Délibérations du sous-comité des
Communications
Fascicule 13 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 3 mars 1999
[Traduction]
Le sous-comité des communications du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 15 h 40, pour étudier la position internationale concurrentielle du Canada dans le domaine des communications en général, et notamment l'importance des communications au Canada sur les plans économique, social et culturel.
Le sénateur Marie-P. Poulin (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Nous vous remercions beaucoup d'avoir accepté notre invitation et aussi de nous avoir exprimé votre intérêt à la question à l'étude en ce moment, c'est-à-dire la position internationale concurrentielle du Canada dans le domaine des communications en général et surtout, l'importance des communications au Canada sur les plans économique, social et culturel.
[Traduction]
Comme vous le savez, nous avons déposé un premier rapport il y a un an environ dans lequel nous cherchions véritablement à étudier la question sous quatre angles -- technologique, économique, culturel ainsi que sous l'angle lié aux ressources humaines.
Nous nous sommes rendu compte, après avoir écouté de nombreux témoins intéressants -- et cela nous l'a été redit à plusieurs reprises -- que la question du contenu l'emporterait sur toutes les questions de diffusion. Nous sommes particulièrement heureux de vous avoir parmi nous.
[Français]
M. Gilles Valiquette, président, SOCAN: Je suis auteur, compositeur et président de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, mieux connue sous le nom de la SOCAN. Je suis accompagné par Me Paul Spurgeon, qui est chef du contentieux de la SOCAN.
Avant de passer à la discussion des nouveaux médias, j'aimerais décrire brièvement le travail de notre association. La SOCAN est une association canadienne sans but lucratif qui représente les compositeurs, paroliers, auteurs-compositeurs et éditeurs d'oeuvres musicales au Canada et à l'échelle mondiale.
Au nom de nos membres canadiens actifs qui sont au nombre de plus de 18 000, et en celui des membres de nos sociétés internationales affiliées, nous administrons les droits d'exécution liés aux paroles et à la musique.
Le droit d'exécution est un droit d'auteur qui accorde au propriétaire de l'oeuvre musicale le droit exclusif d'exécuter en public ou de diffuser son oeuvre ou d'en autoriser d'autres à le faire en contrepartie d'une redevance. Autrement dit, le droit d'auteur est le salaire du créateur. Étant nous-mêmes des créateurs de contenu canadien, nous portons le plus vif intérêt à la Loi sur la radiodiffusion ainsi qu'aux règlements du CRTC en matière de contenu canadien.
Nous avons donc participé activement au récent examen du CRTC lorsqu'il s'est penché sur ces politiques en matière de radio commerciale, de télévision et de nouveaux médias. Nous sommes bien satisfaits du nouveau règlement du CRTC concernant la radio commerciale qui est entré en vigueur au début de cette année. Nous sommes persuadés que ce nouveau règlement est favorable au créateur canadien et nous sommes d'avis que le CRTC devrait en étudier les effets au cours des cinq prochaines années avant de passer à un nouvel examen.
En ce qui concerne le domaine de la télévision, nous avons bon espoir que la nouvelle politique que doit annoncer le CRTC au cours de l'année représentera une consolidation du règlement en matière de contenu canadien.
Durant le reste de notre présentation d'aujourd'hui, nous aimerions vous expliquer comment nous envisageons l'examen du CRTC des nouveaux médias, après quoi nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes vos questions.
On nous a laissé entendre que l'examen de votre sous-comité au sujet de la compétitivité du Canada en matière de communication à l'échelle internationale a porté sur l'Internet et sur les nouveaux médias. C'est ainsi, par exemple, que vous avez accueilli, en octobre dernier, des représentants de l'Association canadienne des fournisseurs Internet, ACFI, ainsi que d'autres témoins qui vous ont parlé de Internet.
Le 17 novembre dernier, la SOCAN a fait parvenir à votre sous-comité une lettre dans laquelle elle mentionnait rejeter l'argument de l'ACFI qui soutenait que l'Internet ne peut pas et ne doit pas être réglementé.
Nous avons fait parvenir les deux mémoires que nous avons déposés relativement à l'examen du CRTC des nouveaux médias. Comme vous le savez peut-être, la SOCAN a également déposé un projet de tarif Internet auprès de la Commission du droit d'auteur dans l'intention d'assurer que nos membres toucheront des redevances quand leurs oeuvres seront utilisées sur Internet. Étant donné que les oeuvres de nos membres font déjà l'objet d'utilisation de plus en plus fréquente sur Internet, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous faire part de nos idées sur cette importante question.
Notre plaidoyer d'aujourd'hui portera sur les deux points suivants: premièrement, j'aborderai la question de savoir si le conseil devrait réglementer Internet. Deuxièmement, Paul Spurgeon discutera de la façon dont le CRTC devrait appliquer les exigences relatives à la production et à la présentation de contenu canadien au moment où nous nous préparons tous à aborder le nouveau millénaire.
Permettez-moi avant de terminer cette introduction, d'établir tout de suite une distinction importante, celle entre médias et contenu, afin d'éviter toute confusion possible durant le reste de notre présentation.
Quand on parle de médias, on veut dire les moyens par lesquels un contenu est communiqué. Nous croyons donc que la présente enquête sur les nouveaux médias doit porter essentiellement sur les nouveaux moyens par lesquels les oeuvres musicales de nos membres et autres contenus sont présentement communiqués, y compris les médias de transmission numérique comme Internet.
L'idée principale que j'aimerais souligner aujourd'hui est la suivante. Le fait que les médias ont évolué ne veut pas dire que le CRTC doive automatiquement laisser tomber ses dispositions relatives au contenu. Comme vous le savez, les nouveaux médias diffusent d'ores et déjà de la musique et autres contenus à l'intention des Canadiens. Malheureusement, plusieurs de ces nouveaux médias croient ne pas être tenus par la Loi sur la radiodiffusion de faire appel au maximum aux ressources canadiennes créatrices et autres pour la conception et la présentation de leur programmation, comme toutes les autres entreprises de radiodiffusion au Canada.
