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BORE

Sous-comité de la Forêt boréale

 

Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Délibérations du sous-comité de la
Forêt boréale

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 10 juin 1998

Le sous-comité de la forêt boréale du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 30 pour poursuivre son étude sur l'état actuel et futur de l'industrie forestière au Canada, dans la mesure où celle-ci touche la forêt boréale.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bonjour M. Swanson. Êtes-vous le seul à prendre la parole cet après-midi et est-ce vous qui allez commencer?

M. Gerry Swanson, directeur général, Gestion de l'habitat et sciences de l'environnement, Pêches et Océans Canada: J'imagine que je serai le seul à prendre la parole, mais ma collègue, Michaela Huard, pourrait m'aider si je suis incapable de répondre à certaines questions précises.

Je vais vous présenter mon exposé préparé, puis nous serons heureux de répondre à toutes vos questions, si nous le pouvons. Dans le cas contraire, nous essayerons de vous orienter dans la bonne direction ou de faire des recherches afin que vous obteniez les réponses que vous cherchez.

Cet après-midi, mes remarques porteront en particulier sur le secteur du ministère des Pêches et des Océans, le MPO, dans lequel je travaille, soit la protection de l'habitat du poisson. Je voudrais aussi parler de nos relations avec certains gouvernements provinciaux à cet égard.

La Constitution confère au gouvernement fédéral la responsabilité des pêches côtières et intérieures, et celui-ci a choisi d'exercer ses responsabilités législatives dans ce secteur principalement par l'adoption de la Loi sur les pêches.

En fait, je pense que la Loi sur les pêches est l'une des premières mesures législatives à avoir été adoptées après la Confédération. Certains articles de celle-ci, dont nous nous servons actuellement, datent de 1868.

Le président: Lorsque vous parler d'habitat du poisson, vous ne faites pas uniquement allusion aux pêches intérieures, mais aussi au gibier ou à tout type d'activité, non?

M. Swanson: La Loi sur les pêches porte sur les eaux des pêcheries du Canada. Ceci inclut les eaux des régions côtières et intérieures. L'habitat du poisson est défini de façon plutôt complexe dans la Loi sur les pêches, mais c'est essentiellement là où habite le poisson.

Le président: N'importe quel poisson, même celui qui est pêché à des fins sportives.

M. Swanson: C'est exact. Certaines décisions des tribunaux établissent que la compétence du gouvernement fédéral en ce qui a trait au poisson est liée aux pêcheries. Les pêcheries sont les endroits où les gens se servent du poisson d'une façon ou d'une autre, que ce soit à des commerciales, récréatives ou pour la pêche réservée aux autochtones.

Le principal article de la Loi sur les pêches qui traite de la protection de l'habitat du poisson est le paragraphe 35(2), dont nous discuterons un peu cet après-midi. C'est peut-être un article dont vous entendez parler lors de vos déplacements au pays dans le cadre de votre étude de cette question.

L'article 35 porte qu'il est interdit de détruire l'habitat du poisson, mais prévoit toutefois une exception. En effet, il est permis de détruire l'habitat du poisson avec l'autorisation ou la permission du ministre des Pêches et des Océans. Je reviendrai sur cette disposition un peu plus tard.

La loi renferme aussi d'autres dispositions visant à protéger l'habitat du poisson. Ces dispositions font en sorte qu'il y ait suffisamment d'eau pour le passage du poisson et elles permettent au ministre d'exiger la construction de passes migratoires autour des barrages, et autres choses du genre.

En gros, je m'occupe du secteur de la gestion de l'habitat qui englobe l'examen des projets susceptibles d'avoir une incidence sur l'habitat du poisson. Nous essayons de trouver des façons de réduire ou d'éliminer cet impact.

À cette fin, nous travaillons en vertu d'une politique fondée sur le principe de la «perte nette nulle», c'est-à-dire que nous essayons de limiter l'impact d'un projet sur l'habitat du poisson en changeant la façon dont ce projet peut être mis en oeuvre -- lorsque celui-ci peut être mis en oeuvre -- ainsi que son emplacement. Si nous ne pouvons faire cela, le ministre peut émettre une autorisation qui a essentiellement pour effet de permettre la destruction d'un habitat de poisson. Toutefois, notre politique exige que la perte soit compensée d'une façon ou d'une autre, par exemple par la création d'un habitat de poisson à l'emplacement même du projet ou près de celui-ci, dans le même genre d'écosystème, de rivière ou de plan d'eau que celui où vivait le poisson à l'origine.

Permettez-moi de discuter de notre relation avec les gouvernements provinciaux. D'une façon générale, la gestion des pêches en eau douce a été déléguée aux gouvernements provinciaux au Canada. Des ententes existent depuis longtemps, en fait depuis le tournant du siècle, comme par exemple dans le cas du Québec et de l'Ontario. En effet, les premières ententes conclues avec l'Ontario et le Québec datent de 1899. C'est essentiellement à cette époque, bien qu'il soit difficile de trouver la documentation pertinente, que la responsabilité de l'application de la Loi sur les pêches a été confiée aux gouvernements provinciaux. Nous avons des ententes semblables dans les provinces des Prairies. Toutefois, ces ententes sont plus récentes et datent de l'époque des accords sur les transferts de ressources, dans les années trente.

Les provinces sont donc responsables de la gestion des pêches et elles exercent cette responsabilité en vertu des dispositions législatives fédérales. Si vous pêchez dans la rivière Rideau et qu'un garde-pêche s'amène, cette personne sera un fonctionnaire du gouvernement provincial et non du fédéral.

Le président: Est-ce automatique ou est-ce en vertu d'un traité signé et renouvelé de temps en temps?

M. Swanson: Les documents pertinents varient quant à leur forme. J'ai fait mention des ententes conclues avec l'Ontario. Nous avons des juristes qui ont essayé de trouver les documents liés à ce transfert, mais ils n'y sont pas parvenus. Cela dit, les ententes ont un caractère permanent; elles ne sont pas renouvelées sur une base annuelle ou périodique.

Les gouvernements provinciaux s'occupent de l'application de la Loi sur les pêches, mais il y a aussi les mesures d'exécution liées à la loi. Le garde-pêche auquel j'ai fait allusion est un fonctionnaire provincial, mais cette personne applique notre loi, ainsi que celle que peut avoir la province. Toutefois, le gouvernement fédéral a, d'une façon générale, conservé son pouvoir dans les régions côtières, de sorte que le MPO continue d'avoir un nombre important d'employés sur la côte est et la côte ouest, de même qu'un petit groupe dans le nord du pays.

Le sénateur Spivak: La récente entente d'harmonisation était-elle liée d'une façon ou d'une autre à la gestion de l'habitat en eau douce?

