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Sous-comité des communications

 

Délibérations du sous-comité des
Communications

Fascicule 7 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 17 juin 1998

Le sous-comité des communications du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 16 h 30 pour étudier la position internationale concurrentielle du Canada dans le domaine des communications en général, et notamment étudier l'importance des communications au Canada sur les plans économique, social et culturel.

Le sénateur Marie-P. Poulin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous avons le plaisir d'accueillir M. Stein et Mme Roscoe. Je voudrais vous présenter mes collègues qui sont avec moi aujourd'hui. Les sénateurs Lise Bacon, Janis Johnson, et Bill Rompkey se joindront à nous dans quelques minutes. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire. Comme vous le savez, nous poursuivons notre étude de la position internationale concurrentielle du Canada dans le domaine des communications, y compris l'importance des communications au Canada sur les plans économique, social et culturel. Nous savons que Shaw Communications a des recommandations à formuler à ce sujet et possède une vaste expérience dont vous pourrez nous faire profiter. Vous aiderez ainsi notre sous-comité à faire des recommandations qui serviront les intérêts de tous les Canadiens.

M. Ken Stein, premier vice-président, Affaires corporatives et réglementaires, Shaw Communications Inc.: Je voudrais tout d'abord vous remercier, madame la présidente, ainsi que vos collègues, de nous avoir invités. Même si j'ai mon bureau à Toronto tandis qu'Elizabeth a le sien à Ottawa, notre entreprise est établie à Calgary. Nous voulons toujours être certains que tout le monde comprend bien ce que nous essayons de faire.

Mike Ferris, qui vient de se joindre à Shaw Communications et qui travaillait jusque-là pour le CRTC, nous accompagne aujourd'hui. Nous avons préparé un mémoire que nous allons vous présenter rapidement. La version française n'était pas tout à fait prête, mais nous vous la ferons parvenir au début de la semaine prochaine au plus tard. Nous sommes désolés de ce retard.

Nous avons préparé une présentation et j'ai pensé que nous pourrions aborder certaines questions en fonction du travail que vous avez accompli, qui contribue dans une large mesure à la façon dont la politique est élaborée au Canada en ce qui concerne les télécommunications, la radiodiffusion et l'information. Je pense que le Canada a, de façon générale, une bonne politique en matière de radiodiffusion et de télécommunications et cette politique a contribué à notre succès.

Nous voudrions exprimer notre opinion à l'égard des changements dans la réglementation. Nous allons décrire la stratégie de compétitivité que Shaw a adoptée pour faire face à ces changements de même qu'à l'évolution du contexte mondial sur le plan des télécommunications et de la radiodiffusion. Nous allons examiner certaines des tendances que nous constatons dans l'ensemble de l'industrie des communications ainsi que les défis qu'il faudra relever à l'avenir.

Le premier diagramme porte sur la réglementation. C'est le contexte dans lequel s'est développé le secteur de la radiodiffusion, de la câblodistribution et des télécommunications au Canada et dans la plupart des pays. John Malone, le p.d.g. de TCI, a déclaré que le point commun des entreprises de télécommunications et de radiodiffusion dans le monde était qu'elles étaient réglementées. C'est peut-être de façon différente, mais elles sont toutes réglementées.

Les Américains trouvent peut-être que la politique de réglementation canadienne est bizarre et stupide, et il se peut que nous pensions la même chose de la leur, mais nous avons tous une certaine façon de réglementer les télécommunications. La raison en est fort simple: elles jouent un rôle essentiel dans chaque pays, que ce soit la BBC en Grande-Bretagne, la Deutsche Werke Telecommunications Systems, en Allemagne, NHK au Japon ou des sociétés canadiennes comme BCE ou Shaw. Nous jouons un rôle essentiel dans les collectivités que nous desservons. Je crois que le public s'intéresse de très près à ce que nous faisons, et nous l'acceptons.

De toute évidence, la situation évolue par rapport à cet environnement très réglementé où tout était contrôlé. Le gouvernement contrôlait l'accès aux nouvelles entreprises dans notre secteur de même que les relations entre les fournisseurs. Les clients devaient plus ou moins se contenter de ce qu'on leur offrait et n'avait pas beaucoup d'options. Mais c'est un contexte qui a également donné de bons résultats puisque nous avons réussi à bâtir au Canada une industrie prospère de la radiodiffusion et de la production.

C'est ce qui a contribué en grande partie au succès de sociétés comme Atlantis et Alliance. Au Festival de la télévision qui a eu lieu à Banff, la semaine dernière, un Américain à qui l'on posait une question sur la programmation pour les enfants a d'ailleurs déclaré: «En fait, sur ce plan-là, nous nous intéressons davantage à ce qui se fait au nord de la frontière».

Nos compétences sont reconnues sur la scène internationale. C'est évident à des festivals comme celui de Banff, par exemple, où des gens du monde entier sont venus voir ce qui se passe dans notre secteur et en discuter dans un contexte canadien.

Comme le montre clairement le prochain diagramme, maintenant que nous nous dirigeons vers une situation concurrentielle, de nombreux nouveaux arrivants entreront librement sur le marché. On se souviendra du débat qui a eu lieu lorsque Bell Canada a annoncé la mort du réseau téléphonique au Canada lorsque CallNet a commencé à offrir des services de gros. Le CRTC craignait beaucoup pour son autorité.

Le ministère des Communications voulait ce qu'il appelait une compétitivité organisée, une transition bien orchestrée vers la concurrence. La transition vers la concurrence ne peut jamais être bien orchestrée. La concurrence vient d'une petite entreprise venue de nulle part qui décide tout à coup de prendre votre place.

Les nouveaux arrivants comme Charles Sirois ou Jim Shaw n'ont pas voulu que leur champ d'activité soit limité. Nous ne voulions pas être connus comme des entreprises de radiomessagerie ou de câblodistribution; nous voulions offrir davantage de choix.

Les nouveaux arrivants étaient très entreprenants. Les grandes sociétés le sont devenues également; ne serait-ce que pour pouvoir survivre, elles ont commencé à trouver de nouvelles façons de faire.

