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Sous-comité des communications

 

Délibérations du sous-comité des
Communications

Fascicule 6 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 3 juin 1998

Le sous-comité des communications du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 15 h 35, pour examiner la position concurrentielle internationale du Canada dans le domaine des communications en général, y compris l'importance des communications au Canada sur les plans économique, social et culturel.

Le sénateur Marie-P. Poulin (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Comme vous le savez bien, Mme Bertrand, le comité permanent des transports et des communications a formé un sous-comité afin d'étudier de façon approfondie l'impact de l'ouverture du monde des communications que nous vivons présentement depuis plusieurs années et surtout de se demander comment le Canada peut demeurer à l'avant-garde dans le domaine international des communications.

Nous avons déjà présenté au Sénat un rapport préliminaire dans lequel nous avons soulevé plusieurs questions que nous désirons étudier en profondeur et, de façon particulière, la culture, nos histoires canadiennes et comment elles sont véhiculées de par le monde entier dans ce monde ouvert des communications.

Plusieurs de nos témoins ont soulevé une question épineuse: que nous faut-il dans ce monde ouvert des communications comme réglementation?

Mme Françoise Bertrand, présidente, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes: Je suis accompagnée de M. David Colville, vice-président aux télécommunications que vous connaissez bien puisqu'il a comparu à la première phase de vos travaux. Il est accompagné de Mme Carolyn Pinsky, qui est avocate spécialisée en convergence. Elle est très compétente dans le domaine des télécommunications et de la radiodiffusion. Vous avez aussi Mme Susan Baldwin, directrice générale dans le domaine de la radiodiffusion au conseil.

Alors merci de ce privilège de venir vous rencontrer aujourd'hui pour participer à vos travaux. Je vais essayer de lire mon mémoire assez rapidement parce que je sais bien que dans ces circonstances, les questions et réponses sont une méthode plus interactive et plus intéressante.

J'apprécie cette occasion de vous présenter brièvement le travail accompli par le CRTC pour relever les défis que posent l'évolution rapide du monde des communications, tandis que du même souffle, nous veillons à favoriser la concurrence dans nos industries de la radiodiffusion et des télécommunications et en quelque sorte à réinventer le conseil.

Il ne faut pas oublier que c'est la concurrence qui servira les intérêts des consommateurs en leur offrant davantage de produits et de services qui à leur tour feront évoluer le marché des télécommunications.

Cet univers de plus en plus concurrentiel exige que l'on aborde la réglementation d'une nouvelle manière afin de protéger l'intérêt public, d'assurer au consommateur une variété de choix à un coût raisonnable et un contexte d'affaires favorable pour les entreprises.

[Traduction]

Permettez-moi tout d'abord de situer le CRTC dans son contexte. Comme vous le savez, l'organisme est assujetti à deux lois parlementaires distinctes, soit la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications. Bien qu'elles soient différentes, elles partagent toutefois les mêmes objectifs. La convergence n'entraînera pas la subordination de l'une à l'autre. Elles se compléteront plutôt, de manière à assurer une réglementation efficace.

Nous sommes dans une période de transition pendant laquelle nous passons d'un univers monopolistique à un marché de plus en plus concurrentiel. En introduisant la concurrence dans le secteur de la distribution en radiodiffusion, nous avions la même intention que celle qui nous a guidés lorsque nous avons introduit la concurrence dans le secteur des télécommunications. Nous voulons offrir aux Canadiens le plus large éventail possible de choix, à des prix concurrentiels, tout en faisant en sorte que le paysage des communications reflète véritablement la culture canadienne.

En plus d'ouvrir le marché de la distribution en radiodiffusion aux compagnies de téléphone, nous avons favorisé l'entrée de nouveaux joueurs en attribuant des licences à des entreprises de distribution sans fil et satellitaires, comme les SDMM (systèmes de distribution multivoies multipoints), les SCML (systèmes de communications multipoints locaux) et les SRD (radiodiffusion directe du satellite au foyer).

Cette concurrence en distribution n'a en rien diminué la responsabilité du Conseil de veiller à ce que notre système de radiodiffusion demeure clairement et spécifiquement canadien. Les nouveaux arrivants doivent se conformer aux mêmes règles d'accès et de distribution que les entreprises titulaires. Nous voulons faire en sorte que les gens d'ici disposent d'une offre de contenu diversifiée et de plus de choix.

Comme le prévoit la Loi sur la radiodiffusion, tous les systèmes doivent offrir un nombre prédominant de services canadiens. Nous avons profité de l'arrivée de nouvelles entreprises dans le secteur de la distribution en radiodiffusion pour accroître les ressources disponibles pour la production d'émissions canadiennes.

En effet, toutes les entreprises de l'industrie de la distribution en radiodiffusion, y compris les câblodistributeurs traditionnels, les distributeurs de SRD, les câblodistributeurs sans fil et les compagnies de téléphone, versent un minimum de 5 p. 100 de leur revenu brut, provenant de la distribution d'émissions, à un fonds de soutien à la production de programmation télévisuelle canadienne. Dans la seule année 1996, ce fonds de 200 millions de dollars a alimenté le secteur de la production télévisuelle canadienne dont le chiffre d'affaires a atteint 625 millions de dollars.

[Français]

Une de nos principales responsabilités est de nous assurer que le plus grand nombre possible de ressources soient disponibles pour garantir aux produits canadiens, en langue française et en langue anglaise, une place de notre système de radiodiffusion national.

Cette politique d'accès en faveur de la production d'émissions canadiennes relève du simple bon sens, surtout à une époque où la convergence des nouvelles technologies fait disparaître les frontières.

Le Canada est un leader mondial de la distribution en radiodiffusion. Chez nous, trois Canadiens sur quatre sont abonnés au câble. Le service de base pour lequel ils paient, leur offre, tant en français qu'en anglais, une gamme de canaux locaux et les grandes chaînes nationales, certains canaux spécialisés et d'autres services particuliers au câble.

Les abonnés peuvent aussi avoir accès à 43 autres services canadiens de canaux spécialisés, de télé payante et de télévision à la carte disponible en ensemble définis à l'avance.

De plus, nous avons accès aux cinq grands réseaux américains et à quelques 36 autres superstations et services de câble américains autorisés à distribuer leurs émissions au Canada. Nous pouvons donc choisir parmi un menu extrêmement élaboré de services aussi bien canadiens qu'étrangers pour ne pas dire américains.

Malgré cette abondance de choix, nous sommes heureux de constater que les téléspectateurs se retournent de plus en plus vers la programmation canadienne. Au cours des 10 dernières années, l'écoute d'émissions canadiennes s'est légèrement accrue au Canada anglais, en dépit du nombre croissant d'émissions et de services américains. Au Québec, on le sait, cependant, on a toujours accordé une nette préférence aux émissions et aux services de chez nous.

Nos politiques en matière de radiodiffusion et de distribution ont certainement favorisé, ici au pays, le développement d'une solide industrie de la production indépendante. De plus, la capacité qu'ont eue les producteurs d'avoir accès, dans notre marché, à un soutien financier et de faire des bénéfices, leur a servi de tremplin pour aborder les marchés étrangers. La création d'alliances de coproduction leur a également ouvert les portes de nombreux pays.

Parce que les radiodiffuseurs canadiens ont été les premiers à acheter leurs émissions et à nous les faire connaître et aimer, nos entreprises de production indépendante comme CINAR, Nelvana, Salter Street, Alliance, Atlantis et Coscient, ont été en mesure par la suite de dépasser nos frontières et de récolter des succès à l'échelle internationale.

[Traduction]

Les radiodiffuseurs et les distributeurs canadiens se sont servis de l'expérience acquise au pays pour conquérir de nouveaux marchés. C'est ainsi, par exemple, que CanWest Global détient des parts de copropriété dans des entreprises de radiodiffusion australiennes, néo-zélandaises et irlandaises. CHUM a vendu son concept de MuchMusic en Amérique Latine sous le nom de Mucha Musica et a obtenu un droit de distribution aux États-Unis. Cette entreprise fait aussi des affaires, à l'échelle internationale, avec ses émissions sur la mode.

Les services Trio et Newsworld International de la CBC font partie intégrante de l'ensemble de services offerts par DirectTv, aux États-Unis, et notre MétéoMédia est en relation d'affaires avec plusieurs pays européens.

Nous avons su faire cohabiter sociétés d'État et entreprises privées au sein de notre système de radiodiffusion national, et cet amalgame sert bien les Canadiens. Le monde nous envie d'ailleurs ce modèle. Nous rencontrons souvent des délégations étrangères qui veulent profiter de l'expérience de notre pays en la matière. Elles reconnaissent ce que nous avons su bâtir ici, à l'ombre du plus grand producteur de matériel audiovisuel au monde et à proximité de quelques-unes des plus importantes compagnies de télécommunications.