M. Swanson: Non. Je dois m'en remettre à ma collègue relativement à cette question, mais un accord général global a été signé entre le gouvernement fédéral et tous les gouvernements provinciaux, sauf le Québec, en janvier dernier.

Cet accord comporte trois accords auxiliaires. L'un porte sur les évaluations environnementales. Le deuxième vise les inspections, notamment la question de savoir qui devrait se rendre dans divers types d'usines pour savoir ce qui sort des tuyaux. Le troisième accord a trait, sauf erreur, aux normes environnementales.

Le sénateur Spivak: Donc, ces accords ne renfermaient rien sur la délégation d'autres pouvoirs fédéraux en vertu de la Loi sur les pêches?

M. Swanson: Non. Ceux-ci ne portent pas sur cette question. En ce qui a trait à l'habitat, j'ai mentionné plus tôt que les provinces ont la responsabilité de la gestion des pêches. Toutefois, compte tenu de la façon dont la Loi sur les pêches est interprétée, les pouvoirs prévus à certains articles, notamment l'article 35, ne peuvent être délégués aux gouvernements provinciaux. Ces pouvoirs sont actuellement détenus par le ministre des Pêches et des Océans et ses fonctionnaires. Bien que les gouvernements provinciaux puissent examiner les projets -- du point de vue de leur impact -- en fonction de leurs propres lois, si ces examens révèlent qu'un habitat du poisson sera détruit, elles n'ont pas le pouvoir de faire cette détermination.

Il existe des liens entre l'habitat du poisson et les forêts. D'une façon générale, la gestion des activités d'exploitation forestière est une responsabilité provinciale. Les terres de la Couronne dans une province sont des terres détenues au nom de Sa Majesté, et la Couronne est représentée par le gouvernement provincial. Toutefois, l'exploitation forestière peut avoir un impact sur l'habitat du poisson. La réduction de la couverture forestière peut entraîner des changements au régime des eaux et causer une perturbation physique sinon la destruction de l'habitat du poisson, en raison de l'utilisation de véhicules lourds à proximité des cours d'eau et des lacs.

S'il y a diminution de la végétation le long de rivières et de lacs, la température de l'eau risque d'augmenter, ce qui a des répercussions sur le poisson. L'exploitation forestière peut aussi entraîner une augmentation de la charge solide dans les plans d'eau. Nous collaborons avec les gouvernements provinciaux afin d'élaborer des lignes directrices et des pratiques pour atténuer les effets de ce genre d'activité. Vous allez sûrement entendre parler de l'une de ces lignes directrices, à savoir le Code de pratiques forestières de la Colombie-Britannique. Je suis venu ici il y a un an et j'avais dit à l'époque que c'était un excellent document et un modèle à suivre. Je crois encore que c'est le cas, sauf qu'on semble maintenant vouloir reculer pour assouplir ces pratiques, et qu'on s'interroge sur l'application de ses dispositions.

Cela dit, l'idée était certainement excellente. Il s'agit d'établir, avant le début des activités, une façon de faire qui perturbe le moins possible l'habitat du poisson.

Le sénateur Robichaud: Qui accorderait les assouplissements? Le gouvernement provincial, le gouvernement fédéral ou les deux?

M. Swanson: Nous croyons que cela relève du programme provincial. Le code de pratiques forestières de la Colombie-Britannique est un document publié par le gouvernement de la province. Nous avons toutefois été très bien consultés et nous avons donné notre point de vue. Lorsque le document a été publié, il a été accueilli très favorablement, du moins par certains éléments de la société. Une chose est certaine pour l'instant, et c'est qu'il ne semble pas être appliqué aussi rigoureusement que d'aucuns le souhaiteraient.

Le sénateur Spivak: C'est une manière très adroite de le dire.

M. Swanson: D'autres dispositions de la Loi sur les pêches ont des conséquences pour l'industrie forestière. Ce sont celles qui portent sur la prévention de la pollution. La plus importante d'entre elles, et elle est en quelque sorte parallèle à l'article 35, est l'article 36 de la Loi sur les pêches. Elle stipule qu'on ne peut rejeter dans des eaux de pêche des substances nocives pour le poisson, à moins que ce déversement ne soit autorisé par règlement.

Les spécialistes de l'application de l'article 36 sont les fonctionnaires du ministère de l'Environnement, et je crois savoir qu'ils comparaîtront devant le comité. Ces dispositions se trouvent dans la Loi sur les pêches, mais leur application relève du ministre de l'Environnement et non du ministre des Pêches et des Océans.

Nous avons toujours au sein du ministère des Pêches et des Océans les ressources scientifiques voulues pour collaborer avec le ministère de l'Environnement aux recherches sur les répercussions des divers types de substances sur le poisson.

Par exemple, un règlement a été pris en vertu de l'article 36 à l'égard des déversements des papeteries. Il établit les limites acceptables de déversement des effluents de ces usines. Nos scientifiques ont collaboré avec le ministère de l'Environnement au calcul de ces limites.

Une autre disposition législative qui joue de temps à autre pour protéger les habitats du poisson est la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il s'agit d'une loi plutôt récente, puisqu'elle est entrée en vigueur en 1995, je crois. Cette loi guide dans une large mesure les évaluations environnementales des projets que le gouvernement fédéral doit faire. Elle stipule que ce dernier doit procéder à une évaluation environnementale des projets financés par des instances fédérales, réalisés sur des terres fédérales ou encore proposés par le gouvernement fédéral. Par exemple, si le ministère des Pêches et des Océans construit un port pour petites embarcations -- mais je crois que nous n'avons plus ce type d'activité --, il faut faire une évaluation environnementale.

Enfin, une évaluation environnementale s'impose lorsqu'il existe un type quelconque d'approbation réglementaire.

Le sénateur Spivak: Est-ce qu'il s'agit d'une partie de ce qui a été retiré du projet de loi C-9, la Loi maritime du Canada?

M. Swanson: Je ne connais pas très bien le projet de loi C-9.

Le sénateur Spivak: Sans doute pas. Il y a seulement exclusion des ports.

Le président: Je ne suis pas au courant.

Le sénateur Spivak: C'est le cas. Je me demandais seulement si cela en faisait partie, mais peut-être pas.

M. Swanson: Je ne suis pas très au courant, mais j'ai dit qu'une évaluation environnementale était exigée lorsque certaines approbations réglementaires fédérales figuraient dans des règlements pris sous l'empire de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Si vous passez ces règlements en revue, vous trouverez l'article 35 de la Loi sur les pêches.

Le sénateur Spivak: Si on construisait un port pour petites embarcations et si l'habitat du poisson était touché, il y aurait une évaluation, n'est-ce pas?