La SOCAN considère qu'en ne réglementant pas les nouveaux médias, le CRTC perd de son efficacité et se trouve en fait à créer deux catégories de radiodiffuseur: ceux qui sont assujettis aux politiques du Parlement et ceux qui ne le sont pas. Nous croyons que dans la mesure où les nouveaux médias communiquent des oeuvres musicales de nos membres et autres programmations au public, ils sont assujettis à la Loi sur la radiodiffusion et que les conditions de licence et les règlements du CRTC doivent être appliqués.
La compagnie Rogers Communications profite du câble pour fournir un accès Internet aux Canadiens dans le cadre de son nouveau service, Rogers@home.
Le CRTC émet déjà des licences à Rogers Cable et aux autres câblodistributeurs pour leur permettre de communiquer de la programmation au public, comme le fait d'ailleurs la SOCAN à l'égard des contenus musicaux qui sont communiqués par ces entreprises.
Il n'y a pas de raison pour que le service Rogers@Home, qui communique de la programmation, ne soit pas assujetti aux lois et règlements du Parlement. Certains prétendront toutefois que ni le Parlement ni le CRTC ne peuvent jouer de rôle dans la réglementation des nouveaux médias du fait que l'Internet fait fi des frontières nationales et des attributions traditionnelles. La SOCAN a un point de vue bien différent.
Pour commencer, nous ne sommes pas d'accord avec le fait que le Parlement et le CRTC devraient renoncer à leurs responsabilités dès qu'ils sont confrontés aux défis des nouvelles technologies. Cela fait déjà près de 70 ans que la SOCAN s'adapte à l'évolution technologique et aux questions d'attributions. Par expérience, elle sait que c'est faisable. La musique, tout comme l'Internet, est une entreprise de technologie de pointe qui n'a jamais reconnu de frontière nationale. Pour répondre aux défis qu'elle rencontrait, la SOCAN a collaboré avec les sociétés de droit d'exécution à l'échelle mondiale, afin d'en arriver à la mise au point d'un système tenant compte de plusieurs facteurs, y compris la législation canadienne, les traités internationaux et un jeu d'accords entre diverses associations nationales et internationales.
Lorsque le ministre de l'Industrie, John Manley, a accueilli la réunion de l'OCDE sur le commerce électronique en octobre dernier, lui et ses collègues ne se sont pas contentés de conclure que le fait que l'Internet n'est pas réglementé à l'heure actuelle veut dire qu'il est impossible de le taxer, au contraire. Ils se sont entendus pour travailler ensemble pour découvrir des façons innovatrices d'adapter les instruments des politiques actuelles aux nouvelles réalités.
On s'y prend de la même façon présentement pour trouver un moyen de réglementer la pornographie, la littérature haineuse et les autres contenus offensifs de l'Internet. Voilà pourquoi la SOCAN a instamment prié le CRTC de continuer à réglementer les contenus qui sont diffusés à l'intention du public, quel que soit le moyen de transmission employé.
Je cède maintenant la parole au chef du contentieux de la SOCAN, Me Paul Spurgeon, qui expliquera pourquoi il faut soumettre les nouveaux médias aux exigences de production et de présentation de contenu canadien.
[Traduction]
M. Paul Spurgeon, conseiller général, SOCAN: J'aimerais répondre aux questions soulevées par le CRTC dans l'avis public à propos du contenu canadien. J'aimerais notamment m'attarder sur les deux questions suivantes. Premièrement, comment promouvoir le développement et la production du contenu canadien? Deuxièmement, comment faire en sorte que le contenu canadien ait accès aux nouveaux médias?
Le CRTC a plusieurs politiques visant à promouvoir le développement et la production du contenu canadien. Par exemple, les radiodiffuseurs et les télédiffuseurs font des contributions financières à la production du contenu canadien, lorsqu'ils diffusent des émissions à l'aide d'ondes ou par câble à l'intention des Canadiens. Selon nous, les nouveaux médias qui génèrent des recettes publicitaires en transmettant des émissions aux Canadiens devraient aussi contribuer aux fonds de production du contenu canadien. Ces contributions favoriseront le développement du contenu canadien, ce qui, par ricochet, attirera les Canadiens, générera des recettes publicitaires et encouragera le développement de nouveaux médias et d'autres industries. Nous comprenons qu'il faut définir les exigences de ce que représente le contenu canadien à des fins de financement et de soutien. Comme c'est le cas pour les actuels programmes de soutien de la production télévisuelle, les critères fixés doivent promouvoir les objectifs culturels et industriels du Canada. Ces critères devraient refléter le fait que le rôle de la musique et d'autres contenus dans les nouveaux médias est tout aussi important que dans les radiodiffusions traditionnelles. Toutefois, il ne suffit pas de simplement promouvoir la production du contenu canadien. Deuxièmement, nous devons également encourager la diffusion du contenu canadien et s'assurer qu'il est présenté de manière à ce que les Canadiens puissent y avoir accès. La SOCAN est d'avis que les canaux de distribution et le nombre croissant de revendeurs de contenu doivent donner de la place au contenu canadien. En outre, cette diffusion ne doit pas être secondaire et introuvable. Elle doit au contraire occuper une place de choix pour être accessible à tous les Canadiens. La meilleure façon de s'en assurer consiste à imposer les exigences en matière de contenu canadien aux nouveaux médias, comme l'Internet. Dans le passé, les règles relatives au contenu canadien ont été un instrument politique efficace et nous croyons qu'elles ont un important rôle à jouer à l'avenir. Comme l'a dit Gilles, la nouvelle politique du CRTC en matière d'émissions radio publicitaires renferme un engagement renouvelé à l'égard du contenu canadien. La SOCAN partage cet engagement et recommande au CRTC de le respecter dans le cadre de son examen des nouveaux médias. L'essentiel, c'est que les Canadiens doivent avoir le droit de choisir et de voir et d'entendre les oeuvres de création de leurs compatriotes.