Des pays qui, jusqu'ici, n'avaient pas eu à se préoccuper de l'afflux d'émissions autres que nationales se retrouvent envahis de signaux étrangers, à cause de l'arrivée soudaine des satellites SRD et d'autres nouvelles technologies de distribution. Ce phénomène a fait davantage prendre conscience de l'importance qu'il faut accorder aux produits nationaux. Il soulève la question de leur positionnement, de leur disponibilité en quantité suffisante et de la place qu'il faut leur réserver dans les systèmes de distribution.

Parallèlement, nous avons le marché le plus ouvert du monde, si l'on considère la quantité d'émissions étrangères offertes aux Canadiens. En fait, 60 p. 100 de la programmation télévisuelle offerte au Canada viennent des États-Unis. Alors que ces produits sont en concurrence avec les nôtres, ils ne sont pas soumis aux obligations auxquelles se plient nos services de programmation, comme agir dans l'intérêt public ou contribuer au développement de la programmation canadienne. C'est une situation qui rend plus complexe notre tâche en tant qu'organisme de réglementation puisqu'en même temps, nous devons favoriser la concurrence du marché et veiller à l'intérêt public.

À mesure que le monde des communications s'ouvre à la concurrence, nous sommes obligés de réexaminer les moyens grâce auxquels nous atteindrons nos objectifs en matière de politique gouvernementale. Comment trouver un juste équilibre sans nuire à l'intérêt public? Comment maximiser les avantages offerts aux Canadiens, la valeur proposée aux consommateurs et les profits que les entreprises tireront de leur activité?

[Français]

Étant donné les changements profonds et radicaux qui se produisent dans les industries que nous réglementons, il nous a paru évident qu'il nous fallait réévaluer notre rôle et notre fonctionnement dans un monde «interrelié» et où s'installe de plus en plus la convergence.

Pour se donner les outils dont il avait besoin dans ce nouveau contexte, le CRTC s'est donné une nouvelle vision. Nous croyons que les résultats de cet exercice nous aideront non seulement à nous adapter au nouvel environnement, mais à transformer cet environnement pour que les citoyens, les consommateurs et les entreprises en tirent le meilleur parti possible.

Nous avons déposé il y a quelques semaines, auprès du greffier, une copie de l'énoncé de la vision et du plan d'action du CRTC pour que vous puissiez en prendre connaissance. Je ne prendrai donc qu'un instant pour vous donner les grandes lignes de notre vision et l'orientation que nous entendons donner au processus de réglementation.

L'énoncé de notre vision est le suivant: des communications de calibre international, avec une présence canadienne distinctive, dans l'intérêt public.

Comment concrétiser cet énoncé de la vision? Nous croyons que les Canadiens sont en train de voir un nouveau conseil à l'oeuvre. Le nouveau CRTC dira: réglementons là où cela est nécessaire, mais là où cela est opportun, nous préférons laisser l'industrie «s'autoréglementer», tout en la surveillant.

Nous voyons notre nouveau rôle plutôt comme celui d'un arbitre dans un monde où la concurrence joue librement. Nous interviendrons pour régler les questions plus larges touchant les «politiques-cadres», si des changements importants devaient modifier le paysage des communications.

L'ancien conseil avait une approche protectionniste qui convenait aux besoins de l'époque. Le nouveau s'attachera davantage à susciter des occasions pour que les Canadiens étendent la portée de leur réussite et démontrent qu'ils sont capables de prospérer dans un contexte différent et plus concurrentiel.

En vertu de l'accord sur les télécommunications, signé le 15 février 1997 par l'Organisation mondiale du commerce, le Canada s'est engagé à mettre fin à ses derniers monopoles et à libéraliser la fourniture de services internationaux et par satellite. C'est donc dire que le monopole de Téléglobe sur le trafic outre-mer prendra fin le premier octobre 1998 et que celui de Télésat se terminera le 1er mars 2000.

Il en découlera une concurrence accrue, au Canada, dans l'offre de services internationaux et cela offrira de nouvelles occasions aux entreprises canadiennes de se mesurer à leurs concurrents des marchés étrangers. Le gouvernement fédéral est en train de modifier la Loi sur les télécommunications afin de conférer au CRTC l'autorité nécessaire pour exiger des fournisseurs de services internationaux qu'ils fassent une demande de licence assortie de certaines conditions et obligations.

Le Conseil dirige présentement une instance dans le cadre de laquelle il analyse les questions de réglementation reliées à ces amendements.

[Traduction]

Sur le plan international, le CRTC est en train d'élaborer une nouvelle approche. On peut se demander pourquoi un organisme de réglementation aurait besoin d'une pareille approche puisqu'après tout, nous n'avons d'autorité que sur ce qui se passe à l'intérieur de nos frontières. Pourtant, cette façon de voir fait fi de la réalité contemporaine. Elle ne tient pas compte du fait que les industries que nous réglementons évoluent dans une économie mondialisée et que leurs transactions se déroulent dans un marché de communications international. Pour réglementer efficacement le marché canadien, il faut que nous prenions en considération le contexte mondial à l'origine des pressions économiques, sociales et culturelles qui façonnent notre milieu. Nous ne pouvons pas nous permettre d'agir en vase clos.

Afin d'élargir son dialogue international, le Conseil a pris l'initiative de mettre sur pied un Forum international sur la réglementation qui consiste en une série de rencontres avec des instances de réglementation des communications du monde entier. Ce forum a pour but de faciliter les échanges d'idées et d'informations sur un certain nombre de questions relevant de la réglementation, par exemple l'universalité, l'accès et l'autoréglementation.

En plus des relations de travail établies avec l'Australie et la France, nous avons aussi conclu une entente avec le FCC des États-Unis qui prévoit deux rencontres annuelles entre le personnel et les conseillers du CRTC et de cet organisme. La poursuite de ce dialogue international, plus, naturellement, nos contacts avec Industrie Canada, avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur et avec le ministère du Patrimoine canadien, feront en sorte que nous utiliserons judicieusement tous les outils à notre disposition pour mieux atteindre nos objectifs économiques, sociaux et culturels dans l'intérêt public.

L'élaboration de l'énoncé de notre vision nous a fait constater qu'il fallait revoir l'ensemble de nos politiques. C'est dans ce contexte que le Conseil tiendra, à la fin de septembre, des audiences publiques sur la télévision canadienne.

Copie de l'avis public du 6 mai 1998, intitulé «Examen de la politique du Conseil relative à la télévision canadienne -- Appel d'observations», a d'ailleurs été déposée auprès du greffier, à titre indicatif. Comme le dit bien le titre, nous sollicitons le point de vue de l'échantillon le plus large possible du public canadien et de ceux qui travaillent dans l'industrie télévisuelle. Ensemble, nous discuterons des défis auxquels fait face la télévision canadienne et de ceux qui l'attendent.

Nous chercherons surtout à explorer plus avant comment tous ceux qui participent de près ou de loin à ce système peuvent travailler à maintenir, d'une part, une présence canadienne vigoureuse et significative à nos écrans et, d'autre part, une industrie de la radiodiffusion en bonne santé financière qui réussira au jeu de la concurrence, chez nous comme à l'étranger.

Avant la fin de l'automne, nous tiendrons également des audiences publiques, d'abord en français, puis en anglais, sur les nouveaux services de canaux spécialisés. Toutes ces audiences nous amèneront au renouvellement, en avril 1999, des licences de la SRC et, ensuite, du réseau CTV.

[Français]

Le conseil porte aussi une attention toute particulière aux nouveaux médias et nous avons l'intention de tenir une audience publique sur ce sujet, en novembre prochain. Nous inviterons tous les intervenants à y participer parce que nous pensons que cette audience aidera non seulement à définir le rôle que tiendra éventuellement le CRTC dans le secteur des nouveaux médias, mais qu'elle aidera aussi le gouvernement à établir les grands paramètres de sa politique dans ce domaine.

Ainsi, ma présence ici aujourd'hui est-elle, en un certain sens, quelque peu prématurée. Car je suis convaincue que, lorsque nous aurons terminé notre processus d'audience publique qui nous aura permis de faire une vaste consultation et d'avoir de nombreuses discussions avec le public et les représentants de l'industrie télévisuelle, nous aurons bien davantage d'idées et de renseignements à partager avec vous.

Toutefois, et vous l'aurez compris de mon discours, notre devise n'est pas la compétition pour le simple plaisir de la compétition ou la technologie pour le simple plaisir de la technologie. Du point de vue de la réglementation, notre responsabilité est de créer un contexte favorable qui permettra tout aussi bien à la convergence et à la concurrence de devenir des réalités quotidiennes qu'aux idées et aux valeurs de chez nous de s'y voir traduites. Nous voulons étendre la portée de nos succès.

Nous devons seconder les efforts de nos artistes créateurs et de nos gens d'affaires pour qu'ils puissent bâtir une industrie culturelle suffisamment solide et florissante, qu'elle sera concurrentielle et capable de faire voir et rayonner nos produits, ici au pays comme partout dans le monde.

Je vous remercie à nouveau de m'avoir conviée à comparaître devant vous et je serai heureuse de répondre à vos questions.

