Aller au contenu
BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 30 - Témoignages du 7 octobre 1998


OTTAWA, le mercredi 7 octobre 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 14 heures pour examiner l'état actuel du système financier au Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, nous sommes ici pour poursuivre nos audiences du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers. Cet après-midi, nos témoins proviennent de trois entreprises. Nous entendrons d'abord M. Peter Godsoe.

M. Peter Godsoe, directeur général, Banque de Nouvelle-Écosse: J'apprécie l'occasion de comparaître devant votre comité, car la réforme du secteur financier du Canada et les défis reliés à son orientation future sont des questions extrêmement complexes et d'une importance capitale pour l'économie et son fonctionnement. C'est pourquoi votre comité a, comme cela a déjà été le cas, un rôle important à jouer pour définir et établir le meilleur cadre réglementaire pour les institutions du secteur financier, ainsi que leurs actionnaires et employés, les consommateurs, les entreprises, grandes et petites, et les diverses collectivités de notre pays.

Avant de formuler quelques commentaires généraux sur le rapport MacKay, j'aimerais formuler quelques observations sur le secteur financier afin de nous remettre en mémoire ce à quoi ressemble ce secteur aujourd'hui et comment il fonctionne. Je ferai des commentaires généraux, parce qu'il s'agit d'un document complexe, qui compte quelque 124 recommandations, et je doute fort que l'un d'entre nous soit dès à présent en mesure de saisir pleinement les effets potentiels de ce rapport. Je ferai ensuite quelques réflexions sur la manière dont nous envisageons l'avenir, quoique cela ne soit pas aussi clair qu'il y a quelques semaines. De plus, je vous parlerai brièvement des fusions. Pourquoi? Parce que les banques constituent les principaux intervenants du secteur financier. Les services bancaires commerciaux sont le coeur de notre économie, avec les relations de crédit et les relations humaines nouées avec les PME des diverses localités de tout le pays. Et, malheureusement, les fusions projetées ont monopolisé et monopolisent toujours la scène, empêchant la tenue d'un débat sur l'avenir du secteur financier.

Voici donc certains faits concernant notre secteur des services financiers, et en particulier le secteur clé des services bancaires, qui est le produit évident, comme le reconnaît le groupe MacKay, d'une politique gouvernementale éclairée. Dès les premières années du XXe siècle, nous, Canadiens, avons encouragé le développement d'un système bancaire national. La Banque de Nouvelle-Écosse a été présente d'un océan à l'autre dès 1901. C'est tout un contraste avec les États-Unis, qui commencent seulement à mettre en place un système national.

Dans les années 20, nous nous sommes regroupés pour former cinq géants nationaux. Nous avons déréglementé les taux d'intérêts dans les années 60, après six années d'études et de débats et les travaux très complets de la Commission Porter. Nous avons dissocié les quatre piliers à la fin des années 80. Encore une fois, c'est tout un contraste avec les États-Unis, qui essaient depuis 15 ans de légiférer pour dissocier les piliers. On ne peut dire qu'ils sont rapides, puisqu'ils en parlent encore.

Nous avons toujours été stimulés, comme le rapport MacKay aujourd'hui, par le désir d'améliorer la qualité et l'éventail des services financiers courants. Aujourd'hui, nous avons un système qui fonctionne, et je ne pense pas que quiconque puisse dire le contraire. C'est un système très efficient, très sûr et très stable, et extrêmement concurrentiel. C'est un système national qui comporte cinq solides intervenants et un certain nombre d'entités régionales très solides. Le porte-parole de Canada Trust viendra vous parler aujourd'hui, tout comme l'a fait celui de la Banque Nationale la semaine dernière.

C'est un système très perfectionné sur le plan technologique -- et certes, sur le plan des processus -- et toutes les grandes banques s'affrontent pour leurs parts de marché. C'est une industrie florissante, qui génère des bénéfices record au Canada. Dans notre réseau de succursales, que vient appuyer notre service téléphonique et nos guichets automatiques, le rendement des capitaux propres tirés de nos opérations canadiennes s'échelonne d'un peu plus de 20 p. 100 à près de 30 p. 100. Je le répète, c'est une industrie florissante.

Cela dit, monsieur le président, je ne plaide pas en faveur du statu quo. La Banque de Nouvelle-Écosse est pour les changements qui stimulent la concurrence, augmente le choix et qui sont dans l'intérêt du Canada et des Canadiens. Mais nous pensons que ces changements ne peuvent être effectués qu'après un examen consciencieux, transparent et complet visant à conserver les grandes forces du système actuel, en particulier notre système bancaire de base, tout en nous préparant pour l'avenir.

Comme je l'ai dit, je ne pense pas que les banques canadiennes soient en situation de crise ou que la concurrence internationale soit sur le point de nous submerger. Bien au contraire, les marchés mondiaux sont en plein désarroi. Je reviens tout juste de Washington, où l'on s'inquiète beaucoup de l'état de l'économie mondiale et du risque systémique. Toutefois, le secteur bancaire canadien est sécuritaire, fort et en bonne santé. Il est concurrentiel et dégage des bénéfices records.

Cela dit, monsieur le président, j'aurais maintenant quelques commentaires généraux à formuler à l'égard du rapport MacKay. Ce rapport constitue un excellent début; je tiens à féliciter Harold MacKay et son groupe de travail de son rapport complet, avec ses 124 recommandations élaborées, parfois jusque dans les détails.

Nous sommes tout à fait d'accord avec l'esprit général du rapport, dans la mesure où il va dans le sens d'une concurrence et d'une compétitivité accrue et du fait qu'on veut faire jouer leur rôle aux consommateurs en oeuvrant dans la transparence et en apportant une information claire. Nous sommes également d'accord avec un grand nombre des recommandations formulées. Nous y trouvons d'utiles suggestions pour améliorer le service offert aux consommateurs et aux petites entreprises, comme par exemple une meilleure diffusion de l'information destinée aux consommateurs, un langage simple et clair et une communication élargie des statistiques de crédit aux PME. À l'évidence, il s'agit d'un domaine où nous pouvons nous améliorer.

Pour ce qui est de la façon de faire des affaires, le rapport demande un encadrement plus souple des institutions financières, une plus grande latitude dans les relations de partenariats -- sociétés de portefeuilles, coentreprises et autres types d'ententes -- ainsi qu'un système plus progressiste dans les domaines comptable, fiscal, et cetera. Tout cela va dans la bonne direction. Cependant, j'estime que nous devons bien mesurer toute la portée de ce rapport. Il importe par exemple que nous examinions les recommandations quant à la façon dont les institutions devraient gérer certaines activités et ce que cela peut signifier pour les banques et les autres institutions financières -- sans oublier bien sûr les consommateurs.

En tant qu'homme d'affaires, monsieur le président, je m'oppose fondamentalement à un renforcement du dispositif réglementaire, car cela risque d'entraîner des rigidités supplémentaires et des coûts accrus pouvant dissuader l'entrée sur le marché de nouveaux concurrents, ce qui pourrait nous empêcher de récolter les fruits d'une concurrence accrue.

Aussi devons-nous nous demander comment les principes du renforcement de la concurrence peuvent se conjuguer avec des dispositions législatives et réglementaires supplémentaires. À un tout autre niveau, nous devons également examiner de près les recommandations touchant le système de paiement à la suite des rapports financiers et des recommandations concernant la SADC. Ce sont en effet des questions extrêmement complexes qui peuvent avoir une influence absolument considérable sur la sécurité et la santé de notre secteur financier. En conséquence, nous devons étudier en profondeur l'ensemble des propositions du rapport MacKay et débattre des questions qui y sont soulevées, car en matière de réglementation, de législation et d'encadrement des changements, les défis à relever sont de taille et à ne pas prendre à la légère.

De plus, le gouvernement doit envisager le rapport MacKay sous l'angle de l'équilibre à établir entre ses différentes composantes; c'est pourquoi je crois, monsieur le président, que le rapport doit être envisagé de façon globale. Je m'inquiète de la propension naturelle à prélever des extraits du rapport en les dissociant du tout qu'ils forment. Je crains qu'on ne se précipite vers des changements législatifs et réglementaires ayant des chances d'être adoptés en se gardant d'en chiffrer les coûts et d'en apprécier toutes les conséquences. Je crains également qu'on ne cherche à contourner des décisions commerciales difficiles en orchestrant des campagnes bien ciblées visant à infléchir le processus décisionnel et à accepter ce qu'on voudra bien nous présenter pourvu qu'on fasse vite et qu'on hypothèque pas les fusions. En même temps, je crois que nous voulons tous faire les choses rapidement, mais il est bien plus important de veiller à établir le bon cadre réglementaire que de le faire rapidement.

Je suis fortement en faveur d'un processus qui nous permettrait d'apporter notre point de vue sur la suite que le gouvernement entend donner à ce rapport, notamment sous la forme d'un projet de loi. C'est exactement ainsi que nous avons l'habitude de procéder au Canada -- pour nous assurer de bien faire les choses -- et d'agir dans l'intérêt de tous nos concitoyens.

Il est important de ne pas commencer à nous pencher sur les fusions avant d'avoir entièrement fait le point sur le contenu du rapport MacKay; il nous faut avoir une idée bien arrêtée sur le devenir de notre système financier au complet. Je ne vois pas comment on pourrait autoriser deux méga-fusions entre banques -- ce qui supposerait une refonte irréversible de notre système financier -- pour ensuite seulement se mettre à envisager le nouvel aspect du secteur financier et en débattre. Jusqu'à la publication du rapport MacKay, comme je l'ai déjà dit, les fusions projetées ont malheureusement accaparé presque tout le débat sur l'avenir du secteur financier. Nous devons éviter de reproduire cette erreur. J'ose espérer qu'avec la publication de ce rapport nous sommes revenus sur la bonne voie.

Maintenant, permettez-moi de partager avec vous quelques réflexions sur l'avenir de notre industrie. En définitive, le processus établissant la politique concernant l'orientation future du secteur financier doit, comme je l'ai déjà dit, maintenir et mettre à profit les forces de notre système actuel. Depuis toujours, nous examinons l'histoire et y cherchons ce qui a rendu notre système sûr et stable; ce qui doit primer, c'est le Canada, ce sont les Canadiens. Nous ne devons pas trop nous laisser prendre par la mondialisation. Ce qui doit être au centre de notre politique, c'est une meilleure concurrence et des choix plus vastes, et c'est exactement là-dessus que M. MacKay s'est concentré.

Il faut en particulier que les activités bancaires de base soient l'objet d'une vigoureuse concurrence, parce que c'est dans ce secteur que les contestations sont le plus difficiles à faire. Ce n'est pas le cas des fonds communs de placement et de la gestion du patrimoine. Selon moi, il est également crucial que la propriété de l'ensemble du secteur financier demeure canadienne.

Monsieur le président, dans la crise mondiale que nous observons en ce moment, nous constatons que les systèmes bancaires intérieurs et leurs liquidités servent de rempart aux pays. Croyez-moi, ce n'est pas que des banques étrangères -- dont la Banque de Nouvelle-Écosse -- vont au Japon pour consentir des prêts.

Une solide compétitivité nationale est le meilleur moyen d'ouvrir la voie à l'innovation et de doter les institutions financières canadiennes d'un avantage concurrentiel véritable à long terme; bien sûr, notre système répond efficacement aux besoins des Canadiens. De plus, la force et la résistance que nous procure une solide concurrence intérieure, à l'échelle institutionnelle, favorisera en définitive la compétitivité de nos institutions sur le marché international. C'est pourquoi nous prônons des politiques qui nous permettront d'accroître notre compétitivité sur la scène internationale sans compromettre notre compétitivité ici au Canada; c'est aussi pourquoi nous accepterions que des banques étrangères puissent venir concurrencer des banques canadiennes au Canada, tant et aussi longtemps que les Canadiens peuvent loyalement faire concurrence. Nous avons besoin de quatre à huit acteurs nationaux -- de préférence davantage -- pour nous assurer une concurrence et des choix satisfaisants. Nous n'avons pas besoin de deux champions nationaux.

Si nous devions avoir deux banques, monsieur le président, il nous faudrait nous demander ce qui se passerait si l'une d'elles devait s'effondrer. Nous avons vu une telle situation pour le Crédit Lyonnais en France, nous l'avons vue au Japon, et deux méga-banques suisses ont subi d'importantes pertes commerciales depuis une semaine et demie. Des cadres supérieurs de la réserve fédérale, à Washington, m'ont dit il y a deux jours qu'ils étaient très inquiets de ce qu'ils considéraient comme l'amorce d'un repli du crédit aux États-Unis. Le phénomène frappe déjà de grandes entreprises.

Comme on le voit, la force, la liquidité et la solidité du système bancaire canadien nous ont toujours bien servis, et c'est pourquoi nous devrions faire preuve d'une grande prudence pour tout changement. Nous devons maintenir et mettre à profit la sécurité, la stabilité et la diversité de notre secteur financier et de notre système bancaire, en particulier. En fin de compte, ce que nous voulons et ce dont nous avons besoin, c'est d'un système qui fonctionne pour le Canada et qui est dans l'intérêt des Canadiens.

Sur cette question, monsieur le président, j'aimerais ajouter quelques mots au sujet des fusions parce qu'elles représenteraient le changement le plus important et le plus irréversible à se produire dans notre système bancaire depuis 75 ans. Il est clair que, d'un point de vue stratégique, les fusions sont valables sur le plan commercial. Les fusions à l'intérieur d'un même marché sont d'ailleurs une solution classique, en ce sens que les entreprises désirent accroître leur part de marché et réduire leurs frais d'exploitation en éliminant des réseaux qui ont la même vocation. C'est clair. En principe, je n'ai rien contre les fusions, mais la Banque de Nouvelle-Écosse estime que, dans le cas des fusions qui nous intéressent, il y a lieu de procéder à une analyse extrêmement rigoureuse parce que, croyons-nous, cette solution est une mauvaise politique publique. Ces fusions nuisent à la concurrence et à la liberté de choix; elles ne présentent aucun avantage pour les consommateurs ni pour les petites entreprises, aucun avantage si l'on songe à la concentration possible des risques et du pouvoir -- ce qui n'est pas souhaitable pour un pays de la taille du Canada.

Avec les fusions proposées, le tiers du système bancaire canadien serait éliminé, ce qui, à ce que je sache, ne s'est jamais vu dans un pays industrialisé. Ces fusions entraîneraient un niveau de concentration jamais atteint ailleurs dans le monde. Ainsi, presque 70 p. 100 du marché des produits bancaires de base serait alors entre les mains de deux banques -- 70 p. 100 des services bancaires courants, c'est-à-dire des services qui touchent pratiquement tous les ménages canadiens: dépôts de particuliers, comptes d'opérations, prêts personnels et hypothécaires, sans oublier les prêts aux petites entreprises.

Oui, la mondialisation est un facteur important. Il n'y a pas un journal aujourd'hui qui n'en parle pas. Il s'agit d'un facteur important pour le marché des capitaux. Et même là, si on pense au Canada, les capitaux en circulation pour bien des entreprises sont locaux et passent entre les mains des courtiers des banques qui occupent environ 80 p. 100 du marché, par les bourses locales sans oublier les banques d'investissement.

La mondialisation n'est cependant pas un facteur à considérer lorsqu'il est question de services bancaires à la clientèle privée et commerciale. Les études réalisées, que ce soit aux États-Unis ou en Australie -- et il en est même question dans le rapport MacKay -- révèlent que les comptes de dépôts pour particuliers, les prêts aux particuliers et les prêts aux petites entreprises sont des produits très locaux.

Il est clair que la technologie nous permet d'effectuer des retraits autrement qu'en succursales, de faire des achats au moyen de cartes de débit plutôt que de chèques et d'utiliser des ordinateurs et des téléphones pour payer des factures et obtenir le solde de comptes, mais la véritable relation bancaire demeure entre des gens, des localités et des succursales, et elle est sans contredit locale.

Voulons-nous créer le système bancaire le plus concentré du monde pour le simple plaisir de créer deux acteurs ayant une grande capacité sur les marchés financiers et une plus grande capacité de jouer plus gros sur les marchés mondiaux? Je ne le sais pas. Nous n'avons certes pas besoin de méga-banques pour le capital au Canada.

Ensemble, les cinq banques canadiennes sont gigantesques. Compte tenu de la taille de notre pays, nous sommes très grandes et nous avons bien assez de capitaux pour créer toute la concurrence et gérer tous les risque dont elles s'assortissent.

Monsieur le président, nous traversons une période d'incertitude et de malaise profond à l'échelle mondiale. Il nous faut veiller à ce que notre secteur financier soit conçu de façon à pouvoir mettre les ressources nécessaires à la disposition des consommateurs et des entreprises du Canada. Dans ce contexte, il y aura des gagnants et des perdants, et nous devons nous assurer que le Canada soit un gagnant, tout comme par le passé.

Nous devons donc voir les recommandations du rapport MacKay comme un ensemble intégré, car nous devons aborder le secteur des services financiers au Canada comme un tout afin de trouver le juste équilibre entre les pouvoirs, la sécurité et la stabilité des institutions, tout comme entre la compétitivité et l'intérêt des consommateurs, des petites entreprises et des collectivités. Nous avons besoin de la réponse du gouvernement au rapport MacKay, peut-être sous forme d'un projet de loi, comme je l'ai déjà dit. Selon moi, il nous faut débattre plus avant des coûts et des processus pour comprendre, concrètement, ce qui est proposé. Il nous faut définir l'orientation future de notre secteur financier en retenant les fusions comme une option. Cependant, nous ne pouvons laisser les fusions monopoliser le processus. Et nous pourrons difficilement considérer l'avenir du secteur une fois qu'aura eu lieu le virage irréversible des fusions. Il nous faut avant tout établir un cadre.

Monsieur le président, une chose est sûre. Que les fusions se concrétisent ou non, quels que soient les lois et les règlements, la Banque de Nouvelle-Écosse est en affaires depuis 1832, et nous sommes une banque nationale depuis près d'un siècle, depuis 1901. Nous avons l'intention de demeurer une banque nationale -- de continuer à servir nos clients, à offrir de bonnes perspectives de carrière à nos employés, à procurer un solide rendement à nos actionnaires et à agir comme membre à part entière des collectivités canadiennes d'un océan à l'autre. Nous sommes absolument persuadés que nous sommes capables de concurrencer, d'innover et de nous adapter, et de continuer à jouer un rôle clé en tant que partie de l'édifice économique canadien.

Le président: Merci, monsieur Godsoe. À trois ou quatre reprises au cours de votre allocution, vous avez utilisé l'expression «services bancaires de base», laquelle peut ne pas être comprise par bien des gens qui regardent CPAC. Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par là?

M. Godsoe: Les services bancaires de base sont les prêts aux particuliers et aux petites et moyennes entreprises, par opposition aux marchés des capitaux et aux prêts aux grandes entreprises. L'expression concerne aussi les dépôts de base, dans les comptes chèques et les comptes d'épargne auxquels vous pouvez avoir accès au moyen d'une carte de débit, d'un guichet automatique ou par téléphone. La réserve fédérale américaine utilise les services de dépôts de base -- les dépôts assurés -- pour se prémunir contre la concentration, parce qu'elle sait que les services bancaires de base en sont l'élément principal.

Le président: Par contre, cela ne comprend pas les REER, les fonds communs de placementS ni ce que les banques appellent les gros prêts aux entreprises. Cependant, cela comprend bel et bien les prêts aux petites entreprises.

M. Godsoe: Tout à fait.

Le sénateur Oliver: Votre exposé a été utile. Vous avez fait maints commentaires au sujet des fusions. Je ne vous poserai pas de questions particulières à ce sujet, parce que vous représentez en fait l'une des cinq grandes banques qui n'a pas d'intérêt direct pour la question, en ce sens que vous ne cherchez pas à fusionner et à faire rapidement changer les choses. Et c'est précisément pour cette raison que je veux vous poser quelques questions de principe très générales pour déterminer ce qui ne va pas et comment on pourrait remédier au problème.

Un certain nombre de témoins qui ont comparu devant notre comité ont déclaré qu'il n'était pas question de préserver le statu quo dans le secteur des services financiers d'aujourd'hui. C'est ce qu'a dit, entre autres, Harold MacKay. En d'autres termes, quelque chose doit changer.

Le rapport du groupe de travail mentionne que des progrès extraordinaires ont été réalisés au chapitre de la technologie et des connaissances qui permettent aux gens d'affaires, aux entrepreneurs et aux innovateurs de créer de nouveaux produits, de nouveaux services, de nouvelles façons de faire les choses, de nouveaux canaux de distribution et une nouvelle industrie.

Que doivent faire les banques et les autres volets du secteur financier pour suivre le rythme des entrepreneurs, des innovations et répondre aux besoins du secteur financier?

M. Godsoe: Cette question a deux parties. Pour notre part, nous devons recourir à la sous-traitance, à la coentreprise et puiser dans le capital intellectuel qui est à la source de ces extraordinaires changements. Nous devons examiner Internet, la façon dont nous utilisons des algorithmes pour le commerce -- quoique cela ait de nombreux aspects négatifs à l'heure actuelle sur les marchés mondiaux des capitaux -- et la façon d'offrir de meilleurs services à nos clients. Je pense que cela se passe partout dans le monde.

Citibank recourt à la sous-traitance. Cable and Wireless, en Grande-Bretagne, vient tout juste de le faire. Même chose pour la Bank One, aux États-Unis. Nous allons tous faire cela, et nous avons la bonne technologie.

L'autre volet de la question est le suivant: sommes-nous en mesure de nous améliorer pour ce qui touche le capital de prêt et le capital de risque afin de contribuer à l'épanouissement d'une industrie très importante pour le Canada? Je ne pense pas qu'il y ait de baguette magique. C'est une bonne chose d'aider le capital de risque. J'ai passé beaucoup de temps à Silicon Valley, parce que l'un de mes enfants y étudie. On y trouve beaucoup d'entreprises de capital de risque. On y trouve aussi beaucoup de petites banques qui prêtent.

Nous devons tout simplement travailler sur la question. Il serait utile qu'Industrie Canada pousse son travail de statistiques pour voir ce dont nous avons besoin et comment nous pouvons y arriver. Des incitatifs fiscaux pour les entreprises de capital-risque sont utiles, tout comme l'obtention de capitaux propres.

Le sénateur Oliver: Hormis ce qui concerne le capital-risque, vous pouvez faire maintenant toutes les choses que vous avez mentionnées. Cependant, notre comité s'attache en réalité à la nouvelle politique publique et aux nouveaux cadres. Pour que le Canada demeure un superbe endroit pour faire des affaires et un chef de file dans le domaine des services financiers, à quelle nouvelle politique publique devrait s'attacher notre comité?

M. Godsoe: Je ne pense pas qu'aucun d'entre nous ait les ressources, les capitaux et le capital intellectuel qui permettent à nos cadres et aux employés que nous avons dans nos services des systèmes de ne pas concurrencer. C'est sur ce point que je suis en désaccord avec certains de mes concurrents. Il n'y a absolument rien qui prouve que l'ampleur est source d'excellence économique. Le rapport MacKay le réfutait, et il y a bien des études de la Federal Reserve sur cette question.

Nous avons d'excellents services bancaires par Internet. La Banque de Nouvelle-Écosse a reçu un prix aux États-Unis pour ses services bancaires sur Internet. Nous avons ce qui se fait de mieux au monde. C'est aussi bon que ce qu'a la Wells Fargo. La Banque Nationale dispose d'une technologie de carte de débit de première classe. Je ne pense pas que nous soyons bien loin derrière. Nous disons souvent que le ciel va nous tomber sur la tête et que nous avons besoin d'aide, mais nous n'en avons pas besoin. Sur le plan technologique, notre système compte parmi les deux ou trois systèmes les plus perfectionnés du monde, comme le révèlent toutes les études.

Le sénateur Oliver: En ce qui touche la réglementation, je paraphraserai ce que vous avez dit aujourd'hui et je vous rappellerai ce qu'on dit deux autres directeurs généraux des cinq grandes banques. Vous avez déclaré que, en tant qu'homme d'affaires, vous étiez fondamentalement gêné par un renforcement du dispositif réglementaire ou législatif, car cela risque d'entraîner des rigidités supplémentaires, et ainsi de suite.

Trouvez-vous qu'il y a trop de réglementation et d'ingérence gouvernementale dans le rapport du groupe de travail MacKay? M. Baillie, de la Banque TD et M. Flood, de la CIBC, ont déclaré que les recommandations mèneraient réellement à une surréglementation du secteur financier; par exemple, le genre de réglementation nécessaire pour la protection des renseignements personnels, l'application des normes, la vente liée coercitive et les énoncés de responsabilités.

Pour ce qui concerne ces trois-là, pensez-vous qu'il y a trop de réglementation? Le BSFI et le ministre ont-ils de ce fait trop de pouvoir?

M. Godsoe: Si l'on examine superficiellement la question, alors oui. Je ne pense pas que nous le sachions. L'ABC ne fonctionne pas de façon efficace à l'heure actuelle. Malheureusement, je ne suis pas invité à dîner par les quatre autres tous les soirs de la semaine.

Nous sommes une industrie complexe. Quand vous apportez les modifications à 1 200 succursales et que vous y entrez quelque chose de nouveau, les détails et la mise en place posent énormément de problèmes. Ce sont les stratèges qui disent il faut mettre ceci en place, puis cela et encore cela. Que ferons-nous à l'échelle locale? Que ferons-nous lorsqu'il faudra recycler nos employés?

Pour chacune de ces mesures, il nous faudrait recycler quelque 3 500 personnes. Je ne sais pas encore tout ce que cela signifie. Nous commençons seulement à nous pencher sur la question. Je pense que c'est là le risque, parce que quand vous intégrez quelque chose dans la réglementation ou dans la loi sans d'abord penser aux coûts, sans avoir demandé aux experts qui sont concrètement chargés d'administrer la question ce qui est, selon eux, en cause, vous vous trouvez à susciter un obstacle à l'entrée et une grande dépense. Et un problème dont il est très difficile de se débarrasser à long terme.

Instinctivement, je serais porté à dire que le rapport MacKay avec ses 124 recommandations, comprend un peu de quelque chose pour tout le monde. Vous pouvez le parcourir, isoler un paragraphe et dire que cela a aidé ceci ou que cela a aidé cela. Il nous faut prendre un peu de recul et nous demander si c'est efficace sur le strict plan fonctionnel.

Je m'inquiète de la sélectivité. Politiquement, il serait très populaire d'adopter tout un train de mesures législatives pour protéger les consommateurs dans les localités, tout en laissant de côté les aspects qui posent un difficile problème de jugement d'affaires et qui augmentent la concurrence entre les divers lobbys, parce qu'ils sont peu populaires sur le plan politique. Cependant, il faudrait envisager cette question de façon globale.

Le sénateur Oliver: Il y a une expression que je m'attendais à entendre de votre part aujourd'hui, mais vous ne l'avez pas utilisé. Le rapport du groupe de travail y fait allusion. Elle concerne les alliances stratégiques.

Vous avez parlé de coentreprises dans votre rapport, de sociétés de portefeuille, de formes de partenariats, mais vous n'avez jamais parlé d'«alliance stratégique». Pourriez-vous me dire ce que vous entendez par ce terme, ce qu'il signifie pour vous, et ce qu'il pourrait signifier pour le secteur bancaire du Canada?

M. Godsoe: À long terme, les alliances stratégiques ressembleront davantage à une Mercedes Benz ou à une Daimler Benz qu'à une Chrysler, qu'il s'agisse d'une prise de contrôle ou d'une alliance stratégique. Par ailleurs, nous verrons des méga- institutions évoluer, et nous en voyons déjà des exemples.

À mesure que nous prenons de l'expansion sur le plan international, nous trouverons des façons de former des alliances stratégiques. À la Banque de Nouvelle-Écosse cela a été intégré à notre planification. Nous pouvons établir des coentreprises en Amérique latine pour obtenir une meilleure taille comparative. Je ne pense pas que le Canada puisse prendre assez d'envergure dans cette industrie pour être un concurrent d'échelle, si l'on peut utiliser cette expression. Que devons-nous faire alors? Créer un monopole pour être gros? Je ne pense pas que ce soit une bonne solution.

Je suis tout à fait persuadé que les banques ne sont pas vraiment des innovateurs technologiques. Elles sont de grands utilisateurs de technologie. La Banque Lloyd's vient tout juste de confier en sous-traitance une grande part de ses prêts aux petites entreprises à une société technologique des États-Unis. C'est une banque anglaise, une très grande banque, bien plus grande que n'importe quelle des banques fusionnées. Je pense que cette pratique va se répandre.

Le sénateur Oliver: Mais l'alliance stratégique est-elle une façon pour la Banque de Nouvelle-Écosse, Canada Trust ou la Banque Nationale de trouver, plutôt que de fusionner, des façons de connaître de l'expansion et d'exercer de nouvelles activités dans le monde?

M. Godsoe: Tout à fait. Croyez-moi, nous nous parlons. J'ai parlé à des représentants de banques en Grande-Bretagne, en Europe et aux États-Unis. Nous nous parlons constamment. Les Américains forgent des alliances, et nous le faisons aussi. Nous en avons une avec la First Bank of Chicago pour la gestion de l'encaisse au Canada, et une autre avec notre banque mexicaine, pour laquelle nous comptons 8 500 employés et succursales au Mexique. La First Bank of Chicago fait de même aux États-Unis. J'ai déjeuné avec son président il y a deux jours à Washington, et nous avons parlé d'étendre notre alliance au Chili et à l'Argentine. Ils vont s'occuper de l'Europe. Il s'agit d'une alliance stratégique dans laquelle nous nous refilons des clients, tout à fait comme le font les sociétés aériennes dans le cas des codes.

Le président: J'aimerais clarifier votre commentaire sur la sélectivité, monsieur Godsoe. Êtes-vous en train de dire que ce serait une erreur pour le gouvernement de prendre une position populaire sur le plan politique et d'adopter une loi concernant toutes les questions comprises au chapitre 7 du rapport, qui concerne l'habilitation des consommateurs pour ce qui touche la protection des renseignements personnels, la vente liée coercitive et diverses autres choses? Selon vous, cela ferait-il augmenter les coûts pour l'industrie? Si cela doit se produire, alors, comme le rapport était conçu pour équilibrer les choses, la loi doit-elle aussi le faire?

M. Godsoe: C'est ce que je préconise, monsieur le président. Politiquement, il est plus facile de prendre un certain nombre de ces questions et de légiférer ou de réglementer que ce ne l'est que de s'occuper des questions plus difficiles qui opposent l'industrie de l'assurance ou celle de l'automobile à ce qu'ils considèrent comme des banques dominantes.

Le rapport s'attache énormément aux sociétés de portefeuille et au pouvoir discrétionnaire du ministre. Il y a beaucoup de choses auxquelles nous aimerions réfléchir, parce que notre industrie n'est pas consolidée. Nous sommes réellement tentés de dire: «entérinons le rapport MacKay et passons à autre chose.» Malheureusement, je ne pense pas que cela se produira comme cela. Je pense que nous avons déjà pu le constater avec la vente liée. Peut-être que c'est correct, peut-être que ce ne l'est pas.

