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COMM

Sous-comité des communications

 

Au fil du progrès !

Positionnement du Canada dans la révolution technologique mondiale


IV. ÉLÉMENTS D’UNE POLITIQUE POUR LES NOUVEAUX MÉDIAS
Internet, distributeur de produits culturels
Propriété intellectuelle et vie privée
Promotion du contenu canadien
Soutenir les productions canadiennes
Visibilité du contenu canadien
Produits culturels de langue française
Promouvoir les jeunes talents
Les travailleurs autonomes
Alliances stratégiques internationales


IV. ÉLÉMENTS D’UNE POLITIQUE POUR LES NOUVEAUX MÉDIAS

Internet, distributeur de produits culturels

Il y a cinq ans, la compagnie de téléphone ou de câble aurait vu la « toile » comme une menace. Aujourd’hui, c’est une occasion puisque les lignes tant téléphoniques que du câble constituent des gardes-barrières – différents mais efficaces – dans la livraison de contenus sur Internet. Bell Canada, avec Sympatico, et les câblodistributeurs sont en train de se positionner pour recueillir leur part de la manne créée par la popularisation d’Internet. Au Canada, Rogers a lancé à titre d’essai un service d’accès appelé « the Wave ». Rebaptisé @Home, le service appartient maintenant à de grands câblodistributeurs nord-américains. Outre Rogers, d’autres grandes entreprises de câblodistribution, comme Shaw, offrent le service @Home pour un forfait mensuel. @Home est également un fournisseur de contenu sur Internet.

L’Association canadienne de télévision par câble a indiqué au Sous-comité que si le service @Home est encore tout jeune, avec un taux de pénétration relativement faible chez les internautes, il pourrait constituer une importante source de revenus pour la câblodistribution. Mais si les clients passent des fournisseurs d’accès par téléphone, comme Bell, aux fournisseurs d’accès par câble, les compagnies de téléphone peuvent s’attendre à de fortes baisses de revenus :

Notre sentiment général, c’est que, dans les régions où nous offrons le modem câble d’accès ultra-rapide à Internet, la réaction des consommateurs est très bonne. Les gens l’aiment pour les raisons évidentes. Il est très rapide et il est toujours en marche de sorte qu’il n’est pas nécessaire de composer un numéro ou quoi que ce soit.

Les compagnies de téléphone ont réagi avec leur propre système ultra-rapide, soit la technologie LNPA, beaucoup plus rapide que les lignes téléphoniques classiques.

Ceci dit, l’entrée sur le marché de l’accès ultra-rapide soulève des questions complexes : comment les fournisseurs de services Internet (FSI) indépendants peuvent-ils louer l’accès aux réseaux câblés ? Les fournisseurs de services Internet canadiens peuvent déjà louer l’accès aux réseaux des compagnies de téléphone, mais certains FSI prétendent que les tarifs demandés par les compagnies de téléphone sont trop élevés. Le vrai conflit, toutefois, tient au fait que les compagnies de téléphone elles-mêmes offrent l’accès à Internet par des services comme Sympatico de Bell Canada, qui est le plus gros FSI au Canada, avec plus d’un demi-million d’abonnés. Bon nombre d’entre elles pourraient vouloir offrir un service d’accès ultra-rapide à un prix inférieur au prix coûtant afin de fermer le marché aux FSI indépendants.

Sur le front de l’accès aux réseaux câblés, on retrouve les mêmes protagonistes. Il y a d’un côté les câblodistributeurs et, de l’autre, les services Internet, comme America Online. Ceux-ci souhaitent avoir accès aux réseaux câblés qui pénètrent dans les foyers et les bureaux de millions d’abonnés.

De fait, l’apparition de « portails » sur le Web - comme America Online et Yahoo! - est une menace sérieuse pour le pouvoir de garde-barrière des câblodistributeurs. Les FSI géants sont en voie de devenir de très populaires intermédiaires entre les consommateurs et le contenu qu’ils recherchent sur Internet.

Les portails, portes d’entrée sur le Web, attirent les clients par leur guichet d’accès unique et les dirigent ensuite vers des sites commerciaux générateurs de revenus. La valeur des portails est fonction du nombre d’internautes qui les utilisent pour communiquer avec le Web. L’emprise que leur confère leur domination sur les mouvements dans le Web leur permet d’imposer d’énormes primes aux annonceurs. Bientôt, avec l’avènement de la technologie de diffusion en temps réel qui offre une qualité supérieure sur Internet, les compagnies de portails pourraient devenir de sérieux concurrents des câblodistributeurs, offrant un système complètement distinct de distribution de produits de divertissement. De fait, AOL considère la télévision comme son principal concurrent sur le marché des fournisseurs de contenu vidéo. Avec presque 700 000 utilisateurs simultanés aux heures de pointe, l’audience d’AOL rivalise avec les cotes d’écoute des canaux classiques comme CNN et MTV.

Toutefois, certains portails demeurent des intermédiaires, puisqu’ils n’ont aucun contrôle sur les connexions du réseau utilisées pour communiquer avec Internet. Ainsi, ils ne peuvent pas facturer directement leurs clients, à moins de s’associer à un fournisseur de services Internet. Certains portails, dont America Online, qui peut compter sur un bassin de quelque 15 millions d’abonnés, ont l’avantage d’être à la fois un FSI et un portail.

Au Canada, des portails ont été ouverts par des grands magnats de la presse, comme Canada.com de Southam. Un autre, CANOE (Canadian Online Explorer) appartient à Sun Media et aux Entreprises Bell Canada. Comme il a déjà été dit, les deux principaux gardes-barrières des réseaux - le câble et le téléphone - ont créé des passerelles d’accès au Web au moyen de @Home (câble) et du Sympatico de Bell Canada.

Le défi des portails canadiens est d’offrir plus que les données et l’information produites par leurs filiales afin de se fidéliser les internautes et d’attirer ainsi des recettes publicitaires. Ils doivent faire concurrence non seulement aux grands portails américains, mais aussi à leurs versions canadiennes : Yahoo! Canada, America Online Canada et une version canadienne de Microsoft Network.