La présidente: Votre présentation a été très intéressante et pendant la période de questions qui va suivre, sentez-vous bien à l'aise d'inviter un de vos collègues à répondre si vous le désirez.

[Traduction]

Le sénateur Spivak: En tant que comité et comme tous les autres Canadiens, nous nous intéressons au rôle du CRTC. Votre calendrier d'événements m'a particulièrement intriguée. Il prévoit des choses intéressantes au sujet de la violence. Ce que vous faites m'intéresse au plus haut point.

Je pourrais peut-être vous poser des questions d'ordre général. Tout d'abord, j'ignore exactement ce que vous entendez par l'expression «nouveaux médias». Je remarque cependant que vous n'avez pas parlé d'Internet. L'Internet fait certes partie de nos vies, et j'aimerais savoir si, d'après vous, le CRTC est en mesure d'exécuter son mandat dans ce nouveau contexte. En fait, j'aimerais savoir s'il est capable de réglementer dans l'intérêt des Canadiens? Peut-il faire en sorte que le contenu soit canadien, que l'histoire du Canada soit racontée et que les Canadiens puissent exporter leurs produits en tant que Canadiens, non pas en tant qu'Américains?

Lorsque vous répondrez à cette question, je me demande si vous ne pouvez pas aussi aborder ce que certains considèrent comme un échec de la réglementation du CRTC, soit le marché gris de la télévision par satellite qui compte actuellement quelque 300 000 abonnés canadiens. Vous pouvez peut-être nous décrire certains des enseignements que vous avez tirés et nous dire à quoi nous pouvons nous attendre à mesure qu'évoluent les services comme les vidéos sur demande.

Mme Bertrand: Je laisse mon collègue, M. Colville, qui présidera les audiences publiques relatives aux nouveaux médias, vous répondre.

M. David Colville, vice-président, Télécommunications, CRTC: Vous avez posé là une question intéressante qui soulève de nombreux points à creuser lors des audiences sur les nouveaux médias. Comme vous l'avez fait remarquer, nous n'avons pas mentionné l'Internet dans le contexte des nouveaux médias. Or, il fait effectivement partie de toute la gamme des moyens de distribution, des technologies et des supports d'offre de contenu -- que ce soit sur CD-Rom ou sur Internet.

À notre avis, l'Internet se manifestera de nombreuses façons. Nous savons, par exemple, que plusieurs entreprises envisagent la possibilité d'avoir recours à Internet pour offrir la téléphonie vocale locale au Canada. C'est une des applications que connaîtra l'Internet.

Nous avons dit que nous n'avions pas l'intention de réglementer les nouveaux venus sur ce marché de la téléphonie locale. Ils devront se conformer à certaines règles, cependant, notamment protéger les renseignements personnels concernant les abonnés et offrir l'accès au 911. Qu'ils le fassent au moyen d'Internet ou d'une autre technologie, il faudra qu'ils respectent ces règles.

La distribution du contenu culturel demeure une question en mal de définition. Par là, j'entends que nous n'avons pas encore décidé comment cela cadre avec notre régime de réglementation. Nous souhaitons aussi examiner son impact sur la réglementation existante du système de radiodiffusion et la manière dont ces nouveaux moyens de prestation de services affectera le système existant et notre capacité de le réglementer.

Il faudra de plus voir comment nous pouvons continuer à faire en sorte que les producteurs canadiens -- quelle que soit la forme et le style -- continuent d'avoir le même genre d'accès que nous recherchons pour la télévision et la radio. Cela veut dire qu'il faut faire en sorte que nos producteurs de contenu canadien ont accès aux divers réseaux de distribution qui leur ouvriront une fenêtre sur les auditoires et spectateurs canadiens.

Il n'est pas clair si la façon dont nous assurons actuellement la réglementation sera la meilleure pour traiter ces questions. Il se peut qu'il faille changer notre méthode. Selon la nature du service, il se peut même que la réglementation du CRTC ne soit pas indiquée. Nous espérons aborder ces questions durant les audiences sur les nouveaux médias, l'automne prochain.

Le sénateur Spivak: Pourriez-vous nous donner des précisions sur le marché gris?

M. Colville: Voilà une autre question intéressante. Selon nous, il est difficile de refuser au simple citoyen le choix d'acheter une antenne ou de capter des émissions. Dans ce cas particulier, bien sûr, la question des droits de distribution des émissions posait un autre problème important. Ces services de programmation américains ne détenaient pas les droits leur permettant de vendre ces émissions au Canada.

Le droit du simple citoyen d'acheter le matériel est aussi un enjeu. Le gouvernement et l'organisme de réglementation ont en grande partie adopté comme position qu'il n'était pas question de refuser ce droit. Il faudrait au contraire essayer d'offrir une alternative canadienne à ces services étrangers.

Vous avez demandé si nous avions tiré des enseignements de ce que s'était produit. L'enseignement personnel que j'en tire, c'est que nous aurions probablement dû agir plus rapidement en vue d'offrir une alternative canadienne. Notre capacité de le faire a été en partie limitée par la technologie qui était à notre disposition; le système de distribution par satellite ne pouvait pas offrir les petites antennes en question.

Plus que tout, il aurait fallu essayer d'offrir une alternative vraiment canadienne plus rapidement. Nous avons remarqué que, lorsqu'ils peuvent choisir une alternative canadienne, les Canadiens la choisissent.

Le sénateur Spivak: Nos voisins du Sud disposent de toute une panoplie de ressources. De plus, on peut acheter des émissions américaines à rabais, c'est-à-dire à un prix inférieur à ce qu'il en coûte pour les produire. Compte tenu de ces faits, appuyons-nous suffisamment nos producteurs canadiens? Étant donné les montants énormes en jeu, dites-moi ce que vous pensez de la situation. Je sais que les Canadiens livrent concurrence, mais que réserve l'avenir, en termes d'argent?

Mme Bertrand: En tenant une audience publique au sujet du contenu canadien, nous cherchons à modifier les politiques. Nous ne pouvons certes pas nous comparer aux Américains dont le marché et les moyens sont beaucoup plus grands que les nôtres.

Étant donné qui nous sommes et ce que nous pouvons offrir, toutefois, il faut se demander s'il y a quelque chose que nous pourrions changer ou ajuster. La situation a évolué. Nous pourrions peut-être inventer de nouveaux supports ou promouvoir de nouvelles idées. Notre espace ne sera jamais comme celui des Américains, mais il faut envisager de nouveaux moyens de l'occuper, d'assurer une plus grande présence et d'en tirer plus de profit. Il faut faire en sorte d'être capables de livrer concurrence -- pas seulement au Canada même, mais également sur le marché international.

C'est exactement ce dont il sera question dans le cadre du processus public que nous avons amorcé.

Le sénateur Spivak: Votre intention d'examiner la violence m'intéresse au plus haut point. Nombre d'entre vous avez dû lire un article paru récemment dans le Globe and Mail dans lequel l'auteur établit un lien direct entre le comportement violent et la télévision. À nouveau, je crois que les initiatives prises par nos voisins du Sud n'ont pas connu un grand succès. Qu'en pensez-vous? Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont vous allez vous attaquer à cette question?

Mme Bertrand: Comme vous le savez, le CRTC a été très actif sur ce plan. Nous avons probablement une tête d'avance sur les Américains, à cet égard. Beaucoup de travail s'accomplit depuis de nombreuses années. Le CRTC a opté pour l'autoréglementation, conjuguée à une plus grande collaboration de la part de l'industrie. Nous nous réunissons avec ses membres pour fixer la classification des émissions, de manière à bien indiquer les différentes catégories aux parents. C'est le téléspectateur qui fait le choix; il ne s'agit pas de censure.

Les téléspectateurs ne sont pas très habitués de voir à l'écran une icône les informant de la catégorie. Si je ne m'abuse, l'initiative a débuté en septembre. Nous n'avons donc pas encore fait beaucoup de progrès. Il paraît que cela a eu un certain effet de retenue sur les radiodiffuseurs et sur l'industrie de la programmation. Le radiodiffuseur y pense à deux fois maintenant avant de choisir une émission, parce qu'il faudra aussi que l'icône figure à l'écran.

Après une année de programmation, nous ne pouvons pas nous attendre à récolter tous les fruits de ce que nous avons semé. Nous assurons un suivi du groupe composé de radiodiffuseurs, des canaux spécialisés et des distributeurs, cependant. Le groupe s'appelle AGVOT. Il rend des comptes deux fois par année, et nous le suivons de très près.

Une étude a été effectuée au Québec. Les radiodiffuseurs privés sont ceux qui diffusent les émissions les plus violentes. Il faut préciser que ce ne sont pas les émissions canadiennes qui sont violentes, mais bien souvent, les films américains. Il faut continuer d'accorder la priorité à la question de la violence. À ce stade-ci, nous continuons d'être préoccupés et nous continuons de travailler très fort, mais l'approche est la même.

[Français]

Le sénateur Bacon: À l'automne prochain, 26 chaînes de télévision américaine vont commencer à diffuser en numérique et au printemps, on parle d'une quarantaine de chaînes.