M. Swanson: Si on construit ce genre d'installation avec une participation financière fédérale, il faut une évaluation environnementale, que l'habitat du poisson soit touché ou non.

Le sénateur Spivak: Quel est le rapport?

M. Swanson: Si un simple citoyen construit un port pour petites embarcations et s'il n'a aucune conséquence pour le poisson, on n'a pas besoin d'évaluation environnementale à moins que le gouvernement fédéral ne contribue financièrement. Si l'habitat du poisson est touché et s'il faut une approbation réglementaire fédérale, il y a forcément évaluation environnementale.

Le président: Qui décide s'il y a des répercussions sur l'habitat du poisson?

M. Swanson: Nous.

Le président: Comment êtes-vous mis au courant? Est-ce que quelqu'un vous appelle?

M. Swanson: J'en arrive à cette question. La disposition à laquelle j'ai fait allusion, l'article 35, n'exige pas que le promoteur fasse une demande ou se munisse d'un permis; elle prévoit simplement une sanction. Quiconque détruit un habitat du poisson peut être traduit devant les tribunaux, mais si on veut éviter les procédures judiciaires, il est sage de s'adresser au ministère des Pêches et des Océans pour discuter de la question et obtenir un permis du ministre des Pêches.

Le sénateur Robichaud: Je croyais qu'il fallait obtenir un permis pour toute altération du milieu à moins de 25 mètres d'un cours d'eau.

M. Swanson: Non, pas en vertu de la Loi sur les pêches.

Mme Michaela Huard, directrice, Direction de la gestion de l'habitat, Pêches et Océans: Mais la loi provinciale l'exige.

Le sénateur Robichaud: Alors, quand vous faites votre demande, vous vous adressez au ministère des Pêches.

M. Swanson: Exactement. Des dispositions semblables ont été prises dans beaucoup de provinces. Elles peuvent avoir des lois semblables à ce à quoi le sénateur fait allusion ou d'autres types de lois. Les fonctionnaires provinciaux examinent le projet et, s'il est assez près d'une rivière et si l'habitat du poisson peut être touché d'une façon ou d'une autre, ils saisissent le ministère des Pêches et des Océans de la question.

Je tiens à faire une distinction entre un permis, par exemple le permis de conduire, qu'il faut avoir sur soi lorsqu'on conduit -- c'est une infraction que de ne pas l'avoir -- et cette autorisation dont je parle. Le permis est différent de l'autorisation que nous avons aux termes de la Loi sur les pêches et donne lieu aux complications dont nous discutons. Rien n'oblige les promoteurs à venir nous consulter; nous devons donc employer et nous employons effectivement d'autres méthodes pour nous saisir de ces questions.

Je parlais de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et des divers éléments qui peuvent entraîner une évaluation aux termes de cette loi. Un certain nombre de ces approbations réglementaires aux termes de la Loi sur les pêches exigent une évaluation environnementale, et la liste y figure. Le principal élément est l'autorisation prévue au paragraphe 35(2), qui joue le plus fréquemment.

Le sénateur Spivak: Les ports n'ont pas été soustraits à cette disposition.

M. Swanson: Je me ferai un plaisir d'examiner cette disposition avec vous à un moment donné, si vous le voulez, et nous pourrions discuter de la manière dont elle peut s'appliquer toujours, peut-être. Mais comme je ne suis pas très au courant, je préfère m'abstenir de tout commentaire pour l'instant.

Je voudrais expliquer la démarche que nous suivons lorsqu'il s'agit de décider si une autorisation sera accordée ou non. Notre champ d'activité, c'est la protection du poisson et de son habitat. Nous cherchons à préserver les habitats du poisson, à en éviter la destruction. C'est pourquoi nous appliquons un processus passablement long, dans lequel on distingue six étapes, avant d'en arriver au point où nous faisons jouer la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Nous avons une période de discussion et de négociation pour essayer d'amener le promoteur à réaliser son projet de façon à éviter de détruire l'habitat. C'est seulement lorsque tous les recours ont échoué que nous envisageons la délivrance d'une autorisation; c'est à cette étape que les dispositions de la loi peuvent jouer.

Cet élément déclencheur qui arrive en fin de processus suscite une incertitude considérable chez les promoteurs et autres parties intéressées et retarde les décisions sur les projets. Entre temps, les provinces peuvent procéder à leur propre examen, et il devient difficile de lancer ces examens.

Lorsque nous décidons de faire une évaluation environnementale en vertu de la loi, celle-ci prévoit divers types d'examen. Le premier dont on entend parler est un examen préalable, processus qui permet de considérer plus de 90 p. 100 de tous les cas. Il peut s'agir d'un processus relativement long, mais, comme le travail se fait au niveau de l'examen préalable et qu'il n'y a pas de commission d'évaluation, de commission publique, on pense souvent qu'il n'y a pas d'évaluation environnementale approfondie. Cette impression n'est pas nécessairement fondée.

On peut décider, à l'examen préalable, que l'impact environnemental est négligeable. Il est inutile de passer à une étape ultérieure, et la décision exigée par le règlement est prise. Il y a également des projets, aux termes de la loi, qui exigent une étude exhaustive, et c'est là que s'impose une étude plus détaillée plutôt qu'un examen préalable.

Ces types de projets sont énumérés dans le règlement d'application de la loi. Je n'ai pas ici d'exemple qui concerne l'industrie forestière, mais vous constaterez que les règlements stipulent que, par exemple, une mine qui produit tant ou tant de tonnes par jour ou par semaine doit faire l'objet d'une étude approfondie.

Enfin, il y a la commission d'évaluation. Elle n'est constituée que lorsque l'examen préalable ou une étude approfondie ont conclu à l'existence d'impacts importants qui ne peuvent être atténués ou lorsqu'un projet suscite de vives inquiétudes dans l'opinion. Seulement environ 1 p. 100 des projets présentés font l'objet de ce genre d'étude.

Quel est le lien entre l'exploitation forestière et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale? En soi, les plans de gestion ou d'exploitation des forêts ne déclenchent pas d'examens aux termes de la loi. Ces activités peuvent être assujetties à la loi lorsqu'il faut une autorisation en vertu de la Loi sur les pêches, par exemple lorsqu'un plan de gestion de l'exploitation porte sur une zone où il y a un cours d'eau poissonneux qui risque de subir des dommages. Mais le simple fait d'abattre des arbres ne suffit pas pour déclencher une évaluation environnementale en vertu de la législation fédérale. Par contre, il est possible qu'il y ait des évaluations en vertu de lois provinciales.

Le sénateur Robichaud: Les habitants du Nouveau-Brunswick vous diront que, si des exploitants forestiers traversent des petits cours d'eau avec leur matériel, ils vont avoir des nouvelles du ministère des Ressources naturelles, qui les surveille de près.