En effet, les portails américains se sont donné des stratégies pour fournir des passerelles locales au Web sur toute la planète. Même les nationalistes bruyants y ont vu un signe que le milieu, la géographie, la culture et l’identité locale ont, sur Internet, peut-être plus d’importance qu’on ne le croit. C’est certes le cas en Grande-Bretagne, où le portail le plus populaire est le portail BBC Online.

RECOMMANDATION 10 :

Des incitatifs devraient être offerts aux portails canadiens pour qu’ils donnent plus d’importance sur leurs sites aux œuvres culturelles canadiennes.

RECOMMANDATION 11 :

En tant que radiodiffuseur public, la Société Radio-Canada devrait recevoir des ressources pour créer un moteur de recherche ou un portail fournissant sur Internet un accès aux œuvres canadiennes.

 

America Online est de loin le portail le plus populaire. Pour accroître sa capacité de diffusion, AOL a demandé à louer de l’accès au réseau de télévision par câble en vue d’offrir un service interactif à haute vitesse. Mais l’industrie du câble résiste, essentiellement parce qu’elle craint que AOL fasse concurrence à @Home et ne finisse par supplanter le câble en tant que garde-barrière de l’industrie

Aux États-Unis, l’industrie du téléphone inclut AOL dans son nouveau service d’accès ultra-rapide à Internet. L’attrait exercé par AOL aidera vraisemblablement les compagnies de téléphone à accroître le nombre d’abonnés à leur service ultra-rapide. Au Canada, AOL déplore que des compagnies comme Bell Canada demandent des tarifs de location au moins quatre fois plus élevés que le coût de détail de Sympatico, rendant ainsi prohibitif pour les services concurrents l’accès à leur réseau téléphonique à haute vitesse.

De même, AOL et d’autres FSI se plaignent toutefois que les câblodistributeurs tentent de bloquer l’accès à leurs réseaux aux concurrents potentiels qui, comme @Home, offrent un contenu interactif avec l’accès ultra-rapide au Web.

Aux États-Unis, la Commission fédérale des communications a préféré jusqu’ici laisser jouer les forces du marché pour décider de l’issue des négociations entre les câblodistributeurs et les FSI. AOL a toutefois exercé des pressions sur Washington afin que le gouvernement légifère pour empêcher les câblodistributeurs d’exercer une préférence exagérée à l’endroit des services d’accès au Web, comme @Home, dans lesquels ils ont des intérêts.

La situation est différente au Canada, et, naturellement, plus réglementée. Les câblodistributeurs ont accepté d’offrir un accès ultra-rapide aux FSI, mais uniquement pour la vente en gros. Autrement dit, les FSI n’auront pas la possibilité de facturer directement les abonnés du câble pour le service local. L’industrie de la câblodistribution a aussi fait valoir que les négociations avec les FSI devaient être laissées au jeu des forces du marché et non prescrites par réglementation. Visiblement, les câblodistributeurs ne souhaitent nullement céder leur position privilégiée de garde-barrière qui, pour ce qui concerne la télévision, leur procure un énorme pouvoir commercial.

Richard Stursberg, de l’Association canadienne de télévision par câble, a expliqué au Sous-comité la position de son industrie sur les tensions entre celle-ci et AOL :

La Commission a déjà ordonné aux câblodistributeurs de fournir l’accès à leurs réseaux aux fournisseurs de services Internet. Or il y a deux problèmes : l’un est technique, c’est-à-dire que la chose n’est pas possible pour l’instant sur le plan technique. Nous avons beaucoup travaillé avec Cisco pour créer des routeurs en fonction des politiques adoptées afin de permettre cet accès, et nous avons travaillé avec les fournisseurs de services Internet pour faire des essais techniques.

Le deuxième problème est de savoir comment le tout fonctionnera. Nous leur avons garanti l’accès au réseau et nous enverrons au client une facture pour l’accès local, et les fournisseurs pourront facturer au client les services Internet. Or les fournisseurs ne veulent pas procéder ainsi : ils veulent assurer la facturation du client du début à la fin, même pour la composante du transport local que nous fournissons. [...] Ils veulent que nous n’ayons aucun contact avec le client sur le plan du service. Nous sommes aussi prêts à envisager cette possibilité.

Comme nous l’avons dit, les FSI peuvent atteindre directement leur clientèle en louant l’accès aux réseaux téléphoniques, même s’ils rencontrent des obstacles pour obtenir l’accès à haute vitesse. Les câblodistributeurs, en revanche, se refusent à céder un accès qui donnerait aux FSI la possibilité de facturer directement les abonnés au câble. Théoriquement, toutefois, rien ne justifie que l’on empêche les rassembleurs de contenu - que ce soit AOL ou un service canadien comparable - à accéder aux réseaux câblés ultra-rapides et à facturer directement leurs clients. De fait, s’il devait en résulter une concurrence accrue entre les services de diffusion des nouveaux médias et l’industrie monopolistique du câble, il faudrait favoriser cette démarche. Il faudrait essayer de faciliter les formules nouvelles de regroupement de contenu en veillant à ce que les intéressés puissent bénéficier d’un accès à l’ensemble des systèmes de distribution dans des conditions justes et raisonnables, avec le droit de facturer directement les abonnés.

RECOMMANDATION 12 :

Les rassembleurs de contenu et les fournisseurs de services Internet devraient pouvoir louer de l’accès à haute vitesse aux réseaux de câblodistribution et à tous les autres réseaux de distribution, à des conditions justes et non discriminatoires, et avoir le droit de facturer directement leurs abonnés.

 

Le gouvernement doit veiller à ce que les avantages de la concurrence profitent au plus grand nombre et qu’on ne passe pas d’un monopole réglementé à un autre, après une brève période de libre concurrence. En plus d’empêcher l’érection d’obstacles à l’entrée de concurrents sur le marché, il doit demeurer vigilant pour éviter que les mesures d’adaptation prises par l’industrie n’aboutissent au rétablissement de vastes monopoles.

RECOMMANDATION 13 :

Le gouvernement devrait surveiller, dans le secteur des télécommunications et des nouveaux médias, l’évolution des tendances à l’établissement de monopoles renforcés ou à l’émergence d’oligopoles à grande échelle et agir en conséquence dans l’intérêt du public.