Il semble que la télévision numérique sera disponible au Canada dans environ 18 mois. Pour accélérer le développement de la nouvelle technologie, les représentants de l'industrie canadienne ont mis sur pied, le 12 mai, Télévision numérique canadienne, un organisme sans but lucratif. Est-ce que vous avez été contacté par Télévision numérique canadienne? Est-ce que vous avez une idée des attentes possibles de l'industrie numérique canadienne envers le CRTC? Comme vous le savez, le numérique va provoquer une petite révolution dans le monde de la télévision. Il va être, entre autres choses possibles, de marier la télévision et Internet. Avec ce mariage annoncé entre Internet et télévision, est-ce qu'il va devenir illusoire de vouloir réglementer le contenu télévisuel?

Mme Bertrand: Il y a plusieurs réponse à votre question. Nous y sommes certainement attentifs. Dire que c'est situé très haut à notre agenda au sens où on effectue des travaux mur à mur sur cette question est faux. On est un peu en attente de ce qui va se passer aux États-Unis dans la mesure où nous reconnaissons que nous ne serons pas les pionniers dans ce domaine. Lorsque ce sera parfaitement répandu, est-ce que cela modifiera les règles du jeu, les modes de consommation? Sûrement. La lecture et la supervision que nous faisons de cette question, aux États-Unis comme ici, nous indique que nous avons encore suffisamment de temps. C'est pour cela qu'on travaille si fort dans une approche systémique pour renforcer la capacité du contenu canadien pour faire en sorte que le jour où on ne pourrait pas aborder les choses tout à fait de la même façon, on ait une industrie plus forte qui puisse gagner ici comme dans le marché international.

Mais sur la question du travail plus concret, Susan Baldwin, qui a travaillé ailleurs qu'au CRTC et qui a fait le pont de tous les dossiers dans le domaine numérique, pourrait peut-être vous donner quelques précisions sur cette situation. On le suit de façon immédiate.

[Traduction]

Mme Susan Baldwin, directrice exécutive, Radiodiffusion, CRTC: Pour l'introduction de la haute définition ou même de la télévision avancée, un groupe de travail a été créé par Patrimoine canadien. Le CRTC a demandé au président du groupe de travail de lui communiquer ses conclusions.

En général, on a convenu de laisser aller de l'avant une bonne partie des nouvelles technologies mises au point aux États-Unis. Ainsi, les coûts élevés liés à l'équipement et à la technologie -- tant pour la distribution que pour la production -- sont assumés par les Américains. Ça coûte ensuite un peu moins cher pour nous d'implanter la technologie ici et pour les utilisateurs canadiens d'acheter les récepteurs.

La production est un réel problème. C'est l'occasion pour les producteurs canadiens de développer des produits adaptés aux nouvelles technologies de distribution, autant sur Internet que sur les ondes; le produit pourrait être accessible des deux façons.

Pour ce qui est de l'utilisation du spectre et de l'échéancier pour les diffuseurs, le CRTC a un certain nombre de questions à examiner. Nous avons annoncé que nous en parlerions dans un document de travail qui doit être produit d'ici la fin de 1998.

[Français]

Le sénateur Bacon: La semaine dernière, nous avons discuté avec des membres de l'Association canadienne des distributeurs de films des moyens pour promouvoir le cinéma canadien. Pour stimuler la production de films nationaux, certains pays obligent les diffuseurs à présenter un certain pourcentage de films nationaux. Par exemple, les diffuseurs de Channel 4 en Angleterre et de Canal Plus en France doivent même financer ces films. Je vous reporte à la page 3 où vous parlez de la création des programmes de la télévision canadienne. Est-ce qu'on peut envisager des moyens semblables au Canada pour encourager notre industrie cinématographique?

Mme Bertrand: Ce n'est certainement pas exclu. C'est d'abord la Loi sur la radiodiffusion qui nous guide, mais on tient compte des politiques et des grandes orientations du gouvernement.

Conséquemment, concernant le contenu canadien, vous constaterez que nous faisons référence à cette question et nous allons attendre les commentaires des intervenants et des différentes parties. On ne se dit pas qu'on doit faire ceci ou cela. On dit que c'est un des éléments du contenu canadien d'après la Loi sur la radiodiffusion. C'est certain que c'est inclus mais il y a plusieurs objectifs à poursuivre. Nous aurons à vraiment équilibrer les éléments.

Nous n'avons mis de l'avant aucune proposition à ce sujet. De toute façon, le processus public concernant le contenu canadien est avant tout une architecture de politiques. C'est au moment de regarder le renouvellement des licences de chacun des joueurs que nous pourrons mettre les éléments en opération. Je vous avoue qu'à première vue, lorsqu'on en discute, il n'y a aucune position selon laquelle il faut absolument trouver une façon différente de le faire par rapport à Radio-Canada ou à un des autres groupes.

Lors de l'attribution des licences et en raison des conditions contenues aux licences, le conseil a déjà obligé les détenteurs de licence à offrir aux téléspectateurs le cinéma canadien.

[Traduction]

Mme Baldwin: Il y a d'autres questions à examiner au sujet des films diffusés à la télévision, et deux en particulier. L'une d'entre elles est la violence qu'on trouve habituellement dans les films, et c'est un aspect qui est important pour déterminer le traitement du cinéma à la télévision et le nombre de films qui seront diffusés à la télévision canadienne, compte tenu des restrictions en vigueur.

La deuxième question a trait au genre de films que les diffuseurs sont prêts à mettre à l'horaire pour se distinguer des autres diffuseurs et attirer des téléspectateurs. Certains films ne conviennent pas au genre d'émissions qu'un diffuseur veut mettre en ondes. Différents éléments peuvent entrer en ligne de compte à ce sujet.

M. Colville: La rapidité avec laquelle l'industrie canadienne de la câblodistribution va se convertir au mode numérique est aussi un facteur à prendre en considération. Comme Mme Bertrand l'a indiqué, avec la télévision payante, la télévision à la carte et, maintenant, la radiodiffusion directe du satellite au foyer, nous offrons une forme de vidéo sur demande. Jusqu'à 50 p. 100 des abonnés achètent ces services. Dans un système analogique, la pénétration de ces services est d'environ 12 à 15 p. 100 en raison des coûts élevés des coffrets d'abonnés.

Si les services de câblodistribution étaient numérisés d'un bout à l'autre du pays, il est probable que la popularité de ces services, qui offrent surtout des films, augmenterait. L'industrie cinématographique canadienne serait ainsi énormément favorisée, parce que les services s'engagent à acheter tous les films canadiens produits au cours d'une année. Ça donnerait vraiment un coup de pouce à l'industrie.

Le fait que l'industrie de la câblodistribution soit lente à se convertir au mode numérique est un facteur. À cela vient s'ajouter la lenteur avec laquelle sont développés aux États-Unis les coffrets d'abonnés numériques.

Le sénateur Johnson: Je m'intéresse aux audiences publiques régionales que vous organisez. J'aimerais savoir quand elles vont commencer, qui va y participer et ce que vous espérez y apprendre. En particulier, comment allez-vous traiter de la question de la privatisation si elle est soulevée au cours du processus de consultation?

Mme Bertrand: Nous organisons deux genres d'audiences régionales et je ne sais pas exactement de quelles série d'audiences vous parlez. Dans un cas, il sera questions des aspects coûteux de la prestation des services de télécommunications dans les régions éloignées et dans les régions rurales. Dans l'autre cas, on tiendra des assemblées publiques dans différentes régions pour discuter du contenu canadien.

Le sénateur Johnson: Je parle des assemblées publiques, mais les deux séries d'audiences sont quand même interreliées.

Mme Bertrand: Non. Bien, elles le sont dans le sens où nous offrons à la population canadienne l'occasion de discuter du contenu canadien dans les audiences sur les coûts des services. Je ne suis pas sûre de comprendre le lien que vous faites entre le contenu canadien et la privatisation.

Le sénateur Johnson: C'est un sujet dont le grand public discute. La question de la privatisation est soulevée dans les groupes de discussion.

Mme Bertrand: Nous avons annoncé l'examen public de nos politiques et la tenue d'audiences publiques à la fin septembre; nous avons aussi lancé un appel à tous intéressés qui peuvent nous communiquer leurs observations d'ici la fin du mois.

Parallèlement, nous pensons qu'il est très important pour les Canadiens que nous trouvions de nouveaux moyens de communiquer avec la population. Nous avons souvent constaté, surtout dans les audiences publiques, que le grand public est gêné de venir nous rencontrer.

Nous allons tenir des assemblées publiques dans tout le Canada au cours des six prochaines semaines pour que la population vienne nous rencontrer de façon informelle. Il n'est pas nécessaire de produire un mémoire pour prendre la parole; il suffit de nous avertir de sa présence 24 heures à l'avance. Nous ne placerons pas les gens dans une situation intimidante. Il n'y aura pas d'employés, d'avocats et de consultants comme dans les audiences publiques officielles. Nous avons organisé ces assemblées pour inciter le grand public à venir nous donner son point de vue.

