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COMM

Sous-comité des communications

 

Délibérations du sous-comité des
Communications

Fascicule 9 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 27 octobre 1998

Le sous-comité des communications du comité sénatorial permanent des transports et des communications s'est réuni ce jour à 16 h 55 pour examiner la position internationale concurrentielle du Canada dans le domaine des communications en général, et étudier notamment l'importance des communications au Canada sur les plans économique, social et culture.

Le sénateur Marie-P. Poulin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Chers collègues, nous allons entendre aujourd'hui des représentants de l'Alliance de la vidéo et du cinéma indépendants.

Je vous souhaite la bienvenue à notre sous-comité. Nous allons entendre votre exposé et nous vous poserons ensuite quelques questions.

Vous pouvez commencer.

M. Peter Sandmark, coordonnateur, Alliance de la vidéo et du cinéma indépendants: Je vous remercie de nous donner la possibilité de vous présenter notre point de vue. Je vais vous dire quelques mots au sujet de notre organisation.

Fondée en 1981, l'Alliance de la vidéo et du cinéma indépendants est une association sans but lucratif qui regroupe 42 coopératives de production et de distribution de films, centres de production et de distribution de vidéo à but non lucratif et diffuseurs indépendants de film et de vidéo. Nous avons évalué à près 7 000 le nombre de nos membres individuels qui font partie de nos 42 centres affiliés. Il existe des coopératives de film et des centres de vidéo dans toutes les provinces, ainsi que dans toutes les grandes villes, même si nous n'avons pas de membres dans les Territoires du Nord-Ouest ni au Yukon. Il existe au Québec 10 centres qui regroupent en tout près de 1 000 personnes.

Notre financement provient principalement des cotisations de nos membres, des subventions que nous accordent le Conseil des arts du Canada et l'Office national du film, ainsi que des subventions pour la réalisation de projets et la création d'emplois; nous acceptons tout ce que l'on veut bien; nous donner. Notre mission consiste à coordonner les efforts de tous les organismes indépendants qui travaillent dans le domaine du cinéma et de la vidéo. L'AVCI a pour objectif, et cela est tiré de nos statuts officiels, l'amélioration des moyens de production et l'augmentation de l'accès à ces moyens pour les indépendants, à tous les stades de la production et de la diffusion.

En 1993, nos membres ont décidé d'inclure les médias électroniques dans notre mission. Depuis 1995, je m'occupe du site Web de l'alliance, sur lequel nous publions un bulletin bimensuel. Je dois ajouter que nous sommes reliés à de nombreux autres sites Web concernant les arts médiatiques sur Internet. Certains disent que deux mois sur Internet équivalent à une année d'activités commerciales normales; selon cette méthode de calcul, nous avons un site d'affaires sur Internet depuis 10 ans. Cela représente en fait une longue période. Une bonne partie de nos idées viennent de ce que j'ai pu glaner en m'occupant de ce site Web et des liens que j'ai établis avec d'autres sites.

Près de 1 000 personnes lisent tous les mois notre bulletin sur Internet, alors que 200 abonnés reçoivent notre bulletin par courrier électronique, par photocopie ou par courrier ordinaire. Je dois mentionner que notre bulletin est envoyé à nos centres qui le distribuent ensuite à leurs membres. Nous ne transmettons pas notre bulletin à 7 000 personnes.

Nous avons encouragé nos membres à se brancher sur Internet. Il y a trois ans, nous n'avions qu'un seul centre qui pouvait recevoir du courrier électronique, mais aujourd'hui, tous les centres sauf un, celui de l'Île-du-Prince-Édouard, sont branchés sur Internet. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est le seul centre qui ne dispose pas aujourd'hui d'une adresse électronique. C'est maintenant la méthode que nous utilisons officiellement pour communiquer avec les membres de notre conseil d'administration et pour tenir nos discussions et transmettre de l'information.

Je vais vous parler de l'impact qu'ont eu les nouvelles technologies sur les techniques de production. Il y a deux ans, nous nous demandions quel système de montage numérique nous allions recommander aux centres exploités par les artistes. Je dirais qu'aujourd'hui la plupart de nos centres possèdent un système de montage numérique non linéaire. Il y a quelques années, un tel système aurait coûté plus de 50 000 dollars et il n'y avait que les grandes sociétés de production qui pouvaient l'acheter. Je pense à des systèmes de montage comme le système Avid. Aujourd'hui, pour vous donner un exemple, j'ai un ordinateur à la maison dans lequel j'ai installé un logiciel de montage de vidéo fabriqué par Corel qui doit valoir 79 $. La qualité n'est pas suffisante pour diffuser ces vidéos mais je peux quand même les offrir sur Internet.

Il est vrai, comme cela est mentionné dans la note de synthèse, qu'Internet et les autres technologies accélèrent la mondialisation de la culture mais nous pensons que cette révolution comporte un autre aspect important, à savoir qu'elle permet au public d'avoir accès à des outils de communication très puissants et peu coûteux. Dans un certain sens, c'est là la principale raison d'être de nos centres affiliés, les coopératives de film qui gèrent collectivement le matériel cinématographique pour que leurs membres de la coopérative aient accès à un coût raisonnable à des caméras et à des appareils d'enregistrement dont la location coûterait autrement des milliers de dollars par jour. Le but initial des coopératives de production de films était de rendre ces outils accessibles aux artistes. Il suffisait pour faire un film de devenir membre d'une coopérative et d'en utiliser l'équipement. Cela est maintenant possible partout avec le matériel vidéo et le montage numérique à l'aide d'un micro-ordinateur.