Je sais cependant, monsieur le président, qu'à la Banque de Nouvelle-Écosse, nous avons eu deux plaintes concernant la vente liée l'an dernier. Les deux ont fait l'objet d'un examen indépendant et ont été jugées non fondées. Dans un cas, le prêt avait été accordé un an après le REER, mais quelqu'un qui faisait du lobbying sur la vente liée a trouvé cette personne et lui a demandé de déposer une plainte. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de données empiriques, mais cela a mené à la disposition législative. Malheureusement, je pense que nous allons en voir davantage. C'est ce que je crains.

Le sénateur Joyal: On nous a donné une occasion en or d'avoir une discussion. La plupart des Canadiens n'ont pas l'occasion de voir discuter les directeurs généraux des cinq plus grandes banques. Ceux qui ont le privilège d'en être les actionnaires assistent aux assemblées annuelles, et ceux qui sont membres de clubs privés versent leurs cotisations et vous écoutent, vous ou vous collègues des autres grandes banques.

Il y a quelque chose de nouveau dans la démarche que nous prenons aujourd'hui. Vous avez parlé des changements globaux apportés au système dans les années 20, les années 60, puis dans les années 80. Dans tous ces cas, lorsqu'il y a eu des réformes ou des changements majeurs du système, les cinq banques se sont entendues. Il y avait consensus.

Sur la question des fusions, comme vous le savez et comme le sait le public -- et le public nous écoute aujourd'hui -- il y a deux perceptions différentes du système. L'une fonde ses conclusions sur le fait que le marché canadien est ouvert au capital étranger et à toutes sortes de nouvelles technologies. Fidelity et American Express y livrent une concurrence. Je vais prendre l'exemple du gouvernement qui a conclu un contrat de carte de crédit avec American Express plutôt qu'avec Visa ou MasterCard. C'est le signe que le système bancaire du Canada est menacé par le capital étranger, qu'il soit américain ou qu'il vienne d'un autre pays.

Pour ce qui touche les fonds communs de placement, des compagnies comme Fidelity sont là. En fait, jour après jour, elles grugent le fondement du système canadien.

Par contre, vous êtes ici aujourd'hui. Nous avons aussi entendu le témoignage du représentant de la Banque Nationale, et votre interprétation est totalement différente. La plupart des Canadiens font confiance au système bancaire comme ils font confiance à leurs médecins. Ils croient que le système est solide, qu'il est toujours crédible et fiable malgré les turbulences mondiales. Dieu merci, c'est ce qui se passe au Canada. Grâce à vous, aussi, et à tous ceux qui participent à cette industrie et qui y pratiquent une saine gestion. Comment pouvez-vous concilier ces deux opinions fondamentales lorsque le gouvernement devra décider si c'est noir ou si c'est blanc? Il semble n'y avoir aucun moyen terme, mais s'il y en a un, il semble que ce soit au prix d'une surréglementation de l'industrie.

M. Godsoe: C'est un plaisir de répondre à votre question, sénateur. Elle concerne des faits. Selon votre vision de l'avenir, nous perdrons tout au profit des sociétés qui n'exploitent qu'un seul produit.

Si vous interprétez les stratégies des banques en cause, vous constaterez que toutes les fusions aux États-Unis présentent une caractéristique intéressante: on n'y mentionne nulle part l'expression «société qui n'offre qu'un seul produit». On parle plutôt d'«augmentation de la part de marché», d'«expansion dans d'autres États» et de «réduction des coûts».

Quand je suis revenu au pays après mes études, il y avait une carte de crédit American Express. Citibank oeuvrait dans les services bancaires de détail. Household Finance existait. Lorsque j'étais aux études, j'ai même obtenu un prêt de leur part pour financer mes études universitaires. Les compagnies de voiture étaient ici. Nous avons des sociétés qui n'offrent qu'un seul produit depuis 40 ans. Elles ne sont pas nouvelles. Nous leur avons livré une concurrence très efficace.

Je ramènerais tout cela au fait qu'il y a une nouvelle vague de ce genre de société dans le secteur des cartes de crédit. Nous, les banques canadiennes, contrôlons pratiquement toute l'industrie de la carte de crédit. Par conséquent, il y aura une certaine perte de la part de marché. Oui, American Express et Citibank ont obtenu un contrat du gouvernement. Ce qu'on ne dit pas, c'est que la Banque Nationale a eu l'autre partie du contrat et une part plus importante des affaires gouvernementales que Citibank et American Express. Ce qu'on ne dit pas, clairement, c'est qu'une entreprise comme la Banque de Nouvelle-Écosse fait beaucoup plus d'argent à New York que Citibank en fera jamais au Canada. Il me semble que ce pourrait être un peu plus équitable pour elle de faire concurrence ici.

Le secteur des fonds communs de placement m'intrigue vraiment. Je dis cela parce que la loi n'a permis aux banques canadiennes de vendre des fonds communs de placement qu'en 1987. Fidelity oeuvre dans ce secteur depuis 1946. C'est la plus importante société de ce domaine au monde. L'autre dont il est question, Templeton, vend des fonds communs de placement dans notre pays depuis 1954.

Les banques canadiennes ont commencé à en vendre en 1987. À l'heure actuelle, la Banque Royale est numéro deux, et c'est quelque chose que je suis heureux d'admettre. La Banque de Nouvelle-Écosse vient au quinzième rang, mais nous allons grimper les rangs, croyez-moi. Quelque 13 des 15 principales sociétés de fonds communs de placement au pays sont canadiennes, pas américaines. Les deux qui sont ici n'ont-elles pas l'autorisation de s'emparer d'une petite part de marché?

Les banques canadiennes possèdent déjà près de 30 p. 100 de l'industrie des fonds communs de placement. Ce qu'on ne dit pas, c'est que nous possédons une part beaucoup plus importante de la distribution, parce que les vendeurs sont affiliés à nous. Ce qu'on ne dit pas non plus, c'est que la plupart de nos ventes de fonds communs de placement se font dans nos succursales. Évidemment, les dépôts ont diminué un peu, parce que nous avons intéressé les clients aux fonds de placement. J'ai hâte de voir si les dépôts ne reprendront pas du poil de la bête avec le marché boursier que nous voyons actuellement et la baisse des fonds communs de placement. Nous excellons dans ce domaine. Ce n'est pas mal pour une industrie qui est partie de zéro -- parce que la loi nous interdisait l'entrée dans ce marché -- pour passer à 30 p. 100 du marché.

Je pense que nous exagérons ces menaces. On nous paye pour nous adapter. On nous paye pour être compétitifs. On nous paye pour innover.

Il y a cinq ans, Microsoft n'était pas sur Internet. Et puis, tout à coup, nous y sommes tous. Le changement est partout. Nous sommes payés pour nous adapter. Je trouve remarquable que les Américains n'aient pas légiféré pour modifier leur système depuis 15 ans, mais personne ne dit qu'il doit se retirer des affaires et qu'il ne peut s'adapter. Tout le monde s'adapte.

Le sénateur Joyal: L'autre argument que nous entendons concerne le fait qu'il existe actuellement une tendance à la fusion et que, si vous ne fusionnez pas, on vous écartera en disant que vous n'êtes pas un intervenant important parce que vous ne suivez pas la tendance. Comment résoudre ce problème? Je suis sûr que vous êtes familiarisé avec les fusions qui ont eu lieu aux États-Unis entre la Bank One, Travelers, et d'autres encore. Comment réagissez-vous à l'argument selon lequel le monde des affaires d'aujourd'hui suppose inévitablement des fusions?

M. Godsoe: Comme je l'ai dit, je pense que les fusions sont une bonne stratégie d'entreprise. Je pense que tout le monde aux États-Unis, hormis Travelers-Citi, était influencé par des considérations intérieures. Ils n'ont pas de système national. Cela n'a pas créé de concentration globale.

Comme vous le savez, sénateur, les États-Unis ont tracé une ligne dans le sable. Aucune banque ne peut avoir plus de 10 p. 100 des dépôts assurés. La nouvelle Bank of America est, je crois, à 8,3 p. 100. Les Américains ne modifieront pas cette loi. Ils ont tracé cette ligne dans le sable parce qu'ils ne peuvent tolérer la concentration.

Étant le premier pays à élaborer un système qui s'attaque à un problème de concentration, le Canada se trouve dans une position intéressante. Il doit faire un compromis de politique publique. Veut-il des champions nationaux, des méga-banques fusionnées qui dominent le marché? Comme vous le savez, parce que vous vous y êtes rendu, les Pays-Bas n'ont pas voulu faire cela. Ils comptent quatre grands systèmes. Tout le monde dit qu'il y en a deux, mais ils oublient qu'il y a Fortis, RaboBank, ABN-AMRO et ING. Ils ont quatre très grands joueurs dans un très petit pays.

Les Britanniques n'ont pas voulu le permettre, les Américains non plus et, il y a trois semaines, les Australiens ont dit ne pas vouloir le faire avant de pouvoir évaluer la question. Il nous faut nous aussi évaluer la question. Est-ce une bonne chose pour le Canada? Est-ce que cela élargit les choix? Est-ce que cela suscite une trop grande concentration des pouvoirs? Je pense qu'il s'agit là de questions légitimes pour la politique publique et qu'il faut bel et bien nous les poser.

Le sénateur Angus: Je pensais que mon ami le sénateur Joyal s'en allait dans une certaine direction, mais il n'est pas allé aussi loin que je pensais. Alors je vais reprendre à partir de là.

Comme vous êtes venu ici de Toronto par un jour pluvieux, je pense que vous devriez profiter au maximum de la tribune qui vous est offerte. Nous entendons tout le temps dire, monsieur Godsoe, que vous ressentez du dépit et que vous avez changé d'opinion. Dans votre éloquente déclaration liminaire, vous précisez clairement votre point de vue. Cependant, d'aucuns affirment que ce n'est pas ce que vous disiez il y a environ un an. J'ai pensé que vous aimeriez profiter de l'occasion pour remettre les pendules à l'heure.

M. Godsoe: Merci, sénateur. Je dirai une chose: j'ai maintenant plus de sobriquets que j'en avais lorsque j'étais à l'école primaire. On m'a appelé le «banquier solitaire», le «vieux singe», et bien d'autres choses encore. Cependant, je n'ai jamais été hypocrite. J'ai eu l'occasion de revenir en arrière et de regarder exactement ce que nous avons écrit à Harold MacKay. Malheureusement, je n'ai pas apporté cela avec moi.

Je disais alors que j'étais en faveur de la concurrence; je suis en faveur de l'ouverture du système et de l'examen des règles de propriété, qui constituent selon moi la clé, mais je ne pense pas qu'elles verront jamais le jour; je suis aussi en faveur de la fusion d'entités égales selon cette structure.

Ce qu'on ne dit pas, c'est que, dans le paragraphe suivant, j'ai mentionné qu'il s'agissait là de très importantes questions de politique publique. J'ai dit ça en octobre 1997. J'ai dit que, si nous prenions rapidement une décision à ce sujet, nous allions probablement perdre deux de nos plus grandes banques. Devinez ce qui est proposé? Perdre deux de nos plus grandes banques. Cela créerait des degrés de concentration. Cela susciterait des problèmes d'emploi qui devraient être sérieusement analysés. Je me répète, mais c'est ce que j'ai dit dans ma lettre à MacKay. Je n'ai pas changé d'opinion. Je dis toujours qu'il s'agit de très grandes préoccupations de politique publique et qu'il faut s'y attacher.

Manifestement, si vous avez des fusions sans changement de propriété, cela revient à la même chose que de retrancher toutes vos activités de fabrication derrière un mur tarifaire. En tant que Canadiens, sommes-nous prêts à permettre que nos banques et nos compagnies d'assurances soient achetées par des sociétés étrangères? Je ne le crois pas. Je ne pense pas que le rapport MacKay le préconise. À présent, nous nous retrouvons en face d'une énorme concentration derrière une barrière, et c'est ce que j'ai dit à l'automne 1997.

Le sénateur Angus: Monsieur Godsoe, je veux juste savoir exactement ce que vous voulez dire. Je ne veux pas utiliser le terme péjoratif que vous utilisez; et je n'ai certes pas cela à l'esprit en vous questionnant. Cependant, ce qui est dit expressément, c'est que, d'une part, il faisait une danse et tentait d'organiser sa propre fusion de deux grandes entités et que cela n'a pas fonctionné, de sorte qu'il essaie désormais avec toutes ces autres d'une façon très négative. Je soupçonne que ce n'est pas aussi simple que cela, et c'est pourquoi je voulais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Godsoe: Ce n'est jamais aussi simple. Je dois avoir parlé de fusions, d'alliances et de coentreprises avec 50 personnes depuis cinq ans. En tant que cadre supérieur, je suis payé pour présenter à mon conseil diverses solutions, possibilités et occasions qui se présentent à nous dans ce qui, nous le savons tous, est un monde en rapide évolution. Personne ne sait ce que j'ai dit à mon conseil, mais dès les tout débuts, j'ai constamment affirmé que les fusions au Canada seraient très risquées en raison des degrés de concentration.

Nous avons déjà l'un des trois systèmes bancaires les plus concentrés du monde. Nous n'avons pas de système bancaire secondaire solide. Nous savons tous cela parce que, en raison de la politique publique, nous avons été encouragés à tout acheter. À l'occasion, lorsque nous avons tenté de créer un système secondaire, cela a échoué comme c'est arrivé dans l'Ouest canadien. Il s'agit d'une stratégie très risquée qui suscite des questions politiques fort délicates.

Le sénateur Joyal a soulevé un autre spectre qui m'inquiète terriblement, c'est-à-dire que lorsque vous avez concentration de pouvoir et de marché, les gouvernements procèdent invariablement à une reréglementation, pour compenser ou pour donner naissance à des institutions subventionnées par lui afin de rétablir la concurrence qui a disparu. Je pense qu'il n'est pas particulièrement bon pour la Banque de Nouvelle-Écosse ou ses actionnaires de se faire prendre dans ce piège. L'histoire a tant vu de ce genre de chose. Nous avons maintenant la concentration la plus élevée au monde.

Est-ce que je demanderais à quelqu'un ce qu'il en pense? Évidemment! Je suis payé pour recevoir et transmettre de l'information.

Le sénateur Angus: Nous avons entendu les commentaires de bien des gens au sujet du rapport MacKay et à d'autres sujets également. Dans nos voyages sur l'étude comparative, l'une des choses que nous avons entendues -- c'est en Angleterre -- était que même si le Canada peut avoir des qualités et des défauts dans bien des secteurs, on peut certes dire que son système bancaire est très bon. On a laissé entendre qu'il ne serait pas très sage de le «tripatouiller».

Je crois savoir que vous estimez vous aussi que nous avons un très bon système bancaire. Il fonctionne bien et sert bien les Canadiens. Si nous devons y apporter des changements, il ne faut le faire que soigneusement, après mûre réflexion. N'est-ce-pas?

M. Godsoe: C'est tout à fait vrai. Je ne défends par le maintien du statu quo, parce que je pense que nous évoluons. Tout de même, ce serait un changement très grave que de perdre le tiers du système bancaire. Qui peut me dire ce que seront dans cinq ans les éléments compétitifs ou le résultat de tout cela?

La fusion est un mouvement d'évitement qui, d'une certaine façon, traduit la crainte suivante: «Nous avons peur de l'avenir, nous craignons que quelque chose se produise. Si vous ne me laissez pas fusionner, je peux devoir réduire la taille de ma banque.» Nous ne le savons pas. S'il y a une chose que le marché mondial des capitaux enseigne, c'est que personne n'a une sagesse immanente. Il y a un an, on n'en avait que pour les marchés mondiaux des capitaux. Ils étaient la meilleure chose qui se soit jamais produite. Aujourd'hui, cette affirmation ferait sourire.

Nous avons des bureaux en Indonésie, en Malaysia et en Thaïlande. Je me suis rendu à tous ces endroits. Là-bas, c'est une véritable tragédie. Le secteur financier bouleverse la véritable économie et suscite famine et émeutes ethniques. Nous devons en repenser certaines parties. Ce n'était pas parfait.

Ce que je dis, c'est que nous devons aller de l'avant et bâtir sur des points forts, et non pas axer nos actions sur la crainte d'hypothétiques faiblesses.

Le sénateur Angus: Vous pensez que notre système est très bon, sous réserve qu'on le modernise de temps à autre?

M. Godsoe: C'est manifeste. Je ne suis pas le seul à penser ainsi; le forum économique mondial et la commission Wallace, en Australie, pensent de même. Cela résulte de vos visites à ces autres endroits, parce que vous êtes le seul groupe à s'y être rendu et à avoir examiné d'autres systèmes.

Je serais très heureux si vous aviez tous un compte aux États-Unis. Vous pourriez alors parler de la qualité du service canadien ou de la capacité d'encaisser un chèque ou d'utiliser une carte de débit d'un océan à l'autre sans que les fonds soient retenus. C'est un très bon système. Les Américains étudient l'ensemble de notre système de paiement et estiment qu'ils seraient chanceux s'ils pouvaient l'avoir d'ici 10 ans.

Le sénateur Angus: M. Conacher est venu nous parler l'autre jour. Nous l'avons entendu vilipender la Banque Royale, la Banque Canadienne Impériale de Commerce, la Banque TD, la Banque de Nouvelle-Écosse et la Banque Nationale. Il en avait contre vous, les gens des banques. J'ai pensé que vous pouviez avoir un commentaire général sur ce avec quoi vous n'êtes pas d'accord dans ce cas.

M. Godsoe: Je ne connais pas personnellement M. Conacher, mais je sais qu'il a pour passion de monter un système de défense des intérêts du consommateur qui serait financé par les banques, comme c'est le cas pour les services publics aux États-Unis. C'est plutôt étrange.

La critique est saine. Elle fait partie du fonctionnement de notre système. Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec une bonne part de ce qu'il dit, parce qu'il tente de susciter un problème pour se donner le mérite de trouver une solution. Je ne pense pas que nous sommes aussi mauvais que l'image qu'il veut donner de nous. Cela dit, il y a certes des secteurs dans lesquels nous pourrions nous améliorer.

Le sénateur Kenny: Au début de vos commentaires, vous avez parlé de processus. Vous sembliez parler des recommandations du rapport MacKay et d'autres choses encore. Pourriez-vous préciser ce qui serait, selon vous, un processus raisonnable ainsi que le genre de calendrier qui vous semblerait logique?

M. Godsoe: Le ministère des Finances du Canada a véritablement un rôle à jouer pour ce qui est de proposer un ensemble intégré de recommandations ou encore un projet de loi. Le rapport MacKay offre en bonne partie ce genre de possibilité. Après avoir entendu les commentaires des représentants du ministère, nous pourrons avoir un débat et voir l'état des choses. Je ne sais pas si cela se produira plus tard cette année, après le dépôt de votre rapport et celui devant le comité de la Chambre des communes, ou si cela se passera uniquement l'an prochain.

Lorsque j'étais jeune, on m'a envoyé à Ottawa pour présenter un rapport sur la commission Porter et surveiller le débat entourant le projet de loi. C'était une époque intéressante, parce que nous avions changé de ministre des Finances et vécu d'autres changements encore.

Le fait que certains préconisent l'application directe des recommandations du rapport MacKay -- même si nous n'avons fait absolument aucune étude détaillée de ses répercussions -- est très dangereux. Il y a aussi le danger de faire des choix isolés. C'est pourquoi j'aimerais voir la réaction du gouvernement. Choisira-t-il d'appliquer un élément seulement et de laisser tous les autres pour que nous puissions au moins discuter de ceux-là? Ou bien choisira-t-il d'examiner la question tout entière, ce qui est la raison pour laquelle il a mis sur pied la commission MacKay? En définitive, c'est le ministère et le gouvernement qui doivent proposer le projet de loi et les changements qui suivront.

Le sénateur Kenny: En ce qui concerne les choix, je n'ai pas suivi l'échange que vous avez eu avec le président. Est-ce que vous dites que c'est tout ou rien?

M. Godsoe: Pas du tout, sénateur. Je pense qu'il est plutôt facile, dans un système discontinu, de s'attacher à une ou deux choses en retardant les autres, même si l'intention initiale était d'examiner le système tout entier. Déjà, le témoignage devant votre comité suit, pour ainsi dire, une ligne partisane. Il n'y a pas beaucoup de changements par rapport aux débats du début des années 90 sur la location-bail d'automobiles, l'assurance ou l'accès aux paiements. Ce sont les fusions qui ont constitué le gros changement.

Le président: Soyons clairs. Vous n'utilisez pas le terme «partisan» dans un sens politique.

M. Godsoe: Non; je ne l'utilise pas dans un sens politique.

Le sénateur Kenny: À la page 4 de votre mémoire, vous dites que l'avenir de l'industrie repose sur le renforcement de la concurrence et l'élargissement des choix, deux éléments qui doivent se situer au centre du cadre de politique gouvernementale. Vous dites aussi qu'il doit y avoir beaucoup de concurrence pour les activités bancaires de base. Pourriez-vous préciser au comité quelles politiques seraient susceptibles, selon vous, d'être à l'origine de cela?

M. Godsoe: Du côté de la petite entreprise, nous avons dans notre pays autant de concentration qu'on pourra en trouver pratiquement n'importe où ailleurs dans le monde.

Cela dit, vous avez au moins cinq joueurs au pays, un solide joueur avec la Banque Nationale, un bon joueur avec Hong Kong et Shanghai, et un très bon, très solide joueur avec le Canada Trust. Ce n'est pas beaucoup.

Nous devons nous inquiéter de ce qui se produira si nous éliminons deux grands joueurs. Les petites entreprises ont besoin de crédit, et ce sont encore les banques qui le leur offrent le plus souvent. Bien sûr, nous nous occupons de gestion de capital, de fonds communs de placement et d'investissements. Nous avons changé beaucoup depuis dix ans, et on semble trop souvent l'oublier. Nous avons évolué massivement, pour devenir de très grandes banques universelles. C'est ce que nous sommes dans notre pays. De bien des façons, nous sommes beaucoup plus universels que les Américains.

Nous devons nous assurer que cette fonction de l'économie est maintenue, parce que c'est la base de l'économie. Si nous la perdons, nous aurons un effondrement du crédit, et si les banques délaissent le crédit, qui viendra les remplacer? Wells Fargo, d'un centre téléphonique aux États-Unis?

Tous les pays que je connais s'attachent aux prêts à la petite entreprise, aux prêts personnels et aux dépôts de base. Ils n'ont pas l'ombre d'une inquiétude au sujet des fonds communs de placement. Nous avons 1 000 fonds communs de placement, et le choix des fonds communs est vaste. Mais là n'est pas la question.

Le sénateur Kenny: Peut-être que je devrais poser la question différemment.

Quel conseil donneriez-vous au comité quant aux changements de la politique publique qui permettraient de réaliser l'objectif que vous avez énoncé ici?

M. Godsoe: La velléité d'encourager un système secondaire est admirable. Il me faudrait cependant connaître les avantages au chapitre du coût. Combien donnerons-nous en subventions au mouvement national des caisses de crédit? Est-ce faisable? Qu'en est-il des congés fiscaux accordés à des entrepreneurs qui lancent une banque? Quand vous examinez le nombre de nouvelles banques créées aux États-Unis comparativement au Canada, vous constatez qu'il s'agit de deux mondes différents. Devrions-nous le faire? L'expérience que nous avons vécue dans l'Ouest canadien dans les années 70 n'était pas particulièrement probante. Par conséquent, il vous faut examiner ces questions. Elles doivent être analysées.

L'objectif est admirable, et il peut être réalisé. Le nombre absolu de succursales aux États-Unis augmente, il ne diminue pas. Lorsque je vais à Palo Alto, je suis toujours renversé par le fait qu'on y trouve cinq ou six petites banques communautaires, mais elles sont tout à fait spectaculaires et à la fine pointe de la technologie. Ils connaissent les propriétaires et les entrepreneurs, et ils fonctionnent comme au temps jadis. Leurs services bancaires s'adressent à la personne, alors que l'une des plaintes dont nous faisons l'objet est que nous nous détachons de nos collectivités.

Vous êtes sur la bonne voie. Je veux simplement m'assurer que nous comprenons les ramifications et les coûts.

Le sénateur Kenny: Plus loin dans votre mémoire, vous dites que nous avons besoin de quatre à huit concurrents au pays pour que la concurrence soit satisfaisante. Les avons-nous maintenant? Sinon, que pourrions-nous faire pour les avoir?

M. Godsoe: Nous en avons la base. Vous «démutualisez» les compagnies d'assurance-vie et leur donnez congé. Certes, deux ou trois d'entre elles, c'est un nombre bien suffisant pour assurer la concurrence. Je ne crois pas qu'elles vont se lancer dans le domaine bancaire, mais je crois qu'elles peuvent commencer à faire concurrence sur le marché de la gestion de la richesse. Elles pourraient, au bout du compte, échouer, ou on pourrait assister à des fusions avec des établissements bancaires, ce qui ne porterait pas atteinte à la concurrence. Personne ne sous-estime l'importance de la Corporation financière Power sur le marché national.

Il y aura de nouvelles entreprises. Le rapport mentionne Newcourt. Toutefois, il faut toujours être vigilant. Comme vous le savez, Newcourt a besoin de l'appui d'un système bancaire solide à l'heure actuelle, non pas parce qu'elle éprouve des difficultés, mais bien parce qu'elle manquait de liquidités la semaine dernière, même si elle est en santé. Nous disposons de la base: nous devons seulement encourager les entreprises à concurrencer.

Le sénateur Meighen: J'aimerais revenir à une question que le sénateur Angus a posée à un autre témoin, un peu plus tôt, et à laquelle vous avez fait allusion, c'est-à-dire l'affirmation selon laquelle les propositions du rapport MacKay semblent avoir réussi à ouvrir le système financier et à fournir la souplesse que tout le monde voulait, tout en ajoutant, semble-t-il, une couche de réglementation qui n'existait pas auparavant. C'est, comme nous le savons tous les deux, une arme à deux tranchants. Estimez-vous que nous avons établi un juste équilibre? À quel point y sommes-nous parvenus?

Je me demande aussi si vous ne pourriez pas commenter brièvement l'une des recommandations du rapport MacKay, qui figure au numéro 39 de la page 202, qui se lit comme suit:

Le gouvernement devrait être habilité, ce pouvoir ne devant être utilisé que dans des cas exceptionnels, à approuver l'acquisition d'une institution financière canadienne à capital largement réparti par un acheteur étranger, sans égard aux règles de large répartition du capital.

Toute transaction de ce genre serait soumise, entre autres, au processus d'examen de l'intérêt public. On a qualifié cette recommandation de «disposition Scotia», mais je suis certain que vous avez votre mot à dire là-dessus.

Cette recommandation accorderait au ministre le pouvoir extraordinaire d'approuver la prise de contrôle d'une institution financière canadienne à capital largement réparti par un acheteur étranger, sans qu'il ait à tenir compte des règles établies par le groupe de travail MacKay dans la première partie du rapport.

M. Godsoe: C'est un rapport très volumineux, quoique plus petit que le rapport Porter. Les détails sont ce qui pose problème. Nous avons 124 recommandations. Je ne crois pas que quiconque puisse prétendre toutes les comprendre.

Quand j'ai lu le rapport pour la première fois, j'ai eu l'impression que chaque section avait été rédigée par des personnes différentes et que l'on n'avait pas tenté de les uniformiser en raison du fait que le rapport tente d'établir un équilibre. Le groupe de travail dit qu'il y a une section X et une section Y, que telle section provient de tel groupe et que l'autre provient d'un autre groupe. C'est pour cette raison que j'estime qu'on doit l'examiner. Je suis toujours sur mes gardes. Cela dit, je ne cherche pas à critiquer le groupe de travail MacKay.

J'ai rencontré les membres du groupe de travail à deux reprises. La première rencontre, qui a duré une heure et demie, portait sur un document de sept pages qui présente un aperçu très général de l'industrie. La deuxième rencontre a duré une heure et ne portait que sur les fusions. Par conséquent, nous n'avons plus formulé aucun commentaire touchant les aspects pratiques de cette question. Cela m'inquiète parce qu'il est difficile de reformer son personnel et de reprogrammer ses ordinateurs. Nous connaissons peut-être quelques aspects pratiques qui pourraient se révéler utiles dans ce débat.

En ce qui concerne la deuxième partie, j'estime que ce sont les Australiens qui ont lancé le débat en affirmant que l'une de nos quatre principales banques pourrait être achetée par des intérêts étrangers. D'une certaine façon, on pourrait presque faire valoir que c'est plus sain que ce qu'on propose dans le rapport. Si l'une des banques devait être achetée et quelqu'un disait «laissez votre siège social à Toronto et maintenez vos réseaux de succursales», on n'aurait pas à faire face au problème que constituer la perte d'un tiers du système bancaire.

Par contre, il serait très dangereux, en ce qui concerne la politique gouvernementale, de laisser ce pouvoir discrétionnaire au ministre des Finances. Vous savez ce qui se produirait. Quelqu'un lancerait une OPA à un prix très élevé. Bay Street dirait: «On connaît la chanson. Vous ne pouvez pas refuser cette offre. Cela va contre les marchés, contre les entreprises.» Le gouvernement subirait des pressions extraordinaires, et c'est pourquoi nous devons chercher d'autres solutions.

Le sénateur Meighen: À mon avis -- et je crois que d'autres seront d'accord --, même si j'aimerais faire votre travail, je ne crois pas qu'il serait convenable pour moi de le faire, et je ne crois pas posséder les compétences nécessaires. Comme vous l'avez déjà dit, on vous a engagé pour diriger la banque, et on a engagé d'autres directeurs généraux et président du conseil pour diriger des banques. En ma qualité de législateur, je ne crois pas pouvoir remettre en question ce que ces personnes disent sur leur domaine.

J'ai compris que vous êtes en mesure de vous montrer très souple à l'égard de ces questions, à condition qu'on règle de façon satisfaisante les questions liées à la concurrence et qu'on aborde la notion d'entreprise «trop grosse pour échouer». Nous sommes dotés d'un tribunal de la concurrence dont le mandat consiste, que je sache, à aborder ces questions. J'aimerais entendre vos commentaires sur les questions suivantes: Est-ce que vous et les autres êtes déjà trop gros pour échouer, ou estimez-vous que nous allons franchir ce seuil si ces deux fusions sont autorisées?

Ensuite, pourquoi devrais-je, à titre de législateur, dire au directeur général d'une banque s'il devrait conclure une alliance stratégique, une vente, une fusion ou quoi que ce soit d'autre? Il me semble que ce sont les deux grandes questions en ce qui concerne l'intérêt public, mais il y en a peut-être d'autres. Si vous pouviez m'éclairer à l'égard de ces questions, je vous en saurais gré.