M. Swanson: Nous l'espérons bien. Nous avons essayé de déléguer aux gouvernements provinciaux certains pouvoirs aux termes de la Loi sur les pêches. Le ministre songe toujours à une proposition, dont il a d'ailleurs discuté avec ses homologues provinciaux à leur réunion du mois dernier, à Winnipeg. Les pouvoirs dont je parle permettraient par exemple d'accorder des autorisations pour certains types de projets aux termes de l'article 35 de la Loi sur les pêches. Cette proposition a une assez longue histoire. Au départ, il était question de déléguer la gestion de tous les habitats en eau douce aux gouvernements provinciaux. L'opposition a été vive. Elle a donc été modifiée à la lumière des préoccupations exprimées.

La proposition actuellement à l'étude laisserait au ministre des Pêches et des Océans l'autorité à l'égard de certains projets qui seraient définis par règlement. Pour ces projets, il faudrait un permis, plutôt qu'une autorisation. On saurait donc dès le départ s'il y a lieu de présenter une demande au ministre des Pêches et des Océans. Avec ce permis, il faudrait une évaluation aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Les projets non énumérés dans le règlement pourraient être confiés aux gouvernements provinciaux. Généralement, ils proposeraient qu'une délégation soit offerte aux provinces actuellement responsables de la gestion et de la protection des ressources en pêche dans leur territoire.

Une série de conditions et de normes qui devraient accompagner la signature de tout accord de délégation conclu avec les gouvernements provinciaux est également jointe à la proposition.

On croit par exemple que les gouvernements provinciaux devraient accepter d'appliquer les politiques approuvées par le ministre des Pêches et des Océans, notamment notre politique sur la gestion des habitats du poisson. Les provinces devraient accepter d'appliquer les directives du ministre pour la délivrance des autorisations et d'autres lignes directrices que nous pourrions élaborer seuls ou conjointement. Les accords comporteraient aussi des exigences sur les rapports à produire et la vérification.

Cette proposition présente certains avantages. Elle assurerait un niveau cohérent de protection des habitats au Canada. Les rôles fédéral et provincial seraient précisés, et il y aurait moins de chevauchements et de doubles emplois. Bien des difficultés que nous éprouvons maintenant en ce qui concerne les liens avec la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale seraient dissipées.

Les dispositions habilitantes nécessaires à l'application de cette proposition ont été présentées au cours de la dernière législature. Elles sont restées en plan au Feuilleton et aucun autre projet de loi en ce sens n'a été représenté. Ce genre d'entente nécessite des modifications de la Loi sur les pêches. Il n'a pas encore été décidé quand ces modifications seront proposées.

Je peux en rester là. Ce semble être un choix logique, et je vais essayer de répondre aux questions que vous avez peut-être à poser.

Le sénateur Spivak: Tout d'abord, je ne peux pas voir comment nous pourrions améliorer les choses en déléguant quoi que ce soit aux provinces, et la raison est fort simple. Au Manitoba, par exemple, personne n'applique quelque disposition que ce soit en ce moment. Il n'y a pas de personnel et il est peu probable qu'il y en ait davantage à l'avenir, et c'est la même chose dans la plupart des provinces. Si vous déléguez des pouvoirs aux provinces, allez-vous leur déléguer aussi du personnel et des ressources?

Je voudrais aussi savoir à quel point on essaie de faire appliquer la loi en ce moment. À la page 5, où il est question d'exploitation forestière, vous dites que vous examinez les plans d'exploitation forestière. Les étudiez-vous tous, dans toutes les provinces?

M. Swanson: Non, nous ne le faisons pas dans toutes les provinces.

Le sénateur Spivak: Vous écrivez pourtant que le ministère des Pêches et de Océans examine les plans d'exploitation forestière.

M. Swanson: Mais pas nécessairement tous les plans dans toutes les provinces. Le rapport annuel que le ministre a déposé au Parlement pour la période du 1er avril 1996 au 31 mars 1997 présente une ventilation, pour l'ensemble du pays, des questions d'exploitation forestière que nous avons examinées pendant cette période. Le total canadien s'élève à 1 900. La part du lion revient à la Colombie-Britannique, où il y en a environ 1 600 plans, et le reste se répartit entre les autres provinces. Je ne pourrais pas vous jurer que nous avons étudié tous les plans de gestion forestière ni même vous dire quel pourcentage nous avons étudié.

Le sénateur Spivak: Quelle est la sanction, dans ce cas? Mettons que vous examinez des plans et que certains d'entre eux sont excellents, comme celui de la Louisiana-Pacific au Manitoba. Je pense que le bureau d'Environnement Canada sur place avait beaucoup de ces dispositions, notamment sur les bassins hydrographiques et les cours d'eau. Personne ne fait attention. C'est comme si les sociétés forestières allaient leur petit bonhomme de chemin, faisant ce qui leur plaît parce qu'il n'y a personne pour surveiller. Il y a une foule de plans fort détaillés à étudier et auxquels il faudrait répondre, mais rien ne se fait.

M. Swanson: La destruction de l'habitat des poissons est une infraction à la Loi sur les pêches.

Le sénateur Spivak: Quelle est la sanction?

M. Swanson: Je n'ai malheureusement pas la loi sous les yeux. Mais les sanctions sont passablement importantes.

Le sénateur Spivak: Il faut qu'il y ait un personnel pour étudier les plans et déceler les lacunes, par exemple: «Le plan dit que, dans ce bassin hydrographique, il faut rester à 32 pieds de distance. Ce n'est pas respecté. Vous êtes ici.» On ne fait rien, d'après ce que je peux voir. En tout cas pas au Manitoba, je peux vous le dire.

Deux énormes sociétés forestières coupent allègrement les arbres. J'ignore ce qui se passe en Alberta, mais nous n'avons rien vu de rassurant. Est-ce qu'on rêve ou quoi?

M. Swanson: Sénateur, le ministère des Pêches et des Océans n'a au Manitoba aucun personnel qui soit chargé de faire appliquer la Loi sur les pêches ou qui ait la formation pour le faire.

Le sénateur Spivak: Et la province n'en a pas non plus.

M. Swanson: C'est la même chose en Alberta et en Saskatchewan.

Le président: Je sais que des pêcheurs sportifs préviennent le ministère des Pêches lorsqu'ils voient qu'on est en train de détruire un habitat.

Le sénateur Spivak: C'est très bien.