Nous constatons déjà les effets de cette révolution dans le milieu du film indépendant. Il y a beaucoup de jeunes qui produisent leurs propres films en utilisant la caméra vidéo de leurs parents. Ils acquièrent une grande expérience en produisant des films qui ne leur coûtent rien. Je donne un cours sur la préparation des demandes de subventions et un de mes étudiants voulait faire un long métrage pour 5 000 $, parce qu'il utilisait du matériel vidéo. Je lui ai dit de demander 20 000 $ et de rémunérer ses assistants.

J'aimerais vous présenter cette idée, d'un autre point de vue.

Disney est propriétaire de la chaîne ABC TV aux États-Unis. Au Canada, il n'existe même pas de chaîne de films indépendants. Disney a également un site Web et notre alliance, l'Alliance de la vidéo et du cinéma indépendants, a aussi son site Web. En fait, j'ai moi aussi un site Web et sur mon écran, il est aussi grand que le site de Disney. Internet aplatit les différences et les géants et les petits sont réduits à la même dimension, sous certains aspects.

Que faut-il en conclure? Nous pensons que la technologie favorise les individus. Elle favorise les gens qui travaillent à la maison, avec un ordinateur, et qui distribuent leur production en utilisant leur ordinateur. La grosse différence est que Disney a un budget de publicité et qu'elle peut annoncer toutes ses activités sur son site Web. Je ne pense pas toutefois qu'Internet risque de devenir un média de masse comme la télévision.

Il arrive qu'un site Web enregistre un grand nombre d'entrées lorsqu'il présente quelque chose de nouveau, mais cela ne dure guère, à l'exception des moteurs de recherche, qui sont régulièrement très utilisés. Il faut rappeler que, lorsqu'un site est souvent visité, la facture augmente, parce qu'elle est établie en fonction de la largeur de la bande utilisée.

Si une grande société internationale souhaite créer un site multimédia pour y diffuser des émissions comme un réseau de télévision le ferait, elle devra assumer des frais. En fait, ce n'est pas possible à l'heure actuelle. La structure n'existe pas. Chaque fois qu'il y a un événement important, comme les Olympiques, le site Web correspondant est rapidement surchargé. Il n'est pas possible d'y avoir accès. Il est impossible d'avoir accès au site du Superbowl la journée même, parce qu'Internet ne fonctionne pas de cette façon. La tarification est progressive. Pour les petits sites, cela fonctionne bien. Il n'y a aucun supplément à payer lorsque le nombre des entrées est faible mais constant.

J'ai remarqué dans ma recherche que les entreprises ont investi beaucoup d'argent au départ pour créer des sites Web mais qu'elles ont, depuis, fait marche arrière. Elles ne sont pas sûres que cela soit vraiment rentable. Time Warner a investi des millions de dollars dans son site Pathfinder. La plupart des personnes qui travaillaient à ces sites Web ont maintenant abandonné ce nouveau média. Elles savent qu'il faut y assurer une présence. Les entreprises ne voulaient pas être laissées de côté et elles ont donc décidé d'investir mais il est encore difficile de savoir si cela est rentable pour elles.

Il semble que les seules personnes qui gagnent de l'argent avec Internet soient les pornographes. Je dois mentionner que ce sont également eux qui ont été les premiers à faire de l'argent avec la location de films vidéo mais aujourd'hui, la pornographie ne représente qu'une très faible partie des revenus de location de films vidéo.

Je crois qu'à mesure que le contenu d'Internet va s'enrichir, les utilisateurs vont continuer à s'intéresser à des créneaux spécialisés, et les sociétés de télévision auront du mal à s'implanter sur le Net parce qu'elles sont habituées aux opérations de médias de masse. Il faut pouvoir attirer un vaste public pour obtenir les revenus de publicité nécessaires pour produire des émissions populaires. Il suffit de comparer les quelque 75 chaînes offertes par la plupart des compagnies de câble urbaines avec les milliers et les milliers de sites d'Internet pour constater que les auditoires sont beaucoup plus fragmentés dans le cas d'Internet.

Je voudrais remonter quelques années en arrière. Lorsque nous avons commencé à étudier cette question, nous avons préparé une étude pour les audiences du CRTC sur l'autoroute de l'information et l'on pensait à l'époque qu'Internet serait évincé par les réseaux payants comme America Online et Microsoft Network, mais nous avons constaté depuis que c'est Internet qui a gagné. Il existe une grande différence entre ces divers systèmes parce qu'Internet est un système ouvert. Il n'appartient à personne. On aurait peut-être finalement eu un système qui ressemblerait à la télévision si Microsoft ou AOL avait réussi à développer un système fermé dont l'accès aurait été payant.

Cela n'a pas fonctionné et maintenant MSN de Microsoft est un site Web. Il attire beaucoup de visiteurs. C'est le site Web auquel votre navigateur vous amène automatiquement. Il y a de la publicité mais c'est finalement un site Web comme les autres.

America Online s'oriente de plus en plus vers la fourniture de services Internet. Les gens ont recours à ses services pour avoir une adresse électronique et un accès à Internet.

C'est donc Internet qui a gagné et c'est pourquoi nous avons aujourd'hui ce système ouvert qui ne permettra pas, d'après moi, à ce qu'un modèle genre télévision s'y développe.

La publicité n'est une source de revenu que pour les grands moteurs de recherche. Ces revenus vont sans doute augmenter, de façon plus ciblée, parce qu'il est maintenant possible de connaître l'identité des personnes qui visitent un site Web donné. Nous avons ainsi pensé offrir à certains vendeurs de matériel vidéo et cinématographique de placer des annonces sur notre site parce que nous y attirons un public très spécialisé. Ce sont pour la plupart des réalisateurs de films et nous pourrions probablement vendre de l'espace publicitaire pour le matériel de production. Je crois que ce genre de publicité spécialisée est appelé à se développer.