M. Godsoe: Je suis tout à faire d'accord avec vous. C'est ce que je dis. C'est une bien belle stratégie, mais les problèmes liés à la politique gouvernementale que vous avez soulevés sont encore là. Quant à la question des entreprises «trop grosses pour échouer», si l'une des cinq banques devait faire faillite, est-ce que les quatre autres, le gouvernement, les compagnies d'assurances et les autres pourraient se la partager, comme on le fait depuis 1920, et régler tout cela sans qu'il n'en coûte un cent aux contribuables? Probablement pas. Les Suisses établissent déjà un groupe distinct dont le mandat consistera à surveiller les deux méga-banques, en raison des problèmes qu'elles pourraient créer.

Je suis d'accord avec vous, les questions liées à la concurrence sont très simples. Avant même de débattre de la perte d'un tiers de son système bancaire, on veut au moins obtenir des informations solides quant aux résultats éventuels, car il s'agit d'une restructuration massive. Le rapport MacKay offre de nombreux conseils quant aux méthodes de gestion, et je suis plutôt d'accord avec ce qu'on propose.

En ma qualité de président, je formule parfois des politiques. Or, on vient parfois me dire «vous vivez à 60 000 pieds d'altitude dans un avion. Vous ne comprenez pas vraiment ce qui se passe dans la succursale», ou «vous ne comprenez pas comment on doit former les gens ou comment votre personnel affecté aux systèmes doit reprogrammer l'ensemble des systèmes afin de tout fonctionne d'un océan à l'autre.» Si je suis à 60 000 pieds, j'ai l'impression qu'un comité qui rédige un rapport doit être à 100 000 pieds. Nous devons rapprocher les deux points de vue et veiller à ce qu'on tienne compte des aspects pratiques et des intérêts de tous. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Le sénateur Meighen: Votre évaluation de nos antécédents quant à l'encouragement des banques de deuxième et de troisième rang au Canada était un peu pessimiste. Dans le cadre de nos voyages à l'étranger, nous avons été frappés par l'existence de ces divers niveaux en Hollande, en Suisse et au Royaume-Uni. J'ai l'impression que ce sont elles qui, au moins, dans une large mesure, s'attachent à la notion d'activité bancaire de base. Elles accordent des prêts aux petites et moyennes entreprises, elles offrent des fonds hypothécaires et elles prêtent de l'argent pour l'achat d'une automobile ou pour la construction d'une petite annexe sur une maison.

Y a-t-il un élément du rapport MacKay qui laisse croire qu'on a trouvé un moyen de favoriser l'établissement d'un deuxième et d'un troisième rang pour faire concurrence aux entreprises principales? On pourrait le faire en permettant aux compagnies d'assurances et aux sociétés qui offrent des fonds communs de placement d'accéder au système de paiement, ou de permettre aux coopératives de crédit d'étendre leurs activités au-delà des frontières provinciales, et cetera. Y a-t-il quelque chose qui vous permettrait de prédire que les choses vont s'améliorer dans ce domaine?

M. Godsoe: En un mot, non. Le sénateur Kenny et vous-même avez soulevé un bon point. Je crois vraiment que c'est un but admirable. Au cours de vos voyages, vous avez constaté que nous sommes presque seuls au monde à ne pas être dotés d'un système secondaire. Cependant, je ne crois pas que nous devons faire fi de nos antécédents. Je crois que nous devons les examiner, tenter de découvrir pourquoi cela ne s'est pas produit et déterminer ce que nous devons faire.

Il est clair qu'on pourrait miser sur les coopératives de crédit. VanCity, en Colombie-Britannique, est un concurrent de taille, il n'y a pas de doute là-dessus. Elle sait où elle s'en va et elle est bien gérée. Devrait-il y en avoir plus comme ça? Pouvons-nous encourager les banques privées?

Nous devons découvrir ce qui n'a pas fonctionné au Canada. Sommes-nous trop dominants, écartons-nous la concurrence en baissant les prix et en profitant de notre taille importante? Je ne sais pas. Comme vous le savez, nous avons tous examiné la question de la taille des banques, et on peut faire valoir que, de nos jours, une banque de cinq ou de dix milliards de dollars peut faire concurrence à une banque de 200 milliards de dollars.

J'aurais aimé qu'on approfondisse un peu les recherches à cet égard. Quand j'ai regardé les documents, je ne pouvais pas trouver une réponse. Je crois que vous posez la bonne question. Je ne critique pas le rapport MacKay, mais nous devons nous assurer que les mesures proposées ont de bonnes chances de réussir avant qu'on y apporte notre soutien financier.

Le sénateur Meighen: Si ces cinq arbres ne font plus qu'un seul arbre, n'est-il pas possible qu'une plus grande part de la lumière du soleil se rende jusqu'au sol de la forêt, permettant à d'autres arbres de s'épanouir?

M. Godsoe: Si les cinq arbres devaient n'en faire qu'un, il y aurait peut-être beaucoup de lumière sur le sol.

Le sénateur Kroft: Comme vous l'avez dit, les détails sont ce qui pose problème. Cependant, ce sont les aspects politiques liés aux grandes questions qui orienteront certaines de ces décisions. J'aimerais en soulever quelques-unes et obtenir vos commentaires.

Je suppose que lorsque les quatre autres banques se réunissent, elles se disent «nous ne sommes pas assez grosses. Nous devons prendre de l'ampleur si nous voulons faire concurrence à l'échelle internationale.» Je sais que ce n'est pas ce que vous dites, mais aidez-nous à comprendre les limites liées à la taille des banques canadiennes. Je vous placerai dans une position où vous devrez défendre cet argument. Par contre, pourquoi n'estimez-vous pas être limité par votre taille? Est-ce que vos clients ou vos actionnaires souffrent du fait que votre banque ne soit pas plus grosse? Je tente de déterminer la validité de cette affirmation.

M. Godsoe: Je crois qu'elles ont une stratégie valide et qu'elles avancent de bons arguments. J'ai travaillé et fait concurrence sur le marché new yorkais. Il était très clair, à l'époque, que nous ne serions jamais aussi gros que Citi ou Chase, nous avons donc adopté une stratégie très ciblée.

Envisageons la situation actuelle au Canada, qu'il s'agisse des banques ou des sociétés de téléphone. On ne peut faire grandir Bell Canada au point de pouvoir faire concurrence aux AT&T de ce monde: si c'est la stratégie qu'on cherche à adopter, je suis très méfiant à l'endroit des chefs de file nationaux.

Si cela se produit dans le cas d'une entreprise commerciale ou industrielle, la société peut faire faillite, et on peut la reconfigurer. Lorsqu'une telle situation concerne une banque, cela fait mal à l'ensemble du pays. C'est ce qui se produit au Japon, et c'est pourquoi j'ai mes doutes à cet égard. Je crois que vous voulez plus que deux chevaux dans une course.

À mon avis, la seule activité vraiment mondiale concerne les marchés financiers. Le marché peut être sain ou ne pas l'être. J'estime que, pour réussir, on doit être à New York ou à Londres, comme les Suisses. Ce n'est pas à partir de Zurich qu'ils dirigent les marchés financiers mondiaux. Je crois qu'au bout du compte, on se retrouvera avec tout au plus cinq à dix joueurs clés. Je ne crois pas nécessairement que le Canada doive en faire partie. On ne considère pas que la Grande-Bretagne en fait partie, mais c'est parce que chacune de ses banques -- toutes bien plus grosses que les banques canadiennes -- ont décidé de ne pas se lancer sur les marchés mondiaux uniquement parce qu'elles pourraient faire plus d'argent. Lloyds n'aime pas ces activités. Hong Kong et Shanghai veulent que seulement 5 p. 100 de leurs revenus mondiaux proviennent de cette source. C'est une décision stratégique.

Les services bancaires au détail sont, comme je l'ai dit, encore locaux, de sorte que si on veut acheter une banque de détail aux États-Unis, on doit être plutôt important. Les banques américaines affichent des ratios cours/bénéfices plus élevés que les nôtres, et on retrouve de très grosses banques là-bas. Ici, la Banque de Nouvelle-Écosse a tendance à prendre une voie, la Banque de Montréal en prend une autre et la Banque TD, une autre aussi. TD est devenu le troisième courtier exécutant d'importance dans le monde, non pas parce qu'elle est grosse, mais bien parce qu'elle est bien gérée et que ses activités sont ciblées. Nous devons choisir notre créneau. Je ne crois pas que c'est la taille qui nous permettra d'affronter le monde. Notre pays n'est pas assez gros. Si on devait regrouper nos banques seulement pour créer un chef de file national pouvant faire concurrence à l'étranger, le prix à payer serait terrible. De point de vue des politiques gouvernementales, j'estime qu'une telle stratégie serait douteuse.

Le sénateur Kroft: Nous mettons l'accent sur les banques. Qu'adviendrait-il des clients des banques? L'industrie et les entreprises canadiennes seraient-elles désavantagées de quelque façon que ce soit par le fait de ne pas être appuyées par des banques canadiennes plus importantes?

M. Godsoe: Je ne crois pas. J'ai entendu des représentants d'une ou de deux banques souhaiter que leur banque soit assez grosse pour réaliser un projet dans un pays donné. De fait, la plupart du temps, nous participons à ces projets grâce à la syndication. La Banque de Nouvelle-Écosse est présente dans 53 pays, de sorte que nous avons un pied à terre à de nombreux endroits, et nous pouvons appuyer de grandes sociétés et des PME. Quatre-vingt-deux pour cent de nos exportations sont destinées aux États-Unis, où nombre de nos entreprises plus modestes s'orientent, et elles savent comment se faire connaître pour réussir.

Dans d'autres pays, on peut recourir aux relations interbancaires, comme le fait la Banque Nationale. C'est une bien belle idée, mais je ne crois pas que ce soit réaliste.

Le sénateur Angus: J'aimerais revenir à la question du sénateur Kroft, à savoir si les Canadiens sont désavantagés par le fait de ne pas avoir de chef de file national. Nous avons posé cette question au Royaume-Uni et en Europe. Prenons l'exemple du secteur minier. Tous les autres pouvoirs clés, comme Chase et J.P. Morgan, sont bons, mais si des intérêts du secteur minier canadien souhaitent se lancer sur ces marchés, ils ne connaissent pas bien le domaine, et c'est très risqué, la situation serait différente s'il y avait un chef de file canadien dans le domaine de l'exploitation minière. C'est l'argument qu'on nous offre. Que pensez-vous de cet argument? Est-il valide?

M. Godsoe: Scotia Makada appartient à la Banque de Nouvelle-Écosse. Nous avons acheté Makada Goldsmith de Standard Charter, l'an dernier. Nous sommes probablement au deuxième rang mondial pour ce qui est du commerce de métaux précieux, et nous sommes parmi les trois premiers en ce qui concerne les métaux de base. Quarante pour cent des émissions sont attribuables à la Bourse de Toronto. Nous retenons tous les services d'ingénieurs des mines. On a trois sociétés canadiennes au Pérou, et trois banques canadiennes qui font partie d'un consortium financier -- constitué de huit banques -- qui mèneront le projet à bien. Incidemment, la Banque de Nouvelle-Écosse a une banque locale au Pérou.

Nous jouons un rôle actif dans le domaine de l'exploitation minière. Nous croyons être des concurrents importants sur le marché mondial. Pendant toute ma carrière, j'ai fait concurrence à Chase et consenti des prêts pour des projets dans divers pays, comme le Chili et le Pérou. Je ne crois pas que cet argument est valide.

Le sénateur Tkachuk: Dans les Prairies, d'où je viens, on est extrêmement préoccupé par la concurrence sur le marché. En raison de l'éparpillement de la population, il est difficile d'assurer la survie de succursales bancaires et d'assurer une concurrence dans les petites localités. Nous avons entendu un certain nombre d'arguments de la part de banques qui souhaitent fusionner. Vous avez mentionné la mondialisation. Vous avez aussi parlé des besoins d'investir dans les nouvelles technologies. Il y a aussi l'argument -- soulevé à maintes reprises -- selon lequel les banques devront se limiter à certains créneaux si on ne leur permet pas de fusionner. Je crois que vous avez utilisé le terme «rétrécissement». Qu'est-ce que cela signifie exactement?

M. Godsoe: J'ai lu cela. Je ne crois pas que cela vise toutes nos banques.

Les banques canadiennes sont universelles. Nos banques ne se contentent pas d'offrir un seul produit. Nous tentons d'utiliser nos diverses bases de produits et nos bases de données pour tenter d'offrir une gamme complète de services à un client. C'est bien plus rentable pour nous de vous vendre deux ou trois produits au lieu d'un seul. C'est dans cette direction que nous nous dirigeons. C'est l'argument qui oppose l'étendue des services et la taille de l'établissement. Cela s'applique aux petites localités. Cela a toujours été notre ordinaire.

Si vous voulez savoir la vérité, une grande partie des fonctions de traitement sont en train de disparaître; on utilise maintenant une carte de débit au lieu d'un chèque. C'est fabuleux. On peut obtenir notre solde par téléphone. Vous ne devinerez jamais! Même ma mère téléphone chaque semaine à sa banque pour obtenir son solde. À l'époque, elle aurait attendu un mois avant de recevoir son relevé de compte. Nous recevons un grand nombre de demandes de consultation du solde du compte, ce qui est extraordinaire, mais cela ne change en rien la relation. Voilà la grande justification.

Voyons les choses en face. Le taux de pénétration étrangère de notre marché bancaire est à peu près le plus bas du monde occidental. Il est de moins de 10 p. 100. Les banques étrangères n'ont pas beaucoup de succès. Notre présence est massive dans notre propre pays. Je crois que vous conviendrez que lorsqu'un seul d'entre nous perd une petite part de marché, notre conseil d'administration commence à nous questionner. Et vous savez quoi? Nous nous retroussons les manches et commençons à livrer une chaude concurrence. Nous cessons de fermer des succursales. Nous essayons d'embaucher un plus grand nombre de spécialistes en commercialisation. Nous avons tous des services de vente flottants que nous voulons développer.

Nous examinons notre part de marché dans chaque province et dans les succursales de chaque province. Notre banque la divise entre 29 régions; nous pouvons ainsi savoir quelle est notre part de marché dans chaque succursale. Êtes-vous en train de perdre le marché au profit de X, Y ou Z? Pourquoi? Pourquoi ne réagissez-vous pas?

Le sénateur Tkachuk: Je crois que si deux banques nationales fusionnent, elles le feront pour économiser de l'argent. Elles couperont les coûts et fermeront des succursales. Pourquoi auriez-vous deux succursales dans une petite ville? C'est une question d'argent. Je n'en suis pas absolument certain, mais j'en ai l'intuition.

L'autre argument que j'entends est le suivant: même s'il n'y a aucune fusion, un grand nombre de succursales fermeront leurs portes à cause de l'électronique et des technologies. Est-ce vraiment ce qui va arriver? Est-ce quelque chose dont nous devrions nous préoccuper? Comment offrirons-nous un service aux postes éloignés? Dans les Prairies, nous vivons tous dans un poste éloigné, à l'exception peut-être de Winnipeg, qui constitue un poste éloigné au Canada. Nous devons faire face à ce problème. Cette situation surviendra-t-elle de toute façon? En serons-nous témoins?

M. Godsoe: Lorsqu'on parle de la mort d'une succursale, cela me fait penser à Mark Twain, qui a déjà affirmé que sa mort avait été grandement surestimée lorsqu'il a lu son article nécrologique dans un journal. La plupart des banques de détail les plus importantes du monde, comme la Lloyds, seraient d'accord avec ce commentaire. Devrons-nous rationaliser? Avons-nous recours à la technologie pour réduire nos coûts? La Banque de Nouvelle-Écosse peut-elle augmenter de 10 p. 100 son efficacité au cours des deux, trois ou quatre prochaines années sans fusion? Bien entendu. Nous sommes payés pour cela. Cependant, nous effectuons la plupart de nos nouvelles ventes grâce à nos succursales, et entretenons avec elles la plupart des meilleures relations. Les deux tiers de nos clients nous perçoivent toujours comme une succursale. Évidemment, 80 p. 100 ou 85 p. 100 des transactions sont effectuées par voie électronique, mais il ne s'agit que de transactions.

Vous constaterez que les États-Unis ont ajouté de nouvelles succursales. Nous avons des stratégies différentes. Une banque a fermé 260 succursales au cours des cinq dernières années. Les deux banques les plus petites, la TD et la Scotia, n'en ont à peu près pas fermé. Quant à nous, nous n'avons fermé que quelques succursales. Nous procéderons de manière différente. Je crois que les coopératives de crédit entreront dans l'arène. À mon avis, nous observerons un grand nombre de succursales dans 10 ou 20 ans.

Le sénateur Tkachuk: En ce qui concerne la concurrence et l'arrivée de nouveaux intervenants dans le commerce bancaire, nous avons rendu visite aux américains de la Federal Reserve. Je crois que les étrangers hésitent à venir au Canada parce qu'ils croient que le commerce bancaire est local. Vous l'avez dit, et je crois que c'est vrai. Même si nous répugnons à affirmer que nous avons une identité nationale particulière, on ne peut le nier. Nous sommes les seuls à comprendre cela.

L'une des questions dont nous avons discuté est le système de banque à succursales. En d'autres mots, la Minot State Bank peut ressembler beaucoup à la succursale d'Estevan, de Regina ou d'Esterhazy. Le gestionnaire de la Banque de Nouvelle-Écosse qui travaille à Esterhazy pourrait facilement être muté à Minot pour y diriger une succursale. Corrigez-moi si je me trompe, mais je me suis informé sur la façon dont cela pourrait se faire, et on m'a répondu ce qui suit: par traité. Si nous avions un traité, nous pourrions le faire. Je crois que nous pourrions effectivement le faire, et ce type aussi. Je vous demande si vous croyez que cela serait possible.

M. Godsoe: C'est un peu plus difficile, en raison des différentes lois sur les consommateurs et des diverses monnaies, qui créent des obstacles à l'entrée.

La Californie a subi deux importantes fusions de banques, et cinq ans plus tard, les parts de marché sont toujours là. Pourquoi les banques du Nouveau-Mexique et d'autres banques ne pénètrent-elles pas le marché en utilisant la même monnaie?

La plupart de nous avons suivi un chemin différent. Nous avions une succursale à Seattle, et une autre à Portland. Nous avons constaté qu'elles étaient très difficiles à gérer en tant que postes éloignés de notre succursale de Colombie-Britannique.

Il est intéressant d'observer, sénateur, que nous sommes parvenus à Winnipeg à partir de Minneapolis et de Chicago. Au tournant du siècle, des chemins de fer traversaient la frontière, et nous voyagions encore en canot. Voilà comment la Banque de Nouvelle-Écosse s'est installée dans le Midwest, mais cette méthode ne peut être transférée. Je crois qu'il y a de gros, très gros obstacles qui nous empêchent de pénétrer dans les services bancaires de détail.

Le sénateur Tkachuk: Cela soulève une préoccupation.

M. Godsoe: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Peu importe le nombre de discussions à propos de l'arrivée d'autres intervenants dans notre système bancaire et de la concurrence, cela n'a pas fonctionné. Je crois qu'il s'agira d'un processus vraiment difficile. Ne devons dépendre de notre propre industrie ici au Canada.

M. Godsoe: Je suis tout à fait d'accord.

Le sénateur Stewart: J'ai deux questions passablement différentes. Les sénateurs Joyal et Kroft ont soulevé des questions à propos de la nature de la concurrence que doivent livrer les banques canadiennes à l'extérieur du pays. Vous êtes seul contre quatre. Pourquoi les autres sont-ils si totalement dans l'erreur? Il y a un point à considérer: ils croient que nous devrions avoir des chefs de file nationaux. De plus, à leur avis, la concurrence des établissements financiers américains de quelque type que ce soit présente une menace pour le système bancaire canadien.

Je me demandais s'il n'y a pas quelque chose en toile de fond. Vous dites que, maintenant, vous ne faites pas partie du jeu. Rappelez-vous de l'époque où vous partagiez l'opinion des quatre autres sur la question des fusions. Faisiez-vous alors partie du jeu?

La nature des activités de votre banque était-elle si différente de celle des quatre autres pour que vous vous distinguiez à ce point? J'ai l'impression que la Banque de Nouvelle-Écosse est installée depuis très longtemps dans des pays étrangers. Je me demande simplement si les autres sont toujours captivés par l'allure de tous ces pays qui utilisent le dollar américain?

M. Godsoe: Nous avons tous été présents dans les pays étrangers. La Banque de Nouvelle-Écosse avait une succursale en Jamaïque avant d'en avoir une à Toronto. La Royale, qui a également débuté à Halifax, et la Banque de Nouvelle-Écosse étaient toutes deux présentes à Cuba avant la fin du siècle. La Royale exerçait d'importantes activités en Argentine. Nous avons pris des chemins différents. La Banque de Nouvelle-Écosse continue son expansion. Nous sommes à mi-chemin, mais notre stratégie est semblable à celle de la Hongkong et de la Shanghai. Nous tentons d'exercer des activités bancaires dans des pays moins développés à forte croissance. D'aucuns disent n'être qu'une banque nord-américaine. Je ne sais pas. C'est bien comme ça. D'autres banques sont techniques, comme la TD. Trois d'entre nous exercent d'importantes activités à New York. La Banque de Commerce, la TD et nous avons tendance à brasser de plus grosses affaires à New York que la Royale. Nous avons toutes pris des chemins différents, sénateur Stewart.

Le sénateur Stewart: Pourquoi n'avez-vous pas obtenu une proposition de fusion? Et si vous en avez reçu une, pourquoi l'avez-vous refusée?

M. Godsoe: Nous examinons cette possibilité depuis cinq ans, sénateur. Nous avons toujours cru qu'une fusion ne serait pas très populaire du point de vue politique, ce que nous avons souligné dans notre lettre adressée à Harold MacKay. Les spécialistes des services de banque d'investissement exhibent des livres portant sur la concentration des systèmes bancaires, en les utilisant pour tenter d'obtenir certaines fusions. Il y a longtemps, ils affirmaient que cela ne se produirait pas au Canada. Ils prétendaient que cela n'arriverait plus en Hollande, et que la Scandinavie échapperait à cette tendance. Ils possèdent des livres qui montrent que nous sommes en tête. Je dois vous dire que notre banque, loin de faire cavalier seul, reçoit aujourd'hui la visite de ces spécialistes parce qu'ils considèrent que nous faisons preuve d'une certaine souplesse.

Cependant, là n'est pas la question. Je crois que la question est celle du Canada et de la concentration. Je crains profondément que nous ne nous dirigions vers la reréglementation. Il est stupéfiant d'observer, sénateur, que nos parts de marché relatives à ces produits bancaires clés n'ont pas changé depuis 40 ans. La Royale est en tête de liste, suivie par la Banque de Commerce, la Banque de Montréal, la Banque de Nouvelle-Écosse et la TD. On pourrait dire que certaines d'entre elles ont fait preuve d'un brillant leadership. Je ne comprends pas. Cela n'a pas bougé. C'est très difficile à modifier.

Je crains que les parts de marché resteront les mêmes et que le gouvernement réagira en procédant à une reréglementation. C'est dangereux.

Le sénateur Stewart: Ce n'est pas la capacité de livrer une concurrence internationale, ou quelque chose comme ça, qui vous préoccupe?

M. Godsoe: On parle ici du Canada. Ces fusions sont effectuées au Canada par des banques canadiennes.

Le sénateur Stewart: Vous rejetez donc également l'argument formulé par les autres banques, selon lequel la pénétration par les banques américaines de certains établissements financiers présente un très sérieux danger pour les établissements financiers dont les propriétaires sont canadiens.

M. Godsoe: Je ne suis pas le seul de cet avis. Vous avez entendu Léon Courville, de la Banque Nationale, et après moi, vous écouterez les propos d'Ed Clark, de Canada Trust. Je crains davantage le Canada Trust et la Banque Nationale à titre de principaux concurrents, ainsi que les cinq autres banques. Je ne passe pas des nuits blanches à me préoccuper de la MBNA. Si vous examinez les rapports stratégiques des banques, vous constaterez que nous nous observions les unes les autres, ainsi que nos parts de marché, jusqu'à assez récemment.

Le sénateur Stewart: Vous rejetez donc leurs arguments.

M. Godsoe: Je crois qu'elles nous forceront à nous améliorer dans certains secteurs, comme la gestion des fortunes et les cartes de crédit.

Le sénateur Stewart: J'ai un autre type de question. Vous avez mentionné qu'au cours de la rédaction du rapport MacKay, on semblait vouloir plaire à tout le monde. Je crois qu'il s'agit là d'une citation.

Monsieur le président, vous vous rappellerez que, plus tôt, j'ai soulevé une question à propos de la section sur la reddition de comptes aux collectivités du rapport MacKay, qui débute à la page 168.

J'ai déjà qualifié cela de fanfaronnade obligatoire annuelle. Les banques locales décrivent toutes leurs activités philanthropiques. Elles investissent dans le développement communautaire. Elles soutiennent des activités communautaires comme les Jeux des Highlands, à Antigonish. Les employés participent à ces services communautaires.

Je ne suis toujours pas convaincu. Je maintiens toujours ce que j'ai dit. Il s'agit de maquillage ou d'enrobage obligatoire visant à justifier la tendance à la concentration. Je crois que cela ne fonctionnera pas. Je veux votre opinion. Qui paiera pour la participation des employés au service communautaire? Les gestionnaires locaux ne demanderont-ils pas à leurs employés d'y consacrer six heures par semaine s'ils veulent conserver leur emploi? Qui paiera ces six heures? Qui paiera les activités philanthropiques? Les clients de vos banques?

M. Godsoe: Toujours. Nous sommes une société dont les propriétaires sont des actionnaires. Moi aussi, je l'ai lu, sénateur, et à part les jeux des Highlands à Antigonish, qui obtiendront sans aucun un soutien, je ne suis pas certain. Je crois que nous devons effectuer d'autres études.

Quelle était l'intention du comité MacKay? Est-ce qu'on nous demande de redistribuer l'argent qui nous vient des hôpitaux, de la recherche et des universités ou collectivités? Je ne sais pas.

Je traite nos propres employés comme des personnes. Je les encourage à s'engager dans leur collectivité, en politique ou même dans des activités philanthropiques, mais ces personnes travaillent pour la banque. On ne peut leur ordonner de soutenir quelque chose ou leur dicter comment le faire. J'avais un grand nombre de questions à ce sujet. Quelle était l'intention du comité? Est-ce que je le considérais comme un contrepoids aux fusions? Pas particulièrement. Je crois qu'il a envisagé les fusions comme une option. Je ne crois pas que le document de recherche sur les fusions favorisait vraiment ces dernières.

Le sénateur Stewart: Je n'ai pas utilisé le mot fusion, j'ai parlé de concentration.

M. Godsoe: Je l'ai perçu comme une impression selon laquelle les banques sont de moins en moins populaires auprès du public, ce qui est clair. Nous l'avons constaté au fil des ans. Cette situation n'est pas unique au Canada. Dans l'estime populaire, nous devançons les employés de la fourrière et les politiciens, mais de bien peu. Je considérais que le comité pourrait peut-être nous aider à mieux communiquer avec nos collectivités. Cependant, je ne suis pas certain qu'il s'est révélé très pratique. S'il visait surtout à souligner tout l'argent que nous avons distribué et à dorer notre image, il n'a pas fait un travail très approfondi et ne s'est pas révélé très utile. Je suis certain que le comité avait de bonnes intentions et certaines justifications fondées. Je ne les ai pas comprises entièrement.

Le sénateur Callbeck: J'ai lu moi aussi cet exposé sur l'accès communautaire. La recommandation est très générale, mais je suis d'accord avec l'idée d'une déclaration qui contiendrait des informations clés nous permettant de comparer les institutions entre elles. Par exemple, à la fin de l'année, j'aimerais savoir le montant que chaque institution a investi à l'Île-du-Prince-Édouard, particulièrement dans les petites entreprises. J'aimerais que ce montant soit ventilé de façon à ce que je puisse savoir combien d'argent a été investi dans le tourisme de la province.

J'aimerais également connaître le montant des dons versés à ma province. Un grand nombre de dollars sortent de la province sous forme de profits bancaires. J'aimerais savoir combien d'argent est réinvesti dans l'Île. Je trouve que cette recommandation est très générale. Croyez-vous que si cette recommandation était mise en oeuvre, elle devrait constituer une approche normalisée permettant de comparer une institution avec une autre? Qui devrait l'élaborer? L'organisme de réglementation? Une fois qu'elle serait élaborée, qui devrait la commercialiser?

M. Godsoe: J'ai deux préoccupations à cet égard. Je constate que, à titre d'ex-première ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, vous aimeriez savoir ce qui se passe dans cette province. Il y a un grand nombre de comités. Il est prévu que, chaque année, le directeur principal, ou qui que ce soit d'autre, doit se présenter devant un comité avec toutes sortes de données à propos d'une question ou d'une autre. Selon mon expérience, cela ne change pas grand-chose; quelqu'un finit toujours par affirmer que les frais de service sont trop élevés. Quelqu'un d'autre répond: c'est peut-être le cas. Nous devrions en discuter. Vous n'avez pas déployé assez d'efforts. Vous dites alors: je ne suis pas certain. Est-ce que c'est censé être cela? Est-ce que cela engendre un réel changement? Que tentons-nous de faire? Que tentons-nous d'accomplir?

Pendant de nombreuses années, notre pays était fondé sur un certain type d'universalité. L'un des aspects de cette universalité consistait en un système bancaire national dont les taux d'hypothèques étaient les mêmes à l'Île-du-Prince-Édouard, à Yellowknife et au centre-ville de Montréal. C'est ce que nous avons fait. Ce n'est pas le cas des Américains. Leur système établit les prix de façon tout à fait différente. Nous avons un système qui nous permet de déposer de l'argent à Vancouver et d'en retirer le même jour à l'Île-du-Prince-Édouard. Les Américains n'ont pas ce privilège, pas plus que la plupart des autres pays.

Nous devons faire très attention à ne pas commencer une segmentation. On a naturellement tendance à affirmer: nous n'avions que trois succursales à cet endroit. C'est tout ce que nous devons à cette collectivité. Voilà ce que j'affirme. J'aimerais en savoir beaucoup plus sur ce qu'on essaie d'accomplir, parce que je trouve aussi que la recommandation est très générale.

Le sénateur Callbeck: Vous devez être convaincu de son utilité?

M. Godsoe: Je crois que c'est ce que nous voulons tous. Si cela engendre un meilleur système, de meilleures collectivités et une meilleure concurrence, c'est excellent. Assurons-nous seulement que nous comprenons ce dont il s'agit. Nous n'avons pas discuté avec le comité MacKay de nos intentions, de la façon dont, à notre avis, la mise en oeuvre devrait être effectuée et des résultats que nous espérons. C'est tout.

