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BORE

Sous-comité de la Forêt boréale

 

Délibérations du sous-comité de la
Forêt boréale

Fascicule 16 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 25 novembre 1998

Le sous-comité de la forêt boréale du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 05 pour continuer son étude de l'état actuel et de l'avenir de la foresterie au Canada en ce qui concerne la forêt boréale.

Le sénateur Mira Spivak (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi des représentants du Métis National Council.

M. Tony Belcourt, membre, Conseil des gouverneurs, Métis National Council et président, Métis Nation of Ontario: Madame la présidente, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à témoigner.

«Ne mangez pas les baies sauvages». Ce panneau placé par le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario est très révélateur. Malheureusement, cela donne une idée de toute la contamination dont nos forêts sont victimes. Les résidus miniers ont détruit le poisson et l'habitat forestier. Les zones où l'on a pulvérisé les produits chimiques n'abritent plus d'animaux et d'oiseaux. Les substances chimiques provenant des pulvérisations se retrouvent dans nos rivières et nos lacs et tuent notre écosystème. Les zones déboisées sont replantées de pin gris et nous perdons la diversité des espèces. Le pin gris n'est pas une bonne nourriture pour les animaux. La coupe à blanc détruit nos territoires de piégeage. Les derniers esturgeons gris du nord de l'Ontario se trouvent dans la rivière Groundhog. On n'installe pas d'échelles à poissons lorsqu'on construit des barrages dans les rivières. Notre économie traditionnelle est remplacée par une économie qui nous échappe.

Nous avons intitulé notre mémoire: «La forêt est notre maison». Nous nous demandons ce que nous, les Métis, à qui la forêt a donné la vie, pouvons faire contre ce qui menace notre maison.

Nous tenons à souligner que les Métis sont l'un des peuples autochtones du Canada. Ce fait est reconnu et affirmé dans notre Constitution. Il n'est toutefois pas reconnu et affirmé par le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux lorsqu'ils établissent des politiques ou des lois concernant la forêt, notre maison.

En 1982, les règles du jeu devaient changer pour ce qui est d'établir les politiques et les lois. Dans la loi suprême du pays, la Constitution, nous avons reconnu et affirmé que les Métis étaient un peuple autochtone possédant des droits issus de traités et des droits ancestraux. En 1990, quand la Cour suprême du Canada a rendu l'arrêt Sparrow, les gouvernements du pays ont eu une nouvelle occasion de modifier les règles du jeu pour l'établissement des politiques et des lois.

Dans l'arrêt Sparrow, la Cour suprême a déclaré que les espèces étaient les premières choses à protéger. Il fallait ensuite protéger l'utilisation que les autochtones faisaient des ressources. L'arrêt Sparrow se rapportait à la pêche, mais il s'applique aussi à la chasse et à la cueillette ainsi qu'à l'exploitation des ressources y compris les ressources forestières. C'est là un changement important. Cela veut dire qu'il faut consulter tous les autochtones, y compris les Métis, pour la répartition et l'utilisation des ressources et répondre d'abord à leurs besoins de subsistance avant de servir les intérêts de l'industrie et du tourisme.

C'est ce qu'a de nouveau confirmé la Cour suprême du Canada en décembre dernier dans l'arrêt Delgamuukw. La Cour a alors affirmé qu'un titre autochtone revêtait un aspect économique et que toute planification ou activité se rapportant à la mise en valeur des ressources devait obligatoirement faire appel à la participation pleine et entière des peuples autochtones.

Malheureusement, les règles qui régissent l'établissement des politiques et des lois n'ont toujours pas changé pour les Métis. Les arrêts Delgamuukw et Sparrow et la Loi constitutionnelle de 1982 n'ont pas encore été appliqués en notre faveur. Si votre comité ne tient pas compte non plus des Métis en tant qu'utilisateurs des forêts, il aggravera encore le problème.

Nos intérêts en tant que peuple autochtone sont-ils protégés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien? Non. Le Service canadien des forêts du ministère fédéral des Ressources naturelles nous soutient-il? Non. Les Métis bénéficient-ils des programmes de l'association nationale de foresterie autochtone qui sont financés par le gouvernement fédéral? Non. Le gouvernement de l'Ontario veille-t-il à ce que la condition 77 s'applique aux Métis? Non.

La vice-présidente: Pouvez-vous préciser ce dont il s'agit?

M. Belcourt: C'est dans le contexte de la Commission des évaluations environnementales du gouvernement de l'Ontario, mais j'en reparlerai plus tard.

Tient-on compte de nos droits ancestraux et issus de traités pour la gestion des ressources? Non. Les Métis sont maintenant considérés généralement comme un peuple sans terres. Nous avons obtenu satisfaction pour certaines de nos revendications territoriales en Alberta et en Saskatchewan, mais dans le reste du territoire Métis, nous n'avons pas de réserves.

Cela ne change rien au fait que notre peuple a toujours vécu de la terre. Les Métis ne sont généralement pas des agriculteurs. Ce sont des récolteurs de ressources naturelles. Nous sommes des chasseurs, des pêcheurs, des trappeurs et des cueilleurs. Nous avons toujours été un peuple très mobile qui suivait, au fil des saisons, un parcours s'étendant sur des milliers de milles. La progression graduelle de l'agriculture, des centres urbains et de l'exploitation minière et forestière nous a repoussés de plus en plus loin vers les confins de nos terres et de nos ressources. Graduellement, la réglementation et la législation gouvernementales nous ont dérobé notre mode de vie et notre économie. Cette érosion constante de notre culture traditionnelle menace notre existence.

C'est à cause de cette menace contre notre forêt que nous nous réjouissons de votre étude sur la situation actuelle et future de la foresterie au Canada. Nous nous en réjouissons, car c'est pour nous l'occasion de faire une mise au point en ce qui nous concerne, les habitants de la forêt. Nous nous réjouissons de cette étude parce que nous espérons que vous nous aiderez à obtenir les changements nécessaires pour que les Métis, la forêt et toutes les autres espèces qui l'habitent puissent survivre.

Nous voulons profiter de l'occasion pour faire comprendre au comité qu'il faut tenir compte des Métis dans tout examen sérieux des forêts du pays. Nous voulons aussi, en même temps, faire des observations au sujet de certains témoignages que vous avez reçus. Ils prouvent à quel point les Métis ont été oubliés et ont été victimes de discrimination pour tout ce qui concerne nos forêts.

Le Service canadien des forêts vous a dit que:

Récemment, nous avons participé à des discussions internationales et, pour nous y préparer, nous avons tenu des consultations avec les groupes autochtones, les groupes environnementaux, l'industrie et les provinces.