Il existe une différence qualitative et pas seulement quantitative entre le public d'Internet et celui de la télévision. Les cotes d'écoute de la télévision mesurent l'écoute passive. Lorsque la télévision est allumée et qu'elle est surveillée par Neilson, cela compte. Je sais qu'il y a beaucoup de gens, et je le fais aussi, qui laissent la télévision allumée pour créer une sorte d'ambiance. On la laisse allumée même si on ne la regarde pas vraiment. Cela compte toutefois dans le nombre des ménages qui regardent la télévision.

Pour visiter un site Web, il faut par contre agir consciemment, il faut rechercher le site. C'est la raison pour laquelle je ne pense pas qu'il faudrait réglementer Internet comme on réglemente la radiodiffusion. On a parlé dans le rapport de l'aspect transactionnel d'Internet. C'est un outil de communication et de recherche. Les gens ne sont pas simplement assis en train de regarder une émission.

J'aimerais parler de la pornographie, qui est une des questions qui touche la réglementation d'Internet. Il ne me faudrait pas plus de deux minutes pour passer rapidement en revue toutes les chaînes que m'offre mon service de câble et trouver une chaîne porno, si j'étais abonné à une de ces chaînes, ce qui n'est pas le cas. Je veux simplement dire qu'il est très facile d'avoir accès à une chaîne de ce type. Un enfant peut facilement changer de chaîne et trouver une chaîne porno. Ce n'est pas la même chose avec Internet. Un enfant trouve très facilement à la télévision des nouvelles qui donnent des images de guerre et de désastres naturels. Avec un ordinateur, c'est un peu plus compliqué. Dans un certain sens, il faut effectuer une recherche pour trouver ce que l'on souhaite.

Dans le cas de la pornographie, je crois qu'il faut demander aux parents de réglementer l'accès à Internet. C'est à eux qu'il appartient de surveiller ce que font leurs enfants avec leur ordinateur. Il existe des programmes qui permettent d'interdire l'accès aux sites qui présentent du matériel pornographique.

Ma position s'explique principalement par la nature transactionnelle d'Internet. C'est un peu comme si l'on combinait le téléphone et une bibliothèque. Bien souvent, lorsque je visite un site Web, c'est parce que quelqu'un m'a envoyé cette adresse par courrier électronique. Il y a un aspect communication. C'est presque comme une recommandation qu'on vous fait. Quelqu'un vous propose un site et vous le visitez. Je n'aurais pas toujours réussi à trouver ces sites par moi-même.

Je travaille à mon ordinateur tous les jours et je passe une partie de ma journée sur Internet, parce que je fais de la recherche, mais la moitié de ce temps est consacré à la communication. Tout cela est relié. Ce n'est pas du tout la même chose que regarder la télévision. Je joue un rôle très actif.

C'est la raison pour laquelle je ne pense pas qu'Internet remplacera la télévision. Cela ressemble davantage à la lecture. C'est une activité individuelle. Il est rare que des personnes se réunissent pour surfer sur le Net. Cela serait frustrant. Qui va manier la souris?

Je crois qu'Internet va élaborer son propre contenu et c'est ce que font les nouveaux médias. Il est possible de diffuser des programmes de télévision sur Internet, mais ce n'est pas là son rôle essentiel, ni sa caractéristique principale.

J'espère qu'un technicien va vous expliquer les aspects techniques de tout cela parce que je ne pense pas qu'il soit techniquement possible de réglementer Internet comme l'on peut réglementer la radiodiffusion, à cause de l'interconnexion du réseau.

J'ai un site Web pour mes propres créations mais j'utilise un serveur américain. Je crée mes oeuvres à partir de chez moi au Canada et je les présente sur un site Web aux États-Unis. Quel est l'État compétent? Devrait-on réglementer ce site comme si c'était un site canadien puisque son contenu est canadien? Mais comment ferait-on puisque le serveur est américain? Il est possible d'exploiter des sites Web à partir de n'importe quelle source ou presque et de les mettre à jour en utilisant un autre ordinateur que l'ordinateur initial. Il n'est même pas possible de retracer l'origine des sites Web.

Je crois que vous nous avez invités parce que nous sommes un groupe culturel qui ne demande pas que l'on réglemente Internet de façon à protéger le contenu canadien. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt sur votre site Web les divers exposés qui vous ont été présentés. J'ai pris note des commentaires de Keith Kelly de la Conférence canadienne des arts. Il a déclaré qu'on allait être obligé de réglementer Internet car autrement, les radiodiffuseurs pourraient contourner les exigences en matière de contenu canadien en diffusant leurs programmes sur Internet.

La position officielle de l'Alliance de la vidéo et du cinéma indépendants est d'encourager la production et la diffusion de produits à contenu canadien. Nous ne pensons toutefois pas qu'il soit techniquement possible d'imposer des quotas concernant le contenu canadien des serveurs Web se trouvant au Canada.

Pour citer un Canadien célèbre, le média est le message. Ce serait commettre une grave erreur de ne voir dans Internet qu'un outil de diffusion commerciale électronique ou télévisée. Ce n'est pas la télévision et ce n'est pas le mot imprimé.

J'ai ici un document que m'a envoyé un groupe appelé Renaissance 2001. Ce groupe a formé le projet de mettre sur pied sur Internet le plus grand festival d'art au monde pour l'an 2001 et d'ensuite célébrer ce festival dans des musées et des salles d'exposition. Ce groupe travaille à partir de New York. Il a défini ce qu'était l'art du Web et ce qui le distingue de la vidéo, de la peinture, du texte, et du reste. Nous assistons donc à l'apparition d'un nouveau média qui combine pratiquement tous les autres médias.

