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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 27 - Témoignages du 27 avril 1999 (séance du soir)


OTTAWA, le mardi 27 avril 1999

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit ce jour à 18 heures pour examiner le projet de loi C-49, portant ratification de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations et visant sa prise d'effet.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nos premiers témoins sont des représentants de l'Ontario Association of Lessees on Native Lands.

Allez-y, je vous prie.

Mme Suzanne Leclair, Ontario Association of Lessees on Native Lands: Monsieur le président, je suis ici aujourd'hui accompagnée de mon collègue, Hubert Mantha, conseiller juridique de l'Ontario Association of Lessees on Native Lands.

M. Hubert Mantha, conseiller juridique, Ontario Association for Lessees on Native Lands: J'ai des copies de mon mémoire qui pourraient peut-être être distribuées. Je suis avocat et j'exerce à Toronto. Je suis conseiller juridique auprès de l'Ontario Association of Lessees on Native Lands. Je suis également avocat-conseil dans le cadre d'une affaire dont est saisie la Cour fédérale, affaire connue sous le nom de R. c. Morin, qui a été mentionnée dans diverses décisions récentes de la Cour fédérale d'appel, notamment celle dans l'affaire des Musqueam. L'association de l'Ontario que je représente estime qu'il y a deux sujets de préoccupation d'ordre juridique qui sont extrêmement sérieuses. Il est important de comprendre que l'association représente les détenteurs de baux résidentiels permanents à long terme. En d'autres termes, notre association ne représente pas des propriétaires de chalet ou des usagers occasionnels, bien que bon nombre de ces derniers comptent parmi nos membres. Ce qui nous intéresse, c'est la protection des personnes qui louent à long terme des terres autochtones. Certaines de ces personnes sont nées dans des réserves et y mourront vraisemblablement.

Il y a deux aspects, mais je n'entends pas en faire ici une analyse détaillée. Le mémoire qui a été déposé auprès du comité est suffisamment éloquent. De façon générale, deux aspects du projet de loi C-49 nous préoccupent. Le premier se trouve renfermé dans les articles 6 et 20 du projet de loi, qui décrivent dans le détail le pouvoir de gouvernement local qui sera accordé aux Premières nations. Nous pensons que c'est là une bonne chose, que l'autonomie gouvernementale pour les Premières nations se fait attendre depuis longtemps et que c'est un ajout important à notre tissu national.

Un examen attentif du projet de loi C-49 fait clairement ressortir que l'envergure de l'autonomie politique qui est recommandée correspond parfaitement à ce que prévoient les lois provinciales applicables aux gouvernements municipaux: cela va des hameaux aux villages, et des villes aux municipalités régionales. En d'autres termes, le gouvernement fédéral légifère dans un domaine qui revient exclusivement aux provinces en vertu du paragraphe 92(8) de la Loi constitutionnelle.

C'était un aspect important de la Confédération il y a plus de 100 ans et, il y a plus de 200 ans aux États-Unis, et de façon générale dans les confédérations, y compris l'Allemagne et la Suisse. La question est que le gouvernement local devrait être assuré par les subdivisions locales -- dans notre cas, les provinces. Les provinces sont au coeur même du gouvernement local. Le gouvernement local, comme cela a déjà été dit dans le passé, est véritablement l'endroit où commence la démocratie à la base, mais c'est bien plus que cela encore. Depuis plus d'un siècle, et en fait de puis bien plus longtemps que cela, le concept de gouvernement municipal et de gouvernement local a été perfectionné, non seulement en Angleterre et dans les pays de langue anglaise, mais dans presque tous les pays civilisés du monde. L'idée qu'une municipalité doive satisfaire les fins des personnes vivant à l'intérieur de ses frontières géographiques est au coeur du concept de gouvernement local.

La Première nation Nipissing habite une réserve située à North Bay, le long de la rive nord du lac Nipissing. Les gens qui détiennent des baux -- des non-autochtones -- sont aussi nombreux, voire peut-être plus nombreux, que la population autochtone. Ce ne sont pas des gens de passage ni un groupe insignifiant. Il s'agit d'un groupe de personnes qui sera très sérieusement touché par le concept de gouvernement local.

Le projet de loi C-49 empiète tout d'un coup sur le droit de la province d'adopter, d'appliquer et de peaufiner des lois qui traitent de gouvernement local, notamment dans le cas de municipalités. Nous sommes très préoccupés par cela.

La Loi sur les municipalités de l'Ontario, qui a ses racines dans des centaines d'années de lois britanniques du genre, a donné lieu à un cadre, ou à une architecture, si vous voulez, qui garantit dans toute la mesure du possible que les personnes vivant dans la municipalité ont leur mot à dire sur les lois qui y sont appliquées. Ces personnes ont, grâce au recours non seulement aux articles de la Loi sur les municipalités elles-mêmes, mais également à des initiatives de contribuables et à toutes sortes d'autres lois fiduciaires découlant de cette loi, le droit de contrôler ce que fait une municipalité. Un contribuable peut obliger une municipalité à obéir ses propres lois. Un résident d'une municipalité peut élire des personnes pour faire les lois qui auront une incidence sur lui.

Nous sommes plus touchés par les lois municipales que par celles de tout autre palier de gouvernement. Les lois municipales sont très près de nous. Elles sont d'application générale et nous sommes tous visés. Il y a, typiquement, un taux de participation des électeurs supérieur et plus généralisé lors d'élections municipales comparativement aux élections de niveau supérieur. L'Australie, par exemple, a par le passé rendu obligatoire la participation aux élections au niveau fédéral, du fait que les gens n'y votaient pas en assez grand nombre. Cela n'a jamais été le cas au niveau municipal. Cela chauffe souvent lors d'élections municipales. Celles-ci engagent les gens qui sont là, typiquement parce que les gens qui sont là sont des voisins, sont des personnes qui ont des interactions les uns avec les autres. C'est pourquoi le projet de loi C-49 comporte à notre avis une sérieuse faille.

La deuxième question qui nous préoccupe découle de la nature des intérêts fonciers des locataires à bail. Ce sont des détenteurs de baux. En Ontario, et en fait dans toutes les autres provinces et tous les territoires et dans tous les États américains ainsi que dans tous les pays du monde occidental, et même en Chine, les lois sur la location sont les lois les plus omniprésentes. La moitié des gens dans ce pays louent à l'autre moitié.

Les lois sur les propriétaires et les locataires ont été travaillées et retravaillées pendant, littéralement, des centaines d'années. La loi sur la location immobilière que nous avons en Ontario, par exemple, et qui a beaucoup évolué dans les années 60 et 70, a été très libéralement copiée dans les États de New York, du Michigan et ailleurs. Cette loi fonctionne. Les propriétaires de l'Ontario se lancent sur le marché dans le but de réaliser un profit, et c'est ce qu'ils font. Nos loyers sont stables. Nous avons contrôlé un très important aspect de l'utilisation de biens immobiliers, non seulement dans cette province, mais partout ailleurs.

À notre avis, il y a une fausse impression que la Loi sur la location immobilière, aujourd'hui appelée, en Ontario, Loi sur la protection des locataires, ne s'applique pas aux terres indiennes parce que dans ce domaine, c'est le gouvernement fédéral qui l'emporte. Or, la Loi sur la location immobilière est une loi d'application générale dans la province. Il est difficile d'imaginer une loi qui ait une application plus vaste. Où que vous regardiez, il y a des terres qui appartiennent à quelqu'un et des terres qui sont louées. Un propriétaire peut-il faire ce qu'il veut de ses biens immobiliers résidentiels? Absolument pas. Ce qu'il fait, quand il le fait et comment il le fait sont très étroitement contrôlés. Cela fait partie du tissu même de ces provinces -- et d'ailleurs de toute province qui a de telles lois, et c'est le cas de toutes.

L'idée que cela peut être complètement ignoré passe à côté d'un élément très enraciné dans la société canadienne. Le projet de loi C-49 est muet à cet égard. Il accorde le pouvoir de faire des lois mais il ignore une jurisprudence très sophistiquée qui existe depuis des centaines d'années. On ne devrait pas l'ignorer.

Voilà, en gros, quelle est notre position. Le mémoire qui a été déposé cite diverses autorités et traite de façon un petit peu plus approfondie de la question. En gros, et en résumé, nous exhortons le comité à recommander que soient apportés au projet de loi C-49 de simples amendements reconnaissant de très importantes garanties qui ont déjà été inventées et qui fonctionnent.

Mme Leclair: À l'heure actuelle, notre association a une charte nationale, bien que, comme l'a indiqué M. Mantha, en tant qu'association, nous représentions les détenteurs de baux ontariens sur des terres autochtones. Depuis la semaine dernière, nous représentons un certain nombre de détenteurs de baux de la Colombie-Britannique. Aujourd'hui encore, nous avons enregistré quelques nouveaux adhérents à notre toute nouvelle Canadian Association of Lessees on Native Lands.

Cela étant dit, notre mandat immédiat est de recommander des amendements dans le contexte des objectifs que nous épousons. Le premier objectif est d'inclure toutes les personnes, y compris les non-membres, qui ont des intérêts commerciaux ou résidentiels sur des terres autochtones. Nous comptons à l'heure actuelle créer une organisation nationale qui défendra les organisations ou sociétés minières ou forestières ou ayant d'autres intérêts sur des terres autochtones. Il est impératif que notre organisation se réorganise et consolide ses efforts auprès du gouvernement dans le but de l'en saisir efficacement de nos préoccupations relativement à ces déplacements d'intérêt. La question est grave.

De l'avis de notre organisation, ce qui est proposé créera un gouvernement à deux paliers, ce qui aurait de sérieuses répercussions sur le statut du pouvoir ou le statu quo.

L'objet de notre nouvelle association est de chercher à obtenir des mesures correctives auprès des gouvernements fédéral et provinciaux participant à la promulgation de lois en matière d'autonomie politique et à la ratification de traités. Nous croyons que les gouvernements participants seront responsables de la création d'une nation à deux paliers, comme je viens de le dire, sans que l'on ne tienne compte comme il se doit des non-membres qui en subiront des conséquences néfastes.

Ces gouvernements sont redevables aux non-membres. Par conséquent, notre association nouvellement créée va bientôt entreprendre d'étudier la possibilité d'intenter une action collective contre les gouvernements participants pour le compte des non-membres dans la défense de leurs intérêts qui ont été déplacés. Cela englobera les non-membres et les non-autochtones résidant sur des terres autochtones, ainsi que les opérations commerciales, par exemple sociétés minières, forestières, de jeu et industrielles, qui ont à l'heure actuelle des intérêts sur des terres autochtones.

Nous allons également inclure des intérêts qui seront déplacés par suite du règlement de revendications territoriales.

Je suis avocate. Je ne m'occupe cependant absolument pas de lois autochtones. Je suis simplement avocate spécialisée dans l'immobilier. Cela étant dit, j'ai récemment relevé de nombreuses publicités dans les rapports ontariens destinés aux avocats qui se spécialisent dans les revendications territoriales autochtones. Nous savons donc qu'il y aura une augmentation du nombre de revendications dans un très proche avenir. Bien sûr, notre association canadienne souhaite représenter les intérêts de ceux qui seront déplacés.

La perspective de notre association nouvellement créée est très simple. Nous croyons que tout principe en matière d'autonomie politique de peuples autochtones devrait être le produit de politiques saines et d'une vision claire quant à l'impact sur les non-membres.

À notre avis, le projet de loi est myope. Il ignore les politiques internationales et mécanismes de règlement des différends qui devraient être inscrits dans la loi.

Nulle part, par même dans le préambule, le projet de loi ne reconnaît qu'il existe certains intérêts de non-membres. Il est clair que tous les intérêts des non-membres finiront par entrer en collision avec les autorités gouvernementales, comme c'est toujours le cas dans le contexte non autochtones/autochtones.

Il n'y a aucun mécanisme établissant des poids et contrepoids prévisibles, surtout pas ceux auxquels on a pris l'habitude de s'attendre en société démocratique. Le mécanisme de règlement des différends prévu dans le projet de loi C-49 est, à mon avis, une tentative perverse de s'engager symboliquement à l'égard de la possibilité du règlement des différends.

[Français]

Selon moi, pour de bonnes relations internationales, un tribunal doit être institué pour s'assurer que les négociations soient prévisibles. Ce projet de loi ne contient aucune assurance que les intérêts des non-membres seront respectés. Ce projet de loi crée un précédent très dangereux dans le contexte historique canadien et donnera aux nations individuelles le droit de gouverner le peuple autochtone et non autochtone situé à l'intérieur de ses frontières.

[Traduction]

Les non-membres de la bande n'ont absolument aucun droit de participer au processus décisionnel relativement aux questions qui auront une incidence sur leurs intérêts. On est en train de créer, à l'intérieur des limites des terres autochtones, une société de castes sans précédent.

En ce qui concerne notre organisation, la solution est assez simple. Nous ne voulons pas nous opposer à l'autodétermination future des peuples autochtones. À notre avis, la seule solution est de déménager et de compenser toutes les personnes déplacées, qu'il s'agisse d'intérêts résidentiels ou commerciaux.

Il n'y a aucune autre solution au problème. Si nous nous trouvons dans l'impossibilité d'établir un mécanisme de règlement des différends, une méthode de contrôle démocratique et de moyens raisonnables d'influer sur le processus décisionnel, alors il est impossible que des non-autochtones et que des non-membres se sentent à l'aise à l'intérieur des limites des terres autochtones. Nous n'y avons pas notre place. Ce sont des communautés qui veulent le droit de se gouverner elles-mêmes. Nous ne devrions pas bloquer leur voie. Une société à deux paliers n'est pas la solution. Cela amènera de graves troubles politiques. Les gens seront désespérés. Ils recourront malheureusement à des moyens désespérés. À notre avis, ce n'est pas une chose à laquelle nous voulons être mêlés, même de loin.