Nous voulons faire savoir au comité que chaque fois que le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux disent avoir eu des consultations avec les groupes autochtones, c'est loin d'être exact. En réalité, s'ils ont tenu des consultations, c'est uniquement avec les Premières nations. Les Métis, l'un des trois peuples autochtones du Canada, n'ont pas été invités à ces consultations.

Par exemple, nous avons obtenu des chiffres au sujet de l'exploitation forestière dans les réserves. Il était question de réserves suffisamment vastes pour permettre l'exploitation commerciale du bois d'oeuvre. Aucune de ces statistiques ne s'applique aux Métis. Votre comité devrait se rendre compte que les renseignements qu'il possède sur les communautés autochtones et l'utilisation qu'elles font des ressources forestières présentent des lacunes. Vous possédez seulement des renseignements concernant les Premières nations, qui ne sont pas les seules communautés autochtones.

Le Service canadien des forêts a également déclaré que:

Les droits ancestraux et issus de traités font actuellement l'objet de discussions dans le cadre de divers processus sous la direction du ministère des Affaires indiennes et, dans bien des cas, des provinces.

Et le SCF ajoutait ceci:

Certaines provinces ont adopté des lois exigeant qu'il soit tenu compte des valeurs et des intérêts des autochtones pour la préparation d'un plan de gestion forestière; certaines provinces ont légiféré pour protéger les lieux sacrés des autochtones.

Je peux vous dire que ce n'est certainement pas ce qui se passe en Ontario, par exemple. Sans doute savez-vous que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ne traite pas avec la nation Métisse.

Nous savons que l'application de lois telles que la Loi sur les Indiens se limite aux Indiens, mais il n'y a aucune raison pour que le Service canadien des forêts, qui agit en dehors de la Loi sur les Indiens, ne tiennent pas compte de la nation Métisse et consulte seulement les Premières nations. Nous estimons que cette façon d'agir est tout à fait contraire à la Constitution et aux arrêts de la Cour suprême du Canada.

Le Service canadien des forêts vous a fièrement parlé de deux programmes qu'il a mis en place pour les peuples autochtones: le Programme de foresterie des Premières nations et le Programme de forêts modèles. Selon lui, le Programme de foresterie des Premières nations est:

administré conjointement avec les communautés autochtones et il a obtenu un financement de 24 millions de dollars pour cinq ans. Les diverses activités entreprises jusqu'ici dans le cadre de ce programme étaient l'établissement et la mise à jour d'un plan de gestion forestière, une formation en sylviculture, la commercialisation des produits forestiers et des études de faisabilité pour des entreprises commerciales.

Le Service canadien des forêts a également fait valoir: «Les Premières nations sont nos partenaires dans cinq de nos 10 forêts modèles». Ne vous y trompez pas. Le SCF parle de faire participer les communautés autochtones, mais ces deux programmes sont réservés exclusivement aux Premières nations. Les Métis en sont exclus et c'est une chose contre laquelle nous protestons. Rien ne justifie que les Métis soient exclus de ces initiatives d'une importance cruciale. Nous avons fait des instances au gouvernement du Canada à cet égard et nous aimerions recevoir l'appui de votre comité.

Nous voudrions maintenant passer à l'exposé que vous a présenté le Service foncier et fiduciaire du ministère des Affaires indiennes. La plupart des arguments invoqués en faveur des Premières nations s'appliquent également aux Métis. Malheureusement, nous n'obtenons pas ce genre de soutien de la part du gouvernement fédéral. Nous devons donc défendre nous-mêmes nos intérêts.

Le ministère des Affaires indiennes signale que près de 500 communautés des Premières nations vivent dans la région de la forêt boréale. Nous connaissons ces 500 communautés des Premières nations, car ce sont nos cousins et des membres de notre famille. Nous voulons toutefois faire savoir au comité qu'il y a aussi des centaines de communautés Métisses dans les mêmes régions de la forêt boréale. Il ne faut pas les oublier.

Le ministère des Affaires indiennes a déclaré que:

Pour nombre de Premières nations, les forêts des réserves sont trop petites pour soutenir une exploitation durable et à long terme. Afin d'obtenir des emplois raisonnables, les membres des Premières nations doivent avoir accès aux forêts situées à l'extérieur des réserves... Il est important que les Premières nations aient accès aux possibilités qu'offrent ces forêts pour répondre à leurs besoins économiques.

Sénateurs, ces déclarations s'appliquent tout autant aux Métis. Nous avons trouvé encourageant d'apprendre, lors du témoignage du ministère des Affaires indiennes, que:

Les gouvernements du Canada et l'industrie forestière sont en train de lancer des programmes de certification forestière pour contrer les boycotts que nos méthodes forestières pourraient nous valoir dans certains marchés... Pour obtenir cette certification, un gestionnaire forestier devra démontrer que les forêts placées sous sa responsabilité ont été gérées de façon durable. La certification dépend notamment de la mesure dans laquelle le gestionnaire a tenu compte des droits ancestraux et issus de traités et a permis aux communautés autochtones de participer à une gestion forestière durable.

Ce sont certainement des paroles encourageantes. Toutefois, la nation Métisse n'avait jamais entendu parler de cette initiative avant d'avoir étudié le mémoire présenté à votre comité. Les efforts que le Canada a déployés dans ce domaine ont fait abstraction de la nation Métisse. Maintenant que nous connaissons ces exigences, nous insisterons pour que ce programme de certification tienne compte également de la participation de la nation Métisse. Nous voudrions que le comité appuie notre position.

Le ministère des Affaires indiennes vous a déclaré que:

La négociation et la mise en oeuvre de diverses revendications territoriales vont largement augmenter le contrôle que les Premières nations exercent sur les ressources en dehors des réserves.

Le ministère a ajouté:

Le Programme de négociations sur l'accès aux ressources finance les négociations entre les Premières nations et les autres parties. Ces négociations peuvent porter sur les ententes de gestion forestière, les contrats d'exploitation forestière, les mesures de lutte contre les incendies et les contrats de sylviculture.

Nous félicitons le gouvernement fédéral d'avoir pris ces initiatives dans l'intérêt des Premières nations. Néanmoins, ce faisant, le gouvernement fédéral a complètement oublié ses responsabilités et ses obligations de fiduciaire envers les Métis. La nation Métisse est tenue en dehors des négociations territoriales. Aucun programme ne nous aide à obtenir des terres ou à accroître notre accès aux ressources.