Il y a d'autres aspects qui nous préoccupent. Nous estimons que le gouvernement a un rôle à jouer dans ce domaine. Nous estimons qu'Internet doit conserver un aspect public et non commercial et privilégier l'échange d'information et non les opérations commerciales. C'est ainsi qu'Internet a commencé, par les universités. Le gouvernement canadien a créé la Société Radio-Canada pour assurer l'accès de la population à la radiodiffusion et il devrait également appuyer activement le principe de l'accès universel à Internet, en créant, par exemple, une société d'État qui travaillerait à la réalisation de cet objectif.

En outre, le gouvernement devrait financer des fournisseurs de services Internet à but non lucratif, les services de Freenet ou les serveurs alternatifs, par exemple, pour la création de sites Web en langue autochtone, de bibliothèques publiques, et tous les efforts déployés pour fournir un accès complet à Internet à un coût raisonnable. Tout cela est dans l'intérêt général.

Je ne sais pas exactement dans quelle mesure le gouvernement subventionne Freenet. Il me semblerait normal que le gouvernement commence par assurer à la population un accès à Internet, s'il veut en préserver le contenu canadien. Le réseau Internet n'est pas réservé aux personnes de la classe moyenne supérieure qui ont les moyens d'en payer l'accès.

Le problème ne vient pas du spectre des fréquences, comme c'est le cas pour la radiodiffusion, mais de l'accès au système ou au réseau. Il est évident qu'il faut également former les gens pour qu'ils puissent se servir de ces technologies. C'est à ce prix que l'on pourra garantir qu'Internet aura un contenu canadien. Donner aux Canadiens la possibilité de créer leur propre média et le diffuser sur Internet devrait faire partie des objectifs culturels du Canada.

Comme j'y ai fait allusion il y a un instant, nous ne pensons pas qu'Internet favorise automatiquement les grandes sociétés. Il y a ce que nous appelons la «révolution en robe de chambre»; il y a des gens qui créent de nouveaux produits médiatiques chez eux sur leur ordinateur et qui passent toute leur journée en robe de chambre. Si le gouvernement adopte des politiques dans le but de développer le contenu canadien des nouveaux médias, il devrait aider en priorité les individus, les artistes, les petites et moyennes entreprises, et ne pas accorder des subventions considérables à des grandes sociétés, comme il vient de le faire pour Discreet Logic qui vient de recevoir 9 millions de dollars pour créer un matériel d'animation numérique. Cela s'appelle de l'aide sociale destinée aux grandes sociétés. Pour parler plus clairement, cela permettra à cette société de faire état d'une marge bénéficiaire intéressante dans son prochain rapport à ses actionnaires.

Bien sûr, cela fait certainement partie d'une politique de développement industriel et cela ne concerne peut-être pas directement les choses dont nous parlons aujourd'hui. Nous tenons toutefois à ce que l'on comprenne bien que les forces vives qui modèlent Internet, pour ce qui est de l'innovation, de la création de logiciels, voire de matériel, sont celles des petits groupes et des petites entreprises, et même dans certains cas des particuliers et qu'il convient donc d'attribuer sa juste valeur au rôle que jouent les créateurs individuels dans l'évolution des nouveaux médias.

Pour comprendre ce que l'avenir nous réserve, il faut s'interroger sur les raisons du succès d'Internet. Je me demande souvent: pourquoi est-ce que ce média intéresse tant les gens, si on le compare à la télévision, alors qu'il arrive si souvent que les ordinateurs tombent en panne, qu'il faille attendre très longtemps pour télécharger des fichiers, et qu'il est parfois difficile de se brancher sur Internet? Dans n'importe quel autre secteur, cela serait intolérable. Si nous n'avions accès qu'une fois sur trois à nos émissions de télévision, nous ne le supporterions pas. Et pourtant, les gens l'acceptent très bien dans le cas des ordinateurs, et Internet est de plus en plus utilisé alors que les gens regardent moins la télévision. Il faut se demander pourquoi? Qu'est-ce qui attire les internautes? La télévision offre des images et un son presque parfaits, alors qu'avec les ordinateurs, les images sont mauvaises, les photos déformées ou mal définies, le son est intermittent, à moins d'avoir directement accès à un réseau de fibres optiques.

Je crois que c'est à cause du contenu. Les gens sont naturellement curieux et ils sont attirés par l'information; ils aiment bien se relier à des personnes qui vivent dans d'autres pays. Pourquoi est-ce que les gens regardent les pages d'accueil des autres? C'est la nature humaine. C'est une sorte d'intérêt fondamental. Cette interactivité est l'un des changements fondamentaux qu'a introduit Internet.

C'est pourquoi il n'est pas possible de faire des comparaisons avec la télévision. Ce n'est pas la même chose. Les gens ne regardent pas les nouvelles que donne ABC TV sur Internet, parce qu'ils peuvent allumer la télévision et regarder les nouvelles du réseau ABC; ils vont par contre regarder des images qu'ils ne peuvent voir à la télévision.

L'utilisation d'Internet pour communiquer me paraît donc reliée à la liberté de parole. Notre Charte des droits protège la liberté de communiquer quel que soit le média utilisé. Je l'ai noté lorsque j'ai lu la Charte des droits. Il ne s'agit pas simplement de la liberté de parole dans la presse, c'est la liberté de parole quel que soit le média utilisé. En tant que phénomène international, j'estime qu'Internet devrait être garanti, si ce n'est pas déjà fait, par la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies.