 

Propriété intellectuelle et vie privée

Les entreprises qui ont des milliards en droits de propriété intellectuelle sont à la fois intéressées par les occasions qu’offre Internet et préoccupées par son caractère avant-gardiste qui n’a que faire de la propriété intellectuelle.

De fait, la protection de ces droits a été un obstacle important à l’émergence d’un marché pour les produits culturels à distribution numérique, comme les films, la musique et les documents écrits accessibles sur Internet. Les studios de cinéma, les compagnies de disques et d’autres acteurs de l’industrie sont très réticents à exploiter commercialement leur propriété intellectuelle sous forme de produits numériques accessibles sur Internet.

Ceux que l’on considère comme les « cinq géants » mondiaux dans le domaine de la musique, en l’occurrence PolyGram, Sony, Warner, EMI et Bertelsmann, craignent que leur part du marché ne soit sérieusement compromise par la présence de plus en plus envahissante des maisons de disques indépendantes fonctionnant à partir d’Internet. Selon une étude récente réalisée dans l’industrie, entre 1998 et 2008, les cinq géants verront leur part du marché mondial passer de 78 à 64 p. 100, tandis que la part du marché des maisons de disques indépendantes, dont bon nombre vendent leurs produits en ligne, fera un bond de 22 à 36 p. 100. Les cinq géants affirment qu’ils risquent de perdre une part encore plus grande du marché en raison de la reproduction illicite de musique sur Internet.

Plusieurs témoins ont dit au Sous-comité que l’offre et l’accès aux contenus risquaient d’être restreints, si les enjeux des droits de propriété intellectuelle et des nouveaux médias n’étaient pas réglés. Ces témoins aimeraient, par exemple, que l’on procède au plus tôt à la réforme du droit d’auteur au Canada, communément appelée la Phase III.

Paul Davidson, directeur exécutif de la Canadian Association of Publishers, a fait observer au Sous-comité :

Une des principales questions à l’ordre du jour est la protection des droits électroniques des auteurs et des détenteurs de droits. Cette question suscite la controverse en ce qui concerne les auteurs qui écrivent pour les périodiques, mais il est très important qu’au cours de la phase III, le Canada continue de protéger les droits des auteurs et des détenteurs de droits et de veiller à ce qu’ils soient payés pour leur travail.

Les représentants des intérêts des grands studios hollywoodiens ont également adopté une position ferme sur cette question. Susan Peacock de l’Association canadienne des distributeurs de films a affirmé au Sous-comité qu’une réforme de la Loi sur le droit d’auteur s’imposait afin de permettre aux titulaires de ces droits de se doter de « mécanismes de protection électronique [...] pour protéger leurs oeuvres » et ainsi se mettre à l’abri d’atteintes à leurs droits facilitées par l’émergence de nouvelles technologies.

Et elle devait ajouter :

Il y a de cela un certain nombre d’années, en 1977, lorsque le gouvernement procédait à une étude sur la révision de la législation sur le droit d’auteur, un de ses auteurs a parlé des magnétoscopes comme étant des outils de contrefaçon à domicile. Eh bien! ils ne sont pas que cela. Grâce au nouvel équipement dont ils disposeront dans leur foyer, lorsque les films seront offerts sur vidéodisque numérique, les gens pourront obtenir un nombre illimité de copies parfaites. Ils n’obtiendront pas les copies minables de douzième génération de magnétoscopes, mais des copies parfaites. Il faudra que le droit d’auteur soit protégé et que la GRC ou que la police municipale applique la loi en ce qui a trait à ces infractions.

À l’heure actuelle, nous en sommes au point où la Commission du droit d’auteur examine la possibilité d’imposer un tarif pour l’utilisation de musique sur Internet. La Loi sur le droit d’auteur est toujours une loi interne. Ce processus soulèvera un certain nombre de questions très complexes : la loi canadienne s’applique-t-elle lorsque la communication Internet provient du Canada? S’applique-t-elle lorsque la communication est reçue au Canada ou s’applique-t-elle dans les deux cas? Si l’on opte pour un cas plutôt que l’autre, les problèmes d’application sont énormes. S’il faut qu’elle s’applique dans les deux cas, elle ne s’appliquera pour ainsi dire jamais.

En Europe, le Parlement européen s’est récemment prononcé en faveur de l’élargissement de l’application de la loi européenne sur le droit d’auteur pour protéger le matériel musical et audiovisuel contre le piratage sur Internet et pour limiter la reproduction maison de vidéos et de pièces musicales. Mais l’adoption de ces mesures a suscité beaucoup de controverse. Les compagnies de télécommunications, les fournisseurs de services Internet et les fabricants de matériel informatique ont tenté de convaincre le Parlement européen qu’il ne fallait pas que la loi accorde aux titulaires de droit d’auteur une mainmise à l’égard de la diffusion de films et de musique sur Internet. Une coalition de producteurs, d’éditeurs, d’écrivains et de musiciens européens ont pour leur part fait valoir qu’il fallait resserrer les règles régissant le droit d’auteur pour mettre un terme à la reproduction illégale de films, de musique et de textes à partir d’Internet, phénomène de plus en plus répandu depuis que la technologie numérique permet aux pirates de l’audiovisuel de faire des copies d’excellente qualité. La loi européenne ouvre la voie à la perception de redevances sur les rubans vierges et autre matériel de reproduction, afin que les titulaires de ces droits puissent recevoir une « juste compensation » à la reproduction de leurs œuvres.

Des témoins ont indiqué que les questions de confidentialité, comme la sécurité des transactions par carte de crédit sur Internet, devraient être réglées avant la diffusion de contenus sur Internet. Dans certains pays, des pressions s’exercent pour obliger les nouveaux gardes-barrières — comme les FSI et les portails Web — à agir comme police des droits d’auteur et de la confidentialité en faisant en sorte de ne pas distribuer de contenu susceptible de porter atteinte à la propriété intellectuelle.