En conclusion, le gouvernement devra verser une indemnisation, une compensation, pour tous les intérêts économiques et résidentiels détenus par des non-membres ayant subi des conséquences néfastes du fait de l'adoption de lois en matière d'autonomie politique.

Voilà les propos que nous voulions vous tenir.

Le sénateur Pearson: Je suis quelque peu perplexe. Vous fonctionnez tous dans le cadre des dispositions de la Loi sur les Indiens. Je présume que vos baux ont été créés dans le cadre de ces arrangements. M'appuyant sur ce que j'ai lu, j'avais pensé que ce serait plus facile pour vous de traiter de cette façon que de traiter avec la Couronne. Je ne comprends pas lorsque vous dites que c'est un empiétement ou que cela va à l'encontre de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, étant donné que les droits autochtones sont préservés par l'article 35.

Je suis troublée par votre approche. Je comprends que les gens s'inquiètent lorsque surviennent de nouveaux arrangements, mais il me semble que vous êtes inutilement préoccupés par des arrangements qui ne sont pas encore en place. Il est dans l'intérêt de la bande de continuer d'avoir de bonnes relations. Je ne vois pas pourquoi vous êtes si agités. Par exemple, dans l'accord-cadre, le paragraphe 18(3) prévoit qu'un code foncier ne peut pas traiter de la taxation de biens immobiliers ou personnels et que l'article 83 de la Loi sur les Indiens, qui accorde aux Premières nations le pouvoir de taxer les intérêts sur les terres des réserves, continuera de s'appliquer aux Premières nations participantes. Étant donné cette disposition, quelles sont vos inquiétudes?

Mme Leclair: Premièrement, en ce qui concerne les règles en matière de taxation, bien que nous ayons eu du MAIN des versions contradictoires quant à l'interprétation de cette application de la loi, d'après ce que nous avons compris, ce dernier peut imposer des intérêts non autochtones situés en réserve. Cela n'est pas encore arrivé au sein de nos localités, mais vous pouvez vous imaginer le scénario dans un proche avenir, lorsque le financement aux diverses bandes commencera à arriver au compte-gouttes. Vous pouvez vous imaginer la tentation -- et c'est une tentation très réelle -- pour quiconque brigue le pouvoir. Si vous avez le choix entre taxer vos résidents non votants et taxer vos résidents votants, qui est la cible la plus aisée? Ce sera invariablement vos résidents non autochtones car ils n'ont pas le droit de vous retirer le pouvoir en votant, si vos règlements fiscaux sont injustes.

L'on s'énerve de plus en plus en plus à cause de la relation avec «certaines bandes» et «certains non-membres», relation qui, au mieux, est tendue. La relation s'inscrit à l'heure actuelle dans le cadre des responsabilités fiduciaires du MAIN qui est, à plusieurs reprises, intervenu. Pour ce qui est de l'avenir, il est clair que l'objet du projet de loi est d'accorder aux bandes le plein contrôle pour négocier avec les non-membres. Cela étant dit, la relation avec certaines bandes est très tendue et il n'y a aucune confiance. C'est là un exemple de traité qui a été entrepris sans grande controverse. On me dit qu'il y a beaucoup de bonne volonté de part et d'autre et, partant, aucune controverse. S'il y a une controverse aujourd'hui, c'est parce que les non-membres ont rencontré de sérieuses difficultés lorsqu'ils ont voulu traiter de bonne foi avec certaines bandes. Nous comptons qu'étant donné qu'il n'y a plus d'arbitre dans le cadre du processus de négociation, les choses iront en s'aggravant.

Le sénateur Ghitter: En tant que titulaire de bail, pouvez-vous me dire comment vos différends sont réglés à l'heure actuelle?

M. Mantha: Ils sont réglés à la Cour fédérale.

Le sénateur Ghitter: En vertu des conditions du bail?

M. Mantha: Oui, en vertu des conditions du bail.

Le sénateur Ghitter: Si vous avez un bail et qu'il survient un différend, pouvez-vous faire appel au tribunal?

M. Mantha: Oui.

Le sénateur Ghitter: Si le projet de loi est adopté et que vous avez un bail et qu'un différend survient, le tribunal est toujours à votre disposition. Quel est donc le problème?

M. Mantha: Le problème est double. Dans une localité comme Ottawa, si vous vivez ici et que vous êtes à l'abandon et à la rue, vous avez le droit de voter. Si vous vivez à l'intérieur des limites de la municipalité, vous avez le droit de voter. Si vous louez ici, vous avez droit de vote. Si vous êtes propriétaire, vous avez droit de vote.

Le sénateur Ghitter: Et si vous êtes citoyen canadien, vous avez droit de vote.

M. Mantha: Oui, si vous êtes citoyen canadien et êtes âgé de plus de 18 ans et qu'il ne vous est pas interdit de voter pour d'autres raisons, et cetera. Les juges, par exemple, ne peuvent pas voter.

Le sénateur Ghitter: Je suppose que ces mêmes règles déterminant qui peut voter et qui ne le peut pas s'appliquent dans une réserve indienne. Elle fixe les règles tout comme le gouvernement fédéral, n'est-ce pas?

M. Mantha: Nous fixons les règles. Le gouvernement fédéral est au service de son peuple.

Le sénateur Ghitter: Je suppose que cela vaut également dans le contexte autochtone, n'est-ce pas?

M. Mantha: Non. En vertu du projet de loi C-49, c'est la bande qui établit les règles.

Le sénateur Ghitter: Oui, en représentant son peuple.

M. Mantha: Qu'en est-il des autres personnes qui habitent là?

Le sénateur Ghitter: Vous avez des baux, et les baux s'inscrivent dans votre relation.

M. Mantha: La bande pourra imposer des frais d'utilisation pour le ramassage des poubelles et l'entretien des routes et elle pourra fixer les loyers.

Le sénateur Ghitter: Il n'y a rien dans le projet de loi qui ait une incidence là-dessus. Les bandes peuvent faire cela à l'heure actuelle sans ce projet de loi, et elles l'ont déjà fait.

M. Mantha: Mais les lois qu'elles adoptent, comme par exemple les règlements de bande, sont approuvées par quelqu'un qui est en dernier lieu responsable devant le peuple.

Le sénateur Ghitter: J'ai de la difficulté avec votre argument, car le bail se passe d'explication. Si un différend survient dans le cadre du bail, les tribunaux sont là. Je suis tout aussi perplexe que le sénateur Pearson. Bien franchement, je ne vois pas à quoi vous voulez en venir.

M. Mantha: Ne serait-il pas plus facile de dire que la Loi sur la location immobilière de l'Ontario s'applique?

Le sénateur Ghitter: Elle ne s'applique pas à l'heure actuelle aux terres autochtones, alors pourquoi ferait-on en sorte qu'elle s'applique maintenant?

M. Mantha: Qui dit qu'elle ne s'applique pas?

Le sénateur Ghitter: C'est toujours ce que j'ai compris, mais vous me corrigerez si j'ai tort.

M. Mantha: Il n'y a pas un seul cas au pays qui dise cela.

Le sénateur Ghitter: Vous dites que la loi provinciale sur la location immobilière s'applique aux terres fédérales?

M. Mantha: Une loi provinciale est une loi d'application générale dans une province.

Le sénateur Ghitter: J'aimerais entendre un avis juridique là-dessus. Cela est nouveau pour moi. Si un avis juridique existe, vous me corrigerai. Je n'ai jamais compris que c'était le cas.

M. Mantha: J'ai commandé des recherches là-dessus pour trouver un tel avis et j'ai constaté que notre situation est très proche de celle visée par la décision dans l'affaire Millbrook, en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Ghitter: Si cet avis est disponible, je suis certain que le comité serait très intéressé à le voir.

Le président: Ce n'est pas une petite affaire. La différence est énorme. Je suis en train de me demander s'il nous faut faire venir ici une tierce partie qui nous dise clairement ce qui s'applique et ce qui ne s'applique pas. Je ne pense pas que nous puissions rester ici autour de la table et discuter de cela avec vous. Nous devons être justes envers tous les témoins. Serait-il possible de nous soumettre cela sous forme de document?

M. Mantha: Avez-vous quelque chose par écrit que vous puissiez nous donner?

Le sénateur Chalifoux: Je l'ai ici.

Le sénateur Ghitter: De quoi fait état le sénateur Chalifoux?

Le sénateur Chalifoux: C'est leur mémoire.

Le président: Je parle d'un véritable avis juridique.

Le sénateur Ghitter: Puis-je suggérer que l'on demande au témoin de nous fournir un avis juridique, monsieur le président? Cela nous intéresserait beaucoup. S'il avait la gentillesse de le faire, cela pourrait être très important.

M. Mantha: J'ai ici un document de stratégie résultant de recherches au sujet de toutes les décisions qui pourraient éventuellement s'appliquer à cette question. Y figurent toutes les citations et toutes les décisions de tribunal.

Le président: Pourriez-vous déposer cela?

M. Mantha: Oui.

Le président: Nous pourrons examiner cela plus avant.

M. Mantha: Il m'en faut des copies.

Le sénateur Ghitter: Certainement.

M. Mantha: Le document traite de la bande Millbrook, et cetera. Ces affaires vous rappelleront certaines choses.

Le sénateur Chalifoux: Premièrement, j'aimerais savoir auprès de quelle réserve vous louez à bail.

M. Mantha: Il s'agit de la Première nation Nipissing, réserve indienne no 10.

Le sénateur Chalifoux: Où se trouve-t-elle?

M. Mantha: La réserve est située tout juste à l'ouest de North Bay, en Ontario.

Le sénateur Chalifoux: Elle se trouve sur la rive nord du lac Nipissing.

Vous dites dans votre mémoire que ce projet de loi créera un système de gouvernement à deux paliers. Ne considérez-vous pas que le gouvernement local, le gouvernement municipal, votre gouvernement provincial et votre gouvernement fédéral sont des paliers de gouvernement avec lesquels vous devez traiter?

M. Mantha: Les personnes qui habitent la réserve Nipissing no 10 n'ont pas droit de vote aux élections municipales?

Le sénateur Chalifoux: Pourquoi pensez-vous que les choses sont ainsi?

M. Mantha: Pour que cela soit possible, il faudrait que quelqu'un demande que la Loi sur les municipalités de l'Ontario s'applique aux terres des réserves.

Le sénateur Chalifoux: Vous dites que les terres de réserve relèvent des pouvoirs fédéraux. Si vous n'êtes pas autorisé à voter lors des élections municipales du fait de l'endroit où vous habitez, alors vous ne vivez pas sur une terre fédérale?

M. Mantha: Vous êtes autorisé à voter lors d'élections municipales si vous habitez la municipalité et si vous satisfaites d'autres exigences, bien sûr, comme par exemple n'avoir pas été jugé coupable d'un crime ou autre chose du genre.

Le sénateur Chalifoux: Avez-vous jamais tenté de rencontrer le conseil de bande à Nipissing pour négocier?

M. Mantha: Il y a deux lotissements, deux associations de locataires. En ce moment même, le président de l'une de ces associations est en train de rencontrer la bande à North Bay. Il s'agit d'une dernière tentative pour éviter une nouvelle action judiciaire. Des tentatives comme celle-ci ont été suggérées par le passé et elles ont échoué fois après fois.

Le sénateur Chalifoux: J'ai du mal avec le raisonnement que vous esquissez dans votre présentation lorsque vous dites, premièrement, que cela créera un gouvernement à deux paliers. Je vis sur une terre non autochtone louée. Mon propriétaire peut me demander ce qu'il veut en matière de loyer, de droit de passage et ainsi de suite relativement à cette terre.

M. Mantha: Ces terres se trouvent-elles en Ontario?

Le sénateur Chalifoux: Non, dans le nord de l'Alberta. Mon propriétaire a le droit de faire cela. Je ne peux pas voter sur sa terre en tant que contribuable, car je n'en suis pas. Je suis locataire à bail, alors c'est à lui de décider. Voilà où je me perds: si cela peut se faire dans une communauté non autochtone, pourquoi cela ne peut-il pas se faire dans une communauté autochtone, parce que nos gens sont très bien éduqués? Je pense que si vous leur donnez une chance, ils feront de bons propriétaires. Traitez et négociez avec eux. C'est cela qu'il faut. Je ne comprends tout simplement pas votre raisonnement et votre crainte qu'il y ait de la violence ou que vous passiez tout votre temps devant les tribunaux.

M. Mantha: Je ne connais pas du tout la loi albertaine sur les relations entre propriétaires et locataires, mais si vous louez votre résidence d'un propriétaire en Ontario, d'un propriétaire non autochtone sur des terres non autochtones, la Loi sur la protection des locataires et la Loi sur le contrôle des loyers s'appliquent.

Le sénateur Chalifoux: Je suis en train d'acheter ma maison, alors je ne paie pas de loyer.

M. Mantha: Je pensais que vous aviez dit que vous louiez.

Le sénateur Chalifoux: Je loue la terre. Je ne loue pas ma maison. J'ai construit une maison sur une terre louée.

M. Mantha: D'accord. En Ontario, cela s'appelle une communauté achat-bail. C'est couvert de façon spécifique. Par exemple, un lotissement de maisons mobiles est une communauté achat-bail. Elle est régie par la Loi sur la location immobilière ainsi que par la Loi sur le contrôle des loyers et la Loi sur les municipalités.

Le sénateur Chalifoux: La bande là-bas a-t-elle élaboré un code foncier?