Aucune aide n'est accordée aux Métis pour participer à l'exploitation économique des forêts et cela doit changer. Il faut également que les gouvernements provinciaux cessent de témoigner d'un tel mépris pour notre droit de pratiquer la chasse et la pêche de subsistance. Dans l'arrêt Sparrow, la Cour suprême du Canada a jugé que les peuples autochtones possédaient ces droits. Elle n'a pas dit que c'était les «Indiens» ou les Premières nations qui avaient ces droits, mais les «peuples autochtones».

Le sénateur Taylor a déclaré que le moins qu'on puisse faire était de défendre énergiquement les droits des autochtones face aux provinces. Nous estimons que le sénateur Taylor a raison. C'est le moins que le comité puisse faire. La défense des droits des autochtones devrait s'appliquer à tous les peuples autochtones, y compris les Métis.

Malheureusement, à la suite de cette déclaration, le comité a été induit en erreur par un fonctionnaire du ministère des Affaires indiennes qui a déclaré que «les Premières nations ont le droit de chasser et de pêcher pour assurer leur subsistance». C'est faux. La Cour suprême a dit que c'était les peuples autochtones, y compris les Métis, qui possédaient ce droit. Nous tenons à ce que le comité tienne compte de la bonne interprétation de ce jugement lors de ses délibérations.

Malheureusement, ce fonctionnaire du ministère a exprimé une réalité en déclarant: «Les provinces ont reconnu les droits issus de traités des peuples des Premières nations dans ces domaines précis». C'est vrai en Ontario. Pour la plupart, les droits issus de traités des Premières nations ont été reconnus. Il est vrai également que l'Ontario ne reconnaît pas les droits des Métis et nie notre existence en tant que peuple.

En présentant ses arguments dans l'affaire Powley, l'été dernier, le gouvernement de l'Ontario a fait valoir que les Métis n'existaient pas en Ontario en tant que peuple. Deuxièmement, il affirmait que si le tribunal estimait que la nation Métisse existait en Ontario, il ne s'agissait pas d'un peuple autochtone. Troisièmement, les Métis ne possédaient pas de droits ancestraux ou issus de traités.

Partout, les provinces se servent de tous les pouvoirs pour contrevenir directement à l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada quant au droit du peuple Métis de chasser et de pêcher pour se nourrir.

À l'occasion du témoignage qui vous a été donné par le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario au cours des audiences que vous avez tenues à Timmins, le 9 octobre 1998, on vous a dit que:

Vous avez entendu parler de la condition 77 de l'Évaluation environnementale concernant le bois d'oeuvre. C'est une obligation que nous avons d'accorder aux collectivités des Premières nations une plus grande part des bénéfices économiques de la gestion forestière.

Honorables sénateurs, c'est faux. La condition 77 s'applique non seulement aux Premières nations, mais également aux Métis. Le gouvernement de l'Ontario ne tient tout simplement pas compte de sa propre réglementation. Pour votre gouverne, nous voudrions vous indiquer le libellé exact de la condition 77. Elle s'applique à la gestion du bois d'oeuvre sur les terres de la Couronne en Ontario. La Commission d'évaluation environnementale a déclaré ce qui suit:

Nous ordonnons au ministère des Richesses naturelles de négocier avec ces communautés afin de les faire participer plus directement à la planification de la gestion du bois d'oeuvre en leur donnant la possibilité de partager les avantages sociaux et économiques dont bénéficient les autres résidents du nord de l'Ontario. Par conséquent, comme condition 77, nous ordonnons:

77. Pendant la durée de cette autorisation, les directeurs de district du MRN négocieront au niveau local avec les peuples autochtones dont les communautés sont situées dans une unité de gestion, afin de trouver et d'appliquer des moyens de permettre aux peuples autochtones de profiter plus équitablement des avantages qu'offre la planification de la gestion du bois d'oeuvre. Ces négociations porteront, entre autres, sur les questions suivantes:

a) Les possibilités d'emploi et de revenu associées aux activités de coupe et de sciage du bois au voisinage des communautés autochtones.

b) La fourniture de bois aux installations de traitement du bois telles que les scieries des communautés autochtones.

c) La facilitation de négociations pour l'obtention d'un permis pour une tierce partie autochtone avec les titulaires de permis existants, si cette possibilité existe.

d) L'octroi de permis de bois d'oeuvre aux autochtones lorsque du bois de la Couronne non aliéné se trouve à proximité des réserves.

e) La mise en place de programmes pour fournir des emplois, une formation et un revenu aux peuples autochtones dans le cadre des activités de gestion du bois d'oeuvre, par l'entremise de projets conjoints avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

f) Les autres ressources forestières qui peuvent être touchées par la gestion du bois d'oeuvre ou qui peuvent être visées par la planification et la gestion du bois d'oeuvre tel que prévu à la condition 23c).

Le MRN devra faire rapport des progrès de ces négociations permanentes, district par district, dans le Rapport annuel sur la gestion du bois d'oeuvre qui sera soumis à l'Assemblée législative (condition 82 et annexe 20).

Il ne faut pas s'étonner que ni le gouvernement ni l'industrie forestière ne cherchent à respecter ces conditions en ce qui concerne les communautés Métisses.

Nous voulons également faire remarquer au comité que le gouvernement canadien est signataire de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique. En vertu de l'article 8j) de cette convention, chaque pays signataire est tenu de respecter, de préserver et de maintenir les connaissances, les innovations et les pratiques des communautés indigènes et locales qui représentent des modes de vie traditionnels.

Encore une fois, honorables sénateurs, le gouvernement fédéral n'a toujours pas fait savoir aux communautés Métisses comment et quand elles peuvent s'attendre à des mesures concrètes au Canada à la suite de cette disposition de la convention.

Pour conclure, le Métis National Council demande au comité de faire quatre choses. Premièrement, nous vous demandons de soutenir énergiquement, dans votre rapport, la participation de tous les peuples autochtones à toutes les décisions concernant la planification et l'utilisation des ressources forestières. Deuxièmement, nous vous demandons d'insister pour que les droits d'exploitation forestière de tous les peuples autochtones soient reconnus et respectés. Troisièmement, nous vous demandons de souligner que la gestion forestière doit refléter les droits des Métis qui sont sous-représentés et laissés de côté. Quatrièmement, nous vous demandons de demander aux gouvernements du Canada de s'acquitter de leurs obligations de fiduciaires envers les peuples autochtones du Canada, y compris les Métis, et d'appliquer et respecter l'esprit, l'intention et la lettre de la Constitution du Canada.

Merci d'avoir pris le temps de nous écouter. Nous avons annexé, à votre intention, un document préparé par M. Alan Morin, trésorier de la Nation Métisse de Saskatchewan et représentant de l'environnement au Métis National Council.

