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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 21 - Témoignages du 26 août 1999 (séance du matin)


OTTAWA, le jeudi 26 août 1999

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable, se réunit aujourd'hui à 9 h 06 pour étudier ce projet de loi.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous accueillons aujourd'hui des témoins de renom, représentant un large éventail de secteurs industriels. Je vous remercie beaucoup d'être venus témoigner ce matin.

Le sénateur Spivak: Monsieur le président, j'aimerais m'adresser au comité avant que les témoins ne prennent la parole. J'ai lu dans le journal Globe and Mail de ce matin que le ministre aurait dit être prêt à conserver la LCPE actuelle. Comme c'est là une position sensiblement différente de son prédécesseur, je me demande si le comité ne devrait pas revoir sa motion de clôture des débats pour que nous puissions continuer l'examen du projet de loi. Cela nous permettrait de travailler sans précipitation et nous donnerait tout le temps voulu pour examiner attentivement un texte qui est assez monumental, considérant tous ses amendements. Comme chacun sait, il a fallu au comité de la Chambre des communes huit mois pour procéder à l'étude du texte article par article, alors que nous ne devrions avoir au plus qu'une dizaine de jours.

Si une motion est nécessaire à ce sujet, je suis prête à la proposer. Pour le moment, je pense que nous devrions simplement en débattre et ne pas voter à ce sujet avant que les autres membres du comité ne soient arrivés.

Le sénateur Hays: L'auteur de la motion et le sénateur qui l'appuie ne sont pas encore présents. Peut-être pourrions-nous les attendre pour connaître leur avis. S'ils ne viennent pas, pour quelque raison que ce soit, je serais très heureux d'exprimer mon opinion.

Le sénateur Spivak: Je ne voudrais pas engager ce débat tant que tous les membres du comité ne seront pas arrivés.

Le président: Nous pourrons revenir sur cette question un peu plus tard. Il faudrait l'accord unanime du comité pour revoir cette motion. Considérant ce qu'a dit le ministre, si l'on doit en croire le Globe and Mail, il n'y aurait évidemment plus d'urgence. Comme vous l'avez dit, sénateur Hays, l'auteur de la motion d'origine, le sénateur Kenny, voudra peut-être revoir sa position en fonction des déclarations du ministre. Nous y reviendrons.

Mesdames et messieurs les témoins, comment souhaitez-vous procéder pour que nous puissions vous entendre tout en ayant assez de temps pour la discussion? D'après vous, comment devrions-nous procéder pour que vous ayez assez de temps pour exposer votre position et répondre à nos questions?

Monsieur Rodier et monsieur Paton, avez-vous établi votre plan d'attaque?

M. Richard Paton, président et directeur général, Association canadienne des fabricants de produits chimiques: Si cela vous convient, monsieur le président, nous nous sommes entendus pour donner une quinzaine de minutes à l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, et une période sensiblement équivalente à l'Association minière, ce qui devrait laisser assez de temps pour la discussion.

Préférez-vous poser vos questions après chaque témoignage ou tout à la fin? Nous avons pensé qu'il serait préférable d'entendre d'abord les deux témoignages avant de passer aux questions. Ce sont des témoignages relativement complémentaires mais qui ne porteront pas nécessairement sur les mêmes questions.

Le président: Mon expérience au sein de ce comité me porte à croire qu'il vous sera difficile de faire tout votre exposé sans être interrompu par des questions ou des demandes d'éclaircissements. Nous allons essayer de ne pas vous interrompre mais je ne peux rien garantir. Soyez donc compréhensifs si quelqu'un vous demande des précisions pendant votre exposé. Nous allons essayer de suivre votre plan mais en restant assez souples.

Ne vous sentez pas limités par les 15 minutes. Ce que vous avez à dire est important et nous avons toute la matinée. Je tiens à ce que vous puissiez vous exprimer sans contrainte.

M. Paton: Merci, monsieur le président. Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner au sujet de ce projet de loi important. Le sénateur Spivak a parlé d'un texte «monumental», ce qui ne semble pas être une exagération considérant sa taille et sa complexité.

Je vais vous présenter mon équipe, qui comprend à la fois des employés de l'association et des représentants d'entreprises, étant donné que ce seront en fin de compte les entreprises qui devront assurer la mise en oeuvre de la Loi dans leurs usines.

Gordon Lloyd, vice-président des Affaires techniques de notre association, s'occupe de la LCPE depuis une dizaine d'années. Claude-André Lachance, de Dow Canada, s'occupe de questions environnementales depuis environ 13 ans et il s'était intéressé de près à la première version de la LCPE, dont parlait tout à l'heure le sénateur Spivak. Jack Soule représente DuPont Canada. Notre groupe représente donc à la fois l'association et des entreprises. J'ajoute que nous collaborons depuis longtemps avec l'Association minière comme avec beaucoup d'autres associations et que nous avons donc beaucoup d'expérience en ce qui concerne la manière dont la loi pourra être effectivement mise en oeuvre. C'est en effet cela qui constitue le véritable défi de ce type de législation, comme de la plupart des lois sur l'environnement.

Contrairement à ce que vous avez pu lire dans les journaux au sujet du prétendu désir de l'industrie de faire perdre toute efficacité à la loi, je tiens à dire que l'industrie des produits chimiques, tout comme les autres secteurs industriels, tient à agir de manière responsable et à collaborer avec le gouvernement pour améliorer l'environnement. C'est pour cette raison que notre association a pris position en faveur d'une révision de la LCPE et en faveur d'une LCPE efficace.

[Français]

En vertu du programme de gestion responsable élaboré ici même au Canada par l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, et adopté par la suite dans le monde entier, nous avons démontré que les objectifs économiques et environnementaux vont de pair. Nous avons documenté et communiqué nos efforts et succès pour améliorer nos opérations.

Par exemple, depuis 1992, nos compagnies membres ont signalé une diminution de 50 p. 100 des émissions dans l'air, provenant de leurs usines, en dépit d'une augmentation de presque 20 p. 100 des expéditions.

[Traduction]

Nous avons trouvé des méthodes pour permettre à nos entreprises d'être plus respectueuses de l'environnement tout en restant compétitives. C'est sur cette base qu'il convient de formuler aujourd'hui nos politiques environnementales.

Je voudrais dire quelques mots de l'histoire de la LCPE. Le ministre disait hier que l'adoption des projets de loi semble prendre de plus en plus de temps. Si tel est le cas, on peut dire que celui-ci a probablement brisé tous les records tant du point de vue de sa durée que du nombre d'amendements proposés en comité. Le processus a été long et frustrant pour beaucoup de parties concernées, dont l'industrie, et il est clair qu'il est sérieusement déficient. Le comité permanent de la Chambre des communes sur l'environnement et le développement durable a examiné la LCPE en 1994 et a déposé son rapport en 1995. Le gouvernement a répondu au rapport en 1995 puis il a déposé le projet de loi C-74, qui est mort au Feuilleton en 1997.

Il a fallu attendre 1998 pour voir apparaître le projet de loi C-32. Bien que celui-ci ait été approuvé par trois des cinq partis en deuxième lecture, après un débat exhaustif, 500 amendements ont été débattus à l'étape du comité, dont 150 ont finalement été proposés.

En troisième lecture à la Chambre des communes, des centaines d'amendements ont fait l'objet de débats et le projet de loi a de nouveau été modifié.

Lorsque le projet de loi C-32 avait été déposé au Parlement par la ministre de l'Environnement, Christine Stewart, il y avait déjà eu de larges consultations auprès de toutes les parties intéressées, des provinces, des groupes écologiques et de l'industrie. En déposant le projet de loi, le gouvernement avait souligné que le texte était conforme à l'objectif du développement durable et qu'il garantissait un degré élevé de protection de l'environnement sans compromettre la croissance économique et le bien-être social. Le projet de loi reflétait aussi l'objectif, accepté dans le cadre d'accords d'harmonisation fédéraux-provinciaux, de délimiter clairement les responsabilités respectives des gouvernements en matière d'environnement.

Lorsque le projet de loi C-32 fut déposé en Chambre, après ces larges consultations, l'ACFPC considérait qu'il était relativement satisfaisant, malgré sa grande complexité. On y trouvait en effet des aspects positifs qui constituaient à notre avis un pas en avant vers le renforcement de la législation environnementale. On y trouvait des dispositions concernant la prévention de la pollution. Le législateur imposait la quasi-élimination des substances bioaccumulatives toxiques les plus persistantes. Il clarifiait le pouvoir du Canada de mettre en oeuvre ses ententes internationales, question qui est de plus en plus problématique, et il commençait à reconnaître la légitimité de l'action volontaire, ou de ce que l'ACFPC préfère appeler les programmes de responsabilité de l'industrie, dans le contexte des politiques environnementales.

Je sais que le ministre a déclaré hier que les programmes volontaires ont un rôle à jouer dans la mise en oeuvre de la Loi.

Toutefois, le projet de loi posait aussi un certain nombre de problèmes, lesquels subsistent toujours dans le texte dont est saisi le Sénat. À notre avis, le projet ne tire pas assez parti du potentiel des outils environnementaux modernes et non réglementaires tels que Gestion responsable, que j'ai mentionné plus tôt, et ARET, Accélération de la réduction et de l'élimination des toxiques -- en vue du développement durable.

Tout comme les sociétés minières, les fabricants de produits chimiques font des efforts pour améliorer leurs activités du point de vue environnemental. En fin de compte, cependant, il faut que le législateur admette que le monde a changé et que les entreprises se comportent de manière plus responsable, mais on ne semble pas en avoir tenu compte pour rédiger cette législation qui semble exclusivement axée sur celles qui ne se comportent pas bien du point de vue environnemental.

À notre avis, le projet de loi est également déficient de par son adoption de la démarche américaine légaliste pour ce qui est de la protection de l'environnement, démarche caractérisée par l'adoption de dispositions qu'on appelle souvent des clauses de judiciarisation. Je veux parler de celles qui permettraient aux citoyens d'intenter des poursuites devant les tribunaux s'ils pensaient que le gouvernement n'a pas mis en oeuvre correctement la loi.

Or, l'une des grandes forces du Canada est justement de ne pas avoir emprunté la voie américaine de judiciarisation de tous les problèmes. Hélas, on trouve dans ce projet de loi des dispositions qui vont dans ce sens.

L'ACFPC a aussi recommandé plusieurs améliorations techniques importantes du projet de loi, sur lesquelles je reviendrai plus tard.

Les réserves exprimées par notre association au sujet du projet l'ont aussi été par d'autres associations industrielles. Hélas, le comité n'en a tout simplement pas tenu compte. Au lieu de cela, il a adopté 157 amendements qui ont systématiquement éliminé du texte toute référence à l'importance d'intégrer les facteurs environnementaux économiques, c'est-à-dire le développement durable.

Pour être tout à fait franc, je dois dire que nous sommes très mécontents de la manière dont le comité a transformé ce texte. Il est clair qu'il n'a accordé aucune importance à son opérabilité. Le comité n'a prêté aucune attention aux remarques des milieux d'affaires, même à celles des éléments les plus progressistes de ces milieux qui tiennent sincèrement à protéger l'environnement. Il s'agit là pour nous d'une déficience patente du processus.

C'est pour toutes ces raisons que l'ACFPC et d'autres parties prenantes de l'industrie n'ont pu accorder leur appui au projet de loi C-32 lorsque le comité a déposé son rapport. Nous avons recommandé au gouvernement de rétablir l'équilibre nécessaire et raisonnable qu'exprimait le projet de loi sous sa forme originelle. Pratiquement toutes les entreprises privées du Canada ont exprimé de sérieuses réserves au sujet du projet de loi, ce qui montre bien dans quelle mesure le comité a fait fi de leurs préoccupations et des critères économiques.

Collectivement, nous estimons qu'il y a 11 domaines clés qui exigent des modifications si l'on veut que le projet de loi C-32 puisse être mis en oeuvre de manière efficace pour améliorer l'environnement.

Comme nous le savons tous, suite aux nombreux rapports de presse et à toute la controverse qui a éclaté à la Chambre des communes, des modifications importantes ont été apportées au projet de loi à l'étape du rapport dans le but d'en faciliter la mise en oeuvre et de résoudre en partie certains des sérieux problèmes causés par les amendements du comité parlementaire. Des améliorations ont été apportées au texte, certaines dans les domaines que nous avons identifiés, mais seulement dans une minorité d'entre eux. Nous convenons aussi que certaines améliorations ont été apportées au sujet des questions les plus inquiétantes qui auraient pu causer de très sérieux problèmes d'ordre économique.

Parmi ces améliorations, mentionnons celles concernant la quasi-élimination, la planification des mesures de prévention de la pollution, la définition internationale du principe de prudence, l'utilisation des substances toxiques, la question des pouvoirs résiduels et le concept de toxicité intrinsèque.

Tous ces changements rendent le projet de loi plus applicable par les entreprises, mais aussi par le gouvernement, ce qui a toujours été une de nos préoccupations. Avec un texte aussi complexe, l'opérabilité est un paramètre crucial. Toutes les recommandations que nous avons formulées reposaient sur deux critères: premièrement, qu'elles n'affaiblissent pas le projet de loi du point de vue de la protection de l'environnement et, deuxièmement, qu'elles rendent le texte plus facile à appliquer et à mettre en oeuvre.

Notre principale préoccupation a toujours été l'opérabilité de la loi, et nous croyons que les domaines dans lesquels nous avons réclamé des améliorations n'affectent en rien l'efficacité du projet de loi eu égard à ses objectifs environnementaux, nonobstant ce qu'ont pu en dire maints journalistes. Il y a eu beaucoup d'erreurs dans les rapports de presse.

Nous pensons que le projet de loi a été relativement amélioré à l'étape du rapport. Il permettra en effet de moderniser la LCPE et de s'attaquer à bon nombre des problèmes environnementaux auxquels nous faisons face, et il importe que le Sénat accorde son appui à ces améliorations.

Cela dit, le projet comporte encore un certain nombre de déficiences importantes que le Sénat devrait corriger dans le but de rendre la loi plus efficace et de mieux contribuer au développement durable, notion qu'il est bien difficile de trouver dans ce texte.

Nos recommandations détaillées figurent dans l'annexe jointe au mémoire qui vous a été remis. Je sais par ailleurs que plusieurs questions seront examinées en détail par l'Association minière du Canada.

Selon nous, on peut apporter des améliorations dans les domaines qui suivent. D'abord, il faudrait exprimer dans la loi un appui plus efficace aux démarches volontaires, c'est-à-dire à ce que nous appelons à l'ACFPC les «initiatives de responsabilité de l'industrie». Toutes sortes d'études ont été consacrées à ce genre d'initiatives, et toutes, y compris celles d'organisations environnementales, montrent que l'adoption de mesures environnementales par des entreprises qui assument leurs responsabilités est un moyen très efficace pour améliorer l'environnement. De fait, c'est bien souvent beaucoup plus efficace que ce que les gouvernements peuvent faire. Cela ne veut pas dire que les démarches volontaires nous dispensent de législation ou de règlements. Nous sommes favorables à une législation et à des règlements rigoureux mais nous pensons pouvoir harmoniser notre action à de telles mesures législatives, ce qui est en fin de compte préférable pour tout le monde.