Margo Langford, présidente de l’Association canadienne des fournisseurs Internet (ACFI), a déclaré au Sous-comité :

Si on doit accorder des licences pour la propriété intellectuelle, il faut se demander si c’est la bonne tribune. Nous pensons que ce sont les sites Web et les créateurs de contenu qui devraient obtenir ces licences et s’ils ne les ont pas obtenues, ce sont eux que nous devrions poursuivre devant les tribunaux ou ailleurs. Si on fait intervenir le fournisseur de services, on invoque un modèle complètement différent, différent de celui qui a été choisi partout ailleurs dans le monde, un modèle qui créerait une injustice pour ceux qui tenteraient de faire des affaires au Canada plutôt qu’ailleurs.

Pour la propriété intellectuelle, il faudrait absolument des licences pour les sites Web. On ne pourrait les utiliser sans cette permission. Cela devient complexe quand on essaie de voir comment cela pourrait se faire à l’échelle du globe, car l’accès devient possible à partir de n’importe où au monde si vous créez un site au Canada. Il y a plusieurs questions à élucider du côté du créateur, mais il est manifeste qu’il faut des licences pour protéger la propriété intellectuelle. Sur cette question, nous sommes d’accord avec les créateurs.

De récents sondages indiquent que s’il y a des millions de gens qui commencent à utiliser Internet pour leurs achats, il y en a encore bien plus qui hésitent à le faire parce qu’ils craignent pour la sécurité des transactions par carte de crédit et de leurs renseignements personnels. Certains témoins estiment que la question de confidentialité est d’une importance telle qu’il faudra d’abord qu’elle soit réglée avant que le commerce en ligne et la diffusion de contenu sur Internet n’entrent dans les mœurs. L’Association canadienne des fournisseurs Internet note que le Québec est la seule province à avoir légiféré en la matière. Voici ce qu’elle a déclaré :

En tant qu’association, nous avons notre propre point de vue sur ce qui constitue la vie privée. Nous croyons fermement qu’il faut protéger la confidentialité des renseignements en ligne pour protéger et attirer les consommateurs. Vous avez soulevé une question importante car le gouvernement fédéral a maintenant décidé de réglementer ce domaine. Nous pourrions sans doute composer avec sa réglementation, puisque nous avons fait en sorte que notre code soit conforme à ses lois. Je crois savoir toutefois qu’on a très peu cherché à appliquer ces lois relatives à la protection de la vie privée au Québec. Certaines grosses sociétés s’y sont conformées mais de nombreuses petites en ont simplement fait fi. On n’a imposé aucune sanction. Rien ne garantit qu’une loi, quelle qu’elle soit, aura un impact positif. Le fait demeure que la loi doit être appliquée. La question qui se pose dans les deux cas, sur le plan fédéral et sur le plan provincial, est la suivante : comment va-t-on l’appliquer? Va-t-on créer des bureaux partout au Canada ou des gens seront-ils traduits devant le Commissaire fédéral à la protection de la vie privée pour subir un processus juridique coûteux qui peut durer deux ans?

Les gardes-barrières des nouveaux médias subissent également des pressions pour que des documents, comme ceux de pornographie infantile, ne franchissent pas les « points d’étranglement » de leur système de distribution. En Allemagne, par exemple, la loi isole les FSI qu’elle considére comme des points d’étranglement pouvant être visés par la réglementation applicable à Internet. Étant donné la puissance des nouvelles technologies médiatiques, ces questions controversées et souvent fluctuantes touchant les valeurs morales et les droits de propriété remettront en question les moyens et les réflexes habituels d’intervention.

Jusqu’ici, les tentatives faites aux États-Unis pour inciter l’industrie à s’autoréglementer afin d’assurer la confidentialité des services en ligne n’ont guère porté fruit. En 1998, une coalition d’industries a été créée pour inciter les entreprises du secteur des services en ligne à déclarer l’utilisation qu’elles font des données personnelles de leurs clients et des fureteurs. Online Privacy Alliance compte une cinquantaine de grandes compagnies dans les médias, le commerce de détail, la mise en marché de base de données, les services Internet et les télécommunications – dont AOL, Disney, Microsoft, Netscape et IBM. Cette autoréglementation consiste en partie dans l’utilisation de certificats de « FIDUCIAIRE », qui ne sont remis qu’aux entreprises dont les sites Web affichent une politique de protection des renseignements personnels.

Malgré ces initiatives, une récente étude de l’Electronic Privacy Information Center aux É.-U. révèle que l’autoréglementation de l’industrie ne fonctionne pas en raison des nombreux abus et du laxisme des normes. Aussi, certains réclament l’adoption de mesures législatives sévères par le Congrès américain pour remplacer l’autoréglementation, en particulier en ce qui concerne les internautes en bas âge.

En Europe, la Commission européenne a établi une directive sur la protection des données, qui enjoint l’Union européenne à imposer des normes internationales strictes pour régir la collecte, l’utilisation et l’échange de renseignements sur les citoyens européens.

Mais amener des nations, a fortiori des nations, à s’entendre sur la question de la confidentialité est plutôt malaisé, compte tenu notamment du fait que les États-Unis penchent pour l’autoréglemenation alors que les Européens privilégient l’interventionnisme gouvernemental. Une solution - certes imparfaite - consisterait à obliger les sites Web à indiquer à quelle réglementation ils sont assujettis en matière de normes de protection des renseignements personnels et de sécurité. Les consommateurs pourraient ainsi choisir de faire leurs achats sur le Web en ayant une certaine idée des lois qui régissent ces entreprises. Il ne fait aucun doute par ailleurs que la dimension mondiale d’Internet fait ressortir le besoin d’un accord international, étant donné qu’Internet est un médium essentiellement mondial ignorant les frontières nationales.

RECOMMANDATION 14 :

Face aux nouveaux médias et aux produits sur Internet, la propriété intellectuelle et le droit à la vie privée doivent être adéquatement protégés par la législation et les accords internationaux. Les décideurs canadiens devraient orchestrer leur action pour accélérer la troisième phase de la réforme de la Loi sur le droit d’auteur et prendre des mesures de protection des renseignements personnels sur le Web.

