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BORE

Sous-comité de la Forêt boréale

 

Délibérations du sous-comité de la
Forêt boréale

Fascicule 5 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 28 septembre 1998

Le sous-comité de la forêt boréale du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 30 pour poursuivre son étude sur l'état actuel et futur de l'industrie forestière au Canada, dans la mesure où celle-ci touche la forêt boréale.

Le sénateur Mira Spivak (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Nous avons hâte de vous écouter si bien que je vous cède tout de suite la parole.

M. Roger Street, directeur, Groupe de recherche en adaptation environnementale, Service de l'environnement atmosphérique, Environnement Canada: Mon groupe est chargé d'examiner le changement atmosphérique, le changement climatique et ses répercussions sur le Canada, ainsi que les genres de décisions que nous pouvons prendre en tant que Canadiens pour faire face à ces changements et répercussions sur les écosystèmes naturels, les systèmes sociaux et les systèmes économiques.

Pour commencer ce processus, nous avons pris la décision il y a bientôt deux ans et demi d'entreprendre l'Étude pancanadienne, dont je vais vous faire rapport aujourd'hui, en mettant surtout l'accent sur la forêt boréale. Je vais me servir de quelques diapositives dans les deux langues.

L'Étude pancanadienne est la première évaluation nationale des conséquences du changement climatique et de la façon dont les Canadiens peuvent y faire face. Les Américains ont entamé le U.S. National Assessment; il s'agit d'une approche similaire dont le rapport national doit être publié en janvier de l'an 2000. Le Royaume-Uni a entrepris une même démarche également.

Au cours de la rédaction du rapport, nous avons découvert un point que je vais souligner, point relatif aux forêts. L'évaluation indique que le changement climatique aura des répercussions sur tous les secteurs et toutes les régions du Canada, mais que ces impacts et la capacité de s'y adapter varieront selon les régions et les secteurs.

Je vous renvoie à vos régions d'origine. La sensibilité de votre région au climat, tel qu'il existe aujourd'hui, est bien différente de celle des autres régions du pays, tout comme la capacité de s'adapter au changement. Par exemple, s'il tombe sur Ottawa de 15 à 20 centimètres de neige, cela n'a rien à voir avec ce dont nous avons été témoins en 1996, lorsqu'il est tombé autant de neige à Victoria et à Vancouver. La capacité de s'adapter au climat varie donc considérablement.

Certaines collectivités du Canada dépendent d'une seule ressource, comme les forêts. Leur capacité de s'adapter à un changement au niveau de leur ressource ou à un changement climatique susceptible d'influer sur cette ressource est tout à fait différente de celle d'une autre collectivité, comme Ottawa, par exemple, ville très diversifiée et qui, par conséquent, dispose de plus d'options quant à la façon de régler ces questions.

Nous avons également découvert au cours de cette étude, point que je ne vais cesser de souligner, que l'adaptation à de tels changements imposera au Canada des coûts sociaux, économiques et environnementaux. Aujourd'hui, nous dépensons des milliards de dollars chaque année pour nous adapter au climat existant et aux changements climatiques. L'hiver que nous venons de vivre en est un exemple frappant. Les répercussions du climat nous ont imposé des coûts économiques si l'on s'en tient aux pertes subies. Les répercussions se sont fait sentir sur les érablières, les bovins laitiers et les gens. Ce changement climatique a imposé aux Canadiens des coûts sociaux et aussi, bien entendu, des coûts environnementaux. Il continue d'imposer des coûts et les changements dont vous allez entendre parler nous en imposeront d'autres également.

Permettez-moi de vous donner quelques indications générales au sujet du rapport. Environnement Canada a mis à contribution des experts venus de toutes les régions du Canada, comme des experts des forêts de l'Université de Toronto. Par la suite, des experts de Forêts Canada, d'autres universités et de l'industrie ont été mis à contribution. Le rapport a été rédigé, l'information compilée et nous nous sommes chargés de la coordination pour nous assurer de la compatibilité entre l'information régionale et l'information nationale. Nous nous sommes chargés des publications et le rapport représente le travail de tout un éventail d'experts de l'ensemble du Canada, puisqu'il a été rédigé par des représentants des universités, du secteur privé, des ONG, soit des Canadiens de tous les horizons.

Le rapport auquel je vais me reporter dans un instant décrit la vulnérabilité des secteurs économiques du Canada. Le Canada est un pays vulnérable, comme la plupart des pays, mais peut-être plus encore, parce que les Canadiens dépendent fortement des ressources naturelles, sans compter leur souci de l'environnement.

Les résultats de la première évaluation sont publiés en huit volumes scientifiques et techniques. J'en ai remis une série à la greffière. Il s'agit de six volumes régionaux -- Canada Atlantique, Québec, Ontario, Prairies, Pacifique et Yukon et Arctique. Deux volumes nationaux vont être publiés sous peu. Ce sont des volumes techniques qui examinent les secteurs comme ceux de l'agriculture, des forêts, du tourisme et des loisirs et des transports. Nous avons examiné près de 12 secteurs.

Un autre volume national porte sur les questions intersectorielles, comme le commerce national, les relations extraterritoriales, ainsi que le rapport qui existe entre le changement climatique et le développement durable -- questions beaucoup plus vastes. Ces volumes doivent être publiés sous peu. Les six volumes régionaux sont publiés dans la langue d'origine, c'est-à-dire que s'ils ont été rédigés en français, ils sont publiés dans cette langue et inversement, s'ils ont été rédigés en anglais, ils sont publiés dans cette langue. Les deux volumes nationaux seront en français et en anglais.

Nous avons ensuite préparé une série de sommaires ciblés. J'espère que vous avez tous une copie du sommaire national destiné aux décideurs dont j'ai demandé la distribution. Il est rédigé en français et en anglais.