Deuxièmement, nous devons également encourager la diffusion du contenu canadien et s'assurer qu'il est présenté de manière à ce que les Canadiens puissent y avoir accès. La SOCAN est d'avis que les canaux de distribution et le nombre croissant de revendeurs de contenu doivent donner de la place au contenu canadien. En outre, cette diffusion ne doit pas être secondaire et introuvable. Elle doit au contraire occuper une place de choix pour être accessible à tous les Canadiens. La meilleure façon de s'en assurer consiste à imposer les exigences en matière de contenu canadien aux nouveaux médias, comme l'Internet. Dans le passé, les règles relatives au contenu canadien ont été un instrument politique efficace et nous croyons qu'elles ont un important rôle à jouer à l'avenir. Comme l'a dit Gilles, la nouvelle politique du CRTC en matière d'émissions radio publicitaires renferme un engagement renouvelé à l'égard du contenu canadien. La SOCAN partage cet engagement et recommande au CRTC de le respecter dans le cadre de son examen des nouveaux médias. L'essentiel, c'est que les Canadiens doivent avoir le droit de choisir et de voir et d'entendre les oeuvres de création de leurs compatriotes.
Comme l'a dit Gilles, la nouvelle politique du CRTC en matière d'émissions radio publicitaires renferme un engagement renouvelé à l'égard du contenu canadien. La SOCAN partage cet engagement et recommande au CRTC de le respecter dans le cadre de son examen des nouveaux médias. L'essentiel, c'est que les Canadiens doivent avoir le droit de choisir et de voir et d'entendre les oeuvres de création de leurs compatriotes.
La présidente: Vous avez tous les deux utilisé des expressions qui nous ramènent au coeur de certaines des discussions que nous avons eues au sein de ce comité ces derniers mois. L'une d'elles portait sur le fait que les droits d'auteur représentent le salaire des écrivains et des artistes qui puisent dans leur créativité, leur temps et leurs ressources pour donner vie à la nouvelle technologie. Les sénateurs qui vous écoutent sont très ouverts.
Le sénateur Johnson: Dans votre mémoire au CRTC relatif à l'examen des nouveaux médias, vous prétendez que les exigences de contenu canadien devraient s'appliquer aux nouveaux médias, comme l'Internet. Comment de telles exigences pourraient-elles s'appliquer dans ce cas précis?
M. Spurgeon: Demandez-vous comment cela pourrait se faire techniquement ou légalement?
Le sénateur Johnson: Techniquement parlant.
M. Spurgeon: Nous croyons que la loi appuie la réglementation -- ce que souligne notre mémoire. D'un point de vue pratique ou technique, je ne pourrais pas répondre de meilleure façon qu'en citant un article paru dans le Financial Post le 1er décembre dernier, que je pourrais d'ailleurs remettre au greffier. L'auteur, professeur à l'Université de la Colombie- Britannique, défend le principe de la réglementation de l'Internet en disant pourquoi il est possible de réglementer ce média pratiquement ou techniquement parlant. D'aucuns prétendent que c'est un nouveau média et que, par conséquent, il ne peut être réglementé; l'auteur de l'article avance que ceux qui prétendent que l'Internet est trop récent ne disent que des balivernes. Il aborde la question du caractère récent de ce média et demande si tout le beau monde de l'Internet a raison. Est-il techniquement impossible de réglementer l'Internet?
C'est peut-être ce à quoi vous voulez en venir, les aspects pratiques. Le professeur poursuit en disant:
Si cela était vrai, les autres arguments seraient discutables. Les partisans de ce point de vue prétendent que comme l'Internet prend de l'ampleur et évolue rapidement, les organes de réglementation ne pourront jamais arriver à suivre tous les nouveaux sites Web, sans compter que l'Internet contourne d'éventuels murs.
Alors que cela est en apparence juste, c'est également trompeur. Il n'est pas vraiment sensé dans le monde de l'Internet de contrôler la programmation produite par des Canadiens -- pas plus qu'il n'est sensé de vouloir ériger des murs pour protéger son pays en espérant que d'autres feront de même [...] Mais il est possible de contrôler la programmation à laquelle la plupart des Canadiens ont accès. Il existe de nombreux outils comme le SurfWatch et le NetNanny qui empêchent les mineurs d'avoir accès à la pornographie. Il est facile d'imaginer que des dispositifs filtrants du même genre pourraient servir à bloquer la littérature haineuse, par exemple, ou, inversement, à donner à des sites canadiens une place de choix sur l'Internet.
Cet exemple concret permet d'expliquer au plan technique comment la réglementation ou un mécanisme de réglementation du contenu pourrait fonctionner. Ce n'est qu'un exemple, mais je crois qu'il y en a bien d'autres.
Je ne sais pas si j'ai ainsi répondu à votre question, mais c'est certainement une excellente explication de la façon dont cela peut se faire.
La présidente: Pensez-vous, monsieur Spurgeon, que l'on pourrait avoir le même organe de réglementation que celui actuellement en place pour les médias et les radiodiffuseurs?
M. Spurgeon: Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le même et c'est l'idée maîtresse de notre mémoire relatif à l'examen du CRTC.
Les gouvernements qui adoptent des lois visent à rendre les choses technologiquement neutres de manière que l'impact de la technologie ne modifie pas les principes qu'il nous faut maintenir. En ce qui concerne l'Internet, nous pensons que le support importe peu, qu'il s'agisse d'une télévision qui permette d'écouter de la musique, de regarder un film, ou qu'il s'agisse de la radio. Le support importe peu, ce qui importe, c'est qu'il s'agit de radiodiffusion.
Par conséquent, peu importe le support, le résultat est le même. Qu'il s'agisse de l'Internet ou d'un nouvel ordinateur sophistiqué ne change absolument rien, puisque les gens veulent avoir accès au contenu.