Le financement est très important. Nous avons passé l'année dernière à travailler très fort pour obtenir un meilleur financement et nous y sommes parvenus. Le financement et la possibilité de choisir le créneau qui nous intéresse vraiment et dans lequel nous excellons sont des facteurs essentiels.

Les gens veulent le meilleur service qui soit dans le secteur des télécommunications et de la radiodiffusion et c'est particulièrement vrai pour les Canadiens. Les gens de toutes les régions estiment avoir droit aux meilleurs choix et aux meilleurs services qui soient.

Ces nouveaux arrivants sont accompagnés de divers fournisseurs: des fournisseurs d'Internet, des fournisseurs de programmation pour les créneaux spécialisés, de nouveaux services audio, des services de musique numérique et de nouveaux services de télévision. Depuis quatre ou cinq ans, nous avons assisté à la création d'une industrie pratiquement nouvelle au Canada, une industrie tout à fait canadienne et qui connaît un grand succès.

Depuis quatre ans, nous avons lancé davantage de services de télévision qu'au cours de toute notre histoire. Toute une gamme de nouveaux arrivants créent une nouvelle concurrence dans notre secteur.

Les clients ont maintenant davantage de choix grâce aux antennes paraboliques. Le câble canadien est difficile à battre. Matthew et moi-même avons eu souvent des petites discussions à ce sujet. Étant donné la façon dont les services de câblodistribution se sont développés au Canada, nous croyons qu'ils peuvent offrir la même chose que les services américains, mais à un prix nettement inférieur. Nous sommes forts dans ce domaine. Nous savons toutefois que la concurrence arrive, surtout pour ce qui est des nouveaux services.

La solution consiste à faire ce que nous appelons «sortir de notre boîte». Il ne faut pas se faire connaître comme une entreprise de câblodiffusion, de téléphone ou de radiodiffusion. Le modèle que nous avons établi pour notre société est représenté dans le graphique suivant. Shaw Communications Inc. est une entreprise diversifiée de divertissement, d'information et de communications. Nous voulons avant tout être «des gens qui fournissent de l'information et des divertissements à d'autres gens».

Nous avons remporté beaucoup de succès à Toronto et à Calgary, y compris auprès des petites collectivités, dans les marchés que nous desservons. L'entreprise de câblodistribution que nous étions est devenue une entreprise de marketing au service de sa clientèle et nous offrons de la programmation, certains services et des télécommunications.

Nous estimons qu'il ne faut pas se limiter à l'un de ces secteurs étant donné les changements importants qui surviennent dans tous les domaines. Les gens vont chercher à obtenir des licences différentes. Nous venons de lancer le Asian Television Network, ATN, et nous comptons maintenant lancer un service en provenance de l'Allemagne.

Il sera plus important pour nous de pouvoir offrir davantage de choix à notre clientèle. Jusqu'ici, 70 000 boîtes numériques ont été distribuées dans l'ensemble du pays. Elles nous ont permis de déployer de nouveaux services tels que le service de télévision interactive à accès Internet et la télévision internationale.

Pour ce qui est du service Internet, le réseau Shaw Cable est totalement bidirectionnel et Shaw@Home offre un certain nombre d'avantages tels qu'une vitesse supérieure grâce à un système hybride fibre et coaxial bidirectionnel; une connexion permanente ainsi qu'une utilisation et un accès illimités. Nos prix sont concurrentiels.

Nous avons conclu qu'il nous fallait un réseau nord-américain de même qu'un élément canadien. Les gens vont s'intéresser à l'enseignement à distance à haute vitesse et nous allons donc essayer d'aider nos clients de l'Internet sur ce plan et également les diriger vers des services canadiens. Cela fait partie du contenu et des services que nous voulons offrir.

Une dernière chose dont je voudrais parler avant de céder la parole à Elizabeth est Star Choice. Nous en sommes propriétaires à 54 p. 100. Pourquoi une entreprise de câblodistribution se lance-t-elle dans une activité concurrentielle? En ce qui nous concerne, c'est parce que nous voulions être des experts dans toutes les technologies. Nous ne voulions pas être de simples câblodistributeurs.

Lorsque nous nous sommes adressés au CRTC pour la première fois, il n'était pas nécessairement d'accord sur ce plan et il nous a fixé des conditions rigoureuses. Star Choice devait être une entreprise distincte.

Pour ce qui est du service de diffusion directe par satellite, comme je l'ai mentionné, nous desservons plus de 70 000 foyers dans l'ensemble du Canada, à la fois dans les régions rurales et les régions urbaines. Nous distribuons notre service par l'entremise de 4 000 points de vente au détail comme Sears et Canadian Tire.

Star Choice Uplink Service offre des services de satellite aux câblodiffuseurs étant donné que tous les services que nous recevons, que ce soit à Ottawa ou à Calgary, parviennent par satellite aux têtes de ligne qui les redistribuent.

Enfin, nous explorons les services commerciaux comme les vidéoconférences. Ce sont des services importants.

Le diagramme suivant montre qu'à partir d'un satellite, Anik E2, nous pouvons offrir ces services aux quatre coins du pays. À un moment donné, nous allons devoir conclure des ententes internationales pour les satellites. Nous pensons qu'il faudrait songer à partager avec les Américains les satellites de l'Amérique du Nord, mais uniquement à la condition que nos lois respectives s'appliquent.

Autrement dit, une entreprise canadienne qui offre ses services au Canada sera assujettie à la Loi sur la radiodiffusion afin qu'une entreprise américaine ne puisse pas se servir d'un satellite canadien pour offrir au Canada des services américains en appliquant la législation des États-Unis. Malheureusement, la Maison blanche et la FCC n'étaient pas d'accord sur ce point si bien qu'il reste encore des progrès à faire. Mais la chose me paraît possible.

Ensuite, pour ce qui est de la radio numérique, même quand la radio a éprouvé des difficultés ces dernières années, nous y avons toujours cru. Nous avons toujours pensé que la radio traversait une période de transition. Nous aimons beaucoup les bouchons de circulation, nous aimons Toronto et nous veillons à ce qu'on ne construise pas d'autres voies rapides à Calgary afin que les gens restent coincés dans leur voiture à écouter nos stations de radio.