Si l'on veut protéger les intérêts culturels canadiens, il faut, d'après nous, appuyer et faire connaître les créateurs canadiens. Pour trouver les fonds pour le faire, il suffit de se demander où se trouve l'argent. Il y a des gens qui gagnent de l'argent grâce à Internet de nos jours. Les frais d'abonnement mensuels sont versés aux fournisseurs d'accès à Internet et ces entreprises paient à leur tour pour utiliser les infrastructures des compagnies de téléphone, il y a donc quelqu'un qui gagne de l'argent grâce à Internet. Il suffit de trouver le secteur le plus rentable et d'imposer une taxe à cet endroit.

L'Alliance de la vidéo et du cinéma indépendants appuie la recommandation qu'a présentée la Conférence canadienne des arts, selon laquelle les fournisseurs d'accès à Internet dont les revenus bruts sont supérieurs à 750 000 $ devraient verser 5 p. 100 de leurs revenus dans un fonds pour les nouveaux médias. Nous vous suggérons de créer un fonds comme le fonds canadien pour les nouveaux médias et nous pourrons surprendre les autres pays par la qualité du contenu que les Canadiens peuvent offrir.

La présidente: Vous nous avez présenté un exposé fort intéressant, M. Sandmark, et nous sommes heureux de savoir ce que vos membres pensent de ces nouvelles technologies.

Je vais commencer en vous posant une question. Comme vous le savez, le sous-comité se penche actuellement sur la technologie et la culture. Pouvez-vous me donner deux exemples précis de la façon dont vos membres tirent parti des nouvelles technologies, en plus de ce dont vous nous avez parlé dans votre exposé? Qu'apportent à vos membres cette nouvelle technologie et la direction dans laquelle elle évolue?

Mme Penny McCann, présidente, Alliance de la vidéo et du cinéma indépendants: Jusqu'ici, nos membres étaient pratiquement interdits de télévision. Ils produisent des oeuvres qui sont souvent difficiles, controversées et novatrices. Elles sont très diverses. Certaines se prêtent mieux à être exposées dans un musée qu'à la télévision. Ce sont des oeuvres à utilisation multiple. Nos membres produisent des longs métrages, ils produisent également des émissions de télévision mais ils créent aussi des oeuvres parallèles.

C'est pourquoi Internet leur offre davantage de possibilités. Les artistes et les distributeurs canadiens de nouveaux médias font de plus en plus sentir leur présence sur Internet. Ils sont maintenant mieux connus à l'étranger. Nous représentons un créneau, un créneau à l'intérieur des micromédias par opposition aux médias de masse d'Internet. C'est là que nous sommes en train de nous construire une base.

La présidente: Internet est accessible à tous et ce n'est pas comme au cinéma où il faut payer son entrée; j'aimerais savoir comment vos membres se financent?

M. Sandmark: Une bonne partie d'entre eux font des films par passion mais cela ne leur permet pas toujours d'en vivre.

La présidente: Ils ont tout de même des hypothèques à payer.

M. Sandmark: Des hypothèques ou des loyers. Les gens raclent leurs fonds de tiroir pour produire un film et ils espèrent en vivre pendant un certain temps. Il existe diverses sources de financement. Les gens s'adressent souvent au Conseil des arts du Canada, à l'Office national du film. Il y a également certaines stations de télévision qui accordent des fonds pour des projets de film. Il y en a qui sollicitent les organismes de financement provinciaux, les conseils des arts provinciaux ou municipaux. Il existe diverses sources. Il y a aussi la famille.

De toute façon, ces gens ne font pas beaucoup d'argent avec leurs films. La situation n'est pas très différente des grands films financés par Téléfilm, parce que ces films-là ne rapportent pas non plus d'argent. Ils arrivent à vendre certains films mais ils ne récupèrent pas leur mise de fond. Cette année, le film d'Atom Egoyan, The Sweet Hereafter, a été le premier film à être rentable commercialement depuis des années.

Vous nous avez demandé si nous faisions de l'argent grâce à Internet. Personne ne demande le numéro de carte de crédit des visiteurs.

La présidente: Les groupes d'artistes qui sont venus témoigner ont demandé que l'on augmente les subventions. C'est pour cette raison que je vous ai demandé d'où vous pensiez que ces subventions devaient venir. Nous savons que les sociétés de câble doivent verser 5 p. 100 pour la production d'émissions canadiennes. Pensez-vous que l'on devrait augmenter cette taxe? Les fournisseurs de service Internet devraient-ils également la payer?

M. Sandmark: Si ce service s'étend, la taxe produira davantage. C'est un média qui se développe. Comme je l'ai mentionné il y a un instant, je ne sais pas exactement où l'on devrait imposer une taxe. C'est peut-être une question délicate. La plupart des fournisseurs d'accès à Internet ne font pas beaucoup de bénéfices parce qu'ils fournissent un soutien. Ils doivent embaucher des gens qui assurent un soutien technique, ils doivent payer leur loyer, leurs frais fixes, et le reste. Qui est-ce qui en retire des bénéfices, des vrais bénéfices? Je crois que ce sont les compagnies de téléphone. Ce n'est peut-être pas exact à l'heure actuelle parce qu'elles sont en train d'installer des fibres optiques mais dans 10 ans, lorsque le réseau de fibres optiques sera en place, je crois que ces compagnies pourront alors transmettre des quantités énormes de données et elles n'auront plus qu'à compter leurs bénéfices.

Le sénateur Johnson: Votre «révolution en robe de chambre» m'a intéressée. Vous dites que pour renforcer le contenu canadien des nouveaux médias, il faudrait plutôt aider les individus et les petites et moyennes entreprises plutôt que de donner de grosses subventions aux grandes sociétés.

A-t-on versé des subventions à des petites et moyennes entreprises ou est-ce que Discreet Logic est un exemple de la façon dont on accorde généralement les subventions?