Nous avons rédigé un autre sommaire qui s'adresse davantage à la population et dont la langue est encore plus claire que celle du sommaire national destiné aux décideurs. Chacun des six sommaires régionaux est résumé en langage clair en français et en anglais.

Je vais souligner quelques conclusions importantes seulement, en raison du peu de temps dont nous disposons. Il ressort clairement de notre travail que nous allons subir des changements climatiques. Le changement climatique se produit dans le Nord canadien en particulier. Qu'il soit provoqué par l'activité humaine ou par autre chose, le changement climatique se produit bel et bien. Nous en faisons l'expérience et en observons certains de ses impacts, dont je vais discuter sous peu. Dans tous les cas, nous continuons à subir le changement climatique, et malgré toutes les mesures que nous pourrions prendre, pour atténuer ou réduire ces impacts, nous serons toujours soumis à des changements climatiques et nous ferions mieux de nous y adapter.

Nous nous sommes également aperçus que nous sommes mal adaptés à notre climat actuel. Nous ne le comprenons pas et nous avons la mémoire courte. Si vous pensez à l'hiver dernier, vous vous rappellerez qu'il a été doux. Nous commençons à nous habituer à ce genre de climat.

Nous avons découvert également que tous les Canadiens devraient contribuer à trouver des solutions. Ce n'est pas en effet quelque chose que nous puissions dicter d'en haut. Tous les Canadiens doivent participer.

Vous allez m'entendre parler de projections et non de prévisions. Elles nous permettent de mieux comprendre nos sensibilités et nos vulnérabilités. Si l'on examine les projections climatiques pour les 50 à 100 prochaines années, on se demande ce que cela signifie au chapitre de ces sensibilités et ces vulnérabilités. Vous allez donc m'entendre parler des changements qui devraient se manifester au cours du prochain siècle. Toutefois, nous voyons déjà se manifester certains de ces changements, surtout dans les régions du fleuve MacKenzie et du Yukon des Territoires du Nord-Ouest.

Je vais aborder quelques points très importants. Les impacts devraient varier considérablement d'une région à l'autre du pays et peuvent être plus marqués au niveau des régions et des collectivités. Si vous examinez le Canada comme un pays, vous savez que certains prétendent que les impacts sur les forêts ne sont, en moyenne, pas si négatifs. Par exemple, nous sommes témoins de l'accroissement forestier. La fixation des prix pose des problèmes, mais en moyenne, ce n'est pas si grave. Toutefois, si l'on descend au plus bas niveau et aux plus petites régions, certaines parties du pays seront avantagées, contrairement à d'autres. Lorsqu'on arrive au niveau régional, ces différences deviennent très importantes et c'est un point dont il faut avoir conscience. On parle souvent à ce sujet de «perdants et gagnants». Je n'aime pas utiliser cette expression, mais on l'entend souvent. Notre pays est interconnecté tout comme nos secteurs. Il suffit qu'il y ait un perdant pour que nous le soyons tous. Il faut prendre conscience des avantages et des inconvénients qui se manifesteront dans les diverses régions du pays et qui sont le reflet des différences au niveau de la vulnérabilité régionale et sectorielle.

En matière d'impact, il ressort clairement que ce qui se passe dans d'autres régions du monde aura un impact significatif sur le Canada. La façon dont on réagit aux impacts qui se font sentir dans d'autres pays est importante pour le Canada en raison de la globalisation du marché. Ce qui se passe, par exemple, aux États-Unis ou sous les tropiques en matière de forêts aura un impact sur le marché global et, par conséquent, sur ce qui se passe sur les marchés canadiens. Par exemple, si le changement climatique a un impact négatif sur les forêts d'un pays donné, lequel décide de sauver la récolte et de faire du dumping sur un marché auquel nous participons, cela aura un impact important sur nos marchés et sur la cotation de nos produits.

Des habitants d'autres pays sont vulnérables aux conditions climatiques extrêmes. Plus les conditions climatiques changent, plus de pressions seront exercées sur le Canada, membre de la communauté internationale, pour qu'il aide les populations touchées par le changement climatique.

On craint énormément que des troubles ne se produisent dans le monde à propos des ressources en eau qui jouent un rôle crucial. Lorsque des troubles s'intensifient à cause des inégalités, on demande souvent au Canada d'assurer le maintien de la paix; toutefois, on demande également au Canada d'aider d'autres pays en périodes de besoin, comme cela s'est produit la semaine dernière par suite de l'ouragan Georges.

Ce qu'il faut savoir toutefois, c'est que le changement climatique n'est pas toujours négatif. En effet, nous projetons que le réchauffement se produira surtout l'hiver et comme notre climat est nordique, ce n'est pas une nouvelle catastrophique. Beaucoup d'entre nous aimerions que la douceur de l'hiver dernier revienne chaque année. Il faut penser aux avantages et aux inconvénients, ainsi qu'aux répercussions sur les collectivités qui dépendent d'un climat hivernal comme celles où l'on pratique la pêche blanche et où l'on se sert de motoneiges. Cela aura des impacts sur elles.

Je vais maintenant me concentrer brièvement sur la forêt boréale et sur les conclusions des auteurs de ce rapport qui sont essentiellement trois messieurs de la Faculté des forêts de l'Université de Toronto qui se sont inspirés de plusieurs auteurs. Le document a été examiné par Forêts Canada et il figure dans le volume sectoriel qui sera publié, nous l'espérons, dans les deux à trois prochaines semaines. Nous sommes en train de mettre la dernière main à la traduction française.