Nous pensons que les mesures de protection de l'environnement prévues dans le projet de loi devraient être éliminées. Le rôle de la science et de la prise de décision est absolument crucial et nous estimons qu'il faut le préciser. Nous croyons que les dispositions d'équivalence des ententes fédérales-provinciales doivent être précisées et étoffées. Elles sont essentielles pour savoir comment fonctionne le projet de loi. Si vous les lisez attentivement, vous verrez qu'elles sont extrêmement complexes.

Nous voudrions que les objectifs de quasi-élimination des effets nocifs soient clarifiés. Les pouvoirs de planification internationale de la prévention de la pollution causée par les substances toxiques devraient être restreints. Nous pensons qu'il convient d'utiliser une définition internationalement uniforme des «endocrinoperturbateurs». Comme vous le savez sans doute, la définition actuelle a été proposée par un groupe environnemental et elle ne correspond pas aux définitions de l'OCDE, ce qui nous causera probablement des difficultés inouïes lorsque nous voudrons agir contre les endocrinoperturbateurs et les hormonoperturbateurs à l'échelle internationale.

Le pouvoir de restreindre les exportations devrait être harmonisé avec les dispositions de la Convention sur le consentement éclairé préalable. À l'heure actuelle, il ne l'est pas. Nous croyons qu'il faudrait éliminer les obstacles à l'expédition de déchets aux États-Unis. Il y a en effet dans ce projet de loi des dispositions qui permettent au ministre de restreindre l'exportation de produits dangereux et non dangereux. La question n'est pas de savoir si on peut exporter de tels produits au Nigeria ou non. Par contre, nous pensons qu'il peut y avoir beaucoup de bonnes raisons d'ordre environnemental et économique pour que l'on adopte une approche relativement nord-américaine face à ce problème, en tout cas une approche coordonnée entre le Canada et les États-Unis.

Les questions de coûts doivent être prises en considération avant de prendre les décisions. Cela ne veut pas dire que les coûts sont plus importants que les objectifs environnementaux mais simplement qu'on ne peut pas prendre de décisions importantes sans en tenir compte.

La législation devrait porter sur le rejet des produits toxiques et non pas sur leur utilisation. C'est là quelque chose qu'il importe de clarifier.

Finalement, nous pensons que les dispositions de quasi-élimination devraient être limitées aux substances toxiques identifiées dans la LCPE.

Il y a beaucoup d'aspects dans ce projet de loi qui doivent être améliorés, même si le texte constitue en soi un pas en avant.

En conclusion, je tiens à répéter qu'il convient de préserver les changements importants apportés par la Chambre des communes à l'étape du rapport pour rendre le projet de loi plus efficace et pour résoudre certains des problèmes graves causés par les amendements du comité. Les améliorations apportées en ce qui concerne la quasi-élimination, la planification de la prévention de la pollution, le principe de prudence, l'utilisation des produits toxiques, les pouvoirs résiduels et la toxicité intrinsèque doivent recueillir l'appui du Sénat et être considérées comme un point de départ pour chercher d'autres améliorations.

Je vous remercie de nous avoir invités à venir témoigner devant votre comité, monsieur le président, et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Il sera intéressant, monsieur Paton, d'examiner en détail certaines des recommandations que vous venez de formuler. Par exemple, c'est bien beau de dire que nous devrions éliminer les dispositions relatives à la participation du public mais il faut savoir que cela déboucherait sur toute une nouvelle série de questions. Il nous faudra peut-être aborder chacun de ces domaines séparément si nous voulons bien comprendre votre position. Quoi qu'il en soit, je suis sûr que vous vous attendez à des questions difficiles.

En attendant, je pense qu'il faut maintenant donner la parole au deuxième groupe de témoins, avant d'aborder la période des questions.

Cette procédure vous convient-elle, monsieur Paton?

M. Paton: Tout à fait, monsieur le président, d'autant plus que l'Association minière abordera de manière plus détaillée certains des domaines que je viens d'aborder.

M. Wayne Fraser, président, comité de l'environnement, Association minière du Canada, et directeur, Environnement et génie industriel, Hudson Bay Mining and Smelting Co: L'Association minière du Canada vous remercie de l'avoir invitée à venir témoigner devant votre comité, monsieur le président. Je suis accompagné ce matin de David Rodier, vice-président principal, Environnement, santé et sécurité chez Noranda Inc.; Robert Telewiak, vice-président, Environnement, Falconbridge Limitée, et aussi président du Groupe de travail sur les métaux de notre association, et Justyna Laurie-Lean, vice-présidente, Environnement et santé, Association minière du Canada.

Notre association représente l'industrie minière du Canada, laquelle comprend des entreprises s'occupant de prospection minière et d'exploitation de mines et d'usines de fusion des métaux et de raffinage. Nos membres représentent la majeure partie de la production métallurgique du Canada.

En 1998, le secteur canadien de l'exploitation et de la transformation des métaux a engendré 26,5 milliards de dollars de chiffre d'affaires, soit 3,8 p. 100 du PIB, 14 p. 100 de nos exportations totales, 55 p. 100 des recettes totales de fret, et 69 p. 100 des volumes portuaires. Nous avons investi environ 350 millions de dollars dans la recherche et le développement, notamment dans le secteur environnemental.

Les sociétés membres de notre association sont favorables au développement durable et à l'amélioration continue. Cela ressort clairement de notre rapport environnemental annuel dont un exemplaire vous a été remis avec notre documentation. Je n'hésite pas à dire que c'est un rapport très intéressant à lire. Si vous en avez le temps, je vous le recommande. Vous y trouverez des informations sur l'engagement de l'association, sur l'engagement des membres, ainsi que sur les progrès effectués au cours des dernières années, notamment dans le cadre de programmes volontaires.

Le projet de loi C-32 est complexe et lourd. Il crée des systèmes de décision très compliqués et impose un fardeau très lourd sur le plan du processus. Mme Laurie-Lean et d'autres ont préparé à ce sujet un graphique d'acheminement simplifié qui vous a aussi été distribué. Ce document reflète notre effort de compréhension des diverses étapes du processus. S'il y a des erreurs -- bien que nous ayons essayé de les éviter -- je crois qu'elles confirmeront la complexité du processus défini dans le projet de loi.

Il n'est pas évident que les coûts que devront assumer les entreprises et les gouvernements pour respecter ce processus seront compensés par des bienfaits qui en valent la peine.

Outre sa complexité, le projet de loi contient plusieurs articles impératifs qui imposent au gouvernement des obligations qu'il lui sera peut-être impossible de respecter ou qui s'avéreront ambiguës. En conséquence, le projet de loi débouchera inévitablement sur des poursuites judiciaires pour des questions d'interprétation.

Par exemple, en vertu de l'alinéa 2(1)j), le gouvernement serait obligé de protéger l'environnement contre les «effets nocifs d'utilisation et du rejet de substances toxiques, de polluants et de déchets». Bien sûr, nous savons tous que l'activité humaine, quelle qu'elle soit, produit certaines quantités de substances toxiques, de polluants et de déchets, et que celles-ci, même en quantité minime, risquent d'avoir des effets nocifs. Chaque fois que le gouvernement fixera une limite à ces quantités, en vertu de la LCPE proposée, il s'exposera à des poursuites judiciaires au motif que les risques restants sont supérieurs à zéro. Quel que soit leur résultat, ces poursuites seront un facteur d'incertitude et nuiront au climat des investissements, par rapport à d'autres pays.

Il conviendrait donc d'ajouter à l'alinéa 2(1)j) l'idée que le gouvernement «s'efforcera» de prendre de telles mesures, afin d'indiquer que la protection de la santé humaine, dans le contexte environnemental, est un objectif que l'on doit se fixer plutôt qu'un résultat garanti.

Passons maintenant aux dispositions du projet de loi C-32 exigeant la quasi-élimination de certaines substances répondant à des critères précis.

Dans le texte, la quasi-élimination est définie comme la réduction des rejets en dessous de limites de dosage. La quasi-élimination doit donc être obtenue en prévoyant des mesures axées sur les limites de rejet établies par les ministres eu égard aux risques pour l'environnement et pour la santé et à des facteurs sociaux, économiques ou techniques. Les limites de rejet établies par les ministres en vertu de l'article 65(3) pourront se situer en dessous ou au-dessus des limites de dosage. Pour certaines substances, il est essentiel de laisser une certaine latitude aux ministres afin qu'ils puissent prendre en considération tous les facteurs pertinents avant de fixer les limites.

Prenons l'exemple des dioxines, qui doivent être quasiment éliminées mais qui ne sont pas produites délibérément. Ce sont les sous-produits naturels de nombreux procédés de transformation d'éléments présents dans les matières naturelles. L'une des raisons pour lesquelles je prends l'exemple des dioxines est que les secteurs identifiés par le Conseil canadien des ministres de l'Environnement comme étant les plus gros producteurs de dioxines comprennent -- et la liste est longue -- l'incinération municipale, la combustion du bois de chauffage, le frittage, l'utilisation de bois chargé de sel dans les chaudières, l'exploitation de fourneaux à arc électrique, l'utilisation de n'importe quel véhicule ou matériel fonctionnant au diesel, et l'incinération et la manutention des boues d'épuration. Veuillez noter que notre industrie ne fait pas partie de la liste. Je ne suis pas ici seulement pour défendre nos propres intérêts.

Dans tous ces secteurs prioritaires, ce sont les paramètres des procédés plutôt que l'ajout délibéré d'un réactif ou matériau quelconque qui sont à l'origine de la formation de dioxines. La limite de détection des dioxines est de l'ordre de 30 picogrammes, soit 30 grammes ou parties à la puissance moins 12, c'est-à-dire par billion. C'est une quantité extrêmement petite par mètre cube. Avec l'amélioration des techniques de mesure, on pourra un jour en repérer des quantités encore plus faibles. De fait, chaque amélioration de la technologie de mesure fera continuellement baisser les objectifs de quasi-élimination du Canada.

Il n'existe aucune méthode facile ou bon marché pour prévenir ou contrôler la formation de dioxines à des concentrations aussi faibles. L'une des possibilités pourrait être d'accroître les températures de transformation afin de changer les conditions, mais ce n'est pas toujours possible. En outre, cela risque de causer des dommages aux procédés utilisés et serait de toute façon extrêmement inefficient sur le plan énergétique. Une autre solution pourrait être de capter les dioxines dans des filtres mais, là encore, cette technologie n'est pas disponible pour toutes les applications, elle serait difficile de mettre en oeuvre et elle produirait des déchets dont il faudrait bien aussi se débarrasser.

D'autres pays ont fixé leurs normes pour les dioxines en se fondant sur la meilleure technologie disponible. La norme la plus rigoureuse dont nous ayons connaissance à l'étranger est plusieurs fois plus élevée que celle qu'adopterait le Canada avec le projet de loi C-32. Si l'on ne fixe pas de limites de rejet raisonnables, toutes les sources de dioxines détectables seront tenues de dresser un plan de quasi-élimination et de prouver que l'on ne peut pas aller plus loin dans la réduction. Les investisseurs de nouveaux projets seront peu susceptibles de franchir avec succès le processus d'évaluation environnementale si des dioxines risquent d'être détectables, étant donné que le public aura la conviction que toute quantité détectable est dangereuse. Pour ce qui est des investisseurs de nouveaux projets sans dioxines détectables, ils devront se demander s'ils ne risquent pas d'être pénalisés dans le futur, lorsque le progrès technologique permettra de mesurer des quantités de dioxines plus faibles. De ce fait, les investisseurs considéreront que le Canada a des normes beaucoup plus élevées que n'importe quel autre pays.

En outre, les normes canadiennes ne seront pas fixes puisqu'elles évolueront avec la technologie de mesure, sans être reliées à des risques ou avantages sur le plan de la santé et de l'environnement.

L'AMC recommande que les dispositions de quasi-élimination du paragraphe 65(3) restent inchangées et que le paragraphe 65(1) soit abrogé ou modifié, au moins pour les substances produites par inadvertance.

Pour ce qui est des questions de coûts, il faut bien en tenir compte pour savoir si les avantages des mesures envisagées justifient les dépenses nécessaires pour les obtenir. Deuxièmement, les coûts doivent être pris en compte pour trouver les méthodes les plus efficientes pour atteindre les objectifs souhaités. Si l'on ne tient pas compte de quotients coûts-avantages, ou au moins des coûts en soi, on gaspillera des ressources qui sont toujours limitées. D'aucuns affirment qu'il n'est pas nécessaire de tenir compte des coûts dans le projet de loi C-32 puisqu'on n'en tient pas compte dans les autres lois canadiennes. Toutefois, la plupart des lois canadiennes, comme la LCPE existante, la Loi sur les pêches et notre loi habilitante, laissent aux ministres concernés le soin de fixer les détails de leur mise en oeuvre. Cela veut dire que les ministres peuvent prendre leurs décisions en tenant compte des politiques générales du gouvernement. Pour ce qui est du projet de loi C-32, par contre, ses dispositions sont impératives, ce qui veut dire que le ministre est obligé de prendre les mesures ou décisions indiquées. Il convient donc de préciser aussi la gamme des facteurs dont le ministre devra tenir compte pour prendre ses décisions. Sinon, il risque d'être obligé de prendre des décisions manifestement contraires au bon sens, suite à des poursuites judiciaires.

En conséquence, l'AMC recommande que l'obligation de tenir compte de l'efficience du point de vue des coûts soit rétablie dans les dispositions 2(1)a.1), 2(1)n), 2(2) et 47(1).

En ce qui concerne les plans de prévention de la pollution, l'AMC convient qu'ils pourraient être un outil utile mais elle craint que le gouvernement ne soit pas sensible aux coûts qui risquent d'en résulter. Il serait plus légitime d'inclure les plans de prévention de la pollution dans la liste des outils de réglementation du gouvernement en vertu de l'article 93. Nous sommes en particulier préoccupés par l'application des pouvoirs de planification de prévention de la pollution de l'article 56(1) à des substances produites par une source du Canada qui causeraient de la pollution dans un autre pays, ou que l'on pourrait raisonnablement s'attendre à ce qu'elles en causent. Comme le rejet de pratiquement n'importe quelle substance pourrait être considéré comme un facteur de la pollution globale, ces dispositions pourraient trouver une application extrêmement large.

Afin d'assurer l'uniformité des dispositions applicables aux substances évaluées et réglementées en vertu de la LCPE et d'assurer la prise en considération exhaustive des incidences environnementales, économiques et internationales, comme la réciprocité, il conviendrait de limiter l'application du paragraphe 56(1) aux substances figurant sur la liste des substances toxiques de l'annexe 1.

En outre, comme il existe d'autres mécanismes régissant la pollution transfrontalière, il faudrait envisager d'abroger les alinéas 166(1)a) et 176(1)a).

En ce qui concerne les matériaux de recyclage, il est clair que le recyclage offre d'importants avantages écologiques et économiques. Comme dans les autres secteurs industriels, la réduction des obstacles au commerce et à la circulation des matériaux recyclés rehausserait la compétitivité et l'efficience. Une récupération écologiquement saine des métaux et des autres matériaux recyclables exige des économies d'échelle et l'accès à des quantités suffisantes de matériaux à recycler. Dans certains cas, une usine de recyclage desservant une vaste zone géographique, comme un continent, pourrait être nécessaire pour assurer la validité écologique et économique du projet. Toute mesure réglementaire entravant la libre circulation des matériaux recyclables serait donc préjudiciable au développement durable.

