il me semble très important. Pour certains de mes collègues et moi-même, la pierre d'achoppement porte uniquement sur ce point. Le soutien du projet de loi n'est pas en cause. L'un des chefs a invoqué en termes éloquents sa volonté d'exercer une mainmise sur la gestion des terres, et je suis tout à fait d'accord. J'appuie sans réserve les propos du sénateur Gill. Nous ne faisons que rendre compte d'une préoccupation qu'un aspect du projet de loi inspire à certains d'entre nous. Telle est la question que j'aimerais que nous explorions. Je veux simplement éviter tout malentendu entre nous.
M. Calla: Sénateur, quelqu'un a indiqué plus tôt que nous possédons des années d'expérience dans la gestion des terres. La Première nation de Squamish gère des terres depuis 40 ans. Bon nombre de mesures prévues par le code foncier sont déjà en application.
Étant donné ce bagage d'expérience, la valeur des terres en question et l'impact qu'a la perception sur l'attrait qu'exercent des terres sur les investisseurs, ne croyez-vous pas que les pouvoirs en question seront exercés avec la plus grande prudence, étant donné qu'on a beaucoup plus à perdre qu'à gagner? Vous risquez de porter atteinte à la valeur de votre terre ou à son potentiel de développement. À mon avis, la plupart des réserves indiennes ne sont développées qu'à de 15 à 20 p. 100 de leur potentiel total.
L'exercice non judicieux du pouvoir d'expropriation fera fuir les investisseurs. Or, nous avons besoin d'investissements parce que nous devons pourvoir aux besoins de nos ressources humaines. Nous avons besoin d'emplois pour nos gens, et nous voulons les éduquer. Nous voulons utiliser nos terres à cette fin. Toute mesure susceptible de priver les investisseurs des droits dont ils bénéficient ailleurs nous empêchera de parvenir à nos fins.
Je vous demande respectueusement d'en tenir compte et de comprendre que nous agirons prudemment. Nous n'exercerons pas ce pouvoir de façon abusive comme on l'a fait pour nous et la bande de Squamish. Je vous invite à venir à Squamish, monsieur, et vous constaterez l'étendue des terres qui ont été expropriées aux fins de l'infrastructure régionale.
Le sénateur Ghitter: Ce que vous dites ne fait que renforcer l'importance que revêt l'établissement d'une procédure appropriée et équitable pour tous.
Monsieur le président, je tiens pour acquis que nous allons revenir sur cette question à une date ultérieure.
Le président: Il ne fait aucun doute que nous allons devoir convoquer de nouveau ces témoins.
M. Louie: Honorables sénateurs, nous apprécions beaucoup vos questions. Le sénateur Ghitter a entrouvert la porte.
Nous avons constitué la trousse d'information en guise de complément. Elle contient beaucoup de renseignements dont nous n'avons pas parlé. Nous croyons que ces documents renferment bon nombre de réponses.
Une fois que vous aurez eu l'occasion de parcourir la documentation, nous nous ferons un plaisir de revenir et de répondre à vos questions précises dans l'intention de dissiper toute ambiguïté. Nous ne voulons pas que quiconque assimile la situation qu'on connaît à Musqueam et la Loi sur les Indiens telle qu'on la connaît aujourd'hui. Il s'agit ici de l'avenir de la gestion des terres, et nous avons l'occasion d'apporter des modifications positives.
On devrait établir une distinction entre la situation en vigueur à Musqueam et le projet de loi C-49 et l'accord-cadre. Le problème est né sous le régime de la Loi sur les Indiens. Ni la Première nation de Musqueam ni ses chefs ne sont en cause. Voilà précisément ce qui doit changer. Nous convenons de la nécessité de protéger les tierces parties intéressées. Dans le code foncier, on retrouve des dispositions qui font de cette question un principe fondamental, et nous entendons respecter ce principe en toute humilité et en toute justice pour les tiers.
Nous avons également l'obligation de protéger les membres de nos bandes et de traiter avec toutes les parties qui s'intéressent aux terres des réserves. C'est à nous que revient cette responsabilité, et nous l'acceptons. Nous tenons à ce qu'on comprenne très clairement.
Aux personnes qui doutent de nous et qui comprennent mal la situation des locataires de Musqueam ou les questions matrimoniales, je dirais ceci: comprenez, je vous prie, que le projet de loi nous donne l'occasion d'apporter des changements. C'est ce que nous avons l'intention de faire. Nous nous sommes attaqués à ce problème de façon ouverte et efficace. Nous avons répondu aux questions que vous nous avez posées directement.
Si vous le souhaitez, nous nous ferons un plaisir de revenir et de répondre à vos questions. Nous ne voulons pas que règnent la confusion et le malentendu.
Le président: Je vous remercie pour votre témoignage.
La séance est levée.