M. Mantha: Pas encore. Elle y travaille. Nous lui avons présenté des instances lui demandant si nous pouvons l'aider avec le code foncier. Peut-on avoir un genre de démocratie qui ne s'applique qu'aux titulaires de baux sur les terres? Nous ne voulons pas les écraser avec nos votes et envahir la bande. Nous ne voulons pas de cela. Nous voulons exercer un certain contrôle sur la façon dont nous vivons et sur ce que nous payons: des choses qui sont au coeur même des lois municipales.

Le sénateur Chalifoux: De quelle façon pensez-vous que l'adoption du projet de loi C-49 vous empêchera de faire cela dans le cadre de vos baux?

M. Mantha: Nous pensons que cela ne règle pas la question de l'applicabilité des lois sur les relations entre propriétaires et locataires et des lois municipales. Il nous faut donc nous en remettre aux tribunaux ou alors compter sur la bonne volonté de personnes désireuses de parler et de s'entendre. Voilà les deux possibilités: ou les tribunaux ou une entente. Au cours des 10 dernières années, la bonne volonté s'est évaporée de façon catastrophique, et pas seulement dans ces affaires-ci. Il y a une avalanche de litiges. Le nombre de litiges s'est multiplié au fur et à mesure que ces communautés achat-bail sont arrivées sur le marché.

Le sénateur Chalifoux: Les avocats feront beaucoup d'argent.

Le sénateur Wilson: Étant donné ce que vous avez dit dans votre présentation, auriez-vous des amendements précis à nous recommander?

Mme Leclair: J'aurais deux amendements bien précis. Premièrement, il serait bon d'avoir un système de type tutelle dans le cadre duquel nous autres, non-membres, pourrions voter sur les questions nous touchant directement.

Deuxièmement, nous aimerions avoir des garanties quant au processus de règlement des différends du projet de loi C-49, car l'accord-cadre ne fait pas état du règlement des différends. Nous aimerions avoir, dans le corps du projet de loi C-49, des garanties quant à la neutralité des médiateurs et arbitres.

Le sénateur Gill: Avez-vous mentionné que vous avez une étude indiquant que la loi générale en matière d'expropriation de l'Ontario pourrait s'appliquer à une réserve ou à des terres indiennes? Avez-mentionné cela?

M. Mantha: Non. Ce ne serait pas le cas. Je peux voir que le droit du gouvernement fédéral, en vertu de l'article 91, d'assurer une protection contre l'aliénation de terres autochtones est important, car le gouvernement fédéral a à cet égard une responsabilité fiduciaire. Cependant, la Loi sur la location immobilière ne dépossède pas le propriétaire. Elle contrôle l'utilisation que le propriétaire peut faire de ses terres. En gros, la loi dit que si vous voulez être propriétaire, vous devez vous conformer à la loi. Si vous ne voulez pas vous y conformer, alors vous ne pouvez pas être propriétaire.

[Français]

Le sénateur Gill: Vous avez présumé à plusieurs reprises que si la nouvelle loi était adoptée, son application serait très injuste. Sur quoi vous basez-vous pour dire cela et quels sont les impacts auxquels vous pensez?

Mme Leclair: Nous ne disons pas que les relations fonctionnent ou non. Dans certains cas, les relations entre les deux groupes sont très bonnes. Mais les cas dans lesquels je suis personnellement impliquée ne fonctionnent pas et n'ont jamais fonctionné. Malheureusement, il y a beaucoup de méfiance entre les deux groupes, et ce pour des raisons qui sont aussi valables de part et d'autre. Je crois, effectivement, que l'adoption de ce projet de loi ne fera qu'enchâsser les divergences d'opinion ainsi qu'assurer la dissonance démocratique qui règne aujourd'hui. Notre préoccupation est que l'on ne pallie pas à un problème déjà existant, mais qu'on va tout simplement empirer une situation.

[Traduction]

Le sénateur St. Germain: La seule chose qui me déroute dans votre présentation est l'animosité qui semble exister dans votre région. Je suis de ceux qui croient fermement que pour que les peuples autochtones retrouvent leur dignité et leur fierté et se placent sur un pied d'égalité avec les autres, comme il se doit, en tant que Canadiens, alors il leur faudra contrôler leurs terres. La seule chose qui m'inquiète au sujet du projet de loi C-49 est l'aspect expropriation, car nous sommes en train d'explorer un territoire vierge. On a changé le libellé relativement à l'expropriation et tous les juristes avec qui j'ai discuté disent que la porte sera grande ouverte pour les litiges. Il ne faut pas oublier que c'est la Loi concernant l'expropriation qui l'emporte. Vous avez mentionné la bande sechelte en Colombie-Britannique. L'accord signé avec ces gens semble être un très bon accord, et ils ont accepté la Loi canadienne concernant l'expropriation comme faisant partie de cette entente.

Vous êtes davantage préoccupé par la régie que par l'expropriation, n'est-ce pas?

Mme Leclair: Non, nous sommes très préoccupés par les règles en matière d'expropriation. À notre avis, le processus de règlement des différends est très étroitement lié au processus d'expropriation prévu dans la Loi concernant l'expropriation. S'il y avait un différend concernant les méthodes employées en vertu du projet de loi, il n'y aurait aucun mécanisme prévisible garantissant une audition équitable relativement aux règles en matière d'expropriation.

M. Mantha: Les peuples autochtones devraient être autorisés à contrôler leurs terres; cela est incontestable. La terre est au coeur même de toute richesse, au coeur même de tout. Nous n'avons absolument aucun problème en ce qui concerne le concept voulant que les peuples autochtones aient le droit de faire cela, car cela leur assure le maintien de leur entité culturelle et sociale. Notre problème est que des peuples autochtones ont décidé de devenir propriétaires et qu'ils pourront maintenant constituer des municipalités. En gros, ils auront le droit de faire des lois et de créer des délits à l'égard desquels nous n'aurons aucun contrôle. Non seulement cela est injuste, mais c'est également de la mauvaise gestion.

Le sénateur St. Germain: Si vous me louiez des terres, chez moi en Colombie-Britannique, vous vous trouveriez confronté à la même situation. Il vous faudrait composer avec les règles et règlements que j'établirais relativement à la location. Si j'avais un bail avec vous, il me faudrait l'honorer. Cependant, à l'expiration du bail, j'aurais le droit de vous dire, à vous le locataire, ce que vous devez ou ne devez pas faire. Pourquoi les autochtones ne devraient-ils pas avoir ce droit?

Mme Leclair: Permettez-moi de vous expliquer ce qui s'est passé avec les baux originaux. Ceux-ci avaient été signés sous l'autorité de Sa Majesté la Reine du chef du ministre des Affaires indiennes. Les clients qui ont acheté ces terres avaient toujours été rassurés par le fait que notre gouvernement fédéral était de la partie. Ils n'avaient aucune idée, pas plus que la plupart des avocats, que leur principale responsabilité fiduciaire, dû par Sa Majesté la Reine, en tant que locataire, était envers les autochtones. Ils n'en avaient pas la moindre idée. Ils pensaient traiter avec le gouvernement fédéral et donc avec quelqu'un qui allait être le médiateur pour les intérêts de part et d'autre. Que vous soyez ou non de cet avis, la plupart des avocats et la plupart des acheteurs n'avaient aucune idée du fait que cette responsabilité n'était due qu'aux autochtones. Voilà quelle était la situation lorsque ces personnes ont signé ces baux.

Je m'occupe d'hypothèques -- l'achat et la vente d'intérêts de locataires sur ces terres. Je peux vous dire que j'ai une lettre du MAIN qui m'assure que ces baux ne peuvent pas être modifiés. J'ai une lettre d'un membre qui est assis dans cette salle en ce moment même et qui me dit que ces baux ne peuvent pas être modifiés de façon unilatérale. Or, la réalité est très différente.

J'avais une transaction: quelqu'un avait désespérément besoin de prendre une hypothèque sur sa maison pour envoyer ses deux filles à l'école. La bande a dit que dans son cas particulier, s'il lui fallait hypothéquer sa maison, son bail expirerait. En passant, il n'était pas censé expirer. Le bail devait durer jusqu'en l'an 2022 ou 2027. Il y avait en place un bail tout à fait valide, mais il semblerait que celui-ci ait expiré. Cette personne n'a pu réhypothéquer son intérêt qu'en acceptant l'exigence de la bande qu'il y ait un nouveau bail. Mon client a donc signé sous la contrainte. Nous avons envoyé le document à la bande. Il avait signé sous contrainte et la bande m'a renvoyé une lettre me disant qu'elle n'enregistrerait pas l'hypothèque à moins qu'on ne retire la mention «signature sous la contrainte». Mon client a donc dû modifier les conditions relativement à une disposition d'augmentation du loyer avec réexamen quinquennal du montant. Toutes ces décisions du tribunal ont donné lieu à des différends au sujet des conditions. L'agent de la bande a tenté de faire modifier ce bail, et sa tentative a réussi.

Le sénateur St. Germain: La bande doit-elle signer le renouvellement de toutes les hypothèques, de tous les loyers?

Mme Leclair: Elle doit approuver toutes les hypothèques, oui.

Le sénateur St. Germain: Cela fait-il partie du bail?

Mme Leclair: Oui, cela fait partie des dispositions du bail.

Le sénateur St. Germain: En demandant la négociation d'un nouveau bail, la bande s'est-elle placée en situation de violation de l'entente de bail?

Mme Leclair: Elle était très certainement en situation de violation de l'entente de bail, mais c'est là une question qui intéresse le locataire et le ministère de la Justice. Lorsque vous lancez l'armée du jargon juridique, il n'y pas un seul locataire qui va s'attaquer au cabinet d'avocats du gouvernement fédéral. Vous ne pouvez pas faire cela. Si vous dites qu'il y a beaucoup d'avocats qui vont être heureux... bien simplement, personne ne peut faire sa petite guerre au gouvernement parce que tout d'un coup il décide de changer les règles. J'ai trois cas documentés dans lesquels ils avaient insisté pour modifier le bail en plein milieu. Je serais ravie de vous divulguer ces renseignements, avec, bien sûr, le consentement de mes clients.

Le président: Merci de votre présentation. Nous avons deux autres témoins à entendre ce soir.

Mme Marilyn Buffalo, présidente, Native Women's Association of Canada: J'aimerais vous remercier d'avoir accordé aux femmes autochtones du Canada la possibilité de comparaître devant vous ici ce soir. En tant qu'organisation sans but lucratif incorporée en 1974 -- il y a 25 ans -- la Native Women's Association of Canada réunit plusieurs organisations de femmes autochtones et est une association qui est formée à la façon d'une hutte sacrée de grand-mère. Dans cette hutte de grand-mère, nous autres, tantes, mères, soeurs, frères, parents, reconnaissons, respectons, défendons, avançons et enrichissons collectivement nos lois, croyances spirituelles, langues et conditions ancestrales autochtones qui nous ont été données par notre créateur.

La Native Women's Association of Canada s'appuie sur le but collectif qui est d'améliorer, de promouvoir et de favoriser le bien-être social, économique, culturel et politique des femmes membres des Premières nations et métisses au sein des sociétés des Premières nations et canadienne.

Les principes ou objectifs de notre organisation, tels qu'énoncés dans notre Constitution, sont les suivants: être la voix nationale pour les femmes autochtones; traiter des différents dossiers d'une façon qui reflète les besoins changeants des femmes autochtones au Canada; appuyer et promouvoir des objectifs communs sur la route de l'autodétermination et de l'autosuffisance pour les peuples autochtones dans le cadre de nos rôles de mères et de leaders; promouvoir l'égalité des chances pour les femmes autochtones en matière de programmes et d'activités; servir de ressource pour les membres à l'intérieur des communautés autochtones; cultiver et enseigner les caractéristiques qui sont des aspects uniques de nos traditions culturelles et historiques; aider les organisations de femmes autochtones et appuyer les initiatives communautaires dans l'élaboration de leurs projets locaux; contribuer à l'avancement des dossiers et des préoccupations des femmes autochtones; et assurer le lien avec d'autres organisations autochtones qui partagent des objectifs communs.

La Native Women's Association of Canada ne s'oppose pas au projet de loi C-49. Nous sommes très au courant du temps, de la diligence et du dur travail que les chefs signataires, leur personnel et leurs avocats ont consacré à la préparation de ce projet de loi et nous leur devons pour cela reconnaissance et respect. Le projet de loi accordera à la bande signataire le pouvoir de gérer ses propres terres de réserve et ressources sans avoir à obtenir l'accord du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous célébrerons ce niveau d'autonomie si les membres des Premières nations concernées sont invités à donner et donnent leur consentement éclairé.

En vertu de la Loi sur les Indiens, il n'y a rien qui protège les biens patrimoniaux pour les femmes autochtones ayant épousé des hommes autochtones et qui divorcent. Les femmes autochtones, au contraire des autres Canadiennes, ne peuvent pas obtenir d'ordonnances de possession, de division ou de vente des terres des réserves en vertu des lois provinciales, selon la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Derrickson c. Derrickson.

Selon la B.C. Native Women's Society, typiquement, une femme autochtone habite la réserve de son époux. C'est sans doute dû au fait qu'autrefois la femme était légalement obligée d'habiter la réserve de son conjoint. Si le mariage éclate, la femme et ses enfants ont nulle part où vivre, car en règle générale, le mari gardera la maison. Souvent, la femme ne peut pas retourner à son ancienne réserve à moins d'avoir divorcé, et elle ne bénéficie en règle générale pas de soutien de la part de la réserve de son mari. Cela crée une situation désespérée pour la femme et ses enfants.