Le projet de loi C-32 permettra au gouvernement fédéral de faire une distinction entre les déchets dangereux destinés à une élimination finale et les déchets dangereux recyclables destinés à des installations de recyclage écologiquement saines. Toutefois, on n'y trouve aucune disposition exigeant explicitement que l'on encourage le recyclage en facilitant le commerce international ou intérieur.

Avec le projet de loi C-32, le gouvernement fédéral obtiendra le pouvoir d'imposer un nouvel obstacle non tarifaire au commerce international, par le recouvrement des coûts, et d'imposer des mécanismes de contrôle de la circulation et de recouvrement des coûts pour la circulation à l'intérieur du Canada. Ce dernier pouvoir constituerait un nouvel obstacle au commerce intérieur au Canada et pourrait être, et est en fait probablement, contraire à l'accord sur le commerce intérieur. Dans le but de minimiser les obstacles à la circulation des matériaux recyclables et, par conséquent, d'encourager le recyclage, l'AMC recommande que la section 8 de la partie 7 du projet de loi C-32 soit modifiée afin de faire une distinction claire, du point de vue de la gestion et de la réglementation, entre les déchets destinés à l'élimination et les matériaux recyclables destinés à un recyclage écologiquement sain. Cela serait conforme à la position internationale du Canada et à la politique du gouvernement.

Pour ce qui est de l'exportation de substances, on indique que l'objectif des articles 100 à 103 est de respecter les obligations internationales du Canada en ce qui concerne l'exportation de substances interdites ou rigoureusement contrôlées. Toutefois, l'alinéa 100c) semble autoriser le ministre à contrôler toutes les substances qui sont d'une manière ou d'une autre réglementées par une loi fédérale, quelle que soit la pertinence ou l'objectif de cette réglementation. Pour ne pas imposer par inadvertance d'exigences bureaucratiques excessives aux exportateurs et pour assurer la concordance avec la démarche réglementaire des autres pays, il conviendrait de reformuler l'alinéa 100c) pour qu'il s'applique uniquement aux substances rigoureusement contrôlées.

En ce qui concerne l'utilisation des substances toxiques, il existe un désaccord fondamental entre les parties concernées sur la question de savoir si le contrôle des substances toxiques ou dangereuses devrait être axé sur leur utilisation ou sur leur rejet. Selon l'AMC, toute substance risque d'être toxique ou dangereuse à certaines concentrations ou dans certaines circonstances. En outre, l'association estime que le contrôle des substances toxiques devrait porter sur le rejet, par souci d'efficacité et d'efficience. Les pouvoirs de réglementation énoncés à l'article 93 permettent déjà de contrôler l'utilisation s'il y a lieu. De ce fait, l'AMC recommande que l'on élimine du préambule et de l'article 2 toute référence à l'utilisation.

Pour ce qui est de la toxicité intrinsèque, il semble y avoir une contradiction dans la partie 5 entre l'obligation de prendre des mesures au sujet des substances répondant à certains critères et risquant d'être toxiques en vertu de la LCPE et la nécessité simultanée de limiter le pouvoir de réglementation aux substances qui sont toxiques. Étant donné que toute substance risque d'être toxique dans certaines circonstances, selon les définitions de la LCPE, ce facteur ne saurait être un indicateur utile pour fonder l'action du gouvernement. Il convient donc de modifier le paragraphe 77(3).

L'équivalence est l'un des facteurs permettant d'éviter les chevauchements entre les pouvoirs fédéraux et provinciaux relatifs à la protection de l'environnement et de la santé. Les dispositions de l'article 10 seront considérablement améliorées si l'on y met l'accent sur l'obtention des objectifs d'équivalence plutôt que sur les moyens par lesquels ces objectifs doivent être atteints. Il conviendrait donc de modifier les alinéas 10(3)a) et b) pour y faire référence à l'équivalence et à la similitude de rendement et d'intention.

En résumé, l'Association minière du Canada n'est pas convaincue que le projet de loi C-32 sous sa forme actuelle constituerait une amélioration par rapport à la loi actuelle, du point de vue de l'environnement ou des coûts pour l'économie. Dans notre mémoire, nous avons proposé que certaines modifications soient apportées au projet de loi mais nous savons bien aussi que la complexité du texte rendra tout changement difficile à intégrer. Cela dit, nous pensons que nos propositions constituent les changements minimums qu'il convient d'apporter.

Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner sur le projet de loi.

M. Paton: Je dois préciser que vous trouverez aussi dans l'annexe au mémoire détaillé que nous vous avons remis nos remarques particulières à ces questions. Voilà, monsieur le président, nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Nous devrions peut-être examiner l'un après l'autre les domaines que vous avez abordés. Cela nous permettrait sans doute de mieux comprendre le but de vos recommandations. Si nous traitons de chacun des 11 domaines l'un après l'autre, nos questions pourront être plus précises.

Je me demande si nous devrions commencer par le préambule ou plutôt par la question de l'efficience économique, de l'article 2. Vous avez formulé des remarques à ce sujet.

Le sénateur Hays: Monsieur le président, l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques a présenté ses remarques dans un certain ordre, peut-être de priorité, mais il ne correspond pas à l'organisation du projet de loi. Je me demande s'il ne serait pas plus facile de suivre cet ordre plutôt que d'essayer de le faire correspondre aux diverses parties du projet de loi. Par exemple, elle a commencé par parler des approches volontaires. Je formule cette proposition dans le but d'essayer de faciliter notre discussion.

Le président: Nous allons commencer à la page 15 du mémoire de M. Paton, comportant les recommandations de l'ACFPC au Sénat.

La première recommandation se trouve donc à la page 15, monsieur Paton. Pouvons-nous commencer par celle-là?

M. Paton: Oui. Page 15 du mémoire.

Le président: Nous commençons au paragraphe 4.1. Y a-t-il des questions?

Le sénateur Spivak: Il semble y avoir là une certaine divergence d'opinions. M. Fraser estime que le projet de loi est probablement meilleur que la loi actuelle, et l'on indique dans ce mémoire que le projet proposé, C-32, est meilleur. Ai-je raison de penser qu'il y a là une divergence d'opinions?

M. Fraser: Notre position est que le projet de loi C-32 est très complexe. Nous ne sommes pas certains qu'il constitue un avantage par rapport à la loi actuelle. Si l'on tient à l'adopter, il faudra y apporter des modifications.

Le sénateur Spivak: Merci. C'est clair.

M. Paton: C'est aussi notre position.

Le président: Donc, monsieur Paton, vous dites que vous préféreriez conserver la loi actuelle si le projet de loi n'était pas modifié conformément à vos recommandations. Préféreriez-vous conserver la loi actuelle, comme le dit M. Fraser dans le mémoire de l'AMC, si le projet de loi n'était pas modifié?

M. Gordon E. Lloyd, vice-président, Affaires techniques, Association canadienne des fabricants de produits chimiques: La position des deux associations est que la LCPE de 1988, qui est actuellement en vigueur, donne des résultats satisfaisants, comme l'a dit le ministre hier. Pour ce qui est du projet de loi dont le Sénat est saisi, nous pensons qu'il convient de l'améliorer dans un certain nombre de domaines, lesquels sont indiqués dans notre mémoire.

Le président: Et s'il n'est pas amélioré? Si le Sénat ne peut ou ne veut pas apporter les modifications que vous recommandez, ce qui maintiendrait le projet de loi C-32 sous sa forme actuelle, quelle serait votre position?

M. Lloyd: Il y aurait un certain nombre de problèmes qui n'auraient pas été corrigés.

Le président: Préféreriez-vous alors la loi de 1988 ou le projet de loi C-32?

M. Lloyd: Nous pourrions vivre avec ça. Nous ne savons pas encore quelle serait l'ampleur des problèmes causés par le projet de loi C-32 mais nous préférerions que ces problèmes soient évités.

Le président: Vous n'allez pas aussi loin que M. Fraser. Si je comprends bien les conclusions de l'Association minière, celle-ci préférerait la loi actuelle au projet de loi. C'est ce qu'a dit M. Fraser. Vous n'allez pas aussi loin?

M. Lloyd: Vous pouvez dire ça.

Le sénateur Taylor: Monsieur le président, vous êtes un peu déraisonnable. Vous leur donnez le choix entre la chaise électrique et la pendaison.

Le président: Sénateur Taylor, j'essaie simplement de comprendre la position de chaque organisation.

Le sénateur Taylor: La seule chose dont vous pouvez être sûr, c'est qu'aucune de ces deux associations n'est enthousiaste au sujet des lois environnementales.

M. Paton: Le sénateur Taylor a raison. Cette législation ne nous enthousiasme pas. Sa mise en oeuvre posera beaucoup de problèmes. Nous y voyons certaines améliorations par rapport à la LCPE actuelle mais, comme l'Association minière, nous ne voyons pas beaucoup d'avantages dans cette législation par rapport à la législation actuelle.

M. Claude-André Lachance, directeur, Affaires gouvernementales, Dow Chemical Canada: Il est très difficile de répondre à la question que vous posez, et je vais vous dire pourquoi. Nous bénéficions aujourd'hui de 10 à 12 années d'expérience avec la LCPE. Bien que cette loi ait été formulée dans un contexte différent de celui d'aujourd'hui, elle a produit des effets positifs dans la mesure où elle a donné aux Canadiens un cadre législatif permettant de filtrer les substances avant leur fabrication ou leur commercialisation, du point de vue de la décision qu'elles sont toxiques et pourraient être réglementées, d'une part, et, d'autre part, du point de vue du processus de filtrage limité des substances existantes.

Depuis lors, le gouvernement canadien a mis en oeuvre un certain nombre de politiques -- prévention de la pollution, gestion des substances toxiques, et plan d'action sur la gestion des substances chlorées -- reposant toutes sur ce cadre législatif. Cela a donné une approche qui nous a permis de réduire les risques du point de vue du rejet de substances toxiques dans l'environnement. Après 12 années d'expérience avec ce système, nous savons comment il fonctionne.

Le projet de loi C-32 intègre bon nombre de ces «nouvelles» politiques adoptées au cours des années. De ce point de vue, nous pensons que c'est une amélioration par rapport à la LCPE actuelle. Depuis six ans, toutefois, nous faisons beaucoup d'efforts pour veiller à ce que la législation soit efficace, c'est-à-dire qu'elle assure un cadre que nous puissions comprendre et qui contribue aux objectifs sur le plan de l'environnement et de la santé, mais tout en préservant un contexte économique dans lequel nous pouvons fonctionner -- autrement dit, le développement durable.

À cette étape, nous ne savons pas comment la nouvelle LCPE pourrait être interprétée. Nous n'avons aucune expérience dans ce contexte, et c'est une loi très complexe. C'est pour cette raison que nous mettons fortement l'accent depuis plusieurs années sur la nécessité d'une législation claire, rationnelle et opérable. Tel est le but des amendements proposés au Sénat par les deux délégations d'aujourd'hui.

Quant à savoir si nous préférons la LCPE actuelle à la nouvelle, cela dépendrait de notre interprétation de la manière dont fonctionnerait la nouvelle. Or, la mise en oeuvre de ce texte est très difficile à prévoir étant donné qu'il prévoit une latitude ministérielle considérable et qu'il contient beaucoup d'éléments extrêmement complexes qui en rendront l'application difficile. Cela dit, nous pensons que les amendements adoptés à l'étape du rapport dans l'autre Chambre ont amélioré le texte par rapport à ce qu'il était après les amendements du comité, lesquels le rendaient à notre avis impossible à mettre en oeuvre.

Le président: Si l'on en croit le ministre, il est clair qu'il n'acceptera pas d'amendements. Étant donné la motion de clôture imposée à notre comité, il est clair qu'aucun amendement ne serait acceptable. Je dois vous dire que c'est le projet de loi C-32 qui deviendra la loi.

Êtes-vous prêts à accepter cela ou préféreriez-vous que le texte soit revu, à la lumière des préoccupations qui ont été exprimées, afin de le rendre plus opérable? Pour l'instant, je ne comprends pas bien votre position.

M. Lachance: Bien sûr, monsieur le président, les témoins ne sauraient préjuger de ce que décidera l'honorable Sénat au sujet de cette législation. Vous avez vos propres règles et vous avez une certaine période pour faire votre travail. En ce qui nous concerne, nous sommes venus de bonne foi proposer au comité des méthodes pour améliorer le texte. Nous croyons que les amendements que nous avons proposés amélioreront le projet de loi dans l'intérêt à la fois de l'environnement et de l'économie. Autrement dit, ce sera un meilleur texte pour appuyer la politique du développement durable. Pour ce qui est des décisions que l'honorable Sénat pourrait prendre au sujet de ces amendements, elles vous appartiennent en totalité.

Le président: J'entends bien. Même si certains de vos amendements suscitent peut-être chez moi une réaction positive, je ne pense pas qu'ils seront acceptés. Voilà pourquoi je souhaite savoir si vous préférez la loi existante au projet de loi C-32 sous sa forme actuelle. Si vous ne pouvez répondre, je comprendrai, mais sachez que c'est le dilemme dans lequel nous nous trouvons maintenant.

M. Paton: Ma réponse ne sera pas aussi claire que vous le souhaitez. Le projet de loi contient certaines améliorations mais il présente aussi plus de risques pour nous car, comme l'a dit M. Lachance, il est difficile de savoir comment il sera mis en oeuvre. C'est une législation extrêmement complexe et alambiquée, avec toutes sortes de ramifications.

Ce projet de loi est-il largement préférable à celui qu'a produit le comité? Absolument. Pouvons-nous travailler de bonne foi avec Environnement Canada pour essayer d'améliorer l'environnement? Absolument. Comme le ministre, nous en avons assez de ce processus interminable et nous pensons que le fait que cette législation n'ait pas été traitée plus rapidement a nui à l'environnement. Nous ne souhaitons pas prolonger l'agonie. On en est donc rendu à une question de jugement individuel. Il y a du pour et du contre. Dans un sens, toutefois, notre silence est révélateur. Il est quand même surprenant qu'après avoir consacré cinq ans à examiner un texte de loi, nous ne puissions pas vous dire aujourd'hui si nous le préférons à la loi de 1988. C'est très révélateur de la manière dont la législation environnementale est formulée. Toutefois, nous ne voudrions pas consacrer cinq années de plus à ce texte.

Le président: Je peux vous garantir que nous non plus.

Le sénateur Kenny: En réponse au choix que vous leur avez proposé, monsieur le président, les témoins nous ont dit que le projet de loi qui est sorti de la Chambre des communes est finalement meilleur que celui qui était sorti du comité. D'autres témoins nous ont dit le contraire. Cela montre bien la difficulté que l'on peut avoir à répondre à votre question. Cela dit, nous entendrons des témoins représentant chaque côté de ce débat. Pour des raisons différentes, certains voudraient une législation plus sévère et préféraient le texte produit par le comité. D'autres pensent plutôt que le texte sorti du comité était trop sévère. Chaque fois que nous poserons la question, nous n'obtiendrons que des réponses partielles, comme c'est le cas aujourd'hui.

Je pense par ailleurs qu'il est injuste de dire que la motion qui a été proposée empêcherait le comité d'envisager des amendements. Le comité a parfaitement le droit d'envisager tous les amendements qu'il veut. Rien dans la motion n'empêche un membre quelconque de ce comité d'en proposer.

Le sénateur Buchanan: Ce n'est pas vrai.