Le rapport conclut que l'élévation de la température moyenne devrait repousser la limite forestière de 500 à 1 000 mètres en altitude et de 200 à 500 kilomètres en latitude. C'est assez considérable. Nous envisageons un changement au niveau de la répartition des forêts pour les 200 à 500 prochaines années dont la magnitude sera égale aux changements survenus au cours des 10 000 dernières années. Il ne faut pas oublier que le climat va changer beaucoup plus vite que la croissance des arbres. Cette croissance ne peut pas être aussi rapide à moins qu'elle ne soit facilitée par l'intervention de l'homme. Le climat dont dépendent actuellement ces arbres va changer et les arbres resteront à la traîne pendant une décennie ou pendant des siècles -- de nombreux siècles. Cela nous donnera un écosystème déséquilibré par rapport au climat. En pareil cas, les arbres subissent beaucoup de stress, commencent à être touchés par des maladies et de nouveaux types d'espèces essaient de s'implanter.

Ce qui nous préoccupe le plus à l'heure actuelle, c'est la vitesse du changement climatique.

Nous prévoyons au cours des 100 à 200 prochaines années un plus grand changement climatique que celui dont nous avons été témoins ces 10 000 dernières années.

D'après l'une des études, la conversion de la toundra en un écosystème forestier plus typique de ce que nous voyons dans le Sud prendra près de 150 ans. La vitesse du changement climatique affecte le moment où la végétation réagit; toutefois elle n'affecte pas le temps requis pour un changement complet, en raison de la «lenteur» de la réaction des arbres. Plusieurs études se sont penchées sur la migration des arbres il y a 100 000 ans. On s'est aperçu que lors de changements climatiques précédents, la migration a pris un certain temps, puisqu'elle est entravée par certains obstacles et que la propagation des arbres sous l'effet des vents ou par clonage est beaucoup plus lente.

Ce qui est très inquiétant au sujet du changement climatique, c'est que les modifications que subiront les régimes de perturbation pourraient être suffisamment importantes pour altérer ou détruire des écosystèmes forestiers existants. Je veux parler des changements au niveau des incendies, des insectes ravageurs et des maladies. Ils sont jugés suffisamment importants pour détruire complètement le fonctionnement existant des écosystèmes ou pour introduire de nouvelles espèces qui altéreront le fonctionnement de ces écosystèmes.

On s'inquiète beaucoup des changements au niveau des insectes ravageurs et des maladies. Lorsque l'on examine le climat existant et le mouvement des insectes ravageurs, on s'aperçoit que pendant les années plus chaudes et plus sèches, ils se déplacent plus vers le Nord, sont plus répandus et envahissent de plus grands secteurs. Cela ne s'explique pas tant par le climat que par le fait que les arbres sont maintenant plus sensibles. Pendant les périodes de sécheresse, ils sont moins résistants et pendant les périodes plus chaudes, permettent aux insectes d'hiverner, si bien que la population ne meurt pas aussi rapidement. C'est ce dont nous nous apercevons maintenant et nous projetons que cela se produira à l'avenir.

On s'attend à ce que la saison des incendies soit plus intense. Beaucoup d'études faites au sujet des incendies dans la forêt boréale ont permis de conclure que lorsque le temps est plus sec et plus chaud, comme cela a été le cas cette année, la saison des incendies débute plus tôt et est beaucoup plus intense. L'ouest de la forêt boréale semble être la région la plus sensible. On a observé un changement dans la dynamique de la saison des incendies de forêts. Normalement, un incendie se déclenche en début d'année et un autre à la fin de l'année, alors que nous avons été témoins dernièrement d'une double intensification de la saison des incendies. On craint donc que les incendies soient plus sévères et plus étendus. Cela augmente également les régimes de perturbation qui permettent l'introduction d'espèces moins économiques ou d'espèces nouvelles et modifient toute la structure de l'écosystème forestier.

On craint que l'intensification des incendies de forêts conjuguée à des activités d'exploitation forestière remodèlera progressivement le paysage des forêts plus jeunes et en voie de repeuplement et que nous n'aurons plus beaucoup d'anciennes espèces. Cela a une répercussion non seulement sur le bois mais aussi sur l'habitat, puisque l'habitat que ce genre de structure forestière encourage n'est pas celui auquel nous sommes habitués actuellement.

Sur la carte de la forêt boréale, on peut voir la limite forestière au Nord et les essences des prairies et des forêts de feuillus au Sud. Les essences des prairies et des forêts de feuillus migreront vers le Nord. La forêt boréale tentera de migrer vers le Nord, mais sa progression sera entravée par les sols pauvres ou l'excès d'eau. Elle sera également entravée par la diminution du rayonnement solaire. Par conséquent, la forêt boréale va rétrécir par suite des changements climatiques projetés. Cela s'explique essentiellement par le fait qu'elle ne peut continuer à migrer vers le Nord ou, dans certains cas, parce qu'il n'y a plus de montagnes. Il n'y a simplement plus de montagnes et de sols qui lui permettent de poursuivre sa migration vers le Nord.

J'aimerais attirer votre attention sur le concept d'adaptation de l'Étude pancanadienne. Là encore, nous ne devons pas nous limiter à un scénario ou à une stratégie d'adaptation unique. Nous devons refléter la diversité des diverses sensibilités ainsi que des diverses capacités d'adaptation que l'on retrouve dans le système naturel et aussi dans l'interface entre les systèmes humains et naturels.

Ce qui ressort de l'étude, c'est qu'un changement continuel du mode de gestion s'impose et qu'il faut oublier le concept de stabilité. La forêt n'est pas stable et ne le sera jamais; nous devons comprendre qu'il s'agit d'un système dynamique.

Il faut continuer d'oublier le concept de gestion en fonction de niveaux d'équilibre, de possibilités maximales de coupes et de rendements constants de la récolte pour mieux refléter ce qui se produit au niveau du système forestier.