À notre avis, le CRTC fait un excellent travail en veillant à ce que les radiodiffuseurs et autres soient réglementés d'une manière qui convienne le mieux à tous les Canadiens; je crois d'ailleurs que les Canadiens sont d'accord à ce sujet.
C'est la même chose dans le cas de l'Internet qui diffuse simplement le même contenu, même si le support est différent. C'est ce que voulait dire M. Valiquette un peu plus tôt, lorsqu'il parlait de faire la distinction entre le support et le contenu.
Le sénateur Johnson: Par conséquent, comme il s'agit de radiodiffusion, il faudrait l'assujettir à la réglementation. C'est ce que vous dites essentiellement.
M. Spurgeon: C'est exact. Si ce n'est pas de la radiodiffusion, cela ne sera pas réglementé. Nous ne cherchons pas à réglementer le courrier électronique, par exemple.
Beaucoup de gens ne savent pas vraiment ce qu'est l'Internet. On retrouve trois marchés bien connus sur l'Internet. Nous savons qu'il est possible de commander un livre ou un disque sur le site Amazon.com et qu'il est livré directement chez soi.
Le sénateur Johnson: Je l'ai fait l'autre jour, c'est incroyable, c'est formidable.
M. Spurgeon: C'est un bon exemple de l'achat sur catalogue qui remplace la vente au détail. Le marché de détail existe toujours, mais différemment.
On peut parler ensuite du marché de téléchargement qui vise l'industrie de la musique, puisqu'il permet de vendre la copie numérique d'un enregistrement ou d'un film. Il suffit d'en passer commande, un peu comme ce que vous avez fait, mais la livraison se fait électroniquement chez vous. C'est le deuxième marché.
Enfin, il y a le marché de la radiodiffusion, celui que nous appelons marché des auditeurs et des spectateurs. C'est le marché auquel s'intéresse la SOCAN, puisqu'elle émet des licences aux radiodiffuseurs. Les gens écoutent la radio, regardent la télévision, ainsi que des films. Lorsque la convergence finira par se produire -- lorsque l'Internet, la télévision et la radio ne seront plus qu'un -- cet ancien marché sera desservi par la nouvelle technologie, soit l'Internet.
Ces vieux marchés existent toujours malgré tout. Le sénateur Johnson a fait un achat au détail sur l'Internet et s'est fait livrer quelque chose de concret.
Au lieu d'aller chez un disquaire, on peut télécharger une copie numérique du disque recherché sur l'Internet. Là encore, l'autre marché serait le marché traditionnel de la radiodiffusion ou marché des auditeurs et des spectateurs. Toutefois, il s'agit toujours de la même chose.
Le sénateur Johnson: Comment peut-on réglementer la musique sur l'Internet?
M. Spurgeon: Nous avons décrit dans notre mémoire comment cela pourrait se faire. À notre avis, les divers genres de sites Web qui diffusent de la musique au Canada ne sont pas différents des autres fournisseurs de musique assujettis aux règles de contenu à divers degrés, selon ce qu'ils font. Il n'y a pas de différence.
Nous nous penchons également sur la question des câblodistributeurs. Comme l'a dit M. Valiquette, Rogers fournit un service Internet qui n'est pas sans ressemblance avec son service de câblodistribution. En effet, qu'il s'agisse de Shaw, Rogers ou Vidéotron, les clients achètent un forfait. C'est en fait ce que nous appelons un intranet. Vous payez des frais mensuels pour obtenir la télédiffusion par câble. Lorsque vous vous abonné à Rogers, vous payez des frais mensuels pour avoir accès à cet intranet. Ce n'est pas l'Internet. Vous avez besoin d'une clé pour y avoir accès et vous payez cette clé.
Qu'est-ce qu'il y a de si différent? Il y a bien sûr des différences, mais en règle générale, ces options de médias ressemblent beaucoup aux services de satellite, de câble et de radiodiffusion. Les sites Web ressemblent beaucoup aux radiodiffuseurs qui actuellement offrent des services radio aux Canadiens.
Le sénateur Johnson: Êtes-vous satisfait de la façon dont se déroule l'examen du CRTC?
M. Spurgeon: En général, le CRTC examine toutes les questions dont il est saisi. Nous avons comparu devant le CRTC à plusieurs reprises depuis la dernière série de nominations. Le travail qu'il effectue est très complet.
Le sénateur Johnson: Pensez-vous faire d'autres exposés? Combien en avez-vous fait maintenant?
M. Spurgeon: Nous en avons fait plusieurs. Nous en avons fait à la télévision et à la radio. L'exposé à la radio a été diffusé à l'époque de l'ancien conseil, dont les membres étaient différents. Je crois que la question des nouveaux médias est maintenant pratiquement réglée.
Le sénateur Johnson: Compte tenu de la réalité de la technologie, elle n'est pas encore réglée.
M. Spurgeon: C'est exact, mais cela ne veut pas dire qu'il faut rejeter le concept de réglementation.
[Français]
La présidente: Monsieur Valiquette, on a eu l'occasion de rencontrer des associations cousines de la vôtre en Europe. Un des messages entendus était que les joueurs des vieux médias sont les gens les mieux placés pour être les joueurs des nouveaux médias, à cause de leur expérience, de leur qualité, de leur créativité. Quelle est votre réaction?
M. Valiquette: J'aimerais attirer votre attention sur le fait que dans le domaine artistique, pour qu'on comprenne bien les éléments en place, créer une oeuvre est un métier comme tel et interpréter cette oeuvre est un autre métier. Un Luc Plamondon va écrire les paroles d'une chanson quand une Céline Dion va la chanter.