Le sénateur Robichaud: Je voudrais un éclaircissement. J'ai apprécié votre exposé, mais dans la première partie, vous avez dit que les Métis étaient un peuple autochtone. Dans votre dernière recommandation, à la page 13, vous dites que, dans notre rapport, nous devrions demander aux gouvernements de s'acquitter de leurs obligations de fiduciaires envers les peuples autochtones, y compris les Métis, comme si l'expression «autochtone» ne vous incluait pas. Je vous demanderais de préciser ce que veut dire le mot «autochtones» et pourquoi cette expression comprend les Métis.

M. Belcourt: Nous l'avons déjà dit, mais nous estimons nécessaire d'éduquer constamment les gens. Nous devons souligner que les Métis sont l'un des trois peuples autochtones nommés dans la Constitution du Canada qui porte que les peuples autochtones du Canada sont les Indiens, les Inuits et les Métis.

Mme Jean Teillet, conseillère juridique, Métis National Council: Le principal message à retenir est que dans la quasi-totalité des lois, mesures gouvernementales, politiques, prises de décisions et règlements, les gouvernements parlent des «peuples autochtones» parce que la Cour suprême a dit qu'ils devaient le faire. Ils emploient cette expression, mais ils ne le font pas en toute sincérité. À leurs yeux, cela s'applique uniquement aux peuples des Premières nations et ce sont les seuls qu'ils consultent. Ce sont les seuls avec lesquels les gouvernements estiment avoir l'obligation de traiter et c'est ce que nous avons fait valoir.

Oui, c'est redondant à bien des égards. D'une certaine façon, nous cherchons à mettre les points sur les «i». Toutefois, le simple fait que vous posiez cette question montre combien il est important de le souligner.

En 1982, les règles du jeu étaient censées changer. Le peuple Métis a été inscrit dans la loi suprême du pays. Cela devait changer les choses, mais il n'en a rien été.

En 1990, la Cour suprême du Canada s'est donné la peine de mentionner spécifiquement et inclusivement les peuples autochtones dans l'arrêt Sparrow. Même si Ronald Sparrow était un Indien musqueam, le juge en chef Dickson a cité, dans le jugement, les peuples autochtones du Canada. La Cour suprême en a fait autant dans l'arrêt Delgamuukw qu'elle a rendu en décembre dernier.

Votre comité a l'occasion de nous ramener à 1982. Nous ne parlons même pas de 1990 ou de 1997. Ramenons les Métis à 1982 en les incluant dans tous les mécanismes de consultation raisonnables. Nous voudrions que vous fassiez spécifiquement mention des Métis, du fait que nous existons et que nous n'avons pas disparu.

Le sénateur Robichaud: Si nous disions qu'il faut consulter «les peuples autochtones», cette expression ne serait pas suffisante à vos yeux. Pour être précis, il faut que nous suivions votre quatrième recommandation en mentionnant expressément les Métis.

Mme Teillet: C'est exactement ce que nous demandons. Si vous parlez uniquement des «peuples autochtones», le gouvernement ne s'adressera qu'aux Premières nations. C'est ce qui s'est passé jusqu'ici dans tout le pays.

Le sénateur Robichaud: Avez-vous participé à la Stratégie pour la pêche autochtone?

Mme Teillet: Non.

Le sénateur Robichaud: J'étais au ministère des Pêches et des Océans et cette politique ne s'appliquait qu'aux Premières nations. Je n'ai jamais eu connaissance de discussions ou de mémoires disant qu'il fallait tenir compte des Métis en même temps que des communautés autochtones.

Nous avons toujours des choses à apprendre et il est bon que vous soyez venus ici aujourd'hui afin que nous puissions valoir ce que vous dites dans notre rapport. Bien des choses se sont passées. Dans certains cas, certaines personnes ont été oubliées.

Vous mentionnez également l'arrêt Powley dans votre mémoire. Cette cause est-elle actuellement devant les tribunaux?

Mme Teillet: Je peux répondre à vos questions à ce sujet étant donné que je suis l'avocate qui s'occupe de ce dossier.

Le sénateur Robichaud: Je voudrais m'assurer, en consultant la vice-présidente et la greffière, que nous n'allons pas nuire à cette cause en en parlant. Cette affaire est devant les tribunaux et généralement, nous nous abstenons d'en parler en pareil cas.

La vice-présidente: Notre comité possède des privilèges. Nous pouvons parler de n'importe quoi.

Le sénateur Robichaud: Oui, mais je ne voudrais pas nuire à cette cause.

Mme Teillet: Puis-je vous dire où en est la cause en question, madame la présidente?

La vice-présidente: Allez-y.

Mme Teillet: Le procès a eu lieu et toutes les preuves ont été présentées. Il nous reste une motion concernant les dépenses à présenter la semaine prochaine et le jugement doit être rendu le 21 décembre. Pour ce qui est de la publication de votre rapport, je ne pense pas qu'il pourrait nuire à cette cause.

Quant à la jurisprudence concernant les droits des Métis, il est important que le comité comprenne qu'en ce qui concerne la cueillette, la chasse et la pêche, la jurisprudence à l'égard des droits des Indiens a commencé en 1972. Ça ne veut pas dire qu'aucune cause n'a été jugée avant cela. Toutefois, cela a commencé en 1972 par l'arrêt Calder rendu par la Cour suprême du Canada qui a jugé que les droits ancestraux étaient des droits légaux, pas seulement une obligation politique ou morale, mais une responsabilité juridique.

La vice-présidente: C'était avant la Convention de la Baie James?

Mme Teillet: Oui. C'était au début des changements apportés aux droits des autochtones.

Le sénateur Robichaud: Cela incluait-il les Métis? Ce n'était pas spécifié.

Mme Teillet: L'arrêt Calder portait spécifiquement sur les titres indiens. Mais c'est parce qu'il était antérieur à la Constitution de 1982, qui incluait expressément les Métis. Il y a eu une progression.

Les Indiens ont dû attendre de 1972 jusqu'à l'arrêt Sparrow de 1990 pour que la Cour suprême du Canada comprenne vraiment la priorité des besoins de subsistance ainsi que la reconnaissance et l'affirmation de ces droits dans la Constitution.

Pour ce qui est des Métis, depuis les années 70, nous essayons toujours de faire reconnaître nos droits. Néanmoins, il y a eu environ cinq jugements rendus dans diverses régions du pays qui ont reconnu aux Métis des droits ancestraux pour la récolte des ressources naturelles, tout comme ce droit a été reconnu aux Indiens. Je m'attends à ce que, d'ici quelques années, la Cour suprême du Canada se prononce sur une affaire Sparrow concernant les Métis. Elle jugera, dans ce cas, que les Métis ont effectivement des droits ancestraux protégés par la Constitution. Il faudra alors réviser tout cela. Nous vous demandons simplement de vous réveiller, car c'est pour bientôt.