Le sénateur Kenny: Veuillez m'excuser, sénateur Buchanan. Quand vous aurez la parole, vous pourrez me dire en quoi je me trompe. Il n'y a rien dans la motion qui empêche quiconque de proposer un amendement, et je n'ai pas entendu le ministre dire hier qu'il était interdit au comité de proposer des amendements. En fait, il a clairement pris la peine de dire qu'il n'avait aucunement l'intention de s'ingérer dans les travaux du comité ou du Sénat.

Vous avez parfaitement le droit de dire qu'il n'y aura pas d'amendements mais je ne pense pas qu'il soit juste d'attribuer ce fait à cette motion ou aux remarques du ministre.

Le président: C'est une question d'interprétation. Quoi qu'il en soit, j'aimerais que l'on tire parti de la présence des témoins ce matin.

Le sénateur Hays: Je voudrais commencer par la première question soulevée par l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, c'est-à-dire que l'on attache plus d'importance à l'approche volontaire. À l'heure actuelle, il existe des choses telles que des contestations volontaires sur la question des changements climatiques, par exemple. Cela repose sur des protocoles d'entente et des lignes directrices. Si je vous comprends bien, vous aimez cette démarche. Comme pourrions-nous nous assurer qu'elle fonctionne?

Que pourriez-vous dire sur la vérification de l'approche volontaire, pour s'assurer qu'elle donne un résultat équivalent à une approche de commandement et de contrôle? Devrait-il y avoir des pénalités si l'approche volontaire ne marche pas? Pourriez-vous préciser votre pensée là-dessus? Je sais que vous l'avez fait par écrit dans votre mémoire mais il serait peut-être bon que vous précisiez votre position à ce sujet, pour mon édification et pour celle des membres du comité.

M. Paton: L'Association canadienne des fabricants de produits chimiques a un programme appelé Gestion responsable qui correspond à ce que l'on appelle souvent une «approche volontaire», bien que nous ayons maintenant commencé à utiliser une autre expression, «initiative de responsabilité de l'industrie». Si vous demandiez à 10 ou 12 experts du monde entier quelle est l'initiative de responsabilité de l'industrie la plus avancée au monde, Gestion responsable viendrait en premier. La raison en est que c'est une mesure qui a été lancée en 1985 au Canada et qui a ensuite été adoptée par 42 autres pays. C'est un programme très rigoureux. Essentiellement, il part du principe que personne ne peut adhérer à notre association sans adopter Gestion responsable, qui comprend une série de principes et de codes. Je précise que l'un de ces principes est la vérification des activités de nos sociétés une fois tous les trois ans par des tierces parties en fonction de ces codes.

Aucune législation ou réglementation ne saurait faire mieux que des entreprises décidant elles-mêmes qu'elles doivent respecter l'environnement et agir de manière responsable avec leurs collectivités. On ne peut tout simplement pas obtenir ce genre d'engagement par des lois ou règlements.

Nous ne pensons pas que notre programme doive fonctionner, puisqu'on parle de programme «volontaire», sans tenir compte de la loi ou de manière différente. D'après nous, la loi existe pour établir un cadre de rendement environnemental, et il peut y avoir aussi des règlements, mais ces initiatives de responsabilité de l'industrie ont tout à fait leur place dans une bonne politique environnementale.

Hélas, lorsqu'une nouvelle législation est proposée, on a l'impression qu'elle est d'office axée sur ceux qui se comportent le moins bien. On a l'impression que le législateur se demande uniquement ce qui risque d'arriver si quelqu'un agit mal. Malheureusement, on en arrive alors à traiter tout le monde en fonction du plus bas dénominateur commun.

En pratique, si l'on y pense bien, cela impose une planification de prévention de la pollution à des entreprises qui font déjà plus et qui ont des plans de prévention de la pollution beaucoup plus étoffés que tout ce qu'on pourrait imaginer dans un texte de loi. En fin de compte, les entreprises qui agissent de manière très responsable et qui sont largement en avance sur ce que le gouvernement pourrait exiger dans ses règlements finissent par être obligées d'assumer le même fardeau que les autres.

Le résultat ultime de tout ça est que le gouvernement dissuade les bonnes entreprises d'améliorer leur rendement à cause de coûts et d'exigences supplémentaires. Si l'on se met à ajouter les exigences fédérales et provinciales aux exigences municipales, on se retrouve avec des systèmes et des procédures très alambiqués qui n'aident aucunement les entreprises à atteindre les objectifs qu'elles souhaitent atteindre. Cela provient du fait que le législateur suppose que nous ne voulons pas les atteindre, ce qui est faux.

D'aucuns diront: pourquoi les entreprises voudraient-elles avoir un bon rendement environnemental et travailler avec nos collectivités? La réponse est simple: parce que c'est bon pour les affaires. En fait, c'est la seule manière de faire des affaires. Nos entreprises construisent des usines pouvant durer de 25 à 50 ans. Elles ont investi des milliards de dollars en Alberta et ailleurs. Aucune ne veut que des problèmes environnementaux viennent ruiner ses investissements et détruire ses relations avec ses communautés, ses fournisseurs, ses clients ou ses gouvernements. Toutes veulent fonctionner sur des bases solides. Aujourd'hui, ça veut dire responsabilité environnementale et insertion communautaire. Si vous examinez les activités de DuPont et de Dow, vous verrez que c'est ce qu'elles font.

Dans cette législation, le mot «volontaire» n'est mentionné qu'une seule fois. S'il s'agissait d'un projet de loi plus progressiste, on verrait que le gouvernement sollicite clairement le soutien de l'industrie et l'encourage à faire preuve de responsabilité, tout en étant aussi sévère que possible avec les délinquants. Voilà ce que serait pour nous une bonne politique. Hélas, ce n'est pas le cas de ce projet de loi. Nous sommes donc venus vous dire quelles améliorations pourraient y être apportées. En grande mesure, nous souhaitons des améliorations garantissant que le gouvernement ne viendra pas s'ingérer dans ce que nous essayons de faire de toute façon.

Le sénateur Hays: Je comprends bien votre argument. Au fond, vous dites que votre client est le même que celui du gouvernement, dans un sens plus restreint, car vous fournissez un produit dont il a besoin ou qu'il utilisera directement ou indirectement, et que le client a toujours raison, que vous soyez un politicien ou un fabricant de produits chimiques. Nos clients sont sensibles à l'environnement. Ils veulent des améliorations. Ils s'intéressent à ce que nous faisons, et cela se retrouve en partie dans ce projet de loi.

Que feriez-vous au sujet d'une personne qui ne ferait pas partie de votre Association et qui ne serait pas prête à respecter le code, pour une raison ou une autre? Y a-t-il une réponse réglementaire au cas où une approche volontaire s'avérait inefficace?

M. Paton: Cela soulève toute la question de la conception du texte de loi. Les gouvernements n'ont pas encore trouvé de solution satisfaisante à ce problème.

Selon nous, notre association, avec un régime aussi rigoureux que le sien, est plus exigeante que tout ce qu'un gouvernement pourrait jamais lui imposer. Je veux dire que le gouvernement fédéral ne va pas aller vérifier sur place l'usine de Dow Canada à Fort Saskatchewan. Nous, nous le faisons.

Si nous agissons ainsi, le gouvernement devrait nous accorder un minimum de confiance. Par contre, dans le cas d'une entreprise qui ne ferait pas partie de l'association ou qui ne suivrait pas ce régime, la loi devrait certainement s'appliquer dans toute sa rigueur. Nous avons un exemple de la manière dont nous agissons à cet égard avec la réduction accélérée des substances toxiques.

M. Lloyd: Si vous voulez aborder la même question d'un point de vue plus général, songez au programme ARET dont nous parlions plus tôt. C'est un programme de réduction et d'élimination accélérées des substances toxiques. Suite à un processus engagé avec de nombreuses parties prenantes, on a identifié 117 produits chimiques pour lesquels des objectifs de réduction ont été établis, la plupart fondés sur une réduction de 50 p. 100 et d'autres, de 90 p. 100. Les questions que vous posez sont donc cruciales pour la conception d'un programme comme ARET.

L'ACFPC et plusieurs autres associations ont exercé des pressions auprès du gouvernement à ce sujet. Toutes les substances du programme ARET ne sont pas surveillées grâce à l'Inventaire national des rejets de polluants, qui est le mécanisme de réglementation qu'utilise le gouvernement pour dépister les rejets. Nous avons exercé des pressions auprès d'Environnement Canada, jusqu'à présent sans succès, pour ajouter des substances à l'Inventaire national des rejets de polluants de façon à pouvoir, grâce à cet instrument réglementaire, suivre le progrès des participants à l'ARET qui réduisent leurs émissions et, ce qui est encore plus important, des non-participants.

D'après nous, comme ceux qui ne participent pas à l'ARET ne fournissent pas d'informations volontairement, ils devraient être obligés de les fournir à l'Inventaire national des rejets de polluants. Donc, comme d'autres groupes tels que l'Association minière, nous avons demandé que ces substances soient ajoutées à l'INRP. Si c'était fait, on aurait les outils nécessaires. Le gouvernement saurait sur qui agir dans ce contexte. Nous pensons que certains des outils de cette législation qui constituent des améliorations pourraient être utilisés.

Personne n'a encore trouvé le moyen de formuler au palier fédéral des règlements spécifiquement adaptés à telle ou telle entreprise. Par contre, les exigences de planification de prévention de la pollution qui figurent dans le projet de loi pourraient être utilisées à cette fin et cibler très sélectivement certaines sociétés.

En outre, l'accord d'harmonisation et les pouvoirs consentis dans le projet de loi au gouvernement fédéral pour qu'il coopère avec les gouvernements provinciaux sont importants. L'ARET n'est pas simplement un programme fédéral; les provinces en sont aussi parties prenantes puisque c'est un programme national. Elles pourraient être encouragées à utiliser leurs propres pouvoirs pour sanctionner les entreprises qui ne participent pas à l'ARET et qui rejettent des produits polluants. Nous pensons donc qu'il y a des instruments que l'on peut utiliser.

Nous aimerions aussi que l'on élabore des règlements plus intelligents qui permettraient de cibler les domaines particuliers qui le méritent, au lieu de viser toute l'industrie en même temps.

Il y a donc des garde-fous qui, avec le type de programme de vérification dont parlait M. Paton, permettraient d'établir un dispositif global tenant compte des résultats que peuvent obtenir les approches volontaires. Celles-ci devraient être prises en considération dans la législation, ce qui aurait de nombreux avantages. Au lieu d'être des éléments tributaires de la politique environnementale, ces approches seraient entérinées par la loi. Elles seraient plus officielles.

Cela nous aiderait aussi dans nos rapports avec les États-Unis. En effet, nous craignons que certaines de nos approches volontaires puissent être remises en question dans le cadre de l'ALENA. Autrement dit, comme les Américains sont plus portés à judiciariser les problèmes, nos approches volontaires risquent d'être jugées inacceptables en vertu de l'ALENA, même si elles fonctionnent mieux et sont plus efficaces que les méthodes légalistes des Américains. Si nos approches étaient fondées sur une base législative, elles auraient beaucoup plus de légitimité. Voilà le genre de choses dont nous parlons et nous pensons que le type de mécanisme dont vous discutez doit absolument aller de pair avec ce type de système, et nous croyons que cela peut se faire.

Le sénateur Hays: Ma dernière question concerne la vérification que vous effectuez une fois tous les trois ans dans le cadre du programme Gestion responsable. Comme il y a là un facteur de crédibilité extrêmement important, pourriez-vous nous décrire ce programme?

M. Paton: Toute société qui désire adhérer à l'ACFPC doit adopter le programme Gestion responsable. Dans ce contexte, elle doit se prêter à une vérification dans les trois ans suivant son adhésion.

Nous avons élaboré six codes qui sont extrêmement détaillés et comprennent plus de 150 éléments. Je vais vous en donner un exemple. On a parfois du mal à croire le sérieux de toute cette initiative. L'entreprise doit avoir un plan d'urgence en cas de catastrophe. Elle doit communiquer à sa communauté le scénario qu'elle a préparé pour la pire catastrophe que l'on puisse envisager. Elle doit procéder à un dialogue ouvert, c'est une exigence. Sinon, elle n'obtient pas l'agrément des vérificateurs.

Imaginez qu'une entreprise doive aller rencontrer les habitants de la communauté et leur dire: «Le pire scénario que l'on puisse envisager est que cette usine explose et qu'il y ait 50 000 morts.» Pourquoi obligeons-nous l'entreprise à partager cette information avec la communauté? Tout simplement parce que nous estimons qu'il appartient aux entreprises d'expliquer aux collectivités quelles pourraient être les conséquences de leur présence locale. Ce n'est pas un choix, c'est une obligation. D'après nous, c'est indispensable pour exploiter une activité industrielle.

Les vérifications sont effectuées par un employé d'une autre société, généralement un écologiste qui, souvent, fait partie d'un de nos comités, et par un membre de la communauté. Ces personnes sont complètement indépendantes. Elles produisent un rapport sur la société en indiquant si elles pensent que celle-ci a respecté les principes d'éthique et les codes de Gestion responsable. S'il y a lieu, elles indiquent dans le rapport les améliorations profondes ou mineures qu'elles jugent nécessaires pour respecter les exigences de Gestion responsable.

Sur les 73 entreprises de notre association, une cinquantaine a déjà franchi avec succès l'étape de ces vérifications. Pour les autres, elles feront l'objet d'une vérification dans les trois prochaines années parce qu'elles ont adhéré récemment. Nous commençons tout juste la deuxième ronde. Ces documents sont publics. Nous les communiquons aux groupes consultatifs communautaires que nous avons. Quand je parle de la rigueur de nos activités, je crois pouvoir dire sans risque de me tromper qu'aucun gouvernement ne pourrait être aussi rigoureux.

Pourtant, quand nous parlons de cette législation, il semble que le gouvernement nous dise: «Tout ce que peut faire l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques dans le cadre du programme Gestion responsable n'a en fait aucune importance. Voici le régime que nous allons vous imposer.» C'est assez regrettable. En fait, si on ne fait pas attention, cela risque à terme de dissuader l'entreprise privée de faire preuve de responsabilité. Nous risquons de devenir comme les Américains qui raisonnent de la manière suivante: «Comme la loi est tellement complexe et que je vais de toute façon faire l'objet de poursuites, je vais me contenter de respecter les seules exigences de la loi, ça suffira.» Vous ne voulez quand même pas que nous réagissions de cette manière car ce ne serait certainement pas positif pour l'environnement.

Le sénateur Spivak: Je tiens à vous féliciter pour vos efforts. J'ai examiné le programme ARET et le programme Gestion responsable et ils me semblent très progressistes. Est-ce que Gestion responsable s'applique à toutes vos entreprises à l'échelle internationale?

M. Paton: Dow s'est engagée à respecter Gestion responsable à l'échelle internationale. Je peux dire que 42 sociétés ont adopté le programme. Il y a une association internationale de fabricants de produits chimiques dont les membres sont obligés d'adhérer à Gestion responsable. Les sociétés gèrent le programme à l'échelle globale mais il arrive que certains pays aient des approches différentes. Dans l'ensemble, on considère que le Canada est tout à fait à l'avant-garde.

Le sénateur Spivak: Je parlais des sociétés canadiennes qui ont des activités internationales. Comme vous le savez, il y a eu certaines grandes catastrophes concernant des sociétés canadiennes ces dernières années.