En ce qui a trait à la viabilité des forêts, la conservation de la complexité écologique et le maintien de sa capacité de régénération sont les facteurs les plus importants pour réduire les impacts du changement climatique. Encore une fois, il faudra garder nos options ouvertes et conserver cette souplesse.

Il faudra adopter des stratégies différentes selon les divers secteurs de la forêt boréale. Nous devons examiner notre stratégie dans la partie méridionale où migrent de nouvelles espèces. Ce sera tout à fait différent de ce que nous faisons dans la partie centrale de la forêt boréale ou dans la partie septentrionale qui connaît une certaine expansion. Nous devons adopter des stratégies différentes selon les diverses parties.

Nous devons concentrer nos investissements dans les régions les moins sensibles au changement climatique pour maximiser les avantages que nous obtiendrons. Nous devons introduire des essences ou des variétés nouvelles et prévoir des changements opérationnels et techniques, y compris la possibilité de déménager certaines usines et sites de production dans des régions où nos investissements sont moins risqués.

Je sais que la question de la séquestration du carbone est un sujet qui vous intéresse. Vous avez entendu à ce sujet Mike Apps de Forêts Canada que je considère comme un des chefs de file mondiaux dans ce domaine. En ce qui concerne l'adaptation, le reboisement comporte de multiples avantages dont la séquestration du carbone. Nous devrions prendre en compte des éléments comme le reboisement des terres agricoles abandonnées afin de promouvoir la séquestration du carbone. C'est une bonne approche, mais il faut reconnaître en même temps qu'elle ne constitue pas une solution à long terme. Nous disposons d'un nombre limité de terres. La quantité dont nous disposons pour le reboisement ne permettrait pas de résoudre complètement le problème.

Le reboisement comporte toutefois d'autres avantages dont nous devons être conscients. Il procure des zones de loisirs et une biomasse commercialisable supplémentaire. Nous devons le prendre en compte dans notre réponse.

Pour terminer, l'étude pancanadienne a fait ressortir des impacts significatifs sur toutes les régions et tous les secteurs, avec des opportunités et des conséquences positives et négatives. Pour ce qui est des opportunités, dans le cas de la forêt boréale, tant qu'il n'y a pas de carences alimentaires, une amélioration de la croissance est envisageable. Le marché indique que, pour le Canada, la capacité de croissance et la production augmenteront pour l'ensemble de l'industrie forestière. La plus grande inquiétude, c'est qu'il en sera de même ailleurs dans le monde. Ce qui en résulte est que les producteurs forestiers obtiendront moins d'argent pour leurs produits. Il y a donc des opportunités de même que des conséquences positives et négatives.

Les coûts sociaux, économiques et environnementaux sont associés aux conséquences de l'adaptation. Les collectivités qui auront la plus grande capacité de regénération dépenseront le moins et auront un plus large éventail d'options. Nous devons tenir compte des avantages et des inconvénients ainsi que des effets d'entraînement. Comme avec les gagnants et les perdants, les gens doivent prendre en compte les avantages et les inconvénients dans leurs réponses. Par effets d'entraînement, on entend par exemple des régions du sud-ouest des États-Unis qui se tournent vers le Canada pour que l'eau soit détournée à partir des Grands Lacs et de la région de la Baie James. C'est leur façon de s'adapter.

Le sénateur Chalifoux: C'est déjà le cas à Peace River.

M. Street: Un problème important qui se pose au Canada, ce sont les ressources en eau dans les Prairies. Ces provinces chercheront de l'eau pour régler leur problème de pénurie et cela amenuisera nos options dans les États des Grands Lacs et les options d'autres personnes dans d'autres régions du pays. Nous devons être conscients que ces avantages et ces inconvénients de même que ces effets d'entraînement auront des coûts sociaux, économiques et environnementaux.

L'étude pancanadienne a fait ressortir un point important sur lequel je continue d'insister et c'est la nécessité de mettre tous les Canadiens à contribution pour s'attaquer au problème du changement climatique. Nous devons décider de ce qui est important dans le secteur forestier. Je ne peux le faire. Forêts Canada ne devrait pas le faire seul. Il faut que tout le monde soit mis à contribution en raison de ces avantages et de ces inconvénients ainsi que de ces effets d'entraînement. Nous devons bien sûr compter sur la direction éclairée du gouvernement fédéral, d'Environnement Canada et de Forêts Canada, mais ils ne peuvent agir sans la participation de tous les Canadiens.

M. Robert Cross, conseiller, Promotion de la science atmosphérique, Service de l'environnement atmosphérique, Environnement Canada: Honorables sénateurs, je n'ai rien de particulier à ajouter pour l'instant. Je suis conseiller en matière de politique scientifique à Environnement Canada; même si le changement climatique est mon domaine de spécialisation, je ne suis pas particulièrement spécialisé dans les impacts sur le secteur forestier. Je pourrais répondre à des questions générales, mais je n'ai plus d'observations à faire pour l'instant.

Le sénateur Chalifoux: J'aimerais quelques éclaircissements. Je me souviens de la lutte que nous avons menée à propos du barrage Bennett, car nous pensions qu'il aurait une incidence sur le delta dans les provinces et les territoires du Nord. Un tel barrage aurait-il un effet sur le changement climatique? Je parle d'il y a 25 ans environ, au moment de la construction de ce barrage et des effets dévastateurs qu'il a eus sur la flore et sur la faune. Encore aujourd'hui, il influe sur l'environnement et la situation empire dans certaines régions du nord de l'Alberta. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.

M. Street: Un barrage de cette taille n'influerait probablement pas sur le climat global, mais il pourrait avoir un effet sur le climat local, ainsi qu'en témoigne la végétation.