Bien que le gouvernement fédéral ait été au courant des failles de la Loi sur les Indiens, il n'a pas fourni de solution. Étant donné le sérieux des conséquences pour les femmes autochtones et le refus du gouvernement fédéral de prendre des mesures pour leur compte, la B.C. Native Women's Association a intenté une action contre le Canada. Dans cette action, la B.C. Native Women's Association cherche à obtenir deux déclarations: premièrement, que le gouvernement fédéral, en vertu de l'article 15 de la Loi constitutionnelle, a pour responsabilité constitutionnelle de corriger l'inégalité qui existe dans la Loi sur les Indiens en ce qui concerne les biens matrimoniaux, et, deuxièmement, que le gouvernement fédéral ne peut pas céder aux Premières nations sa responsabilité fiduciaire de corriger les lacunes qui existent.

Le gouvernement fédéral a réagi en demandant à la cour de rayer dans la déclaration de revendication de la B.C. Native Women's Association les parties se rapportant à l'accord-cadre. Le 15 décembre 1998, les Premières nations signataires ont obtenu dans cette affaire le statut d'intervenant. Le 22 décembre 1998, le juge a annoncé qu'il réserverait sa décision relativement à la demande du gouvernement fédéral. À ce jour, le juge n'a pas encore donné sa décision.

La Native Women's Association of Canada ne peut pas rendre les chefs signataires responsables du fait que la Loi sur les Indiens ignore le principe de l'égalité et les droits en matière de propriété des femmes autochtones. C'est le gouvernement fédéral qui doit rendre des comptes relativement à cette violation de sa responsabilité fiduciaire. La responsabilité de la Native Women of Canada est d'exprimer les préoccupations des femmes autochtones relativement au projet de loi. C'est pourquoi nous sommes ici.

La NWAC, comme on l'appelle parfois, a déjà exprimé très énergiquement ses préoccupations relativement au projet de loi au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, au comité permanent des peuples autochtones de la Chambre et aux chefs qui appuient ce projet de loi, y compris le chef national lui-même. Il n'y a pas eu de réponse valable à nos efforts. En dépit des discussions que la NWAC a eues avec les ministères de la Justice et des Affaires indiennes, il n'y a eu aucun engagement sérieux de la part du gouvernement fédéral à intervenir dans ce domaine.

Le 9 juin 1998, à l'assemblée générale annuelle de la National Native Women's Association, la ministre des Affaires indiennes et du Nord, Jane Stewart, a annoncé son engagement à donner suite aux préoccupations exprimées par les femmes autochtones relativement à leurs droits en matière d'égalité et de biens matrimoniaux en cas de divorce.

La ministre Stewart a annoncé qu'elle établirait un processus d'enquête indépendant pour examiner les droits des femmes autochtones à l'égard de biens matrimoniaux en cas d'éclatement du mariage. Il semblerait que le but était tout simplement de dresser un paravent, car tout juste deux jours plus tard, la ministre Stewart déposait le projet de loi C-49 à la Chambre des communes. Elle était pourtant bien au courant des préoccupations des femmes autochtones relativement à ce projet de loi.

Presqu'un an plus tard, le MAIN n'a pas fait grand-chose en ce qui concerne ce processus d'enquête. Nous espérons de tout coeur que le projet de loi n'aura pas force de loi avant que n'aient été comblées ces très sérieuses et très évidentes lacunes.

Il a été ajouté au projet de loi C-49 une disposition qui est censée régler les problèmes qui préoccupent les femmes autochtones. Cette disposition est l'article 17, qui dit:

(1) La Première nation doit veiller à l'établissement, en conformité avec l'accord-cadre et au terme du processus de consultation populaire prévu à cette fin dans le code foncier, de règles générales -- de procédure et autres -- applicables en cas d'échec du mariage, en matière soit d'utilisation, d'occupation ou de possession des terres de la Première nation, soit de partage des intérêts sur celles-ci.

(2) Elle est tenue, dans les douze mois qui suivent la date d'entrée en vigueur du code foncier, de les insérer dans ce code ou de prendre des textes législatifs sur le sujet.

(3) La Première nation ou le ministre peut, en conformité avec l'accord-cadre, saisir un arbitre de tout différend relatif à l'établissement de ces règles.

Cependant, cette disposition ne règle pas de façon satisfaisante les préoccupations des femmes autochtones. Dans son libellé actuel, le projet de loi présente les problèmes que voici. Premièrement, il n'y a pas d'indication de la façon dont les cas de divorce et de partage des biens matrimoniaux sont censés être réglés dans les 12 mois suivant la ratification par la communauté du code foncier. Étant donné que chaque Première nation est libre d'élaborer son propre code foncier, en l'absence de principes fondamentaux clairs, les femmes autochtones n'auront pas accès à une application harmonieuse et régulière de la loi pour ce qui est de la protection de leurs droits de propriété, contrairement à toutes les femmes canadiennes et aux femmes autres qu'autochtones.

Le projet de loi stipule que la Première nation ou le ministre peut renvoyer tout différend à un arbitre, mais les femmes autochtones, qui peuvent être victimes de pratiques inéquitables, n'ont pas droit de parole dans le processus de règlement des différends. Par ailleurs, qui paiera les frais de la participation des femmes autochtones au processus, surtout lorsqu'il est clair que les femmes autochtones sont les plus pauvres parmi les démunis?

En vertu de l'article 12 du projet de loi C-49, les Premières nations signataires peuvent obtenir l'approbation de la communauté pour l'adoption d'un code ou d'un accord spécifique par tout processus convenu par la Première nation et le ministre, avec un taux d'approbation minimum de 25 p. 100 des voix exprimées par les électeurs admissibles, plus une. Ce seuil est si bas qu'il n'offre aucune garantie que la volonté de la communauté sera derrière le nouveau régime.

En plus de l'absence de protection des droits des femmes autochtones en matière d'égalité et de propriété, une autre question soulevée par Wendy Lockhart Lundberg suscite beaucoup d'inquiétude chez les femmes autochtones. Il s'agit des pouvoirs d'expropriation extraordinaires qui sont accordés aux chefs et aux conseils en vertu de l'article 28 du projet de loi. Souvent, les femmes qui ont perdu leur statut d'Indienne inscrite en vertu de la Loi sur les Indiens pour ensuite le récupérer grâce au projet de loi C-31 ne sont pas les bienvenues si elles veulent retourner sur leurs terres. Mme Lockhart Lundberg souligne qu'il y a une crainte que les terres et les maisons qui devraient être transmises par testament ou par bail aux femmes ayant récupéré leur statut en vertu du projet de loi C-31 seront perdues à jamais avec les dispositions en matière d'expropriation, sous le prétexte de la nécessité de réaliser des ouvrages devant servir à la collectivité ou d'autres fins de la Première nation.

Mme Lockhart Lundberg utilise l'exemple de sa propre mère pour illustrer ses craintes quant à ces vastes pouvoirs d'expropriation. Sa mère a récupéré son statut d'Indienne inscrite en 1985. Cependant, elle n'a pas été réadmise dans la nation Squamish, bien qu'étant membre. En tant qu'Indienne inscrite, elle ne bénéficie que des prestations de santé. Le grand-père de Mme Lockhart Lundberg avait un certificat de possession de deux lots, qu'il a légués à sa fille, la mère de Mme Lockhart Lundberg, dans son testament, qui a été exécuté en bonne et due forme conformément à la Loi sur les Indiens. Ces lots sont toujours inscrits à son nom, sont occupés par d'autres personnes et n'ont pas été inscrits sous le nom de la mère de Mme Lockhart Lundberg.

La bande pourrait facilement exproprier ces lots et verser une indemnisation minimale, car tout ce qui est exigé est que l'indemnisation soit «équitable», mais ce terme n'est pas défini. La Première nation n'est obligée de tenir compte que des dispositions de la Loi sur l'expropriation. Mme Lockhart Lundberg s'empresse de souligner que les pouvoirs d'expropriation peuvent être utilisés contre tous les membres de la bande. Elle a été citée dans les débats de la Chambre des communes comme ayant déclaré que la rumeur voulait que le chef et le conseil de la Première nation Squamish aient des plants pour développer à des fins commerciales de précieuses terres de réserve en bordure de l'eau à North Vancouver. Ces plans pourraient exiger le déplacement de membres de la bande sur des terres de réserve plus loin sur la côte. Mme Lockhart Lundberg évoque des situations d'expropriation possibles qui devraient inquiéter tous les membres de la bande.

Une autre des plaintes de Mme Lockhart Lundberg est que le chef et le conseil de la Première nation Squamish n'avaient pas été mandatés par la communauté à signer l'accord-cadre. L'article 45 de la loi stipule que toute bande peut signer l'accord-cadre pour le compte de la bande si elle y a été dûment autorisée.

Mme Lockhart Lundberg estime que cela veut dire dûment autorisée par la communauté suite à des consultations et à un référendum. Le chef signataire pourrait vraisemblablement répondre en disant que «dûment autorisée» correspond à l'autorisation qui leur vient du fait d'avoir été élus par la communauté et qu'ils sont non seulement autorisés, en tant que chefs élus à agir pour le compte de la bande, mais que c'est là leur obligation.

Les chefs et les conseils doivent profiter des occasions qui se présentent. Une fois la loi adoptée pour appuyer cette initiative, les localités sont alors consultées pour savoir si elles veulent que le processus se poursuive. L'ambiguïté de l'article 45 a semé la panique chez les membres de la Première nation Squamish, qui ont tout récemment découvert que leur chef et conseil s'occupent depuis de nombreuses années de cette initiative de gestion foncière.

Après avoir entendu parler du projet de loi lors d'une émission radiophonique, Mme Lockhart Lundberg a appelé son député pour obtenir une copie de la loi. Lorsqu'elle l'a reçue, elle a été choquée de constater que la Première nation Squamish est signataire de l'accord-cadre. Mme Lockhart est une membre active et intéressée de la communauté qui n'a manqué qu'une seule réunion générale dans la réserve au cours des six dernières années, et il n'y a jamais eu de discussion au sujet de l'accord-cadre.

Dans le but de sensibiliser la communauté, Mme Lockhart Lundberg et un groupe d'environ une dizaine de femmes ont commencé à faire circuler une pétition contre le projet de loi C-49. La pétition et des signatures ont été envoyées à Ted White, député réformiste de North Vancouver. Au 6 avril 1999, le bureau de M. White avait reçu quelque 262 signatures.

La National Native Women's Association of Canada appuie Mme Lockhart Lundberg dans ses efforts remarquables. La Native Women's Association, conformément à son engagement à faire avancer les questions ou préoccupations des femmes autochtones, et dans un esprit de collaboration et de compromis, soumet les propositions suivantes en vue de la modification du projet de loi C-49.

La première proposition est que soit insérée au paragraphe 6(3) une disposition concernant la division des biens patrimoniaux exigeant le respect de normes minimales reconnues, et que cette disposition s'applique jusqu'à ce que les Premières nations concernées adoptent des codes fonciers incluant des dispositions en matière de partage de biens matrimoniaux en cas de divorce.

La deuxième proposition concerne l'article 12. Il s'agirait d'exiger un taux d'approbation minimale de 51 p. 100 des voix des électeurs admissibles pour les codes fonciers et les accords spécifiques.

La troisième proposition concerne l'article 17, auquel renvoient également les paragraphes 21(2) et 22(2). Il s'agirait d'ajouter une norme minimale pour garantir que les droits des femmes autochtones en matière de biens matrimoniaux en cas de divorce ne seront pas inférieurs aux droits des autres femmes, et pour assurer régularité, égalité et justice naturelle.

La quatrième proposition vise l'article 20. Il s'agirait d'ajouter une disposition stipulant que le pouvoir législatif inclurait l'utilisation, l'occupation et la possession de terres des Premières nations et la division des intérêts à l'égard des terres des Premières nations en cas d'échec de mariage.

La cinquième proposition vise à ajouter une disposition stipulant ce qu'il advient des biens matrimoniaux lorsqu'une loi d'une Première nation adoptée en vertu du projet de loi C-49 va à l'encontre des lois provinciales d'application générale.

La sixième proposition vise l'ajout d'une disposition garantissant que les femmes ayant récupéré leur statut d'Indienne inscrite en vertu du projet de loi C-31 ne pourront pas être victimes de discrimination du fait de l'application abusive des dispositions en matière d'expropriation.

La septième proposition recommande que l'article 28 soit modifié: (a) en limitant la portée des dispositions en matière d'expropriation en ajoutant l'exigence d'un processus d'approbation par la communauté avec au moins 51 p. 100 des voix; (b) en ajoutant une disposition prévoyant que les membres des Premières nations puissent recourir à un processus d'appel; (c) en ajoutant une exigence selon laquelle toutes les ordonnances d'expropriation proposées et tout le processus de consultation communautaire subséquent soient vérifiés par un vérificateur indépendant nommé conjointement par la Première nation et par le ministère des Affaires indiennes; et (d) en modifiant le paragraphe 28(5) pour garantir que les Premières nations appliqueront les règles énoncées dans la Loi sur l'expropriation dans la détermination d'une indemnisation juste et équitable.

La huitième proposition concerne l'article 45 et recommande que «dûment autorisée» signifie qu'au moins 51 p. 100 des membres de la communauté ont donné leur accord dans le cadre du référendum.

Il semblerait que les deux plus grandes faiblesses du projet de loi C-49 soient l'absence de dispositions protégeant les droits à l'égalité et à la propriété des femmes autochtones et les pouvoirs extraordinaires d'expropriation accordés aux Premières nations signataires. La NWAC est principalement préoccupée par les dispositions et questions touchant les femmes autochtones et les considérations visant à rendre le projet de loi plus acceptable à nos yeux. À mon avis, les amendements que nous venons de proposer sont raisonnables.