M. David Rodier, vice-président principal, Environnement, sécurité et santé, Noranda, Inc., Association minière du Canada: Nous faisons partie des deux associations. Nous avons adopté Gestion responsable dans le cadre des rites d'adhésion à l'ACFPC. Nous avons une grande usine d'acide sulfurique au Chili et, même si nous n'y sommes pas obligés par la loi, nous procédons actuellement à la mise en oeuvre de Gestion responsable au Chili. Je suis sûr que Dow et DuPont pourraient donner des exemples similaires. Nous sommes largement en avance sur tout le monde au Chili.

Le sénateur Spivak: Êtes-vous obligés d'agir ainsi en vertu de Gestion responsable?

M. Rodier: Non, c'est volontaire. Je donne cet exemple parce que, comme l'a dit M. Paton, gérer les opérations de façon à éviter les problèmes est une question de simple bon sens.

Le sénateur Spivak: Je ne comprends toujours pas complètement. Pour que vous soyez membre accrédité, ce programme est-il obligatoire?

M. Rodier: Au Canada, il l'est.

Le sénateur Spivak: Mais pas à l'échelle internationale.

M. Rodier: Non, c'est une association canadienne.

Le sénateur Spivak: Je vous encourage à l'appliquer partout. Il y a eu certaines catastrophes à l'étranger concernant des sociétés canadiennes. Si vous pouvez les éviter, cela vous coûtera beaucoup moins cher.

J'ai une autre question à vous poser. J'ai le sentiment que les plans de prévention de la pollution n'auraient pas à être révélés au gouvernement, sauf dans certaines circonstances. C'est seulement à la discrétion du ministre que vous pourriez être tenus de les soumettre au gouvernement. Je saisis mal cependant pourquoi les plans que vous appliquez déjà maintenant ne seraient pas reconnus comme des plans de prévention de la pollution. Après tout, le volontariat n'a pas nécessairement à être légiféré. En fait, ce serait une contradiction en soi.

Vous n'avez pas à révéler vos plans de prévention de la pollution au gouvernement. Ce n'est pas comme si on vous demandait de faire une deuxième fois des choses que vous avez déjà faites.

M. Lloyd: Nous l'espérons.

Le sénateur Spivak: C'est à la discrétion du ministre. Considérant tout ce qu'il a d'autre à faire, je le vois mal examiner en détail les plans de prévention de la pollution de chaque entreprise du Canada.

Mme Justyna Laurie-Lean, vice-présidente, Environnement et santé, Association minière du Canada: C'est une question importante. Tous les membres de notre Association à qui j'en ai parlé estiment que leurs exigences internes de diligence raisonnable les obligeraient à revoir attentivement tous leurs plans de prévention de la pollution pour s'assurer qu'ils respectent strictement la lettre de la loi. La question de savoir si le gouvernement demanderait ou non que les plans lui soient soumis n'est pas pertinente. Le fait qu'un plan n'ait pas à être soumis au gouvernement ne veut aucunement dire que l'on peut suivre une norme différente. Si l'entreprise veut pouvoir prouver qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable, elle devra veiller à ce que ses plans répondent à toutes les exigences établies par ordonnance ministérielle.

Certes, les entreprises auront déjà certains plans et systèmes internes mais il est fort probable que ceux-ci ne correspondront pas point par point aux exigences, et il y a aura beaucoup de paperasserie pour obtenir le document prouvant que l'on a respecté strictement la loi.

Le sénateur Spivak: Je comprends ce que vous dites au sujet de la diligence raisonnable mais cela sera-t-il exigé par voie réglementaire? Je ne vois rien à ce sujet dans le projet de loi.

Mme Laurie-Lean: La diligence raisonnable est une exigence interne de l'entreprise.

Le sénateur Spivak: Je songe plutôt aux plans de prévention de la pollution qui pourraient être exigés par ordonnance ministérielle. L'exigence sera-t-elle établie par voie réglementaire ou dans le projet de loi?

Mme Laurie-Lean: Par une ordonnance du ministre.

Le sénateur Spivak: Par voie réglementaire ou dans le projet de loi?

Mme Laurie-Lean: Pas par voie réglementaire, c'est une ordonnance ministérielle.

M. Fraser: Il s'agit d'un pouvoir ministériel plutôt que d'une exigence réglementaire. Les exigences pourraient varier d'un site à l'autre et d'une entreprise à l'autre, mais ce serait alors au ministre à le décider.

Le sénateur Spivak: Donc, si je comprends bien, ça n'est pas dans le projet de loi.

M. Fraser: Il serait peut-être préférable que cela fasse l'objet d'un règlement précis plutôt que d'être une question purement discrétionnaire.

Le sénateur Taylor: Ma question portait sur les efforts volontaires et nous nous en sommes beaucoup écartés.

Je ne vois pas pourquoi le gouvernement voudrait vous empêcher de faire certaines choses volontairement. Je ne comprends pas ça. Si vous voulez faire quelque chose qui est mieux que ce que la loi exige, personne ne vous en empêchera. Aucune loi ne vous empêcherait de faire mieux que le minimum exigé. Que vouliez-vous donc dire?

M. Fraser: Depuis 1988, notre industrie a réduit les émissions de mercure de 91 p. 100, de cyanure, de 98 p. 100, et de plomb, de 67 p. 100, uniquement par des programmes volontaires et sans aucune réglementation. Nous n'avons pas eu besoin de loi pour cela.

Les entreprises ont discuté avec leurs parties prenantes, notamment des groupes provinciaux oeuvrant dans les secteurs de la santé et des mines, des groupes économiques, des associations locales et les actionnaires, afin de faire le point sur leurs préoccupations respectives et sur les paramètres économiques et écologiques ainsi que sur les échéanciers. Nous avons donc décidé de régler le problème nous-mêmes. Il ne s'agissait pas de ma décision ou de la décision de ma société. Il s'agissait d'un problème que nous avons jugé prioritaire et que nous avons donc décidé de résoudre, avant de passer au suivant.

Supposez que quelqu'un décide que la production de dioxines à des niveaux quasi indétectables constitue un problème que notre industrie doive résoudre. Mes ressources en argent, en technologie et en employés sont limitées. La résolution du problème me prendra peut-être jusqu'à cinq ans. Il se peut que ce ne soit pas considéré comme une priorité par mes parties prenantes mais que quelqu'un ait décidé, ailleurs, selon des critères scientifiques ou non scientifiques, que c'est un problème prioritaire que je doive résoudre. Ce serait une mesure qui me serait imposée et je n'aurais pas le choix. Je devrais donc m'occuper de cela plutôt que de ce que mes parties prenantes estiment être plus prioritaire.

Le sénateur Taylor: Si je comprends bien, vous dites que rien dans la loi de 1988 ne vous aurait empêchés de réduire les émissions de cyanure et des autres produits que vous avez mentionnés.

M. Fraser: Cela aurait pu réorienter nos priorités.

Le sénateur Taylor: Vous risquez de ne pas pouvoir faire ce que vous êtes prêts à faire volontairement parce que vous devrez consacrer votre budget à respecter certains exigences réglementaires difficiles.

M. Fraser: C'est cela.

Le sénateur Taylor: On parle à la fin de la loi de négocier des crédits d'émission ou de pollution, ce qui constituerait en fait un système volontaire pour réduire les émissions. Cette méthode semble être envisagée dans ce projet de loi, alors qu'elle ne l'était pas dans l'autre. L'avez-vous analysée?

M. Fraser: Il y a déjà un certain temps que les entreprises se penchent sur toutes les questions en jeu. Les programmes de crédits d'émission fonctionnent extrêmement bien dans les secteurs géographiques relativement petits. En Californie, par exemple, il est légitime de réduire les émissions d'une société de nettoyage à sec pour compenser celles d'une raffinerie de pétrole, étant donné que les employés travaillent dans de petits locaux mal aérés. Au Canada, considérant l'énormité de notre territoire, échanger un crédit d'émission dans le sud de l'Ontario contre un crédit au nord du Manitoba ne semble pas être une bonne méthode pour produire le genre de résultats que les programmes d'échange de crédits devraient viser.

Si l'on fait de la gestion nationale ou internationale de la qualité de l'air dans les endroits confinés, c'est un excellent programme. S'il s'agit de résoudre des problèmes locaux et régionaux, c'est beaucoup plus complexe et le programme n'est pas toujours efficace. C'est un concept très difficile à mettre en oeuvre au Canada.

Le sénateur Taylor: C'est quelque chose que l'on peut faire volontairement.

M. Fraser: En effet. En général, ces systèmes fonctionnent sous l'impulsion des forces du marché. Aux États-Unis, par exemple, on peut acheter des permis d'émissions d'anhydride sulfureux et les utiliser ou les acheter sans s'en servir.

M. Rodier: Ce n'est pas vraiment volontaire. Par exemple, si l'on veut réduire les émissions de SO2, on doit avoir une réduction globale dans l'enveloppe, quelle que soit l'enveloppe, et c'est seulement ensuite qu'on peut les échanger. Si une société réussit à obtenir une grosse réduction, elle peut vendre certains de ses crédits de réduction à d'autres sociétés pour lesquelles la réduction ne serait pas économiquement viable. Cela dit, ce n'est pas un programme volontaire puisque c'est l'État qui impose une réduction globale à tout le groupe.

Le sénateur Taylor: L'État impose la réduction globale et les entreprises se débrouillent au sein de l'enveloppe.

M. Rodier: Il y a plusieurs méthodes pour effectuer les réductions.

M. Fraser: Si l'on décide par exemple qu'un million de tonnes d'anhydride sulfureux sont rejetées dans une région donnée, des permis représentant un total d'un million de tonnes seront distribués parmi les entreprises qui en ont besoin. Deux années plus tard, la quantité est réduite de 20 p. 100, ce qui veut dire que les permis ne représentent plus que 800 000 tonnes. Les entreprises ont alors le choix de réduire leurs propres émissions ou d'acheter des crédits à d'autres entreprises qui n'en ont pas besoin. De manière générale, cela amène à résoudre le problème avec l'option la moins coûteuse. Aux États-Unis, il arrive souvent que des groupes environnementaux achètent ces permis et les détruisent, ce qui est une manière d'agir pour obtenir les réductions voulues.

M. Rodier: Ce n'est pas un programme vraiment volontaire mais il est flexible.

Le sénateur Nolin: En réponse au sénateur Hays, vous avez expliqué un programme volontaire très intéressant par lequel vous avez examiné attentivement les processus et procédures de vos membres. Quand cela a-t-il commencé?

M. Paton: L'initiative a été lancée en 1985.

Le sénateur Nolin: Combien d'entreprises ont échoué?

M. Paton: La première vérification révèle souvent que la plupart des entreprises ont des améliorations à apporter à leurs opérations avant d'être jugées acceptables. Généralement, on leur donne une année pour ce faire. Je conviens que la plupart des entreprises ont des difficultés au départ, notamment en matière de dialogue avec la communauté. Certaines des choses qu'elles doivent faire sont tout à fait nouvelles pour elles, comme communiquer leur scénario catastrophe à la communauté.

Comme vous pouvez l'imaginer, ce n'est pas une mince affaire pour la plupart des entreprises.

Le sénateur Nolin: S'agit-il en fait de «relations publiques», au sens vraiment fondamental de l'expression?

M. Paton: Non, je ne parlerai pas de relations publiques dans ce cas. Il s'agit d'impliquer directement les parties prenantes et de faire face aux critiques. En fait, on passe vraiment d'une philosophie à une autre. Autrefois, on disait: «C'est mon usine, je la gère comme je veux. La communauté n'a aucune raison de savoir ce qui se passe à l'intérieur de mon usine.» Aujourd'hui, nous disons qu'il faut partager les informations et impliquer les parties prenantes en leur disant ce qui risquerait d'arriver. C'est un pas en avant.

Bon nombre des processus de vérification ont révélé des difficultés en la matière, au début. Aujourd'hui, sur nos 73 entreprises, une cinquantaine ont passé avec succès par le processus de vérification. Les autres commencent peu à peu le processus et certaines en sont à la deuxième phase. C'est un résultat tout à fait remarquable.

De fait, honorables sénateurs, si vous avez la chance de visiter l'une de ces entreprises, vous risquez d'être très surpris par leur détermination. À Fort Saskatchewan, toutes les personnes résidant aux environs de l'usine de Dow pourraient probablement vous expliquer en détail leurs préoccupations particulières à l'égard de l'usine.

Le sénateur Nolin: Y a-t-il des sociétés qui ne font pas partie de votre association -- c'est-à-dire des sociétés que vous ne voulez pas accepter ou qui ne veulent laisser personne mettre son nez dans leurs affaires?

M. Paton: La plupart des sociétés fabriquant des produits chimiques font partie de notre association. Beaucoup ont adhéré parce qu'elles entérinent la discipline et l'appui collectif inhérents au programme Gestion responsable. Nous n'avons peut-être pas tous les fabricants de produits chimiques mais au moins 95 p. 100. D'autres entreprises adhèrent chaque jour. Disons que ce marché nous appartient.

Le sénateur Nolin: Comment pouvez-vous surveiller les «moutons noirs» qui ne font pas partie de votre association?

M. Paton: Nous leur envoyons des petites notes leur demandant ce qu'ils feraient si telle ou telle chose arrivait, et si elles pourraient prouver qu'elles ont fait preuve de diligence raisonnable. Au cours des 10 dernières années, nous sommes passés de 62 membres à 73. Nous aurons bientôt 100 p. 100 du marché.

Le sénateur Chalifoux: J'habite à proximité de l'allée chimique de Fort Saskatchewan, à l'ouest de Morinville. J'y habitais déjà lorsque l'usine a été construite. Je me souviens fort bien des remous phénoménaux et de l'inquiétude qui régnaient dans les collectivités environnantes. Au cours des années, et grâce à vos efforts, ces inquiétudes ont considérablement baissé.

Je me souviens d'un petit accident qui est arrivé il y a deux ou trois ans. Vos équipes d'urgence ont parfaitement bien réagi. Tout le travail que vous faites est volontaire -- et on ne peut pas imposer le volontariat par une loi. En tant que bons citoyens canadiens, nous avons tous le devoir de tenir compte de nos voisins et de l'intérêt national. C'est ce que votre société a fait et je vous en félicite.

Je passe souvent en voiture devant l'usine de Dow et j'ai pu voir les améliorations que vous y avez apportées au cours des années. Je tiens à vous féliciter personnellement de votre dévouement et de votre intérêt en matière d'environnement, domaine très délicat dans cette région. Vous avez fait un excellent travail et nous n'avons pas besoin d'adopter de loi pour imposer ce genre d'effort. C'est simplement une question de bonne citoyenneté.

M. Lachance: Il est rare, dans notre branche industrielle, de recevoir des compliments. Je vous remercie sincèrement de vos paroles, sénateur Chalifoux. L'usine de Dow est une très grande opération. C'est l'une des cinq ou six usines globales de Dow. Il s'agit d'un investissement énorme et d'une opération monumentale dans un contexte rural. Or, beaucoup des habitants de la région se sont établis là précisément pour la qualité de vie. Il y a des fermes et des petites collectivités. Assurer l'harmonie entre une grande usine comme celle-là et les collectivités rurales n'est certainement pas une mince affaire. Je remercie donc l'honorable sénateur de dire que nous avons relativement bien réussi dans cette entreprise.