Le sénateur Callbeck: J'aimerais vous poser une question à propos de l'accès des Canadiens à faible revenu aux services bancaires. En examinant le rapport du groupe de travail, on constate que les statistiques révèlent qu'il y a un problème. On y trouve des recommandations à cet égard. En février 1997, les banques et le gouvernement fédéral ont reconnu ce problème et établi des politiques ou des procédures pour tenter de le régler. Si je comprends bien, cette approche n'a pas fonctionné. Quelles sont les mesures que la Banque de Nouvelle-Écosse a prises et celles que vous avez l'intention de prendre?

M. Godsoe: Je crois que le rapport était équitable. Cela n'a pas fonctionné aussi bien que prévu, parce qu'on trouve toujours des clients mystères et que les gens éprouvent encore des difficultés d'accès. Le concept d'inscription électronique au crédit des comptes est très important, mais je ne crois pas qu'il sera réalisé avant que nous ayons réglé les problèmes de l'an 2000, tant au gouvernement que dans les banques.

Le concept d'un compte qui est abordable, mais non discriminatoire, est important. En d'autres mots, parce que quelqu'un veut tel type de compte, il ne devrait pas avoir l'impression que seule une personne pauvre peut l'obtenir. Cela signifie qu'il est important d'avoir accès à des liquidités grâce à une carte de débit. Nous avons un modèle remarquablement similaire à celui qu'on trouvait dans l'État de New York, mais, pour des raisons de compétition, nous ne pouvons communiquer tous ensemble. Nous devons encourager davantage les gens à venir dans nos banques.

J'ai une enfant qui a travaillé pendant un an dans la région avec des enfants de la rue. Sa première tâche consistait à leur enseigner la façon d'utiliser une banque afin qu'ils se sentent à l'aise dans ce type d'établissement. Ils se sentaient très mal à l'aise dans une banque. Nous savons, grâce à l'expérience d'autres pays, qu'il s'agit d'un obstacle énorme. Les pauvres ne se sentent pas à l'aise dans les banques. Ils ne savent pas à qui s'adresser, ni ce qu'ils doivent faire. On a formulé de bonnes suggestions. Ce que je n'ai pas aimé, c'est le ton sur lequel on nous les a transmis: «Réglez ce problème maintenant en légiférant». Ce n'est pas si simple. Collaborons ensemble pour régler ce problème, parce que nous disposons de tous les outils nécessaires et que nous devrions mieux les utiliser.

Le sénateur Callbeck: Ma dernière question porte sur les ventes liées. Durant les audiences, nous avons entendu un grand nombre de préoccupations à propos des ventes liées effectuées par les banques. Dans ce rapport, on fait référence à une étude qui révèle que 16 p. 100 des gens interrogés avaient l'impression qu'ils en avaient déjà fait l'objet. L'ombudsman du secteur bancaire n'a reçu qu'une plainte en trois ans. Vous avez mentionné aujourd'hui que, l'année dernière, votre banque avait reçu deux plaintes, mais qu'elles n'étaient pas fondées.

Comment expliquez-vous cela? Les chiffres de cette étude sont-ils incorrects? Croyez-vous que les gens ne se plaignent pas? Quel est le problème?

M. Godsoe: Je n'ai pas vu cette étude et je ne l'ai pas lue. La question est la suivante: si la banque vous accorde un prêt, devriez-vous examiner un autre produit? Ces gens sont formés pour vendre d'autres produits. Il est absolument interdit d'effectuer des ventes liées. Le crédit est au coeur de cette question. Je n'aime pas demander un prêt. Il est de loin préférable d'arriver les poches pleines et de demander un investissement. La perception ne me surprend pas. En réalité, peu de ces choses ont été prouvées. Nous ne pouvons trouver aucune preuve empirique pour corroborer cette affirmation. Devons-nous améliorer nos communications? Comme les ventes liées ont fait l'objet d'une grande controverse plus tôt l'année dernière, je ne suis pas surpris par le fait que le Canadien moyen a l'impression qu'il s'agit d'un problème; nous ne pouvons tout simplement pas le prouver. Cela n'a aucune importance, parce que nous avons maintenant une loi à cet égard, que nous nous engageons à respecter. Je ne crois pas que cela modifiera d'un iota la façon dont la Banque de Nouvelle-Écosse exerce ses activités. Tous nos employés sont formés. Ils sont tous munis de brochures, et nous sommes absolument certains qu'ils savent que les ventes liées sont absolument interdites.

Le sénateur Callbeck: Croyez-vous que la loi qui a été promulguée il y a quelques semaines est assez stricte? L'association des consommateurs croit qu'elle devrait être renforcée.

M. Godsoe: Je crois qu'elle est suffisamment stricte. Les lois ont tendance à être des instruments plutôt rudimentaires. Dans 10 ans, la loi sera la même, attendu que nous préférons fonctionner de cette manière. Nous pourrions alors la corriger, si cela n'a pas déjà été fait.

Le président: Merci beaucoup d'être venu ici aujourd'hui. Je constate que nous sommes allés bien au-delà de l'heure à laquelle nous avions dit que vous pourriez partir, mais mes collègues avaient un certain nombre de questions qu'ils voulaient vous voir aborder. Merci d'être venu nous voir cet après-midi.

Sénateurs, notre prochain témoin est M. Ed Clark, président et chef de la direction de Canada Trust. Si je ne me trompe, monsieur Clark, c'est la première fois que vous venez témoigner devant notre comité. Nous sommes ravis de vous avoir avec nous.

Nous avons eu l'occasion de lire votre déclaration liminaire. Comme les membres de notre comité veulent vous poser quelques questions, si vous pouviez limiter votre déclaration liminaire aux points principaux de votre mémoire sans le lire entièrement, nous vous en saurions gré.

M. Ed Clark, directeur général, Canada Trust: Mme Greta Wemekamp m'accompagne aujourd'hui. Elle est responsable de nos relations avec les gouvernements, et elle en sait beaucoup plus à ce sujet que moi-même.

Notre mémoire comporte un bref portrait de Canada Trust, parce que nous sommes souvent le joueur oublié. J'ai pensé que j'essaierais de vous donner des renseignements précis sur nous. Essentiellement, nous sommes une banque de taille moyenne qui, selon moi, s'en est tirée raisonnablement bien au cours des dernières années et qui représente la principale solution de rechange au système bancaire canadien.

Nous aimerions formuler quelques commentaires au sujet du rapport MacKay. Un commentaire général porte sur le penchant du rapport pour la réglementation. Nous craignons que, hormis le rapport MacKay proprement dit, la réaction probable du gouvernement à la fusion soit une réaction à la surconcentration qui prenne la forme d'une surréglementation visant à protéger le consommateur.

Nous sommes persuadés que l'histoire nous a enseigné que c'est la concurrence, et non pas la réglementation, qui empêche les prix d'augmenter et qui donne des choix aux consommateurs. Nous ne devrions jamais oublier que la réglementation favorise fondamentalement la grande entreprise au détriment de la petite. La réglementation nuit à la concurrence parce qu'elle a en définitive pour effet de nuire au petit joueur qui vient concurrencer le gros joueur. À long terme, selon moi, cela a des effets défavorables, et non favorables, pour le consommateur.

Nous craignons fort que toute cette discussion ne débouche encore une fois sur un lourd fardeau de réglementation, qui empêchera Canada Trust d'être la solution de rechange aux banques, soit le résultat tout à fait opposé à ce que les gens tentent de faire.

En ce qui concerne les règles de propriété, nous constatons que les auteurs du rapport MacKay affirment, en général, qu'ils aimeraient que ces organisations aient de multiples propriétaires tout en fixant des catégories différentes. Si vous êtes un joueur de grande envergure qui est là depuis longtemps, alors le capital-actions devrait être réparti. Puis, les auteurs du rapport s'arrêtent et disent: «Mais dans le cas de deux des principaux joueurs qui procurent justement la concurrence et l'innovation au marché le capital-actions n'est pas réparti. Que devons-nous faire?»

Le président: Vous-même, Power Corporation et la Great-West.

M. Clark: La Great-West est chapeautée par Power Corporation.

Par conséquent, ils bénéficient de droits acquis. L'expérience montre qu'il est tout à fait problématique de légiférer là-dessus. Lorsque vous tentez d'avoir une loi générale qui empêche de nouveaux intervenants qui ne sont pas à propriété multiple d'entrer sur le marché, mais qui accorde en même temps des droits acquis à d'autres, les détails posent énormément de problèmes, comme l'a souligné l'intervenant précédent. Au bout du compte, vous n'établissez pas, au sujet des règles de propriété, une certitude qui permettrait aux acteurs de poursuivre leur travail.

Chacun le sait, les investisseurs n'aiment pas l'incertitude. S'il y a incertitude, ils quittent le marché. Nous craignons que nous n'obtiendrons pas le genre de droits acquis qui permettrait à Canada Trust et à Power de poursuivre dans la même veine.

Manifestement, le domaine de l'assurance est sujet à controverse, et nous estimons que le rapport MacKay semble avoir débouché sur une idée raisonnable. Je peux comprendre pourquoi la Banque Nationale estime, compte tenu du marché dans lequel elle évolue, qu'il s'agit d'un domaine très important, parce que, essentiellement, son principal concurrent peut vendre de l'assurance en succursale. De même, nous sommes la seule institution financière non bancaire majeure à ne pas pouvoir accéder à sa clientèle. Si nous pouvions nous soustraire à la compétence fédérale, nous pourrions le faire. On semble nous imposer un traitement inhabituel.

Nous pensons qu'il est raisonnable de dire: «Eh bien, voici deux institutions. Pourquoi ne pas leur laisser le soin d'évaluer les répercussions sur le consommateur et sur l'industrie et de voir si cela fonctionne et s'il convient vraiment d'imposer des règles quant à la vente liée?»

Comme j'ai présumé qu'on me poserait des questions sur la fusion des banques, je me suis dit que j'allais consigner ma réponse par écrit. Si cela ne vous dérange pas, je vous lirai quelques extraits de mon texte, parce que nous abordons maintenant des questions où les gens semblent avoir besoin d'être très précis.

Nous aimons l'orientation du rapport MacKay, qui mentionne qu'il faut en définitive protéger le consommateur de services bancaires de détail. Et par là, je veux dire celui qui reçoit les services bancaires de détail et les services bancaires offerts aux petites entreprises. C'est ce que vise l'organisation de Canada Trust. Nous sommes une institution financière qui se concentre exclusivement sur les services bancaires aux particuliers et aux petites entreprises. En fait, nous sommes réellement préoccupés par la fusion des banques.

Finirons-nous avec un régime qui préserve le choix et la concurrence? Notre opinion diffère parfois de celle de certaines personnes, parce que nous croyons que les forces de la fusion marquent de façon certaine notre industrie. Nous croyons qu'une certaine fusion est probablement inévitable au Canada et qu'elle répond probablement à l'intérêt public dans la mesure où nous voulons préserver la solidité des institutions canadiennes.

Nous avons adopté une position selon laquelle nous n'avons pas d'objection, en principe, à ce que des entreprises canadiennes suivent cette tendance, à condition toutefois -- et cette réserve est importante -- que les fusions ne réduisent pas indûment la concurrence sur le marché national.

Nous pensons que certaines conditions s'imposent pour, d'une part, permettre aux parties aux projets de fusion de poursuivre leurs stratégies et, d'autre part, assurer un niveau de concurrence et un choix raisonnables au Canada.

Le rapport MacKay s'attache au contexte concurrentiel. Il cherche à favoriser les coopératives de crédit et les caisses populaires, de même que les petits établissements, qui sont manifestement une source de concurrence pour les banques dans certaines régions, notamment au Québec et dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique. Avec le temps, ces établissements pourraient devenir de sérieux concurrents pour les banques. Mais on ne peut encore présumer de rien considérant la taille de ces établissements et l'éventail limité de leurs produits, et compte tenu aussi de leur structure qui ne leur permet pas encore de relever un tel défi.

En tant qu'établissement non bancaire, nous leur souhaitons de réussir. Nous pensons en même temps qu'il serait malavisé pour nos décideurs de penser qu'à court terme ces établissements pourront offrir une concurrence solide aux banques dans toutes les régions.

Le rapport mise aussi beaucoup sur les banques étrangères pour assurer l'équilibre concurrentiel sur le marché national. Nous ne pensons pas qu'elles menacent véritablement le coeur des services bancaires aux particuliers, c'est-à-dire le marché des comptes à vue où la prédominance des banques est la plus marquée.

Les gens qui ont travaillé à la Loi sur les banques de 1980 ont constamment affirmé que, si nous ouvrions le système, les investisseurs étrangers allaient venir. Or ce n'est toujours pas le cas, et il semble de plus en plus évident que leur degré d'engagement et de continuité devra être pris en considération dans les décisions de politique publique fondamentale quant à la structure de notre secteur national des services financiers.

À l'exception de la Banque Hongkong du Canada, aucune banque étrangère ne s'est encore vraiment taillé une place sur le marché canadien des services aux particuliers. La véritable présence des concurrents étrangers se fera sentir dans certains secteurs de produits comme les cartes de crédit, les fonds communs de placement et certains services à la petite entreprise.

MBNA, Capital One, Wells Fargo, ING et d'autres ciblent des produits distincts par du publipostage et de la prospection par téléphone. Aucune de ces entreprises n'a toutefois démontré une volonté de s'établir au Canada en se dotant d'un réseau de succursales.

On ne saurait pourtant nier l'importance des succursales. D'ailleurs, à cet égard, nous réfutons l'hypothèse de certains commentateurs selon laquelle l'électronique et les autres canaux de distribution tendraient à faire disparaître les succursales. Notre expérience nous indique le contraire, et nous sommes bien placés pour en juger. En effet, toutes proportions gardées, le nombre de clients des services bancaires par Internet de Canada Trust est supérieur à celui de beaucoup de banques. Par notre stratégie, nous nous sommes efforcés de voir à quel point nous pourrions promouvoir ces services, ce qui nous permettrait de savoir si les succursales sont importantes ou non. Nous avons vu qu'elles le sont.

Essentiellement, c'est à partir des succursales que les banques attirent de nouveaux clients. Selon notre expérience, les services bancaires électroniques servent de complément aux opérations en succursales. À ce sujet, il est intéressant de noter que le client de nos services bancaires électroniques utilise davantage notre réseau de succursales que notre client moyen.

Les parties aux projets de fusion confirment que la concurrence étrangère est réelle et importante. Elle l'est en effet, et Canada Trust prend la chose très au sérieux. Mais en même temps, on ne saurait prétendre que cette concurrence étrangère s'exerce déjà ou qu'elle sera bientôt appréciable et permanente au point de nous obliger à prendre des décisions de politique publique à cet égard.

Compte tenu de tous ces facteurs, nous pensons que la meilleure façon pour les décideurs d'évaluer l'impact des fusions proposées est d'observer les participants actuels et, en particulier, ceux qui en raison de leur expérience sur le plan de l'exploitation, de leurs assises financières et de leur potentiel de synergie sont susceptibles d'exercer une concurrence efficace à l'échelle nationale.

Voyons maintenant, selon le cadre que nous proposons, à quelles conditions les fusions pourraient être approuvées. Les méga-banques élimineraient deux concurrents nationaux. Or, les deux devancent largement leurs autres concurrents au chapitre de la taille, à l'exception de la Banque de Nouvelle-Écosse.

Aussi, dans le cas où un consommateur décidait de rompre ses liens avec une succursale d'une méga-banque soit parce qu'on lui a refusé un prêt, soit parce qu'il est insatisfait, nous pensons qu'il ne devrait pas être pénalisé pour un choix trop limité en raison du nombre restreint d'établissements financiers nationaux. Donc, dans la mesure du possible, la politique publique devrait chercher à remplacer les concurrents ainsi éliminés, compte tenu de leur importance dans le contexte concurrentiel actuel.

Nous pensons aussi que les établissements non touchés par les fusions devraient être de taille comparable, toujours dans la mesure du possible.

Une fois connus les participants et l'objectif de la politique, comment le gouvernement peut-il respecter cet objectif dans l'éventualité où les fusions se réalisent? Nous pensons que l'une des conditions est que les banques fusionnées acceptent de renoncer à une proportion considérable de leurs clients et des éléments d'actif et de passif qui y sont associés pour éviter que certains d'entre eux n'exercent une dominance indue sur le marché pour n'importe lequel de leurs principaux produits. Ces éléments d'actif comprennent l'ensemble des services bancaires aux particuliers, et non pas seulement certains produits ou certaines installations matérielles, les cartes de crédit et les services de courtage dans des marchés locaux et nationaux bien définis.

Des doutes ont été soulevés quant à l'efficacité de tels dessaisissements. Les clients y consentiront-ils? Seront-ils intégrés par l'acquéreur ou, au contraire, tentés de revenir à leur ancienne banque? Bien que cette technique soit largement utilisée aux États-Unis depuis un certain temps déjà, personne ne peut prédire comment elle fonctionnera au Canada.

Nous avons étudié cette question et serions disposés à participer en tant qu'acquéreur, selon certaines conditions qui à notre avis permettraient d'atténuer ces préoccupations tout à fait légitimes. D'autres pourraient certainement être intéressés aussi.

Mais exactement quelle part de marché serait jugée acceptable pour les banques fusionnées dans un marché parfaitement concurrentiel? D'après le Bureau de la concurrence, elle devrait se situer entre 35 p. 100 et 65 p. 100. Ces limites sont évidemment arbitraires, et le Bureau de la concurrence pourrait déterminer s'il convient de les relever ou de les abaisser pour les marchés locaux. De fait, un document préparé pour le groupe de travail MacKay laisse entendre que le Bureau de la concurrence impose aux banques fusionnées un plafond de 25 p. 100 dans certains marchés, comme on l'avait fait dans le cas de la fusion entre la Compagnie pétrolière Impériale et Texaco.

Maintenant, en supposant que ces dessaisissements soient réalisables d'un point de vue commercial, comment faudrait-il procéder pour réduire l'impact des fusions sur la concurrence et sur le choix des consommateurs? Nous pensons que les dessaisissements devraient être considérables et non seulement limiter la part de marché accordée aux parties aux projets de fusion, mais tenir compte également de la taille et de l'envergure de l'acheteur, après la transaction.

L'objectif de politique publique poursuivi ne sera atteint que dans la mesure où la taille et l'envergure de l'acheteur après la transaction lui permettent d'exercer une concurrence efficace et d'offrir un choix aux consommateurs et aux petites entreprises.

Si le gouvernement craint une concentration excessive à la suite des fusions, il devrait chercher une solution structurelle (par exemple les dessaisissements) au lieu d'essayer de réglementer les prix et les autres conditions dans lesquelles nous exerçons nos activités, et ce faisant d'imposer des coûts à l'ensemble des établissements concurrents.

Nous comprenons et appuyons la volonté de protéger le consommateur, mais on ne peut nous demander de réduire ou de geler les prix si nous ne pouvons nous aussi tirer certains avantages des fusions. La seule façon d'abaisser les prix est d'assurer une concurrence efficace.

Plus on imposera de conditions dans le cadre du processus d'approbation de la fusion, plus les nouveaux partenaires seront incités à se dessaisir de certains éléments d'actif pour rendre les règles du jeu plus équitables. Il faut arriver à un équilibre entre les sociétés regroupées et celles qui ne le sont pas pour éviter une nette dominance des banques fusionnées sur le marché. Toutefois, si le gouvernement souhaite imposer des conditions comme des garanties d'emploi, des exigences de réinvestissement dans la collectivité ou encore des garanties en matière de prêts à la petite entreprise, nous pensons que ces conditions devraient viser uniquement les sociétés fusionnées et non l'ensemble du secteur. Il faut faire une distinction entre les conditions et la politique générale.

Bref, le rapport MacKay est bien documenté et bien rédigé. Toutefois, certains aspects nous préoccupent. Entre autres, nous craignons une concentration excessive, dont on tenterait ensuite d'atténuer les effets par une surréglementation. Nous avons proposé des solutions de rechange qui permettraient à la vague de regroupements de se poursuivre, tout en soutenant un marché bancaire sain et concurrentiel et en répondant au but du rapport MacKay, à savoir créer un climat concurrentiel et des choix dont bénéficieront les consommateurs.

Le sénateur Kroft: Soyez le bienvenu, monsieur Clark. Dans un premier temps, j'ai du mal à comprendre qui vous êtes. Je n'arrive pas à déterminer si vous êtes un anachronisme qui, d'une façon ou d'une autre, continue de se manifester ou encore une vision de l'avenir. Je fais référence à la personne morale totale que vous représentez. Certains de vos propos s'y rapportent.

Je suis intéressé de constater que vous êtes ici, tout comme la personne qui vous a précédé dans ce fauteuil, sans crainte vis-à-vis de la concurrence étrangère. Voilà qui ne semble pas faire partie de votre réflexion.

J'aimerais attirer votre attention sur certains aspects qui, à mon avis, sont uniques. Quant à savoir qui vous êtes, vous dites être, à la page 2, la seule banque axée exclusivement sur le détail au Canada; puis, à la page 5, vous vous décrivez comme une non-banque. J'essaie de comprendre qui vous êtes vraiment. Votre réalité est-elle celle de la page 2 ou encore celle de la page 5?

M. Clark: La loi ne nous autorise pas à nous décrire comme une banque. La Loi sur les banques l'interdit. Au lieu de la personne ordinaire, nous sommes de toute évidence une banque de détail, mais, aux yeux de l'avocat, nous sommes la seule non-banque qui existe.

En ce qui concerne la concurrence étrangère, nous pensons que les étrangers représentent une concurrence très significative à l'égard des produits avec lesquels ils choisissent d'entrer au Canada. Aux États-Unis, contrairement au Canada, les banques universelles, pendant une longue période, ne sont pas devenues aussi universelles que le sont les banques au Canada, et elles ont perdu leur part du marché de certains produits choisis au profit d'établissements qui n'offrent qu'un seul type de produit -- les cartes de crédit et les fonds communs de placement. Il s'agit là d'institutions qui exercent leurs activités à l'échelle mondiale. Les sociétés MBNA ou Capital One ont à peu près la même taille que nous, à ceci près qu'elles se spécialisent dans un produit unique, à savoir les cartes de crédit. Elles utilisent leur infrastructure pour traverser la frontière à un coût marginal très bas, inondent le marché canadien et recueillent au passage 10 ou 15 pour 100 de l'activité liée aux cartes de crédit. De toute évidence, voilà qui a sur nous des impacts immédiats. Nous sommes associés en affaires avec Capital One. Ces entreprises, nous les comprenons extrêmement bien.

Je ne voudrais pas laisser croire que ce que fera Capital One au marché canadien des cartes de crédit ne suscite en nous aucune crainte. Cependant, nous devons comprendre l'importance que revêtent le marché des cartes de crédit et le marché des fonds communs de placement pour l'ensemble des activités bancaires. Dans le secteur bancaire, ce sont toujours les comptes bancaires et les comptes chèques de base qui génèrent le gros des profits, et ces activités demeurent axées sur les succursales. Si, dans les services bancaires de détail, nous avons un taux de rendement de 15 p. 100, tandis que les autres banques de détail ont un taux de rendement de 25 p. 100, c'est parce qu'elles détiennent une part beaucoup plus grande de ces activités de base, ce qui s'explique par le fait qu'elles ont 1 500 succursales tandis que nous n'en avons que 400.

Le sénateur Kroft: Voilà qui m'amène à la question suivante, qui porte sur les succursales. Au sujet de ce qui se passe dans les succursales et, peut-être, de ce qui s'y passera à l'avenir, vous avez probablement une perspective tout à fait différente de celle de la quasi-totalité des témoins que nous avons entendus. Je crois bien en être venu à la conclusion que les succursales sont une espèce en voie de disparition et qu'une bonne part de ce qui se fait dans ce domaine est imposée au système -- parce que les succursales ne constituent plus un élément praticable du système financier. Vous vous êtes assurément exprimé avec force. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?

M. Clark: Si vous m'aviez posé la question il y a cinq ans, j'aurais probablement repris à mon compte les idées reçues de l'époque, à savoir que les services bancaires électroniques, la banque électronique, allaient supplanter le réseau de succursales bancaires. Je dirais que la plupart des analystes chevronnés du secteur affirmeraient que ce point de vue, tel qu'avancé il y a cinq ans, était erroné. Nous en avons fait le douloureux constat. La situation n'est pas critique au point où le citoyen moyen lira dans le journal des articles à ce sujet, mais l'industrie, tout comme nous, a, sur ce point, changé son fusil d'épaule. Nous pensions pouvoir faire notre entrée dans le secteur des services bancaires électroniques, soutenir la concurrence des cinq banques principales et accaparer une part du marché sans avoir à étendre notre réseau de succursales. Comme je l'ai indiqué, la proportion de nos clients qui utilisent les services bancaires téléphoniques et les services bancaires par Internet est nettement supérieure à celle de toute autre institution. Nous avons investi des ressources colossales dans ce secteur pour constater que l'hypothèse ne se vérifiait pas. En fait, la relation prend racine dans la succursale. Les services bancaires électroniques ont permis aux grandes banques de s'attacher les consommateurs encore davantage, et ils sont encore plus difficiles à leur arracher. Nous avons fait notre entrée dans les services bancaires électroniques, et, dix-huit mois plus tard, la Banque Royale s'est dotée d'un centre de services bancaires électroniques identique au nôtre. Dans la technologie, il n'y a rien d'exclusif. On peut la copier. Lorsque nous tentons de soutirer un client à la Banque Royale, on nous répond: «Je devrais quitter ma succursale, mais en plus je paie toutes mes factures par téléphone. Mon site Web est déjà raccordé à la Banque Royale.» En raison des services bancaires électroniques, il est encore plus difficile qu'auparavant de soutirer des clients à nos concurrents. La dynamique de l'industrie est tout à fait différente de ce qu'on avait escompté à l'origine.

Le sénateur Kroft: Il s'agit donc, au sein de l'industrie, d'un problème fondamental. Bien que vous ne vous y opposiez pas, vous n'affirmez pas non plus que la vente d'assurance ou d'autres services élargis par l'intermédiaire des succursales soit nécessaire à la survie de ces dernières.

M. Clark: Je ne le crois pas. La question de savoir s'il convient ou non d'autoriser les succursales à vendre de l'assurance a uniquement trait à l'intérêt du consommateur. Ce n'est pas dans l'intérêt du système bancaire.

Le sénateur Kenny: Sur ce point, nous avons été témoins d'une croissance formidable de la vente directe d'assurance au cours de la dernière décennie, aux dépens des personnes qui, dans les faits, exploitaient des succursales. Conciliez-vous ces deux phénomènes?

M. Clark: C'est une très bonne question puisqu'il se trouve que nous possédons Meloche Monnex, l'une des trois principales compagnies d'assurances I.A.R.D. ayant recours à la vente directe. La société a une croissance deux fois plus rapide que celle des compagnies traditionnelles qui font appel à des agents. Voilà un secteur où le service en personne perd du terrain au profit de l'approche des services bancaires électroniques. Je n'essaie pas de vous dire que, au sein de notre propre système, l'endroit où les consommateurs effectuent leurs transactions et dont ces dernières émanent n'est pas en voie de passer des succursales vers d'autres secteurs. En effet, c'est bien le cas. Cela ne fait aucun doute. Nous nous attendons à ce qu'une bonne partie de nos opérations de prêt s'effectue par téléphone.

La question est de savoir comment on peut rejoindre le consommateur dans un premier temps. Selon notre expérience, les consommateurs, lorsqu'on les interroge, affirment choisir leur banque en fonction de sa proximité de la maison ou du travail. J'ignore pourquoi il en va autrement dans l'assurance-automobile ou dans l'assurance-maison, mais il est clair que les consommateurs d'aujourd'hui, le moment venu d'ouvrir un compte bancaire de base, optent pour le réseau des succursales.

La société Schwab des États-Unis est un autre exemple. Soixante-dix pour cent des nouveaux comptes de Schwab sont ouverts dans les succursales plutôt que par téléphone. La société en est venue à la conclusion qu'elle ne pouvait s'étendre aux États-Unis sans se doter au préalable d'un réseau de succursales dans tout le pays.

Le sénateur Kroft: Votre projet de dessaisissement m'apparaît intéressant. Y a-t-il tout un contingent d'acheteurs potentiels pour ces composantes? J'essaie de comprendre le marché.

M. Clark: En fonction de notre cadre, je pense que le marché est limité. La question n'est pas de savoir si on peut vendre deux ou trois succursales ici ou là parce que, à mon avis, une telle mesure ne répondrait aux objectifs de la politique gouvernementale. Le fait que nous sommes en présence de deux principes est, à mon avis, le dilemme fondamental auquel nous sommes confrontés en tant que nation. Tous les témoins qui ont comparu devant nous sont des personnes intelligentes qui sont bien au fait de leurs affaires. Pourtant, elles ont exprimé des points de vue tout à fait différents. On se demande alors comment elles en sont venues à de telles vues divergentes. Parce que, en vertu de l'un des principes, nous devons préserver la concurrence parce que c'est le seul moyen de protéger le consommateur. En vertu de l'autre principe, nous devons comprendre qu'il est possible de réaliser des économies d'échelle et que des regroupements s'effectuent dans les services financiers. À l'heure actuelle, on nous dit qu'il faut choisir un principe ou l'autre. Sacrifiez la concurrence pour que je puisse survivre et réaliser le regroupement que je préconise, ou dites que vous ne vous souciez guère des regroupements que, à vos yeux, ils ne valent pas qu'on renonce à la concurrence.

Ce que nous nous demandons, c'est s'il y a un point de convergence entre les deux où vous seriez à l'aise. À mon avis, le noeud du problème, c'est qu'on perd deux importants joueurs nationaux. La Compagnie Trust Royal, la Compagnie Trust National et la Compagnie Montréal Trust ont quitté le marché, et fondamentalement, personne -- Ces compagnies sont toutes beaucoup plus petites que les deux sociétés qui pourraient quitter le marché. Sortir du marché la Banque de Montréal et la Banque Toronto-Dominion, c'est réduire nettement les choix offerts au consommateur. Ce que nous disons, c'est que, si, en dernière analyse, vous choisissez de vous engager dans cette voie en raison du premier principe, vous devrez vous demander qui pourra remplacer les sociétés qui ont disparu. La vérité, c'est que le nombre de joueurs qui ont les capitaux, la structure de gestion et la capacité de les remplacer est limitée. De toute évidence, nous sommes l'un d'entre eux, au même titre que la Banque Hongkong, la Banque Nationale et Power Corporation. Après avoir fait le tour des institutions qui précèdent, on se trouve vite à court de noms.

Si vous décidez d'approuver les fusions, vous devez, à notre avis, vous dire: «Nous n'irons de l'avant que si les partenaires qui fusionnent leurs activités se départissent auprès des acteurs qui restent d'un nombre d'actifs suffisant pour rétablir la concurrence que nous perdons.» C'est la seule façon de protéger le consommateur.