Nous avons investi dans des services de musique numérique aux États-Unis et nous avons passé beaucoup de temps à essayer d'obtenir une licence pour le Canada et nous avons enfin réussi. Nous croyons que cela aura de nombreuses retombées. Les gens aiment à écouter la radio lorsqu'ils font autre chose et c'est une ressource qui n'est pas suffisamment exploitée, selon nous, pour offrir de l'information. On a tendance à croire que la radio est une technologie ancienne. Nous croyons donc qu'il est possible de faire beaucoup plus sur le plan de la radio et des services à offrir.

Nous aimerions que les automobilistes puissent avoir accès à l'Internet par voie audio. Nous ne voyons pas ce qui les en empêche. C'est là un nouveau débouché pour la radio.

Enfin, nous avons Shaw FiberLink, un fournisseur d'accès Internet concurrentiel. C'est l'entreprise que Rogers vient de fusionner avec Metro-Net, qui est établie à Calgary. Nous ne savons pas exactement quelles en seront les répercussions, mais nous poursuivons nos activités comme d'habitude.

Nous avons des technologies de pointe. Si vous passez par Calgary, vous serez impressionnés par les installations que nous avons construites l'année dernière pour fournir des services de technologie et de télécommunications de pointe. Nous offrons ces services à des transporteurs comme Microcell, Sprint et AT&T pour l'utilisation du réseau et des sites Web que nous avons à Calgary. Ce secteur est devenu une entreprise extrêmement concurrentielle au Canada depuis quelques années.

Je vous ai parlé d'une bonne partie de nos activités du côté de la distribution et Elizabeth va maintenant vous parler de la programmation.

Mme Elizabeth Roscoe, vice-présidente, Relations gouvernementales, Shaw Communications Inc.: Bien des gens décrivent ce secteur d'activité comme celui du divertissement. Je sais que vous vous intéressez particulièrement à ce secteur et je vais le passer rapidement en revue, car vous voudrez également nous poser des questions.

Shaw est propriétaire de YTV et d'un nouveau service, TreeHouse ainsi que de Country Music Television. Nous avons des intérêts minoritaires dans les autres services que vous voyez là: Headline Sports, Telelatino et Comedy. Nous attendons l'approbation du CRTC pour Headline Sports.

Ces investissements dans la programmation sont assez récents; ils datent seulement de quelques années. Bien entendu, nous faisons un tas d'autres choses sur le plan de la programmation, y compris la distribution des services prioritaires pour les radiodiffuseurs conventionnels. Nous distribuons tous les services canadiens payants et spécialisés. Nous faisons également la substitution de signaux identiques et nous contribuons dans une large mesure au Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes si bien que notre contribution à la programmation est assez bien connue.

Pour ce qui est du contexte des services de programmation, comme vous le savez, le CRTC a établi des règles. Lorsque sa présidente a comparu devant vous, je crois qu'elle a passé en revue les règles d'accès et les règles concernant la préférence injustifiée. Nous les estimons essentielles pour permettre à d'autres investisseurs d'investir. Leurs politiques découlent dans une large mesure de la politique de convergence.

Nous constatons également que le CRTC souhaite un plus grand contenu canadien. Nous pensons qu'un des domaines auxquels nous nous intéressons, la programmation pour enfants, nous offre la possibilité, au Canada comme sur la scène internationale, d'offrir de nouveaux services de production et de programmation aux téléspectateurs. Nous voyons là le début d'un investissement dans la programmation.

Selon nous, YTV est l'un des grands succès canadiens dans le monde des services spécialisés. Nous avons non seulement un auditoire qui a grandi avec YTV, mais une nouvelle génération de téléspectateurs qui regardent TreeHouse, un canal entièrement consacré aux enfants âgés de 2 à 6 ans. Tout ce secteur est devenu beaucoup plus concurrentiel, non seulement au niveau international avec Disney et ses produits de divertissement, mais aussi sur la scène nationale avec le lancement de nouveaux services de programmation comme Comedy Network et TeleToon. Vous devez également savoir que le canal Famille a largement augmenté sa pénétration du marché.

En plus de la programmation, Shaw participe activement aux services éducatifs. Nous contribuons largement à la connectivité et à la mise en place de communautés d'apprentissage. Plusieurs de nos projets nous permettent de brancher les écoles à l'Internet au niveau primaire et secondaire et d'aider les enseignants à apprendre à se servir de l'Internet comme instrument didactique et à le faire entrer davantage dans les salles de classe.

Nous mettons également des laboratoires à la disposition des enseignants et un certain nombre d'écoles secondaires des régions que nous desservons bénéficient de la connexion à haute vitesse au réseau.

Nous avons également mis sur pied un projet pilote en Alberta qui s'appelle «TV and Me», en collaboration avec des annonceurs qui s'adressent aux enfants. Ce projet est consacré à la connaissance des médias. Nous relions également les salles de classe au câble, ce qui nous permet de diffuser un contenu canadien et d'offrir le câble aux professeurs comme instrument d'enseignement. Nous sommes l'un des commanditaires du Réseau éducation-médias dont la présidente du CRTC vous a parlé, je crois, dans sa présentation.

Ken va maintenant résumer.

M. Stein: Pour ce qui est de l'évolution de notre secteur, nous en arrivons maintenant aux questions qui vous intéressent particulièrement. Nous pensons que toutes les technologies qui se développent vont ouvrir le marché. Autrement dit, les nouvelles technologies ne vont pas rétablir les monopoles; elles auront l'effet contraire. Les gens se servent des technologies actuelles comme le fil de cuivre.

Les compagnies de téléphone se tournent vers la LNPA et trouvent de nouvelles techniques pour offrir des services à haute vitesse au moyen du fil de cuivre. Nous avons également le SMDN et le LMSC qui sont mises au point et qui reçoivent actuellement des licences pour le Canada. Elles fourniront au public d'autres moyens d'obtenir des services vidéo et audio et de l'information.

Bien entendu, les services satellites soulèvent des questions en ce qui concerne les ciels ouverts et leur gestion. Enfin, les gens s'intéressent à toute une gamme de services pour l'ordinateur personnel, l'Internet, et l'accès au Web par la télévision.