Il existe encore d'énormes possibilités pour combler le fossé existant entre la manière dont les collectivités locales perçoivent les risques associés aux grandes opérations industrielles et la sérénité qu'elles veulent ressentir dans un tel environnement.

Le président: Que pourrions-nous faire pour vous aider? Y a-t-il des amendements que nous pourrions proposer, dans le cadre des vastes pouvoirs habilitants du projet de loi C-32? Aucun de mes collègues ne contestera l'importance de vos remarques mais comment pourrions-nous en tenir compte dans le cadre du projet de loi?

Monsieur Paton, pourriez-vous préciser ce que vous attendez de nous à cet égard?

M. Paton: Il y a dans ce projet de loi une ligne où l'on appuie l'utilisation d'initiatives volontaires pour répondre aux exigences de planification de prévention de la pollution.

Le président: Cette ligne se trouve-t-elle à l'article 57?

M. Paton: Oui. Nous sommes très heureux que cette ligne figure dans le projet de loi. Nous sommes heureux que le ministre ait déclaré hier qu'une telle approche est souhaitable et que l'on devrait dans toute la mesure du possible avoir recours à l'approche volontaire. Je dois dire que cet appui n'a pas toujours été évident de la part des ministres de l'Environnement. C'est donc encourageant pour nous.

Si l'on voulait faire beaucoup plus avec ce projet de loi, il faudrait repenser toute la philosophie sur laquelle il repose. Nous ne formulons pas de recommandation particulière à ce sujet. Nous signalons simplement qu'il y a une manière de penser la législation et le rôle du gouvernement qui, comme le disait l'honorable sénateur un peu plus tôt, part du principe qu'il existe des entreprises responsables qui se comportent correctement, et que toutes les lois n'ont pas nécessairement à être conçues en fonction de ce qui se produirait si personne ne voulait respecter l'environnement.

D'autres dispositions du projet de loi sont affectées à certains égards car nous estimons qu'elles ont été simplement fondues dans la masse avec celles qui sont considérées «du genre irresponsable». Certains groupes contestent le projet de loi parce qu'ils supposent que l'industrie se moque de l'environnement, que nous essayons d'affaiblir le texte et que nous ne voulons pas contrôler les produits chimiques toxiques. Tout cela est complètement faux. C'est inexact et injuste. C'est tout à fait le contraire qui est vrai. Ces groupes pensent que le projet de loi devrait être plus rigoureux, plus structuré, plus détaillé, parce que l'industrie agit de manière irresponsable et doit être réglementée. C'est pour cette raison que nous avons ouvert notre témoignage sur cette question.

Avec ou sans la LCPE, nous continuerons de faire ce que nous faisons. Comme dans le cas de l'Association minière du Canada, nous atteindrons nos résultats avec ou sans la LCPE. Nous sommes bien contents d'avoir un texte de loi plus facile à mettre en oeuvre mais le fait est que notre industrie agit de toute façon déjà de manière responsable. Nous ne voulons pas de loi qui soit trop complexe, trop détaillée et trop difficile à respecter car cela entraverait les efforts que nous déployons pour agir de manière responsable.

Si vous voulez un autre exemple de dispositions problématiques, je peux mentionner celui des poursuites judiciaires. Fondamentalement, les poursuites judiciaires sont un facteur de complexité qui risque à longue échéance de saper le travail positif que nous faisons.

Le président: Serait-il utile d'exprimer dans le préambule la nécessité pour le gouvernement d'agir en tenant compte de ces préoccupations? À l'heure actuelle, le préambule ne dit rien là-dessus.

M. Paton: C'est une bonne idée. Le gouvernement pourrait reconnaître dans le préambule que les entreprises agissent de manière responsable, et il devrait les encourager à obtenir de bons résultats et à faire toujours mieux.

Le président: Pensez-vous que nous devrions recommander que l'on ajoute au préambule un texte correspondant à ce que vous venez de dire?

M. Paton: C'est une excellente idée.

Le président: Nous essaierons de formuler quelque chose en ce sens.

M. Fraser: J'appuie ce qu'a dit M. Paton, ainsi que votre recommandation, monsieur le président. La dernière chose à faire serait de légiférer en matière de volontariat, puisque ce serait un non-sens. Comme l'a dit Richard, ce serait une erreur de penser que les entreprises se comportent d'office de manière irresponsable et qu'il faut donc les sanctionner chaque fois qu'on en a l'occasion. Les entreprises responsables agissent de manière responsable. Les autres, elles ne font pas partie de notre groupe. Si elles sont capables d'enfreindre un règlement, elles le font probablement déjà maintenant et aucun d'entre nous ne les approuve.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Dans vos derniers commentaires sur les actions volontaires dans le préambule, vous dites que ce serait une démarche dans la bonne direction. Cependant, vous voudriez voir plus que cela, n'est-ce pas?

M. Paton: Je pense que ce serait un pas dans la bonne voie. Pour faire plus que cela, il faudrait revoir toute l'approche législative. À l'heure actuelle, considérant les limites de temps, ce serait un pas en avant. Nous serions très heureux de cela.

Comme l'ont dit plusieurs sénateurs, on ne peut pas imposer le volontariat par voie législative. Le ministre a fait des remarques positives à ce sujet hier. En outre, nous avons le programme ARET. Nous n'avons pas besoin de législation pour faire ce qu'il faut. Nous avons besoin de plus de signaux et d'un meilleur soutien, ce qui est probablement encore plus important. Quoi qu'il en soit, le préambule serait utile.

Le président: Monsieur Paton, pourriez-vous maintenant passer aux articles 22 et 28 et nous donner quelques précisions sur les mesures de protection de l'environnement?

M. Lachance: Je n'irai pas trop dans le détail, monsieur le président, car c'est une question très complexe.

Tout d'abord, tous les membres de l'industrie au Canada ont adopté cette position il y a déjà longtemps. Cela se faisait déjà pendant les six années qu'il a fallu pour formuler la nouvelle LCPE. Nous ne pensons pas que faire appel aux tribunaux pour arbitrer des questions de société touchant la protection environnementale soit une bonne méthode car c'est une question qui exige une analyse poussée dans le cadre du processus politique. Nous pensons que c'est dans l'arène politique que ces choses-là doivent être débattues, et nous sommes prêts à accepter le résultat des débats politiques.

Évidemment, d'autres parties ont une opinion différente à ce sujet, ce qui est parfaitement leur droit. En ce qui nous concerne, nous ne voulons pas que les tribunaux se mettent à arbitrer entre ces divers objectifs de société car, par définition, l'arbitrage judiciaire limite le débat aux éléments factuels. Cela se fait dans le cadre d'un processus contradictoire qui ne favorise pas le genre de débat, de dialogue, de recherche de consensus et de compromis qui est nécessaire pour formuler une bonne législation environnementale. Pour nous, le processus politique se prête mieux à obtenir le genre de résultats que souhaite la société canadienne car les participants sont obligés de rendre des comptes en public.

Nous avons donc une position fondamentale et ancienne qui est très claire au sujet du droit de poursuite, et c'est une position que nous défendons depuis de nombreuses années.

Cela dit, l'article du projet de loi concernant le droit de poursuite suscite aussi chez nous des réserves particulières. Je dois mentionner que c'est seulement l'un des nombreux aspects de la partie du projet de loi qui concernent la participation du citoyen, et certains de ces aspects recueillent notre assentiment parce qu'ils favorisent la reddition de comptes dans le processus global. Par exemple, le registre est certainement quelque chose qui contribuerait à la transparence des mesures envisagées et de celles qui sont prises pour protéger l'environnement et la santé des Canadiens.

Toutefois, en ce qui concerne le droit d'intenter des poursuites, si le problème que l'on cherche à résoudre est celui de l'inaction du gouvernement, c'est à l'échelle politique qu'il faut agir. Le gouvernement est là pour faire respecter ses lois. On connaît les rapports du vérificateur général sur la manière dont le gouvernement applique ses lois. La question a également fait l'objet d'un débat dont on trouve le compte-rendu dans un rapport du comité de la Chambre des communes sur l'environnement et le développement durable. Il ne fait aucun doute, comme l'ont dit mes collègues, que nous tenons à ce que les lois soient appliquées rigoureusement et à ce que les parties concernées assument leur responsabilité. Les lois qui ne sont pas appliquées sont des lois qui ne sont pas respectées. Or, si le public ne respecte plus les lois, il va en réclamer d'autres. À terme, cela devient un cercle vicieux. Il ne fait donc aucun doute que les lois doivent être appliquées rigoureusement. Si le problème que l'on veut résoudre dans l'article relatif au droit de poursuite est l'inapplication des lois, la solution consiste à renforcer sensiblement les efforts à ce sujet.

Notre troisième réserve au sujet de cette disposition est que si le législateur décide en fin de compte dans sa sagesse que le citoyen devrait avoir le droit de contester l'inapplication des lois environnementales par le gouvernement, il est indispensable de fixer des garde-fous adéquats. Cela s'impose pour que le pouvoir confié au citoyen ne débouche pas sur l'incertitude pour les entreprises, le harcèlement et, de manière générale, des attaques globales contre toutes les entreprises, qu'elles agissent ou non de manière responsable.

Certaines limites figurent déjà dans la législation et je soupçonne que d'autres groupes de témoins vous diront qu'elles sont trop restrictives. En ce qui nous concerne, nous pensons que ces limites, aussi satisfaisantes soient-elles, ne vont pas aussi loin que celles qui existent déjà dans une série de dispositions similaires figurant dans la Déclaration des droits environnementaux de l'Ontario, texte qui a été élaboré avec la participation de toutes les parties prenantes et qui ne semble pas avoir causé les problèmes que j'ai évoqués du point de vue du harcèlement et de l'incertitude pour les entreprises, problèmes qui proviendraient d'un recours excessif à ce droit de poursuite.

Si le comité décide qu'il souhaite conserver ces dispositions, alors que nous pensons qu'elles devraient être éliminées du projet de loi pour les raisons que je viens de mentionner, il lui appartient de les assujettir à une série de limites que nous avons exposées dans notre mémoire.

La manière dont le droit de poursuite est actuellement formulé dans le projet de loi signifie au fond qu'une poursuite pourrait être intentée par quiconque estime, n'importe quand, que certaines dispositions de la loi ne sont pas appliquées de manière assez rigoureuse. Il n'y a aucune limite réelle à ce droit. On pourrait intenter des poursuites cinq ans après avoir pris conscience du problème, ou 30 ans après.

Cela pose un énorme problème d'opérabilité de la loi. Toutes les entreprises ont des politiques sur la conservation de leurs dossiers mais on ne peut quand même pas s'attendre à ce que toutes conservent tous leurs dossiers jusqu'à la fin des temps au cas où quelqu'un, dans un avenir tout à fait imprévisible, risquerait de prendre conscience de quelque chose et déciderait d'intenter des poursuites devant les tribunaux, ce qui obligerait l'entreprise concernée à produire des documents pour prouver qu'elle avait fait preuve de diligence raisonnable et avait agi dans le respect de la loi. C'est pour cette raison que nous proposons que l'on fixe une limite à la période pendant laquelle de telles poursuites pourraient être intentées. Pour ce qui est de la durée de cette période, le comité pourra la fixer comme il l'entend -- cinq ans, 10 ans ou autre chose. Cela nous paraît très important du point de vue de l'opérabilité de la loi. Sinon, il y aura un décalage du point de vue de la diligence raisonnable en ce qui concerne l'aptitude des entreprises à prouver à l'avenir qu'elles ont précisément fait preuve de diligence raisonnable.

Le sénateur Kenny: Je comprends votre argument, monsieur Lachance. Vous réclamez un délai de prescription pour ne plus avoir à vous inquiéter, au bout de la période établie, de ce que vous auriez pu avoir fait auparavant. Vous savez cependant que certains problèmes environnementaux peuvent n'apparaître qu'au bout de 20 ans, par exemple, suite à une exposition répétée à certains produits. La victime pourrait vouloir réclamer des dommages et intérêts. Comment trouver un juste équilibre entre la nécessité pour vous de conserver vos dossiers et le problème des maladies ou des dommages apparaissant après une longue exposition aux produits?

M. Lachance: Il n'y a rien dans ce que j'ai dit qui pourrait affecter, de quelque manière que ce soit, la manière dont s'applique la common law dans les questions de responsabilité civile. Je pense que c'est à cela que vous faites allusion quand vous parlez d'une personne qui voudrait s'adresser aux tribunaux pour obtenir des dommages et intérêts parce qu'elle aurait été exposée à des produits. Par contre, en ce qui concerne le droit de poursuite, il s'agit du cas où un citoyen estimerait que le gouvernement n'applique pas la loi. Cela dépendrait toutefois d'un événement particulier. Il faudrait qu'il y ait un événement créant une infraction à la loi. Ce problème n'est pas quelque chose qui se développe au cours des années, c'est ponctuel. Il peut y avoir beaucoup de cas différents d'infraction à la loi mais chacun, jusqu'au dernier, constituerait un cas d'infraction.

Si je comprends bien votre hypothèse en matière de responsabilité civile, je ne pense pas que le délai de prescription que nous demandons ait quoi que ce soit à voir avec ça. Notre but est de faire face aux cas ponctuels d'infraction à la loi, quelles qu'en soient les raisons. Dans certains cas, il pourrait d'ailleurs y avoir de bonnes raisons à cela. Le gouvernement pourrait avoir décidé que des mesures volontaires sont préférables à des mesures imposées, et un citoyen pourrait fort bien vouloir contester ce choix, pour quelque raison que ce soit, ce qui l'amènerait à intenter des poursuites contre le gouvernement. Je ne pense pas que ce cas soit le même que celui que vous venez de décrire.

Le sénateur Kenny: Mais c'est pourtant les mêmes dossiers que vous devriez utiliser dans les deux cas? N'êtes-vous quand même obligés de conserver vos dossiers au cas où quelqu'un connaissant des problèmes déciderait de vous poursuivre? Est-ce que la poursuite de cette personne ne serait pas renforcée si celle-ci parvenait à démontrer que l'entreprise n'a pas respecté la loi?

M. Lachance: Certes, l'entreprise conservera longtemps certains dossiers, concernant par exemple l'exposition, la santé professionnelle, la sécurité, l'excellence opérationnelle, etc., mais elle pourrait ne pas vouloir conserver de manière permanente et systématique tous ses dossiers concernant sa performance technologique ou les aspects réels d'intrants-extrants d'une substance donnée. Il y a donc un juste équilibre à trouver entre la nécessité de bien gérer l'entreprise et d'avoir des dossiers prouvant une diligence raisonnable, d'une part, et l'obligation de tout garder, sur tout et pour tous les temps, au cas où quelqu'un décidait à un moment quelconque d'intenter des poursuites qui déclencheraient la nécessité pour nous d'invoquer une défense de diligence raisonnable.

Nous pouvons laisser au comité le soin de décider la période pendant laquelle les dossiers devraient être conservés, cinq ans, 10 ans, 15 ans ou 20 ans. Je ne sais pas quelle devrait être la limite mais nous disons simplement que cela ne doit pas être illimité. Pour le moment, nous pensons que c'est illimité.

Le sénateur Chalifoux: Je ne suis ni avocate ni ingénieure mais simplement une Canadienne très préoccupée par ces questions. Nos ancêtres ont entretenu cette terre pendant des milliers d'années. À Yellowknife, il y a une mine d'or où se trouvent 380 000 tonnes de scories d'arsenic, depuis 50 ans. Avec la limite que vous réclamez, la mine ou ses propriétaires pourraient-ils faire l'objet de poursuites ou y aurait-il un délai de prescription?