Le sénateur Oliver: Après vous avoir entendu exposer votre projet de regroupement, je me demande pourquoi quiconque songerait à une fusion puisque, en réalité, vous ne laissez pas grand chose aux intéressés. Vous voudriez vous emparer de leurs clients, de leurs cartes de crédit et de leur service de courtage. En dernière analyse, pourtant, vous voulez qu'ils soient de la même taille. Que reste-t-il?

M. Clark: La question qui se pose ici est de savoir si vous interprétez leurs propos de façon littérale ou si vous inférez des intentions différentes de leur part. À l'origine du débat, ils ont dit vouloir s'attaquer aux marchés internationaux et être suffisamment grands pour soutenir la concurrence mondiale dans une entreprise mondiale, ce qui veut dire, au fond, les marchés financiers. Si vous me teniez de tels propos, je vous répondrais: «Pour obtenir tout cela, pourquoi ne pas prendre toute la Banque de Montréal, sauf le secteur du détail? Vous pourriez être présent au Mexique, et vous seriez gros.»

Du point de vue du revenu, le secteur du détail national de la Banque de Montréal compte pour environ la moitié des revenus de l'institution. Personne ne s'oppose à ce qu'ils s'emparent de cette moitié de la Banque de Montréal.

En ce qui concerne la Banque TD, le secteur du détail non national compte pour 60 p. 100 des revenus. Personne ne s'oppose à ce que la CIBC contrôle la société Waterhouse aux États-Unis. Il s'agit d'un enjeu très attrayant. Il leur reste beaucoup.

La question qui se pose a donc trait aux 40 p. 100 qui restent -- ou aux 50 p. 100 dans le cas de la Banque de Montréal. De quelle proportion de ces activités devraient-ils se départir pour renforcer les autres intervenants, de façon que vous ayez l'assurance que la nouvelle structure est tout aussi concurrentielle que l'ancienne? À mon avis, il s'agit d'une décision d'affaires. Le Bureau de la concurrence devra trancher.

À mon avis, il y a un seuil à partir duquel l'institution dirait: «Je conserve la majeure partie de ce que j'avais. Dans le cas de la Banque Royale, j'obtiens 50 p. 100 d'entrée de jeu. Si je récupère une partie des activités liées au détail, ma taille est nettement supérieure à ce qu'elle était au départ.» Dans le cas de la CIBC, comme je l'ai indiqué, elle obtient 60 p. 100 de la Banque TD, plus une partie du secteur du détail, mais elle ne pourra tout garder.

Le sénateur Oliver: Je vous ai entendu dire que, en dernière analyse, les coopératives de crédit ne sont pas aptes à soutenir efficacement la concurrence des banques. Je me demande si votre conclusion implicite n'est pas que les Canadiens, s'ils valorisent la concurrence, devraient se tourner vers ailleurs. Vous avez dit que les autres intervenants possibles sont peu nombreux. Il y a Power Corporation, la Banque Hongkong, et cetera. Cependant, la Banque Hongkong possède des succursales dans l'Ouest. Ne devrions-nous pas chercher à attirer un plus grand nombre de banques étrangères comme la Banque Hongkong, la Deutsche Bank et d'autres, leur donner la possibilité d'exploiter des succursales de détail et leur laisser le soin de vous concurrencer et de concurrencer les autres banques?

M. Clark: Je pense que nous devrions encourager les institutions étrangères à venir s'établir ici par tous les moyens à notre disposition, tant et aussi longtemps qu'elles sont assujetties aux mêmes règles du jeu que nous. La réalité, ce sont les règles du jeu qu'on nous impose aujourd'hui.

Le sénateur Oliver: Vous n'êtes pas une société à grand nombre d'actionnaires, et le rapport MacKay vous a conféré des droits acquis.

M. Clark: Rien n'empêche la Citibank de s'établir au Canada aujourd'hui. Elle possède déjà des succursales de détail. Aujourd'hui, elle compte moins de succursales de détail au Canada qu'il y a 10 ans. La Citibank est la seule banque de détail internationale qui existe, et elle n'a pas choisi d'élargir ses activités au Canada. On doit se demander pourquoi elle ne l'a pas fait. Ce n'est pas faute de pouvoir réaliser des économies d'échelle. Ce n'est pas faute de savoir comment exploiter le marché du détail dans d'autres pays. Pourtant, elle ne vient pas au Canada.

Je pense que nous avons l'illusion qu'il nous suffirait de l'inviter à venir s'établir ici pour qu'elle le fasse. Nous le faisons depuis 20 ans, et elle n'est pas venue. En fait, elle s'est retirée au cours des 20 dernières années et elle n'a pas choisi de s'établir au Canada. Pourquoi? Parce que notre marché est très concurrentiel. Ici, les marges sont plus limitées. Le rendement des capitaux propres est inférieur. Dieu les bénisse, ce sont mes concurrents, mais ils excellent dans leur domaine. Or, c'est un secteur dans lequel il n'est pas facile de survivre.

Nous sommes la seule société de fiducie qui ait survécu au cours des 10 dernières années. Tous les autres ont été rachetés par ces cinq banques.

Pourquoi voudriez-vous qu'une institution étrangère s'attaque à un marché dans lequel les concurrents dominent le marché et sont parvenus à obliger tous les concurrents nationaux à se retirer, excepté nous? Pourquoi entreraient-ils dans un marché où les taux de rendement sont inférieurs à ceux dont ils bénéficient chez eux et où les marges sont beaucoup plus minces, à seule fin de proposer aux consommateurs des produits de meilleure valeur? Ils ne viendront pas. C'est pourquoi je ne crois pas qu'il soit raisonnable de compter sur eux pour proposer une solution de rechange concurrentielle.

Le sénateur Oliver: Vous avez consacré beaucoup de temps aux fusions. Les alliances stratégiques sont l'une des questions qu'a abordées le groupe de travail MacKay. J'ai interrogé Peter Godsoe à ce sujet. Pouvez-vous nous dire ce que signifie pour vous la notion d'alliance stratégique dans le contexte de l'industrie bancaire? Dites-nous si, à vos yeux, il s'agit là d'une solution de rechange raisonnable aux fusions.

M. Clark: Je suppose qu'il existe différents types d'alliances stratégiques en vertu desquelles des organisations regroupent leurs services administratifs, leurs services de recherche ou collaborent, sans pour autant renoncer à leur indépendance. Je dois avouer être sceptique à leur sujet. Dans le monde, il n'y a pas beaucoup d'exemples d'organisations ayant pu assurer leur survie à long terme dans un tel contexte. Lorsque deux parties ont des propriétaires et, par conséquent, des intérêts différents, des tensions se font jour. Après la conclusion de l'alliance stratégique, les organisations, en général, fusionnent ou rompent leur association parce que, en définitive, elles ont des objectifs économiques différents. Je ne crois pas que ce soit là la solution au problème.

Le sénateur Oliver: Dans le rapport du groupe de travail MacKay, pensez-vous qu'il y ait une surabondance de nouveaux règlements proposés et trop de pouvoir laissé à la discrétion du «ministre»?

M. Clark: Oui. Lorsque les projets de fusion ont été présentés, j'ai pris la parole devant les participants à l'assemblée annuelle et déclaré: «Quelle que soit l'issue de ce débat, ma plus grande crainte, c'est qu'il ne débouche sur une nouvelle strate de règlements.» Sur papier, chacune de ces idées paraît bien, mais l'effet net est que la Banque Royale embauche 20 bureaucrates de plus pour s'en charger et que j'embauche aussi 20 bureaucrates de plus, mais les recettes de la Banque Royale sont cinq fois supérieures aux miennes. L'embauche de 20 bureaucrates de plus lui causera bien moins de tort qu'à moi.

Nous avons été aux États-Unis. Nous y avons exploité une banque de détail, appelée institution d'épargne. Aux États-Unis, nous avons fait l'expérience de telles mesures législatives. Je ne crois pas que le consommateur soit avantagé. Je crois que de telles lois ont pour effet de créer beaucoup d'emplois de bureaucrates et de rendre le système moins efficient.

Le sénateur Joyal: Je tiens à vous remercier de votre témoignage, monsieur Clark, car il contribuera beaucoup à aider les Canadiens à comprendre les changements globaux sur lesquels nous devrons nous pencher dans un très proche avenir -- particulièrement au vu de l'annonce qui a été faite en janvier. La Banque Royale et la Banque de Montréal ont annoncé leur intention de fusionner leurs activités, ce qui a été suivi par une annonce similaire de la part de la Banque TD et de la CIBC. À l'époque, ces deux propositions ont été faites en vertu de l'hypothèse selon laquelle les banques, pour pouvoir livrer concurrence sur la scène mondiale et faire face à la concurrence étrangère, doivent envisager des initiatives de fusion ou de regroupement au Canada. Tel était le moyen de sauver le système canadien. C'était pratiquement à prendre ou à laisser, une question de vie ou de mort. C'est ainsi qu'on nous a présenté les choses.

Nous pensons que c'est là une option. Ce n'est pas la seule option, mais c'est une option valable non dénuée de fondement. Elle a certaines répercussions, mais il y a d'autres options. Ce n'est pas la seule voie sur laquelle nous puissions nous engager. Il y aura des coûts. Comme vous l'avez dit -- et les directeurs généraux associés à ces deux propositions de fusion ont dit la même chose --, on s'attend à l'imposition de certains critères. Deux types de critères sont possibles. D'abord, on peut recourir à une surabondance de règlements gouvernementaux, option que les directeurs généraux précédents et vous-même avez évoquée. Les membres du comité nourrissent certaines appréhensions au sujet de l'ajout de certains aspects aux règlements. En agissant de la sorte, on alourdira la bureaucratie, et ainsi de suite, ce qui se traduira par plus de responsabilités pour toutes les institutions associées au contrôle des activités bancaires.

Vous avez présenté une autre proposition. Ce que vous nous dites, c'est que nous devrions autoriser la fusion, mais en même temps vous donner la capacité de devenir la troisième banque du système puisqu'il y en aura peut-être une quatrième ou une cinquième. M. Godsoe semble privilégier une approche différente. Selon lui, la concurrence doit être accrue et non réduite. Si nous acceptons votre proposition, nous éliminerions deux banques et nous en remplacerions trois par sept. Or, ce n'est qu'un jeu de chiffes. Il n'y aura pas plus d'intervenants. À la page 4 de son mémoire, M. Godsoe affirme: «Nous avons besoin de quatre à huit acteurs nationaux, ou même plus, pour nous assurer une concurrence et des choix satisfaisants. Nous n'avons besoin de deux champions nationaux», ni même de trois.

Ce que vous nous dites, c'est que vous accepterez les fusions à condition qu'on vous permette de remplacer celles qui n'existent plus. Ne serait-il pas plus utile de disposer d'abord de la règle de la propriété? On pourrait alors permettre la fusion d'autres importants concurrents du marché, à la lumière de ce qui s'est produit lorsque le gouvernement a autorisé la concentration des autres activités dans les banques. Ne serions-nous pas plus avisés d'autoriser la concurrence avant de décider d'autoriser la fusion? N'est-ce pas là une stratégie plus saine?

M. Clark: Il s'agit là d'un excellent exposé de l'enjeu. Je ne suis pas ici pour choisir la meilleure marche à suivre. Voilà une question où, si tout était si simple, il n'y aurait pas de problème. Ce n'est pas simple. On peut légitimement opter pour l'un ou l'autre de ces modèles.

La question n'est pas de savoir si nous devrions autoriser les fusions telles que proposées. Franchement, cela n'arrivera pas. On n'approuvera jamais un tel degré de concentration. À mon avis, le Bureau de la concurrence ne l'acceptera jamais. Ce n'est qu'en modifiant en profondeur la structure des transactions qu'on pourra envisager d'aller de l'avant, mais il s'agit d'une solution légitime. La solution consiste peut-être à leur donner la possibilité d'aller de l'avant et à laisser au système le soin de déterminer si, comme vous l'avez mentionné, d'autres acteurs interviendront ou non.

Au cours des dix dernières années, nous avons été témoins d'une suite constante de regroupements dans l'industrie. M. Godsoe n'a jamais dit: «Je ne devrais pas acheter la Compagnie Trust National parce que je crois en un monde où il y a plus de concurrents, et non moins. Pour la même raison, je ne devrais pas acheter la Compagnie Montréal Trust.» Il les a achetées. Il y a eu des regroupements. Nous le savons mieux que quiconque. Nous comptons parmi les petits. Nous savons à quel point il faut lutter pour être assez grand pour survivre. Au bureau, je suis chaque jour confronté au problème des économies d'échelle. C'est la réalité du secteur dans lequel nous exerçons nos activités. Il serait ridicule pour nous d'affirmer qu'il n'y a pas de problème. Des pressions s'exercent en faveur des regroupements. Je pense qu'on verra d'autres regroupements dans le secteur de l'assurance-vie. Il y en a dans le secteur des assurances I.A.R.D.

Un jour ou l'autre, le gouvernement du Canada devra décider du nombre de concurrents qu'il préconise, de l'équilibre qu'il souhaite et des regroupements auxquels il souhaite voir les acteurs se greffer. En dernière analyse, nous aboutirons à une série de banques universelles. Je pense que les Canadiens seront mieux protégés s'il y en a plus que moins -- je suis d'accord sur ce point -- et si la répartition par taille des institutions est mieux équilibrée -- ce qui me paraît préférable à une série de grandes et à une série de petites. Voilà qui inciterait très fortement les petites à se regrouper pour bénéficier des mêmes économies d'échelle que les grandes.

Le sénateur Angus: J'aimerais poser quelques questions préliminaires au sujet de la question de la propriété et de ce que vous êtes. Vous avez vous-même abordé la question à la première page de votre mémoire. Le sénateur Kroft a également relevé les contradictions apparentes entre les pages 2 et 5.

Vous ne dites pas qui vous êtes en ce qui a trait au régime de propriété. À tort ou à raison, je pense que vous appartenez à des intérêts étrangers en raison de vos liens avec BAT. Pourriez-vous nous fournir des explications? Faites-vous partie d'un important groupe financier international? Apparemment, la société BAT a vendu certains de ses services financiers à la société Zurich, mais n'êtes-vous pas un acteur plus important que ce que vous aimeriez nous laisser croire? J'aimerais bénéficier d'un portrait d'ensemble.

M. Clark: Ça serait un scénario intéressant dans la mesure où j'ai déjà dit que les étrangers ne s'étaient pas manifestés -- puis vous découvrez que je suis un étranger.

Nous appartenons à Imasco à 97 ou à 98 p. 100. Nous appartenons presque en totalité à Imasco. En contrepartie, Imasco appartient à BAT dans une proportion de 40 à 42 p. 100. Il y a un certain temps, on a statué qu'Imasco n'était pas sous contrôle étranger. Le gouvernement du Canada en est venu à cette conclusion au motif qu'aucun administrateur de la société BAT ne siège au conseil d'administration d'Imasco. BAT dit avoir un titre de propriété, mais pas le contrôle. En ce qui concerne la relation entre Imasco et nous, seulement trois administrateurs d'Imasco siègent à notre conseil d'administration, qui compte 24 ou 25 membres. Une fois de plus, la société Imasco s'est entendue avec le gouvernement du Canada pour dire qu'elle ne s'ingérera pas dans la gestion de la Société Canada Trust. Quant à savoir qui exploite Canada Trust, il s'agit à n'en pas douter d'une société sous contrôle canadien.

Le sénateur Angus: Vous n'avez jamais rien eu à voir avec la société BAT?

M. Clark: Non.

Le sénateur Angus: Vous n'avez pas de réunions avec ses représentants?

M. Clark: Depuis sept ans que je suis en poste, je les ai rencontrés une ou deux fois -- peut-être trois. Ils sont venus nous voir pour nous demander ce que nous faisions. On n'a jamais tenté de rapprocher les deux organisations.

Le sénateur Angus: C'est intéressant, et c'est peut-être aussi la preuve qu'il ne faut pas juger du bois sur l'écorce. Lorsque l'annonce a été faite et que, l'année dernière, les médias ont eu vent de la fusion entre la société Zurich et la société BAT, j'ai lu, je m'en souviens, que la société BAT allait se débarrasser de tous ses services financiers, à l'exception de la Société Canada Trust.

Est-on fondé à conclure que, en ce sens, la Société Canada Trust ne fait pas partie des services financiers de la société BAT?

M. Clark: Absolument, c'est très clair. Dans le marché de la Grande-Bretagne, ils ont affirmé s'être retirés du secteur des services financiers. De leur point de vue, ils n'y sont plus. Ils ne possèdent aucune société en exploitation dans le domaine des services financiers. Imasco est non pas une société en exploitation de BAT, mais bien plutôt un investissement économique. Ils n'exercent aucun contrôle de gestion sur Imasco. Ils sont parvenus à convaincre le marché. L'exercice de «défusion» a essentiellement consisté à persuader le marché qu'ils s'étaient retirés du secteur des services financiers.

Le sénateur Angus: Il n'en demeure pas moins que vous appartenez à 98 p. 100 à une société qui appartient elle-même à quelque 40 p. 100 à BAT.

M. Clark: C'est exact.

Le sénateur Angus: Vous avez dit qu'il y a eu de nombreux regroupements. Vous dites ici être la dernière société de prêts et de fiducie d'importance au Canada. Comment expliquez-vous le phénomène?

À en juger par votre témoignage, vous semblez vous trouver dans une situation privilégiée et enviable. Vous exercez vos activités en vertu de dispositions législatives à part. Vous êtes assujettis à des prescriptions réglementaires différentes. Vous êtes ici une sorte d'acteur spécialisé, mais vous avez été en mesure de nous présenter aujourd'hui un témoignage des plus fascinants. Voilà pourquoi je me demande comment je pourrais enlever à Imasco cette participation de 98 p. 100.

M. Clark: J'allais vous offrir une carte bancaire.

Revenez en arrière et examinez la nature du dilemme auquel font face les sociétés de fiducie du Canada. S'il est vrai que nous exerçons nos activités en vertu de dispositions législatives différentes, le résultat net est, pour l'essentiel, que nous sommes assujettis à un fardeau réglementaire plus lourd. Du point de vue des pouvoirs, notre situation n'est ni avantageuse ni désavantageuse. Toutefois, il s'agit d'un irritant puisque, comme, dans les faits, nous sommes assujettis à des règlements fédéraux et provinciaux, nous devons rendre des comptes à un plus grand nombre d'administrations.

Le sénateur Angus: Vous ne semblez pas visés par la critique que j'ai formulée plus tôt. Vous pouvez aller de l'avant en disant: «Nous ne comptons pas parmi les grandes méchantes banques.»

M. Clark: Absolument. Je pense que c'est en partie légitime, mais les banques diraient assurément que nous exploitons la situation au maximum.

Nous avons été axés à 100 p. 100 sur le consommateur. Voilà l'essentiel. Voilà tout ce que nous avons. En raison de ce parti pris, nous avons dû bâtir notre entreprise sur un service à la clientèle amélioré. Je n'ai encore jamais vu une enquête dans laquelle on ne montre pas que les clients de la Société Canada Trust n'obtiennent pas un meilleur service que ceux des autres banques. En tant qu'institution, notre seule chance de survie réside dans la prestation d'un service à la clientèle de meilleure qualité.

Le sénateur Angus: Sans fusion.

M. Clark: Oui.

Le dilemme commercial auquel les sociétés de fiducie ont été confrontées tient au fait qu'elles étaient, pour l'essentiel, des entreprises spécialisées dans les CPG et les prêts hypothécaires. Ce sont là des activités assez peu rentables, où la marge est étroite. Il est difficile d'y gagner beaucoup d'argent. Nous ne détenions pas le compte de chèques des consommateurs canadiens. Traditionnellement, les consommateurs effectuaient leurs transactions bancaires auprès des banques et s'adressaient aux sociétés de fiducie pour leurs prêts hypothécaires et leurs CPG, ces dernières offrant, relativement à ces produits, de meilleurs taux et un service plus amical.

Dans les années 80, les banques ont réalisé que les services bancaires de détail étaient plus payants que les services bancaires pour les entreprises. Lorsque, aujourd'hui encore, on examine les états financiers des banques, on se rend compte qu'elles obtiennent un rendement des capitaux propres de 25 p. 100 sur les activités bancaires de détail, comparativement à un rendement général de 15 p. 100. Il suffit d'une opération arithmétique de base pour comprendre ce qui se passe dans les autres secteurs. Les services bancaires de détail sont une entreprise fort lucrative. Dans les années 80, les banques disaient: «Nous allons faire davantage à ce chapitre, merci beaucoup.» Elles ont fait leur entrée dans les services bancaires de détail en disant aux sociétés de fiducie: «Vous n'allez pas nous couper l'herbe sous le pied en proposant de meilleurs prix. Nous allons offrir les mêmes prix que vous sur toute la gamme des produits.» Elles ont offert aux consommateurs un visage plus aimable. Elles ne se sont probablement pas montrées aussi sensibles aux besoins des consommateurs que les sociétés de fiducie l'avaient traditionnellement été, mais elles ont manifestement adapté leurs structures de manière à devenir plus concurrentielles dans les services bancaires de détail. Elles ont investi dans la technologie de façon à offrir un service de meilleure qualité.

Les sociétés de fiducie se sont ainsi retrouvées aux prises avec d'énormes problèmes économiques. Leurs profits ont chuté parce qu'elles n'avaient pas accès au secteur lucratif des comptes chèques, où les profits se réalisent et, en fait, les CPG et les prêts hypothécaires leur procuraient des marges encore plus réduites.

Nous avons survécu pour deux raisons. L'une d'entre elles est que nous nous apparentions déjà davantage à des banques, de sorte que nous possédions déjà un noyau de clients qui nous considéraient comme des banques plutôt que simplement comme un endroit où prendre une hypothèque et des CPG, mais nous avons aussi changé. Si, aujourd'hui, vous demandez à nos clients quelle est leur banque principale, 42 p. 100 d'entre eux vous diront que la Société Canada Trust est leur principale institution financière. C'est la même moyenne que dans les banques. La même proportion de clients vous diraient que la Banque Toronto Dominion est leur banque. Nous sommes devenus une banque de détail. Nous nous sommes dit: «Pour survivre, nous devrons ressembler davantage à des banques parce que les conditions économiques auxquelles nous sommes assujettis ne nous permettront pas de survivre.» C'est ce que nous avons fait, et c'est ce qui nous a conduit où nous sommes aujourd'hui. Toutefois, il s'agit d'une lutte constante en raison des avantages économiques relatifs dont les banques bénéficient.

Le sénateur Angus: Voilà qui explique l'incroyable regroupement dont ont fait l'objet les sociétés de fiducie.

M. Clark: Oui.

Le président: Est-ce aussi pour cette raison que vous vous êtes retirés des services bancaires commerciaux pour vous cantonner uniquement dans les services bancaires personnels?

M. Clark: C'est exact. Conscients du fait que la bataille à laquelle donneraient lieu les services bancaires de détail allait être féroce, nous nous sommes dit qu'il valait mieux nous retirer de tout créneau dans lequel nous ne serions pas en mesure de jouer un rôle important. Nous nous sommes retirés de tous les secteurs dans lesquels nous ne nous sentions pas capables d'être concurrentiels.

Le président: À cet égard, vous avez adopté une stratégie de marketing de créneaux, et le créneau que vous avez choisi est celui des services bancaires personnels.

M. Clark: C'est juste.

Le sénateur Angus: Dans le rapport MacKay, on aborde la question des structures. Ses auteurs se prononcent en faveur d'une approche plus souple des structures. Ils se penchent ensuite sur le modèle des sociétés affiliées et des sociétés mères ainsi que sur celui des sociétés de portefeuille. Je crois que vous savez que, dans le cadre des déplacements que nous avons effectués plus tôt cette année, nous nous sommes rendus aux États-Unis, où les divers organismes de réglementation et leurs attitudes vis-à-vis du modèle des sociétés de portefeuille ont fait naître une vive controverse. Nous en sommes venus à nous intéresser à cette question. Je me demandais si vous auriez des commentaires à ce sujet.

M. Clark: C'est l'un de ces débats auxquels on s'associe dans l'espoir que les citoyens n'en comprendront pas l'enjeu. Nous avons un modèle de société de portefeuille. À mon avis, la question fondamentale est de savoir s'il faut laisser aux sociétés de portefeuille la possibilité de faire ce qu'on interdit aux entités réglementées. Si la réponse est non, on n'aura pas grand intérêt à se trouver dans une société de portefeuille.

Le sénateur Oliver: Sinon pour recueillir des fonds dans les marchés financiers.

M. Clark: Si on remonte dans l'histoire, c'est précisément ce que les organismes de réglementation ont voulu éviter. C'était le problème de la Compagnie Trust Royal. C'était le problème de la Compagnie Standard Trust. En fait, ces sociétés effectuaient des emprunts qu'elles garantissaient au moyen de l'avoir propre de l'entité réglementée sous-jacente. Nous avons conclu avec le BSIF une entente en vertu de laquelle nous devons veiller à ce que notre société de portefeuille réponde, en ce qui concerne l'avoir propre, aux mêmes critères que les entités réglementées. La réalité, c'est que le fait d'être une société de portefeuille ne constitue pas pour nous un avantage si considérable.

Le sénateur Angus: Lorsque vous utilisez l'expression «société de portefeuille», vous ne faites pas référence, dans votre cas, à Imasco. Vous faites référence à CLIENT Holdings ou à je ne sais trop quoi.

M. Clark: C'est la Société services financiers CLIENT qui possède la Société Canada Trust.

Le sénateur Angus: Elle n'est pas réglementée.

M. Clark: Il s'agit d'une entité non réglementée, mais, en raison de ses préoccupations -- légitimes -- l'organisme de réglementation veut savoir ce qu'on entend faire des pouvoirs que nous demandons et pourquoi nous les demandons. Dès que nous répondons à la question en disant: «Nous voulons faire des choses que nous ne pouvons pas faire en tant qu'entité réglementée», il nous répond: «Eh bien, pourquoi voudrais-je vous autoriser à faire des choses que vous ne pouvez pas faire en tant qu'entité réglementée?»

En ce qui concerne Services financiers CLIENT, nous rendons public le capital selon les règles de la BRI pour l'entreprise aussi bien que pour l'entité réglementée.

Comme M. Palmer l'a déclaré dans l'une de ses allocutions, les banques, lorsqu'elles seront confrontées à ce qu'il les obligera à faire de leur société de portefeuille, n'en voudront peut-être plus. J'ignore si le débat va se poursuivre.

Si certaines personnes estiment qu'il est utile, qu'on les laisse le tenir. Tant et aussi longtemps qu'ils seront assujettis au même genre d'accord que nous, la question, à mon avis, n'a pas véritablement d'importance.

Le sénateur Angus: Que je vous comprenne bien. Ce que vous nous dites, c'est que le modèle des sociétés de portefeuille tel que présenté par le rapport MacKay n'est pas attrayant si les sociétés de portefeuille elles-mêmes étaient réglementées et assujetties à toutes sortes de règlements additionnels.

M. Clark: C'est exact. Ce que je dis, c'est que je n'y suis pas opposé, à supposer qu'on y voie des avantages commerciaux, mais je pense qu'on constatera que les avantages ne sont pas si nombreux, puisque, à mon avis, l'organisme de réglementation veillera, en toute légitimité à ce que l'ensemble de la structure soit sain.

Le sénateur Stewart: J'aimerais poser un genre de question assez différent. Ce qui m'intéresse, c'est la façon dont vos activités sont réparties dans l'ensemble du Canada. Combien de bureaux ou de succursales comptez-vous au Canada?

M. Clark: Nous avons 424 succursales de détail.

Le sénateur Stewart: Combien d'entre elles se trouvent dans la région atlantique?

M. Clark: Probablement 30 ou 40, mais je reviendrai sur ce chiffre.

Le sénateur Stewart: Offrez-vous dans la région de l'Atlantique des services bancaires personnels comparables ceux que vous offrez dans le reste du pays?

M. Clark: Non. Si vous me demandez quelle est notre part du marché dans la région de l'Atlantique par rapport au reste du pays, je vous répondrai que notre présence est moins grande dans le Canada atlantique, au Québec, au Manitoba et en Saskatchewan qu'elle ne l'est en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario.

Dans tout ce que nous faisons, nous préconisons le ciblage et la concentration de sorte que nous sommes beaucoup plus présents à Halifax que dans l'ensemble de la Nouvelle-Écosse. Nous sommes à Halifax, à Bedford, à Lunenburg et à Sydney, mais nous ne sommes pas partout. Par exemple, nous avons en vain tenté de nous établir à Wolfville. Essentiellement, nous sommes présents dans deux villes du Nouveau-Brunswick, à St. Johns (Terre-Neuve) et à Charlottetown (Î.-P.-É.). Au nom de la rentabilité, nous nous concentrons dans une région.

Le sénateur Stewart: C'est de bonne guerre. L'argument selon lequel, dans le domaine des services bancaires personnels, vous êtes une solution de rechange aux banques à charte s'applique donc plus dans certaines régions du pays que dans d'autres?

M. Clark: Absolument. Pour dire les choses avec encore plus de force que vous ne l'avez fait, notre taille, du point de vue des revenus, correspond à la moitié de celle de la Banque de Montréal, de la Banque TD ou de la Banque de Nouvelle-Écosse. Faute d'acquérir des actifs considérables, nous ne serons absolument pas en mesure de compenser, au niveau national, la perte de la Banque de Montréal ou de la Banque Toronto-Dominion, du moins en ce qui concerne le consommateur canadien.

Le sénateur Stewart: Mais ce serait encore plus vrai dans le Canada atlantique?

M. Clark: C'est exact. Pour remplacer les concurrents, nous devrions acquérir un grand nombre de succursales dans le Canada atlantique, et nous sommes disposés à le faire. Sinon, la perte de concurrence dans le Canada atlantique sera considérable.

Le sénateur Meighen: Recueillir les capitaux nécessaires représenterait un défi de taille, n'est-ce pas?

M. Clark: Notre institution est exploitée de façon très prudente. Aujourd'hui, nous avons un capital-actions ordinaire supérieur de plus de 1 milliard de dollars aux prescriptions réglementaires, de sorte que nous sommes -- et de loin -- l'institution financière la mieux capitalisée au Canada. En outre, notre société-mère nous a indiqué que, dans l'hypothèse où des institutions se dessaisiraient d'éléments d'actifs, elles étaient disposées à investir chez nous des sommes considérables à cette fin.

Le sénateur Meighen: En fin de compte, on pourrait soutenir que vous êtes la réponse aux prières de l'organisme de réglementation. Si seulement il y avait plus de sociétés apparentées à la Société Canada Trust, on pourrait régler la question centrale des banques et tout le problème des services bancaires de détail, qui pourrait être mis à mal si les projets de fusion allaient de l'avant. Vous nous avez proposé une avenue des plus intéressantes, à savoir celle des dessaisissements.