Nous avons tenu des audiences publiques à Whitehorse et à Prince George la semaine dernière et personne n'est venu discuter du contenu canadien. Cette semaine, nous serons à Grande Prairie et à Prince Albert et, autant que je sache, personne n'a manifesté l'intention de venir discuter de la question. Par contre, nous serons à Calgary vendredi et, là apparemment, beaucoup de gens ont manifesté leur intention d'assister à la rencontre.

Le sénateur Johnson: Vous allez traverser le pays?

Mme Bertrand: Oui.

Le sénateur Johnson: Vous voulez vraiment entendre parler du contenu canadien?

Mme Bertrand: Oui.

Le sénateur Johnson: De quoi demandez-vous aussi aux gens de parler? Ou ne faites-vous que les écouter?

Mme Bertrand: Nous les écoutons.

Le sénateur Johnson: Vous ne faites qu'écouter?

Mme Bertrand: Oui, uniquement écouter.

Le sénateur Johnson: Nous étudions pas mal les mêmes sujets que ceux qui vont faire l'objet de vos audiences publiques pendant un certain temps. Nous pouvons comparer nos conclusions avec les vôtres, parce que vous allez rencontrer des gens de tous les coins du pays et que nous aussi nous rencontrons des témoins.

Certains prétendent que bon nombre des fonctions actuelles du CRTC vont s'atrophier et seront reprises par le Bureau de la concurrence. Êtes-vous d'accord là-dessus, et quel rôle le CRTC jouera dans l'avenir par rapport au Bureau de la concurrence?

M. Colville: Il en a été question la dernière fois que je suis venu ici. Il est vrai que nous avons ouvert les marchés à la concurrence. Nous avons décidé de déréglementer en grande partie le marché à grande distance. Nous avons maintenu quelques dispositions, celles sur la protection des renseignements personnels des consommateurs et sur quelques autres sujets, mais il y a un certain nombre d'éléments que nous ne réglementons plus.

Cette situation sème probablement un peu la confusion parmi des membres de l'industrie et dans la population. En effet, à qui s'adresse-t-on quand il y a un problème? Au CRTC ou au Bureau de la concurrence? Nous avons convenu tous les deux d'examiner le problème et d'essayer d'établir des paramètres ou des lignes directrices.

On ne sait pas encore clairement s'il y aura déréglementation complète d'un marché donné, et donc prise en charge par le Bureau de la concurrence. Compte tenu de l'évolution de la concurrence au Canada, il faudra, à mon avis, un certain temps avant que la concurrence dans le domaine des télécommunications entraîne la déréglementation complète et le transfert de responsabilités.

On a parlé des consultations régionales. Elles portent avant tout sur le coût élevé de la prestation des services de télécommunications dans les régions éloignées et les régions rurales. Je m'attends à ce que cette question reste soumise à un examen réglementaire. L'objectif est de s'assurer que les services de télécommunications restent abordables dans les régions où la concurrence ne sera probablement pas un facteur.

La présidente: Nous allons commencer une deuxième ronde de questions dans quelques minutes, mais j'aimerais d'abord poser une question.

[Français]

Dans nos rencontres avec les différents témoins, on s'est rendu compte que le Canada a une excellente réputation dans son infrastructure des communications en tant que telle, que ce soit dans les télécommunications ou dans la radiodiffusion.

On a aussi une excellente réputation au niveau de nos émissions. Des Américains nous ont dit qu'ils aimeraient en avoir plus. Donc on s'est rendu compte qu'au niveau du contenu, même si c'est un peu complexe, dans le domaine des multimédias, deux critères sont essentiels: la qualité du produit qu'on présente et la promotion qu'on en fait.

J'aimerais discuter avec vous de la qualité du produit et que l'on se projette en l'an 2020. Pour que nos produits en 2020 soient de première qualité, il faut que l'on s'assure du développement de nos écrivains, de nos chanteurs, de nos techniciens, de nos réalisateurs d'un bout à l'autre du pays, pas seulement à Toronto, Montréal ou Vancouver.

J'aimerais qu'on prenne deux exemples: This Hour Has 22 Minutes et Daniel Lavoie. En 1975, Daniel Lavoie grattait sa guitare à Winnipeg avec des bénévoles, mais il était diffusé en région par Radio-Canada à Winnipeg au Manitoba. Donc pendant un nombre d'années, lui et son équipe de musiciens, d'écrivains et de producteur ont eu l'occasion de se développer et de se voir, mais pas trop de se faire critiquer par les critiques nationaux ou internationaux. Il s'est développé tranquillement et c'est un talent supérieur.

Aujourd'hui, Daniel Lavoie a 53 ans ou 54 ans, il est très jeune, mais il est quand même mature et il a encore plusieurs années devant lui. Il est aujourd'hui reconnu sur la scène nationale et internationale, mais c'est grâce à un développement régional.

This Hour Has 22 Minutes en 1985 a commencé -- il est dommage que notre collègue le sénateur Rompkey soit parti -- à la station CBC de Terre-Neuve, à se produire avec une petite équipe et à tester son produit avec un auditoire régional pendant plusieurs années. On sait que cela prend plusieurs années de développement, cela ne se fait pas du jour au lendemain.

Une des plus belles histoires de succès dans les Maritimes est Anne Murray. Elle grattait sa guitare en 1970 avec un auditoire régional dans les Maritimes.

On est aujourd'hui en 1998. Il y a quelques jours, on a entendu dire que Baton Broadcasting, encore une fois, réduisait son personnel à Ottawa pour les émissions régionales à cause des besoins financiers. En 1990, la Société Radio-Canada a réduit ses infrastructure dans chaque région du pays. Je ne voudrais pas juger l'entreprise qui a été obligée de prendre ces décisions difficiles en 1990.

Nous avons en place l'infrastructure. Qu'est-ce que le CRTC va faire pour s'assurer qu'en 2020, à un moment donné où le Canada sera dans une situation financière beaucoup plus confortable, tous les talents canadiens pourront se développer dans la production de produits multimédias, partout au pays, tant au niveau de l'écriture que de la chanson et de la production?

Mme Bertrand: Malheureusement, je n'ai pas le livre de recettes et je ne peux pas vous rassurer sur les solutions. Par ailleurs, ce qui vous anime et qui vous importe est absolument la base de tout le travail que le conseil a fait dans son plan stratégique. Dans le plan de travail qu'on a présenté des trois prochaines années et qui a commencé l'an dernier, on est allé voir tout le monde partout au Canada pour dire: écoutez ce sont les question que nous nous posons.

On s'est dit peut-être qu'on ne pourra pas réglementer parfaitement comme on le fait maintenant mais on peut encore le faire. Il faut absolument se renforcer pour être capable de gagner davantage pour justement qu'en 2025, on soit encore plus fort et qu'il y ait encore plus de Anne Murray, de Céline Dion, de Daniel Lavoie et que tout le monde gagne ici et à l'extérieur.

Cela veut dire que chaque composante doit être renforcée, tant au régional qu'au national, si on veut gagner à l'international. Nous sommes engagés dans cette démarche. Je ne peux pas vous apporter la solution. C'est une démarche, il n'y a pas de réponse simple et c'est ce qu'on entame avec le contenu canadien.

La présidente: Vous avez dit que vous aviez l'intention justement d'inviter la Société Radio-Canada et CTV pour le renouvellement de leur licence de télévision au printemps 1999.

Est-ce qu'il serait raisonnable de s'attendre à ce que les questions que vous leur soumettez avant leur comparution assurent que ces éléments soient couverts?

Mme Bertrand: C'est certain. D'ailleurs, c'est pour cela qu'on va dans une démarche de pyramide inversé. On commence par des questions de politique systémique pour aller ensuite vers les renouvellements des licence. Quand on va étudier la demande de Radio-Canada, on s'est dit qu'on ne veut pas uniquement parler au vice-président de la planification stratégique du siège social. C'est certain qu'il va devoir venir nous expliquer son approche globale. On veut parler à Mme Fortin, on veut parler aux gens de la radio en français, on veut parler aux gens de la télévision en anglais. On veut vraiment décortiquer leur engagement pour le renouvellement de la licence pour qu'on puisse vraiment avoir un dialogue qui soit l'aboutissement de la démarche qu'on aura faite au plan de la politique globale.

[Traduction]

M. Colville: Vous soulevez une vaste question, celle du rôle des opérations régionales.

Vous avez parlé de l'émission This Hour Has 22 Minutes. Je viens de la Nouvelle-Écosse et j'ai participé à la création de la Nova Scotia Film Development Corporation. Nous avons investi pour mettre sur pied les Salter Street Productions, l'entreprise qui a lancé This Hour Has 22 Minutes et Codco. Sans le travail promotionnel acharné de Bill Donovan, qui était le directeur régional de CBC à l'époque, ces émissions n'auraient jamais été diffusées par la société d'État.