L'Internet est un exemple particulièrement spectaculaire. Au cours de nos journées de vente, nous avons trouvé une façon tout à fait spéciale de commercialiser nos services Internet. Des gens des États-Unis viennent à Calgary pour voir ce que nous faisons. Dans certains cas, nous avons des taux d'abonnement de plus de 100 p. 100. S'il y a 100 personnes qui assistent à une démonstration, nous recevons 120 commandes. Le plus gros obstacle auquel nous sommes généralement confrontés est que des gens qui n'ont pas d'ordinateurs personnels s'abonnent à nos services. Ils nous disent qu'ils n'ont pas d'ordinateur, qu'ils n'ont qu'un vieux 286 ou qu'ils ne sont pas suffisamment équipés.

À l'heure actuelle, de nombreuses initiatives visent à trouver une autre façon de fournir le service Internet par l'entremise de la télévision. Si nous pouvons surmonter cet obstacle, les taux d'abonnement vont vraiment grimper. Nous croyons que les technologies vont ouvrir les marchés et l'accès à de nouveaux services.

Selon nous, les entreprises de communications commencent tout juste à sortir de leur boîte: Global avec Fireworks; BCE avec l'investissement Bay Networks, BCE avec ExpressVu et Télésat; Shaw avec tout ce que nous entreprenons. Toutes les entreprises estiment ne plus pouvoir se contenter d'un seul secteur d'activité. Il faut vraiment mettre l'accent sur le client et la façon de lui fournir des produits.

Cela veut dire que les anciennes alliances devront céder devant les nouvelles façons de faire. Telus a envoyé un coup de semonce à Stentor. Stentor est toujours furieuse lorsqu'on la qualifie de cartel, mais l'ancien cartel du téléphone au Canada en a pris un coup lorsque Telus a annoncé qu'elle était en pourparlers avec AT&T.

Les alliances vont évoluer. Matthew et moi-même parlions tout à l'heure de certaines divergences de vues que nous avons dans le secteur de la câblodiffusion et qui ne sont pas toujours apparentes aux yeux du public. Nous avons tous notre façon de voir et nous recherchons tous de nouveaux genres de partenariats.

Enfin, notre entreprise croit que l'intégration est à la clé de la croissance et de la compétitivité internationale. Nous ne pouvons pas nous contenter du rôle de distributeurs. La clé de l'avenir consiste à conjuguer le contenu et la distribution.

Nous ne voulons pas prétendre que nous nous mesurons à Disney, mais c'est le cas dans un certain sens. Nous produisons une programmation pour les enfants, ce que fait également Disney, si bien que nous sommes ses concurrents.

Le genre d'intégration que Disney ou TCI ont réalisée entre les médias et le câble est le genre d'intégration que recherche BCE. Comme l'a dit Jean Montey, chacun a une idée très claire de ce qu'il veut faire, mais emploie des méthodes différentes pour y parvenir.

Les retombées d'une intégration, qui nous permettra d'offrir de nouveaux services numériques, seront sans doute encore plus importantes au cours des années qui viennent. Nous ignorons ce que l'avenir nous apportera comme nouveaux produits et services, mais nous devons être prêts à lancer une nouvelle idée lorsque quelqu'un nous en proposera une.

Il y a trois ans, lorsque nous avons commencé à parler de l'Internet, cela s'adressait à une clientèle commerciale. Aujourd'hui, nous faisons 300 ventes par jour, ce qui est un chiffre phénoménal pour notre entreprise. Pour ce qui est du défi de la concurrence, nous prévoyons plusieurs choses. Premièrement, l'avenir sera déterminé par la façon dont nous allons gérer le système et gérer l'intégration du contenu. C'est une question de réglementation cruciale, mais il faut qu'elle soit gérée et abordée dans l'intérêt de tout le monde.

La connexion des foyers sera essentielle de même que l'équipement que les gens auront dans leur maison, la façon dont ils seront reliés au réseau et le genre de produits qui seront mis au point à leur intention. Les gens n'auront peut-être pas besoin d'un ordinateur complet pour avoir accès à l'Internet. Il deviendra de plus en plus important de leur permettre d'accéder au site Web de leur choix.

La rapidité du changement est une autre caractéristique de notre secteur. Si vous lisez des documents qui datent d'un an, la technologie a déjà changé. Le rythme du changement est spectaculaire et cela fait 30 ans que je travaille dans cette industrie, directement ou indirectement. Le rythme ne ralentit jamais; les choses continuent à bouger et à évoluer, ce qui les rend passionnantes.

La stabilité politique est importante, car étant donné la rapidité du jeu, il ne faut pas en changer les règles au milieu de la partie. On a tendance à vouloir changer les choses. Les Américains l'ont fait au milieu des années 90 lorsqu'ils ont modifié de fond en comble la réglementation des télécommunications. Un an plus tard, ils se sont rendu compte que cela ne marchait pas et ils ont donc de nouveau changé les règles du jeu.

Je pense donc que le Canada s'en est mieux tiré. Le CRTC, le ministre de l'Industrie et le ministre du Patrimoine ont mieux réussi à créer un climat politique plus stable. Aux États-Unis, le climat est devenu assez instable. Cette stabilité politique est vraiment cruciale.

Pour ce qui est des questions futures, du point de vue commercial, la plus importante est celle du financement. Nous devons investir dès le départ 1 000 $ par client, que ce soit pour le satellite ou pour le câble. C'est un investissement énorme pour nous et il peut être difficile de lever des capitaux, car les investisseurs sont peu incités à investir dans le numérique au Canada. M. Manley dit que nous ne dépensons pas suffisamment pour la recherche et le développement. Nous lui répondons que nos contributions à la programmation absorbent 5 p. 100 de notre argent. Si nous pouvions dépenser ces 5 p. 100 pour le développement des multimédias, par exemple, cela pourrait apporter une importante contribution au Canada.

Il est important que la réglementation soit souple. La réglementation est importante. Nous ne nous attendons pas à ce qu'elle disparaisse étant donné que nous avons des objectifs à l'égard du contenu canadien. Mais il vaut mieux nous laisser faire à notre façon pendant quelques années et voir ce qui se passera que de nous harceler constamment.