Les gouvernements jouent la politique de l'autruche. Ils font aux Métis ce qu'ils ont fait aux Indiens. «Ce n'est qu'une obligation politique ou peut-être une obligation morale ou peut-être n'avons-nous aucune obligation». Nous estimons qu'il s'agit non seulement d'une obligation, mais d'un droit. Les tribunaux commencent déjà à le reconnaître. Tôt ou tard, la Cour suprême du Canada rendra une décision et il faudra s'y conformer.

Le sénateur Robichaud: Pour ce qui est de votre accès à la chasse, au piégeage ou à la récolte des ressources, y a-t-il un cas où les Métis ont conclu une entente avec une province? D'après ce que j'ai lu, l'Ontario ne reconnaît pas votre existence.

M. Belcourt: C'est exact.

Mme Teillet: Il y a eu une cause devant la Cour du Banc de la reine en Saskatchewan et j'ai eu le privilège de la plaider avec Clem Chartier, un autre avocat Métis. Le tribunal a jugé que les Métis avaient certainement le droit de pêcher en vertu de la Constitution et que ce droit est reconnu et affirmé à l'article 35 de la Constitution. La façon dont la Saskatchewan le respecte actuellement consiste à permettre aux Métis d'exercer leur droit de chasser et de pêcher au-dessus d'une certaine zone dans le nord de la province. Également, dans une cause concernant la région de The Pas, dans le nord du Manitoba, le tribunal a jugé que les Métis de la région avaient le droit de chasser.

La Cour provinciale de l'Ontario a, elle aussi, rendu un jugement reconnaissant que les Métis ont le droit de chasser aux termes du traité no 3. Le gouvernement n'en tient absolument pas compte.

La vice-présidente: Quand vous parlez du «droit de chasser», il est certain que tout le monde a le droit de chasser conformément aux lois de la province. Vous dites que vous avez le droit traditionnel de chasser. Est-ce bien ce dont vous parlez?

Mme Teillet: Je dois faire une distinction. Je ne dirais pas que tous les autres ont le droit de chasser, mais qu'ils ont le privilège de chasser.

La vice-présidente: Ils peuvent chasser s'ils ont un permis et ce permis n'est valide que pour un certain temps. C'est la distinction que j'essaie de faire. Votre droit de chasser se fonde sur la Constitution et les traditions. Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Teillet: Oui, c'est précisément ce que nous disons. Je tiens à mentionner que les tribunaux se penchent actuellement sur ces droits. Pour l'affaire Powley, le jugement doit être rendu en décembre.

Il y a d'autres programmes. Le gouvernement albertain a entamé des négociations avec la nation Métisse de l'Alberta. Il est en train d'établir une zone de récolte expérimentale à Grande Cashe. Il a reconnu que les tribunaux commençaient à affirmer le droit de chasser des Métis. Le gouvernement de l'Alberta cherche à établir qui sont les Métis de façon à leur permettre d'exercer leur droit de chasser et de pêcher. Les choses commencent à bouger. C'est un phénomène tout à fait nouveau depuis quatre ou cinq ans et je crois qu'il va se répandre.

La vice-présidente: L'accord du lac Mistassini, qui fait partie de la Convention de la Baie James, leur a conféré le droit de chasser et de pêcher. Le seul problème est que cette entente se rapportait à l'exploitation forestière et qu'ils ont coupé les arbres. Par conséquent, même lorsque des ententes sont conclues, on ne semble pas faire beaucoup d'effort pour en respecter l'esprit et la lettre.

M. Belcourt: Nous avons beaucoup de mal à comprendre de même que les gens de nos communautés. Les Métis se demandent souvent ce qui se passe étant donné que c'est inscrit dans la Constitution. La Cour suprême s'est même prononcée. Pourquoi les autorités nous harcèlent-elles, saisissent-elles notre équipement et notre gibier et essaient-elles de nous coincer? Pourquoi devons-nous payer des frais juridiques énormes pour aller nous défendre devant les tribunaux? Pourquoi? Nous sommes censés avoir ces droits. Personne ne nous les a donnés. On a simplement reconnu qu'ils existaient. Cela a été reconnu par la Constitution et confirmé par la Cour suprême du Canada. Nous avons du mal à comprendre comment le gouvernement peut s'en tirer impunément. C'est inexplicable.

Le sénateur Robichaud: Dans les cas que vous avez mentionnés et où l'on vous a reconnu le droit de chasser ou de pêcher, est-ce reconnu dans les faits? Autrement dit, quand quelque chose se passe dans les territoires en question -- d'après votre mémoire, il n'y a pas de consultations; le gouvernement fait simplement ce qu'il veut. Il reconnaît nos droits uniquement lorsqu'il y a une poursuite devant les tribunaux. Cela ne débouche pas sur des consultations quant à votre droit d'utiliser les ressources.

Mme Teillet: Des gens qui travaillent au ministère des Ressources naturelles du Manitoba m'ont dit qu'ils avaient pour politique, même si ce n'est pas une politique officielle, de ne tenir compte d'aucune décision rendue par les instances inférieures à la Cour d'appel. J'aimerais beaucoup que quelqu'un conteste cette façon de procéder. Je crois qu'elle est répandue dans tout le pays pour ce qui est de l'accès des peuples autochtones aux ressources. Il y a toute une différence entre ce que disent les tribunaux et ce qui se passe en réalité.

Pour ce qui est de l'affaire Powley, nous avons dû attendre le procès pendant six ans. La Couronne a constamment différé la cause. Elle procède comme elle en a l'habitude à savoir qu'elle ne règle une question que lorsqu'elle y est obligée. Il nous a fallu six ans rien que pour obtenir la tenue d'un procès. Au procès, j'ai essayé de faire valoir que ce retard justifiait une réparation. Le gouvernement a répondu: «D'accord, nous ne porterons plus d'accusations en attendant l'issue de ce procès. Nous savons qu'il s'agit d'une cause type.»

Une semaine après avoir remis de nouveau la cause à plus tard, le gouvernement accusait huit personnes. Lorsqu'il nous a dit au tribunal qu'il ne porterait plus d'accusations, il s'apprêtait à émettre ces huit sommations. Il le savait et c'est là un mensonge flagrant.