Le président: On fait des coupes à blanc sur des territoires aussi vastes que la Suisse. Il n'y a pas grand monde sur place, et personne ne se soucie de ces dégâts. Bien sûr, la province touche de généreuses redevances sur toutes les coupes. Il ne restera pas grand-chose sur place. Les provinces et les sociétés forestières ont tout intérêt à abattre le maximum d'arbres en toute vitesse, et vous n'avez pas d'inspecteurs. Ne pensez-vous pas que c'est un problème? Pensez-vous que tout finira par s'arranger?

M. Swanson: La responsabilité pour la gestion de la pêche dans ces provinces intérieures revient au gouvernement provincial depuis de très nombreuses années. Cela comprend l'application de toutes les dispositions de la Loi sur les pêches. Les gouvernements provinciaux disposent d'ailleurs tous de personnel spécialisé chargé de cette responsabilité. Quant à la question de savoir si ces personnes font du bon travail ou non, je suppose qu'on pourrait en discuter longtemps.

Le sénateur Spivak: Selon les chiffres actuels, il semble qu'il y a eu des compressions importantes, de l'ordre de 60 p. 100, de 40 p. 100. Qu'est-ce que cela signifie quand vous dites que la province dispose de personnel spécialisé chargé de l'application de la loi?

M. Swanson: Au cours des deux ou trois derniers mois, nous avons obtenu des gouvernements provinciaux des données sur le nombre de personnes à leur emploi. Nous avons réparti ces employés dans deux groupes, selon qu'ils effectuent des révisions de projets ou qu'ils assurent l'application de la loi. Ces données nous ont été fournies par les gouvernements provinciaux. Les chiffres que j'utilise sont ceux qu'ils nous ont fournis. On retrouve 130 employés affectés à l'application de la loi en Alberta. En Saskatchewan, il y en a 170, au Manitoba 136 et en Ontario 215. Je ne peux pas établir de comparaison avec ce qui pourrait avoir existé il y a quelques années, mais ce sont là les chiffres qui nous ont été fournis par les gouvernements provinciaux.

Le sénateur Spivak: Avez-vous une copie de la correspondance en question pour que nous puissions en prendre connaissance, pour que nous puissions savoir ce que comprennent ces catégories?

Le sénateur Robichaud: Il y a au Nouveau-Brunswick des rivières où le saumon remonte et les gouvernements, tant fédéral que provincial, surveillent ces rivières de très près. Le Manitoba connaît-il de tels phénomènes dans les rivières qui se jettent dans la baie d'Hudson qui pourraient intéresser le gouvernement fédéral?

M. Swanson: Nous n'avons aucun employé chargé de l'application de la loi au Manitoba. Il y a peut-être des remontés d'esturgeons, mais je ne crois pas qu'il y ait autre chose. Il n'y a certainement pas de saumon ou autres poissons du genre au Manitoba.

Le sénateur Robichaud: Il y a parfois d'autres espèces de poissons migrateurs comme le gaspareau ou le lançon.

Le sénateur Spivak: Il y a plusieurs espèces de poissons. Le Manitoba regorge de lacs. Mais vous parlez des poissons qui remontent les rivières.

Le président: Y a-t-il une autre raison, à part l'habitat du poisson, pour laquelle vous voudriez que les cours d'eau soient exempts de limon?

M. Swanson: Une eau propre est souhaitable non seulement pour la protection du poisson. C'est également un bon indicateur d'un environnement en santé. C'est donc pour cette raison que les gens s'intéressent à cette question, qu'ils se préoccupent pour les poissons ou non.

Le sénateur Robichaud: Quel est le rôle du gouvernement fédéral au chapitre de la protection de l'habitat du poisson dans les Territoires du Nord-Ouest?

M. Swanson: Dans les Territoires du Nord-Ouest, ce rôle est toujours en évolution. À venir jusqu'à très récemment, c'est le MPO qui gérait les ressources halieutiques. Nous sommes toutefois passés maintenant à un régime de cogestion dans le Nord. Par exemple, dans la partie la plus éloignée du Nord-Ouest, où ils ont établi la région visée par l'entente avec les Inuvialuit, il y a un organisme de cogestion auquel le gouvernement fédéral, c'est-à-dire le MPO ainsi que les peuples visés sont représentés. Le MPO a un pouvoir de rejet. Dans les régions où le conseil de gestion propose une chose, le ministère a un pouvoir d'annulation pour des raisons de conservation.

Là encore, ce sont des arrangements assez récents. Ils ne sont pas normalisés dans toutes les régions du Nord, mais ils se ressemblent.

Le sénateur Robichaud: Avons-nous un rôle à jouer au niveau de la foresterie?

M. Swanson: Les gens du ministère des Affaires indiennes et du Nord pourraient vous répondre à ce sujet. Compte tenu du fait qu'ils représentent à plusieurs égards «la province du Nord», c'est à eux qu'incombe ce genre de responsabilité. Toutefois, la Loi sur les pêches s'applique toujours.

Dans le Nord, le ministère des Affaires indiennes et du Nord a mis sur pied des commissions des eaux et autres organismes du genre. Nous avons notre mot à dire dans ce processus au même titre que nous participons à ce processus au niveau provincial.

Le président: À la page 4, vous dites que «l'Ontario s'est récemment retirée de la seule entente conclue» et que «les provinces de l'intérieur gèrent l'habitat du poisson en marge des pêches, sans ententes officielles». Tout d'abord, je présume que l'Ontario s'est retirée d'une entente officieuse puisqu'il n'en existait pas d'officielle. Mais que se passe-t-il à l'heure actuelle en Ontario? Pourquoi cette province s'est-elle retirée?

M. Swanson: Au moment où ils ont décidé de se retirer, les représentants du gouvernement de l'Ontario nous ont souligné qu'ils n'étaient pas satisfaits des progrès du ministère au chapitre du projet de délégation dont je vous ai parlé.

C'est un projet qui a été proposé aux gouvernements provinciaux pour la première fois en 1994. Il y avait d'ailleurs des dispositions législatives à cet égard dans le dernier Parlement, et à leur avis il y avait certaines préoccupations quant à l'intention du gouvernement fédéral à ce sujet. Le 18 ou le 19 septembre 1997, ils se sont retirés d'une entente en vertu de laquelle ils nous avaient fait parvenir des projets qui devaient à leur avis avoir des répercussions sur les habitats de poissons. Ces projets auraient pu devoir être autorisés en vertu de l'article 35.

Le président: N'y a-t-il aucune surveillance là-dessus? Le fédéral ne s'en occupe pas parce que cela relève des provinces et les provinces se retirent parce qu'elles ne peuvent en arriver à une entente. N'y a-t-il que le bon Dieu pour surveiller ce genre de choses?