Nous sommes concernés par les créateurs des pièces. L'entente que nous avons avec la société canadienne, c'est que nous avons droit à une rémunération quand nos oeuvres sont utilisées. Il est important de le souligner. Contrairement peut-être à un électricien ou un plombier qu'on engage, pour se déplacer, il va nous demander un montant d'argent et ensuite, selon le nombre d'heures qu'il va travailler, il va nous donner une facture. Nous, quand nous créeons une chanson, par exemple, que nous travaillons trois heures, trois jours ou trois mois, personne ne va nous donner un sou à ce moment. Quand nous avons créé notre oeuvre, nous travaillons fort et nous prions pour qu'un chanteur l'adopte, qu'un producteur la mette en marché. Et la journée où nous l'entendons à la radio, en spectacle ou à la télévision, c'est là le droit d'être rémunérés.
Pour nous, toute cette histoire de nouveaux médias et d'Internet, c'est juste une nouvelle façon d'utiliser nos oeuvres. À notre avis, à la place de faire affaires avec un producteur de spectacles ou un producteur de disques, nous faisons affaires avec des gens qui sont dans ces nouveaux médias pour des raisons commerciales.
Alors nous voulons être compensés de la bonne façon à ce niveau. Si nous changeons le système et disons que pour ces domaines du futur, quelque part le créateur n'aura pas droit à sa compensation, ce qui va arriver c'est que nous allons tuer le travail de création et cela va avoir un impact direct sur la culture de notre pays, puisque nous n'aurons plus aucun miroir de ce que nous sommes. Le débat de fond est à savoir si la société canadienne veut valoriser cet élément de son pays, l'aspect culturel des choses.
Pour répondre un peu plus directement à votre question concernant qui devrait mettre cela en <#0139>uvre, je dois vous dire qu'à Montréal, à part mes activités artistiques, j'ai également un collège qui s'appelle Musitechnique, où on a créé un programme, il y a 15 ans, qui s'appelle «Conception sonore assistée par ordinateur». Dans notre métier, on souffre souvent de ce qu'on appelle le mauvais «timing», mais dans ce cas précis nous étions à la bonne place, au bon moment. Bien entendu, nous avons passé à travers les histoires de CD-ROM, Internet et maintenant les MP-3.
Je vous dirais que c'est difficile de couper le gâteau dans le milieu. Souvent il est vrai qu'avoir affaire à court terme avec les gens de la télévision ou du cinéma est un avantage. Nous avons été habitués à jongler avec l'image, le son et la diffusion pour amener cela à un public, alors nous avons déjà des règles établies. Nous essayons d'adapter ces règles à ce qui se passe maintenant et cela peut avoir un bienfait.
Depuis le début, j'ai toujours vendu l'idée que dans les nouveaux médias, où essentiellement ce qu'on a en place est un texte qui amène le propos ou une image qui amène le contexte, l'élément qui amène l'émotion, c'est le son, la musique. Si nous n'avons pas l'émotion dans nos <#0139>uvres artistiques, nous ne pouvons pas toucher les gens. Nous nous voyons donc comme une partie essentielle à cela. Je pense que parmi les gens dans les nouveaux médias, plusieurs ont de la difficulté à comprendre cette réalité, mais je vous dirais que ceux qui sont les plus compétitifs commencent à comprendre.
À partir du moment où tous les aspects d'une création multimédia sont numérisés -- je parle de l'image, des télécommunications, de la musique et tout, -- nous croyons dans un mouvement parallèle, c'est-à-dire que nous croyons que les gens de la musique devraient faire partie du projet de la même façon que ceux qui sont à l'image, au moment de la scénarisation, puis que nous ayons des éléments parallèles en création. Ensuite nous pourrions avoir une vraie interaction. À ce niveau, il n'y a pas beaucoup d'activités et, à mon avis, le futur est là.
Ce n'est pas grave la façon dont cela va se faire, parce qu'on va finir avec un produit, pour utiliser le mot de l'industrie, qui va être artistique, culturel et surtout interactif. Par exemple, il n'y a rien de plus interactif qu'un spectacle. J'aimerais souligner, qu'on le prenne d'un côté ou de l'autre, que le métier de la musique a toujours eu un lien étroit avec les nouvelles technologies.
Par exemple, quand le piano a été inventé, à ce moment c'était une invention absolument folle, on a pourtant rendu cet instrument humain. Si ce n'était pas de l'avènement de la guitare électrique, on n'aurait pas le rock'n roll, et si ce n'était pas de l'avènement du synthétiseur, on n'aurait pas la musique nouvel âge. Je pense d'ailleurs que nous sommes un bon test pour ces nouvelles technologies parce que lorsque nous pouvons faire passer des émotions à travers ces outils qu'on appelle souvent des robots, lorsque nous avons vendu l'argument, après cela elles s'adaptent à tous les autres secteurs d'activités de notre métier, de notre société.
Je vous dirais que oui, à court terme. Cest évident de dire que les gens en place peuvent nous accommoder, mais je ne limiterais pas à cela. Je crois qu'ici au Canada, une de nos richesses naturelles ce sont les créateurs. Je crois sincèrement que dans le futur, cela va être une richesse économique. Quand on regarde par exemple le bassin de population du Québec qui compte tellement de créateurs et de créations, c'est absolument phénoménal. Nulle part ailleurs sur la planète avons-nous autant d'activités. C'est à nous de canaliser cette énergie pour d'abord vendre le Canada ailleurs. Quand les artistes ont du succès ailleurs, cela a des retombées chez nous à tous les niveaux. Si on veut que cela fonctionne, il faut s'assurer que les créateurs soient rémunérés. Il faut valoriser le travail des créateurs parce que si nous ne le faisons pas, nous allons perdre une occasion.
Beaucoup de gens ont peur des changements, et les nouvelles technologies en font partie. Notre approche est que les nouvelles technologies amènent des opportunités. On a peut-être souffert dans le passé d'avoir été pris dans des marchés définis par des étrangers. On a maintenant la chance de démocratiser cela, mais on a besoin d'avoir en place un cadre avec lequel on va pouvoir travailler. On a besoin de règlements pour s'assurer que les artistes d'ici vont pouvoir être entendus et surtout que le public canadien va avoir accès à ces <#0139>uvres et que quelque part, on aura une juste rémunération pour tous les gens impliqués.