Quand M. Belcourt vous a dit que les autochtones ne comprenaient pas, c'est vrai. Ils ne comprennent pas pourquoi le gouvernement leur ment. Selon l'un des faits rapportés lors du procès, des gens brandissant des armes chargées s'en sont pris aux petits-enfants de quelqu'un qui pêchait. Il n'est pas question ici de l'auteur d'un vol à main armée ou d'un viol. Nous parlons d'un pêcheur. On a menacé son petit-fils de cinq ans d'une arme à feu et on l'a soumis à une fouille.

Tel est le témoignage qui a été présenté au procès. Si vous voulez en lire la transcription, vous la trouverez sur l'Internet. C'est ainsi qu'on traite les autochtones au Canada à propos de l'utilisation des ressources naturelles. C'est scandaleux.

Nous sommes ici pour parler des forêts car les forêts sont très importantes pour notre peuple. Elles sont au centre de notre existence. Les Métis chassent, posent des pièges et pêchent dans les forêts où ils passent leur vie. C'est là qu'ils transmettent leur culture et leurs traditions à la génération suivante.

Si l'on établit un nouveau plan pour les forêts -- par exemple, Lands for Life en Ontario, sans consulter notre peuple, sans tenir compte de notre mode vie, le gouvernement agit de façon inacceptable.

La vice-présidente: N'avez-vous pas pu présenter vos opinions dans le cadre de Lands for Life?

M. Belcourt: La nation Métisse de l'Ontario n'a pas été invitée à participer pleinement ou officiellement à Lands for Life, même si nous avions indiqué dès le départ que nous souhaitions le faire. Cette possibilité nous a été refusée.

Certains Métis ont essayé de présenter leur point de vue à titre personnel. Il y a une huitaine de jours, nous avons reçu les recommandations de Lands for Life ainsi qu'une lettre nous disant que nous avions jusqu'au 30 novembre pour donner notre réponse.

Si ces recommandations sont suivies, le résultat sera absolument catastrophique pour nous. Les terres seront réservées pour l'industrie et le tourisme et cela comprendra les terres qui entourent les endroits déjà existants. Nous ne pourrons pas les traverser, pour accéder aux rivières, aux lacs ou aux forêts, pour aller chez nous ou là où nous voulons aller pêcher. Si ces recommandations sont appliquées, nous ne pourrons plus traverser ces terres.

Comme Métis, nous sommes fiers d'avoir bâti ce pays. Nous tirons fierté de notre participation au Canada, même s'il a pendu notre chef. Néanmoins, notre fierté pour notre pays finira par disparaître.

Nous avons des recours à notre disposition devant les tribunaux, mais il y a aussi des mécanismes internationaux. Le Métis National Council a maintenant le statut d'observateur aux Nations Unies. Nous ne voulons pas aller devant les Nations Unies pour dire que malheureusement notre pays, qui est considéré comme le meilleur au monde, présente de très sérieux défauts cachés. Nous ne voulons pas être obligés de le faire. Nous ne voulons pas ternir la réputation d'un pays que nous avons contribué à édifier, mais qui se conduit de façon abominable envers ses autochtones et surtout les Métis.

Si l'initiative Lands for Life aboutit, si ces recommandations deviennent des règlements, cela aura des terribles conséquences pour nous.

Le sénateur Robichaud: J'espère que vous n'aurez pas à recourir à des moyens extrêmes, même si le fait d'aller devant les Nations Unies n'a rien d'extrême. Je pense que le Canada est le meilleur pays au monde. La situation que vous décrivez est regrettable et ne devrait pas être.

Vous dites que vous faites des instances au gouvernement du Canada et peut-être à certains autres. À qui précisément adressez-vous ces instances au gouvernement fédéral? Est-ce au ministère des Affaires indiennes ou à un autre ministère?

M. Belcourt: Nous allons faire des instances au ministre des Ressources naturelles du Canada, l'honorable Ralph Goodale, qui est d'ailleurs l'interlocuteur fédéral pour les Métis.

Comme nous vous l'avons dit dans notre mémoire, nous ne disposons pas des mêmes ressources que les Premières nations. Nos ressources sont devant vos yeux. Certains d'entre nous travaillent à plein temps, mais la plupart travaillent à temps partiel et comme ils le peuvent.

Nous vous sommes reconnaissants d'avoir recueilli des témoignages qui nous ont permis de savoir ce qui se passe dans nos forêts. On ne nous dit rien. Comme nous l'avons dit, on ne nous demande rien et on ne nous consulte pas. Nous faisons ces constatations après coup. Nous découvrons qu'il faudra désormais une certification et cela dans le contexte international.

Nous ferons valoir énergiquement au ministre responsable des Ressources naturelles que son ministère a failli à sa tâche et se rend coupable de discrimination à l'endroit d'un des peuples autochtones. Le ministère a fait ses consultations de façon sélective et nous pensons que c'est là une grave entorse à la Constitution. Nous voulons que le ministre donne l'ordre à son ministère de commencer à nous traiter équitablement.

Le sénateur Robichaud: De quelle certification parlez-vous? Est-ce la certification à laquelle vous faites allusion dans votre mémoire?

M. Belcourt: Oui.

La vice-présidente: Parlez-vous des ministres provinciaux des Ressources naturelles? Les provinces assument la responsabilité des terres domaniales autres que les réserves. Il y a certaines terres fédérales, mais elles sont surtout provinciales.

M. Belcourt: Pour revenir sur ce que j'ai dit, les deux niveaux de gouvernement sont en cause, y compris les ministres des Ressources naturelles fédéral et provinciaux. Pour ce qui est de la situation des Métis au niveau national, nous allons nous adresser au ministre fédéral.

Ces certifications sont mentionnées à la page 8 de notre mémoire. Elles sont proposées pour faire face à des boycotts potentiels; par conséquent, cela se rapporte au commerce international. Cette question a non seulement une dimension provinciale, mais aussi une dimension nationale et internationale.

Notre organisme national, le Métis National Council, va faire des instances au ministre.

La vice-présidente: Ces certifications ne représentent pas une politique gouvernementale. Il s'agit d'un instrument commercial. Le gouvernement joue un rôle au sein de l'Association canadienne de normalisation, mais aucune loi ne dit qu'une entreprise forestière doit obtenir une certification. Une entreprise forestière voudra le faire parce qu'elle pourra alors dire sur le marché international qu'elle se comporte de façon acceptable.

Je viens du Manitoba et je sais parfaitement qu'on n'applique pas les lois. Heureusement que je bénéficie de l'immunité parlementaire sans quoi je me ferais tirer dessus. Le représentant d'une société forestière de Tembec a comparu devant notre comité en Ontario. Quand je l'ai interrogé au sujet du Manitoba, il m'a répondu qu'il n'était pas nécessaire de respecter la moindre loi au Manitoba. Il semble bien que ce soit le cas.