 

Promotion du contenu canadien

Pratiquement tous les témoins entendus estiment que la culture canadienne doit être encouragée et protégée. La nécessité d’un contenu culturel canadien de qualité a été exprimée de diverses façons. L’ACTRA a déclaré au Sous-comité :

Les Canadiens veulent voir un reflet d’eux-mêmes dans ce qu’ils regardent, entendent et lisent et ils souhaitent pouvoir voir le monde dans leur propre optique aussi bien que dans celle des autres.

La nécessité de contenus canadiens de qualité - pas seulement dans les « vieux » médias (la radio, la télévision ou la presse), mais aussi dans les nouveaux médias comme Internet - a été évoquée par plusieurs témoins en termes semblables : « Les Canadiens parlent aux Canadiens », ou « Les Canadiens doivent se voir eux-mêmes à la télévision, au cinéma ou sur Internet ».

Pour le Canada, le problème a toujours été et demeure qu’une programmation de qualité capable de soutenir la concurrence technique et artistique en provenance des États-Unis et d’ailleurs revient cher. Vu l’impossibilité de répercuter les coûts de production sur un vaste marché, l’insuffisance du financement a toujours été un obstacle à la production d’œuvres à contenu canadien.

À l’ère d’Internet, le problème s’est aggravé avec la programmation Internet en grande partie américaine qui déborde de ce côté-ci de la frontière. Et il est pratiquement impossible pour les contenus canadiens de franchir la frontière dans l’autre sens. De fait, certains témoins ont noté qu’il était peut-être plus difficile d’exporter des émissions canadiennes que des clones d’émissions américaines.

Digital Renaissance a déclaré au Sous-comité :

Nous devons estomper l’identité canadienne [des produits] pour les vendre aux États-Unis ou sur le marché international. Cela témoigne non pas de notre identité canadienne, mais plutôt de notre capacité à la passer sous silence, à adopter une identité universelle.

Plusieurs témoins ont évoqué la populaire émission nationale This Hour has 22 Minutes, pour noter qu’elle serait difficile à exporter. Toutefois, un témoin a fait valoir que ce spectacle ouvrait des débouchés aux entrepreneurs canadiens, car le concept de l’émission est exportable.

Le fait que les œuvres culturelles américaines ont tendance à étouffer la production de contenu canadien a donné lieu à la litanie des statistiques habituelles sur l’omniprésence des produits culturels étrangers au Canada. À cet égard, le point de vue de l’ACTRA est assez représentatif :

Dans le secteur de la télévision, malgré une prolifération des nouveaux services canadiens, environ 60 p. 100 de la programmation que regardent les Canadiens anglophones sont des émissions américaines; au grand écran, près de 95 p. 100 du temps de projection est consacré à des films étrangers; plus de 84 p. 100 des enregistrements sonores vendus au détail ont un contenu étranger; 70 p. 100 du marché canadien de l’édition est constitué d’œuvres étrangères, et 83 p. 100 des produits offerts dans nos kiosques à journaux sont des périodiques étrangers.

L’ACTRA a également noté que le Canada ne compte que 30 millions d’habitants, dispersés sur 6,5 millions de kilomètres carrés. Il y a 22 millions de Canadiens qui partagent la même langue que le plus gros producteur mondial de biens et services culturels.

Des témoins ont dit craindre que la prédominance américaine dans le secteur des nouvelles technologies — le nom de Microsoft a été cité plusieurs fois — n’exacerbe la difficulté de produire des contenus canadiens. Selon la Conférence canadienne des arts :

Il faut absolument qu’il y ait des ressources financières supplémentaires pour nous permettre de nous mesurer aux Américains sur ce terrain, sans quoi la technique va non seulement nous inonder et nous envahir, elle va nous faire mourir.

La plupart des témoins ont convenu que le financement était le principal obstacle à la promotion de la production culturelle canadienne. Le Canada a pris des mesures - allant des subventions directes et indirectes aux critères de contenu canadien - pour fortifier son marché intérieur relativement réduit et pour « équilibrer les règles du jeu » avec nos concurrents américains. L’une de ces mesures, importante et relativement récente, est une exigence de financement à large portée.

Comme l’a souligné le CRTC :

Toutes les entreprises de l’industrie de la distribution en radiodiffusion, y compris les câblodistributeurs traditionnels, les distributeurs de SRD, les câblodistributeurs sans fil et les compagnies de téléphone, versent un minimum de 5 p. 100 de leurs revenus bruts, provenant de la distribution d’émissions, à un fonds de soutien destiné à appuyer la production de programmation télévisuelle canadienne.

Certains témoins ont évoqué la nécessité de subventions directes pour stimuler la production dans les nouveaux médias et cité en exemple le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d’émissions canadiennes comme modèle de soutien à la culture. Selon Michel Blondeau de Digital Renaissance, les encouragements fiscaux - déjà offerts aux producteurs d’émissions de télévision et de films au Canada - constituent peut-être la meilleure façon de financer la production des nouveaux médias.

Voici ce qu’il a déclaré :

Nous avons besoin d’appuyer cette industrie; que le gouvernement et les autres industries appuient de nouvelles mesures, qu’il s’agisse d’incitatifs fiscaux ou de R-D; nous voulons que ce secteur se développe, mais sans être protégé de la concurrence. Nous le protégeons afin qu’il puisse concurrencer les autres à l’avenir, une fois qu’il aura commencé à grandir.

Nous avons besoin d’incitatifs pour garder le talent au Canada. Il nous faut des mesures intégrées et coordonnées entre le secteur privé et l’État, une fois encore de la convergence. Nous avons besoin de l’appui dont profitent les médias traditionnels : incitatifs fiscaux, investissements en R-D, canaux de diffusion. Enfin, il faut un leadership de l’État. Pour bien d’autres entreprises privées, la courbe d’apprentissage monte trop haut, et pose trop de risques. C’est peut-être le gouvernement du Canada qui doit être le leader afin de faire avancer ce secteur si prometteur pour l’avenir.

Le gouvernement fédéral a alloué un montant de 30 millions de dollars sur cinq ans pour la création d’un fonds nouveau destiné aux produits multimédias. C’est un début encourageant, mais cette initiative doit être assortie d’autres mesures, notamment d’encouragements fiscaux.