Pour ce qui est de l'équilibre entre la culture et la technologie, je sais que la commission Fowler a déclaré il y a longtemps que: «C'est avant tout une question de contenu, tout le reste est accessoire». L'industrie cinématographique canadienne est le meilleur exemple prouvant à quel point c'était faux. Nous ne contrôlons pas le réseau de distribution et cela explique en grande partie, selon moi, pourquoi notre industrie cinématographique ne réussit pas aussi bien que notre industrie de la production télévisuelle.

Nous avons le contrôle du réseau de distribution de la télévision. Nous y avons investi, nous avons le meilleur réseau de distribution au monde et la preuve en est que nous pouvons lancer constamment de nouveaux services canadiens. Nous devons toujours veiller à maintenir un juste équilibre entre la culture et la technologie.

Enfin, pour ce qui est de la diffusion directe par satellite, il sera indispensable d'examiner de nouvelles modalités car il y aura de la concurrence. À un moment donné, une entreprise en concurrence une autre comme nous voyons Star Choice concurrencer Cancom. Maintenant, Star Choice et Cancom vont sans doute tenter de s'unir pour concurrencer Bell. La situation évolue.

À notre avis, le gouvernement, avec l'accord de tous les partis, a constaté qu'une approche radicalement différente avait l'appui du public. Ma conclusion est que les consommateurs réclament des changements et qu'ils ne veulent pas attendre deux ans ou plus. Ils veulent voir aujourd'hui même les nouveaux services. Voilà qui termine notre exposé. J'espère qu'il était complet.

La présidente: Monsieur Stein et madame Roscoe, c'était une présentation très intéressante.

Le sénateur Rompkey: J'ai l'impression que notre comité va poursuivre ses audiences pendant longtemps. Nous pourrions continuer à siéger ici. Mais nous devrions peut-être aller à Calgary ou ailleurs. La législation a déjà du mal à suivre la technologie, mais si les changements sont encore plus rapides, ce sera très difficile. Peut-être pourriez-vous nous dire quelles sont les mesures que vous souhaitez sur le plan de la politique.

C'est peut-être trop général étant donné que le changement technologique sera tellement rapide et que le processus législatif a tant de mal à bouger.

Vous dites qu'il ne faudrait pas changer les règles du jeu au milieu de la partie. Bien entendu, ce n'est pas nous qui établissons la réglementation. Notre rôle s'apparente davantage à celui de Don Cherry.

Je voudrais vous poser une question au sujet des services d'éducation en particulier et que vous m'expliquiez davantage comment cela fonctionne. Les éducateurs se contentent-ils de choisir ce qu'ils veulent? Vous contentez-vous de leur envoyer une programmation et vous disent-ils ce qu'ils veulent utiliser pour telle ou telle raison? Ou y a-t-il une interactivité? Si c'est le cas, tenez-vous compte du programme scolaire?

Il s'agit là d'une responsabilité provinciale; y a-t-il eu interaction avec la province sur ce plan? Je pense que c'est un service sous-utilisé dans de nombreuses régions du pays et je voudrais savoir comment cela fonctionne dans votre région.

Mme Roscoe: À Calgary, nous travaillons à un projet très intéressant en collaboration avec l'Université de Calgary. Par l'entremise de l'Université, nous avons pu relier des sites Internet. Des enseignants peuvent travailler avec un ordinateur. La connexion Internet est faite à l'aide d'un réseau de fibres à haute vitesse. Nous avons établi ce service en collaboration avec l'Université.

L'Université a fait venir des éducateurs pour mettre au point le contenu multimédia. Il peut ensuite être intégré dans un programme scolaire, peut-être pour les classes de maternelle ou dans un site Internet pour les enfants.

Comme vous le savez, les jeunes enfants s'adaptent facilement aux ordinateurs et utilisent toute une série de programmes, de la maternelle à la 12e année.

L'intérêt de tout ce projet est qu'il peut être lancé sur un site Web afin que les enseignants de tout le pays puissent l'utiliser lorsqu'ils le désirent. Ce projet a été réalisé grâce au financement de Shaw, de l'Université et d'autres partenaires. Nous participons actuellement à trois ou quatre autres projets.

La personne qui travaille à partir de notre bureau de Calgary rencontre les éducateurs et les municipalités de même que les représentants du ministère de l'Éducation pratiquement tous les jours pour faire avancer ces projets éducatifs.

Nous avons constaté que les enseignants en apprennent davantage eux-mêmes sur cette technologie et ce qu'ils peuvent faire pour présenter le programme scolaire sous une forme qui intéresse les enfants et qui leur permet d'apprendre. Au lieu d'être statique, c'est interactif. Nous apprenons en même temps que les enseignants.

Le sénateur Rompkey: C'est toujours expérimental, n'est-ce pas?

Mme Roscoe: Je dirais que nous en sommes au stade du développement. Lorsqu'on dit qu'une technologie est expérimentale, c'est qu'on n'est pas sûr de sa validité.

Le sénateur Rompkey: Aucun produit fini n'a été offert aux écoles.

Mme Roscoe: Pas encore. Le projet dont je parle est en préparation depuis deux ans. Nous en sommes à la deuxième année de ce projet.

Le sénateur Rompkey: De quelle technologie les écoles ont-elles besoin pour s'en servir?

Mme Roscoe: Nous fournissons la connexion ultra rapide par le réseau FiberLink qui leur permet d'avoir accès à l'Internet à très haute vitesse. Il n'est pas nécessaire d'attendre le téléchargement des données. Je ne sais pas exactement quel type d'ordinateur les écoles utiliseront, mais je suppose que ce sera au moins des 486.

Le sénateur Rompkey: Ce projet est-il limité à l'Alberta?

Mme Roscoe: C'est le cas du projet dont je parle. Nous sommes sur le plan d'en lancer un autre dans la région de York, à l'extérieur de Richmond Hill, en principe cet automne. Ce réseau devrait être achevé pour le début de l'année scolaire, en septembre et il relie 70 écoles primaires et secondaires qui pourront disposer d'un réseau spécialisé pour tout le district. Elles pourront partager en direct leurs programmes d'enseignement et leurs frais d'administration, de vidéoconférences et toutes sortes de choses. Je crois que cette connexion Internet sera la première du genre en Ontario.

