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COMM

Sous-comité des communications

 

Au fil du progrès !

Positionnement du Canada dans la révolution technologique mondiale


II. L’INTERNET : UN NOUVEAU PARADIGME
Le World Wide Web
Réglementer internet
Les sites de propagande haineuse


II. L’INTERNET : UN NOUVEAU PARADIGME

La plupart des discussions du Sous-comité en matière de technologie ont porté sur Internet. Les témoins ont traité du fonctionnement actuel d’Internet et de ses répercussions éventuelles lorsque des modules numériques, assurant la fusion de la télévision et de l’ordinateur, permettront à l’abonné de consulter Internet depuis son salon.

Une étude récente de Statistique Canada, Équipement ménager, 1997, indique qu’en mai 1997, 4,2 millions de ménages avaient un ordinateur de maison, soit 36 p. 100 de tous les ménages. Plus important, le nombre de Canadiens branchés à Internet augmente en flèche. Selon Statistique Canada, alors que 7 p. 100 des ménages « naviguaient » sur Internet en 1996, ce chiffre avait doublé l’année suivante, passant à quelque 13-15 p. 100. Cette tendance se maintient et augmente rapidement.

Selon un sondage américain récent mené par Nielson Media-Research et CommerceNet, l’utilisation d’Internet se répand rapidement. En juin 1998, 70,2 millions d’Américains adultes, soit 35 p. 100 de ce groupe d’âge, utilisaient Internet. Le sondage révèle aussi qu’il y a quelque 8,5 millions d’internautes au Canada - soit plus du quart de la population, qui est d’environ 30 millions d’habitants.

Un autre sondage mené à la mi-avril 1999 par International Data Corp. (Canada) Ltd. constate qu’au moins la moitié des ménages canadiens comptent un ou plusieurs usagers d’Internet. Ce chiffre place le Canada immédiatement après les États-Unis parmi les pays « branchés ».

 

Le World Wide Web

Ces chiffres peuvent paraître modestes, surtout par rapport à la pénétration de la télévision et du téléphone dans les ménages, mais ils représentent un taux de croissance phénoménal sur les quelques années depuis l’explosion du Web en 1993-94. Par exemple, il a fallu près de 40 ans pour que la radio rejoigne 50 millions de foyers, et 13 ans pour que la télévision atteigne le seuil de pénétration de 50 millions de téléspectateurs. Or, il n’a fallu que quatre ans à la « toile » pour en faire autant.

Une capacité de distribution quasi illimitée est une condition essentielle pour que le Web devienne un média de masse. Les réseaux, qui sont les « voies » de communication, doivent avoir une grande « largeur de bande » et une grande vitesse pour acheminer les applications vidéo et autres dans les foyers. Ainsi, le contenu peut être mis en mémoire sur des serveurs géants, puis transmis au consommateur sur demande. L’Association canadienne des fournisseurs Internet (ACFI) a observé :

Aujourd'hui, nous sommes capables de stocker un bit d'information dans un atome. C'est une technologie qui nous permettra de stocker tout ce que contient la Bibliothèque du Parlement sur un disque de la grosseur d'une pièce de 10 cents. La croissance phénoménale de la capacité de largeur de bande sera même encore plus impressionnante. De fait, avec l'arrivée des fibres optiques, elle augmentera à un rythme qui dépasse celui que nous avons vu dans le cas des microprocesseurs et leur vitesse.

Plusieurs témoins ont souligné que le Web ne connaît essentiellement pas de frontières, posant ainsi un énorme défi aux mécanismes traditionnels de réglementation. L’Association canadienne de télévision par câble (ACTC) a signalé que:

...il est impossible de restreindre géographiquement le réseau Internet. Il circule dans des réseaux de données transparents qui se reconstruisent eux-mêmes, de façon illimitée, selon de nouvelles configurations. Il se retrouve simultanément partout et nulle part à la fois. Là encore, il s'agit de l'opposé de la télédiffusion, qui est établie dans des villes, des provinces et des pays bien particuliers.

L’ACTC a indiqué que, pour capter la radio d’État à Toronto, il faut se trouver physiquement dans la région de cette ville. Or, qu’on soit en Australie, en Chine ou ailleurs dans le monde, on peut capter ce même poste en direct et en temps réel sur Internet à l’adresse suivante : www.radio.cbc.ca.

 

Réglementer internet

La question de la réglementation d’Internet a été vivement débattue aux audiences du Sous-comité.