M. Sandmark: Nous avons aidé à la création d'un fonds pour les nouveaux médias à l'intérieur du Conseil des arts du Canada. C'est un fonds modeste.

Le sénateur Johnson: Comment s'appelle ce fonds?

M. Sandmark: Il faut partie de la section des arts médiatiques du Conseil des arts du Canada. Il sert à financer les projets qui touchent les nouveaux médias. En fait, c'est pour les artistes.

Le sénateur Johnson: Combien d'argent y a-t-il dans ce fonds? Vous en souvenez-vous?

M. Sandmark: Quelques centaines de milliers de dollars. Il y a aussi le fonds multimédias Stentor.

Mme McCann: Il y en a deux, il y a le fonds Bell et le fonds Stentor. Le fonds Bell semble avoir été principalement utilisé pour faire la promotion des producteurs de télévision canadiens et assurer leur présence sur Internet alors que le fonds Stentor s'intéresse principalement aux grands projets d'envergure nationale, c'est-à-dire à des projets importants qui sont présents sur Internet.

Le Banff Centre for the Arts a récemment reçu une subvention importante du fonds Stentor qui était destinée à des artistes disposés à produire des projets novateurs destinés à Internet. Les fonds pour les artistes augmentent tranquillement. C'est un peu lent parce que cela fait déjà longtemps que les artistes utilisent les médias numériques.

J'aimerais faire une remarque. Il est peut-être difficile de parler de contenu canadien sur Internet. On pourrait peut-être plutôt penser en termes de présence canadienne. Comment trouve-t-on les choses qui concernent le Canada, qu'il s'agisse de télévision, de sites Web, de la SRC ou du Sénat? Comment trouve-t-on ces sites? Il est impossible de s'y retrouver.

Le sénateur Johnson: Il n'est pas possible de réglementer le contenu canadien d'Internet.

Mme McCann: Nous proposons la création d'un organisme qui serait chargé de renforcer la présence canadienne sur Internet pour que les Canadiens puissent trouver les renseignements qu'ils désirent. Cela nous éviterait peut-être d'avoir à utiliser un serveur américain qui vous donne 14 millions de réponses, toutes fausses. Cela est très décourageant.

Un des membres de notre conseil d'administration est une artiste des médias numériques et elle vient de créer un site Web appelé «Positive». Il traite de la situation des séropositifs. Alta Vista est le seul moteur de recherche américain qui permette de retrouver son site parce que celui-ci contient des mots comme «séropositif». Ce sont des termes qui sont automatiquement censurés parce qu'ils sont controversés. Voilà qui est intéressant.

De quoi avons-nous besoin? Nous avons besoin de moteurs de recherche qui permettent de retrouver rapidement les artistes et les sites canadiens, pas un moteur qui va commencer par faire défiler 14 000 noms de documents avant de mentionner un site canadien parce que nous sommes inondés par une masse d'informations principalement en provenance des États-Unis. C'est un sujet qui mérite réflexion.

Le sénateur Maheu: Vous avez parlé de censure il y a un instant. Qu'entendez-vous par là? D'après ce que vous avez dit, je pensais qu'il était à peu près impossible de censurer quoi que ce soit. Je ne comprends pas très bien.

J'ai un petit-fils de 10 ans qui, malgré ce que vient de dire M. Sandmark, peut trouver à peu près n'importe quoi avec son ordinateur. C'est la même chose pour sa soeur de huit ans et l'autre enfant qui en a cinq. Ils commencent très jeunes. Les enfants s'intéressent aux ordinateurs dès qu'il y en a un dans la maison. La plupart des familles dont les enfants fréquentent l'école possèdent maintenant un ordinateur.

Je n'ai jamais entendu parler de censure. Vous avez dit que l'on censurait ce qui touchait le VIH. Je ne pensais pas que ce genre de chose existait aux États-Unis.

Mme McCann: C'est au consommateur, en fait à l'utilisateur, de savoir qu'Alta Vista est un moteur de recherche plus libéral qu'Excite.

M. Sandmark: Il existe des toiles d'araignées, ce sont des petits logiciels qui utilisent la technologie des virus. Ils examinent les sites Web et en vérifient le contenu. Certains examinent uniquement le titre ou la description du site, car c'est elle qui vous permet d'amener les gens à visiter votre site; d'autres par contre examinent l'ensemble du site à la recherche de correspondances. Le moteur de recherche ne fait pas exactement de la censure mais il peut choisir de mettre de côté les sites qui contiennent des mots qu'il veut écarter. Cela peut être n'importe quoi. Cela pourrait être des images. On peut faire la même chose sur un ordinateur personnel. Il existe des logiciels qui permettent de le faire, par exemple, Net Nanny et CYBERsitter. Ils bloquent l'accès aux sites Web en fonction de mots clés. Cela est tout à fait possible, c'est comme la puce V pour la télévision.

La présidente: Pourriez-vous préciser davantage ce que vous entendez par «moteur de recherche canadien»? De quoi voulez-vous parler exactement? Quelle est la technologie que l'on pourrait utiliser?

M. Sandmark: C'est plutôt une question de ressources humaines. Il faudrait créer un site qui favoriserait l'accès aux autres sites qui ont un contenu canadien. Il faudrait créer une base de données contenant les termes qui font référence au Canada, comme par exemple, «canot», c'est-à-dire un site qui favorise l'accès aux sites canadiens. Je crois que Sympatico a essayé de privilégier les sites qui intéressent les Canadiens.

La présidente: Gratuitement?