Plutôt que d'obliger certaines institutions à se départir d'éléments d'actifs -- je ne veux pas dire que cela soit une mauvaise solution puisque, en l'absence de concurrence, on doit réagir --, pouvez-vous songer à des moyens de créer une atmosphère et des conditions favorables à l'émergence d'autres sociétés comme la vôtre? Par exemple, vous avez fait allusion au fait que, à titre de société de fiducie, votre entreprise est assujettie à un fardeau réglementaire plus lourd que celui de ses concurrents. En allégeant la réglementation, on favoriserait peut-être l'établissement d'un plus grand nombre d'institutions assimilables à la vôtre. Vous vient-il à l'esprit d'autres mesures qui pourraient se révéler efficaces à cet égard?

M. Clark: Plutôt que de donner une réponse de but en blanc, je devrais probablement prendre cette question en délibéré. Soyez prévenus que le voyage sera long. Voilà, je pense, ce que je dis aux coopératives de crédit. Je pense que les coopératives de crédit sont extraordinaires. De toute évidence, elles sont nos âmes soeurs, de sorte que nous sommes naturellement compatibles avec elles, mais la route sera longue avant qu'elles puissent accéder ne serait-ce qu'au statut d'un Canada Trust, et, avant qu'on puisse nous considérer comme une solution de rechange nationale à la Banque TD ou à la Banque de Montréal, nous aurons beaucoup de chemin à parcourir.

La réalité, c'est qu'il faut éviter d'apporter aujourd'hui des modifications dans l'espoir que, dans cinq ou dix ans, un concurrent viendra rééquilibrer le système. Le problème auquel vous êtes confronté, c'est la création d'une atmosphère concurrentielle au cours des cinq prochaines années. Ce que nous disons, c'est que vous devez tenir compte des acteurs qui existent. Nous mis à part, il y a essentiellement la Banque Hongkong, Power Corporation et la Banque Nationale. Ce sont probablement les quatre seuls acteurs qui ont une capacité financière et une capacité de gestion suffisante pour étendre leurs réseaux partout au pays.

Le sénateur Meighen: Je vous saurais gré de bien vouloir vous pencher sur cette question parce que vous avez la réputation d'avoir un cerveau inventif. Inspirez-vous de la SADC et demandez-vous si un régime d'assurance différent serait acceptable.

M. Clark: Le problème, c'est que tout ce que le gouvernement fait tend à aller dans la direction opposée, tend à compliquer la vie des petits acteurs. Nous pourrions peut-être faciliter les choses en dressant la liste de toutes les inégalités entre les petits et les grands acteurs. Au Canada, nous sommes considérés comme minuscules. Notre société possède un capital-actions ordinaire de 2,5 milliards de dollars. À ce titre, elle est considérée comme minime dans le secteur. Il est difficile de trouver des gens qui disposent de sommes comparables, et ce n'est que la mise dont on doit disposer pour avoir le droit de jouer.

Le sénateur Kelleher: À la question de savoir qui seront les concurrents dans l'hypothèse où les projets de fusion iraient de l'avant, vous avez répondu par une solution intrigante. Vous semblez proposer le dessaisissement. À ma connaissance, c'est la première fois que le comité entend parler de cette solution, de sorte que j'aimerais en savoir plus à ce sujet.

Au dernier paragraphe de la page 6 de votre mémoire, vous dites que des doutes ont été soulevés au sujet de l'efficacité de la mesure. Vous indiquez que la technique a été largement utilisée aux États-Unis pendant un certain temps, mais que personne ne sait si elle pourrait fonctionner ici au Canada. Dans nos déplacements, monsieur le président, personne, à ma connaissance, n'a abordé cette question avec nous, et je suis intrigué d'apprendre que la technique a été utilisée aux États-Unis. Pourriez-vous élaborer sur cette question et nous donner certains exemples de ce qui a fonctionné aussi bien que de ce qui n'a pas fonctionné?

M. Clark: Au chapitre des détails précis, je pourrais peut-être vous faire parvenir un document dans lequel on énumère les cas recensés aux États-Unis. Cependant, je retiendrai un cas extrême. À ma connaissance, aucune fusion n'a été effectuée dans le système bancaire des États-Unis sans qu'on ait eu recours à des mesures de ce genre. À l'occasion de chaque fusion, il est donc tout à fait habituel que le service responsable des fiducies intervienne et dise: «D'accord. Que faites-vous? Dans ce marché, votre concentration est excessive. Quelles sont les succursales que vous allez vendre? À qui allez-vous les vendre?» Aux États-Unis, on a obligé les banques à vendre des succursales à leurs plus féroces compétiteurs -- du point de vue des banques du moins. On met tout en oeuvre pour empêcher les banques de vendre à qui elles le souhaitent et pour faire en sorte que les actifs soient cédés non pas à des parties faibles, mais bien plutôt à des parties fortes.

Le sénateur Kelleher: Nous apprécierions recevoir de la documentation à ce sujet.

Pouvez-vous nous donner un aperçu? La technique a-t-elle été efficace?

M. Clark: Elle a été très efficace. Nous vous ferons parvenir un mémoire sur toute la notion de concurrence efficace de même que sur l'utilisation qu'on en a faite.

Publiquement, M. Godsoe a déclaré: «Je ne suis pas intéressé à acheter des succursales, de sorte que je ne suis pas intéressé à me départir de ce que je possède. S'il n'est pas intéressé à le faire, c'est en partie parce qu'il constitue déjà un acteur national. Il représente une solution de rechange importante à la Banque TD et à la Banque de Montréal.

Le sénateur Kelleher: Êtes-vous en train de nous dire que les cinq institutions que vous avez énumérées seraient intéressées par une mesure de ce genre?

M. Clark: Nous sommes très intéressés. À un certain nombre de reprises, nous avons affirmé que nous serions heureux d'acquérir des actifs, et nous pourrions en acquérir un bon nombre. Nous achèterons ce que les institutions concernées sont disposées ou forcées à vendre.

Le problème fondamental que je tiens à vous faire comprendre -- et M. Godsoe a également des réserves à propos de la technique -- c'est que la situation au Canada est légèrement différente de ce qu'elle est aux États-Unis dans la mesure où la technique n'a jamais été appliquée dans des proportions comparables à celles que nous évoquons. On n'y a jamais recours dans le contexte d'une industrie aussi concentrée. Notre industrie compte déjà parmi les plus concentrées du monde. La crainte qu'ont certaines personnes, c'est que, si la Banque de Montréal veut nous vendre certaines de ses succursales, cette dernière pourrait dire: «Pourquoi deviendriez-vous clients de la Société Canada Trust? Pourquoi ne pas rester avec nous?» De notre point de vue, nous risquerions de toute évidence d'acheter certaines succursales et de nous retrouver aux prises avec des coûts, mais sans clients. Ce dont nous parlons, c'est d'un transfert du lien tout entier.

Nous pensons qu'il existe une technique pour remédier à ce problème. Nous pensons que vous pourriez conclure des accords commerciaux pour le résoudre. Sinon, vous ne réaliserez pas l'objectif que vous vous êtes fixé en ce qui concerne la concurrence, à savoir faire qu'une importante part du marché de la Banque Royale ou de la Banque de Montréal nous soit cédée.

Par conséquent, nous pensons qu'il s'agit d'une solution possible, et nous nous ferons un plaisir de fournir au comité de la documentation à ce sujet.

Le sénateur Kelleher: Le sénateur Oliver a posé une question au sujet des autres sources possibles de concurrence, et vous avez parlé des banques étrangères et des coopératives de crédit. Dans nos déplacements, particulièrement ceux que nous avons effectués aux États-Unis, où nous avons rencontré des gens à Washington et à New York, l'une des choses qui nous a tous intrigués est la notion de ce qu'on appelle les banques communautaires, c'est-à-dire de toutes petites banques locales -- «locales dans tous les sens du mot. Ces institutions, dont la capitalisation est réduite, bénéficient de certains avantages fiscaux et ne sont pas assujetties à une lourde réglementation au même titre que les autres banques. Pensez-vous qu'on puisse envisager une version canadienne de ces banques communautaires et qu'on devrait envisager sérieusement cette option pour stimuler la concurrence? Je tiens pour acquis que la notion vous est connue?

M. Clark: Oui, je suis au courant. En un sens, nous possédons une de ces banques aux États-Unis. L'institution que nous possédons est la First Federal qui, à maints égards, est une banque communautaire. Avec ses actifs de 7 milliards de dollars, elle est très profondément ancrée au niveau local. Nous disposons d'une solide expérience dans ce domaine.

La notion mérite certainement qu'on s'y attarde. Les coopératives constituent une solution de rechange des plus stimulantes. Ce que nous disons, c'est que, au cours des quatre ou cinq prochaines années, on ne peut s'attendre de façon réaliste à ce qu'elles remplacent la Banque de Montréal et la Banque Toronto-Dominion à supposer que ces dernières disparaissent du marché. On peut revenir en arrière et faire le constat que la question a trait non pas au projet de fusion de banques, mais bien plutôt au système financier dans son ensemble. C'est la tâche que le groupe de travail MacKay s'est donnée dans un premier temps. Si la question est de savoir si le Canada serait en meilleure position dans l'hypothèse où il y aurait trois institutions comme la Société Canada Trust, je vous répondrai oui, assurément. Je n'ai pas construit la Société Canada Trust. Elle a été construite en 125 ans par des dirigeants bien plus grands que moi. La Société Canada Trust a-t-elle été bonne pour le Canada? Absolument, puisqu'il s'agit d'une banque locale axée sur le service à la clientèle qui place le client au premier rang. Si nous pouvions trouver le moyen d'encourager la venue d'un plus grand nombre de sociétés comme la nôtre, ce serait merveilleux.

Le président: Dans la partie que vous consacrez au titre de propriété, vous dites craindre que la traduction de la politique dans un texte de loi ne pose problème. Pourquoi? La politique décrite dans le rapport paraît relativement simple et directe. À quoi tiennent vos préoccupations?

M. Clark: Ce qui est intéressant, c'est que lorsque j'ai interrogé chacun des acteurs sur ce qu'ils pensent de la clause de droits acquis, j'ai obtenu des interprétations relativement différentes même à propos du contenu actuel du rapport MacKay. Nous n'obtenons donc pas de chacun des intéressés une réponse succincte du type: «Oui, nous savons exactement ce que cela signifie. Du calme. Ne vous en faites pas à ce sujet.» Ce qu'on nous dit, c'est plutôt: «Oh, c'est ceci plutôt que cela.»

Tout n'était donc pas clair. Lorsque, suivant mon expérience, on dit avoir pour politique officielle que toutes les entreprises devraient compter un grand nombre d'actionnaires, celles qui font leur entrée dans le système devraient elles aussi compter un grand nombre d'actionnaires. Voilà maintenant que je cherche à accorder à ces deux acteurs des droits acquis de manière à préserver leurs droits économiques. Si on dit: «Eh bien, tant et aussi longtemps que vous appartenez à Imasco, vous n'avez pas à compter un grand nombre d'actionnaires, mais, lorsque vous tenterez de vendre, vous devrez appartenir à un grand nombre d'actionnaires», vous ne protégez pas leurs droits économiques. En fait, Imasco dira: Vous venez tout juste de détruire ma valeur économique.»

Le président: Parce que vous avez détruit la prime qui se rattache au contrôle.

M. Clark: Exactement. Lorsque, selon mon expérience, le moment est venu de rédiger, on se heurte à des difficultés extrêmement grandes en raison d'une incompatibilité fondamentale des principes entre eux. Cette question nous préoccupe. Dès lors, on tourne autour du pot et on n'est pas succinct. Dès qu'on n'est pas succinct, les actionnaires disent: «Nous devrions nous retirer puisque, en dernière analyse, on ne veut pas de nous.»

Le président: Pour ce qui est de la vente au détail d'assurances, vous avez essentiellement laissé entendre que la Banque Nationale -- parce que son principal concurrent est le Mouvement Desjardins, qui est autorisé à vendre de l'assurance au détail -- et vous -- parce que vous êtes une société de fiducie -- devriez bénéficier du même privilège. Si vous n'aviez pas choisi de vous constituer en société sous le régime fédéral et que vous aviez plutôt choisi de le faire sous le régime provincial, vous seriez, dans la plupart des provinces, autorisés à vendre de l'assurance au détail. Ce que vous proposez essentiellement, c'est qu'on mette de l'avant deux projets pilotes d'une durée de deux à trois ans avant de prendre une décision quant à savoir si on devrait ou non faire une place aux banques dans ce secteur.

Si on vous en donnait la possibilité, choisiriez-vous, d'un point de vue commercial, de vendre de l'assurance-vie, des assurances I.A.R.D. ou les deux?

M. Clark: Nous entrerions probablement dans les deux marchés parce qu'il se trouve que nous avons des capacités dans ce domaine. Aujourd'hui, nous possédons notre propre compagnie d'assurance-vie, et nous vendons de l'assurance-vie, mais pas par l'intermédiaire des succursales. Nous avons une compagnie d'assurances I.A.R.D., et nous en vendons à nos clients, mais pas par l'intermédiaire de nos succursales.

Voilà un cas où, à mon avis, l'industrie de l'assurance se montre davantage préoccupée par notre venue éventuelle qu'enthousiaste quant aux possibilités qui en découleraient. L'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés tient à la surcharge possible de notre réseau de succursales.

Dans un point de vente donné, on peut vendre un certain nombre de produits, après quoi la productivité devient négative.

C'est pourquoi j'imagine mal comment notre venue pourrait être aussi dévastatrice que l'industrie de l'assurance le laisse entendre.

Le président: Lorsque vous parlez de l'industrie de l'assurance, mettez-vous les industries des assurances I.A.R.D. et de l'assurance-vie sur un pied d'égalité, ou pensez-vous que les conséquences seraient différentes dans chacun des cas?

M. Clark: Permettez-moi de faire une estimation éclairée. Je pense que la mesure aurait des conséquences moins graves sur l'industrie de l'assurance-vie que, peut-être sur l'industrie des assurances I.A.R.D. Essentiellement, l'assurance-vie s'occupe de la gestion de la richesse. La réalité, c'est que les banques perdent des parts de marché au profit de vis-à-vis du secteur de la gestion de richesse. Elles n'en gagnent pas.

À mes yeux, il n'est pas évident que le fait de proposer de l'assurance-vie dans les succursales aurait des effets aussi dévastateurs. Les assurances I.A.R.D. tendent à être un produit acheté plutôt que vendu. Il s'agit davantage d'un produit de base, ce qui explique pourquoi on le vend plus facilement par l'intermédiaire des services bancaires électroniques. La mesure serait plus dévastatrice pour les assurances I.A.R.D. que pour l'assurance-vie.

C'est là une estimation éclairée, et même mes propres employés risqueraient fort de ne pas être d'accord avec moi.

Le président: Vous avez fait état de vos préoccupations au sujet d'une nouvelle réglementation excessive, tout comme l'a fait M. Godsoe, qui a indiqué que nous devrions non pas choisir uniquement les éléments faciles à défendre et populaires sur le plan politique, par exemple de nouveaux règlements visant à protéger le consommateur, mais bien plutôt examiner la réglementation dans son ensemble. Sur un mode différent, vous avez essentiellement soulevé le même point.

Un autre témoin nous a présenté l'argument qui suit au sujet de la proposition relative à la transparence et à l'ouverture, aux ventes liées avec coercition et à la protection des renseignements personnels. L'argument est que toutes les propositions que renferme le rapport MacKay dans le domaine de la réglementation qui visent à protéger le consommateur font déjà partie du système d'autodiscipline mis en place par l'industrie. Par conséquent, le fait de passer de l'autodiscipline à un texte de loi ne devrait rien coûter à personne puisque les entreprises seraient simplement tenues par la loi de faire ce qu'elles prétendent déjà faire en vertu de leur régime d'autodiscipline.

Comment concilier ce que le témoin antérieur nous a dit aujourd'hui et ce que vous-même nous avez dit, à savoir que la réglementation qui vise à protéger le consommateur est un fardeau qu'on ne devrait imposer aux sociétés que si on entend par ailleurs ouvrir certaines possibilités à la concurrence?

M. Clark: Nous tentons de soulever deux points. D'abord, nous tenons à ce que vous vous posiez au moins la question suivante: agirais-je ainsi que les projets de fusion aillent de l'avant ou non? Si la réponse est que vous agissez ainsi en raison uniquement des fusions, les conditions devraient être imposées aux partenaires de la fusion, et non au reste de l'industrie. Personne d'autre, en effet, ne bénéficie des avantages de la fusion.

Le premier point que nous soulevons est qu'on devrait établir une distinction entre les conditions des fusions et la politique publique générale. Dirions-nous toujours: «Non. J'agirais ainsi même si aucun projet de fusion n'avait été présenté au Canada.» Ce que nous craignons, c'est que le débat qui entoure les fusions n'ait créé une atmosphère dans laquelle on exerce des pressions en vue du deuxième scénario, lesquelles sont en fait motivées par les préoccupations qu'inspire le premier.

Quant au deuxième point que vous avez soulevé, nous avons fait l'expérience des deux mondes puisque nous avons exercé nos activités aux États-Unis, où il existe un régime légaliste. Nous exerçons également nos activités au Canada, où c'est le régime du bon citoyen qui s'applique. Aux États-Unis, nous avions des conseils indépendants avec lesquels nous nous réunissions. Les Américains disaient: «À nos yeux, il est clair que le régime légaliste est moins avantageux pour le consommateur que le régime du bon citoyen.» Lorsque, en effet, on crée dans une organisation une atmosphère en vertu de laquelle on doit faire ce qu'il faut pour se conformer à la loi, c'est -- on ne s'en rend pas compte, mais c'est ce qui arrive aux États-Unis -- le contraire qui se produit. On évite alors de faire quoi que ce soit qui puisse contrevenir à la loi parce qu'on est déjà confronté à un fardeau réglementaire. Dès lors, on doit littéralement se conformer aux critères employés par la loi, et on dégage les dirigeants d'entreprises de la responsabilité morale de faire ce qui est juste. L'État a déclaré son intention de prendre les décisions morales qui s'imposent. Il vous assujettit à un ensemble de règlements très complet.

En un sens, nous avons été consternés de constater comment l'industrie fonctionnait. On ne se demandait pas: quel est l'esprit de la loi? Qu'attendent-ils de nous? Aux États-Unis, nous venions au premier rang des institutions financières au chapitre du réinvestissement communautaire. Pourquoi? Parce que, dans le domaine du réinvestissement communautaire, nous avons adopté aux États-Unis une attitude canadienne, et non américaine. Le conseil a été stupéfié de nous voir emprunter cette voie. Ses membres ont demandé: «Pourquoi faire cela? La loi ne vous oblige pas, et vous ne devriez faire que ce que prescrit la loi.»

En agissant de la sorte, vous feriez reculer le pays et vous me dégageriez, en tant que dirigeant d'entreprise, de toute responsabilité morale quant à la façon dont je me comporte.

Le président: Je suis assez d'accord pour dire que nous ne devrions pas trier à la pièce. Permettez-moi de vous poser une question au sujet de l'ouverture du système de paiement. Il me semble que s'il y a un secteur où on pourrait choisir sans nuire à quoi que ce soit d'autre, tout en répondant à vos critères, c'est bien celui-là. Depuis quelques années, certains d'entre nous soutiennent que l'ouverture du système des paiements n'a strictement rien à voir avec la question des fusions.

Ai-je raison de tenir pour acquis que l'ouverture du système des paiements à d'autres institutions financières pourrait permettre une forme de sélection dans la mesure où il s'agit de la bonne politique officielle?

M. Clark: Nous nous sommes prononcés officiellement en faveur de l'ouverture du système des paiements, à condition que les acteurs qui entrent dans le système soient assujettis aux mêmes critères que ceux qui s'y trouvent déjà. Si tel est le cas, je suis donc d'avis qu'on devrait ouvrir la porte à tous. Ce qu'on ne peut pas faire, c'est leur permettre de choisir uniquement le système des paiements. Ils n'ont pas besoin des capitaux, ils n'ont pas appliqué les critères liés à la prudence, mais ils ont accès au système et, en un sens, nous devons nous porter garants d'eux. S'ils répondent aux mêmes critères que nous, je leur ouvrirais les portes.

Le président: Ils devraient payer les mêmes frais de transaction que vous, n'est-ce pas?

M. Clark: C'est exact.

Le président: Doivent-ils payer un droit d'entrée en plus des sommes déjà investies dans la constitution du réseau, et cetera?

M. Clark: Nous en sommes actuellement au stade de la négociation, et non à celui de l'établissement des principes. Je pense que ce sont là des questions intéressantes. Comment peut-on les intégrer? Quelle serait, pour nous qui avons assumé les coûts, une juste compensation? Je ne pense pas qu'on devrait invoquer la question des compensations pour les empêcher d'entrer dans le système.

Le président: Monsieur Clark, je vous remercie de votre comparution. Vous avez présenté un témoignage fascinant.

Nos derniers témoins d'aujourd'hui proviennent de GE Capital Canada et de l'Association canadienne de financement et de location.

De GE Capital Canada, nous accueillons Michael Davies et Bob Weese, qui ont tous deux déjà comparu devant le comité. De l'Association canadienne de financement et de location, nous accueillons David Powell et Tom Simmons.

Je demanderai d'abord à GE Capital Canada puis à l'Association canadienne de financement et de location de présenter leurs mémoires, après quoi nous passerons à la période de questions.

M. Robert D. Weese, vice-président, Relations gouvernementales et extérieures, GE Canada: Monsieur le président, sans prendre trop de votre temps, je voudrais vous parler brièvement de GE Capital. GE Capital est l'une des 11 grandes divisions de la société General Electric -- aux côtés des divisions de l'éclairage, des moteurs, des réseaux électriques et d'autres que vous connaissez.

La société General Electric est l'une des entreprises les plus importantes et les plus florissantes au monde -- ses produits d'exploitation mondiaux s'élevant l'an dernier à 91 milliards de dollars US, et son bénéfice net se situant à 8,2 milliards de dollars US. GE est présente au Canada depuis bien plus de 100 ans. Ses produits d'exploitation canadiens se chiffraient l'an dernier à 4,2 milliards de dollars canadiens.

GE Capital, division au nom de laquelle nous nous adressons à vous aujourd'hui, a son siège à Stamford, au Connecticut. GE Capital compte maintenant pour environ 40 p. 100 des produits d'exploitation et du bénéfice net de GE. L'an dernier, les produits d'exploitation mondiaux de GE Capital s'élevaient à 40 millions de dollars US, et son bénéfice, à 3,3 milliards de dollars US.

GE Capital est une société de services financiers diversifiés bénéficiant d'une cote de crédit triple A. Elle offre une large gamme de services de financement et de crédit-bail spécialisés aux entreprises. Les services en question sont le fait de 28 divisions commerciales distinctes regroupées dans cinq principaux secteurs. Les secteurs en question sont la gestion d'équipement, le financement du marché intermédiaire, l'assurance spécialisée, les services financiers personnels et le financement spécialisé.

GE Capital Canada est une société affiliée en propriété exclusive de GE Capital. Seize des 28 divisions mondiales de GE Capital ont des activités au pays -- ce sont notamment Crédits d'équipement, GE Capital Solutions Technologiques, GE Capital Assurance Hypothèques -- qui a acquis la CAHC il y a quelques années et qui représente actuellement le concurrent de la SCHL dans le secteur privé pour ce qui est de l'assurance hypothécaire --, Gestion de véhicules, Location d'autos, Financement Immobilier Commercial et ainsi de suite. Je vous invite à faire la lecture des pages 6 à 14 de notre brochure d'entreprise. Vous y trouverez une description des divisions de GE Capital au Canada.

GE Capital, qui emploie 2 600 personnes dans des bureaux situés d'un bout à l'autre du Canada, affichait l'an dernier des profits d'exploitation de 1,9 milliard de dollars canadiens et des actifs de 6 milliards de dollars canadiens. En comparant notre avoir à celui des grandes banques au Canada, on constate que GE Capital est un «petit joueur» en termes relatifs. Tout de même, nous croyons jouer un rôle significatif sur le marché.

Nos capitaux proviennent non pas de dépôts de détail, mais plutôt de prêteurs spécialisés -- Euro-obligations, effets de commerce -- en coupures de 100 000 dollars, garantis par GE Capital et sa cote de crédit triple A. Certaines des divisions de GE Capital font concurrence aux banques, mais ce n'est pas le cas de la plupart d'entre elles. Le principal concurrent de nombreuses entreprises canadiennes de GE Capital est Newcourt Credit.

Depuis plusieurs années, GE Capital s'intéresse beaucoup aux délibérations qui ont lieu au Canada quant à l'avenir des établissements financiers, et particulièrement la Loi sur les banques. Nous avons présenté nos vues il y a quelques années au comité ici présent ainsi qu'au comité des finances de la chambre à propos des modifications touchant la Loi sur les banques. Les discussions en question ont mené aux amendements entrés en vigueur en 1997 (ils faisaient partie du projet de loi C-82). Nous avons été et nous continuons d'être tout à fait en faveur des amendements de 1997 qui ont éliminé -- pour nous -- d'importants obstacles à l'efficacité de nos activités au Canada, en supprimant la nécessité d'obtenir une autorisation du Cabinet chaque fois que nous voulions créer une division, transférer des actifs d'un filiale à l'autre ou acquérir de nouveaux actifs dans un secteur d'activité où nous avions déjà obtenu l'autorisation d'être présents.

En acceptant de modifier de cette façon la Loi sur les banques, le gouvernement reconnaissait la légitimité de notre position -- nous ne sommes pas une banque. Nous étions assujettis à la définition très large qui est donnée de l'activité bancaire dans la Loi sur les banques comme à certaines des exigences de cette loi.

Nous ne sommes pas une banque. Nous ne sommes pas assujettis à la réglementation sur les banques aux États-Unis. Nous n'acceptons pas les dépôts, nous ne sommes pas couverts par l'assurance-dépôts. Nous n'exposons le gouvernement à aucun risque et nous ne participons pas au système de paiements. Nous ne sommes pas une banque, et aucune politique d'intérêt public ne peut justifier une réglementation une fois que l'autorisation d'entrer sur le marché canadien a été accordée. Voilà, pour l'essentiel, la raison d'être des modifications techniques qui ont été apportées à la Loi sur les banques et qui sont entrées en vigueur en 1997.

Pour une «quasi-banque étrangère», les amendements de 1997 signifiaient effectivement l'abolition d'un fardeau réglementaire inutile dont le seul effet avait été d'augmenter nos coûts et de nous créer des difficultés supplémentaires lorsque nous voulions fournir aux entreprises canadiennes le financement dont elles ont besoin pour croître et poursuivre leurs activités.

C'est avec plaisir que nous avons présenté il y a moins longtemps encore nos vues au groupe de travail MacKay. Nous avons participé récemment à une séance du comité des finances de la Chambre des communes. Nous sommes enchantés de pouvoir témoigner aujourd'hui, et nous serons là le mois prochain à l'audience du comité de la Chambre.

Monsieur le président, nous sommes ici aujourd'hui pour vous dire que nous applaudissons aux conclusions du groupe de travail, et que nous appuyons son approche générale de même que ses principales recommandations. Nous croyons que M. MacKay et ses collègues ont fait un travail soigné et minutieux, et qu'ils ont produit un rapport judicieux, équilibré, qui nous oriente dans la bonne direction.

Nous appuyons l'avis du groupe MacKay selon lequel les consommateurs et les entreprises seront le mieux servis et de la façon la plus efficace si le secteur des services financiers est soumis à un maximum de concurrence et à un minimum de réglementation. On doit utiliser la réglementation pour des motifs de prudence, pour assurer la sécurité et la solidité du système financier, et, dans la mesure nécessaire, pour protéger les déposants et souscripteurs ordinaires et limiter l'exposition aux risques du gouvernement. Pour le reste, il faut laisser les forces du marché agir librement, sous réserve des lois d'application générale régissant le comportement des entreprises sur le marché.

On doit laisser les banques, si elles le désirent, étendre les services qu'elles peuvent offrir à leurs clients. Mais il faut s'assurer d'éliminer tous les obstacles qui entravent les activités des autres fournisseurs des services financiers -- autant nationaux qu'étrangers -- qui peuvent offrir des solutions de remplacement aux consommateurs et aux entreprises du Canada. Dans notre cas particulier, les amendements apportés en 1997 à la Loi sur les banques sont tels qu'il est nettement plus facile pour nous maintenant de fournir des services financiers aux entreprises canadiennes.

Nous applaudissons en particulier aux conclusions du groupe de travail MacKay, qui a reconnu: les changements énormes qui sont en cours dans le secteur des services financiers canadien et dans le monde, étant donné les changements technologiques et la mondialisation, et la nécessité d'adapter les politiques, les lois et la réglementation canadienne aux réalités nouvelles; la nécessité d'assurer la concurrence sur les marchés, en vue de réaliser les niveaux d'efficience souhaitables et de maximiser les choix des consommateurs; la nécessité d'éliminer les obstacles à l'entrée au Canada ou au démarrage et au succès des activités d'un large éventail de fournisseurs de services qui sont compétitifs ou complémentaires par rapport aux services offerts par les banques.

Nous applaudissons aussi aux conclusions suivantes: la proposition de lever l'interdiction générale de fusion des banques; les propositions visant à faciliter les activités des banques étrangères au Canada et à leur permettre d'offrir plus facilement des services aux Canadiens; la proposition d'assouplir la règle de propriété de 10 p. 100; la proposition d'éliminer des retenues fiscales pour encourager les prêteurs non résidents; la recommandation d'éliminer ou de réduire les taxes sur le capital -- même si, à ce sujet, nous nous inquiétons un peu de la distinction que l'on pourrait faire entre les institutions financières existantes et les nouvelles.

Nous nous réjouissons aussi de l'ouverture du système de paiements, même si GE Capital ne voit présentement aucun intérêt à y participer; de la simplification des procédures d'approbation du BSIF et du gouvernement; et de la distinction entre les prêteurs étrangers et les institutions de dépôts chaque catégorie devant être régie par des règles appropriées.

Pour résumer, monsieur le président, nous sommes d'avis que le secteur des services financiers connaît les mêmes défis, les mêmes pressions et les mêmes occasions que GE et d'autres sociétés ont constatés dans d'autres secteurs de l'économie en s'adaptant à la mondialisation et aux changements technologiques. Reconnaissant la responsabilité spéciale des gouvernements en ce qui touche la santé du secteur des services financiers et le rôle d'une réglementation prudente en vue de protéger les déposants et souscripteurs ordinaires, nous croyons que le groupe de travail a adopté une vision qui est, dans son ensemble, juste: délaisser le modèle d'un marché national réglementé et protégé et rechercher une plus grande efficacité, une plus grande concurrence et un plus grand choix pour les Canadiens et les entreprises canadiennes, en permettant au secteur des services financiers d'être plus ouvert, plus flexible et plus concurrentiel à l'échelle mondiale.