M. Stein: Pour ce qui est de ces technologies, comme l'a dit Elizabeth, elles en sont au stade du développement. Toutes sortes de spécialistes travaillent ensemble. Il faut également tenir compte du fait que les enfants n'ont pas les mêmes moyens technologiques à la maison pour avoir accès à l'Internet. On ne cherche donc pas à s'adresser uniquement aux 20 à 25 p. 100 de Canadiens qui ont un ordinateur chez eux.

Nous avons mis l'accent sur les écoles, sur les moyens didactiques qui peuvent aider les enseignants dans leurs salles de classe. C'est une question de temps et de ressources. Les technologies sont là, mais il peut être nécessaire d'investir pour former les enseignants quant à la meilleure façon de les utiliser.

Les choses sont différentes pour les enfants qui s'intéressent beaucoup aux ordinateurs. Leur capacité varie beaucoup selon qu'ils disposent ou non d'ordinateurs à la maison.

Le sénateur Rompkey: Votre société estime-t-elle qu'elle a certaines responsabilités sur le plan de l'éducation et, dans l'affirmative, comment assumez-vous ces responsabilités?

M. Stein: Nous nous sommes engagés à fournir ce service à toutes les écoles des régions que nous desservons.

Le sénateur Rompkey: Supposons que les gens ne puissent pas y accéder parce qu'ils ne disposent pas de la technologie voulue, pour une raison ou pour une autre, ou qu'ils n'ont pas d'ordinateur. Au Canada, les écoles sont financées par l'État. Le financement de l'éducation diminue, mais nous assistons à cette explosion de la technologie. Comment le parent moyen, l'élève moyen de l'école moyenne peuvent-ils profiter de cette nouvelle technologie si les écoles sont limitées par le manque d'argent? Si le gouvernement réduit leur budget, êtes-vous incités à faire quelque chose? J'ai l'impression que c'est dans votre intérêt à long terme. Vous créez une clientèle.

M. Stein: Comme l'a dit Elizabeth, c'est un nouveau départ. Tout d'abord, nous prenons cette responsabilité très au sérieux parce que nous avons investi dans les enfants. Nous avons un programme baptisé «The Shaw Children's Program Initiative» ou «Skippy», dans lequel nous avons investi depuis cinq ou six ans. Il vise à mettre au point une programmation pour les enfants qui a joué un rôle important. L'éducation en était la ramification naturelle.

Nos premiers pas dans ce domaine n'ont pas été une réussite étant donné que le milieu de l'éducation est compliqué. La technologie est également complexe. Il y a toutes sortes d'intervenants différents et de façons de procéder. Nous avons choisi certains projets et leur succès dépend des personnes qui y participent. Nous n'avons pas constaté d'obstacles en ce qui concerne le financement du gouvernement.

Nous avons travaillé en collaboration très étroite avec le premier ministre, M. Klein, étant donné qu'il s'est particulièrement intéressé à cette initiative et aussi parce que notre société est établie à Calgary. Néanmoins, comme l'a indiqué Elizabeth, nous nous intéressons maintenant à l'Ontario et ce sera ensuite le tour de la Colombie-Britannique.

Nous voulons établir des bases solides, après quoi nous assisterons à une explosion de ces services. Voilà pourquoi nous sommes convaincus que le câble a sa place dans les salles de classe. Nous libérons les droits d'auteur sur les vidéos, nous trouvons de l'information pertinente sur les émissions de télévision et les vidéos et nous montrons aux enseignants comment se servir de l'Internet. Nous insistons sur l'utilisation de l'ordinateur à l'école afin d'égaliser les capacités des enfants. Comme ils n'ont peut-être pas tous les moyens d'avoir un ordinateur à la maison, nous pouvons au moins le leur offrir dans le système scolaire. Voilà dans quelle direction nous orientons nos efforts. Pour répondre à votre question, notre entreprise estime avoir des responsabilités sur ce plan.

Le sénateur Bacon: Les Canadiens se voient offrir de plus en plus de services de télécommunications, des services locaux de communications multipoints, l'Internet, la télévision numérique par satellite et la compression vidéo numérique. Votre entreprise fournit certains de ces services. Le marché canadien est-il suffisamment important pour que tous ces services puissent y prospérer? Savons-nous à peu près combien le consommateur canadien est prêt à dépenser pour des services de télécommunications? Est-ce suffisant pour faire vivre un grand nombre d'entreprises dans le secteur des télécommunications?

M. Stein: La demande du public dans ce domaine semble assez importante. Les Canadiens consacrent de l'argent à ce type de produit.

Il y a quelques semaines, une étude a démontré que les enfants canadiens faisaient moins d'activité physique parce qu'ils passaient trop de temps à l'intérieur à jouer des jeux vidéo et à naviguer sur l'Internet. J'ai deux petites filles âgées de trois ans et un an et demi et la plus jeune est déjà habile à manoeuvrer la souris. C'est plutôt étonnant.

Nous n'avons pas fait d'estimation précise, mais nous avons constaté que le prix avait une grande importance. Je vais vous donner un exemple. Nous avons lancé notre service Internet à 55 $ par mois. Nous avons eu énormément de difficulté à le commercialiser et nous avons donc fait une étude de marché qui indiquait que la plupart des gens payaient une trentaine de dollars pour ce service. Même si notre système était 10 à 100 fois plus rapide, ils ne pensaient pas qu'il valait la peine de le payer deux fois plus cher. Nous avons réduit son prix à 39 $ et maintenant nous n'arrivons plus à répondre à la demande.

Pour ce qui est de votre question concernant le nombre d'entreprises, nous en sommes venus à la conclusion qu'il s'agissait d'un phénomène mondial, que vous preniez l'achat de Polygram par Seagram ou l'intégration de Time-Warner. Les Américains ont très bien réussi à offrir leurs services dans le monde entier que ce soit Rupert Murdoch ou Time-Warner. Leur attention est centrée sur le monde. Comment une entreprise canadienne peut-elle se tailler une place dans ce marché? Je crois que les alliances seront importantes. Nous aurons des entreprises canadiennes, mais elles devront suivre des stratégies internationales et se créer des créneaux ou des techniques particulières. Je ne pense pas que le marché canadien soit suffisant pour elles.

Les Canadiens ont des capacités certaines dans ce domaine. Ils pourront jouer un rôle, mais ils auront intérêt à former des alliances avec d'autres organisations.