RECOMMANDATION 15 :

Des encouragements fiscaux, comme les crédits d’impôt offerts aux producteurs de films pour le cinéma et la télévision, devraient être mis à la disposition des créateurs des nouveaux médias.

 

Soutenir les productions canadiennes

Le Sous-comité a entendu beaucoup d’avis divergents concernant l’imposition possible d’une taxe sur les services Internet pour financer la production culturelle. Les fournisseurs de services Internet s’y opposent farouchement. Par contre, les groupes artistiques voient dans l’application d’une taxe spéciale un moyen raisonnable de financer la production des nouveaux médias. Voici ce qu’a déclaré à ce sujet l’Alliance de la vidéo et du cinéma indépendants :

Nous avons besoin de trouver le secteur le plus rentable et d’y prélever une taxe à l’heure actuelle. [...] les opérateurs Internet, les fournisseurs de services Internet et les fournisseurs Internet qui ont des revenus bruts dépassant 750 000 $ [devraient être] tenus d’en verser 5 p. 100 dans un fonds pour les nouveaux médias. Nous vous suggérons de créer un fonds comme le Fonds des télédiffuseurs qui serait destiné aux nouveaux médias et nous sommes convaincus de pouvoir capter l’attention du monde entier avec la qualité du contenu que le Canada peut offrir.

La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) s’est dite d’accord :

Nous croyons que lorsque les nouveaux médias touchent des recettes publicitaires en transmettant des émissions aux Canadiens, ils devraient eux aussi contribuer au fonds de production de contenu canadien. Cette contribution permettrait de stimuler la création de contenu canadien lequel, à son tour, attirerait des auditoires canadiens, générerait des recettes publicitaires et favoriserait l’essor des nouveaux médias et d’autres industries.

L’Association canadienne des câblodistributeurs est prudente face à la taxation d’Internet, mais reconnaît que cela accroîtrait sensiblement les fonds disponibles :

Lorsqu’on pense à l’avenir du contenu canadien et à Internet, il est important de reconnaître que la seule façon rentable de soutenir les produits canadiens, c’est en jouant sur l’offre. Par le passé, on a fait des choses à cet égard comme les subventions à Radio-Canada et le Fonds des télédiffuseurs, mais il faut maintenant envisager la structure des industries des médias électroniques au Canada, et dans quelle mesure cette structure conditionne l’élaboration et la distribution des nouveaux contenus. Il faut moins viser l’exclusion du contenu américain que faire en sorte que nos industries puissent produire un contenu suffisamment vital et peu coûteux pour que les Canadiens l’achètent avec enthousiasme par le biais de leur téléviseur branché sur le Net et de leur ordinateur.

L’idée de taxer les systèmes de distribution pour financer le contenu sur Web a trouvé des appuis à l’extérieur du Canada. Le professeur Noam a dit au Sous-comité :

[…] La meilleure manière de le faire serait probablement de l’imposer aux transporteurs eux-mêmes plutôt qu’aux FSI, mais il ne faudrait pas qu’elle s’applique uniquement aux télécommunications. Aux États-Unis, les câblodistributeurs sont sur le point de fournir des services Internet par câble, et je suppose que c’est le cas ici aussi. Dans ce cas, je pense qu’une taxe neutre devrait aussi s’appliquer sur les services de câblodistribution.

À ce sujet, Yvon Thiec d’Eurocinéma a rappelé au Sous-comité qu’en France, la production de longs métrages est financée par une taxe perçue sur les entrées au cinéma. Il croit qu’étant donné qu’Internet est lui aussi un réseau de distribution, il devrait être assujetti à une certaine forme de taxation pour aider à financer la production de contenu.

Voici ce qu’il a dit :

Il est facile de concevoir que, si Internet devient un important réseau de distribution pour les produits culturels, une certaine forme de compensation sera instituée, notamment sous la forme d’une taxe, pour financer les œuvres diffusées sur le Web. Il pourra s’agir d’œuvres audiovisuelles ou même musicales. En fait, à l’heure actuelle, ce sont les œuvres musicales qui sont les plus populaires sur Internet et qui font l’objet du plus grand nombre d’actes de piratage.

Le Sous-comité est d’avis qu’il faut réaliser un équilibre entre deux objectifs, à savoir : d’une part, la recherche de nouvelles sources de financement pour rendre le contenu canadien accessible sur Internet et, d’autre part, l’adoption de mesures pour limiter la croissance d’Internet dans les foyers canadiens. S’il faut prélever une taxe auprès des fournisseurs de services Internet et des autres services du Web pour financer la production de contenus, peut-être serait-il plus prudent d’attendre qu’Internet profite d’une plus grande pénétration du marché, peut-être au-delà de 50 p. 100 des ménages. À partir de ce moment-là, le modèle utilisé pour la radiodiffusion pourrait sans doute être utile pour assurer le financement des nouveaux médias.

Dans le monde de la haute technologie, les Canadiens auront peut-être encore du mal à soutenir la concurrence des superproductions hollywoodiennes - quel que puisse être le pendant Internet du film Titanic, les É.-U. seront sans aucun doute avantagés en termes financiers et d’économies d’échelle par rapport au Canada et aux autres pays. Toutefois, comme c’est actuellement le cas, le Canada a peut-être une longueur d’avance pour ce qui est de la production d’émissions de qualité.

Pour continuer à produire des émissions de grande qualité, il faut avoir accès à des ressources de très haute qualité et disposer du personnel spécialisé nécessaire pour en faire la meilleure utilisation possible. Il y a donc un besoin constant de fonds pour investir dans l’achat de matériel perfectionné et dans la formation nécessaire pour maintenir et améliorer les compétences.

Dans le modèle de financement du secteur de la radiodiffusion, la taxation et autres mécanismes ressortissant à la politique culturelle ne visent que les grands câblodistributeurs et les grandes entreprises de télévision par satellite, lesquels sont catégorisés en fonction de leur nombre d’abonnés. De façon analogue, la taille et le revenu serviraient de critères pour décider d’une taxation semblable des FSI. Il est probable cependant que ces services se concentreront très vite, un peu comme cela s’est fait en câblodistribution, forçant quelques grosses entreprises à contribuer financièrement à la production de contenu. Des subventions directes aux producteurs des nouveaux médias, comme celles du Fonds fédéral quinquennal de 30 millions de dollars, jointes à des incitatifs fiscaux, généreraient en outre des fonds supplémentaires pour financer la production de contenus.