M. Tom Simmons, président du conseil, Association canadienne de financement et de location: Monsieur le président, je tiens à remercier le comité de l'occasion qui m'est offerte de venir présenter un point de vue sur le rapport MacKay.

Je suis président du conseil de l'ACFL et je travaille chez Newcourt Credit. Je suis accompagné aujourd'hui de M. David Powell, président de notre association. Nous avons rédigé à l'intention du comité un mémoire qui résume nos réflexions. Compte tenu des points de vue et des intérêts variés que défendent nos membres, la position présentée dans le mémoire ne reflète pas le point de vue unanime des membres de l'ACFL; disons plutôt que c'est là que convergent les vues de la majorité des membres.

Le mémoire se divise en deux volets. Le premier renferme des observations sur le rapport final du groupe de travail. Le deuxième est constitué de l'annexe A, qui reprend le mémoire de l'ACFL à l'intention du groupe de travail MacKay. La vision que se donne l'ACFL de l'avenir du secteur canadien des services financiers n'a pas changé depuis un an. Notre point de vue sur le rapport final du groupe de travail repose sur les principes que nous avons fait valoir l'an dernier.

Le rapport final du groupe de travail constitue un progrès important dans le débat sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada. Nous applaudissons en particulier à un certain nombre des observations formulées par le groupe de travail. Nous convenons du fait que la réglementation gouvernementale devrait représenter le minimum vital qu'il faut pour réaliser les objectifs de la politique officielle. La transparence et la concurrence sur le marché devraient être les moyens de prédilection pour qui veut réglementer les forces du marché.

Cela dit, nous reconnaissons la nécessité de disposer de règles de prudence, de sécurité et de fiabilité afin de protéger le profane, de réduire au minimum les risques systématiques et les risques pour le gouvernement. De même, nous sommes d'accord avec la nécessité de mesures de surveillance du marché. Nous sommes aussi d'accord avec l'idée que les joueurs présents sur les créneaux dans le marché financier jouent un rôle important pour assurer la concurrence et le choix dans le secteur des services financiers de l'avenir.

Les recommandations encourageant l'arrivée de nouveaux fournisseurs de services financiers étrangers ou canadiens, qu'ils prennent ou non la forme de banques, sont indispensables à la réalisation des objectifs que le gouvernement s'est fixés pour réformer le cadre des services financiers. Dans le contexte, je ne pouvais passer sous silence le fait que le rapport MacKay est le premier rapport gouvernemental en bonne et due forme qui reconnaisse l'importance pour l'économie financière de l'industrie du financement d'équipement adossé à des biens et de crédit-bail automobile.

Selon le groupe de travail, l'avoir total de notre industrie en 1996 s'élevait à quelque 50 milliards de dollars. En guise de comparaison, disons que l'avoir total de l'industrie de l'assurance IARD se serait chiffrée à 53,3 milliards de dollars. Pour l'ACFL, voilà une étape importante qui est franchie: les gens sont de plus en plus conscients de notre industrie. De même, nous croyons qu'il importe que le groupe de travail reconnaisse la valeur du capital mondial pour l'économie canadienne.

La reconnaissance du rôle que joue le capital étranger pour améliorer la concurrence et la compétitivité est un élément clé pour accroître le nombre et la diversité des fournisseurs de services financiers sur le marché canadien. Bien que l'économie canadienne soit en mesure de générer un capital d'investissement non négligeable, les besoins en capitaux de notre économie en croissance ne sauraient être comblés seulement par des sources canadiennes. Pour garantir un choix aux clients au Canada, les capitaux de source étrangère sont essentiels. Or, un grand nombre des membres de l'ACFL font partie de cette catégorie.

M. David Powell, président, Association canadienne de financement et de location: Le groupe de travail entrevoit que ses recommandations aboutiront à un cadre stratégique où le Canada et les Canadiens peuvent tirer parti d'un secteur des services financiers qui est viable, dynamique, innovateur et concurrentiel. C'est là un objectif que nous appuyons sans réserve. La grande question qu'il faut se poser: Comment en arriver là? À notre avis, il importe ici de faire une mise en garde -- je dois dire que l'exposé des deux témoins précédents m'a frappé, car nos points de vue semblent concorder sur plusieurs questions.

Au fur et à mesure que les décideurs chercheront à mettre en place les recommandations du groupe de travail et que nous passons de la théorie à la pratique, nous craignons les risques que pose l'instauration d'un cadre dont l'effet serait d'éloigner le secteur des services financiers de la notion de choix pour le rapprocher plutôt du facteur de la concentration.

C'est à dessein que nous avons opté pour le mot «choix» dans le titre de notre mémoire. La vision que se donne l'ACFL du système de services financiers repose sur la notion de choix. Nous entendons par là le choix du consommateur aussi bien que de l'entreprise qui recourent à des services financiers.

À nos yeux, le message principal, c'est que, pour la première fois de l'histoire moderne, si les États peuvent s'empêcher de s'immiscer dans le dossier, les forces du changement tourneront au profit du client qui reçoit des services financiers, plutôt que du fournisseur. L'élément qui doit servir de catalyseur à ce «transfert» de l'avantage à cet égard, c'est l'assurance du choix du client.

Pour évaluer l'ampleur véritable du choix dont dispose le client, il faut toutefois tenir compte de facteurs qui réduisent le choix aussi bien que de ceux qui l'élargissent. La concurrence, la concentration, l'efficience, l'innovation et la réglementation ne sont en somme que des moyens d'arriver à une fin, cette fin étant le choix du client.

Comme nous le faisons valoir dans notre mémoire à l'intention du groupe de travail, depuis les quelque dix années où le secteur des services financiers est déréglementé, nous avons vu les banques à charte accroître leurs pouvoirs et consolider leurs forces et leurs avantages par rapport aux autres sur le marché. Quelles ont été les conséquences pour les clients?

Pour prendre un exemple, et M. Clark en a parlé lui aussi, nous avons comparé l'écart entre les taux d'intérêt des sociétés de fiducie sur les hypothèques résidentielles de 1984 à 1995, puis nous avons comparé le coût plus élevé des prêts-automobile offerts par l'entremise des succursales bancaires aux concessionnaires automobiles financés par les banques. Notre étude de la question a démontré que les banques exigeaient un prix plus élevé pour les services financiers et que, contrairement à une idée souvent admise, la présence des banques sur divers marchés ne se traduit pas par des coûts plus abordables pour le client.

La concentration et les abus qu'elle peut susciter sur le marché représentent des préoccupations fondamentales qu'il faut encore régler. Or, les appréhensions qui sous-tendent les questions en jeu ne sont pas simplement théoriques. Elles ont des conséquences tout à fait profondes pour notre société, car elles touchent les clients aussi bien que les entreprises de tous genres. L'idée qu'un petit groupe d'établissements financiers domine le secteur des services financiers suscite un malaise généralisé.

La concentration qui caractérise actuellement le secteur des services financiers est l'héritage d'une politique fédérale menée à dessein depuis 100 ans. Pour l'avenir, le défi que doivent relever les décideurs consiste donc à transformer un système qui favorise, de tradition, la concentration dans le secteur en un système qui garantit une concurrence efficiente et une protection efficace contre la concentration et les cas d'abus sur le marché.

La direction prise par le passé est bien connue. La voie choisie pour l'avenir sera-t-elle différente? Toutes choses étant égales par ailleurs, les banques y gagneront au change.

Comment faire pour en arriver là? Par exemple, le secteur du crédit-bail automobile sera-t-il simplement le prochain à connaître le même résultat? De nos jours, les banques sont déjà les plus grandes sources de financement dans l'industrie du crédit-bail en général, et de l'industrie du crédit-bail automobile, en particulier. Si nous espérons, à l'instar du groupe de travail, que les nouveaux arrivants étrangers aussi bien que canadiens viendront élargir le choix dont dispose le client, il reste à voir si les pouvoirs publics sont en mesure de provoquer un tel état de faits.

Tout comme M. Godsoe et M. Clark le faisaient remarquer, on risque par là de mettre en place, à la pièce, des blocs distincts. La sélectivité et les frais bancaires sont en quelque sorte des structures isolées -- la concentration sera plus grande, le choix, moins grand. Nous cherchons une façon de régler ces questions.

M. Simmons: Il est essentiel de disposer de moyens efficaces pour empêcher la concentration et les abus qui peuvent en découler sur le marché.

D'une part, il est nécessaire de démontrer que nous pouvons attirer de nouvelles entreprises canadiennes et étrangères sur le marché et que celles-ci soient présentes en nombre suffisant pour concurrencer les grands établissements financiers déjà établis et leur faire contrepoids, de sorte que le consommateur puisse faire son choix parmi de nombreux fournisseurs possibles.

D'autre part, on estime que la structure et les règles appliquées pour régir et empêcher la concentration et les abus qui en découlent sont inadéquates. À plusieurs endroits dans le rapport final, le groupe de travail parle de la nécessité de trouver des solutions appropriées ou de laisser aux intervenants établis le temps de rajuster le tir. Visiblement, il nous en reste encore beaucoup à faire avant de trouver et d'appliquer des solutions aux problèmes que pose la concentration et les abus éventuels qui en découlent.

Au départ, pour créer un cadre stratégique pour l'avenir, il faut veiller à ce qu'il existe des règles réalistes, des recours accessibles et efficaces et des mesures de protection exécutoires qui permettent aux gens d'obtenir réparation en temps opportun, avant de commencer à jouer avec le système.

Nous pouvons tous convenir, à l'instar du groupe de travail, que l'objectif consiste à élaborer un cadre stratégique où le Canada et les Canadiens peuvent tirer parti d'un secteur des services financiers qui est à la fois viable, dynamique, innovateur et concurrentiel. Nous prétendons, quant à nous, qu'il faut d'abord et avant tout mettre en place un cadre qui empêche la concentration des forces sur le marché et les abus qui en découlent, ce qui minerait le choix pour le client.

Nous ne voyons pas en quoi il serait sage pour les décideurs de réattribuer des pouvoirs comme ceux qui touchent le crédit-bail automobile ou permettre la restructuration des institutions financières avant que nous ne soyons convaincus du fait que le passé récent ne se répétera pas. Il n'est pas dans l'intérêt public que les parts du marché des services financiers se concentrent encore plus entre les mains d'un petit groupe de fournisseurs. Une réduction du nombre de fournisseurs dans tout secteur touchant les services financiers va tout à fait à l'encontre de la vision que se donne l'ACFL de l'avenir et des services financiers au Canada.

Le président: Les propos laudatifs que vous avez tenus à propos du rapport MacKay, toutes ces bonnes choses que vous aviez à dire à son sujet, m'ont intrigué. Comme vous dites fondamentalement que le rapport est utile parce que ses recommandations serviraient à accroître la concurrence dans le secteur, supposons que tout ce que vous jugez positif dans le rapport MacKay était mis en vigueur. Quel effet cela aurait-il sur votre stratégie commerciale au Canada? Autrement dit, est-ce que vous finiriez par offrir toutes sortes d'autres services? Le cas échéant, lesquels?

Vous parlez de l'élimination de propositions pour simplifier la tâche des banques étrangères qui exercent des activités au Canada, de l'assouplissement de la règle des 10 p. 100 et ainsi de suite. Tout cela est intéressant, mais cela n'a peut-être absolument rien à voir avec l'application d'une politique officielle favorisant la concurrence si, de fait, la modification des règles en question ne conduit pas à une modification de votre stratégie commerciale.

Que se produirait-il si nous changions les règles?

M. Weese: Nous n'avons pas beaucoup d'obstacles devant nous en ce moment. Avec les modifications apportées en 1997, notre capacité d'exercer des capacités et de croître au Canada, ainsi que de fournir des services aux entreprises canadiennes, est grandement améliorée. Il y a d'autres divisions de GE Capital qui ne sont pas encore présentes au Canada.

Le président: Pouvez-vous nous renseigner là-dessus?

M. Weese: Je dirais qu'environ 16 des 28 divisions de GE Capital se trouvent actuellement au Canada. Depuis trois ou quatre ans, ce chiffre a augmenté d'une assez bonne marge. La division de l'assurance hypothécaire est arrivée il y a trois ou quatre ans et s'est structurée, et le financement de projet est maintenant chose faite au Canada.

M. Roman Oryschuk, président-directeur général, GE Capital Canada, Crédits d'équipement: La division de l'assurance hypothécaire n'est pas présente au Canada. Nous fournissons tout de même de l'assurance sur les hypothèques résidentielles. Nous n'offrons pas d'hypothèques résidentielles au Canada.

Le président: Pourquoi pas?

M. Oryschuk: Nous ne sommes probablement pas intéressés, étant donné les aspects économiques du marché ici. Vous devez comprendre la façon dont nos entreprises fonctionnent. Nous sommes à l'opposé d'un grand nombre d'établissements financiers. Nous comptons 28 entreprises différentes. Chacune compte un directeur général qui, d'habitude, prend en charge les opérations dans un créneau particulier. Dans mon cas, il s'agit du financement d'équipement. Les hypothèques représenteraient un autre créneau. Chacun des directeurs généraux en question détermine comment se lancer sur le marché, qui engager pour le faire, quels systèmes adopter, la technologie, les régimes de rémunération et ce qui fait précisément que nos offres de service intéresseront le marché.

Le président: Parlez-vous d'un directeur général pour le monde entier ou d'un directeur général pour le Canada?

M. Oryschuk: Non, c'est un directeur pour le monde entier. Je suis moi-même directeur général pour le Canada de l'une de nos entreprises.

Le président: Mais c'est un directeur général pour le monde qui décide du plan de jeu?

M. Oryschuk: Tout à fait. Il ou elle décide dans quel pays le match aura lieu, regarde les aspects économiques de la chose -- c'est-à-dire l'environnement concurrentiel -- et détermine si nous pouvons apporter une contribution significative au marché où nous nous retrouverions.

Au cours des cinq dernières années, GE Capital est devenu, de par son propre choix, un joueur beaucoup plus important sur plusieurs segments de ce marché. Au fil du temps, nous avons déterminé quels segments nous paraissaient offrir la meilleure promesse de succès. Or, nous avons du succès parce que nous offrons quelque chose qui est sensiblement différent de ce qu'offrent les autres entreprises de services financiers.

Par exemple, notre entreprise donne dans le crédit-bail automobile, mais notre crédit-automobile au Canada privilégie deux secteurs précis. Nous louons des voitures à des sociétés, mais nous louons des voitures avec un ensemble de services regroupés. Autrement dit, nous participons à l'acquisition et à la sélection des voitures, et à la gestion du parc automobile. Quand je parle de «gestion du parc automobile», je fais notamment allusion au combustible, à l'entretien, aux rapports sur l'utilisation faite des véhicules, au fait d'être en mesure d'aider l'entreprise à décider à quel moment remplacer les voitures, puis de nous défaire des voitures et de commencer le cycle à nouveau.

L'autre segment du secteur canadien du crédit-bail automobile ou du financement de l'achat de voitures où nous sommes actifs, c'est le secteur du détail. Notre présence est assurée par l'entremise des fabricants et des concessionnaires, et non pas par un contact direct les avec le client.

Le président: Puis-je tirer en toute justice les conclusions suivantes? Il y a 28 entreprises. De ce nombre, 16 se trouvent au Canada, par conséquent, 12 ne s'y trouvent pas. Si ces 12 entreprises ne sont pas ici, c'est que la loi leur interdit d'être ici; il y a un contexte réglementaire qui fait que cela est impossible. En outre, si elles ne sont pas ici, c'est que vous avez conclu que l'entreprise située ici ne pourrait rapporter autant d'argent que l'entreprise située ailleurs dans le monde avec les mêmes ressources. Est-ce là une conclusion raisonnable?

M. Oryschuk: C'est une conclusion possible. Je crains de ne pouvoir bien répondre à cette question, car c'est le directeur général de l'entreprise qui serait mieux placé pour le faire. Je dirais que nous ne serions pas présents sur certains créneaux du marché. Il existe certains produits spéciaux -- c'est le cas par exemple de l'assurance -- dont nous avons convenu de ne pas pénétrer le marché du fait d'une entente spéciale.

Monsieur Davies, le cadre de réglementation nous empêcherait-il d'une manière ou d'une autre de pénétrer le marché de l'assurance?

M. Michael N. Davies, vice-président et avocat-général, GE Canada: Certaines de nos compagnies d'assurances chez GE Capital aux États-Unis examinent actuellement le potentiel du marché canadien. Je ne crois pas qu'il existe au Canada de règle particulière qui nous empêcherait de pénétrer ce marché.

Le président: Cela me porte à conclure que, du point de vue de GE Capital, le constat du groupe de travail MacKay est, en un sens, à côté de la question. Nous étions d'avis que vous seriez l'une des entreprises qui arriveraient sur le marché canadien si nous changions la politique officielle de manière à accroître la concurrence.

Je ne cherche pas à critiquer! C'est une décision d'affaires de votre part. Le fait que vous ne vous lanciez pas sur le marché et que vous ne deveniez donc pas un joueur qui vient accroître la concurrence ne veut pas dire pour autant que la modification de la politique officielle, comme on le souligne dans le rapport MacKay, ne servirait pas à accroître la concurrence. D'autres joueurs viendraient, mais vous ne figureriez pas parmi eux. Est-ce là une conclusion raisonnable?

Vous êtes déjà présent ici dans les secteurs où vous souhaitez être actif. Vous n'êtes absent d'aucun secteur où vous voudriez nécessairement vous retrouver de toute façon.

M. Davies: Je ne veux pas laisser entendre que la situation de GE Capital au Canada est forcément statique. Nous comptons aujourd'hui 16 entreprises; il y a quelques années, c'était 12. Nous continuons à envisager une expansion, une croissance au Canada.

Vous avez raison d'affirmer que, compte tenu des modifications qui ont été apportées à la Loi sur les banques il y a 18 mois environ, le fardeau de la réglementation n'est pas tel qu'il nous empêcherait déraisonnablement de connaître une expansion au Canada, conformément à un plan d'affaires normal. Nous ne sommes pas vraiment une banque, de sorte que les questions touchant les succursales bancaires et les banques à l'étranger qui viennent s'installer au Canada n'ont aucune incidence sur nous.

Les recommandations que renferme le rapport du groupe de travail MacKay n'ont pas d'incidence précise sur nos desseins en tant qu'entreprise. Tout de même, comme nous occupons une place importante parmi les fournisseurs de services financiers au Canada, et étant donné que nous sommes déjà venus ici, nous avons déterminé qu'il convenait pour nous de venir comparaître et de vous fournir nos observations.

Le sénateur Tkachuk: Dans le rapport du groupe de travail MacKay, il est recommandé que les banques puissent être présentes dans le secteur du crédit-bail automobile. Le président de la Banque Royale estime qu'il s'agit là d'un service financier. Si vous louez une voiture à bail, ce qui donne toujours une valeur individuelle assez élevée au bout du compte, êtes-vous dans le secteur automobile ou dans le secteur des services financiers?

M. Oryschuk: Je proposerais une réponse à cette question. Je dois ajouter que ce n'est pas un secteur où je suis actif personnellement. M. Simmons voudra probablement répondre à la question lui aussi.

Une bonne part de l'activité de GE Capital concerne la gestion d'équipement. Souvent, nous estimons que les services financiers représentent une combinaison de services financiers et d'autres services qui y sont liés, particulièrement du côté des grandes sociétés. Envisagée du point de vue du consommateur, notre activité est autre: elle passe par le fabricant et le concessionnaire. Par exemple, nous misons sur la valeur résiduelle des voitures. Autrement dit, jusqu'à un certain point, nous essayons de prévoir ce que représentera la valeur de ces voitures à l'avenir, au moment où l'opération de crédit-bail est achevée.

Le sénateur Tkachuk: Vous devez faire cela pour être concurrentiel.

M. Oryschuk: Tout à fait.

En ce moment, comme vous n'êtes peut-être pas sans le savoir, de nombreux bailleurs de l'industrie se sont trompés sur ces valeurs. Il y a là un élément de risque. Il est très important que les gens qui gèrent ces entreprises aient une bonne compréhension des biens qui font l'objet des opérations.

La même théorie s'applique à l'entreprise. Nous louons beaucoup d'équipement, et nombre de décisions de crédit que nous prenons reposent sur notre compréhension de l'équipement, de l'usage qui en est fait et de la valeur qu'il aura pendant la période d'application du bail aussi bien qu'à la fin de l'opération. Nous déterminons alors la valeur relative des avoirs financiers et faisons le lien avec la valeur des appareils en question. Cela nous donne une marge de manoeuvre nettement plus grande pour ce qui touche la décision de crédit, car, à ce moment-là, nous regardons non pas tant le bilan que le client lui-même. Nous essayons de savoir en quoi le client est en mesure d'acquitter les paiements prévus et nous comparons les paiements envisagés aux mouvements de trésorerie que doit générer l'entreprise. Cela nous donne un avantage, pour ainsi dire, mais nous avons alors d'autant plus la responsabilité de comprendre l'équipement ou les biens dont nous finançons l'achat.

M. Simmons: M. Oryschuk a commencé par dire que le crédit-bail automobile équivaut à un service financier, mais, de fait, cela ressemble davantage à un service de gestion de biens. Or, ce sont là deux services distincts.

Le sénateur Tkachuk: Lorsqu'on loue un local commercial à quelqu'un, il y a un administrateur d'immeubles qui veille à ce que l'endroit soit nettoyé et que rien ne soit détruit. Lorsque vous louez une voiture à quelqu'un, il vous faut faire changer l'huile et s'occuper de tout cet entretien.

M. Simmons: Pensez au propriétaire du véhicule. Que vous soyez bailleur dans le gros ou dans le détail pour ainsi dire, que vous soyez concessionnaire, ou indépendant, vous devez être préoccupé. C'est vous le propriétaire du véhicule. C'est vous qui héritez des problèmes. Vous devez assurer le suivi annuel pour ce qui touche les assurances. En Ontario, si quelqu'un dont le permis de conduire a été suspendu est pris en flagrant délit, le véhicule est mis en fourrière quel qu'en soit le propriétaire. Si c'est un véhicule loué, c'est le propriétaire qui doit faire les démarches pour en reprendre possession.

Le sénateur Tkachuk: Et il reçoit la contravention aussi.

M. Simmons: Il y a les campagnes de rappel des fabricants. Vous devez signaler à tous vos preneurs à bail qu'ils doivent rapporter leur véhicule en vue des réparations. Il y a l'inscription à la PPSA, mais j'imagine que ce serait le cas pour tout prêt, de toute façon.

Vous êtes en communication constante avec le client dans la période jugée appropriée pour que le cycle d'utilisation du véhicule s'accomplisse, que ce soit deux ans, trois ans, 27 mois ou 30 mois. Si vous offrez un service de gestion de biens, vous essayez de trouver la marchandise qui convient au client, qu'il s'agisse d'un véhicule commercial, d'une camionnette ou d'un grand fourgon. Vous conseillez un produit au client selon ses besoins. C'est un service de gestion du cycle de vie du bien, comme M. Oryschuk l'a affirmé, je crois.

Le crédit-bail de détail est presque comme un contrat de location à long terme. Plutôt que de louer la voiture pendant trois mois chez Hertz, vous la louez pendant deux ans, ou pour une période quelconque, du concessionnaire. Les baux s'étendent souvent sur 26 ou 27 mois, puis sont prolongés pour quelques mois parce que le kilométrage est moins élevé que prévu.

Le sénateur Tkachuk: Je pose ces questions non pas pour savoir si une banque ou quelqu'un d'autre devrait s'adonner au crédit-bail, mais plutôt pour soulever la question du risque. Autrement dit, les banques disposent de nos dépôts, et nous les empêchons d'être présentes dans de nombreux secteurs en raison du risque. J'essaie de bien saisir la question.

On est parvenu à nous convaincre que le secteur des services financiers est un seul secteur d'activité. Le secteur des transports ne se limite pas à l'automobile, à l'avion, au bateau. Ils nous ont convaincus du fait que, étant donné qu'il s'agit d'un service financier, il n'y a pas là plusieurs produits, et ils sont en mesure de bien faire dans tous les secteurs.

J'aimerais que vous me parliez du risque qui existe dans le secteur, puisque les affaires vont bien et que les profits sont élevés en ce moment, mais que cela n'a pas toujours été le cas.

M. Oryschuk: À ce sujet, je crois pouvoir illustrer en quoi nous ne voyons pas ces situations du même oeil chez GE Capital. Une des 28 entreprises dont il était question s'appelle GE Capital Aviation Services. La seule activité des membres du personnel de cette organisation est la location d'aéronefs commerciaux. Pour nous, ces biens particuliers ont tendance à évoquer des activités distinctes dont chacune exige des connaissances spécialisées, des gens spécialisés et des stratégies spécialisées de mise en marché. Voilà la recette de base de notre succès.

C'est là un exemple d'entreprise qui n'est pas située au Canada. Je dirais tout de même qu'il s'agit, pour une très bonne part, d'une entreprise mondiale, et nous comptons probablement au Canada des clients qui s'inscriraient dans cette catégorie. Pour ce qui est d'une activité mondiale de ce genre, il faut de bonnes connaissances pour être un financier à la fois efficace et prudent.

Soit dit en passant, pour ce qui touche le secteur des aéronefs, nous nous engageons au moment des commandes, et nous nous engageons à la fin des opérations de bail. Nous misons sur la valeur de l'aéronef et sur notre capacité de le louer ici et là dans le monde tout au long de sa vie utile.

M. Simmons: Puis-je ajouter à cela qu'il existe, en rapport avec la location d'un véhicule, un risque résiduel et qu'il faut, comme vous l'avez fait remarquer, préparer le coup. Comme nous le savons tous, de temps à autre, les usines subventionnent la chose ou appliquent une valeur résiduelle gonflée pour obtenir une plus grande part du marché de détail. C'est pourquoi elles obtiennent une proportion relativement plus élevée du marché du crédit-bail.

Ceux qui oeuvrent dans le secteur doivent toutefois fixer une valeur résiduelle réaliste. On peut contracter une assurance sur la valeur résiduelle, mais aucune compagnie d'assurances ne veut vraiment payer en rapport avec cela. Par conséquent, même si vous négociez une police d'assurance sur la valeur résiduelle qui est très intéressante, il vous reste encore le risque résiduel relatif aux franchises ou relatif à l'usure excessive du véhicule. La compagnie d'assurances assurera un véhicule particulier qui est en parfait état et dont le kilométrage est de tant; or, voilà un cas qu'on ne trouve pas régulièrement dans le secteur.

Le sénateur Joyal: Depuis 10 ans, vous avez assez bien réussi à offrir toute une panoplie de produits au Canada. Dans votre brochure, vous énumérez un certain nombre des services que vous offrez au Canada. Vous vous rappellerez qu'un des témoins a déjà souligné que la concurrence dont vous vous faites le défenseur, pour ce qui est des établissements bancaires, a été réduite depuis 10 ans. Elle n'a pas augmenté. Lorsque la Loi sur les banques a été modifiée de manière à permettre aux banques étrangères de pénétrer le marché canadien, nous nous attendions tous à ce qu'elle s'approprie une part considérable du marché. Dix ans plus tard environ, leur part du marché n'a pas augmenté. De fait, il y a maintenant moins de banques étrangères qui sont actives sur le marché canadien qu'auparavant.

Le rapport MacKay préconise un accroissement de la concurrence. Vous nous dites que le marché est maintenant segmenté, qu'il s'y trouve divers produits, que la concurrence internationale concerne essentiellement des créneaux et que nous ne devrions pas nous attendre à ce que les banques étrangères viennent ici et concurrencent au même niveau que les banques canadiennes.

Vous êtes d'avis qu'il nous faut aujourd'hui aborder ces questions différemment si nous voulons préserver la concurrence et que les observations du rapport MacKay en ce qui concerne les établissements bancaires sont exactes, du point de vue de la réalité économique?

M. Weese: Pour ce qui est du financement des entreprises canadiennes, depuis plusieurs années, nous avons vu s'accroître les options, dont bon nombre sont offertes par des entreprises étrangères comme GE Capital sans oublier les entreprises canadiennes qui ont fait l'objet d'un dessaisissement. Par conséquent, pour ce qui est du financement des entreprises, il y a eu augmentation du nombre de nouveaux produits, de nouvelles entreprises, augmentation de la concurrence et des options, et je crois que cela a très bien marché.

Je ne prétends pas être un spécialiste des services bancaires au détail, des services bancaires au consommateur, et je ne saurais vous dire pourquoi les services bancaires aux consommateurs n'ont pas produit autant de choix ni le même environnement concurrentiel que nous avons pu observer dans le secteur du financement des entreprises. Il s'agit peut-être de questions concernant l'exploitation de succursales bancaires à l'étranger. Je sais que, selon certains observateurs, le marché bancaire canadien comporte des protections et des règles jugées strictes, avec de nombreux obstacles à l'entrée. Je ne prétends pas être spécialiste, mais, et il s'agit ici d'un point de vue largement répandu, les banques étrangères qui veulent venir ici et offrir une panoplie de services au consommateur n'ont pas la tâche facile.

Du point de vue du financement des entreprises, je crois que nous avons connu un assez bon succès avec l'accroissement des possibilités.

M. Oryschuk: Il existe quelques facteurs significatifs qui expliquent la croissance de GE Capital au Canada. D'abord, il y a notre capacité d'acquérir des entreprises. Une partie de notre croissance provient clairement du fait que nous avons acquis des entreprises particulières au Canada, entreprises qui se trouvaient dans des créneaux où nous voulions nous retrouver nous-mêmes.

Par exemple, une des premières acquisitions de GE Capital durant les années 80 concernait International Harvester Finance. La société de crédit-bail de la Banque Nationale a été une acquisition subséquente. C'est l'un des ingrédients de la recette.

Autre ingrédient de la recette: nous avons pu «transférer» des États-Unis au Canada certaines de nos relations avec les clients. Ensuite, nous avons transféré au marché canadien un produit qui connaît du succès sur le marché américain.

Les acquisitions représentent une façon de se placer sur le marché, mais elles ne suffisent en elles-mêmes à la tâche. Notre recette consistait à garder les grandes organisations intactes et à continuer à croître par l'extension de la gamme de produits et des services, et par la dynamisation des équipes acquises. Cela a permis à ces entreprises de continuer à croître sur le marché canadien. Peut-être que certaines des banques étrangères n'ont pas adopté cette approche.

M. Powell: GE Capital est un membre important de notre association auquel nous tenons certainement, mais signalons que nous avons vu s'inscrire environ 30 membres depuis 12 mois, dont la plupart sont des sociétés américaines qui arrivent sur le marché canadien. Oui, la plupart se sont d'abord concentrées sur telle ou telle activité -- et je crois que le vrai défi réside dans le marché de détail où se trouve le consommateur, comme l'a dit Bob Weese -- mais les difficultés que nous avons éprouvées tiennent en partie au fait que nous ne disposons pas de renseignements suffisants sur ce qui se passe concrètement.