M. Swanson: Nous avons pris certaines mesures pour tenter de régler le problème. Comme ils ont décidé de se retirer pendant une période calme de l'année, nous avons pu envoyer des agents des pêches en Ontario. Toutefois, avec l'arrivée des mois d'été, il sera plus difficile pour nous de le faire parce que ces agents devront retourner dans leurs secteurs d'affectation. Nous devrons nous pencher sur la question.

Nous avons également engagé un certain nombre de biologistes sur une base temporaire. Ces derniers doivent revoir les propositions de projet qui sont portées à notre attention. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour faire face à la charge de travail supplémentaire due au retrait de l'Ontario.

Le président: En général toutefois, les provinces désirent-elles s'occuper elles-mêmes de l'administration de leurs forêts et le gouvernement fédéral est-il d'accord pour se retirer de l'application de la loi dans ce domaine?

M. Swanson: Je ne peux parler pour les provinces. Je suis persuadé toutefois qu'elles veulent être maîtres chez elles, jusqu'à un certain point, en ce qui a trait à la gestion des ressources naturelles. Je crois que le gouvernement fédéral aimerait voir une certaine uniformité au niveau de la protection de l'habitat au pays.

Le président: C'est une déclaration assez étonnante. Comment peut-on s'attendre à ce que dix provinces qui sont incapable de s'entendre au niveau linguistique puissent avoir une conception commune des règles environnementales?

Le sénateur Robichaud: Ce n'est pas la même chose, ils parlent tous la même langue.

Le président: Je n'y vois aucune uniformité. La pêche sportive occupe une place importante en C.-B. et les principales préoccupations iront dans ce sens dans cette province. Par contre, le Manitoba s'en sortira certainement assez lourdement.

Le sénateur Spivak: Il y a beaucoup de pêche sportive dans le nord du Manitoba.

Le président: Les provinces peuvent faire ce qu'elles veulent. Cela ne veut pas dire pour autant que je suis contre certains droits provinciaux.

M. Swanson: Ce dossier renferme certainement des défis. Toutefois, nous ne voulons pas en arriver à traiter avec les dix provinces de façon à réduire le genre de questions dont nous parlons. Nous nous occupons des provinces de l'intérieur qui ont déjà depuis un certain temps des responsabilités en matière de gestion des pêches en vertu de la Loi sur les pêches. Cela pourrait bien toutefois ne servir qu'à réduire le défi dont vous nous parliez.

Le président: Qui est à la tête de tout cela? On nous dit que les provinces veulent avoir plus de pouvoirs et engager plus de gens. J'ai du mal à croire cela. Le gouvernement fédéral ne voudrait-il pas plutôt se retirer parce que les pêcheries entraînent des frictions dans ses relations avec les provinces?

M. Swanson: Tout d'abord, il est bien évident que c'est ce que les provinces désirent et elles le réaffirment d'ailleurs à chaque fois qu'elles rencontrent le ministre. Je ne dirais pas que le gouvernement fédéral désire à tout prix s'en sortir puisque, comme le soulignent d'ailleurs les documents qui vous ont été remis, il n'y a personne qui s'en occupe à l'heure actuelle dans les provinces de l'intérieur.

Le président: Si on vous donnait le budget nécessaire pour engager du personnel, seriez-vous prêts à vous en occuper alors?

M. Swanson: Vous me placez dans une situation très difficile.

Le président: Si vous décidez de vous retirer uniquement parce que vous n'avez personne pour faire la surveillance, cela ne me semble pas être une très bonne raison.

Le sénateur Robichaud: Il y a également derrière tout cela une tendance à la simplification. On ne veut pas avoir affaire à plusieurs ministères et à différents niveaux de gouvernement. Dans certains cas, si vous proposez vos services pour faire quelque genre de travail que ce soit, certains responsables vous diront qu'ils vont vous envoyer d'un endroit à un autre. Vous devez d'abord vous présenter au niveau fédéral, puis au niveau provincial, et une évaluation est alors transmise au fédéral. C'est parfois un processus plutôt complexe.

M. Swanson: Sénateur, vous devez être bien au courant de ce dossier, mais vous avez raison. Il est trop simple de dire que le gouvernement fédéral veut se retirer du dossier et que les gouvernements provinciaux veulent s'en charger. Cela simplifie sans doute la question pour les responsables tout en facilitant l'application de la loi. Il y a bien sûr des dédoublements et des chevauchements et nous en parlons aussi dans notre proposition.

Le sénateur Spivak: C'est vraiment intéressant. Regardez partout au pays. Personne ne se plaint du fait que l'environnement est trop propre, qu'il y a trop de poissons ou que les eaux sont trop claires. C'est plutôt le contraire. Le dossier des pêches est un vrai désastre en plusieurs endroits même dans les eaux intérieures. Ne devrait-on pas faciliter le développement industriel pour détruire nos ressources naturelles? On répète partout qu'il est trop difficile de préserver nos ressources naturelles, que cela est une cause de chômage. C'est ce qu'on a dit à Terre-Neuve. Maintenant, les Terre-neuviens n'ont plus ni poissons ni emplois.

Le sénateur Robichaud: Je ne suis pas d'accord avec vous à ce sujet.

Le sénateur Spivak: Nous ne discuterons pas de ce point. J'aimerais vous demander sénateur Taylor si votre ministère s'occupe activement des amendements aux règlements en ce qui a trait à l'harmonisation. Vous occupez-vous de présenter le dossier au ministre? C'est une question directe. Vous ne voudrez probablement pas y répondre. Permettez-moi de reformuler ma question. Êtes-vous en faveur de cela?

M. Swanson: Lorsque le ministre a rencontré ses collègues à Winnipeg à la mi-mai, il a souligné que c'était là une initiative qu'il comptait mettre de l'avant.

Le sénateur Spivak: Le conseil que vous avez donné au ministre était que cela constituait un développement favorable et positif.

M. Swanson: Le conseil que j'ai donné au ministre doit en rester à ce niveau.

Le sénateur Spivak: Comme vous le savez, les habitats de poissons constituent le plus puissant déclencheur qui soit au chapitre de l'évaluation de l'environnement. Vous pourriez peut-être nous expliquer le genre de projets qui pourraient être délégués. Les habitats de poissons relèvent du fédéral. Vous voulez maintenant modifier ces mesures législatives fédérales et décréter que certaines responsabilités relèvent d'ici et d'autres de là.

Pouvons-nous avoir des précisions sur ce que seront les critères dans la nouvelle mesure fédérale en rapport avec les projets qui seront pris en charge par les provinces. Comment cela fonctionnera-t-il?

M. Swanson: Je ne peux vraiment pas vous le dire à ce moment-ci. Le projet de loi qui a été déposé au dernier Parlement constituait une mesure habilitante seulement.

Le sénateur Spivak: Cela constituera une règle. Nous n'en serons pas même informés avant que cela arrive.