Le Sous-comité tient à souligner qu’il ne veut pas favoriser l’adoption de mesures pouvant freiner la croissance d’Internet. Certaines prévisions laissent toutefois présager que le commerce sur Internet (ou commerce électronique) occupera bientôt une place considérable dans les pays développés, entre 20 et 40 p. 100 des transactions économiques. Devant l’importance grandissante du commerce électronique, il est évident qu’Internet ne peut conserver les avantages fiscaux dont il jouit actuellement en tant qu’industrie naissante, alors qu’il est en concurrence avec les circuits de distribution établis qui demeurent assujettis à des taxes.

Imposer une taxe sur les revenus des fournisseurs de services Internet reviendrait simplement à reconnaître la place de plus en plus grande occupée par le Web par rapport aux distributeurs traditionnels. Actuellement, la plupart des téléspectateurs reçoivent leurs émissions par la télévision et contribuent ce faisant à la production de contenu canadien par le biais de la taxation des tarifs des câblodistributeurs. Dans l’avenir, comme ils passeront par Internet pour avoir accès à leurs émissions, une taxe semblable pourrait être perçue. Dans certains cas, cela ne changera rien au montant perçu auprès des consommateurs. Bon nombre d’entre eux consacreront le même temps et les mêmes sommes aux émissions et divertissements « maison », mais modifieront simplement leur façon d’y accéder. C’est la répartition du montant perçu qui pourrait varier - la part imputable à la câblodistribution diminuera et celle imputable aux FSI augmentera. Le montant total demeurera toutefois à peu près le même.

Il y a lieu de rappeler que l’évolution technologique peut se répercuter sur les médias et les divertissements de deux façons. De nouveaux produits, comme des films et des jeux interactifs, peuvent apparaître sur le marché. Il se peut aussi que les produits traditionnels se cherchent de nouveaux canaux de distribution et que, par exemple, la diffusion d’émissions de télévision passe par Internet. Pour l’instant, il est impossible de savoir dans quelle mesure les prix varieront, ni quelle sera la demande pour les différents produits de divertissement et produits médiatiques. L’ampleur du fonds nourri au moyen des redevances perçues dépendra, bien sûr, des prix et de la demande.

Ce qui est sûr cependant, c’est que la raison d’être du fonds - soit la promotion de la production canadienne - sera la même dans l’avenir qu’à l’heure actuelle. Par conséquent, soutenir la perception d’une redevance ne revient pas à appuyer la création d’une « nouvelle taxe », mais à prendre acte des nouvelles tendances dans le secteur des divertissements et des médias nouveaux.

RECOMMANDATION 16 :

Il y aurait lieu de songer à trouver une formule équitable de perception et de répartition des redevances pour financer la production des nouveaux médias.

 

Visibilité du contenu canadien

Si le « contenu » canadien n’est ni vu ni entendu, c’est comme s’il n’existait pas. Il faut que le « produit » atteigne le consommateur. Au Canada, cela a toujours été difficile du simple fait que les produits américains et étrangers prennent presque toute la place. Le débat sur cette question est de savoir si Internet peut être contrôlé ou réglementé pour promouvoir la production de contenu canadien. Voici le point de vue de la Conférence canadienne des arts :

Au Canada, on accède normalement à Internet par le téléphone, le câble et maintenant le sans-fil. Toutes ces industries sont réglementées, alors quel est le problème d’étendre la réglementation sur la propriété intellectuelle et d’autres responsabilités, à la diffusion sur le Web? Ceux qui affirment que la réglementation est impossible n’y ont pas assez pensé. Il n’y a rien de compliqué là-dedans.

D’autres pensent le contraire. L’Association canadienne des distributeurs de films a évoqué ce qu’on appelle le « marché gris » des satellites pour démontrer comme il est vain d’essayer de contrôler les nouvelles technologies, et a fait une mise en garde :

Lorsque les lois et les règlements veulent restreindre et contrôler un comportement, mais ne sont pas applicables, il y a des coûts sociaux, qui comprennent un niveau élevé d’infractions et une attitude cynique face à la justice.

Mais d’autres adoptent un raisonnement différent et soutiennent que la nouvelle technologie, en particulier les logiciels de navigation, pourrait servir à garantir la primauté du produit canadien. L’ACTRA, qui représente les acteurs canadiens, a tenu ces propos :

Sous ce rapport également, la guilde estime que le Canada doit faire particulièrement attention aux systèmes de navigation. On est sur le point de voir apparaître au Canada, avec la câblodistribution numérique, la vraie vidéo sur demande qui permet de commander de chez soi n’importe quel film qu’on veut voir par l’intermédiaire du câble.

De l’avis de la guilde, il faut que les options canadiennes soient mises en évidence. Cela nous ramène au système de navigation. Nous ne voulons pas voir une section spéciale canadienne dans le système de navigation, parce que cela marginaliserait les produits canadiens. Ceux-ci doivent faire partie intégrante du menu. On ne peut pas forcer les Canadiens à choisir des émissions canadiennes, mais ceux qui en veulent doivent pouvoir les trouver. Si nous combinons cela aux efforts pour améliorer la qualité et la promotion des contenus canadiens, nous sommes convaincus que les Canadiens choisiront de regarder, d’écouter et de lire des produits canadiens.

Les représentants de la BBC ont insisté sur la nécessité de guides de navigation. La BBC s’est convertie aux nouveaux médias avec son populaire site BBC Online et espère acquérir sur Internet une réputation de guide sûr.