Le sénateur Bacon: Je crois que les maires des grandes villes du pays envisagent d'exiger un loyer des entreprises de câble et de téléphone qui font passer leurs câbles le long des voies publiques et des emprises. Cela se fait aux États-Unis. Quelles pourraient être les répercussions de ce genre de politique sur votre secteur?

M. Stein: Ce serait horrible. Premièrement, nous ne voyons pas d'objection à payer ce que cela coûte. Mais nous ne croyons pas qu'il faudrait imposer un loyer et nous ne pensons pas que la Constitution leur donne le droit d'exiger un loyer pour l'accès aux emprises. Nous reconnaissons parfaitement que nous devrions défrayer la municipalité lorsqu'il faut défoncer les routes ou pour l'utilisation des installations municipales.

Mais si vous devez payer plus que ces frais, il s'agit en fait d'une taxe, ce que nous n'aimons pas. Nous savons que les municipalités ont des difficultés financières, mais nous ne pensons pas que les abonnés seront désireux de débourser plus d'argent dont la municipalité bénéficiera, mais pas eux.

Deuxièmement, le tarif exigé pour les poteaux aux États-Unis, par exemple, est nettement plus bas qu'au Canada. Les câblodiffuseurs américains sont placés sous l'autorité de la FCC qui établit ce taux à un niveau beaucoup plus bas qu'il n'est au Canada. Les études qui comparent la situation au Canada et aux États-Unis montrent que nous payons beaucoup plus.

Troisièmement, les entreprises de télécommunications et de câble sont trop réglementées, ce qui les empêche de mettre au point de nouveaux services. Aux États-Unis, par exemple, les câblodiffuseurs sont réglementés au niveau municipal et sont donc soumis aux exigences des gouvernements municipaux. Nous n'aurions jamais pu bâtir, au Canada, notre solide industrie de la câblodiffusion si nous avions été assujettis à une réglementation municipale. Nous reconnaissons que la réglementation fédérale est une bonne chose. Les consommateurs en bénéficient.

La clientèle canadienne de la câblodistribution paie beaucoup moins que les abonnés des États-Unis parce que nous avons une réglementation fédérale alors qu'il y a tout un assemblage de réglementation chez nos voisins du Sud. Ils doivent constamment conclure des ententes avec la municipalité locale et lui faire des paiements. Nous ne sommes pas dans la même situation et je pense que cela a été bénéfique pour le réseau de radiodiffusion canadien. Nous ne voyons donc pas d'un très bon oeil ce que propose la fédération.

Le sénateur Bacon: Nous investissons beaucoup d'argent, peut-être trop, dans les nouvelles technologies.

M. Stein: Nous ne pouvons jamais trop investir.

Le sénateur Bacon: En sommes-nous déjà arrivés au point où la majorité des Canadiens sont satisfaits du nombre de canaux et ne voient pas l'utilité de payer plus pour de nouvelles chaînes spécialisées?

M. Stein: Pour citer Ted Turner: «Je ne suis jamais content de mon contenu». Shaw a lancé ses nouveaux services avec énormément de succès. Nous avons lancé 12 nouveaux services dont huit sont canadiens.

Le sénateur Bacon: On m'a dit que la réaction n'avait pas été extrêmement positive.

M. Stein: Pour nous, elle l'a été. Nous avons remporté énormément de succès. L'une des raisons de ce succès est que, depuis deux ans, notre entreprise de câblodiffusion qui était alors une entreprise de gestion et d'exploitation est devenue une entreprise de marketing. Nos directeurs généraux s'intéressent maintenant plus au marché qu'à l'exploitation. Ce virage a été important pour notre entreprise et nous avons bien vendu nos nouveaux services.

Nous voudrions voir se répandre davantage les services numériques. Il serait bon que les clients puissent choisir davantage des services spécialisés. Pour la plupart des services qui sont actuellement mis en marché, les entreprises estiment qu'il leur faut au moins 3 millions d'abonnés dès le départ. Mais les gens lancent toutes sortes de produits avec quelques milliers d'abonnés. Pourquoi ne pouvez-vous pas lancer un service avec quelques dizaines de milliers d'abonnés, que ce soit un canal pour les joueurs d'échecs ou autre chose? Nous voudrions que cela se fasse pour le numérique. Si cela ne se produit pas du côté de la télévision, c'est déjà une réalité du côté de l'Internet.

L'American Health Network vient de parrainer l'autre jour une naissance en direct. Il a trouvé 10 millions d'abonnés pour assister à une naissance. Ce n'est pas le genre de chose que j'approuve totalement.

Le sénateur Bacon: C'est censé être un événement privé.

M. Stein: C'est précisément ce que je pense. Les gens semblent simplement vouloir de plus en plus d'occasions d'obtenir de l'information.

Mme Roscoe: Le Asian Television Network, ATN en est un bon exemple. Nous venons de le lancer sous une forme numérique à Calgary. Le placement d'un canal analogue n'aurait pas pu se faire, mais ATN est diffusé sous forme numérique. Ce réseau est très satisfait de ce lancement et il compte aujourd'hui à Calgary près de 1 000 abonnés.

Le sénateur Johnson: J'ai trouvé votre présentation excellente. Quand vous avez parlé de la façon de gérer le système, vous avez fait plusieurs commentaires très importants. Le premier est que le Canada a mieux réussi que les États-Unis à créer un climat politique stable. Que pouvons-nous faire pour le maintenir?

M. Stein: Du point de vue du gouvernement et du CRTC, je pense qu'il faut être bien clair quant à l'objectif que nous visons. Par exemple, si le gouvernement désire soutenir davantage le contenu canadien, il serait utile qu'il en discute à fond avec notre industrie. Il devrait lui présenter ses propositions et lui demander ce qu'elle en pense au lieu de lui imposer simplement ses idées.

Le sénateur Rompkey a également posé cette question. Le plus important est qu'on nous demande quels sont les changements que nous recommandons sur le plan de la politique. Je crois qu'il s'agira surtout de supprimer les obstacles que la réglementation dresse devant nous pour passer d'un secteur d'activité à un autre. Il nous a été extrêmement difficile de passer de la câblodistribution au satellite. La câblodiffusion a été un succès au Canada tandis que la diffusion par satellite a été un échec retentissant. Le câble et la télévision sont sans doute des exemples de bonne politique. Le secteur du satellite est probablement un exemple de mauvaise politique à cause de toutes les restrictions imposées. Quand nous avons dit qu'à notre avis c'était là un secteur important dans lequel nous voulions nous lancer, tout le monde nous a opposé un refus sous prétexte que nous étions trop forts dans d'autres domaines.