La présidente: Vous avez combien de membres à la SOCAN?
M. Valiquette: Environ 18 000 membres actifs, mais il ne faut pas sous-estimer le fait que nous représentons les créateurs à travers le monde. Nommez-nous vos créateurs préférés et nous les représentons.
La présidente: Sur les 18 000 membres actifs, avez-vous réussi à comptabiliser combien de ces membres ont eu des <#0139>uvres diffusées sur les nouveaux médias?
M. Valiquette: Nous n'avons pas vraiment de chiffres.
[Traduction]
M. Spurgeon: Nous n'avons pas de statistiques. Nous savons que beaucoup de compositeurs sérieux connaissent la nouvelle technologie depuis des années; les autres ont rattrapé leur retard et ceux qui font de la musique pop s'y sont mis. Bien que je ne puisse pas vous donner de statistiques, je dirais que la plupart des musiciens ont des connaissances informatiques. Beaucoup d'entre eux ont des ordinateurs Mac qui leur permettent de faire des enregistrements numériques, qui les aident à composer et qui facilitent les séances d'enregistrement.
[Français]
M. Valiquette: Dans notre organisation à Montréal, nous parlons souvent des secteurs classiques de notre industrie qui sont en baisse d'activités. Je parle du spectacle évidemment, mais nous parlons rarement des nouvelles opportunités qui arrivent aux musiciens. Par exemple, vous avez une corporation comme Hydro-Québec qui, normalement, envoie 300 de ses employés en séminaire une fin de semaine dans les Laurentides pour apprendre un sujet quelconque. Cette année, ils se sont demandé pourquoi ils ne feraient pas quelque chose de différent. Pourquoi pas un CD-ROM? Tout le monde a un ordinateur à la maison et ce serait peut-être plus divertissant. Alors quelqu'un a été nommé chef pour s'occuper de cela, mais il faut qu'il pense à un scénario, à un narrateur, au son, à un environnement qui est intéressant au niveau divertissement. Alors je vous dirais que la clientèle des musiciens s'élargit. De plus en plus de mes confrères travaillent dans des secteurs comme ceux-là. Aujourd'hui la mode est de mettre en place des pages Internet, mais cela prend du son, donc des compositeurs. Il y a un cheminement qui se fait. On va bientôt être en mesure d'avoir des statistiques importantes là-dessus, mais je peux vous dire que, présentement, on voit de l'activité à ce niveau à tous les jours.
La présidente: Si ma mémoire est fidèle, le CRTC s'assure que toutes les radios diffusent 35 p. 100 de contenu canadien?
M. Valiquette: En anglais, oui.
La présidente: Et en français?
M. Valiquette: C'est 65 p. 100 en français.
La présidente: C'est 65 p. 100 en français et 35 p. 100 en anglais. Comment ferions-nous pour définir le contenu canadien sur les nouveaux médias?
[Traduction]
M. Spurgeon: Comme je le disais plus tôt, en ce qui concerne la radiodiffusion, le pourcentage est en général de 35 p. 100, bien qu'il ne soit pas uniforme. Il varie selon les stations, s'il s'agit de stations ethniques ou de stations de musique classique. Même les stations frontalières sont assujetties à un pourcentage différent. En règle générale, c'est 35 p. 100, mais cela ne s'applique absolument pas à tous les cas. Au Québec, dans les stations francophones, ce pourcentage s'élève à 65 p. 100, ce qui n'est pas le cas de la CBC, comme vous le savez probablement.
Pour les nouveaux médias, ce serait en théorie la même chose. S'il s'agit d'une convergence CBC-Internet, ou d'une station Internet de musique classique, le traitement devrait être le même que celui adopté pour un radiodiffuseur régulier. Cela devrait être la même chose, à notre avis. Les mêmes règles devraient s'appliquer si, à toutes fins pratiques, la personne qui assure la diffusion est effectivement le radiodiffuseur conventionnel. Il ne devrait pas y avoir de différence.
Le sénateur Johnson: Selon un grand nombre de personnes, l'Internet serait fondamentalement différent de la radiodiffusion traditionnelle, car son réseau n'est pas en territoire canadien et ne peut donc constituer un bien pouvant être saisi. Si le CRTC tente de réglementer l'Internet, ne verra-t-on pas apparaître un marché gris, à l'instar du marché des satellites?
M. Spurgeon: J'essaie de comprendre votre question.
Le sénateur Johnson: Vous avez répondu en fonction de la radiodiffusion traditionnelle. Mais si nous ne sommes pas en territoire canadien et que nous réglementons l'Internet, ne verra-t-on pas apparaître un marché gris?
M. Spurgeon: Par analogie, je parlerais de la façon dont nous espérons émettre des licences pour les droits d'auteur sur l'Internet. Nous voulons favoriser l'intervenant le plus proche, soit le fournisseur d'accès à l'Internet, l'intranet. En d'autres termes, ce serait le service Rogers@home. Cette entreprise est canadienne et assure le contenu canadien. Peu importe que l'on dise qu'il s'agisse de multimédias. Cette entreprise offre du contenu canadien aux Canadiens.
Nous avons vu que la télévision par câble peut être soumise à la réglementation -- cela n'a pas posé un gros problème. De plus en plus de satellites offrant un service de distribution combinée dans les foyers qui n'ont pas accès au câble sont réglementés, à l'instar de nouveaux services, comme Look TV. Vous en avez probablement entendu parler.
C'est la même chose de ce point de vue. Il y a des différences dans les moyens techniques, je suis d'accord avec vous; sinon, c'est très semblable. Tout système, comme Rogers@home, qui diffuse ce genre de contenu aux Canadiens et qui est exploité au Canada, peut être assujetti à la réglementation. Pour ce qui est de la protection des droits d'auteur, nous pouvons émettre des licences. On ne respecte pas les droits d'auteur dans notre pays. Le Canada n'est pas un «pays sans loi», comme le prétend l'un de mes collègues avocats. On ne peut pas diffamer une personne uniquement parce que c'est l'Internet. On ne peut pas mettre de la pornographie infantile sur Internet uniquement parce que c'est l'Internet. Il y a des lois à cet égard et la même chose s'applique en matière de réglementation. Nous avons des lois auxquelles sont assujettis les radiodiffuseurs actuels et, à notre avis, l'Internet ne doit pas faire exception.