M. Lachance: Il pourrait y avoir de nombreuses réponses à votre question, selon le type d'incidence dont on parle. Comme il s'agit d'une question minière, je laisserai à l'Association minière le soin de vous répondre en détail. Je parlerai uniquement de l'aspect juridique. S'il y a un problème de santé individuel, il n'existe à ma connaissance aucun délai de prescription qui puisse empêcher un particulier dont la santé est affectée de réclamer réparation. Si le problème est de savoir qui est responsable des déchets, par exemple, notre proposition n'aurait aucun effet à ce sujet. Les déchets doivent être éliminés et l'entreprise garde en permanence la responsabilité de l'élimination. Dans ma société, nous assurons le contrôle perpétuel des matériaux et des pratiques du passé. Nous ne parlons donc ici que des cas de non-application de la loi et notre souci est de trouver un juste équilibre entre la nécessité d'assumer nos responsabilités et de respecter la loi, d'une part, et l'opérabilité de la loi. Pour le reste, je laisse la parole à mon collègue, M. Fraser.

M. Fraser: Je parlerai brièvement de la situation de Yellowknife, qui est tout à fait unique. Il s'agissait d'une mine d'or, pas d'une mine d'arsenic. Il se trouve que l'arsenic était là aussi et, il y a 50 ans, lorsqu'on a ouvert la mine, les méthodes de traitement de l'arsenic étaient évidemment bien différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui.

Aujourd'hui, il y a deux choses qui se produiraient et qui sont acceptées sans réserve par notre industrie et nos entreprises. La première serait une évaluation environnementale du projet, en fonction des normes d'aujourd'hui, ce qui pourrait fort bien amener les promoteurs à décider de ne pas aller de l'avant parce que le problème de l'arsenic ne pourrait pas être géré correctement. La technologie d'aujourd'hui pourrait fort bien amener à une conclusion différente.

Le deuxième aspect est celui des ressources financières. Pour veiller à ce que la mine puisse être déclassée correctement, il faudrait mettre de l'argent de côté. Dans le cas présent, il n'y a pas d'argent, la société a fait faillite et il y a un problème.

Il faut cependant savoir aussi, au sujet de l'arsenic de Yellowknife, qu'il y a 50 ans, et peut-être aussi récemment qu'il y a 15 ans ou 20 ans, l'arsenic était un produit largement utilisé pour toutes sortes de choses, comme le traitement du bois. C'est un produit qui était acheté par les gouvernements, par les particuliers et par des sociétés. Il est donc maintenant largement dispersé. Hélas, avec une mine aussi vieille que celle-là, ce type de matériau a tendance à être concentré autour de la source. Il y a là un problème de gestion des déchets qui pourrait devenir un problème environnemental.

Je puis vous dire que les sociétés aurifères de notre association ont rencontré les gouvernements dans le but de chercher une solution adéquate au problème. Je sais que Mme Laurie-Lean participait à une telle réunion plus tôt cette semaine et je vais lui demander si elle a quelque chose à ajouter.

Mme Laurie-Lean: Je me garderai bien de parler de ce cas particulier. Royal Oak n'était pas membre de l'Association minière du Canada.

En ce qui concerne le droit de poursuite, si je comprends bien, la société dont vous parlez avait respecté la loi. L'enfouissage de l'anhydride arsénieux était destiné à protéger l'environnement. Auparavant, les poussières se dispersaient dans l'atmosphère et c'est ce qui a produit une partie de la contamination de surface autour de Yellowknife. La décision d'enfouir était considérée à l'époque comme une mesure positive pour l'environnement. D'ailleurs, je ne sache pas que cela ait jusqu'à présent causé de problème notable, en tout cas pas selon le MAIN.

Cela dit, si la mine doit fermer, c'est parce que ses réserves sont relativement limitées et qu'elle est devenue marginale sur le plan économique. Pour l'avenir, la société étudie donc les possibilités de confinement sur le site, mais elle se demande surtout si le matériau devrait être transporté, récupéré ou transformé en un produit ou être neutralisé, rendu inerte et éliminé d'une manière ou d'une autre.

Cet exemple met en relief beaucoup d'insuffisances en matière de planification de la réhabilitation des sols et de provision financière à ce sujet, ce dont toutes les parties prenantes sont maintenant conscientes. Il faut que chaque gouvernement prenne des dispositions à ce sujet par voie réglementaire. De même, dans ce cas particulier, où le gouvernement fédéral a établi le type de structure réglementaire requis pour l'élimination des déchets dangereux plutôt que pour leur transport, cela serait conforme avec ce qui existe dans les provinces.

Le sénateur Chalifoux: Voilà un bon exemple du scénario le pire que l'on puisse envisager. Tout cet arsenic menace l'un des plus grands lacs d'eau douce au monde, c'est-à-dire le poisson, la flore et les habitants du Nord. Les mesures de protection de l'environnement prévues dans ce projet de loi et dans d'autres textes sont très importantes. Je crois comprendre que la plupart des sociétés minières ont un excellent sens civique et respectent l'environnement, mais il faut bien que le législateur prévoie le scénario le pire qui soit envisageable. C'est indispensable.

M. Fraser: Pour revenir à ce que je disais il y a un instant sur le fait qu'il y a une Loi sur l'évaluation environnementale qui s'appliquerait à cette mine, si on décidait de l'ouvrir demain, je suppose que l'évaluation, si elle était correctement effectuée, permettrait d'identifier le scénario le pire et pourrait amener à la conclusion que la mine ne devrait pas être ouverte parce qu'on ne pourrait pas contrer les dégâts envisageables. Si l'on décidait néanmoins d'aller de l'avant, la société serait obligée d'établir une provision de réhabilitation astronomique et elle pourrait donc décider de ne pas passer à l'action parce qu'elle n'aurait pas les moyens de financer le déclassement.

Notre industrie sait bien qu'il y a et qu'il y aura toujours des situations dans lesquelles des mines ne pourront tout simplement pas être exploitées et auxquelles il faudra renoncer. Nous n'avons jamais prétendu que nous devrions pouvoir exploiter des mines n'importe où, n'importe quand, pour n'importe quoi et n'importe comment. Loin de là.

Le président: Je dois dire que je partage la préoccupation de Le sénateur Chalifoux et que j'ai du mal à accepter vos arguments au sujet des mesures de protection de l'environnement. Je ne vois pas ce qui vous inquiète. Si cette loi avait été envisagée il y a 30 ans et que le gouvernement n'avait rien fait au sujet de la mine de Yellowknife, un citoyen pourrait aujourd'hui le poursuivre. Il ne pourrait pas réclamer de dommages et intérêts, puisque cela est exclu. Le seul recours qu'il pourrait réclamer serait une ordonnance concernant des mesures d'atténuation par la société apparemment coupable. À mon sens, il s'agit là d'excellentes dispositions puisqu'elles favorisent la participation du public. Si le gouvernement n'agit pas ou s'il ne prend pas connaissance de la situation, les groupes concernés pourraient invoquer ces dispositions pour l'obliger à agir ou, au minimum, à examiner le dossier. Franchement, je pense qu'il s'agit d'excellentes dispositions, parfaitement raisonnables.

Je ne vois pas ce qui vous inquiète là-dedans. Je sais que vous n'aimez pas que l'on vienne mettre le nez dans vos affaires mais, après tout, on parle ici d'environnement et d'industries qui peuvent avoir un effet profond sur l'environnement. Vous avez donc tout intérêt à garder vos dossiers à perpétuité, avec ou sans cette législation, car quelqu'un risque bien un jour de vous poursuivre après avoir réalisé que vous avez causé des dommages environnementaux. Comme le sénateur Kenny, je rejette votre argument. Je trouve ces dispositions tout à fait acceptables.

M. Fraser: Je parlais du cas de Yellowknife, pas nécessairement du contexte du projet de loi C-32. Je voulais dire que la législation qui existe aujourd'hui, c'est-à-dire la LCPE, empêcherait probablement aujourd'hui l'apparition de ce problème. Je ne voulais pas dire que le projet de loi rendrait la situation pire ou meilleure. Je n'ai pas examiné ce cas dans ce contexte. Je dis simplement que ce qui est arrivé il y a 50 ans et qui a continué pendant un certain nombre d'années ne pourrait probablement pas arriver aujourd'hui, du fait de la Loi actuelle, et sans parler du projet de loi, si le gouvernement et toutes les parties faisaient les évaluations et toutes les autres choses correctement.

Le président: Je ne voudrais pas prolonger le débat là-dessus. Je pense simplement que, si le problème de Yellowknife apparaissait aujourd'hui et que le gouvernement n'agissait pas, ce qui semble être souvent le cas, des groupes de citoyens pourraient l'obliger à agir. Voilà pourquoi j'estime que ces dispositions sont utiles.

M. Fraser: Ce que je ne conteste aucunement.

Le sénateur Taylor: En passant, je dois vous dire que j'ai commencé ma carrière de jeune ingénieur des mines à Yellowknife, où je travaillais pour quelqu'un du nom de Fraser. C'était peut-être votre grand-père.

Les gens ont tendance à oublier que le vieux géant de Yellowknife produisait la moitié de l'or de la région et la moitié des emplois. Pour les habitants, Blancs, Bruns ou différents, c'était les seules possibilités d'emploi qui leur étaient offertes depuis longtemps. En plus, la mine utilisait la meilleure technologie disponible à l'époque. Certes, ce n'est plus la meilleure aujourd'hui, comme c'est le cas pour les mares bitumineuses de Sydney. Trois générations plus tard, ma petite-fille occupe maintenant un poste d'ingénieur des mines dans le cadre duquel elle essaie de réparer tous les dégâts que j'ai causés. Le fait est que c'est ce qu'on faisait de mieux à l'époque. L'industrie créait des emplois et les gens étaient heureux de pouvoir les occuper. Il est donc un peu lassant d'entendre certaines personnes venir se plaindre 100 ans après.

M. Rodier: Je suis parfaitement d'accord avec vous. Les fautes des ancêtres ont la terrible habitude de revenir nous hanter.

Le sénateur Taylor: Mais cela crée des emplois pour les petits-enfants.

M. Rodier: Ce que nous savons aujourd'hui nous permettrait évidemment d'éviter ce type de problème.

Le sénateur Taylor: J'ai fait partie d'une délégation que le gouvernement a envoyée là-bas il y a un an, lorsqu'un camion d'une compagnie minière s'est renversé, déversant beaucoup de cyanure dans une crique, ce qui a entraîné la mort de plusieurs personnes. Les gens buvaient l'eau alors qu'on aurait dû les prévenir de ne pas le faire. J'ai essayé d'aplanir les choses et de parler des règlements. Certes, une erreur a été commise, mais ce sont les gens de la région qui l'ont commise.

Faire preuve d'une vigilance constante est le prix qu'il faut payer. Chaque pays doit trouver sa solution. Le projet de loi fera beaucoup pour éviter certaines de ces choses.

Le sénateur Spivak: Je vais vous citer un extrait de votre mémoire, page 18:

Finalement, il importe de noter que le droit d'intenter des poursuites civiles proposé dans la LCPE constitue une ingérence grave dans ce qui fait traditionnellement partie des compétences provinciales, ce qui irait à l'encontre de la volonté exprimée par le gouvernement fédéral d'oeuvrer pour l'élimination des chevauchements et du double emploi avec les provinces.

Que voulez-vous dire par là? Je ne pensais pas que c'était le cas.

M. Lachance: Traditionnellement, ce sont les provinces qui sont chargées de faire appliquer les lois sur l'environnement. Il ne fait aucune doute qu'il y a une entente d'exécution indiquant comment cela doit se faire. Ici, toutefois, on parle de poursuites civiles.

Ce n'est pas la première fois que le problème se pose. Chaque fois que le gouvernement fédéral empiète dans le domaine des poursuites civiles, il frise dangereusement l'ingérence dans les compétences constitutionnelles des provinces, les droits civils relevant de leur compétence exclusive. En ce sens, cela crée un risque de chevauchement et de confusion que l'on connaît parfaitement bien au Canada et que l'on devrait essayer d'éviter en vertu de la Constitution. Il faut faire très attention à l'aspect civil des choses pour éviter ce type de conflits.

Le sénateur Spivak: C'est un argument très difficile à avaler. Premièrement, en matière d'application de la loi, ce projet donne au gouvernement fédéral le pouvoir de désigner des agents d'exécution qui, je le suppose, seront provinciaux. Deuxièmement, il y a toutes sortes de facteurs de déclenchement. Le gouvernement fédéral possède une compétence partagée en matière d'environnement. Chacun sait que les problèmes d'environnement sont de nature globale et que seul le gouvernement du Canada peut agir. Il y a toutes sortes de justifications fédérales.

Je vois mal ce qui vous porte à dire que ce serait une ingérence dans les compétences provinciales. J'ai beaucoup de mal à comprendre ça. Le droit pénal relève des autorités fédérales.

M. Lachance: Vous avez raison de dire que les dispositions d'exécution du projet de loi participent des pouvoirs de droit pénal du gouvernement fédéral. Telle n'est cependant pas la question. La question concerne le droit de poursuites civiles, c'est-à-dire les poursuites elles-mêmes. Il ne fait aucun doute que la loi devrait être appliquée. C'est incontestable.

Le sénateur Spivak: Vous voulez parler du fait concret d'intenter des poursuites qui seraient des poursuites civiles?

M. Lachance: C'est cela.

Le sénateur Spivak: Je ne comprends pas. Où est l'ingérence? Pouvez-vous l'identifier clairement?

M. Lachance: Pour illustrer mon argument, je ne sais pas s'il y a ou s'il devrait y avoir un code fédéral de procédure civile. Les règles concrètes en vertu desquelles de telles poursuites pourraient être intentées sont problématiques du point de vue de l'application de la loi. J'en reste là cependant parce que je risque d'aborder un domaine que je ne suis pas vraiment en mesure d'expliciter.

Le sénateur Spivak: C'est pourtant d'une importance cruciale car le Sénat n'est pas censé adopter en connaissance de cause des lois qui risqueraient de provoquer des litiges constitutionnels.

Je vois mal ce qui vous inquiète, d'autant plus qu'une seule poursuite a jamais été intentée en vertu de la Déclaration des droits de l'Ontario. Bien des choses pourraient empêcher une personne d'intenter des poursuites civiles en vertu de ce projet de loi. Il faut que toutes sortes de choses arrivent pour qu'une personne puisse effectivement engager ces poursuites, mais je vous remercie de vos précisions.

Le sénateur Taylor: Monsieur Fraser, pourriez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire dans votre mémoire au sujet des substances toxiques? Vous dites qu'il y a un désaccord sur la question de savoir si le contrôle des substances toxiques ou dangereuses devrait être axé sur leur utilisation ou sur leur rejet.

Je ne comprends pas bien. Voulez-vous parler de leur entreposage ou de leur rejet dans l'atmosphère?

M. Fraser: Les procédés utilisés dans notre industrie comprennent beaucoup d'intrants qui sont là non pas parce qu'ils sont souhaités mais parce qu'ils sont inévitables. Par exemple, si l'on produit du zinc, on a toujours du cadmium. Si l'on produit du cuivre, on a probablement de l'arsenic. Si l'on produit du zinc, on a probablement du mercure. Si l'on produit du cuivre, on peut aussi avoir beaucoup d'or. Certains de ces intrants sont bons, d'autres, mauvais.