Jusque-là, dans la réglementation du contenu, les décideurs canadiens ont privilégié deux approches. La première est la réglementation négative. Celle-ci vise à endiguer le flot de documents choquants, ainsi qu’à interdire l’entrée au Canada de produits et services culturels qui font directement concurrence aux monopoles canadiens. Elle vise aussi à imposer des quotas et autres restrictions afin de créer un marché pour les produits canadiens. La seconde approche est la réglementation positive , ou proactive. Celle-ci vise à encourager la production et la diffusion de produits canadiens pour réaliser des objectifs sociaux et culturels.

L’émergence de nouveaux systèmes de distribution, notamment le Web, a poussé bien des gens à se demander si une réglementation négative sera possible dans l’avenir.

Parlant du rôle des gouvernements dans la réglementation des nouveaux médias, un témoin de la compagnie de téléphone albertaine Telus a déclaré ce qui suit :

J’ai bien l’impression que le débat entourant la façon de contrôler la distribution du contenu visuel perd de plus en plus de sa pertinence. À notre avis, la véritable question est la suivante : qu’arrivera-t-il quand le pouvoir de contrôler aura disparu?

D’autres affirment qu’il serait possible, avec un peu d’ingéniosité, de réglementer la « toile ». Comme l’a fait observer la Conférence canadienne des arts (CCA) :

Internet peut rejoindre les gens partout, ce qui est excellent. Par contre, il faut qu'il y ait un contrôle sur le contenu des éléments qui sont mis dans cette machine. C'est beau le Louvre, mais il faut que l'on voie aussi les musées du Canada sur Internet. Il faut aussi que nous puissions avoir accès à ce qui se passe chez nous.

D’autres soutiennent qu’il est impossible de réglementer Internet et que ce serait là une entreprise frustrante et vouée à l’échec. Timothy Denton, conseiller juridique d’une association de fournisseurs de services Internet, a tenu les propos suivants :

Il est impossible de réglementer techniquement Internet; Internet ne devrait pas être réglementé politiquement; et Internet est déjà entièrement assujetti au droit.

Selon M. Denton, on ne peut réglementer Internet sur le plan technique parce qu’il n’y a pas de points de contrôle dans le réseau. De plus, la question de l’octroi de licences aux fournisseurs d’Internet ne se pose pas techniquement parce que, à défaut de rareté, on ne peut attribuer une valeur à une licence. Les licences de radiodiffusion ont une valeur parce que le diffuseur s’approprie une fréquence (dont le nombre est limité dans le spectre) que personne d’autre ne peut utiliser. Enfin, comme la règle du droit s’applique, aucune restriction préalable n’est nécessaire pour Internet.

M. Denton a ajouté ceci :

...ce que vous dites lorsque vous parlez au téléphone, écrivez une lettre, lorsque vous utilisez toutes ces formes de communication, est déjà assujetti à de nombreuses règles concernant le libelle diffamatoire, la diffamation orale, ainsi qu'à de nombreux autres types de règles. Toutefois, aucune de ces règles n'équivaut à une permission qu'il faut obtenir au préalable de l'État pour écrire, imprimer, prêcher, prier ou parler... Selon la règle de droit, pour autant que l'on respecte ce droit, l'on n'est pas obligé de demander la permission de quiconque pour faire ce que l'on veut faire. Si vous respectez la limite de vitesse, vous obéissez à la règle de droit et vous n'avez pas à demander à quiconque la permission de continuer à filer à cette vitesse.

La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN), qui défend les droits de propriété intellectuelle des artistes canadiens, estime que la législation qui régit actuellement notre réseau de radiodiffusion doit aussi s’appliquer aux nouvelles technologies médiatiques comme le Web. Voici ce que le témoin a dit au Sous-comité :

Ce n’est pas parce que les systèmes médiatiques évoluent que le CRTC doit automatiquement renoncer à appliquer ses règles en matière de contenu canadien. Comme vous le savez, on se sert déjà des nouveaux médias pour diffuser de la musique. Malheureusement, bon nombre de personnes œuvrant dans le domaine des nouveaux médias estiment qu’elles n’ont pas à être assujetties à la Loi sur la radiodiffusion et ne devraient pas être tenues d’offrir un contenu canadien au même titre que les autres radiodiffuseurs canadiens. La SOCAN est d’avis que si le CRTC ne réglemente pas les nouveaux médias, il créera effectivement deux types de radiodiffuseurs : ceux qui sont assujettis à la loi et ceux qui ne le sont pas.