Le fait que nous étions les seuls à savoir comment gérer l'exploitation des satellites, que nous avions fait des choses dans ce domaine pendant des années n'intéressait personne. On a presque l'impression que les seuls à pouvoir obtenir des licences sont ceux qui ne possèdent aucune expérience. Je crois que nous en avons vu les conséquences. Lorsque nous avons voulu nous lancer dans la programmation, on nous a demandé pourquoi une entreprise de câblodistribution voulait se lancer dans ce secteur. Il y a toutes sortes de conflits.

Vous n'allez pas demander un prêt à votre banquier sans savoir que c'est lui qui possède l'argent. C'est pour cette raison que vous vous adressez à lui. Il me paraît logique de s'adresser à une entreprise de câblodistribution pour développer la programmation ou favoriser l'investissement dans de nouvelles émissions ou la mise en place de services de satellite.

Le sénateur Johnson: À propos du service de satellite, la majorité des Canadiens se trouvent, bien entendu, dans le marché gris et s'abonnent à des services américains. Pensez-vous que nous pourrons les récupérer? Quelle leçon pouvons-nous tirer de l'expansion du marché gris au Canada? Faudrait-il modifier la réglementation régissant les fournisseurs canadiens de services de satellite? Nous avons également examiné ici toute la question des satellites.

M. Stein: Oui, nous avons un expert.

Le sénateur Johnson: Nous avons un expert ici. Qu'en pensez-vous?

M. Stein: Je pense qu'il sera difficile de les récupérer. Nous constatons une résistance énorme, même avec nos programmes d'incitatifs. Nous avons maintenant sur le marché deux entreprises solides, Star Choice et ExpressVu qui ont toutes deux des atouts particuliers. L'année prochaine, nous serons mieux en mesure de voir à quel point elles réussissent. Le problème qui se pose à ces deux sociétés vient de toutes ces obligations que leur confère la réglementation sur le plan de la substitution de signaux identiques et de la suppression d'émissions, et cetera, des obligations qui sont là pour protéger les radiodiffuseurs. Mais en même temps, nous perdons des clients au profit du marché gris qui n'a pas ces obligations.

Nous ne savons pas comment résoudre ce problème étant donné que la plupart des clients du satellite préfèrent avoir la soucoupe du marché gris avec tous les services américains et canadiens. Ils préfèrent avoir les deux et cela a toujours été le cas au Canada.

Ce qu'il y a d'idéal au Canada c'est que nous avons toujours pu offrir aux Canadiens une gamme de services de télévision en provenance des États-Unis même en les diffusant par micro-ondes jusqu'à Edmonton. Nous avons pu résoudre ces problèmes. À Winnipeg, nous avons réglé le problème de KCND en en faisant CKND. C'est le genre de solution que nous avons pu adopter. Dans le secteur du satellite, nous ne savons pas encore trop comment faire.

Le sénateur Johnson: Je suis curieuse de savoir quels sont vos projets en ce qui concerne le numérique. Vous avez dit que vous étiez peu incités à investir dans le numérique. Rogers a annoncé qu'il ne comptait pas passer au numérique dans un proche avenir. Quelles sont vos intentions et la décision de Rogers va-t-elle changer les choses pour vous? Allez-vous combler cette lacune?

M. Stein: Nous sommes entièrement axés sur le numérique. Il y avait un programme qui nous permettait d'intégrer nos investissements et nos immobilisations dans notre tarif de base pour tous les abonnés. Cet incitatif a été supprimé. Il reste à voir comment nous pourrons convaincre les pouvoirs publics qu'il nous faut de l'aide pour ce genre d'investissement. Nos collègues des États-Unis bénéficient d'incitatifs pour passer au numérique et cela fait partie de la structure de leur réglementation.

Le sénateur Johnson: Il nous faut donc la même chose.

M. Stein: Oui. Je ne pense pas que le Canada voudrait s'apercevoir, dans trois ans, que les États-Unis ont la télévision numérique et qu'ils s'apprêtent à lancer des services de radiodiffusion numérique.

Le sénateur Johnson: Tout le monde s'oriente vers le numérique. C'est inévitable. Pourquoi Rogers ne le fait-il pas, par exemple? Je ne comprends pas ce raisonnement.

M. Stein: Je ne peux pas répondre pour Rogers.

Le sénateur Johnson: Dans votre secteur, tout le monde doit savoir ce qui va se passer et que nous allons nous orienter dans cette direction, n'est-ce pas?

M. Stein: Cela me paraît clair. Je pense que Rogers croit que c'est ce qui arrivera.

Le sénateur Johnson: C'est seulement une question de coût?

M. Stein: Les entreprises ont différentes stratégies pour atteindre leur but.

Le sénateur Johnson: Je suis allée chez mon frère en Floride à Noël. J'ai été très impressionnée par la petite boîte et l'écran qu'il avait. Tout le monde se trouvait là devant vos yeux. C'est assez effrayant.

M. Stein: Notre entreprise est en avance sur la Floride, mais d'ici deux ans, le Canada sera en retard sur la Floride. Ce sera la première fois. Le Canada a été, jusqu'ici, en première place pour ce qui est de la capacité de distribution à large bande, mais je crains que nous ne soyons en train de perdre cette avance. M. Rogers a présenté un excellent argument. Il a dit que rien ne l'incitait à le faire. Il a déclaré que, si un abonné voulait acheter une boîte numérique, il n'y voyait pas d'inconvénient, mais que ce n'est pas lui qui la lui fournirait.

La présidente: Merci, chers collègues et merci à l'équipe Shaw. Nous apprécions votre venue. Si nos attachés de recherche ont des questions supplémentaires à vous poser, nous n'hésiterons pas à communiquer avec vous. On m'a dit que vous aviez le rapport annuel.

Mme Roscoe: Nous l'avons.

La séance est levée.


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