Parmi les diverses autorités auprès desquelles vous cherchez à faire reconnaître vos droits, quelles sont celles qui appliquent le mieux les lois? Dans certaines provinces, nous avons de mauvaises lois, comme c'est peut-être le cas pour Lands for Life. Ailleurs, nous avons de bonnes lois dont on ne tient pas absolument pas compte. Qu'en pensez-vous?

Mme Teillet: Je viens également du Manitoba où la situation est particulièrement mauvaise. Les répercussions de la Convention sur l'inondation du nord du Manitoba et l'inondation des communautés Métisses est sans doute l'une des pires choses pour nous.

Madame la présidente, vous savez peut-être que les Premières nations ont été déménagées et indemnisées même si, à mon avis, cette indemnisation était tout à fait insuffisante. Les Métis n'ont rien obtenu. Leurs communautés ont été détruites, leurs maisons ont été brûlées et ils ont dû déménager. Jusqu'ici, ils n'ont eu droit à rien.

J'hésite à m'en prendre aux peuples des Premières nations, parce qu'ils ont des raisons de se plaindre eux aussi. Cependant, dans le cadre du processus de négociations territoriales qui vient de prendre fin au Manitoba, les terres visées par les traités ont triplé de superficie. Cela s'est fait en majeure partie aux dépens des Métis qui ont toujours vécu en périphérie des réserves. L'extension des territoires de piégeage et des réserves signifie que les Métis, qui ont déjà été déplacés par les inondations, se trouvent déplacés de nouveaux.

Cela se produit constamment. Le Manitoba a pour politique de brûler les maisons des Métis. Si vous allez dans le secteur de la carrière de gravier près du Pas, au Manitoba, vous pourrez le constater. Les Métis sont connus dans les Prairies comme «les gens du bord des chemins» parce qu'ils habitent dans les emprises routières. Le gouvernement vient brûler leurs maisons pour les forcer à déménager. Ce sont des squatters. Ils vont s'installer ailleurs jusqu'à ce que le gouvernement revienne brûler leurs maisons.

Depuis Batoche, il y a toute une histoire qui n'a jamais été racontée et qui couvre une période d'environ 150 ans pendant laquelle le gouvernement a brûlé les maisons des Métis. C'est une histoire honteuse.

Nous parlons de l'accès aux ressources, nous parlons de la vie des gens, de leurs maisons et de leurs enfants. C'est la santé et l'existence même de certaines personnes qui est en jeu.

Il y a aussi l'accès à la santé. Si vous vivez dans une communauté du nord du Manitoba, votre voisin d'en face sera peut être un Indien inscrit. S'il fait une crise cardiaque, il sera transporté à Winnipeg, mais pas son voisin Métis. Les Métis ne sont pas couverts. Personne ne veut s'occuper d'eux. Telle est la situation dans notre pays.

La vice-présidente: Voulez-vous dire que vous n'avez pas de soins de santé? Tous les citoyens du Manitoba ont certainement droit à l'assurance-maladie.

Mme Teillet: Vous avez des situations de ce genre. J'ai passé beaucoup de temps dans le Nord, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, dans le nord de la Saskatchewan, au Manitoba, en Alberta et en Colombie-Britannique. Comme ce n'est pas le comité de la santé, je ne vous parlerai pas de l'accès aux services de santé. Néanmoins, l'accès des peuples autochtones aux services de santé est très déficient.

La vice-présidente: Si vous avez de la documentation concernant la situation des Métis dans le nord, veuillez nous la communiquer. Cela nous aidera à rédiger notre rapport. Surtout en ce qui concerne les territoires de piégeage, les forêts et les questions de ce genre.

M. Stevenson pourrait-il nous parler des forêts, du piégeage et de ces autres questions.

M. Bob Stevenson, président du comité sur la prise d'animaux à fourrure, Métis National Council: Merci beaucoup et c'est pour moi un honneur que de prendre la parole ici aujourd'hui.

Je m'occupe de la question du piégeage depuis 13 ans. Je suis originaire du nord de l'Alberta. Nous avons été forcés de déménager dans les Territoires du Nord-Ouest. Au cours des années, j'ai travaillé pour notre peuple et je suis finalement devenu le président Métis des Territoires du Nord-Ouest.

Lorsque je suis venu m'installer dans la région d'Ottawa il y a 13 ans environ, nous nous sommes intéressés à la question du piégeage. Greenpeace avait pratiquement mis un terme à la chasse au phoque pour les Terre-Neuviens et les Inuit et avait commencé à s'en prendre aux trappeurs. Nous avons émis des protestations qui l'ont amenée à changer d'avis. Toutefois, les groupes de militants pour le droit des animaux se sont fait entendre à leur tour et poursuivent la lutte jusqu'à aujourd'hui.

Ces dernières années, j'ai travaillé dans un comité du Métis National Council qui ne dispose d'aucun financement. Ce n'est pas que nous restions les bras croisés. Des gens comme M. Belcourt, d'autres et moi-même travaillent très fort depuis de nombreuses années. Nous avons essayé d'inscrire les Métis sur la carte au Canada.

Le gouvernement du Canada, par l'entremise de ministères comme les Affaires étrangères et le Commerce international ou le ministère des Affaires indiennes, reconnaît qu'il y a 50 000 trappeurs autochtones au Canada. C'est le chiffre qu'il utilise. Je dirais que la majorité de ces 50 000 trappeurs sont des Métis.

Lorsque nous nous sommes penchés sur la question, nous avons rapidement constaté qu'il fallait essayer de créer notre propre marché entre le trappeur et le consommateur. Autrement dit, nous disposons de toutes sortes de talents y compris des gens qui peuvent fabriquer, dessiner et promouvoir nos produits.

J'ai appris que le gouvernement canadien n'avait pas l'intention de permettre aux Métis ou aux peuples des Premières nations d'établir leurs propres marchés. Le gouvernement protège ses droits et les intérêts de l'industrie.

L'élevage du renard et du vison représente environ 80 p. 100 de l'industrie des animaux à fourrure. Lorsque le gouvernement a négocié cette entente dite internationale sur le piégeage non cruel, il l'a fait sans nous consulter. Il nous a dit: «Vous ne pouvez pas faire partie de notre équipe, car nous avons besoin de gens compétents». Les fonctionnaires se sont occupés de tout eux- mêmes. Ce sont des bureaucrates. Nous voulions les aider. Nous voulions leur montrer tous les endroits où l'on fait du piégeage, dans les terres et dans les forêts. Vous ne pouvez pas faire du piégeage dans les villes.