M. Sandmark: C'est un gros travail. Il faudrait embaucher beaucoup de gens pour effectuer les recherches.

La présidente: Essayons de comparer cela à la façon dont la radiodiffusion a évolué au Canada. Au début des années 30, le gouvernement a décidé de créer un radiodiffuseur public dans l'intention de faire concurrence aux stations de radio américaines qui diffusaient dans l'ensemble du Canada. On a imposé un contenu canadien à la radiodiffusion. Avec la technologie moderne, comment pourrait-on mettre au point un moteur de recherche canadien? Plaçons-nous en l'an 2000.

Mme McCann: Ce pourrait être un gros annuaire qui contiendrait tous les sites canadiens. Les gens pourraient s'y abonner et déclarer que leur site est canadien. Comment pourrait-on le savoir en fin de compte?

Le rapport de l'ACC sur les nouveaux médias parlait de la SRC comme d'un site potentiel. C'est un regroupeur de contenu. C'est un site potentiel. Ce serait une façon de garantir une présence canadienne qui serait accessible à tous les Canadiens. Je ne dis pas que l'on devrait en faire un moteur de recherche.

Il existe des moteurs de recherche canadiens mais ils sont petits et pratiquement invisibles comparés à leurs homologues américains. On pourrait mettre en place des incitatifs qui pousseraient ces sociétés à prendre des risques et à obtenir la base dont elles ont besoin pour attirer les annonceurs et fonctionner comme le font les moteurs de recherche plus connus.

M. Sandmark: Cela devrait peut-être faire partie de la mission de la SRC. C'est cette société qui a démarré la radiodiffusion au Canada. Ce nouvel aspect est dans le prolongement direct de ce qu'elle fait déjà.

Mme McCann: Un moteur de recherche sans publicité serait très populaire. Personne n'aime les sites qui contiennent des annonces et la situation va s'aggraver. Il serait excellent que la SRC démarre un moteur de recherche sans publicité qui donnerait aux gens la possibilité de s'informer.

La présidente: Il n'y aurait pas que les Canadiens qui résident au Canada qui pourraient l'utiliser mais tous les autres n'est-ce pas?

Mme McCann: Bien sûr. Cela revient à l'idée d'une présence canadienne.

M. Sandmark: L'Alliance de la vidéo et du cinéma indépendants possède un site Web et je dirais qu'entre le tiers et la moitié des personnes qui nous visitent résident dans d'autres pays. Cela varie selon le mois. Le fait est que nous faisons de la promotion au niveau international des oeuvres canadiennes dans le domaine du cinéma et de la vidéo. Notre site Web comprend toutes sortes de mots clés, qui permettent aux gens qui cherchent des films indépendants au Canada de trouver notre site.

Je reçois tous les jours du courrier en provenance d'Australie ou de Grande-Bretagne. Les gens cherchent à retrouver telle ou telle personne ou ils font un rapport sur l'industrie cinématographique en Australie et aimeraient savoir comment ce secteur fonctionne au Canada. C'est un rôle important. Nous accueillons les visiteurs. Nous les connectons à tous nos membres de sorte qu'à partir de notre site, il est possible de découvrir tous les autres centres canadiens qui produisent des films.

Le sénateur Maheu: Si l'on devait adopter un règlement, comment devrait-on traiter les mots comme «porno», «nudité» ou tout ce qui touche à la pornographie?

M. Sandmark: Nous pourrions utiliser les lois actuelles relatives à la pornographie juvénile. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'adopter d'autres dispositions réglementaires pour poursuivre les personnes qui font le trafic de la pornographie juvénile sur Internet.

Le sénateur Maheu: Il est presque impossible de les découvrir.

M. Sandmark: Étant donné qu'il existe un nombre incalculable de sites, il est pratiquement impossible de surveiller Internet comme le CRTC surveille le contenu et les quotas canadiens à la télévision.

Pour ce qui est des enquêtes policières, je crois que c'est le contraire. Le fait d'utiliser Internet laisse des traces. Il faut être un fana de l'informatique pour ne pas laisser de traces. Dans la plupart des cas, les gens laissent des traces partout lorsqu'ils envoient des fichiers sur Internet. Il faudrait arriver à convaincre ces mordus de l'information de travailler pour la police.

Je viens de lire un article au sujet d'un réseau de producteurs de matériel pornographique juvénile qui vient d'être démantelé en Europe. Nous pouvons utiliser les dispositions existantes en matière de pornographie et les appliquer à Internet.

Lorsque ces activités traversent des frontières, il faut communiquer avec Interpol et rédiger une entente internationale pour que la police puisse poursuivre ces investigations. Je crois que cela se fait déjà. Je pense qu'il existe des ententes sur ce sujet.

Le sénateur Johnson: Voilà un sujet fascinant. Nous aurons tous nos propres sites Web. J'ai aimé votre remarque au sujet du fait que Walt Disney a un site Web de la même taille que le vôtre. Comment va évoluer votre alliance; quelles sont vos prévisions? Combien de personnes pouvez-vous représenter? Dans quelle direction votre organisation va-t-elle s'engager au cours des années qui viennent, compte tenu de la rapidité avec laquelle les choses évoluent? Vous recevez des subventions gouvernementales à l'heure actuelle mais vous demandez la création d'un fonds canadien pour la télévision à la fin de votre mémoire. Que souhaitez-vous? Qu'est-ce que cela peut recouvrir?

Mme McCann: Nous espérons lancer sur Internet un magazine du film et de la vidéo indépendants semblable à celui qui existe aux États-Unis et qui est préparé par les personnes qui s'occupent de la chaîne du film indépendant. Nous allons également continuer avec notre site Web, en l'améliorant et en le diversifiant. Cela peut devenir canadien, américain et international. Il est important pour nous d'aider les producteurs canadiens indépendants de film, vidéo et de nouveaux médias à échanger leurs idées, pour qu'ils fassent mieux sentir leur présence, parce que nous avons toujours été un peu en marginaux.