Le sénateur Johnson: L'industrie canadienne de la musique brille au firmament des étoiles. À la cérémonie de remise des prix Grammy, quatre Canadiennes ont été reconnues pour leurs talents exceptionnels dans le monde. À quelle date remonte la création de votre association?
M. Spurgeon: Nous avons commencé à représenter les artistes en 1925, en nous inspirant des Britanniques. Les Américains et les Français ont joué un rôle dans l'association dans les années 40, mais elle est finalement devenue canadienne à part entière. Il y avait une autre société, connue sous le nom de BMI Canada, qui était le pendant d'une société américaine, et qui a existé en même temps dans les années 40. Comme le marché n'avait pas besoin de deux organismes, ils se sont fusionnés en 1990 pour former la SOCAN.
Au Canada, la création des sociétés de gestion collective du droit d'auteur remonte à 1925. En ce qui concerne la musique, cela se fait depuis 1850.
Le mouvement s'est amorcé en France en 1850. Un compositeur dînait dans un restaurant tout en assistant à un spectacle de variété au cours duquel les musiciens ont joué une de ses compositions. Lorsque le garçon lui a présenté la facture, il a refusé de payer. Lorsque le garçon lui a demandé pourquoi il ne voulait pas payer alors qu'il avait mangé, le compositeur a répondu que les musiciens avaient joué une de ses oeuvres et qu'il n'avait pas reçu d'argent pour cela. Le restaurant a poursuivi le compositeur pour le prix du repas. Le compositeur a gagné sa cause parce que le restaurant avait violé ses droits en jouant une de ses oeuvres. Cet événement a donné naissance à la première société de gestion collective des oeuvres musicales.
Par la suite, un certain nombre de sociétés ont vu le jour à travers l'Europe. Elles ont fait leur apparition au Canada et aux États-Unis en 1925. Depuis lors, nous administrons collectivement les droits d'auteur. Depuis l'adoption du projet de loi C-60, le nombre de sociétés de gestion collective des droits d'auteur s'est encore accru. Nous avons des sociétés collectives qui s'occupent des droits de retransmission, d'autres, comme CanCopy, des photocopies. Une nouvelle société veille sur les droits électroniques des auteurs d'articles de journaux qui s'inquiètent au sujet de l'utilisation qu'on en fait sur l'Internet. D'autres sociétés s'occupent des artistes visuels. J'en ai une nouvelle pour les artistes du spectacle et les maisons de disques.
Étant donné le besoin de droits clairs dont l'application est collective, le gouvernement a reconnu l'importance vitale de ces associations, non seulement pour les gens à qui elles appartiennent et qui les administrent, mais aussi pour les utilisateurs qui doivent avoir accès aux oeuvres qu'ils produisent.
Le sénateur Johnson: Cela n'a-t-il pas contribué à l'énorme succès que connaît l'industrie de la musique aujourd'hui, sans compter l'appui gouvernemental?
M. Spurgeon: C'est tout à fait exact.
M. Valiquette: J'aimerais ajouter en tant que créateur, que le droit d'exécution perçu par la SOCAN est le plus important pour les créateurs. Il est très difficile de gagner sa vie en se contentant de créer. Le seul chèque que nous voyons, souvent, est celui qui nous provient de la SOCAN. Ce chèque va directement au créateur. Il ne passe par aucun autre administrateur intermédiaire. Cela compte beaucoup pour les auteurs.
Ses membres -- les paroliers et les compositeurs -- sont les propriétaires de cet organisme. Son avenir dépend directement des décisions que prend le gouvernement en matière de règlement, de structure et de contenu canadien. Sans structure manoeuvrable, SOCAN ne peut exister. Et je vous dirai que nos créateurs ne survivront pas. La société joue un rôle très important. Nous ne sommes pas simplement une «autre»association, une «autre» compagnie.
Le sénateur Johnson: Je sais cela et je partage votre avis.
[Français]
La présidente: Lors de vos discussions avec vos homologues internationaux, est-ce que vous avez pris une position internationale sur toute la question de réglementation?
[Traduction]
M. Spurgeon: Tout à fait. Nous faisons partie d'un organisme appelé la CISAC, la Confédération Internationale des Sociétés d'Auteurs et de Compositeurs. C'est un acronyme français. Le siège social est à Paris parce que c'est là que tout a commencé. C'est un organisme qui regroupe toutes les sociétés de gestion collective de créateurs de tous les pays. Quelques pays arabes n'en ont pas, mais tous les autres pays du monde ont une société comme la nôtre. On y trouve aussi souvent des sociétés qui s'occupent des arts visuels, d'autres des arts plastiques, d'autres encore des artistes de spectacle et des maisons de disques. Nous nous sommes rassemblés au niveau international pour discuter de la question de l'Internet.
C'est une question complexe. Les approches en ce qui concerne l'octroi de licence et le droit d'auteur diffèrent d'un pays à l'autre. Les États-Unis font bande part comme cela arrive souvent. Ils ont souvent des idées aberrantes par rapport au reste du monde, pour quelque raison. Cependant, tous les pays du monde étudient se penchent sur cette question à l'heure où on se parle. Nous nous rencontrons pour discuter de la meilleure façon d'homologuer le droit d'auteur et de régler le problème de conflit de lois lorsque vous avez des revendications en conflit. Prenons par exemple le cas d'un signal transmis à partir d'un emplacement au Canada à un satellite, puis à ce pays et retransmis par câble à un autre pays. Comment réglerons-nous ce problème? Nous réglons des problèmes depuis la fin des années 1800 et nous avons des réseaux internationaux en place. Depuis 1925, nous versons des redevances à la France et à l'Allemagne qui nous en versent également. L'argent va et vient. Nos membres obtiennent maintenant plus d'argent à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays. C'est merveilleux. C'est le résultat de ce que vous avez dit plutôt; le succès du contenu canadien, qui sert de tremplin et catapulte ses artistes sur la scène mondiale, nous a aidé à augmenter les redevances qui reviennent ici. Nous avons ce réseau, qui fonctionne très bien depuis 100 ans, et nous espérons y recourir pour régler les problèmes que posent l'Internet.