Lors de l'examen sur l'impact du changement climatique, nous avons voulu nous éloigner de cette question et nous pencher sur les facteurs qui modifient l'écosystème ou les systèmes sociaux dans la région. Le climat est un petit facteur, mais il peut être la petite goutte qui fait déborder le vase. Les décisions relatives au détournement ou à l'endiguement des rivières peuvent avoir d'importantes répercussions sur les ressources.

Tant que l'étude d'impact sur le bassin du Mackenzie n'a pas été terminée, les résidents de cette région ont cru que le barrage avait joué un rôle prépondérant à l'égard du peuplement de poissons et de la survie de certains des éléments de l'écosystème dans la région. Bien qu'aucune comparaison relative n'ait été faite, notre étude a montré que, même si le barrage a certainement été un facteur, le changement climatique a eu un impact tout aussi important sur la région. Les gens doivent en prendre conscience et c'est ce qu'ils commencent à faire.

Dans le bassin du fleuve Mackenzie, les embâcles qui provoquent des inondations sont un facteur environnemental important. L'eau déborde des berges du fleuve, ce qui assure la survie des écosystèmes et de l'habitat faunique. La construction de ce barrage a supprimé cet aspect climatique. B.C. Hydro a, en quelque sorte, recréé les embâcles pour permettre une arrivée d'eau à un moment donné, ce qui est important pour l'environnement dans cette région.

La vice-présidente: Une étude faite par M. Schindler indique ce qui suit:

Les réservoirs construits dans les régions boréales inondent les marais et les sols, entraînant un afflux de carbon organiques et de méthylmercure dans l'eau. La décomposition accélérée de la tourbe augmente l'afflux de dioxyde de carbone et de méthane dans l'atmosphère... En outre, de grands secteurs de réservoirs dans les régions boréales amplifieraient encore davantage le réchauffement climatique en augmentant les flux de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Déjà, la superficie totale des réservoirs dans les régions boréales de l'Amérique du Nord équivaut à celle du Lac Ontario.

Cette étude a été parrainée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. Il me semble que les réservoirs peuvent causer beaucoup de dommages.

M. Street: Veuillez m'excuser d'avoir omis ce point. Plusieurs des changements apportés au taux d'humidité dans la forêt boréale, dans la toundra, dans les tourbières, et cetera, ont un effet sur l'afflux de dioxyde de carbone qui émane de ces sols. Cela contribue à l'augmentation de la concentration atmosphérique de CO2.

En ce qui concerne le changement climatique, la question la plus importante qu'il faut se poser est la suivante: que va devenir la forêt boréale canadienne, une source ou un puits?

Entre 1920 et 1979 environ, la forêt boréale était un puits, ce qui veut dire qu'elle absorbait et maintenait le niveau de CO2. Par suite des modifications du régime de perturbations, comme les incendies et certaines des épidémies d'insectes qui se sont produites depuis les années 70, la forêt boréale est maintenant une source. Cette rétroaction positive est un point dont vous allez entendre parler. Modifier l'humidité du sol, en particulier, déclenche le mécanisme de rétroaction, ce qui entraîne un changement accéléré.

Le sénateur Chalifoux: Je suis traditionaliste et travaille avec les anciens. Au fil des ans, nous avons remarqué que les animaux et les poissons ont changé. Les indices de pollution par mercure dans les lacs augmentent de façon incroyable. Tout le monde dit que c'est hors de propos, mais je pense le contraire.

Les effluents des usines de pâtes en Alberta qui se dirigent vers le Nord, à partir de la vallée du Mackenzie jusqu'à la rivière Athabasca et les autres rivières, ont un impact sur le climat, puisqu'ils polluent les rivières et provoquent des émissions gazeuses qui ne s'étaient encore jamais produites dans ces régions. Est-ce que je me trompe?

M. Street: Vous parlez d'un domaine que je ne connais pas. Toutefois, d'après ce que nous savons aujourd'hui, les émissions d'effluents n'ont pas d'impact sur le climat.

La première partie de vos propos est intéressante. On reconnaît de plus en plus la valeur de l'information qui émane de sources traditionnelles de connaissances et il devient plus important aux yeux des scientifiques de comprendre ces connaissances.

Lors d'une séance du groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, présidée par le Canada, j'ai particulièrement insisté pour que l'on examine la façon d'englober dans la littérature scientifique les connaissances provenant de sources traditionnelles. De plus en plus de gens commencent à s'y intéresser, car il s'agit d'une source précieuse d'information.

Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, de mon point de vue, je n'ai jamais observé que les effluents contribuent au changement climatique. Je ne peux pas faire de commentaires à ce sujet.

Le sénateur Chalifoux: La pratique de la coupe à blanc me préoccupe énormément. Dans les collectivités où je travaille dans la partie nord de l'Alberta, on a planté cet été près de 87 000 arbres de semis. Cela se fait depuis longtemps et on s'aperçoit maintenant que le bois qui provient d'arbres de semis plantés dans des déchiffrements artificiels n'est pas le même ou n'est pas aussi bon que le bois d'origine de la forêt boréale. Pour être plus précise peut-être, je dirais que déboiser la forêt boréale influe certainement sur le climat.

M. Street: La déforestation est l'un des facteurs -- avec les émissions de la combustion de combustibles fossiles -- qui contribue à l'augmentation de la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone.

D'après plusieurs études, le déboisement ou la récolte d'une large zone forestière modifie le microclimat, soit le climat que l'on retrouve dans cette région. Dans certains cas, le microclimat qui en résulte n'est plus à même de soutenir la croissance de ces arbres. À titre d'exemple historique, avant la Confédération, on a abattu à Terre-Neuve beaucoup d'arbres pour la marine britannique. D'immenses secteurs de cette province ont été déboisés et le microclimat a été tellement modifié qu'il n'est plus possible de faire pousser des arbres dans ces secteurs.