Certains des chefs des Premières nations signataires ont envoyé des lettres à la NWAC donnant des assurances que les préoccupations des femmes autochtones pourront et seront traitées comme il se doit dans les différents codes fonciers. J'ai la ferme conviction que si l'intention des chefs était de toute façon de régler comme il se doit les préoccupations des femmes autochtones, alors ils n'auraient pas d'objections quant aux amendements que nous avons proposés.

Je tiens à ce qu'il soit claire que la NWAC ne veut pas insinuer que les chefs signataires ont la moindre intention de maintenir la discrimination à l'endroit des femmes autochtones dans leurs communautés. Notre mémoire a tout simplement pour objet de faire ressortir des problèmes potentiels du projet de loi. N'importe laquelle des Premières nations pourrait, et c'est un fait, signer l'accord-cadre, avec, pour seul objet, d'abuser le pouvoir considérable que renferme le projet de loi.

En conclusion, je vous demande humblement de rassembler tout votre courage pour adopter les amendements que nous avons proposés, et que les députés à la Chambre auraient peut-être dû adopter. J'apprécie la possibilité qui m'a été donnée de comparaître devant vous.

Je sais que des membres de la communauté autochtone ont demandé, pas au comité ici réuni, mais à d'autres, si la NWAC a le mandat nécessaire pour se prononcer sur cette question. Le fait que nous existions depuis 25 ans témoigne de la nécessité qu'il y ait une voix, et j'ajouterai une voix indépendante, qui ne soit pas dominée par les hommes ni par les organisations dominées par les hommes. Voilà pourquoi notre organisation a été fondée, non pas par nous, mais par nos tantes et nos grand-mères.

Aux fins du procès-verbal, comme je l'ai déjà dit, la NWAC est l'une des cinq organisations nationales qui possèdent des biens immobiliers à Ottawa. Nous n'avons pas du tout d'hypothèque et nous ne dépensons de l'argent que si nous en avons. Nous faisons tout ce travail de façon bénévole. Nous avons de nombreux amis et nous sommes prêts à utiliser toute la force de la loi pour participer et pour vous aider de toutes les façons que nous le pouvons.

J'ajouterai que le document de discussion qui a été rédigé et envoyé à tous les députés et à tous les sénateurs a été préparé à l'interne, par des bénévoles.

Le sénateur St. Germain: Merci de votre présentation, Mme Buffalo. La question que j'ai à vous poser concerne cet incident avec Mme Lockhart et la bande Squamish. Y a-t-il d'autres incidents survenus ailleurs au pays? Vous ne voulez peut-être pas expliquer -- et vous n'êtes pas tenue de le faire non plus -- pourquoi vous avez fait état de cette affaire en particulier. Y a-t-il un grand nombre de situations du genre, ou bien ces cas sont-ils isolés?

Mme Buffalo: Ma réponse sera à deux volets. Premièrement, ni la NWAC ni un quelconque autre groupe de femmes n'est renseigné sur ce qui se passe ici à Ottawa. Nombre de femmes autochtones ne sont pas au courant de ce projet de loi.

Le sénateur St. Germain: C'est le cas de nombre d'entre nous.

Mme Buffalo: Ce ne devrait pas être une excuse. Cela n'est pas acceptable. Parce que nous sommes pauvres, nous ne lisons pas The Globe and Mail. Ni ce journal ni le The National Post ne sont livrés dans nos réserves. Lorsque nous recevons des renseignements, c'est par chance, par l'intermédiaire des journaux autochtones, et nombre d'entre eux ne couvrent pas ce genre de choses. Lorsque les femmes autochtones finissent par lire quelque chose là-dessus, il est déjà trop tard et la loi a déjà été adoptée. Voilà, malheureusement, quelle est la triste réalité. D'autre part, on n'en discute pas dans le cadre de tribunes ouvertes.

Le sénateur St. Germain: Quel est votre financement? Recevez-vous de l'argent du gouvernement?

Mme Buffalo: Patrimoine Canada nous verse 300 000 $ par an. Il s'agit là du financement de base pour notre bureau national.

Le sénateur St. Germain: Vous avez énuméré un certain nombre d'incidents.

Mme Buffalo: Oui, et c'est pourquoi, à un moment donné, nous avons été très enthousiasmées par ce groupe de travail qui allait parcourir le pays, ce groupe d'enquête qui avait été proposé. Nous avions été enthousiasmées par l'annonce faite par la ministre Stewart à l'occasion de notre assemblée générale annuelle. Malheureusement, j'avais lancé certaines initiatives. J'ai quatre fois demandé à Mme Stewart de nous verser des fonds pour nous aider à faire le travail qui s'imposait et, plus important encore, pour nous doter des compétences nécessaires à ce genre de travail. Quatre fois on nous a opposé un refus. La ministre n'arrêtait pas de parler du groupe d'enquête. Nous n'avons même pas les ressources nécessaires pour envoyer une seule personne un petit peu partout dans le pays, sans parler de ce qu'il faudrait faire pour avertir les femmes de la formation de ce groupe d'enquête itinérant. Cela n'allait donc rien donner dès le départ et on n'allait pas nous donner d'argent. Nous avons plusieurs fois présenté des instances à Mme Stewart.

Le sénateur Lawson: Votre présentation a été excellente. Je dois dire que j'ai été quelque peu choqué par ce que vous avez dit et par le fait que cela était nécessaire.

Mais je me limiterai à poser des questions. Vous dites que la Loi sur les Indiens ne contient pas de dispositions offrant aux femmes autochtones épouses d'hommes autochtones une protection quant aux biens matrimoniaux en cas de divorce. Y a-t-il déjà eu une quelconque disposition du genre dans une quelconque loi?

Mme Buffalo: Jamais.

Le sénateur Lawson: Y a-t-il eu des précédents juridiques ou des décisions?

Mme Buffalo: Non, nos femmes sont si opprimées que je considère en fait que c'est une insulte lorsque quelqu'un me dit que je m'oppose au projet de loi pour mes propres fins politiques.

Je pense que l'on sous-estime les conditions de vie que doivent endurer les femmes autochtones en réserve et hors réserve.

J'ai rencontré un groupe de 30 femmes à Edmonton. Elles m'ont demandé de ne pas divulguer leurs noms à cause des conséquences qu'elles vivraient si on savait qu'elles se réunissaient en grand nombre dans les différentes communautés. Quoi qu'il en soit, les conditions de vie sont en train de s'aggraver, et je ne saurais trop insister là-dessus.

Le sénateur Lawson: Vous avez parlé de l'action intentée par la British Columbia Native Women's Society contre le Canada. Les revendications étaient éminemment justes et raisonnables. Vous avez dit que le gouvernement fédéral a réagi en demandant à la cour de rayer certaines parties, et cetera. Qui a lancé cette action, la ministre des Affaires indiennes?

Mme Buffalo: La B.C. Native Women's Society.

Le sénateur Lawson: Non, je voulais dire qui était le répondant dans cette action? Était-ce la décision de la ministre d'essayer de bloquer cette action?

Mme Buffalo: Je n'en suis pas certaine.

Le sénateur Lawson: Je sais que la B.C. Native Women Society a lancé l'action, mais vous avez dit que le gouvernement fédéral a réagi en demandant à la cour de rayer les parties de la déclaration des femmes autochtones se rapportant à l'accord-cadre.

Mme Buffalo: C'est le ministère de la Justice qui a demandé cela.

Honorables sénateurs, nous n'avons pas d'amis. Je ne pense pas que vous vous rendiez compte à quel point les conditions dans lesquelles nous nous trouvons sont épouvantables. Le simple fait qu'on nous accorde ce temps avec vous est un honneur. Nos femmes n'ont aucun recours au niveau des réserves. Elles n'ont pas non plus d'argent pour embaucher des avocats.

Heureusement pour nous, deux femmes autochtones composent l'exécutif de la B.C. Native Women's Association. Sans cela, cette action n'aurait jamais été lancée.

Le sénateur Lawson: Avez-vous fait une présentation semblable devant le comité de la Chambre lorsque celui-ci a été saisi du projet de loi?

Mme Buffalo: Oui. On nous a ridiculisées.

Le sénateur Ghitter: Qui vous a ridiculisées?

Mme Buffalo: On nous a posé des questions pleines de sous-entendus, comme par exemple qui notre organisation représente. Je n'ai pas aimé cela. C'est aussi insultant que si vous demandiez au chef national qui il représente.

Notre association a un numéro 1-800 car un grand nombre de plaignantes un peu partout au Canada n'ont pas accès à l'interurbain. Parfois, elles n'ont même pas accès à un téléphone. Nous nous sommes efforcées de faire autant d'accommodements que possible.

Le sénateur Lawson: Vous dites que le juge fédéral a annoncé qu'il réservait sa décision. Vous a-t-on donné une idée de quand vous pourriez vous attendre à recevoir sa décision?

Mme Buffalo: Il va attendre de connaître le sort du projet de loi dont vous êtes saisis.

Le sénateur Lawson: J'ai récemment entendu une discussion en Colombie-Britannique. L'un des ministres parties à ces négociations, en expliquant pourquoi il n'y avait pas de dispositions protégeant les femmes autochtones, a dit que vous aviez été oubliées.

Mme Buffalo: Nous sommes toujours oubliées.

Le sénateur Lawson: Je pense qu'on vous oublie depuis très longtemps. Vous avez fait une excellente présentation et il conviendrait que le comité et le Sénat l'examinent sérieusement.

Mme Marlene Lapierre, première vice-présidente, Native Women's Association of Canada: Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter ma contribution à la discussion qu'on a eue jusqu'ici.

J'aimerais exprimer surtout la frustration des femmes autochtones vivant dans les réserves. Je suis présentement présidente de l'Ontario Native Women's Association. Je suis active au sein de l'association depuis 1972. J'ai été particulièrement active lors de la préparation de notre rapport sur la violence dans les familles autochtones en réserve et hors réserve.

Huit sur dix femmes sont victimes de violence, et les proportions sont à peu près les mêmes pour les enfants. Les femmes, surtout dans les localités isolées du nord, doivent souvent fuir leur communauté pour leur propre sécurité, et dans certains cas elles ne peuvent pas fuir car le seul moyen de quitter sa communauté est de prendre un avion.

Si les autorités de la communauté ne veulent pas que vous partiez, vous ne pouvez pas partir. L'expression imagée qui est populaire à l'heure actuelle pour décrire ce que c'est que de vivre dans ces conditions est qu'on «vit derrière le rideau de peau de daim». La vie des femmes dans ces communautés est souvent désespérée, surtout lorsqu'elles sont frustrées par le leadership contrôlé par la famille ou lorsque les coupables sont ceux qui détiennent le contrôle.

En tant que présidente, j'entends souvent des histoires de femmes sur qui on a braqué des fusils. Dans un cas, on a tenu un fusil contre la tête d'une femme pour l'obliger à quitter la réserve. Le coupable a gardé les enfants et la femme n'avait aucun recours.

Il faut également savoir que lorsqu'on parle de terres, on parle aussi de garde. Les femmes autochtones vivant dans les réserves n'ont pas du tout le genre de protection dont jouissent la plupart d'entre nous qui sommes soumis aux lois provinciales. Dans certaines provinces, où un important travail de réforme des lois est en train de se faire, la situation est beaucoup plus équilibrée.

Les Indiennes qui ont récupéré leur statut en vertu du projet de loi C-31 en particulier, surtout dans le cas de bandes qui ne donnent pas voix aux membres hors réserve et qui ne les autorisent pas à voter de quelque façon que ce soit, sans même parler de la question de l'utilisation des terres, sont particulièrement exposées à ce genre de discrimination et n'ont absolument aucun droit de parole en matière de propriété foncière.

Quatre-vingt pour cent des autochtones n'ont pas du tout droit de parole quant à la façon dont ces terres sont utilisées ou dont nos familles sont traitées en cas de rupture du ménage.

En 1980, nous avons mené une étude portant sur 1 000 autochtones en Ontario. Près de 95 p. 100 d'entre elles n'avaient jamais vu ni même entendu parler de la Loi sur les Indiens. Ce très important texte de loi, ayant une incidence sur chaque instant de nos vies, n'était pas connu par la grande majorité des gens.

J'irais jusqu'à dire qu'un pourcentage encore plus élevé de membres de nos communautés n'ont jamais entendu parler du projet de loi C-49. Ils n'en entendront parler que si les femmes autochtones du Canada continuent d'en parler, et continuent, comme nous l'avons fait avec le projet de loi C-31, à y sensibiliser autant d'autochtones que possible, tant dans les réserves qu'à l'extérieur de celles-ci.

Je voulais ajouter ces quelques observations à ce qui a déjà été dit.

Le sénateur Wilson: J'aimerais vous féliciter de votre ténacité et de la clarté de votre présentation ainsi que des propositions d'amendements que vous faites. J'ai entendu de la bouche de plusieurs femmes autochtones avec lesquelles j'ai travaillé au fil des ans des histoires qui viennent appuyer les propos que vous nous avez tenus. Je suis heureuse que vous ayez pris cette initiative.

Au bas de la page 12, vous mentionnez, parmi les projets d'amendements que vous proposez: «Ajouter des normes minimales pour garantir que les droits des femmes autochtones en matière de biens matrimoniaux en cas de divorce ne seront pas inférieurs à ceux des autres femmes et veiller à ce qu'il y ait régularité, égalité et justice naturelle». Pourriez-vous éclairer le comité relativement à ce que vous entendez par «les droits des autres femmes». Y a-t-il un autre texte de loi auquel vous pourriez vous reporter ici?