Il y a également l'Organisation internationale de normalisation dont l'accès nous a été refusé. Le seul financement que nous avons obtenu était un billet pour nous rendre quelque part, un petit billet de temps en temps pour tenir une réunion. C'est toujours la même chose aujourd'hui. Nous essayons de nous faire entendre.

J'ai assisté aujourd'hui à une réunion avec le groupe de travail canadien sur l'article 8j) qui porte sur les connaissances traditionnelles et le droits concernant la propriété intellectuelle. J'ai quitté cette réunion pour venir ici.

Nous avons essayé de participer à des réunions de l'Office des normes générales du Canada sur le piégeage sans cruauté. J'ai signalé ce qui se passait à l'attention du Métis National Council. Ce dernier m'a chargé de faire partie du comité, d'aller là-bas, mais nous n'avons pas pu obtenir de financement. Nous présentons des budgets chaque année.

Par le passé, le Conseil du Trésor a accordé chaque année des millions de dollars au ministère des Affaires indiennes pour qu'il s'occupe de la question de la fourrure au nom des autochtones. Nous avons une lettre adressée à M. Morin il y a plus d'un an dans laquelle le ministère des Affaires indiennes déclare que les Métis ne font pas partie de ses responsabilités.

Toutefois, lorsqu'il s'agit d'utiliser le mot «Métis», le gouvernement veille à accorder un contrat à un petit groupe de Métis. Le cas des Métis des Territoires du Nord-Ouest qui se sont penchés sur cette question en tant que Métis en est un bon exemple.

Notre président et nos dirigeants sont élus dans chaque province. C'est une chose sur laquelle nous devons insister afin d'être reconnus. Nous faisons beaucoup d'efforts; nous faisons des pieds et des mains pour obtenir ce genre de choses. Nous allons devant les comités pour essayer de nous faire entendre.

Pour ce qui est du commerce et des fourrures, au cours du premier semestre de cet exercice financier, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a déjà donné plus de 500 000 $ sur le million prévu à l'Institut de la fourrure du Canada, un organisme non autochtone. Il y a peut-être cinq autochtones à son conseil d'administration.

Le ministère se sert de quelques autochtones pour s'opposer à une organisation nationale ou provinciale de Métis qui s'efforce de représenter démocratiquement la population Métisse. On nous refuse ce financement.

La vice-présidente: Monsieur Stevenson, pourriez-vous nous fournir des renseignements quant aux répercussions de l'exploitation forestière ou du piégeage?

M. Stevenson: Les trappeurs sont abandonnés à leur sort. Nous ne saurions trop souligner l'importance de notre participation.

Nous ne devons pas participer par l'entremise d'autres organismes qui ne défendent pas nos intérêts comme l'Institut de la fourrure du Canada ou le ministère des Affaires indiennes dans le cas du piégeage. Il nous faut notre propre mécanisme.

Pour ce qui est des répercussions du piégeage, nous devons poursuivre la même politique qui est de nous taire et de fournir des fourrures aux gens de l'industrie.

Pour ce qui est des victimes de ces mesures, que font-elles? Elles renoncent. Elles vendent leur territoire de piégeage. C'est ce qui est arrivé un peu partout au Canada. Dans de nombreuses provinces, les gens ont vendu leur territoire de piégeage à quelqu'un d'autre. Aujourd'hui, ce quelqu'un d'autre y a installé un chalet ou une autre petite industrie, comme une pourvoirie, dans un secteur qui était un territoire de piégeage.

Je ne saurais trop insister sur la nécessité pour les trappeurs Métis de s'entendre quant à la façon dont ils s'occuperont quotidiennement de ces questions. Si bien des gens se livrent à cette activité -- et le ministère cite le chiffre de 50 000 -- j'affirme que la majorité des autochtones qui font du piégeage sont des Métis.

Le sénateur Robichaud: Votre intérêt pour la forêt boréale ne réside pas dans la récolte de bois. Ce sont les autres activités qui vous intéressent, n'est-ce pas?

Mme Teillet: Ce sont les deux. Nous ne disons pas que les Métis n'exploitent pas la forêt comme telle, car ils le font. Les gens ont besoin de récolter le bois pour vivre de même que pour garder la forêt en bon état pour le piégeage et pour d'autres récoltes. Par exemple, la coupe à blanc, les pulvérisations ou les autres choses sur lesquelles vous avez certainement entendu de nombreux témoignages nuisent énormément à la pêche. Les Métis récoltent.

Les Métis n'ont généralement pas un emploi à plein temps, par exemple dans une scierie où ils vont travailler de 9 à 5 toute leur vie. Ils partagent leur temps entre sept, huit ou même 10 activités. Autrement dit, ils peuvent avoir un emploi saisonnier dans l'industrie forestière où ils iront couper du bois avec une tronçonneuse. Ils pourront prendre un emploi dans la construction. Ils ne travailleront jamais l'automne, car ils sont trop occupés à chasser le chevreuil et l'orignal pour l'hiver. Ils ne travaillent sans doute pas pendant la saison de pêche en hiver parce qu'ils veulent prendre le poisson dont ils ont besoin. Ils ont toute une série d'activités qui les tient assez éloignés de leur maison.

Je viens de m'occuper d'une cause au Manitoba où mon client m'a dit qu'il travaillait avec une tronçonneuse pour une entreprise forestière. Il m'a dit qu'il aimait bien ce travail parce qu'il pouvait emmener son fusil et que s'il voyait passer un chevreuil, il pouvait chasser tout en travaillant.

Il fait d'une pierre deux coups. Tous les Métis aiment ce genre d'activités. Même s'ils ont un emploi dans une scierie, ils vont commencer par aller vérifier leurs pièges le matin avant d'aller au travail et de nouveau avant de rentrer chez eux. C'est le mode vie Métis.

M. Stevenson: Les Métis ne sont pas différents des peuples des Premières nations en ce qui concerne la terre. Ils s'inquiètent eux aussi de voir les entreprises forestières faire des coupes à blanc et de voir leurs sentiers de piégeage disparaître sous leur nez.

Voilà pourquoi nous disons être les antennes de la terre. Lorsqu'il arrive quelque chose, nous ne voulons pas que cela se reproduise et nous nous en plaignons. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, nos territoires de piégeage nous sont enlevés non seulement par des opportunistes, mais par des entreprises, que ce soit les sociétés forestières ou minières ou même les compagnies d'électricité.

La vice-présidente: Merci de votre témoignage. C'était très intéressant.

La séance est levée.


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