Les producteurs peuvent vous parler de tout le temps qu'ils passent à essayer de convaincre quelqu'un de diffuser leurs émissions sur le réseau. Sans des opérations régionales solides, à Radio-Canada ou dans les stations privées, ces programmes ne sortent pas des régions. Cette règle s'applique aussi à des émissions comme This Hour Has 22 Minutes, Codco, Theodore Tugboat, Street Cents, ou à celles qui mettent en vedette des musiciens comme Rita McNeil, Ashley MacIsaac, Rawlins Cross ou la famille Rankin.

La présidente: Je suis très heureuse de vous l'entendre dire, monsieur Colville.

Madame Bertrand, vous avez dit que le CRTC inviterait Mme Fortin, la vice-présidente du réseau français, ou M. Byrd, le vice-président du réseau anglais de Radio-Canada. Mais qu'en est-il des directeurs régionaux comme Bill Donovan?

La planification d'entreprise se fait au siège social à Ottawa, mais toutes les décisions de programmation sont prises à Toronto et à Montréal. Comment allez-vous stimuler la production régionale d'un bout à l'autre du pays?

Mme Bertrand: J'ai parlé de Mme Fortin et de M. Byrd parce que je les connais. Je ne peux pas vous nommer les autres responsables par leur nom, mais les directeurs régionaux seront invités parce que nous examinons la télévision sur une base régionale. Nous inviterons également les téléspectateurs canadiens à s'exprimer durant les assemblées régionales.

La présidente: Le CRTC a-t-il déjà demandé que certains budgets soient destinés à la réalisation de certains objectifs? Avez-vous déjà été aussi précis dans vos recommandations?

Mme Bertrand: Je ne suis pas sûre de comprendre ce que vous voulez dire.

La présidente: Radio-Canada a un budget global, disons de 800 millions de dollars, plus les recettes provenant de la publicité. Évidemment, son budget est ventilé. Le rapport annuel indique les sommes qui sont réservées au réseau français et celles qui sont réservées au réseau anglais. Il indique également les montants consacrés dans chaque région à la télévision française, par exemple.

Quand vient le moment de renouveler la licence d'un diffuseur privé ou public, le CRTC a-t-il déjà demandé que certains montants du budget soient réservés au développement régional?

M. Colville: Non, pas à ce que je sache. Il faudrait vérifier. Nous avons demandé à des diffuseurs privés de programmer certains genres d'émissions. Quand nous avons jugé qu'une catégorie d'émissions, comme les dramatiques, étaient sous-représentées, nous avons renouvelé la licence à la condition que certaines sommes soient consacrées à ce genre d'émissions. Je ne me rappelle pas qu'on l'ait fait sur une base régionale toutefois.

Mme Baldwin: Pour le renouvellement des licences, nous avons parfois demandé de produire un certain nombre d'émissions locales. On ne précisait pas nécessairement le montant d'argent à réserver à cette activité, mais il est évident qu'il faut dépenser certaines sommes d'argent pour produire le nombre d'émissions locales exigé.

La présidente: M. Colville a parlé des capitaux à investir pour lancer des émissions. Peu importe le nombre d'heures de productions locales que nous demandons à une région de diffuser, la qualité est toujours liée au budget que les décideurs -- les vice-présidents à la programmation -- sont prêts à accorder à un programme particulier dans une région donnée.

Mme Baldwin: Les lignes directrices du fonds de soutien à la production de programmation télévisuelle canadienne prévoient des primes pour la production régionale. Il est donc avantageux pour un producteur ou un diffuseur indépendant d'encourager les émissions régionales.

Mme Bertrand: Quand nous délivrons une licence, les conditions imposées ne visent pas à nous permettre de nous ingérer dans la gestion du diffuseur public ou privé. Ce qui ne veut pas dire que nous ne pouvons pas être précis dans des domaines comme la programmation régionale, comme vous l'avez dit. Les conditions visent à nous assurer que des mesures seront prises, mais pas à nous permettre de gérer à la place des programmeurs, qu'ils soient publics ou privés.

La présidente: Il est évident que vous respectez beaucoup les diffuseurs. Le comité estime toutefois que vous contribuez grandement à l'épanouissement des talents partout au Canada et c'est pourquoi nous étions impatients de vous rencontrer.

Mme Bertrand: Vous êtes probablement au courant de la décision que nous avons prise au sujet de la radio. On ne peut prendre la même décision dans le cas de la télévision, mais vous pouvez sûrement en conclure que l'intention et les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion sont les mêmes et que nous sommes déterminés à les appliquer.

Le sénateur Spivak: Pour revenir à la lenteur avec laquelle les câblodistributeurs se convertissent au mode numérique, Rogers a dit qu'il n'allait pas le faire. C'est un gros câblodistributeur qui compte plus de 2,2 millions d'abonnés. Vous avez dit que vous alliez autoriser de nouveaux canaux. Comment auront-ils accès aux écrans de télévision?

M. Colville: Ils n'y auront pas accès tant que nous n'aurons pas accru la capacité nécessaire pour permettre à ces nouveaux canaux d'offrir leurs services.

Le sénateur Spivak: Vous dites ne pas être pressés de l'accroître.

M. Colville: Certains participants disent qu'ils sont prêts à attendre que nous ayons la capacité voulu. Shaw Cable, par exemple, dépense et installe des coffrets d'abonnés numériques à bien des endroits.

Nous savons que les fournisseurs de SRD fonctionnent en mode numérique et ont de la place. Quand les SDMM fonctionneront en Ontario et au Québec, la capacité sera accrue. Il est à espérer que l'augmentation de la concurrence aura un effet stimulant sur les câblodistributeurs, ce qui permettra peut-être d'accélérer les choses.

Le sénateur Spivak: Quel est l'échéancier? Quand aurons-nous ces services? Nous en entendons parler depuis longtemps.

M. Colville: Nous nous posons les mêmes questions. C'est un dossier en cours depuis 1993. À ce moment-là, l'industrie de la câblodistribution promettait que les coffrets d'abonnés numériques seraient disponibles dans un an ou deux.

Comme je l'ai dit plus tôt, le problème est en partie attribuable au développement de la technologie. C'est comme dans le cas des ordinateurs. Une fois qu'on a mis au point un coffret, quelqu'un en invente un meilleur qui combine deux technologies. Les câblodistributeurs sont portés à attendre l'arrivée de la prochaine génération au lieu de dépenser des millions de dollars sur la technologie actuelle. C'est une question difficile à répondre.

Le sénateur Spivak: Dans votre document de vision, à la rubrique «Soutenir le rôle distinctif de la radiodiffusion publique», il est question de l'aide à TVNC, la politique du troisième réseau. Qu'est-ce que c'est et comment cette initiative contribue-t-elle à soutenir le rôle distinctif de la radiodiffusion publique?

Mme Bertrand: Comme vous le savez, on nous a demandé l'an dernier d'examiner la possibilité d'autoriser la création d'un troisième réseau. Nous avons tenu des audiences publiques sur le sujet. Après avoir analysé les informations recueillies, nous avons conclu qu'il n'était pas vraiment dans l'intérêt public de donner suite à ce projet. Le réseau TVA a demandé la possibilité de diffuser à l'échelle nationale et ses représentants seront entendus lors d'une audience publique qui aura lieu en juillet.

Le réseau TVNC peut diffuser dans le Sud et aussi atteindre les populations autochtones où qu'elles se trouvent au Canada. La demande n'a pas encore été reçue, mais nous avons entendu dire qu'elle était en voie de préparation. Nous la recevrons bientôt et nous pourrons tenir une audience publique comme celle qui aura lieu pour TVA.

Nous estimons que le réseau TVNC contribuera à atteindre les objectifs de diversité prévus dans la Loi sur la radiodiffusion.

Le sénateur Spivak: Selon le document «Vision: Calendrier des activités», vous dites que vous allez examiner la contribution des réseaux anglais et français de télévision de la SRC au printemps de 1999, à la rubrique «Soutenir le rôle distinctif de la radiodiffusion publique». Est-ce à dire que la Société Radio-Canada aura un financement stable de plusieurs années? Est-ce ce que vous envisagez?

Mme Bertrand: À la fin d'avril, nous inviterons tous les directeurs régionaux à comparaître devant nous. Nous inviterons aussi les représentants de la radio, pour discuter des licences de chaque station.

Il n'appartient pas au CRTC de discuter de financement.

Le sénateur Spivak: Comment soutenez-vous le rôle distinctif de la radiodiffusion publique? Vous l'évaluez évidemment; vous y contribuez par vos paroles et vos gestes, et votre financement contribue aux activités d'un réseau public. À bien des égards, les Américains ont détruit la radiodiffusion publique. Je suis curieuse de connaître le contexte d'ensemble à ce sujet.

Mme Bertrand: D'après la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC croit fermement que le Canada et le système de radiodiffusion offrent des atouts importants, grâce au fait que les secteurs public et privé se complètent. Le secteur public est le berceau du système de radiodiffusion du Canada et nombreux sont ceux qui le reconnaissent.