M. Swanson: Le dernier projet de loi ne constituait qu'une mesure habilitante. Il prévoyait l'octroi de permis fédéraux qui resteraient au niveau fédéral. Je peux vous dire cependant qu'au cours des discussions que nous avons eues avec les gouvernements provinciaux, nous avons souligné que pour déterminer les éléments qui devraient faire l'objet d'un permis fédéral, il pourrait être logique de commencer avec une liste d'étude approfondie en ce qui a trait à la LCEE.

Le sénateur Spivak: Cela resterait sous juridiction fédérale.

M. Swanson: Oui, il n'y aurait pas de changement. La liste d'étude approfondie parle à l'heure actuelle de mines d'une certaine grosseur, de barrages et de choses de ce genre, mais il faudra de toute évidence que nous discutions de ces questions avec les gouvernements provinciaux.

Le sénateur Spivak: C'est exact. Toutefois, la LCEE sera également modifiée. La liste d'étude approfondie et les dispositions législatives et réglementaires désignées seront-elles aussi modifiées? Oui ou non?

M. Swanson: Puis-je me permettre un «Je n'en sais rien»? Ce sont là des règlements et ils peuvent évidemment faire l'objet de modifications.

Le sénateur Spivak: Je sais, mais ce n'est pas la première fois que je fais face à cette situation, tout comme d'autres sénateurs d'ailleurs. Pourquoi alors cela ne me rassure-t-il pas?

M. Swanson: Le MPO n'administre pas ces règlements.

Le sénateur Spivak: Vous devez tout de même en être au courant.

M. Swanson: Je sais qu'il y a des discussions en cours en vue de changer les règlements établis en vertu de la LCEE ou d'y ajouter des éléments et que nos membres y participent. En fait, le plus récent document que j'ai eu l'occasion de voir ajoutait des éléments à la liste des choses qui pouvaient faire l'objet d'une évaluation et non l'inverse.

Le président: À la page 14, vous avez utilisé deux fois le mot «désigné». Vous avez dit d'abord qu'il faudrait «laisser au MPO le pouvoir décisionnel pour certains projets désignés», puis vous avez ajouté «déclencheur automatique de la LCEE pour les projets désignés». Comment un projet peut-il se retrouver dans cette catégorie de projets dits désignés?

Le sénateur Robichaud: C'est au MDE et au MPO de déterminer l'échelle à utiliser.

M. Swanson: Bien sûr. Il y a toute une dynamique là-dessous. Les gouvernements provinciaux affirmeront que cette liste devrait être très brève. Les environnementalistes quant à eux seront d'avis qu'elle devrait au contraire être très longue. Autrement dit, elle devrait inclure un grand nombre de projets en plus de ceux qui feront l'objet d'un permis fédéral. C'est là le genre de débats qui devront avoir lieu.

Le président: Vous représentez donc le ministère chanceux qui se retrouve au milieu et qui a le choix.

M. Swanson: Exactement.

Le président: Voulez-vous vous y attarder davantage?

Le sénateur Robichaud: Je ne crois pas que l'intention soit de réduire de quelque façon que ce soit la protection que nous accordons à l'environnement.

Le sénateur Spivak: Je n'en suis pas si certaine.

Le sénateur Robichaud: Vous ne serez peut-être pas d'accord, mais je crois que tout le processus est assez lourd. Bon nombre de personnes veulent protéger l'environnement. Au Nouveau-Brunswick par exemple, je peux vous dire qu'ils sont sérieux. On ne peut pas faire grand chose lorsque les petits courants d'eau sont asséchés en été. Si vous vous y rendez, vous y rencontrerez les fonctionnaires provinciaux. Toutefois, s'il y a du saumon, ce sont les fonctionnaires fédéraux qui s'y trouvent. Je vous le dis, je ne crois pas que l'un ou l'autre soit prêt à laisser tomber ce dossier.

Le sénateur Spivak: C'est juste.

Le sénateur Robichaud: Il est difficile de mettre au point un processus logique quand il s'agit d'évaluation de l'environnement.

Le président: Je crois qu'il y a là une différence au niveau de vos provinces d'appartenance. Peut-être y a-t-il trop de règlements à ce sujet au Nouveau-Brunswick parce que la pêche y est un sport important. D'autres sénateurs peuvent avoir l'impression cependant que le dossier de la coupe des arbres est plus important.

Le sénateur Spivak: Je crois que le sénateur a tout à fait raison. La seule question qui reste est de déterminer la meilleure façon de le faire. C'est là le point de la discussion.

Le président: J'avais une autre question à poser. À la page 17, lorsque vous dites que certains «changements législatifs sont requis», est-ce là quelque chose que votre ministère considère comme nécessaire? D'où vient ce titre?

Le sénateur Spivak: Cela signifie que c'est ce qui devrait être fait.

M. Swanson: Tout à fait. Ces changements seraient nécessaires si c'est ainsi que le ministre compte procéder.

Le sénateur Spivak: Toute la question se résume au fait que, comme vous le savez, les environnementalistes ne veulent pas affaiblir le déclencheur. C'est de là que vient le débat. Si vous devez nous donner une mesure législative habilitante, cela signifie que le Parlement ne sera plus en mesure de contrôler tout cela. Ils n'ont rien à voir avec les règlements et n'ont souvent rien à dire quant à leur approbation.

La dernière fois qu'on a apporté des modifications à la LCEE, les avocats, les avocats spécialisés dans les dossiers environnementaux et les autres intéressés ont revu toutes les règles. C'est là un processus très dangereux en raison des compromis que cela peut entraîner. Il ne s'agit pas d'un processus législatif.

L'habitat du poisson est considéré comme l'un des plus importants déclencheurs au niveau fédéral. Vous dites ici, si je ne m'abuse, que cela n'affaiblit pas la présence du gouvernement fédéral en ce qui concerne ce déclencheur. Y aura-t-il un examen législatif ou bureaucratique sur cette question?

M. Swanson: Je peux essayer peut-être de répondre à la question. J'ai précisé clairement que l'Ontario, qui s'est maintenant retirée de l'entente qu'elle avait avec nous, et les provinces des Prairies également, n'ont, à l'heure actuelle, aucune entente avec nous sur la façon de porter quoi que ce soit à notre attention.

Lorsqu'on examine les statistiques sur les évaluations environnementales déclenchées par la Loi sur les pêches, on s'aperçoit que, chose certaine, dans les Prairies, depuis quelques années, il y en a très peu, sinon aucune. Pour voir s'il s'agit d'un déclencheur fort ou faible, il faut se baser sur le nombre d'évaluations environnementales effectuées.

Le sénateur Spivak: Exactement. Le problème ne réside pas dans la loi, mais dans son application.