Il est difficile d’appliquer sur Internet des mesures restrictives comme la perception de redevances. On pourrait recourir, toutefois à des mesures proactives comme l’obligation pour les exploitants d’Internet d’inclure des produits canadiens dans les menus déroulants. Mais il faudrait alors pouvoir compter dans une certaine mesure sur leur bonne foi et leur bonne volonté en vue de respecter les politiques visant à donner une place honorable aux contenus canadiens. Il est difficile en effet d’imaginer quelles contraintes imposer à cet égard. Quoi qu’il en soit, la technologie existe pour donner de la visibilité aux produits canadiens là où cela compte vraiment - sur les pages d’accueil des fabricants et des distributeurs des produits culturels et de divertissement.

RECOMMANDATION 17 :

Les produits canadiens devraient bénéficier d’une place de choix ou d’une place d’honneur sur le Web. Les fournisseurs de services Internet et les exploitants de portails sur le Web au Canada devraient recevoir des incitatifs en vue d’y veiller.

 

Produits culturels de langue française

La production culturelle de langue française est unique en son genre au Canada. Cela provient dans une large mesure de la demande très élevée sur le marché québécois d’émissions de télévision, de films, de chansons, de livres et de musique en français. La popularité des téléromans et des téléséries témoigne de l’extraordinaire succès au Canada français des émissions produites au Québec.

Dans le monde des nouveaux médias et du Web, la langue française pourrait être menacée par la présence écrasante de l’anglais sur Internet. Il convient cependant de noter que les Canadiens francophones ont activement adopté Internet et que leur utilisation du Web est largement en tête de celle qui prévaut dans les autres pays de langue française. Par exemple, quand le Sous-comité s’est rendu en France, il a appris que les Français consultaient souvent des sites Web québécois, en raison du manque de sites de langue française émanant de leur pays.

Les gouvernements peuvent néanmoins agir en vue de faire en sorte que les deux langues officielles jouissent d’une place d’honneur sur le Web. Il est encourageant de noter que Téléfilm Canada a financé la production de L’Encyclopédie de l’inforoute. Ce document multimédiatique a remporté en 1998 la médaille d’argent, dans le cadre d’un festival qui s’est tenu à Biarritz, en France. Il faut persévérer dans l’encouragement de ce genre de projet.

RECOMMANDATION 18 :

Les politiques canadiennes devraient tenir compte de la spéficicité des marchés anglais et français.

 

Promouvoir les jeunes talents

La technologie de l’information a ouvert les portes du monde à la qualité et à la diversité des talents canadiens. Nous devons nous débarrasser de l’insularité et des attitudes défensives qui nous restent et faire davantage confiance à la force de notre culture. Nous devons faire preuve de plus d’assurance et encourager nos artistes à ne pas s’adresser uniquement à leurs concitoyens mais au monde tout entier.

Comme il a déjà été dit, le Canada est une mine de talents. Des milliers d’acteurs, d’artistes, d’écrivains, de producteurs, de techniciens et d’artisans, récipiendaires de prix, sont mondialement reconnus. Ce qu’on sait moins, c’est que la majorité de nos célébrités - Anne Murray, Frédéric Back et Daniel Lavoie entre autres - doivent notamment la croissance de leurs talents aux radios et télévisions publiques. Aussi, le Sous-comité est d’avis que nos institutions publiques, partout au pays, devraient aider davantage nos jeunes talents.

Par ses antennes régionales et ses affiliations, la SRC est la mieux placée pour aider à promouvoir les talents d’un bout à l’autre du pays.

Bref, nos institutions culturelles devraient s’employer à promouvoir les jeunes talents locaux et leur servir de tremplin pour accéder aux scènes nationale et internationale.

RECOMMANDATION 19 :

Les organismes culturels du Canada, et notamment la Société Radio-Canada, sont exhortés à s’attacher davantage à la promotion des jeunes talents canadiens en région afin de leur servir de tremplin aux plans national et international.

 

Les travailleurs autonomes

Avec les énormes changements survenus sur le marché du travail - dégraissages, restructurations, rachats - les rangs des travailleurs autonomes ont gonflé. Bien des Canadiens ont décidé de créer une entreprise artisanale chez eux . Mais il ne semble pas qu’on ait fait grand-chose à leur égard en vue de compenser la perte des avantages normalement accordés par l’employeur, comme l’assurance-vie, les congés de maladie, l’assurance-invalidité, les cotisations à un REÉR, les congés payés.

Ceci est notamment le cas des travailleurs du secteur culturel et des nouveaux médias, dont la plupart sont contractuels ou vivent de la vente de leurs produits.

La Partie I de la Loi sur le statut de l’artiste, qui relève de la ministre du Patrimoine, a créé un conseil composé de représentants de diverses professions pour défendre les intérêts des travailleurs culturels autonomes. Mais elle est inactive depuis quelque temps déjà. Elle pourrait être réactivée par la ministre responsable, pour étudier les nouvelles réalités du marché du travail.

Un nouveau comité, composé de représentants des principales disciplines culturelles, et des ministères des Finances, de l’Industrie et du Travail, pourrait étudier les conditions de travail des travailleurs autonomes, notamment ceux des nouveaux médias. Le régime fiscal, par exemple, pourrait être étudié en vue de promouvoir la création dans les nouveaux médias.

RECOMMANDATION 20 :

La ministre du Patrimoine, en liaison avec les ministres des Finances, de l’Industrie et du Travail, devrait reconstituer le comité prévu par la Partie I de la Loi sur le statut de l’artiste et charger celui-ci d’étudier la législation et les conditions de travail des travailleurs autonomes, notamment de ceux du secteur culturel et des nouveaux médias.

 

 

Alliances stratégiques internationales

À la fin des années 80, les radiodiffuseurs de pays francophones ont formé un consortium pour assurer un nouveau service de télévision internationale. TV-5, tel est le nom de ce consortium qui a élargi sa distribution et amélioré la qualité de ses productions. Les radiodiffuseurs publics des pays anglophones devraient peut-être envisager une initiative similaire axée soit sur la radiodiffusion traditionnelle soit sur la fourniture d’un service s’appuyant sur les nouveaux médias.

RECOMMANDATION 21 :

Vu la nécessité pour le Canada de promouvoir sa culture à l’étranger, on devrait encourager les télédiffuseurs publics comme la CBC et TVOntario, à former des alliances stratégiques avec leurs pendants internationaux pour créer un nouveau réseau mondial offrant des émissions de première qualité.


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