Nous nous demandons, si à l'aube du prochain siècle, il est suffisant de dire qu'un diffuseur est public. Comment les diffuseurs publics et privés peuvent-ils mieux jouer leur rôle? Comment peuvent-ils collaborer pour fournir aux Canadiens les meilleurs services possibles? Ce sont les questions que nous nous posons.

Il faut envisager leur rôle au niveau local et régional. Nous avons parlé d'encourager la découverte des talents, de leur permettre d'être vus. L'appui des séries dramatiques a sûrement été très important au cours des ans. Est-ce encore le rôle que nous attendons de la SRC? Devrait-elle jouer un rôle différent? Y a-t-il suffisamment de documentaires? Y a-t-il assez d'émissions pour enfants?

Si les émissions pour enfants sont de qualité au Canada aujourd'hui, c'est grâce au rôle important joué par TVO, et par Radio-Québec. L'initiative dans ce domaine a été prise par les diffuseurs publics toutefois.

À l'aube de 1999, nous devons examiner le rôle des diffuseurs publics. Ont-ils toujours une place? Doivent-ils ajouter de nouvelles dimensions à ce qui existe?

Le sénateur Spivak: Ce que vous me dites me rassure un peu. Après tout, la radiodiffusion publique aux États-Unis s'est fait damer le pion par les grosses entreprises. C'est pourquoi certaines émissions controversées n'ont jamais été diffusées, même si elles étaient remarquablement bien faites.

Je crois que le système est différent au Canada. Il nous permet en effet de diffuser des dramatiques et des documentaires controversés, ce qui ne serait pas possible sous le régime du système privé. Je demande que l'on me rassure à cet égard et que l'on me dise que cela ne disparaîtra pas. Bien sûr, il faut des fonds pour cela. Le CRTC n'est pas responsable du financement, mais il a certainement un rôle à jouer dans tout ce processus; vous m'avez donc rassurée en quelque sorte.

Le sénateur Perrault: À mon avis, il importe d'avoir une industrie de radiodiffusion saine, prospère et vigoureuse, qu'elle soit publique ou privée. Je me demande si vous pourriez nous parler de la fragmentation -- de l'atomisation en fait -- des marchés de radiodiffusion dans notre pays. Je refuse de croire qu'ils font tous de l'argent.

Dans ma région d'origine, la Colombie-Britannique, j'ai bien peur qu'une ou deux opérations seulement ne soient rentables. Avez-vous des statistiques sur la santé de l'industrie au Canada, par région?

Mme Bertrand: Bien sûr. Je ne peux pas citer de mémoire les statistiques sur la télévision, mais je me souviens bien de celles de la radio, car nous venons de terminer un long processus à ce sujet à la fin d'avril.

La radio connaît des problèmes depuis presque 10 ans, surtout la radio AM. Ces deux dernières années, toutefois, la situation s'est nettement améliorée.

Le sénateur Perrault: Prenez Vancouver, par exemple. Est-ce que toutes les stations de Vancouver font de l'argent?

Mme Bertrand: Je n'ai pas cette information.

Le sénateur Perrault: J'aimerais bien le savoir. Dans certains cas, elles doivent avoir vraiment beaucoup de mal à respecter les engagements qu'elles ont pris envers le CRTC au moment où elles ont obtenu leur licence. Au fil des ans, j'ai été témoin de ce processus. J'ai déjà travaillé de près avec cette industrie et je suis au courant de certains des engagements envers les responsables de la réglementation. Certaines des stations n'ont pas rempli le mandat qui leur avait été confié, c'est malheureux.

Mme Bertrand: La plupart d'entre elles l'ont rempli.

Le sénateur Perrault: Elles respectent leurs engagements?

Mme Bertrand: Oui.

Le sénateur Perrault: Je n'ai rien en principe contre les stations de radio, mais la radio semble être devenue une discothèque automatique fonctionnant 24 heures par jour. Les stations sont dotées de tourne-disques automatiques et dans certains cas, le personnel est licencié et il ne reste que trois personnes pour s'occuper de la radiodiffusion. C'est bien ce qui se passe, n'est-ce pas?

Mme Bertrand: Oui.

Le sénateur Perrault: Est-ce vraiment l'image que vous voulez créer, ou est-ce vraiment le genre d'émissions que vous souhaitez au Canada?

Mme Bertrand: Il faut faire la distinction entre les stations AM et les stations FM ainsi que les stations numériques à venir. Il y a des différences d'un marché à l'autre et d'un radiodiffuseur à l'autre.

Le sénateur Perrault: Dans quelle mesure les stations sont-elles surveillées par le CRTC? Vous rendez-vous dans les stations pour savoir ce qu'elles diffusent et combien d'heures sont consacrées à la discothèque automatique?

Mme Bertrand: Le Conseil fédéral des communications dispose d'un personnel permanent de surveillance, contrairement à nous. Dernièrement, nous avons surveillé de près la radio, car nous faisions un examen public de la politique en matière de radio.

Le sénateur Perrault: C'est encourageant. Est-ce que Vancouver est un marché important?

Mme Bertrand: Certainement.

Le sénateur Perrault: En regardant la liste des conseillers à plein temps, je m'aperçois que la Colombie-Britannique est la seule province qui ne figure pas sur cette liste.

Mme Bertrand: Nous avons une conseillère à Vancouver, Cindy Grauer, qui est très active et qui s'occupe précisément de la Colombie-Britannique et du Yukon.

Le sénateur Perrault: C'est une personne très talentueuse et j'aimerais voir son nom sur cette liste.

Mme Bertrand: La liste n'a pas encore été mise à jour, mais cela devrait se faire sous peu. Elle est arrivée au conseil au cours de l'automne et ce document a été préparé en septembre, avant son arrivée.

Le sénateur Perrault: Je vous remercie de ces éclaircissements. J'ai été témoin d'une révolution technologique la semaine dernière, lors du référendum en Irlande du Nord. J'ai suivi le tout par ordinateur -- et en couleurs. Lorsque la dernière boîte de scrutin a été ouverte et que l'annonce des résultats a été faite, je me suis dit: «Nous n'arrêtons plus le progrès, nous allons bientôt avoir le plein écran.» Je suis sûr que c'est uniquement une question de temps, même si la qualité mérite d'être améliorée. C'est à mon avis formidable d'avoir le BBC World Service sur la CBC. Il est question d'événements qui ne sont pas habituellement couverts par la télévision nord-américaine. J'ai regardé le référendum pendant cinq heures, parce que cela m'intéressait.

Cette technologie peut donner de véritables cauchemars en matière de réglementation, toutefois. Quelle voie allez-vous suivre? Avez-vous fait des recherches dans ce domaine ou savez-vous l'impact que cela pourrait avoir sur les communications?

M. Colville: L'impact sur l'ensemble des communications va être énorme. Comme nous l'avons indiqué plus tôt, nous allons examiner tout le domaine des nouveaux médias, y compris l'Internet. Nous allons envisager l'impact que cela aura sur notre capacité de réglementation, ainsi que sur la façon dont nous pouvons garantir aux artistes et aux réalisateurs canadiens l'accès aux médias.

Le sénateur Perrault: Vous avez de toute évidence conscience du problème.

M. Colville: Nous avons prévu de nous pencher sur la question au cours de l'automne.

Le sénateur Perrault: Nous avons entendu parler d'une averse très dangereuse de météorites qui devrait s'abattre sur la terre dans quelques semaines. Cela pose-t-il un problème technique? Vous ne pouvez bien sûr pas dévier les météores de leur trajectoire, mais de quel genre de systèmes de secours disposent nos radiodiffuseurs?

M. Colville: Télésat a plusieurs satellites qui ont connu des problèmes dans le passé, comme vous le savez, et qui sont toujours là, en quelque sorte.

Le sénateur Perrault: Y a-t-il moyen de les réparer?

M. Colville: Il est impossible de récupérer la capacité perdue. Télésat a toutefois fait tout le nécessaire pour stabiliser les satellites à partir du sol à l'aide de la technologie informatique. Le fait est que l'on a perdu énormément de capacité de ces satellites.

En cas de défaillance du satellite Télésat, nous avons une entente avec les distributeurs américains par satellite permettant d'avoir accès à leur capacité. Je ne sais si cette averse aura un effet sur eux ou non.

Le sénateur Perrault: Personne ne le sait. Le succès de l'industrie dépend fondamentalement de la distribution des bandes vidéo des productions cinématographiques canadiennes. Vous parlez de l'essor des ventes des produits canadiens à l'étranger, mais nos productions télévisées peuvent-elles percer le marché d'autres pays? On ne peut réaliser de profits que si l'on dispose d'un bon réseau de distribution. Avons-nous des problèmes avec un pays en particulier ou avec plusieurs?

Mme Baldwin: Les États-Unis sont le pays dont le marché est le plus difficile à percer. Il n'y a peut-être pas d'obstacle particulier, mais les règles sont plus sévères que les nôtres en ce qui concerne la propriété. Comme nous l'avons toujours dit, la propriété est l'un des principes déterminant la nature du produit.