M. Swanson: Les avantages, cependant, de notre proposition, c'est qu'il y aurait un mécanisme pour veiller à ce que les projets désignés soient évalués aux termes de la LCEE. De plus, pour des projets comme des ouvrages de drainage, des quais pour résidences secondaires et le reste, le gouvernement provincial donnerait son approbation et examinerait ces types de projets conformément aux lignes directrices approuvées par le gouvernement fédéral.

Le président: Nous semblons nous arrêter beaucoup sur les pêches alors que nous sommes un comité des forêts, mais il faut se rappeler que dans le cadre de nos audiences dans l'Ouest, au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, dans de nombreuses villes et régions, les gens nous ont suppliés presque d'établir un système de communication avec le secteur des pêches, car ils avaient l'impression que la destruction de l'habitat du poisson était le seul déclencheur qu'ils avaient pour empêcher n'importe quel projet néfaste à la forêt.

Ils ne pouvaient prouver que nous nous débarrassons de nos puits de carbone. Il est difficile pour un profane de se plaindre de cela. Ces gens ne pouvaient se plaindre du fait qu'il y ait davantage de pluies acides dans nos lacs. Ils ne pouvaient se plaindre des effluents des usines de pâtes et papiers car il y avait toujours une personne avec deux doctorats qui buvait devant les caméras et qui pouvait ainsi prouver que l'eau n'était pas si mauvaise que cela. Ils savaient tous que leur grand-père ou leur père pouvait constater les torts causés à la rivière.

C'est pourquoi les responsabilités sont si lourdes sur vos épaules. C'est probablement la raison pour laquelle nous allons examiner cela, car il s'agit d'un déclencheur. Vous avez mis en plein dans le mille. Vous avez un excellent document. D'une façon ou d'une autre, la population doit avoir le sentiment que c'est possible. Cependant, nous avons un sénateur qui pense qu'on utilise peut-être un déclencheur trop souvent.

Le sénateur Robichaud: Je ne dis pas cela.

Le sénateur Spivak: Les effluents des usines de pâtes et papiers ne sont-ils pas régis par la Loi sur les pêches?

M. Swanson: Les règlements sur les effluents des usines de pâtes et papiers sont pris aux termes de l'article 36 de la Loi sur les pêches et ils ont été modifiés tout récemment, en fait. Les règlements initiaux aux termes de la Loi sur les pêches donnaient des droits acquis aux usines qui avaient été construites avant 1970, ou quelque chose comme cela, mais on a modifié récemment les règlements pour que toutes les usines soient maintenant visées par ces règlements.

Le sénateur Spivak: C'est une réussite.

Le président: À la page 20, sous la rubrique «Prochaines étapes», il est question de l'«Élaboration d'ententes-cadres avec les provinces». Si le sénateur Chalifoux était ici, elle signalerait que nos autochtones, qu'il s'agisse des Métis, des Inuit ou de toute autre première nation, ont un intérêt direct dans la forêt pour un certain nombre de raisons, qu'il s'agisse de leur propre exploitation forestière ou de la protection de l'habitat des poissons qui constituent une bonne part de leur régime alimentaire. Je crois que 75 p. 100 des membres des premières nations habitent dans des régions boisées. Une bonne partie des animaux qu'ils piègent vivent dans des forêts où on retrouve également des ongulés et d'autres animaux dont ils vivent. Or, on ne parle même pas des premières nations dans tout ceci. Ne devrait-il pas y avoir une entente tripartite? Quelle est la place des peuples autochtones dans tout cela? Je sais qu'on tient compte des autochtones dans le Nord, mais dans les Prairies, en Ontario et au Québec, où un fort pourcentage d'autochtones vivent, on semble les laisser de côté.

M. Swanson: Je pense que la page précédente parle d'un atelier que nous avons tenu en novembre 1996. À cet atelier, il y avait des représentants des divers groupes autochtones du pays. Chose certaine, notre plan d'action continuera de les inclure. Dans le document que j'ai distribué, je suppose que j'aurais dû parler de «prochaine étape» au singulier et non au pluriel, car il est question de très court terme dans le cas présent. Au cours des mois d'été, nous prévoyons que nos conseillers juridiques se pencheront avec nous sur les conséquences de décisions récentes des tribunaux, pour que nous fassions participer les membres des premières nations au processus comme ils y ont droit.

Le président: La déclaration dont je parle figure à la page 18. En parlant de l'atelier, on dit: «y ont assisté des représentants d'organisations nationales de l'environnement, des Autochtones, des industries et de la pêche récréative.» Ces gens ne constituent pas une organisation. Ce n'est pas l'équivalent d'une association environnementale ou de pêche récréative. Ils possèdent, en partie, cette ressource. En d'autres termes, ce sont les propriétaires. Ce ne sont pas simplement de nobles autochtones dont on doit s'occuper. Je me demande si on comprend bien ce point.

Vous n'êtes pas le premier ministère fédéral à faire cela. Même le ministère responsable des Affaires autochtones le fait. Oui nous parlons aux autochtones et nous voulons qu'ils participent à la gestion. Oui nous voulons savoir ce qu'ils pensent, mais il y a plus. Ils ont certains intérêts en tant que propriétaires. Est-ce que cela est compris?

M. Swanson: Oui. En fait, les gens avec lesquels nous traitons au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, par exemple, nous rappellent constamment cette responsabilité. Nous avons récemment organisé un atelier, au sein de notre propre ministère, sur nos responsabilités et les conséquences de la plus récente décision de la Cour suprême touchant les groupes autochtones.

Un autre atelier sera organisé par le ministère de la Justice lui-même d'ici quelques semaines, et nous aurons des représentants à cet atelier. Nous entendons bien dominer la situation dans ce domaine et faire ce qui s'impose.

Le sénateur Robichaud: Je pense que dans le cadre de l'établissement de la Stratégie sur les pêches autochtones, le ministère des Pêches et des Océans tient compte de ce que vous dites. Il reconnaît les droits des autochtones et les décisions des tribunaux. Il travaille dans cette direction avec les groupes autochtones et il va de l'avant.

Le sénateur Spivak: Toutes les provinces voudraient annuler ces décisions des tribunaux.

Le sénateur Robichaud: Ce sont des intérêts différents.

Le sénateur Spivak: C'est vrai. Ce sont les propriétaires des ressources. Cela ne va pas être facile, je peux vous le dire.

Le sénateur Robichaud: Non, et personne n'a jamais dit que cela serait facile.

Le sénateur Spivak: Permettez-moi de vous dire que certaines personnes vont exactement dans la mauvaise direction.

Le président: Merci beaucoup, M. Swanson.

La séance est levée.


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