Le sénateur Johnson: Même avec la mondialisation, vous pensez que cet outil permettra de renforcer une présence, comme vous l'appelez, par opposition à un contenu canadien.

Mme McCann: Oui.

M. Sandmark: La diffusion de films indépendants par les chaînes de télévision canadiennes se heurte au fait que certaines oeuvres n'attirent pas un public suffisant. Il faut pouvoir attirer le grand public pour justifier la présentation de ces oeuvres à la télévision, parce que ce média a un auditoire très large. Les oeuvres dont je parle reflètent un point de vue particulier et s'adressent à des auditoires très restreints.

Avec Internet, nous pouvons rechercher un auditoire international. On arrive à trouver peut-être 100 personnes dans cette ville, et 100 personnes dans une autre, mais toutes ces personnes forment un auditoire suffisamment important pour pouvoir payer la production de l'oeuvre. Nous essayons de trouver une autre façon de fonctionner sur le plan économique.

L'économie de la production cinématographique est fondée sur les médias de masse. Elle s'appuie sur une structure technologique. Il est possible de projeter un film à un vaste public. La distribution des films permet de rejoindre un public très large. Cela est particulièrement vrai pour la télévision. On peut diffuser un film à des millions de personnes en même temps et cela influence le genre de produit que l'on fabrique.

Nous avons un média qui permet de faire le contraire. Il nous permet de produire des oeuvres destinées à des publics très restreints.

Il faut trouver son public et si vous lui donnez ce qu'il souhaite, le public vous appuie. Nous n'avons pas encore trouvé de solution financière. Je pense que c'est plutôt une question technique. Il arrivera un moment où les gens n'hésiteront plus à donner leur numéro de carte de crédit sur Internet, par exemple.

Il s'agit en partie d'un problème de chiffrement. C'est une question de confiance. L'argent repose sur la confiance. Les gens utilisent l'argent parce qu'ils ont confiance en lui. C'est la même chose. Lorsque le commerce sur Internet sera mieux accepté et qu'il y aura suffisamment de consommateurs, nous franchirons le seuil de l'acceptation. Les gens commenceront à acheter des produits de cette façon. Ils pourront ainsi appuyer des productions faites avec des moyens réduits mais qui visent un marché spécialisé. Ce marché peut se trouver n'importe où au monde.

Je crois que cela favorise le genre de productions indépendantes dont s'occupent nos membres. Cela va se développer. Il est certain que la production indépendante d'arts médiatiques va augmenter.

Le sénateur Johnson: Cela est fascinant.

Mme McCann: J'aimerais répondre à la dernière partie de votre question. Nous avons également parlé de la création d'un fonds canadien pour les nouveaux médias. Nous sommes des artistes des médias et nous sommes également des producteurs. Nous vivons dans les deux mondes. Nous créons des documentaires, des longs métrages et des disques compacts. Nous avons des membres qui sont des entreprises commerciales.

La notion de présence canadienne ne se résume pas à la création de moteurs de recherche canadiens. Il y a également le contenu. Il faut renforcer davantage l'expertise des producteurs canadiens pour ce qui est du contenu des nouveaux médias. Nous devons nous donner les moyens de soutenir la concurrence dans l'interface, dans les graphiques, dans la capacité d'attirer un public, ou peut-être des utilisateurs, même s'il y a aussi un élément de spectacle. Il faut encourager l'interaction avec ces sites.

Il faut que toutes les sociétés, quelle que soit leur taille, et les producteurs indépendants s'attellent à cette tâche. C'est à cela que servirait le fonds canadien pour les nouveaux médias, renforcer la présence canadienne.

M. Sandmark: C'est là que réside, d'après moi, l'essentiel de la question. Si nous admettons le fait qu'Internet va faire disparaître la notion de spectre limité qui s'applique à la radiodiffusion et à la réglementation de cette activité, il faudra alors trouver les moyens de promouvoir des objectifs culturels dans un domaine où l'on ne peut pas utiliser les notions de quotas ou de contenu canadiens.

La même question se pose dans d'autres secteurs. Tous les pays se donnent des objectifs nationaux culturels. Comment appuyer la culture nationale lorsqu'on n'exerce aucun contrôle sur le média? La seule solution que nous proposons est de renforcer le développement et la création de produits culturels.

Les discussions au sujet de l'AMI jouent un rôle essentiel ici. Si l'AMI est adopté et que les ressortissants des pays signataires ont accès à des subventions, d'après ce que j'ai compris, il n'y aura plus de frontières. On nous a expliqué que des producteurs américains pourraient avoir accès aux subventions de Téléfilm. Cela supprimerait les frontières.

Le sénateur Johnson: Le Canada a réagi en adoptant une politique culturelle et écologique mais les négociations sont rompues. Chacun est rentré chez soi.

M. Sandmark: Il me paraît alors d'autant plus important de conserver ou d'introduire dans l'AMI une réserve concernant les subventions à des fins culturelles. Sans cet outil de promotion de notre culture, que nous restera-t-il? Que pourrions-nous utiliser?

Il y a un lien. Il est possible de stimuler la création de biens culturels en finançant ces activités, mais uniquement si nous pouvons protéger ces biens.

Le sénateur Johnson: Oui, tout cela est relié. Merci.

La présidente: Si nous avons d'autres questions à vous poser, pouvons-nous vous les transmettre pour obtenir des réponses?

M. Sandmark: Nous serions très heureux de pouvoir vous aider.

La présidente: Nous sommes heureux de voir avec quel enthousiasme vous abordez ces nouveaux médias.

La séance est levée.


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