Si une station appartient à un Canadien, ce sont des produits canadiens qui en général auront la préférence. Si le propriétaire est américain, il peut fort bien dire que ses clients souhaitent un produit américain, mais c'est à lui que revient la décision finale. Il serait très intéressant que davantage de produits canadiens percent ce marché afin que les consommateurs américains disposent d'un véritable choix.

Le sénateur Perrault: Le gouvernement du Canada pourrait-il prendre des mesures dans le but d'améliorer la position de notre pays sur le marché américain? Après tout, le libre-échange était censé offrir toutes sortes d'avantages, mais les réalisateurs de film n'en ont pas tiré autant profit que d'autres secteurs.

Mme Baldwin: En ce qui concerne les réalisateurs de film et les réalisateurs indépendants d'émissions télévisées, la promotion représente l'un des principaux éléments et c'est quelque chose dont l'industrie peut se charger elle-même. La programmation est souvent vendue à des festivals, comme le festival de Banff la semaine prochaine, où les meilleurs produits canadiens jouissent ainsi d'une certaine visibilité. Ce genre d'initiative facilite énormément les choses.

Mme Bertrand: Même s'il est vrai que le marché américain est le plus difficile à percer, nous avons connu plusieurs réussites.

Le sénateur Perrault: C'est une bonne nouvelle.

Mme Bertrand: Nelvana a été vendu aux États-Unis ce printemps. Je me trouvais en Californie lorsque cette vente a été annoncée et les Américains étaient très mécontents, car ils pensaient que cela leur enlevait une part du marché qu'ils auraient préféré garder.

Le Canada se classe au deuxième rang mondial des distributeurs d'émissions pour enfants et de documentaires, ce qui n'est pas un fait très connu. Bien sûr, il ne s'agit pas de 25 p. 100 du marché international -- il s'agit davantage de 4 ou de 5 p. 100 du marché -- mais il vaut la peine de le mentionner.

Le sénateur Perrault: Les Français sont-ils xénophobes au sujet de la production de films français? Il me semble que la vente en France de films canadiens de langue française serait une très bonne affaire.

Mme Bertrand: Les productions du Québec connaissent presque autant de succès en France que les produits du Canada anglophone aux États-Unis. C'est aussi difficile, mais nous avons quelques réussites à notre actif. Nous avons vendu Emilie, Omniscience. Il est plus facile de vendre des documentaires et des émissions pour enfants. Les oeuvres de fiction et les dramatiques sont très difficiles à vendre si elles n'ont pas l'air américaines. Même lorsque nous en vendons en France, nous devons les traduire afin de reproduire l'accent français.

Le sénateur Perrault: Ce n'est pas très juste. Les films britanniques arrivent ici sans que l'accent n'en soit modifié.

Le sénateur Spivak: Si, dans certains cas.

Le sénateur Perrault: Je ne le savais pas.

Il y a des gens qui m'écrivent pour me dire que nous devrions permettre la diffusion de l'émission Mother Angelica Live de Ironside (Alabama) sur l'un de nos nombreux canaux au Canada. D'après eux, nous permettons la diffusion de musique western, de films semi-pornographiques, d'événements sportifs, et cetera, tandis que nous n'avons qu'un canal pour les émissions religieuses. Allons-nous avoir des canaux qui répondent aux exigences des Canadiens juifs, des Canadiens musulmans, des Canadiens catholiques, et cetera? Pourquoi n'avons-nous qu'un seul canal pour les émissions religieuses?

Mme Baldwin: Nous attendons simplement les demandes. Nous ferions certainement bon accueil aux demandes de sociétés canadiennes qui souhaiteraient un canal pour les émissions religieuses dans la mesure où les critères de notre politique sur la radiodiffusion d'émissions religieuses sont respectés, c'est-à-dire qu'il faut assurer un équilibre entre les diverses religions dans le cadre des émissions.

Le sénateur Perrault: Les canaux d'émissions religieuses doivent refléter une grande diversité de croyances religieuses?

Mme Baldwin: C'est exact.

Le sénateur Perrault: Aux États-Unis, la philosophie est différente, n'est-ce pas?

Mme Bertrand: Effectivement.

Le sénateur Perrault: Vous êtes fondamentalement contre et c'est pour moi difficile à comprendre.

Mme Bertrand: Notre politique suit la Loi sur la radiodiffusion et répond aux exigences en matière de diversité et d'équilibre. C'est vraiment ce qui fait la force des valeurs canadiennes. Par contre, il est évidemment difficile pour un canal de ne représenter qu'une seule confession.

Le sénateur Perrault: Imaginons que l'Église pentecôtiste utilise un satellite et radiodiffuse ses messages à ses adeptes. Elle ne cherche pas à faire du prosélytisme, puisqu'il faut être abonné au canal pour recevoir ces émissions; cela ne fait pas partie des programmes de base et il faut donc payer pour s'abonner. Il me semble qu'une telle approche ne risquerait pas d'offenser quelque autre confession que ce soit. Si les gens de confession différente étaient prêts à payer pour avoir accès aux canaux qui leur seraient réservés, en quoi cela poserait-il un problème de déséquilibre?

La présidente: Nous allons céder la parole au sénateur Bacon, car je crois que nos témoins souhaitent réfléchir à la question, voire même revenir plus tard pour y répondre.

[Français]

Le sénateur Bacon: J'ai eu le plaisir de rencontrer des représentants de l'Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan la semaine dernière. Évidemment, ils se plaignent qu'ils ont peu de choix en matière de télévision francophone dans l'Ouest. Est-ce que le CRTC dispose de certains pouvoirs pour s'assurer que les minorités françaises aient des émissions ou une télévision diversifiée?

Mme Bertrand: Il est certain qu'au niveau des services de base, Radio-Canada doit être véhiculé. On envisage la possibilité que TVA soit sur le service de base sur le plan national; on tiendra une audience à ce sujet. On ne peut pas dire, à ce moment, quelles en seront les conclusions.

Mais nous avons eu une approche des règles de distribution. Le câblodistributeur, à l'époque du monopole, avait la possibilité d'offrir les services selon la majorité de sa clientèle potentielle.

Il est certain que les données se modifient avec la capacité technologique qu'offira le numérique, mais on n'y est pas tout à fait. Maintenant si on pense à DTH et à MDS, on le voit déjà. Les gens de Star Choice et de ExpressVu offrent dans l'Est du pays -- pas encore à l'ensemble du pays à cause de la capacité satellitaire -- la possibilité d'un bouquet de programmes français beaucoup plus intéressants que ce qui a été traditionnellement offert.

On a comparu au comité sur les langues officielles et on est activement à étudier, par exemple, toute la notion des marchés bilingues et à voir comment on peut augmenter les services avec ce qui pourra éventuellement provenir d'une capacité technologique plus grande. On ne peut pas se le cacher, si on est francophone dans un marché majoritairement anglophone, l'offre de langue française est très mince au niveau des services analogiques.

Le sénateur Bacon: Dans l'énoncé de vision du CRTC publié en septembre dernier, votre organisme a mentionné l'importance de concevoir une approche internationale globale pour assurer une pluralité des voies dans le monde de la télécommunication. Vous faisiez part aussi de votre désir de travailler avec d'autres organismes de réglementation nationaux. Quelle forme doit prendre ce genre de collaboration? Est-ce qu'elle est déjà commencée?

Mme Bertrand: Oui. Nous sommes soutenus par l'Institut international des communications, par le ministère du Patrimoine, par le ministère de l'Industrie et par des entreprises privées. Une proposition a été faite dans le cadre de cette association pour créer un forum des organismes de réglementation et on a tenu une première réunion au mois de septembre dernier à Sydney. Le Canada préside ce forum. On a tenu une rencontre au mois de mars à Londres pour intéresser davantage les pays européens et nous allons à Rome pour notre rencontre annuelle au mois d'octobre.

On veut faire en sorte qu'il n'y ait pas d'intention de se mettre à réglementer sur le plan international. C'est vraiment un forum d'échanges des meilleures pratiques et entre autre choses, nous parlons de façon très précise des nouveaux médias, de nouvelles approches. Nous essayons de nous bâtir internationalement pour le bien de chacun des organismes et éventuellement pour chacun des pays. Nous discutons de l'état du monde par rapport à l'arrivée de Internet et dans quelle mesure cela devient la nouvelle plate-forme de la convergence.

Je regarde Susan Baldwyn et M. Foster avec qui l'on travaille très sérieusement. Une vingtaine de pays participe. L'intention était de renforcer les dialogues et les alliances à notre niveau.

La présidente: Malheureusement, notre temps est écoulé et on apprécie énormément l'attention que vous avez portée à nos questions.

Comme vous le constatez, notre objectif de revoir la position internationale concurrentielle du Canada dans le domaine des communications en général, notamment l'importance des communications au Canada sur les plans économique, social et culturel, vous implique énormément. On vous remercie.

Mme Bertrand: Nous serons très heureux de continuer à collaborer.

La séance est levée.


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