Nous avons témoigné devant le comité ici présent il y a six semaines à propos de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. À ce moment-là, nous avons mentionné une étude que nous avons réalisée avec le concours du Conference Board du Canada à propos des prêts aux petites entreprises. Cette étude indiquait que les moyens classiques de suivi ne dévoilaient que 50 p. 100 de l'activité. L'autre moitié se situait pour ainsi dire hors champ.

La semaine dernière, à notre assemblée annuelle, que nous avons tenue à Québec, je me suis adressé à un membre qui venait de Vancouver. Il s'agit d'une petite entreprise dynamique qui cherche à faire des acquisitions. Elle a donc demandé à des étudiants de faire des recherches pour trouver les entreprises dont le terme «leasing» -- crédit-bail -- fait partie de la raison sociale sur les 15 marchés les plus importants au Canada. Les étudiants devaient chercher seulement les sociétés qui louent de l'équipement et dont l'actif se situe en deçà de 100 millions de dollars. Ils ont commencé par parcourir les répertoires téléphoniques sur les 15 principaux marchés. Ils se sont retrouvés avec 232 entreprises, dont à peine 10 faisaient partie de notre association.

Ensuite, ils ont téléphoné à ces entreprises pour poser des questions sur l'activité, les biens, et cetera. Conclusion de l'enquête, les entreprises en question présentaient un portefeuille moyen de 10 à 40 millions de dollars, alors que l'actif total se chiffrait autour de 4,5 milliards de dollars. Ce sont là des entreprises qui échappent complètement aux méthodes de suivi. Personne ne sait qu'elles existent, mais elles sont actives et elles financent des Canadiens et des entreprises canadiennes. Quarante pour cent des fonds de lancement dont elles disposent proviennent d'investisseurs, et plus de 50 p. 100, des banques.

Il y a des gens dont nous ne soupçonnons simplement pas l'existence qui conçoivent des façons nouvelles d'offrir des produits financiers.

Le sénateur Meighen: À la dernière page de votre mémoire, vous dites que le point de départ, pour qui veut créer un cadre d'action officiel pour l'avenir, consiste à veiller à ce qu'il existe des règles réalistes, des recours efficaces et des règles de protection exécutoires -- pour que les gens puissent obtenir réparation en temps opportun -- avant de jouer encore avec le système.

J'aimerais savoir exactement où vous voulez en venir et, selon vous, qui mettrait ces règlements en place et comment.

Est-ce une allusion à ce que le groupe de travail MacKay a souligné, par exemple, à propos des ventes liées avec coercition, en disant que c'est là un problème qu'il faut régler avant de continuer? Je me demande si c'est bien à cela que vous pensiez. De même, vous êtes conscient, j'en suis sûr, de ce que M. Clark, le témoin précédent, a dit à propos de l'autoréglementation, par rapport à la réglementation gouvernementale, et de la somme accrue de travail qu'on doit assumer pour remplir des formulaires et se plier à toutes sortes de règles. Parlez-vous ici des normes de l'industrie ou des règles imposées par l'État?

M. Powell: Je n'ai pas de solution toute faite qui permettrait de conclure qu'il faut opter pour le gouvernement ou pour l'industrie. Certaines tentatives nous ont poussés dans la direction de codes de conduite et de certains recours. Je sais qu'il se trouve des avocats ici autour de la table. Si vous avez jamais eu à traiter avec le Bureau de la concurrence, à propos d'une difficulté touchant une petite entreprise, vous savez que le conseil de base qui est donné à votre client ressemble habituellement à: «Écoutez, d'ici à ce que vous receviez l'accusé de réception, vous allez peut-être être en faillite; il faut donc chercher d'autres recours.» Les recours qui existent ne sont pas considérés comme étant particulièrement efficaces.

La petite histoire de la réglementation des services financiers au Canada, comme nous l'avons souligné, a conduit à la concentration que nous observons aujourd'hui. Le gouvernement décide qu'il est dans l'intérêt public d'intervenir et de réglementer certains aspects des services financiers, par exemple les règles prudentielles, pour veiller à ce qu'il y ait certaines institutions financières de base qui jouent un rôle essentiel dans notre économie. Cette réglementation comporte des avantages et des inconvénients. Il faut reconnaître alors la nécessité d'agir d'une façon ou d'une autre pour corriger le déséquilibre que crée l'intervention sur le marché. Qu'il s'agisse d'une réglementation du gouvernement ou de l'industrie elle-même, nous sommes prêts à en discuter. Tout de même, il existe des difficultés réelles, non seulement pour ce qui touche les ventes liées avec coercition, mais encore, avec l'utilisation de données et de renseignements personnels, par exemple, dont le groupe de travail parle et dit qu'il nous faut résoudre.

Il y a d'autres conflits d'intérêts. Le groupe de travail dit qu'il nous faut régler cela. Ce n'est pas toute une liste de prescriptions à nos yeux. C'est simplement une liste, à laquelle on ajoute: «Nous sommes convaincus de pouvoir régler cela d'une manière ou d'une autre.» Le caractère fragmentaire de l'approche adoptée nous préoccupe, car, en agissant seulement au gré des circonstances, on finit par se pencher sur un certain nombre de questions attrayantes sans étudier l'ensemble du tableau. Nous disons: «Eh bien, allons-nous aboutir aux résultats voulus ou allons-nous nous retrouver avec une plus grande concentration?» Depuis 15 ans, chacune des étapes franchies dans la déréglementation a abouti, selon nous, à une plus grande concentration dans le secteur des services financiers. Ce n'est pas l'inverse qui s'est produit.

Le sénateur Meighen: Il faut donc en déduire que le consommateur en a souffert?

M. Powell: Un des aspects du rapport du groupe de travail qui me tracasse, c'est l'usage qui y est fait du terme «consommateur». Je ne sais pas s'il est question du consommateur individuel ou encore du consommateur de services financiers. On dit que la petite entreprise constitue une catégorie distincte, mais nous ne nous préoccupons pas seulement du consommateur individuel. Nous nous occupons aussi de la petite et moyenne entreprise en tant que consommateur de services financiers.

À la base, et c'est ce qui semble rallier la plupart de nos membres, il y a la crainte que les banques disposent, de par leur taille, d'un avantage indu à leur arrivée dans un nouveau secteur. D'après les résultats de nos recherches, si vous regardez, par exemple, les taux d'intérêt d'une société de fiducie -- et M. Clark, comme je l'ai dit, en a parlé plus tôt -- par rapport au taux d'intérêt des banques pour les hypothèques résidentielles, vous voyez le mouvement que représente la ligne. Dans notre mémoire, vous voyez le graphique qui montre qu'à mesure qu'une banque arrive pour prendre en main les sociétés de fiducie, ce qui se produit, au bout du compte, c'est que les taux sur les prêts hypothécaires résidentiels augmentent pour atteindre ceux des banques; ils ne baissent pas au niveau des taux des sociétés de fiducie qui ont été acquises.

D'après les données passées, nous craignons que chaque fois que les banques ont la permission de pénétrer un marché important sans que les précautions adéquates ne soient prises, le résultat demeure inévitable.

Le sénateur Meighen: Est-ce que cela veut dire que si GE Leasing continue à acquérir des entreprises, le consommateur devra payer plus et que nous devrions agir pour empêcher GE d'acquérir d'autres entreprises?

M. Powell: Si vous regardez le champ d'action de l'un quelconque de nos membres, vous pouvez voir qu'il n'y a rien qui puisse approcher de cette taille. L'industrie en entier se chiffre à près de 50 milliards de dollars.

Le sénateur Meighen: Et que vaut GE?

M. Powell: L'actif s'élève à 6 milliards de dollars environ.

Nous ne nous voyons pas comme le substitut des banques. Nous nous voyons comme une option pour les gens qui auront aussi besoin d'une banque.

M. Simmons: M. Clark a mis en relief la question de la concentration. Il a dit que Citibank s'est retirée du marché de détail. Je travaillais pour Citibank en 1983-1984. Nous avons organisé des discussions de groupe avec des consommateurs pour voir comment nous pouvions ajouter des succursales, pénétrer le marché, pour concurrencer avec succès les banques de l'annexe A.

Fait assez intéressant, une des observations générales que nous avons recueillies, c'est que le consommateur moyen était à l'aise avec les banques de l'annexe A. Il les voyait comme étant une sorte de service public, mais, ce qui est plus important, un élément indissociable du gouvernement fédéral. Voilà un exemple qui montre en quoi la question de la concentration prévaut dans l'esprit des consommateurs et des petites entreprises. Selon moi, cela explique pourquoi il faudra beaucoup plus de temps que ne le prévoit le rapport MacKay pour que ces autres fournisseurs de services financiers arrivent, que ce soit des États-Unis, d'Europe ou d'ailleurs, et il reste encore à voir s'ils auront une croissance «organique» au Canada.

M. Weese: Un des dilemmes devant lesquels se retrouvent le gouvernement et le comité ici présent en ce qui concerne les recommandations du rapport MacKay, c'est de savoir dans quelle mesure on peut se fier aux forces concurrentielles du marché pour régler certaines des difficultés éventuelles que suscitera la grande taille des banques, ou encore la mesure dans laquelle on doit réglementer pour régler les difficultés en question.

Une de nos réunions avec le groupe MacKay a donné lieu à une discussion fascinante. Les commissaires nous posaient des questions sur le financement des petites entreprises. La discussion s'orientait plus ou moins comme suit: quel genre de règles faut-il pour s'assurer que les banques ou les institutions financières offrent du financement aux petites entreprises? Notre réponse avait tendance à ressembler à ce qui suit: si le financement des petites entreprises représente un besoin et qu'il n'y a pas d'obstacle à l'entrée sur le marché, vous n'avez pas à vous en soucier. Quelqu'un se présentera pour offrir ce service.

C'est là un véritable dilemme -- comment composer avec certaines de ces questions?

Le sénateur Oliver: À votre sujet, une des choses que les banques nous ont affirmées à maintes reprises, à nous comme à d'autres, c'est que vous vous adonnez à toutes sortes d'activités sans être réglementés parce qu'on a déclaré que vous n'êtes pas une banque. Les banques ne peuvent s'adonner à ces activités, et c'est là pour elles un énorme inconvénient, parce que les règles du jeu ne sont pas équitables.

Je remarque que de nombreux éléments dans votre liste des services relatifs aux capitaux concernent des services de type bancaire, par exemple le financement commercial et le financement d'hypothèques. Vous vous adonnez à des activités de type bancaire. Ne croyez-vous pas qu'il serait peut-être équitable que vous soyez réglementé comme les banques, pour que les règles du jeu soient plus justes?

M. Weese: Non. De même, nous ne nous opposons pas à la déréglementation des banques dans la mesure où vous déréglementez en trouvant toujours une façon de protéger les déposants.

M. Davies: Si vous me permettez de commenter cette question, je dirais que l'idée de règles du jeu équitables a déjà été soulevée, devant le comité des finances de la Chambre et devant le comité ici présent, au moment de notre comparution il y a quelques années. Je ne peux m'empêcher de penser que c'est un peu pour rire que les banques font valoir ce raisonnement. C'est surtout qu'elles cherchent à assouplir la réglementation. Je n'ai jamais entendu le représentant d'une banque suggérer que nous soyons réglementés. La réglementation qui s'applique de façon générale aux banques, et dont elles se plaignent, c'est la réglementation qui découle du fait qu'elles acceptent les dépôts et sont assujetties à l'assurance-dépôt. Les déposants en question, comme le gouvernement, ont besoin d'être protégés; partant, la majeure partie de la réglementation concerne la protection des déposants. Nous sommes assujettis à la même réglementation, si nous oeuvrons dans le domaine de l'assurance, comme c'est le cas des banques qui offrent de l'assurance ou une assurance sur les hypothèques et ainsi de suite. Tout de même, nous avons toujours fait valoir que ceux parmi nous qui ne prennent pas les dépôts et qui, de ce fait, ne grèvent pas l'assurance-dépôt, et par conséquent le contribuable canadien -- et il n'y a pas de raison de croire qu'il serait dans l'intérêt public de nous imposer, à nous et à Newcourt, ces règles --, nous ne devrions pas être soumis à la réglementation établie pour protéger les déposants et pour protéger le contribuable.

Le sénateur Oliver: La société Newcourt Credit devra accéder à une marge de 500 millions de dollars pour rembourser des dettes, en raison d'un problème de liquidités.

M. Davies: Les actionnaires investissent dans Newcourt, et y mettent des fonds. Ils assument alors le risque. M. Untel ne dépose pas son épargne dans une banque en souhaitant que le gouvernement fournisse une protection quelconque sur les activités que les banques décident d'entreprendre en utilisant l'argent en question.

La société Newcourt n'accepte pas les investissements. Nous non plus. Nous traitons avec des investisseurs avertis. Ces investisseurs savent qu'ils peuvent gagner ou perdre de l'argent. Ils sont prêts à courir le risque. Ils n'ont pas besoin de la protection de l'État parce que ce sont des investisseurs avertis, dans notre cas des gens qui investissent plus de 100 000 $.

La question des règles du jeu équitables ne nous paraît pas du tout pertinente, car les banques bénéficient des dépôts d'argent qui ne leur coûte pas grand-chose. Certains des témoins que nous avons entendus aujourd'hui ont signalé à quel point les dépôts peuvent être rémunérateurs et rapporter pour la société de fiducie qui reste et pour les banques, en raison de la protection et de la réglementation dont ils s'accompagnent.

M. Powell: Vous allez peut-être vouloir songer au fait que si vous élargissez la réglementation pour l'appliquer à une industrie ou une autre, le revers de la médaille, c'est ce que M. Simmons disait. Si vous décidez de réglementer et que l'État décide de réglementer l'industrie -- ce qui est bon et ce qui n'est pas bon --, alors vous êtes responsable si quelque chose ne va pas. Si une entreprise se trouve en mauvaise posture financière, qu'allez-vous faire en tant que gouvernement? Les gens diront «à quoi pensaient les responsables de la réglementation? Dormaient-ils au gaz? Qui devrait en assumer la responsabilité?»

Le président: C'est l'argument qu'a fait valoir le gouverneur de la banque centrale de Nouvelle-Zélande. Il faisait valoir pourquoi la Nouvelle-Zélande a délaissé la réglementation excessive, pourquoi elle a déréglementé considérablement l'activité en question -- pour instaurer un régime où la transparence est plus grande.

Le sénateur Angus: Monsieur Powell, vous avez parlé de votre liste de membres. Est-ce que ces membres oeuvrent tous dans le même secteur? Quelles sont les caractéristiques de vos membres?

M. Powell: Nous avons deux catégories de membres. Il y a les cabinets d'avocats et les cabinets de comptables.

Le sénateur Angus: Est-ce qu'ils acquittent le même droit d'adhésion?

M. Powell: Non.

M. Simmons: Je dirais que des 170 membres que nous comptons, il y en a probablement 135 qui s'adonnent activement au crédit-bail. Le reste offre divers services, par exemple de l'assurance, des logiciels, de l'expertise-conseil.

Les entreprises actives sur le marché du crédit-bail sont variables, depuis celles qui dépendent des fabricants, dont le but est d'aider à financer les produits de la société-mère, par exemple IBM Leasing ou GMAC, jusqu'aux indépendants comme GE et Newcourt. Ce sont là nos membres.

Le sénateur Angus: C'est peut-être un peu simpliste, mais je dirais qu'un groupe parmi vous est heureux du constat du rapport MacKay. Vous ne formulez pas de critiques. Vous avez eu de belles petites discussions stimulantes avec le groupe de travail. Or, vos gens ont eu une réaction négative -- ce qui se comprend, à mon avis. Vous avez tout de même présenté un mémoire assez étoffé sur la question et vous avez témoigné devant le groupe de travail, mais vous ne l'avez visiblement pas convaincu de votre point de vue. Pourquoi, selon vous? Croyez-vous qu'il tenait simplement des séances pour la forme, qu'il avait déjà fixé ses priorités?

M. Powell: Je ne crois pas.

M. Simmons: Il existe quelques perspectives sur la question. On a l'impression que la plupart des filiales dépendantes, particulièrement dans l'industrie du crédit-bail automobile -- GMAC, Ford, Chrysler Credit et Toyota Credit -- devraient pouvoir concurrencer les banques. Il y a une allusion constante au marché américain. Or, il peut être dangereux de comparer des pommes et des oranges. Le marché du crédit-bail est beaucoup plus fort au Canada dans le secteur des services aux consommateurs, mais je crois que cela s'explique par plusieurs faits. Nous ne pouvons déduire nos intérêts hypothécaires. Aux États-Unis, il y a de nombreux prêts sur la valeur nette d'une maison qui sont consentis, de sorte que les gens peuvent déduire l'intérêt sur l'hypothèque de manière à pouvoir acheter une voiture. Le crédit-bail n'y est pas aussi fort.

Au Canada, il y a les taxes initiales qui sont prélevées, par exemple la taxe de vente provinciale et la TPS. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles le marché est si fort.

Le rapport MacKay laisse nettement l'impression que les filiales dépendantes sont très fortes. Tout de même, il faut garder à l'esprit qu'elles existent pour appuyer les concessionnaires. Elles oeuvrent dans un seul et unique secteur d'activités -- le crédit-bail automobile. Elles appuient les concessionnaires.

Environ 39 p. 100 des concessionnaires d'automobiles s'adonnent au crédit-bail. On dit que 45 d'entre eux seulement disposent de 200 voitures ou plus; le reste compte en moyenne 25 voitures, ce qui n'est pas énorme. Pour expliquer un peu, disons que 25 contrats de location de voitures représentent un grand nombre de voitures pour le concessionnaire moyen au Canada. Cela représente environ 700 000 $ ou plus en ventes, et environ 25 000 $, en bénéfices bruts. Ce n'est pas si mal pour un petit entrepreneur, bien que le rapport ait tendance à le banaliser.

Je ne sais pas comment les commissaires en sont arrivés à leurs recommandations. J'ai lu le rapport Desrochers. Desrochers appuie fortement notre industrie. Nous persistons à croire que la question du conflit d'intérêt demeure la plus importante. Nous tenons à ce que nos bailleurs indépendants, membres de l'association, et nos concessionnaires aient une présence très forte dans le domaine du crédit-bail. Nous croyons que le crédit-bail est un domaine très important où les choses sont mieux faites ici au Canada. Les concessionnaires-bailleurs sont assez rares aux États-Unis. Vous pouvez en tirer diverses conclusions. Les filiales dépendantes occupent environ 43 p. 100 du marché, et les banques, 35 p. 100 du marché indirect. Cela a poussé plusieurs concessionnaires à faire faillite. Nous croyons que les concessionnaires et les bailleurs indépendants sont très forts.

Vous avez parlé du groupe d'étudiants. Il existe quelque 2 400 entreprises de crédit-bail au Canada. L'entreprise moyenne compte seulement 25 voitures? Soit. Elle dessert 25 personnes ou 25 petites entreprises dans sa collectivité. Je crois que nous devrions encourager cela. Pourquoi vouloir que les banques s'approprient cette activité?

M. Powell: Je ne veux pas laisser d'impression erronée. Nous croyons que le rapport MacKay renferme un grand nombre de choses bonnes et positives. L'idée de viser une réglementation minimale est extrêmement importante.

Le rôle du capital mondial est important. Dans certains milieux, les gens réagissent et disent: «Un grand nombre de vos membres appartiennent à des intérêts étrangers -- n'est-ce pas là une mauvaise chose?» En tant que Canadien, je regarde cela et je dis, un instant... Quand nous nous sommes mis à piéger des castors dans le Saint-Laurent, c'est parce qu'il y avait du capital étranger là pour l'encourager. Le capital étranger est une partie intégrante de l'économie de ce pays, un élément que nous ne devrions pas écarter du revers de la main.

Il existe plusieurs facteurs importants, mais notre souci était celui de l'intervenant qui se trouve dans un petit créneau à développer au Canada. Ce qui a rallié la plupart de nos membres, que ce soit du côté des véhicules ou du côté de l'équipement, c'était la présence des grandes banques au Canada. Plusieurs témoins nous ont dit aujourd'hui que le système bancaire est, parmi les systèmes du monde entier, celui où la concentration est la plus forte. Les grandes banques au Canada sont des mastodontes. Oui, nous pouvons les concurrencer, mais il faut prendre soin de ne pas déformer les règles au point où nous ne pouvons plus les concurrencer aussi efficacement que nous croyons pouvoir le faire.

Le cas de GE Capital va de soi. De bien des façons, il s'agit d'un membre exceptionnel de notre association, à mon avis, et je ne crois pas que les dirigeants de GE Capital soient forcément aussi préoccupés par la situation que la plupart de nos membres.

M. Weese: Permettez-moi de commenter cela. La concurrence sourit à GE Capital -- la concurrence nous a poussés à réussir. Nous sommes favorables à la concurrence. En principe, nous ne sommes pas contre l'idée que d'autres concurrents se présentent ou que les banques arrivent dans des secteurs où elles deviendraient nos concurrents. Cela nous convient. Nous réussissons. Nous croyons que c'est bon pour l'économie, bon pour l'efficience, bon pour le choix dont dispose le consommateur.

Nos deux exposés n'ont pas tout à fait la même couleur. Nous avons tendance à nous concentrer davantage sur les préceptes et l'approche qui caractérisent le rapport MacKay, qui nous paraît fondamentalement légitime. Il s'agit ici de collègues qui ont davantage mis en relief certaines des questions liées à la mise en oeuvre et soulevé certaines mises en garde que, pour être francs, nous comprenons et jugeons indiquées. Nous n'écartons pas tout cela.

Pour ce qui est du crédit-bail automobile, un grand nombre des concessionnaires-bailleurs obtiennent leur financement auprès des banques. Ils se retrouveront dans une situation tout à fait unique s'ils doivent avoir pour concurrents sur le marché du crédit-bail de détail les banques qui leur prêtent les fonds. Évidemment, nous n'allons pas chercher notre argent auprès des banques; nous obtenons notre argent sur les marchés commerciaux, de sorte que cette préoccupation particulière n'est pas la nôtre. Voilà qui explique en partie certaines des inquiétudes dont vous fait part l'association aujourd'hui.

M. Simmons: Il n'y a pas que les concessionnaires. Nombre de nos membres sont des sociétés indépendantes de crédit-bail qui exploitent entre 1 000 et 20 000 véhicules, et cetera. La plupart de leurs fonds proviennent des banques.

M. Weese: Voilà une difficulté particulière que l'on fait valoir, ce que nous comprenons bien.

M. Powell: Pour ce qui est du volet financement de l'opération, comme M. Oryschuk l'a expliqué, nous offrons généralement un ensemble complet de services aux exploitants de parcs automobiles, et non seulement du financement; par conséquent, c'est une entente d'une autre espèce dans laquelle les banques ne voudraient probablement pas s'engager. Nous ne nourrissons donc pas les mêmes préoccupations que d'autres petites organisations dont le but est de financer les concessionnaires.

Comme vous l'avez mentionné, sénateur Kirby, notre façon de procéder et notre liberté d'action ne sont pas forcément touchées de la même façon. Nous ne sommes pas en désaccord avec ce qu'ils disent, mais nous disons que cela n'a pas le même impact sur nous.

Le sénateur Angus: Monsieur Powell, votre groupe appuierait donc les vues exprimées ici jeudi dernier par M. Hugh Williams, de la Corporation des associations de détaillants d'automobiles?

M. Powell: Je ne sais pas. Je n'ai pas entendu son exposé.

Le sénateur Angus: La Corporation en question est tout à fait contre le rapport et dénonce avec beaucoup de vigueur la façon dont il toucherait les personnes qui louent 25 voitures par année.

M. Powell: Nous ne sommes en aucune façon opposés à ce rapport. Ce qui est particulièrement utile dans le rapport, c'est qu'il semble réunir une bonne part des renseignements qui se trouvaient çà et là sur une seule table, pour que le public puisse en discuter.

Je ne dirais pas que nous sommes opposés au rapport. Nous trouvons qu'il s'agit d'une contribution positive, constructive et importante à la situation. À nos yeux, les commissaires n'ont pas d'intérêt particulier à défendre, si c'est bien ce que vous donnez à entendre.

Le sénateur Angus: Non, je souhaitais simplement savoir pourquoi vous n'êtes pas parvenu à convaincre les commissaires de tenir compte de vos arguments dans le rapport.

M. Powell: Malheureusement, il va falloir que vous posiez la question aux membres du comité.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, comme vous le savez, les gens qui font de la politique ou exercent une charge publique apprennent vite la distinction entre les bonnes raisons annoncées officiellement et les raisons véritables.

Si je ne m'abuse, au moment où les banques ont commencé à parler de fusion, on insistait sur la nécessité qu'il y ait des «grands» d'envergure nationale pour défendre le Canada. Puis, à mesure que la situation financière dans certaines régions du monde a commencé à vraiment se détériorer, les eaux devenant ainsi trop chaudes ou trop froides, l'argument a semblé évoluer: il nous faut être plus gros, plus efficient, pour concurrencer efficacement certains services financiers étrangers qui arrivent au Canada.

D'une certaine façon, et ce n'était pas délibéré, bien sûr -- vous semblez appuyer en partie le deuxième argument. Vous parlez d'un grand nombre des services de GE qui sont maintenant offerts au Canada et semblez laisser entendre que vous aimeriez en accroître le nombre. Soit.

Ma question est la suivante: la concurrence que les entreprises comme la vôtre instaurent au Canada, la concurrence visant les banques... est-ce que cette concurrence représente une réelle menace pour les banques, au point de justifier un projet de fusion?

Il me semble que votre réponse sera évidente. Je souhaite aller au-delà de la réponse évidente pour explorer les raisons réelles.

Le sénateur Tkachuk: Quelle est la réponse évidente?

Le sénateur Stewart: Quelles sont les véritables raisons pour lesquelles vous croyez ne pas poser une menace véritable et grave pour les grandes banques canadiennes?

Par exemple, est-ce parce que certains aspects de votre activité sont si perfectionnés -- c'est le cas, par exemple, du matériel lourd -- que les banques ne deviendront vraisemblablement pas des concurrents sérieux, si bien que vous occupez un créneau qu'elles ne sauraient occuper avec compétence? Je présume qu'il existe d'autres raisons réelles. Nous aimerions les connaître.

M. Oryschuk: C'est une question difficile. Je ne sais pas par où commencer. Je dirais que, dans de nombreux domaines, nous semblons être les concurrents, mais nous ne le sommes pas, car notre approche n'est pas la même. Évidemment, si vous regardez la situation dans un sens très général, nous devenons leurs concurrents.

Permettez-moi d'évoquer quelques exemples pour illustrer ce que nous faisons et pour décrire certaines des questions que j'ai posées à quelques-unes de nos petites et moyennes entreprises. Nous sommes très présents dans l'industrie de l'exploitation forestière dans l'Ouest. Nous finançons un grand nombre d'exploitants. Je me souviens d'avoir vu à Kamloops un exploitant avec qui nous traitions depuis plusieurs années, un homme d'affaires au succès indéniable. Je lui ai demandé pourquoi il traitait avec nous. Il m'a donné quelques raisons, y compris le fait que nous ne l'avions jamais abandonné -- nous étions toujours là durant les mauvaises périodes et durant les bonnes. Nous comprenions son entreprise, nous comprenions son équipement. Il a aussi affirmé que s'il allait voir son banquier et lui expliquait que l'équipement qu'il souhaitait acquérir servait à récolter du ginseng, le banquier l'aurait cru, il n'aurait pas vu la différence.

Autre exemple: cette conversation pouvait avoir lieu en haute d'une montagne au beau milieu de l'hiver. Le banquier type ne va pas voir son client dans ce genre de conditions. Il ne prend pas le temps non plus d'essayer de comprendre l'activité de l'entreprise.

Je suis en train de vous dire que nous offrons un service d'un autre calibre. Dans le contexte, je ne crois pas que les fusions changent quoi que ce soit. Notre façon de procéder est tout à fait différente. La seule façon dont les choses pourront changer, c'est si les organisations dont vous parlez changent elles-mêmes leur façon de procéder, qu'il y ait fusion ou non.

Vous êtes en train de dire -- et vous êtes en train de le dire carrément -- que les fusions ne changeront rien. Autrement dit, le deuxième argument, celui dont j'ai parlé au début, est faux. Peut-être le croit-on. Néanmoins, il est inexact. En dernière analyse, c'est cela.

M. Oryschuk: Peut-être. Nous ne sommes pas à leur place -- nous ne pouvons déterminer leur stratégie. Ce que nous voyons dans le monde entier, c'est qu'il y a des établissements financiers monstrueux qui se développent et que nous devons les concurrencer. Il y a plusieurs choses qui se produisent dans le secteur des services financiers, non seulement ici au Canada, mais partout dans le monde. Nous regardons ces choses et nous disons, un peu à la manière de Jack Welsh, que cette réalité nouvelle est la nôtre. Nous n'allons pas nous y opposer. Nous n'allons pas faire obstacle à quoi que ce soit.

N'allez pas croire que nos observations sont «intéressées». Nous disons: «C'est ce qui se passe dans le vaste marché, et nous sommes tout à fait prêts à vivre avec la concurrence. Nous sommes tout à fait prêts à vivre avec une concurrence accrue.»

Ne présumons pas que ce sont les seuls qui aient cette recette. Il y a des gens à l'Association canadienne de financement et de location qui suivent des recettes semblables. Cette concurrence se manifeste tous les jours.

Le président: Puis-je résumer la réponse en une seule phrase? Je crois que vous venez de dire ce qui suit: la valeur unique de la proposition que vous faites à vos clients réside dans votre façon de combiner le prix et le service. Vous croyez pouvoir battre les banques à plates coutures en ce qui concerne le service, et vous ne craignez pas qu'elles puissent offrir aux clients une proposition égale en valeur à la vôtre.

M. Oryschuk: Ce serait notre espoir. Nous passons beaucoup de temps à essayer de faire cela.

Le président: Les exemples que vous avez évoqués et vos observations à propos de la taille des banques sont tels qu'il nous paraît raisonnable de tirer cette conclusion.

M. Oryschuk: Puis-je ajouter à cela un commentaire réciproque? De nos jours, nous parlons constamment du programme de qualité six sigma et de tout ce qu'il comporte pour ce qui est de fournir à nos clients absolument sans bavure le service que ceux-ci jugent critique. Nous passons beaucoup de temps à essayer de comprendre ce que nos clients considèrent comme critique et nous essayons de fournir sans erreur, encore et toujours, le service qu'ils recherchent. Nous n'en sommes pas encore là, mais Jack Welsh nous donne d'ici l'an 2000 pour y arriver.

M. Weese: Monsieur le président, je vous laisse le soin de déterminer dans quelle mesure cela peut concorder avec ce qu'ont dit les banques.

Le président: Sénateurs, nous levons la séance jusqu'à 9 heures demain matin.

La séance est levée.


Haut de page