Lorsque le climat est incertain pour commencer, parce qu'il a déjà changé ou parce que vous vous trouvez à l'extrême sud ou nord, et que l'on modifie suffisamment le microclimat, celui-ci ne peut plus assurer la croissance des arbres. C'est un véritable problème.

Le sénateur Chalifoux: Les anciens et ceux qui vivent dans ces régions ont alors tort.

M. Street: Non. Souvent, on se rend compte qu'ils n'ont pas tort. Leurs perceptions sont bien meilleures qu'on ne le réalise parfois.

Le sénateur Chalifoux: On s'en rend bien compte, c'est incroyable.

La vice-présidente: J'aimerais revenir à la question posée, la forêt boréale est-elle une source ou un puits?

Selon cette étude, la forêt tempérée du Nord, qui se compose essentiellement des forêts boréales, représente -- au même titre que les océans -- un puits annuel net de carbone atmosphérique, ce qui amortit l'augmentation de dioxyde de carbone atmosphérique causée par la combustion de combustibles fossiles. Elle indique en particulier que les sédiments lacustres et les tourbières sont des dépôts à long terme. Les parties forestières de la région boréale peuvent, à elles seules, supprimer le carbone de l'atmosphère au rythme de 0,2 Gt par an. Il est prouvé que le puits de carbone dans la région boréale a diminué entre 1970 et 1989, par suite d'incendies et autres perturbations.

Par conséquent, le fait de supprimer le puits boréal a un impact important sur le réchauffement climatique.

M. Street: Oui.

La vice-présidente: Votre exposé a été utile, mais il ne me semble pas que le gouvernement fédéral juge qu'il soit prioritaire d'influer sur les pratiques de gestion dans les provinces. Je comprends la situation, puisque les ressources relèvent de la compétence provinciale. Par contre, il y a la question de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement et si quelque chose peut influer sur la paix, l'ordre et le bon gouvernement, c'est bien le changement climatique.

Le ministère des Forêts s'est en quelque sorte amalgamé à Ressources naturelles Canada; or, pour nous, traditionnellement, les ressources naturelles représentent ce que nous retirons de la terre, ce que nous abattons et ce que nous envoyons aux États-Unis; par conséquent, par suite de la déperdition forestière, les choses ont bien changé. Nous sommes dans une situation de crise. Par exemple, selon une étude albertaine, il ne reste que 15 p. 100 de la forêt boréale environ. Il s'agit de l'étude la plus récente, car les coupes ont été très rapides. Il s'agit donc soit d'utiliser la forêt, soit de la perdre.

Que se propose de faire le gouvernement fédéral à ce sujet? Dans le contexte du changement climatique et de ses répercussions sur les forêts, quelle serait la méthode véritablement objective et pratique à adopter?

Je ne m'attends pas à ce que vous répondiez à cette question, mais vous êtes la personne chargée de l'adaptation. Que va-t-on faire et quand?

M. Street: Je peux simplement répondre de mon point de vue -- limité -- mais je vais faire ce que je peux.

Cela ne fait pas si longtemps que la question des sources, des puits, de la séquestration du carbone et du rôle de nos forêts est à l'ordre du jour. Toutefois, nous avons au Canada plusieurs personnes qui, à mon avis, sont des experts de renommée mondiale à cet égard, et qui font actuellement énormément de travail de recherche pour obtenir cette information. C'est la première chose à faire.

Il y a beaucoup d'incertitudes quant aux chiffres, et il faut obtenir les bons chiffres. Mike Apps qui était ici un peu plus tôt est, à mon avis, l'un des plus grands experts du monde à ce sujet. Les choses progressent et il faut certainement agir dans la foulée de la rencontre de Kyoto. Il faut mettre les provinces à contribution, ce qui est maintenant accepté. Nous allons le faire.

À part cela, nous essayons, dans des documents comme l'Étude pancanadienne, de sensibiliser de plus en plus de monde à la question. Des mesures commencent à être prises, non pas seulement aux paliers fédéral et provincial, mais aussi au niveau du secteur privé. Les responsables commencent à prendre des mesures plus concrètes. Il ne s'agit pas encore des bonnes réponses, il faut continuer à creuser, mais certaines réponses commencent à se dégager. Les choses avancent et tous les intervenants reconnaissent le problème.

La vice-présidente: Pas dans ma province du Manitoba où il n'y a pas eu d'évaluation environnementale. C'est la même chose en Alberta, nous en avons été témoins. Il semble que l'on privilégie de plus en plus de coupes. On se berce de belles paroles et je dirais que le secteur privé est en avance par rapport aux gouvernements provinciaux. Il est question de déboisements massifs effectués dans le but d'imiter les incendies, alors que tout le monde sait que ce n'est absolument pas prouvé scientifiquement.

En réalité, ce qui se passe est tout le contraire de ce que vous dites. Où en sont les politiques du gouvernement fédéral? Prenons l'exemple des émissions des usines de pâtes et papier. Le gouvernement fédéral est intervenu et, en fait, a obligé les sociétés forestières à dépenser des milliards de dollars, mais c'était en raison de l'existence de dioxines, de furans et de toxines et tout le monde l'a bien compris. Nous avons eu le protocole de Montréal. Toutefois, les choses ont changé. La question de l'industrie forestière n'a même pas été abordée en ce qui concerne les possibilités de coupe et le développement durable.

D'où cela vient-il? Qui est l'agence responsable? Qui est le ministère responsable? Peut-être pourriez-vous nous éclairer?