Le professeur Eli Noam de l’université Columbia de New York a indiqué au Sous-comité que le débat sur la réglementation d’Internet était devenu « un terrain d’essai sur lequel chacun projette ses craintes, ses fantaisies et ses attentes ». Il met en garde contre le point de vue farouchement libéral selon lequel le Web, de par sa nature même, échappera à tout contrôle de l’État.

Le fait est que chaque société possède un ensemble de valeurs et d’intérêts qui, pour le meilleur ou pour le pire, sous-tendent ses lois. Aucune société ne renoncera à ses valeurs et intérêts simplement parce que ces activités ont maintenant lieu sur des réseaux informatiques. Il est totalement naïf de croire que l’Internet peut devenir une sorte d’île où se pratiquerait le libéralisme excessif dans une société qui possède des règles.

Le professeur Noam ajoute que contrairement aux affirmations de bien des intervenants, il est effectivement possible pour l’État de réglementer Internet.

Les gens tiennent habituellement pour acquis qu’il est tout simplement impossible de réglementer l’Internet et les transactions qui y ont cours. […] En un sens, ce n’est pas vrai. Il est difficile de réglementer les transactions électroniques elles-mêmes, mais les communications ne sont pas que des trains numériques et des transactions. Elles font également intervenir des entités physiques, des personnes et des établissements qui possèdent des domiciles et des avoirs. S’il est impossible d’attraper les éléments mobiles du système, on peut, en revanche, attraper les parties immobiles, comme les réseaux de transmission, les objets livrés, les colis, les personnes, les installations de transmission, les avoirs, les publicitaires, etc. Cette façon de faire n’est peut-être pas parfaite, ni la plus élégante, mais l’impôt sur le revenu et les charges transportées ne le sont pas non plus. Le fait qu’il y ait un certain dérapage et qu’il soit impossible de contrôler toutes les transactions, comme c’est également le cas des impôts, ne signifie pas qu’on ne puisse pas tenter d’exercer un contrôle. En somme, il est possible de contrôler l’Internet si on le veut.

Pour le professeur Noam, l’important n’est pas tant de savoir si l’État peut réglementer Internet, mais plutôt s’il devrait le faire.

 

Les sites de propagande haineuse

L’application au Web des lois sur la pornographie, sur la protection des renseignements personnels et sur le droit d’auteur fait déjà l’objet d’un vif débat. Depuis toujours, les « télécommunications » sont considérées comme étant du domaine public, de sorte que les réseaux de distribution n’ont pas à s’occuper du contenu transmis sur leurs fils. Seul le contenu « radiodiffusé » est réglementé. Mais les pressions s’accentuent pour forcer les fournisseurs d’Internet, qui ont des biens pouvant être saisis par les gouvernements, à bloquer toute information diffusée sur le Web qui violerait la loi.

En Europe, plusieurs précédents ont soulevé une controverse. En 1997, l’Allemagne adoptait une loi tenant les fournisseurs pour responsables de tout contenu illicite diffusé sur leurs réseaux, s’ils en sont informés et qu’ils sont raisonnablement capables d’en bloquer la diffusion. Aux Pays-Bas, les fournisseurs de services Internet peuvent être tenus criminellement responsables de la diffusion de documents illicites, surtout s’il s’agit de littérature haineuse et pornographique enfantine. La Suède a adopté une loi semblable. Ces questions sont aussi débattues en Amérique du Nord, opposant les tenants d’une approche non interventionniste à Internet à ceux qui veulent que le gouvernement prenne des mesures vigoureuses pour empêcher la diffusion de documents offensants ou illicites.

Tôt ou tard, le Canada devra faire face à ce problème. Il y aurait quelque 800 sites de propagande haineuse sur Internet, qui visent entre autres les groupes religieux, les minorités visibles, les femmes et les homosexuels. Lors d’un symposium international organisé par B’nai Brith Canada à Toronto en 1998 au printemps, le gouvernement canadien a été invité à légiférer pour réprimer les sites racistes et haineux sur le Web.

Si le Sous-comité reconnaît qu’il peut être difficile d’élaborer des lois pour contrôler le contenu d’Internet, il est par ailleurs persuadé que la situation est grave au point d’appeler une action immédiate.

Il a été proposé lors du symposium d’imposer des peines pour le téléchargement et la possession de propagande haineuse dans le but de promouvoir la haine. Étant donné le caractère ignoble de certains sites, le Canada ne peut cacher le problème sous le boisseau.

RECOMMANDATION 1 :

Avec le concours des autres gouvernements et dans le cadre d’un forum international approprié, le gouvernement canadien devrait s’attaquer au plus tôt aux sites qui, sur Internet, font la promotion du racisme et de la violence.


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