Mme Buffalo: J'entends par là les autres femmes canadiennes. Ce serait comme si en Ontario il existait des lois différentes applicables aux villes d'Ottawa et de Thunder Bay et que les lois ne pouvaient pas être appliquées de façon égale et régulière. Il est très difficile pour les femmes autochtones d'être protégées en vertu des lois relatives à la famille pour les questions de garde d'enfants, par exemple, car nous n'avons pas les moyens d'embaucher des avocats et de demander aux tribunaux de nous protéger. La même chose arrive avec les lois provinciales applicables à la famille. Comment pourra-t-on régler le problème? Je pense qu'il était réglé autrefois lorsqu'il y avait une loi matrimoniale des Premières nations. On en a discuté à l'époque. C'était une idée. Nous invitons les parlementaires à traiter de cette question comme ils le veulent. Nous sommes prêtes, n'importe quand.

Le sénateur Wilson: Vous voulez dire en ce qui concerne la régularité de son application partout au pays?

Mme Buffalo: Et à l'intérieur des provinces, car la Loi sur les Indiens est une loi fédérale.

Le sénateur Ghitter: Madame Buffalo, j'aimerais tout d'abord comprendre la situation, puis faire une observation. Supposons qu'il y a un bail dans une réserve à l'heure actuelle, et que le mariage éclate. J'imagine que les terres appartiennent au gouvernement fédéral, le titre étant assujetti aux droits de la réserve. En cas d'éclatement du mariage, il n'est pas question de diviser le bien, car celui-ci appartient au gouvernement. La bande dit-elle alors à l'homme de rester là avec les enfants? La terre suit-elle les enfants? Quelle est la procédure? Pourriez-vous nous renseigner là-dessus?

Mme Buffalo: Je vais répondre à un aspect de votre question, soit ce qui arrive au niveau de la réserve, puis je demanderai à Mme Duffy de se prononcer sur l'aspect juridique. Nos sociétés sont matrilinéaires, historiquement et traditionnellement. La Loi sur les Indiens est cependant une loi patrilinéaire qui nous est imposée depuis 200 ans. Elle a été de nombreuses fois modifiée et elle le sera encore, mais ces lois n'ont jamais été modifiées. Il n'y a jamais par le passé eu d'affirmation des droits des femmes autochtones, au niveau que nous voulons maintenant. J'ai vu quelques exceptions, et j'ai vécu parmi les miens toute ma vie. J'ai vu quelques exceptions où un homme a donné la maison à ses enfants et la femme est restée, alors que lui est parti, mais ces cas sont rares. C'est presque toujours l'inverse qui arrive, et c'est malheureux. Je mentionne cela parce que 60 p. 100 des membres des Premières nations vivent en ville, à l'extérieur des réserves. Le problème est à la hausse. Je vais rencontrer à Edmonton un autre groupe de 30 femmes qui vit cette situation. Elles viennent de partout au Canada. Elles se trouvent à Edmonton par hasard.

Le sénateur Ghitter: Qui décide qui reste sur la terre?

Mme Buffalo: Personne, mais la femme n'a pas de protection. C'est toujours l'homme qui a décidé, et cette attitude a été maintenue par la Loi sur les Indiens. Il n'y a pas de loi protégeant les femmes et renversant cette tendance.

Le sénateur Ghitter: Dans le contexte de ce projet de loi, reconnaissant qu'il ne vise que la gestion des terres, nombre des griefs dont vous faites état ne sont pas des questions de gestion des terres. Ils vont au-delà de la gestion des terres, et je songe ici aux questions de garde, de soutien, et cetera. La question de savoir qui devrait rester dans la maison relève peut-être de la gestion foncière. Votre situation ne serait-elle pas meilleure avec le projet de loi? L'article 17 parle des règles particulières en cas d'échec du mariage. Il semble que le gouvernement soit enfin en train de reconnaître qu'il lui faudrait faire quelque chose. À mon avis, le gouvernement a tout simplement écarté cette question pendant toutes ces années. Cet article dit que la Première nation doit

«veiller à l'établissement [...] dans le code foncier de règles générales -- de procédure et autres -- applicables, en cas d'échec du mariage, en matière soit d'utilisation, d'occupation ou de possession des terres de la Première nation, soit de partage des intérêts sur celles-ci.» Cela ne vous donne-t-il pas un point de départ que vous n'avez jamais eu jusqu'ici et votre situation ne serait-elle pas meilleure avec ce texte de loi qu'avant, en supposant que le projet de loi est adopté?

Mme Barbara Clifton, chef héréditaire, Première nation Gitxzan: J'aimerais dire aux chefs ici présents, qui sont favorables à cette loi sur la gestion des terres, que je trouve pour ma part qu'on n'a pas fait suffisamment de travail sur cette loi ni sur ce qui a débouché sur le projet de loi C-31. Je ne pense pas que les autochtones aient véritablement examiné les conséquences. Si vous regardez les choses de façon réaliste, c'est vraiment une question d'extinction. Nous allons avoir une conférence de femmes portant là-dessus dans quelques semaines.

Le sénateur Ghitter: Qu'entendez-vous par extinction?

Mme Clifton: Avec cette loi, après deux générations, certains d'entre nous ne seront plus Indiens.

Le sénateur Ghitter: Je comprends.

Mme Clifton: Je crains que le projet de loi ne s'appuie pas sur suffisamment de travail préparatoire. Par exemple, l'article 17 -- je ne voudrais montrer personne du doigt, et n'oubliez pas que nos capacités de recherche sont limitées -- dit:

la Première nation est tenue, dans les douze mois qui suivent la date d'entrée en vigueur du code foncier, de les (les règles générales) insérer dans ce code ou de prendre des textes législatifs sur le sujet.

Mesdames et messieurs, étant donné nos capacités de recherche limitées du fait de l'absence de financement pour nos activités, les bandes ne seront pas nombreuses à vouloir épauler ce fardeau avec nous. Il y a peut-être une raison pour laquelle ces règles n'ont pas été élaborées ou pour laquelle elles sont discriminatoires à l'égard des femmes. Nous avons tenté de faire des recherches sur ce qui a été préparé pour donner du muscle à cette loi sur la gestion des terres afin d'éviter que nous nous trouvions dans la même position qu'avec le projet de loi C-31. Nous pensons qu'en soulevant ces questions avec le comité nous devrions aboutir à des lois qui soient vivables pour nous.

Le sénateur Adams: Le sénateur Ghitter n'a pas obtenu de réponse à sa question.

Le sénateur Ghitter: Je vous demandais si vous n'êtes pas mieux aujourd'hui avec l'article 17 qu'avant? Cela n'améliore-t-il pas votre position?

Mme Buffalo: Ça n'a pas encore été développé, sénateur, et devrions-nous nous satisfaire de demi-mesures? Non. Nous voulons la même protection que toutes les autres Canadiennes au seuil du nouveau millénaire, et nous ne nous satisferons pas d'un pis-aller. Cela ne va pas assez loin. Pas du tout.

Le sénateur Chalifoux: Bienvenue, mesdames. Nous nous rencontrons ici périodiquement depuis de nombreuses années. J'aimerais vous remercier de votre présentation. Elle nous a beaucoup éclairés.

Nous avons reçu de la documentation et des présentations de femmes vivant dans les réserves qui seront touchées par le projet de loi. Il n'y a que 14 nations qui sont visées par le projet de loi, et elles l'appuient. Elles appuient les codes fonciers pour leurs communautés. Dans le cas d'une réserve, les femmes m'ont écrit et m'ont dit qu'elles comptent pour 51 p. 100 de la population et qu'elles votent. Pouvez-vous communiquer avec ces femmes? D'autre part, il y a parmi ces 14 réserves deux chefs qui sont des femmes. Avez-vous communiqué avec ces femmes?

Si l'on regarde la population des réserves, j'espère que vous conviendrez avec moi que les femmes sont de plus en plus éduquées, prennent de plus en plus la parole et demandent un droit de parole égal. Comment réagissez-vous à cela? On nous donne l'autre côté de la médaille, ce qui est une bonne chose, mais avez-vous parlé aux femmes qui appuient le projet de loi?

Mme Buffalo: Excusez-moi, mais je n'ai pas compris votre troisième question.

Le sénateur Chalifoux: De plus en plus de femmes s'instruisent. Ne trouvez-vous pas qu'elles participent davantage, au niveau de la réserve, à la vie politique et qu'elles demandent un droit de parole égal?

Mme Buffalo: Tout d'abord, la Native Women's Association of Canada n'a pas du tout les moyens qu'ont ces 14 Premières nations. D'après ce que j'ai compris, elles ont reçu plusieurs millions de dollars. L'Assemblée des Premières nations a reçu des fonds de la ministre Stewart.

Nous n'avons pas la capacité requise et c'est pourquoi nous avons exercé des pressions pour essayer d'arracher de l'argent au ministère des Affaires indiennes. Nous avons essayé. Depuis que je suis présidente, nous avons déposé quatre propositions. Je les ai rédigées moi-même et je dois dire qu'elles ne sont pas mauvaises. L'Assemblée des Premières nations a créé un secrétariat des femmes et, si j'ai bien compris, en vertu du programme «Rassembler nos forces», de l'argent a été réservé pour les femmes autochtones afin qu'elles puissent discuter des mesures qu'elles vont prendre pour se tailler leur place au sein du système de régie.

Nous n'avons pas eu accès à cet argent en tant qu'organisation. Jane Stewart me dit que nous ne sommes pas admissibles parce qu'elle n'a pas pour mandat de s'occuper d'organisations hors réserve ni de leur verser des fonds. Alors à qui devons-nous nous adresser?

Ai-je communiqué avec les Premières nations? Non. Nous n'avons ni les moyens ni les ressources nécessaires pour nous asseoir avec les chefs des Premières nations. Sauf le respect que je vous dois, lorsque vous vous assoyez à une table vous n'y allez pas sans ressources et sans conseiller technique -- en tout cas ce n'est pas mon cas. Je connais mes limites. J'ai dit à la ministre Stewart qu'elle devrait me donner de l'argent, auquel cas je m'assoirais et j'examinerais le projet de loi. J'examinerais ce qu'elle essaie de lancer. J'ai demandé de l'argent pour réunir des femmes afin que ce ne soit pas juste moi qui m'exprime. Il faut que ce soit un ensemble de femmes. C'est alors qu'elle a parlé du groupe d'enquête.

Ai-je communiqué avec les chefs? Non. J'ai mes raisons. Nous avons reçu leur lettre. Le problème, ce n'est pas nous. Le problème, c'est la Loi sur les Indiens. Le problème, c'est la loi. La NWAC est ici pour aider de quelque façon que ce soit. Je dois néanmoins dire, afin que cela figure au procès-verbal, que nous serons ici pendant longtemps parce que nous avons à la base de nombreuses femmes éduquées. Nous avons un assez bon nombre de chefs qui sont en train de monter et nous les rencontrons.

Le président: Merci de votre exposé.

Honorables sénateurs, notre prochain témoin est M. Phil Fontaine, Grand chef de l'Assemblée des Premières nations.

Monsieur Fontaine, vous voudrez peut-être par commence par présenter votre collègue.

M. Phil Fontaine, Grand chef, Assemblée des Premières nations: Bonsoir, sénateurs. Je suis accompagné ce soir du chef Bill Williams, de la Première nation Squamish, de Colombie-Britannique.

Honorables sénateurs, c'est un plaisir que de comparaître ce soir devant vous à l'appui des 14 Premières nations signataires de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres et de leurs efforts en vue de créer un régime d'autonomie sectorielle. L'Assemblée des Premières nations, en tant que représentante de tous les hommes et de toutes les femmes des Premières nations, où qu'ils choisissent de vivre, soutient chaque Première nation et les initiatives qui en émanent.

Comme vous le savez peut-être déjà, l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres est une entente de gouvernement à gouvernement conçue et négociée par les Premières nations signataires. Le projet de loi C-49 donnera à ces Premières nations les outils nécessaires pour administrer collectivement et démocratiquement leurs terres.

Je tiens à féliciter ce groupe pour le travail qu'il a accompli en matière de reddition de comptes, de protection et préservation de l'environnement, de propriété matrimoniale, de règlement des différends et, surtout, d'une meilleure protection de la base territoriale des Premières nations. Ce groupe de Premières nations a oeuvré de concert avec les provinces, les municipalités, le secteur financier, divers ministères gouvernementaux, des groupes autochtones et des partis politiques pour définir leurs intérêts et leurs objectifs propres relativement à cet accord.

Cet accord représente un important pas vers l'autonomie gouvernementale des collectivités des Premières nations qui, comme vous le savez, sont constitutionnellement protégées en vertu du paragraphe 35(1) de la Constitution. Conformément à l'exigence de l'accord-cadre, trois collectivités ont déjà adopté leur code foncier, à une majorité écrasante. La Première nation de Georgina, en Ontario, a voté en faveur à 150 voix contre 21, soit 88 p. 100. La Première nation de Scugog Island, en Ontario, a voté pour avec 72 voix contre 4, soit une majorité de 94 p. 100. La Première nation Muskoday, de Saskatchewan, a voté en faveur avec 309 contre 40, une majorité de 89 p. 100.

Cet accord représente un pas majeur vers un gouvernement démocratique et communautaire où les membres de la Première nation, habitant dans la réserve et en dehors, sont des participants actifs à la création, l'adoption et l'administration de codes fonciers. Du point de vue de l'autosuffisance, cet accord offrira de meilleures perspectives de développement économique dans les réserves en supprimant les barrières précédemment imposées par la Loi sur les Indiens.