M. Street: Je vous proposerais de vous adresser aux fonctionnaires de Forêts Canada qui sont censés travailler sur la question. Mon rôle consiste à essayer de sensibiliser les gens au concept de vulnérabilité et Environnement Canada agit uniquement dans ce sens.

La vice-présidente: C'est extrêmement important.

M. Street: Effectivement et nous essayons de travailler en collaboration.

Le sénateur Chalifoux: J'ai une question à poser au sujet des Grands Lacs, des pluies acides et de tout le poison qui s'y infiltre. Les États-Unis ne veulent rien faire à ce sujet et ne veulent rien avoir à faire avec le Canada, qu'ils considèrent de peu d'importance; or, ce sont eux les pollueurs. Votre ministère négocie-t-il avec les États-Unis à ce sujet?

M. Street: La liaison est établie entre les deux entités environnementales et nous essayons d'aborder cette question avec les États-Unis, mais cela ne relève pas de mon domaine. En ce qui me concerne, j'essaye, en collaboration avec eux, de définir les effets sur l'Amérique du Nord et de traiter avec eux dans une perspective nord-américaine. J'ai à peine entamé ces discussions.

Toute la question de l'impact et de l'adaptation a été pendant plusieurs années la partie la moins importante des discussions. Ce n'est que maintenant que nous commençons à l'aborder avec sérieux. L'intérêt manifesté s'intensifie et je parle à des représentants de la Maison blanche au sujet d'un plan d'ensemble pour l'Amérique du Nord. C'est important en ce qui concerne les impacts du changement climatique et de l'adaptation; c'est également important pour d'autres domaines que je ne voudrais pas sous-estimer, mais cette question est la seule que je sois en mesure d'aborder.

Le sénateur Chalifoux: J'ai eu l'été dernier la possibilité de visiter la mine Divik dans les Territoires du Nord-Ouest. J'ai été impressionnée par le souci de l'environnement et de l'écosystème de la part des intervenants dans cette région très vulnérable. C'est la première mine que je visite où l'on travaille véritablement avec Environnement Canada pour protéger l'écosystème. Toutefois, les changements dans l'Arctique sont incroyables et si aucune mesure n'est prise sous peu, nous allons avoir énormément de problèmes.

M. Street: Les changements observés dans l'Arctique au cours des 50 dernières années sont aussi importants, si pas plus, qu'ailleurs dans le monde. Une seule autre région du globe a connu autant de changements climatiques. Je parle aux habitants de cette région du monde et ils sont très conscients du changement qu'ils peuvent observer chaque jour; ils commencent maintenant à poser des questions. C'est à ce niveau-là que l'on aborde toute la question de l'équité. Ces gens-là ne sont pas responsables des changements qui se produisent ou ils y ont contribué de façon minime, mais ce sont eux qui vont probablement en subir le plus de conséquences.

Voici une carte de l'hémisphère nord où l'on peut voir les tendances de la température en surface entre 1961 et 1990. Les parties les plus chaudes sont en jaune. Vous pouvez voir que les changements sont assez importants dans le nord des Prairies, au Yukon et en Alaska. Le nord de la Mongolie est l'autre région du globe où les changements sont aussi marqués. Ce refroidissement que vous voyez ici à l'Est cadre avec nos projections en matière de changement climatique. Il va éventuellement y avoir un réchauffement, mais il se produira dans la deuxième moitié du XXIe siècle. Ce phénomène est retardé essentiellement à cause des changements dans la circulation océanique.

Ce refroidissement à l'Est et ce réchauffement beaucoup plus marqué à l'Ouest sont très significatifs. Selon nous, le nombre d'incendies de forêts dans la forêt boréale va augmenter à l'Ouest puisque c'est là que l'on observe le plus fort réchauffement. Il y aura toujours ce refroidissement relatif, ou ces températures près de la normale, à l'Est.

Il s'agit des projections à partir de 1910 jusqu'en 2040 après J.-C., environ pour les 45 prochaines années. Nous voyons une fois de plus ce refroidissement ou très peu de changements au Canada, en Afrique, en Sibérie, en Russie ou en Chine. Vous pouvez voir que le réchauffement le plus important se situe dans la partie centrale du pays jusque dans cette région. C'est dans l'Arctique que le réchauffement est le plus important. Cette partie est située au-dessus de la baie d'Hudson. Sur le modèle que nous voyons, le réchauffement le plus important se produit dans le Nord et au-dessus de la terre ferme. Cela est dû au fait que ce sont les températures hivernales qui devraient être les plus touchées. C'est surtout parce qu'il y aura moins de neige et par conséquent moins d'action du rayonnement solaire. C'est donc dans le Nord au-dessus de la terre ferme que l'absorption sera la plus grande

La vice-présidente: Vous avez parlé des grands courants océaniques. J'ai lu récemment que si des changements se produisaient à ce niveau, ce serait catastrophique pour l'Europe. Avant que vous en veniez à cela, j'aimerais que vous me disiez si vous avez étudié les effets sur les lacs et l'eau des forêts boréale. D'aucuns ont laissé entendre que le changement climatique, en asséchant les cours d'eau, rend l'eau plus claire et que les rayons ultraviolets sont nocifs pour les poissons. Avez-vous des précisions à cet égard? Avez-vous procédé à des études détaillées sur les répercussions sur l'eau? C'est très important.

M. Street: L'une des diapositives que je n'ai pas montrée pendant mon exposé fait ressortir que notre plus grande inquiétude au Canada de même que dans le reste de l'Amérique du Nord, ce sont les répercussions du changement climatique sur l'eau et sur les ressources en eau.

La vice-présidente: J'ai vu cela. Nous l'avons ici, mais y a-t-il dans cette liste un document qui traite précisément des forêts boréales, notre sujet d'étude? Pourriez-vous nous l'indiquer?