La présidente: Avez-vous d'autres commentaires?
[Français]
M. Valiquette: J'ai eu la chance de participer à quelques-unes de ces réunions internationales. En général, les créateurs se rassemblent et nous avons sensiblement les mêmes préoccupations à travers le monde. Je serais assez fier de voir le Canada exercer un leadership à ce niveau et donner l'exemple aux autres pays. On est essentiellement un pays jeune. On est supposé être un petit peu plus facile d'adaptation. Je ne vois aucune raison d'attendre dans ce sens. Le Canada pourrait laisser aux créateurs de ce monde un héritage qui vaut encore plus que ce que nous pouvons leur apporter.
La présidente: Quand vous dites que le Canada pourrait exercer le leadership et que, justement, les lois actuelles sont bien faites, qu'est-ce que vous aimeriez voir à court terme comme prochaine étape?
M. Valiquette: En règle générale, c'est vrai que nous avons de bonnes lois en place. Souvent, l'application de ces lois est remise en question parce que dans notre société, tout le concept de la propriété intellectuelle est plus abstrait que la propriété matérielle. Il serait important d'appliquer ce que nous avons déjà, d'une façon peut-être un petit peu plus solide, aux nouvelles technologies et surtout, de valoriser, dans ce pays, le travail des créateurs. Le message que nous allons envoyer est que nous considérons que les créateurs sont parties intégrantes de notre pays et ils sont aussi importants. Il est vrai qu'une question d'argent est rattachée à cela. Dans le fond, les créateurs vont apprécier encore plus que les Canadiens ont un certain respect pour le travail qu'ils font. Il nous semble qu'à toutes les fois qu'il y a quelque chose de nouveau, parce que nous sommes un petit groupe remplaçable, nous sommes les premiers à être mis de côté. Nous avons besoin de votre aide pour valoriser ce que nous faisons, et en quelque part, prouver que la culture de notre pays est quelque chose d'important.
La présidente: Soyez plus spécifique. On vous donne une occasion un peu inusitée. Quand vous dites que vous aimeriez que le Canada valorise encore plus le travail des créateurs canadiens, que ce soit au Canada ou à l'étranger, concrètement, qu'est-ce que vous aimeriez?
M. Valiquette: On a un système qui fait que nous sommes souvent les derniers payés en bout de ligne. Nous sommes la matière première de notre métier. Si en quelque part, on n'avait pas un créateur, on n'aurait pas de chanteurs, de compagnies de disques, de producteurs de spectacles. Pourtant, quand on suit où le dollar va, tout le monde prend son morceau avant nous autres. Le camionneur, le producteur et le dernier, c'est le créateur, s'il reste quelque chose, si on est chanceux. Des fois, il ne reste pas quelque chose. On a un système difficile à vivre. Dans la pratique, nous avons de la difficulté à vivre de ce métier.
Vous m'avez demandé une question bien franche et je vais vous répondre d'une façon très franche. Je n'en ai pas discuté avec mes collègues, mais si vous m'aviez donné le choix de ce que j'aurais préféré faire dans la vie, je vous répondrais que j'aurais souhaité gagner ma vie à composer de la musique. Je ne peux pas le faire présentement parce que la valeur qu'on donne à nos créations est minimale. De plus, quand vient le temps d'aller chercher notre argent, il y a toujours un intermédiaire qui va faire que cela va être difficile. Les gens qui font le même métier que moi sont obligés de faire d'autres activités. Certains enseignent, certains sont obligés de faire de la scène, certains font même du taxi. Il serait important d'élever notre métier à quelque chose d'honorable. Cela veut dire être capable de nourrir sa famille.
J'ai entendu l'autre jour une expression en anglais que j'aime beaucoup: «The devil's in the details». C'est une foule de petits détails qui font la différence. On ne peut pas mettre notre doigt précisément sur une chose ou l'autre. Nous avons une possibilité maintenant avec les nouveaux médias de valoriser le travail du créateur et de s'assurer qu'il sera rémunéré en bonne et due forme. Évidemment, les gens qui utilisent nos oeuvres vont venir à tour de rôle vous donner des raisons pour lesquelles ils ne voudraient pas payer. Il faut tenir notre bout parce que l'enjeu est plus important.
Ce n'est pas un travail qui va se faire en deux semaines avec une seule décision. On commence ici, il va y en avoir d'autres. J'ai un fils de 20 ans. Je le vois, il a la piqûre. La musique, il a cela dans le sang. Je suis obligé de lui dire que 25 ans après moi, on n'est pas tellement plus avancé que lorsque j'ai débuté. Je souhaiterais laisser à mon fils la chance de pouvoir vivre de ce beau métier.
La présidente: Je suis tout à fait d'accord avec vous parce qu'il faut que vous sachiez qu'il y a 25 ans, j'étais un jeune réalisateur à la radio. J'avais des préférés et j'ai fait tourner des disques dont le compositeur était Gilles Valiquette. Alors j'espère qu'un jour, vous serez rémunéré de façon appropriée parce que vous êtes un des préférés des réalisateurs à la radio.
[Traduction]
Notre rapport fera honneur à vos membres.
[Français]
M. Valiquette: J'apprécie beaucoup vos commentaires et laissez-moi vous dire que j'en suis très fier.
[Traduction]
Le sénateur Johnson: Dans la partie II, nous devons étudier le statut des artistes. Je pense que la même chose se produit dans beaucoup d'autres domaines.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.