La Loi sur les Indiens a été la source principale de nombreux dysfonctionnements dans nos collectivités. Pendant trop longtemps, cette loi opprimante, paternaliste et discriminatoire a été une cage qui enfermait et restreignait nos gouvernements, au détriment de notre culture et de nos collectivités. Il est devenu de plus en plus manifeste que le changement ne peut survenir du jour au lendemain ni effacer facilement les problèmes causés par la Loi sur les Indiens.

C'est pour ces raisons que ce groupe de Premières nations a travaillé pendant près de dix ans pour parvenir à ce stade. Ce qui résulte de tout ce dur labeur est un accord applicable uniquement aux 14 Premières nations concernées. Bien que les autres Premières nations puissent choisir de le signer, le projet de loi n'apportera pas de changement pour les collectivités qui ne veulent pas l'appliquer.

Je crois savoir que l'accord-cadre ratifié par le projet de loi C-49 cherchera à régler un problème qui existe de longue date dans nos collectivités: la distribution des biens après la dissolution d'un mariage. En raison du vide juridique causé par le silence de la Loi sur les Indiens dans ce domaine, tant les hommes que les femmes se retrouvaient sans droit de propriété lorsque leur mariage échouait. Le projet de loi C-49 est la première loi fédérale à combler cette lacune de la Loi sur les Indiens. Chacune des 14 collectivités comblera ce vide selon sa volonté propre, tout en garantissant explicitement que les dispositions de la Charte des droits sur l'égalité des sexes seront respectées. Il a également été établi que le droit des enfants à vivre et à rester dans la réserve prédomine.

Pour terminer, j'aimerais citer le rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones:

[...] le progrès vers l'autonomie, le développement économique et l'éradication des mots sociaux qui sévissent dans maintes collectivités indiennes ne peuvent être accomplis dans les limites de la Loi sur les Indiens.

J'appuie l'abandon des modes désuets et paternalistes de gestion des terres des Premières nations en faveur d'un contrôle communautaire.

Je tiens à vous remercier de votre attention et je vous invite à adopter sans délai ce projet de loi afin que ces collectivités puissent reprendre le contrôle de leurs terres et de leurs ressources et qu'elles puissent les gérer à leur guise, comme il se doit.

Le chef Bill Williams, Première nation Squamish: Honorables sénateurs, je suis venu exprimer ce soir le point de vue de la nation Squamish. Une idée fausse qu'il convient de dissiper d'emblée est qu'il s'agirait là d'une question de rapports entre les sexes. Ce n'est pas une question de rapports entre les sexes. Il s'agit de la gestion des terres d'une manière qui bénéficie à toute la collectivité.

Le système de gouvernement de la nation Squamish commence au niveau des membres, qu'ils vivent dans la réserve ou en dehors, lesquels élisent 16 conseillers pour quatre ans. Ce processus a été conçu de manière à permettre à chacun, résident de la réserve ou non, d'élire les représentants de notre collectivité. Au cours de la dernière élection, près de 60 personnes étaient candidates pour les 16 mandats. Sur les quelque 1 800 membres qui ont voté, 55 p. 100 étaient des femmes et 45 p. 100 des hommes.

Comme je l'ai dit, notre conseil est élu tous les quatre ans. Lors de la dernière élection, 75 p. 100 environ de nos membres ont voté et ils ont élu neuf hommes et sept femmes.

Il est bon de signaler que, sur les 17 départements qui composent la structure administrative de la nation Squamish, 10 sont dirigés par des femmes.

Le conseil utilise un système de portefeuilles pour répartir les responsabilités et les attributions. Sur les dix grands portefeuilles, seuls deux n'ont pas une représentation égale des sexes -- la présidence et la coprésidence, puisque les 16 représentants ont choisi deux hommes, moi-même et Byron Joseph.

L'autre sujet de préoccupation est que l'on tend à confondre le projet de loi C-49 et le projet de loi C-31. La nation Squamish, de par son code d'appartenance, a accueilli dans la collectivité toutes les familles visées par le projet de loi C-31.

Le sénateur St. Germain: Des témoins précédents ont suggéré ce matin de garantir le statu quo de façon à protéger dans le projet de loi C-49 tous les droits acquis. Ainsi, chacun saurait à quoi s'en tenir, au lieu que les gens qui louent des propriétés soient assujettis à une nouvelle loi, avec de nouvelles règles. Qu'en pensez-vous?

M. Williams: Le projet de loi garantit les conditions de tout bail. Pour ce qui est des droits acquis, la durée du bail est déjà fixée, et le bail ne peut donc changer. Si la bande choisit de le modifier, le locataire a tous les recours en justice normaux disponibles au Canada.

Le sénateur St. Germain: Vous savez sans aucun doute que la nouvelle Loi sur l'expropriation est très controversée. Si ce point avait été réglé, nous n'aurions pas à tenir ces audiences.

M. Williams: J'ai parlé à des représentants des Premières nations du projet de loi C-49 et l'expropriation est considérée comme un dernier recours. Les Squamish, par le passé, ont toujours négocié avec les intéressés lorsqu'il s'agissait de réserver des terres pour le bien commun. Nous utilisions la négociation plutôt que l'expropriation.

Le sénateur St. Germain: Admettez-vous que ce projet de loi vous donne des pouvoirs nouveaux et un meilleur contrôle de vos terres?

M. Williams: Oui, il nous donne un meilleur contrôle de nos terres par le biais d'un usage minimal des pouvoirs qui existent actuellement dans la Loi sur les Indiens. Le projet de loi C-49 ne modifie aucun des pouvoirs qui existent aujourd'hui dans la Loi sur les Indiens. À diverses reprises, le ministre a confié à des bandes l'administration de divers articles de la Loi sur les Indiens.

Le sénateur St. Germain: Nous venons d'entendre la Native Women's Association of Canada qui a cité votre bande comme exemple à ne pas suivre. Que répondez-vous à cela?

M. Williams: Le projet de loi C-31 a ostracisé et aliéné certains membres de toutes les collectivités autochtones de tout le Canada. Le cas de Mme Lockhart Lundberg a touché au coeur des centaines de familles des Premières nations. L'un de nos conseillers, ici, est directement touché par cette question. La Loi sur les Indiens stipule que seul un membre de la collectivité peut posséder des terres dans une réserve. Lorsque le projet de loi C-12 a été adopté et que ces personnes ont cessé d'être membres de la collectivité, à qui les terres pouvaient aller sinon à la nation toute entière? Nous sommes dans un cercle vicieux.

Le sénateur Gill: Merci de votre exposé. Je ne sais pas ce que nous allons faire de ce problème. Le projet de loi C-49 soulève beaucoup d'autres questions encore. Chacun connaît les problèmes qui se posent dans les réserves et en dehors. Il y a beaucoup de souffrance dans les réserves, principalement chez les femmes et les enfants. Initialement, la Loi sur les Indiens contrôlait tout, puis les autochtones ont voulu prendre en main leur destin. Les non-autochtones ne font pas confiance aux autochtones pour résoudre leurs problèmes ou gérer leurs propres affaires.

Que faisons-nous? Que proposez-vous? Il y a quantité de débats qui se déroulent dans les réserves et en dehors, et les non-autochtones commencent à s'en mêler. La gestion des terres n'est qu'un tout petit aspect de la vie indienne dans les réserves. Il y a des milliers d'autres problèmes à résoudre. Que nous proposez-vous de faire?

M. Fontaine: Comme vous le savez, il y a eu de nombreuses études et rapports sur divers aspects de la vie des Premières nations. Le plus exhaustif était la Commission royale sur les peuples autochtones. Ce rapport contenait 440 recommandations qui couvrent virtuellement tous les aspects de nos vies. Il décrivait en grand détail les obstacles majeurs auxquels se sont heurtés les autochtones et qui ont provoqué cette pauvreté qui sévit dans la plupart de nos collectivités au Canada.

Je travaille là-dessus depuis très longtemps et il est clair à mes yeux que la solution consiste à disposer d'une base territoriale adéquate et de ressources adéquates pour que nos collectivités puissent devenir aussi autosuffisantes et indépendantes que la plupart des autres collectivités non autochtones.

À l'évidence, la solution est de faire en sorte que les nôtres puissent accéder à l'autodétermination, se gouverner eux-mêmes -- quel que soit le terme que vous préférez -- dans toute la mesure du possible pour prendre en main leur destin.

Pour cela, il nous faut la bonne volonté des deux autres paliers de gouvernement afin que, là où cela est approprié, le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux cèdent la place et soient remplacés par des entités autochtones autonomes, qu'il s'agisse de bien-être de l'enfance, d'éducation, de santé ou de gestion des terres.

Il ne faut pas oublier que nous parlons ici d'une transition dont nous espérons qu'elle nous amènera à une stade où les Premières nations se régiront elles-mêmes aussi complètement que le font les autres. Cela englobe non seulement la gestion de nos terres, mais aussi la compétence juridique sur elles.

Si un débat exhaustif sur le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones est nécessaire, alors le très honorable Jean Chrétien doit convoquer une conférence des premiers ministres afin de nous permettre -- les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral et les chefs autochtones -- de nous asseoir à la table, comme nous le faisons ce soir, pour parler de cette question. Ce n'est pas seulement moi, en tant que chef national de l'Assemblée des Premières nations, qui le demande. Les premiers ministres l'ont demandé également, et tout récemment encore lors de la réunion des premiers ministres et des chefs autochtones à Regina, il y a quelques semaines. Il me semble que ce serait une première étape appropriée.

Le sénateur Lawson: Merci de votre exposé, chef Fontaine. Deux points me préoccupent. Premièrement, je suis heureux que vous ayez fait état du paragraphe sur lequel le sénateur Ghitter a attiré notre attention, au sujet de la protection des droits des femmes. Vous dites qu'en raison du vide juridique complet créé par la Loi sur les Indiens, tant les hommes que les femmes se retrouvaient sans droit de propriété lorsque leur union était dissoute. Vous ajoutez que c'est là un problème d'importance nationale.

Cependant, vous dites ensuite que chacune des collectivités comblera ce vide selon ses circonstances propres, tout en garantissant explicitement que les dispositions de la Charte des droits sur l'égalité des sexes seront respectées.

Le sénateur Lawson: Est-ce que la Charte des droits s'applique?

M. Fontaine: Nous disons que oui.

Le sénateur Lawson: En avons-nous la garantie juridique? Est-ce que le ministère confirme que la Charte des droits s'applique? En avons-nous l'assurance?

M. Fontaine: Oui.

Le sénateur Lawson: Y a-t-il une forte motivation au niveau de la politique nationale -- vous parlez ici en tant que chef national -- à rectifier certains des torts évidents décrits par l'Association nationale des femmes?

M. Fontaine: Nous reconnaissons que nous avons là un gros défi. Les témoins antérieurs l'ont signalé à juste titre. Je pense que c'est madame la présidente Marilyn Buffalo qui a dit que le problème est la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens a été le principal obstacle qui a empêché l'égalité entre les hommes et les femmes.

En tant qu'organisation nationale, nous reconnaissons qu'il y a des déficiences et nous sommes prêts à nous y attaquer. Il y a quelques mois, les chefs réunis à Edmonton ont adopté une résolution prévoyant la création d'un Secrétariat de l'égalité des sexes à l'Assemblée des Premières nations. Le but est d'instruire l'organisation nationale afin que tout ce que nous faisons reflète les intérêts des femmes.

Comme premier pas vers la création de ce secrétariat de l'égalité des sexes, nous avons organisé une table ronde sur les problèmes d'égalité des sexes il y a quelques semaines. Nous avons invité un certain nombre de voix représentatives, de femmes, dont la Native Women's Association of Canada, pour nous parler de la manière dont l'Assemblée des Premières nations devrait structurer cette initiative et mettre en oeuvre cette résolution.

Nous prenons ce défi très au sérieux. Nous voulons, comme je l'ai dit, que les intérêts des femmes soient reflétés dans tout ce que nous faisons, tout comme nous voulons refléter les intérêts des nôtres qui vivent dans les centres urbains.

Le sénateur Lawson: Comme vous et moi le savons, il ne suffira pas d'un seul paragraphe dans le projet de loi C-49. Mais vu la motivation dont vous faites preuve aujourd'hui, je peux entrevoir des progrès à l'horizon.

Je vais maintenant passer à la question de l'expropriation. Le projet de loi C-49 prévoit que les Premières nations établissent un mécanisme de règlement des différends, mais sans exiger que ce mécanisme soit indépendant de ces Premières nations.

Pour ma part je serais très préoccupé par un mécanisme qui ne prévoirait pas d'appel contre une décision prise par l'une des nations. Il devrait exister quelque organe indépendant, un arbitre ou un tribunal. Est-il possible, à titre de politique nationale, de prévoir un recours supplémentaire? On nous a parlé d'irrégularités et de manipulations. Pourrait-on établir la garantie d'un organe indépendant qui jugerait des expropriations?

M. Williams: Si vous avez eu l'occasion de lire la version française du projet de loi C-49, vous verrez que les droits canadiens en matière d'expropriation sont applicables, de même que toutes les règles y afférentes. Cela englobe un tribunal et une indemnité équitable.

Le sénateur Lawson: Nous sommes ravis de vous l'entendre dire. Si nous pouvions seulement convaincre le ministre et ses fonctionnaires d'appliquer la même Loi sur l'expropriation, le débat prendrait fin.

Le président: Dites-vous qu'il y a deux interprétations divergentes de ce projet de loi, l'une du texte français et l'autre du texte anglais?

M. Williams: C'est ce qu'il me semble.

Le président: Dans ce cas, nous allons devoir revoir cela. Cela ne devrait pas être le cas.