M. Street: Ces études ont examiné de près les documents existants et les ont rassemblés. Deux ou trois études ont été consacrées aux répercussions du changement climatique sur les ressources en eau des forêts boréales.

La vice-présidente: Nous trouverions cela dans l'index?

M. Street: Je ne peux les signaler maintenant, mais je peux vous faire des suggestions quant l'endroit où pourriez trouver ce renseignement: sous la rubrique ressources en eau ou forêt boréale. Ces changements prévus au pergélisol abaisseraient le niveau phréatique parce que la glace disparaîtrait et permettrait à l'eau de s'égoutter à un plus bas niveau. Cela modifiera la distribution tant de l'eau de surface que de l'eau souterraine, ce qui aurait des répercussions sur ces lacs. Nous nous inquiétons d'une augmentation de l'évaporation parce que, même si nous nous attendons à ce que les précipitations augmentent dans la forêt boréale, la hausse de température sera plus importante, d'où une plus grande évaporation. Il y aura beaucoup moins d'eau en surface. C'est ce qui nous préoccupe. Je vous signalerai certaines études.

La vice-présidente: Tout ça est très bien pourvu que nous conservions forêt boréale, pourvu qu'elle ne disparaisse pas complètement.

Avez-vous des données de base à ce sujet? Nous essayons d'en obtenir. Une étude est en cours en Alberta et d'autres sont effectuées ailleurs, mais quel est le taux de déperdition et d'abattage? D'après ces études, il est supérieur à celui des forêts tropicales humides du Brésil. Avez-vous vu des données de base à cet égard qui indiqueraient de la soudaineté du changement? Au cours des 10 dernières années, un nombre incroyable de compagnies forestières ont fait leur apparition dans les forêts boréales parce qu'elles ont découvert qu'elles pouvaient en utiliser les essences pour fabriquer des panneaux de particules orientées. Avez-vous ce genre de données? Avez-vous examiné cet aspect?

M. Street: Les seules données qui, d'après moi, ont quelque chose à voir avec cela ont été tirées de la région des lacs expérimentaux au nord de l'Ontario. C'est le document dont vous parlez. C'est le seul dans lequel j'ai vu cette information.

La vice-présidente: Vous voulez dire que, dans les trois provinces des Prairies, qui ont connu au cours des dernières années un afflux massif de compagnies forestières dans la forêt boréale septentrionale, vous ne possédez aucune donnée?

M. Street: Non. Une étude a été amorcée il y a quatre ou cinq ans, l'étude BOREAS.

La vice-présidente: Y a-t-on accès sur Internet?

M. Street: Oui. Vous pourriez trouver de l'information sur Internet à ce sujet. Ce projet a une composante intitulée GEWEX.

M. Cross: L'Expérience mondiale sur les cycles de l'énergie et de l'eau.

M. Street: Cette étude porte sur la forêt boréale. Les auteurs essaient d'examiner les répercussions et d'obtenir des données de base sur les échanges d'énergie et d'eau dans la forêt boréale. Vous pouvez déjà consulter certains des rapports de la première phase. Il s'agit là, en plus de l'information sur les lacs expérimentaux, des seules données que je connaisse.

Le sénateur Chalifoux: Des études ont été faites en Alberta.

M. Street: BOREAS a porté sur l'Alberta et la Saskatchewan.

Le sénateur Chalifoux: Ce qui m'inquiète c'est que ces études penchaient en faveur des compagnies -- ALPAC et Diashowa. Il y a eu en Alberta quelques batailles épiques entre les environnementalistes et l'industrie.

Lorsque je vais dans le Nord, je vois toute cette dévastation. Je ne suis pas contre l'industrie, mais il doit bien avoir un compromis entre les deux. Ces études n'abordent pas cette question. On y dit que tout va bien.

M. Street: Je crois que vous découvrirez que BOREAS n'a pas fait appel à l'industrie. Il s'agissait d'un projet conjoint du Canada et des États-Unis.

M. Cross: C'est exact. L'étude a été effectuée conjointement par la NASA aux États-Unis et le ministère des Ressources naturelles au Canada.

La vice-présidente: Cette étude avait affaire avec le géopositionnement, et cetera.

M. Street: On trouve des sites se rapportant à des régions où des arbres ont été abattus récemment et à des régions où on a procédé récemment à des brûlis. Il y a aussi des données de base.

La vice-présidente: On y examine de près ce qui se passe sur divers sites. Je parle d'examiner des chiffres réalistes à l'échelle nationale. Par exemple, à quel rythme abat-on les arbres? Combien d'arbres ont été abattus? Quel pourcentage de la forêt cela représente-t-il? Combien de temps faut-il pour qu'une forêt se régénère? Dans certains cas il faut aussi peu que 60 jours. Nous savons que dans le Nord les arbres prennent 120 ans à se régénérer. Ce sont des données aussi simples que cela que nous voulons.

M. Street: Il faudrait que vous parliez à des représentants de Forêts Canada à ce sujet. Environnement Canada n'a pas ces renseignements. Nous pourrions plutôt vous renseigner sur le genre de choses dont nous venons tout juste de parler. Forêts Canada, d'autres ministères gouvernementaux de même que les provinces pourraient vous renseigner.

La vice-présidente: Vous nous avez donné ce soir des renseignements très valables au sujet des microclimats en particulier. S'il y a autre chose à ajouter nous aimerions l'entendre vu que cela revêt une très grande importance en ce qui a trait à la régénération des arbres.

M. Street: Les rapports nationaux, qui incluront le rapport sur les forêts, devraient paraître d'ici deux à trois semaines. Vous pourrez les consulter sur Internet et sur CD-Rom. On imprimera un nombre limité d'exemplaires sur support papier.

La séance est levée.


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