M. Fontaine: Il dit que la version française est beaucoup plus claire.

Le sénateur Lawson: Pour ceux d'entre nous qui ne lisons pas le français, c'est un problème.

J'aimerais voir une politique ou un engagement national à cet effet. Beaucoup de gens devraient voir leurs droits acquis protégés. Cela me rassurerait certainement. Je suis sûr que bon nombre des intéressés seraient soulagés s'il y avait quelque tribunal d'arbitrage au titre de la Loi sur l'expropriation.

M. Williams: J'aimerais revenir sur votre question concernant la manière dont les Premières nations traitant de la propriété foncière. Dans la Première nation Squamish, nous avons modifié en 1982 la politique d'enregistrement des terres. Nous enregistrons toutes nos terres sous forme de motion du conseil, par l'intermédiaire d'un registraire. Le registraire, qui se trouve être une femme, élabore les politiques conformément à la manière dont la collectivité souhaite voir les terres enregistrées.

Depuis 1982, nous enregistrons et le mari et la femme comme propriétaire du terrain et de la maison, et nous continuerons ainsi. Si le couple vit en concubinage, nous enregistrons les deux parties. S'il s'agit d'un parent seul, nous enregistrons habituellement la propriété sous les noms du parent et des enfants. Nous sommes progressistes, comme le sont les autres Premières nations signataires de l'accord-cadre. Nous allons dans le même sens.

Le sénateur Lawson: C'est progressiste et positif et nous vous félicitons de votre approche.

Le président: Pour en revenir aux deux façons d'interpréter ce projet de loi, nous venons de lire la disposition. Le texte anglais dit bien «shall», au lieu de «may». Le texte français dit «est tenu». Est-ce là ce que vous voulez dire par deux interprétations différentes?

M. Williams: C'est juste.

Le sénateur St. Germain: Monsieur le président, notre avocat dit que «shall», en jargon juridique, veut dire la même chose que «must». Je ne sais pas, n'étant pas avocat. L'êtes-vous, monsieur Fontaine?

M. Fontaine: Non, je ne suis pas avocat, mais je peux hasarder une opinion.

M. Williams: Les opinions que nous avons disent que les lois sur l'expropriation canadienne s'appliquent, avec toutes les obligations correspondantes.

Le sénateur Adams: Monsieur le président, ma question porte sur le projet de loi. N'y a-t-il aucune discrimination entre les propriétaires blancs et autochtones auxquels le projet de loi C-49 s'applique?

M. Williams: Non, aucune discrimination.

Le sénateur Adams: Le sénateur St. Germain et le sénateur Lawson ont parlé des locataires actuels. Ils ne savent pas ce que l'avenir leur réserve. Si ces personnes ont une maison sur un terrain, et si le ministre change la loi régissant ces terres, que se passera-t-il? Les personnes qui louent ces terrains comptaient être tranquilles pendant 99 ans, quelque chose du genre. Il n'y a rien dans leurs baux disant que l'on peut augmenter leurs taxes de 300 p. 100 ou 400 p. 100. Est-ce que le projet de loi C-49 dit quelque chose à ce sujet?

M. Williams: Non, à moins que la Première nation veuille commencer à manipuler les règles de l'économie pour essayer de se remplir les poches au détriment des locataires, ou à l'égard de toute autre valeur foncière, que ce soit par le biais de la fiscalité ou un autre moyen. C'est un problème entièrement différent.

Cependant, même avec les baux fonciers, s'ils voulaient les modifier, il y a deux problèmes. Premièrement, la bande se retrouverait traînée en justice pendant très longtemps pour rupture de contrat, ce qui serait totalement anti-économique pour elle. Deuxièmement, si une bande essayait de faire cela, elle se verrait immédiatement accusée et ostracisée par les puissances économiques qui diraient: «N'allez surtout pas là-bas, parce qu'elle réclame 20, 80 ou même 5 p. 100 de plus que de l'autre côté de la ligne.» Les lois économiques qui s'exercent sur les terres des Premières nations assureront leur exploitation dans l'intérêt de toute la collectivité. Les seules règles que les Premières nations puissent appliquer sont celles de la juste valeur marchande. Elles sont les mêmes que pour les terres voisines.

Le sénateur Adams: Dans l'intervalle, le nom de l'acheteur sera automatiquement inscrit sur le bail?

M. Williams: Oui.

Le sénateur Adams: Peu importe de qui il s'agit?

M. Williams: Peu importe de qui il s'agit.

Le sénateur Lawson: Les Musqueam ont un montant de loyer pour les non-autochtones et un montant plus faible pour les autochtones. Cela se fait aujourd'hui. Voilà le point que vous soulevez. C'est la vérité.

Le sénateur Adams: Est-ce que cela résulte du projet de loi C-49?

Le sénateur Lawson: Ils le faisaient avant le projet de loi C-49. Celui-ci ne fait que renforcer leur droit de recommencer.

Le sénateur St. Germain: Je tiens à éclaircir ce point. Voilà ce qu'on nous a dit. Nous n'avons pas parlé avec les représentants des Musqueam auparavant, parce que nous n'avons pas été invités à le faire, alors que nous avons été invités à parler avec les locataires. Nous avons maintenant reçu un document disant qu'ils demandaient à nous parler, et nous allons donc le faire. Je voulais simplement que vous sachiez ce que l'on nous a dit. Je ne sais pas dans quelle mesure c'est vrai ou non, nous devrions pouvoir le déterminer, nous devons établir les faits. Nous espérons rencontrer le chef Ernie Campbell de la bande Musqueam pour établir les faits et faire rapport.

Le sénateur Adams: Nous avons la même chose au Nunavut. Peu importe qui vous êtes et d'où vous venez lorsque vous achetez un terrain, il suffit d'être Canadien.

M. Fontaine: Monsieur le président, désolé, mais je dois partir car j'ai un autre engagement. Vous m'avez demandé d'être ici à 17 h 30. On m'avait dit que vous commenciez toujours à l'heure.

Le président: Nous essayons. Lorsque le whip nous appelle à la Chambre, nous n'avons pas le choix, et c'est ce qui est arrivé aujourd'hui. Vous êtes excusé. Merci d'être venu.

M. Fontaine: Merci de votre indulgence.

Le sénateur Wilson: Vous avez dit dans votre mémoire que le projet de loi C-49 va régler un vieux problème de distribution des biens en cas de dissolution du mariage.

M. Williams: Oui.

Le sénateur Wilson: Vous avez entendu le mémoire précédent, qui disait que chaque Première nation est libre d'élaborer son propre code foncier en l'absence de tout principe clair, ce qui signifie que les femmes autochtones ne bénéficieront pas d'une application uniforme des règles en matière de propriété.

Il ne suffit pas d'avoir des cas particuliers, comme le vôtre, où les femmes sont traitées équitablement. Cela peut être différent ailleurs. Il ne suffit pas non plus de dire que les choses iront mieux à l'avenir. Si vous voulez sérieusement régler cette question, je suppose que vous n'aurez pas d'objection à des amendements précis pour donner une plus grande certitude aux femmes.

M. Williams: Les amendements qui ont été proposés sont bons et bien intentionnés. Toutefois, j'aimerais que ces amendements soient élaborés chez nous, par nos propres membres. À ma connaissance, la Charte des droits existe et s'applique à toutes les réserves du Canada. Si une législation nouvelle pose problème, la Charte des droits interviendra automatiquement et aura préséance. Je ne sais pas à quels amendements vous songez. Je ne sais pas quels seraient les effets sur les 55 p. 100 de notre population qui veulent élaborer un code foncier qui leur soit favorable. Je parle des 55 p. 100 qui sont du sexe féminin.

Le sénateur Wilson: Le problème est que l'application pourrait être irrégulière. Nous n'avons pas d'amendement à ce stade. Je me demande simplement si vous seriez opposé à ce que nous rendions le projet de loi plus clair qu'il n'est actuellement, en faveur des femmes.

M. Williams: Je crois que la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a dit qu'elle voulait rédiger quelque document de discussion pour régler le problème des femmes dans tout le Canada. Actuellement, ceci ne touche que 14 collectivités. Dans les discussions que j'ai eues avec les autres chefs, ils ont tous le même problème à l'égard de la Loi sur les Indiens et le souci similaire de répondre aux besoins de tous dans l'intérêt de la collectivité dans son ensemble.

Le sénateur Wilson: C'est bien, mais pourquoi adopter cela sans la certitude que les femmes réclament, et attendre autre chose de la ministre?

Le sénateur Chalifoux: Je me trompe peut-être, mais je crois savoir que la Loi sur les Indiens a préséance sur la Loi canadienne sur les droits de la personne et que, par conséquent, cette dernière ne s'applique pas aux Indiens vivant en réserve.

M. Williams: Tant qu'elle ne sera pas modifiée.

Le sénateur Chalifoux: Quand sera-t-elle modifiée? Le problème est là.

Le sénateur Ghitter: Chef, j'aimerais vous faire part d'une réflexion. Vous avez dit certaines choses, et certains de vos collègues ont dit la même chose, et j'admets votre sincérité dans ce domaine. Vous dites que vous ne voulez rien faire pour décourager l'investissement dans les réserves car cela est très important pour vous, et que vous ne ferez rien qui puisse le décourager.

J'aimerais vous faire part d'un appel téléphonique que j'ai reçu cet après-midi, d'une personne qui loue des terrains dans une réserve et qui a un actif, libre d'hypothèque, de plus de 2 millions de dollars. Je crois qu'il s'agit d'une marina. Il est allé voir sa banque pour discuter d'un projet d'expansion et on lui a dit qu'il n'y aurait plus de crédit pour investir dans les réserves à cause de ce projet de loi. Ce n'est pas là le résultat que vous souhaitez. Je crois que la raison est cette incertitude dans le projet de loi concernant l'expropriation, une incertitude de type différent dont celle dont parle le sénateur Wilson, mais toujours une incertitude. Je dois vous dire que l'incertitude dans ce projet de loi sera à votre détriment à long terme. Autant vous n'aimez pas l'idée d'amendements, ils risquent d'être nécessaires pour établir une certitude, qui sera à votre avantage tout autant qu'à celle de ces autres parties plaignantes. Je vous recommande d'y réfléchir, car je pense que, dans votre propre intérêt, il importe qu'il y ait des assurances dans ce projet de loi.

M. Williams: Nous y réfléchirons. Toutefois, si vous parlez d'une marina en Colombie-Britannique ou à North Vancouver ou sur l'une de nos réserves, cette marina fait l'objet d'un bail qui viendra prochainement à expiration. L'intéressé souhaite un prêt de la banque. Ce bail met en jeu une décision commerciale. Le bail vient à expiration et les banques font ce qu'elles font normalement, à savoir qu'elles regardent le temps qui reste pour rembourser le prêt. Si c'est le cas, il est regrettable que l'intéressé aille voir la banque aujourd'hui, car il aurait pu y aller il y a dix ans et recevoir deux fois le montant qu'il demande aujourd'hui et avoir le temps de le rembourser pendant la durée du bail. C'est une autre mauvaise décision que quelqu'un a prise. Cette personne cherche maintenant à rectifier la situation en critiquant inutilement ce projet de loi, en espérant que quelqu'un lui donne une nouvelle occasion de prendre une bonne décision commerciale qu'elle aurait dû prendre il y a dix ans.

Le sénateur Ghitter: Je ne suis pas sûr que nous parlions de la même situation, car je ne connais pas ces détails. Si c'est comme vous le dites, je suis d'accord avec vous.

Le sénateur St. Germain: J'ajouterai un mot à ce que le sénateur Ghitter a dit, à savoir que les institutions financières du pays diront: «Le projet de loi C-49, dans sa forme actuelle, crée un tel niveau d'incertitude que nous ne prêterons pas pour des baux touchés par lui.» Est-ce qu'alors vous accepteriez un amendement à l'article sur l'expropriation, pour écarter cette incertitude?

M. Williams: Je pense avoir répondu succinctement en disant que la Loi sur l'expropriation canadienne s'applique ici. Il y a un écart entre les versions française et anglaise du document. On nous a dit, à nous les chefs, et notre propre conseiller juridique dit la même chose, que la Loi sur l'expropriation canadienne s'applique. Vous parlez d'un faux problème. Vous transposez les pouvoirs d'Ottawa et, dans notre cas, de Vancouver, en Colombie-Britannique, dans les réserves Squamish. Cela vous donne beaucoup plus de certitude quant à ce que la collectivité veut faire de ses terres.

Le sénateur St. Germain: C'est juste. Je respecte cela et j'espère que vous deviendrez les habitants les plus prospères de Colombie-Britannique. Toutefois, les avocats nous disent que ce qui crée l'incertitude, c'est la modification de libellé «pour la raison de l'expropriation». C'est pourquoi j'ai posé la question.

Je ne veux pas vous prendre à parti. On nous dit une chose et vous voyez les choses sous un autre angle. J'espère que nous parviendrons à nous accorder.

M. Williams: Nous aurons à prendre des décisions quotidiennes pour établir des relations économiques plus harmonieuses tant avec le monde extérieur qu'avec nos membres. Vous me demandez de modifier le projet de loi en ce qui concerne l'expropriation? Non, désolé.

Modifier la loi pour remédier aux insuffisances de la Loi sur les Indiens, voilà le grand problème. Il y a de nombreuses insuffisances dans cette loi. Nous essayons de tout transformer et de tout faire entrer dans un petit projet de loi qui va régir notre quotidien de façon à créer une meilleure situation économique pour notre collectivité.

Le président: Merci de vos réponses.

La séance est levée.


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