On ne souhaite pas nécessairement les avoir tous dans nos procédés. Dans le projet de loi, on met l'accent sur le contrôle de l'utilisation. On pourrait gaspiller beaucoup de temps à ce sujet, que ce soit au sujet d'un plan de prévention de la pollution ou d'autre chose. Nous exploitons une fonderie à Flin Flon parce que c'est là que se trouve le minerai. Si nous voulions produire des concentrés et les vendre en dehors de Flin Flon, ce ne serait pas rentable. De même, essayer d'acheminer à Flin Flon des matériaux venant de l'extérieur ne serait pas non plus rentable. Tant qu'il y aura une mine là-bas, il y aura une fonderie.

Nous sommes donc bien obligés de parler de l'aspect rejet du processus. Nous essayons de voir ce que nous pouvons en sortir. Si nous devons consacrer tout notre temps à l'aspect utilisation, ça ne présente aucun intérêt pour nous.

Le sénateur Taylor: Voulez-vous dire que nous devrions transformer le minerai dans des lieux où l'on pourrait faire usage des sous-produits toxiques?

M. Fraser: Tant que nous serons à Flin Flon pour produire du zinc et du cuivre, nous aurons malheureusement des sous-produits, dont nous devrons nous occuper. C'est l'aspect rejet. Nous sommes obligés de faire face à ce problème à Flin Flon et nous devons y consacrer le temps voulu. Toutefois, nous ne pouvons pas parler de l'aspect utilisation puisqu'il n'est pas là. Ce n'est pas délibérément que nous produisons des choses comme le mercure ou le plomb avec notre processus. Ces produits-là résultent naturellement du processus et nous devons contrôler leur rejet.

Mme Laurie-Lean: Il s'agit là d'une question très controversée et idéologique. Le contrôle des substances toxiques devrait-il être axé sur l'utilisation ou sur le rejet? Nous pensons qu'il devrait être axé sur le rejet mais d'autres pensent qu'il devrait l'être sur l'utilisation.

Pour nous, il faut commencer par se demander si les substances peuvent être réparties entre les bonnes et les mauvaises puis voir si l'on peut empêcher l'utilisation des mauvaises. Si l'on peut réduire l'utilisation, les sous-produits ne seront pas rejetés.

Nous croyons que pratiquement toutes les substances ont le potentiel de causer des problèmes. En conséquence, il est préférable de se demander s'il y a des problèmes, réels ou potentiels, avec le rejet. C'est une approche fondée sur le risque. Nous nous intéressons aux risques et aux rejets.

Dans le projet de loi, on trouve un peu des deux. La plupart des fonctions de contrôle sont axées sur le rejet des substances mais, dans le préambule, on dit aussi que le gouvernement devrait prévenir l'utilisation et le rejet de certaines substances. À notre avis, cela met indûment l'accent sur l'utilisation. L'utilisation devrait être prise en compte dans la fonction de gestion réglementaire lorsqu'on ne peut pas contrôler le rejet.

À Rio, on parlait plutôt d'interdire telle ou telle utilisation en cas de risque inacceptable ou impossible à gérer. Sinon, les fonctions d'évaluation et de réglementation devraient être centrées sur le rejet, pas sur l'utilisation.

Le sénateur Taylor: Prenons un exemple. Une province veut transformer du nickel au lieu de le faire venir d'une région éloignée. Comme pour toute transformation de minerai, il y a des sous-produits. Lorsqu'un minerai est exporté, cela semble produire une certaine réaction économique. Comme vous le savez, nos provinces tirent de l'argent des droits miniers et forestiers. Elles ont décidé d'expédier le produit à une fonderie plus efficiente, mais très éloignée, où il pourra être utilisé plutôt que rejeté. Elles entreront en conflit avec la création d'emplois locaux, là où elles extraient le minerai du sol. À ma connaissance, aucun effet nocif ne résulte de l'extraction des diamants, bien qu'il puisse y avoir quelque chose dans l'argile.

Voulez-vous dire que la transformation devrait se faire là où le sous-produit pourrait être utilisé?

Mme Laurie-Lean: Non.

M. Fraser: Non. Ce n'est pas du tout notre argument. Nous disons simplement que, dans certains domaines, contrôler l'utilisation n'est pas justifié.

S'il y a des produits dont on ne peut pas contrôler l'utilisation, il faut les réglementer ou les interdire et l'on trouve des dispositions à cette fin à l'article 93. Les produits naturels ne tombent certainement pas dans cette catégorie. Par exemple, on ne peut pas interdire le plomb. Il y aura toujours du plomb. La question est de savoir où il est rejeté.

Le sénateur Taylor: Dans l'industrie pétrolière, on a tendance à installer des cheminées. Si les cheminées sont assez hautes, les polluants retomberont dans la province voisine. Il y a généralement beaucoup de sous-produits qu'on ne veut pas. Pourriez-vous invoquer cet article pour faire face à ce problème?

M. Rodier: Le contrôle du rejet serait la solution. Le cadmium est presque toujours un sous-produit du zinc. Évidemment, on essaie de le raffiner et de le vendre. Nous disons que nous ne pensons pas que le mot «utilisation» devrait être utilisé ici. Le contrôle devrait porter sur le rejet du cadmium et sur sa gestion adéquate, d'une manière environnementalement saine. Le fait qu'il soit inhérent au processus est une mauvaise utilisation du mot «utilisation». Ce n'est pas une utilisation, c'est un flux dont on doit s'occuper. Il faut régler le problème à l'étape du rejet. Supposons que vous décidiez d'interdire le cadmium. Vous n'interdiriez pas son utilisation parce qu'elle fait partie du processus. L'extraction est un processus bien réel.

M. Robert Telewiak, président, Association minière du Canada, Groupe de travail des métaux, vice-président, Environnement, Falconbridge Limitée: Le cadmium n'est pas relié au nickel, mais au zinc. J'aimerais vous donner un exemple de la manière dont on utilise «utilisation» et «rejet» en Europe. Il existe une proposition d'interdiction des piles nickel-cadmium, qui représentent environ 3 p. 100 des rejets dans l'environnement en Europe. Quelque 50 p. 100 des rejets dans l'environnement proviennent du cadmium, qui est un composant mineur des engrais au phosphate. Il est épandu sur le sol avec les engrais au phosphate, et seulement 3 p. 100 viennent des piles nickel-cadmium. Pourtant, cette législation est axée sur les piles nickel-cadmium, qui peuvent être recyclées. L'industrie appuie les programmes de recyclage, afin qu'il ne soit pas rejeté. Au lieu d'entrer dans le cycle des déchets, on peut le récupérer. L'une des choses intéressantes au sujet des métaux, de manière générale, c'est qu'on peut les recycler à perpétuité. Des programmes industriels sont conçus pour le capter et en profiter.

Le sénateur Spivak: Il y a deux questions que j'aimerais soulever. Premièrement, au sujet de la quasi-élimination, je pensais qu'il s'agissait de ne pas autoriser l'utilisation ou la production des 12 polluants organiques persistants les plus graves. S'agit-il là de sous-produits de processus ou d'éléments que l'on peut arrêter? Les dioxines et les furanes sont réglementés du fait de la réglementation des effluents des usines de pâtes et papiers. Il y a d'autres méthodes pour faire la même chose. Ce sont des produits tellement mauvais qu'on devrait tout simplement les éliminer complètement.

Je pensais que l'objectif était de réduire l'utilisation et la production de substances. La production couvrirait les sous-produits résultant de certaines activités.

Je comprends ce que vous dites et vos éclaircissements sont très utiles au sujet des sous-produits dont l'utilisation ne peut être interdite puisqu'ils sont le résultat d'autres méthodes.

Prenons un exemple. Personne ne veut de l'agent Orange. Je ne vois pas qui peut en bénéficier. Il y a certainement quelques substances, sur les 23 000 en existence, qui n'auraient jamais dû être crées.

M. Fraser: Peut-être pourrais-je dire quelques mots des dioxines. Je ne connais personne au monde qui produise délibérément des dioxines et des furanes. Elles n'ont aucune valeur mais cela n'empêche pas qu'elles soient produites. Chaque moteur au diesel ou chaque système fonctionnant au diesel produit des furanes et des dioxines. C'est un sous-produit naturel. Quiconque décide d'allumer un feu de cheminée produit des dioxines et des furanes. Si l'on veut quasiment éliminer les dioxines et les furanes pour arriver à des niveaux non détectables, cela veut dire que nous n'aurons plus de moteurs au diesel. Autrement dit, nous ne consommerons plus de combustibles ni de bois. Ce n'est tout simplement pas possible.

Le sénateur Spivak: Ce n'est pas une notion invraisemblable. La raison même pour laquelle on envisage de fabriquer des piles à hydrogène est précisément de se débarrasser des choses qui rendraient le monde invivable si la Chine devait avoir autant d'automobiles que nous. Ce n'est pas rêver en couleurs, c'est très concret. En plus, des entreprises y consacrent des millions de dollars parce qu'elles en sont parfaitement conscientes.

M. Fraser: On y arrivera peut-être un jour. On pourrait en discuter longtemps.

Le sénateur Spivak: Il y a certaines choses dont on doit interdire l'utilisation. Prenons le cas des dioxines et des furanes résultant des pâtes à papier. On peut utiliser d'autres méthodes de blanchiment. En fait, les usines de pâtes à papier ont consacré des milliards de dollars pour arriver à ce niveau. Je pense qu'il aurait été préférable qu'elles choisissent la méthode à l'oxygène. Avec ça, nous n'aurions ni dioxines ni furanes.

Soyons francs, il y a certaines substances dont nous devons absolument nous débarrasser si nous voulons survivre.

M. Fraser: Certaines personnes interdiraient absolument le chlore et tous ses composés. D'autres diraient que la manière de régler le problème des hydrocarbures est d'interdire le carbone et tous ses composés, c'est-à-dire vous et moi.

Le sénateur Spivak: Il ne faut pas tout mélanger. On parle quand même d'un petit nombre de choses.

M. Fraser: Si l'on pousse un peu votre argumentation, on risque d'aller loin. On pourrait interdire les piles nickel-cadmium mais, dans ce cas, quelqu'un devra inventer des lampes de poche à énergie solaire. Ah bon, ça ne marche pas, n'est-ce pas? Excusez-moi.

Mme Laurie-Lean: Vous parlez en ce moment de deux choses bien différentes qu'il faut se garder de confondre. L'une est d'ordre philosophique. Nous admettons dans notre mémoire que la question de savoir si l'on doit contrôler l'utilisation ou le rejet est une question d'ordre philosophique. Voilà un élément.

Le sénateur Spivak: Ce n'est pas l'une ou l'autre.

Mme Laurie-Lean: Nous pensons qu'il faut mettre l'accent sur le rejet. Dans les cas où le contrôle de l'utilisation est nécessaire pour contrôler le rejet, les pouvoirs nécessaires existent déjà, mais il ne faut pas commencer par contrôler l'utilisation. Nous admettons cependant qu'il y a divergence d'opinions à ce sujet.

Quand on parle de quasi-élimination, le problème est un peu différent parce que l'interdiction d'utiliser la plupart des substances qui ont été identifiées jusqu'à présent, et il y en aura peut-être beaucoup d'autres, ne suscite probablement pas de controverse, en tout cas pour nous. Nous ne les produisons pas. En conséquence, nous n'avons pas autant de réserves au sujet du contrôle de l'utilisation dans le contexte de la quasi-élimination. Toutefois, nous ne pensons pas que l'on puisse interdire ou éliminer totalement certaines substances produites par inadvertance.

Pour certains procédés, il existe des solutions de remplacement. Je n'en sais pas assez sur les piles à hydrogène pour pouvoir jurer qu'elles ne produiront jamais rien que nous ne voudrions pas. La fabrication ou la production d'hydrogène exige de l'énergie.

Il existe des procédés sans sous-produits, comme les fourneaux à arc électrique, qui n'utilisent pas de carburant. Ce n'est pas un processus de combustion mais simplement un ajout d'énergie.

Si vous avez de petites quantités de carbone ou de chlore, ou des métaux présents en quantité minime, ainsi que de l'énergie, vous risquez de produire des dioxines et des furanes. Ce qui est inquiétant, ce sont des quantités en grammes ou en kilogrammes, mais la plupart des procédés n'en produisent pas, sauf si on le veut vraiment. Quand on parle de quantités équivalentes à quelques grammes puissance moins 12 ou puissance moins 15, je dois vous dire qu'il y a déjà assez de chlore dans la pierre, le bois, et cetera, pour que cela pose problème. Voulez-vous vraiment que l'on déploie tous les efforts qu'il faudrait pour éliminer des quantités aussi minimes, alors qu'il y a tant d'autres problèmes environnementaux qui restent à régler dans notre pays?

Le sénateur Spivak: Vous ne me contredisez pas et je suis d'accord avec vous. Si on peut faire mieux, pourquoi consacrer son énergie à autre chose? Je dis simplement qu'il ne faut pas rejeter d'office l'idée d'interdire l'utilisation et la production simplement parce que ce ne serait pas réaliste d'appliquer ce concept à tout. Personne ne propose ça.

M. Fraser: Nous non plus.

Le sénateur Spivak: Parfait.

Le président: Je pense que nous avons déjà bien engagé le débat sur l'article 65, ce dont je suis très heureux. Avez-vous d'autres remarques à formuler à ce sujet? Je suis sûr que mes collègues et moi-même avons encore des questions à vous poser. Peut-être pourriez-vous expliquer votre position sur la controverse relative au paragraphe 65(3), d'aucuns disant que l'objectif doit être plus le contrôle que l'élimination. Cet article a fait l'objet de critiques. Certains disent que l'on devrait se fixer pour objectif d'éliminer certaines de ces substances plutôt que les contrôler. Cela semble être une question très controversée. Comme vous le savez, d'autres témoins ont exprimé de sérieuses réserves au sujet de cet article. Je voudrais bien comprendre votre position là-dessus.

M. Lloyd: Cela nous ramène à la discussion que vous aviez avec les représentants de l'Association minière. Parlons d'abord des substances de première catégorie, c'est-à-dire qui tombent sous le coup de la politique de gestion des substances toxiques: substances persistantes, bioaccumulatives, toxiques et essentiellement artificielles. Certaines d'entre elles sont des produits et nous avons le pouvoir de les réglementer avec le paragraphe 93(1). Nous pouvons interdire les nouveaux produits qui répondraient à ces critères. En ce qui concerne les produits existants, nous pouvons interdire leur fabrication ou leur importation. De fait, nous avons déjà interdit au Canada les polluants organiques persistants qui ont été identifiés.

C'est aussi la position qui a été prise à l'échelle internationale. Hier, le ministre parlait de problèmes qui existent dans l'Arctique et des mesures prises pour les résoudre. Il faut ajouter à cela le fait qu'un traité global est en cours de négociation sur cette question, et qu'il existe déjà un traité régional couvrant l'Amérique du Nord et l'Europe. Le traité qui est en cours de négociation est fondé sur la même démarche que la LCPE, que l'article 93 et les règlements, puisqu'il s'agit de pouvoir interdire ou limiter considérablement les POP. L'un des produits qui font l'objet de sévères restrictions dans la convention internationale est le DDT, parce qu'on doit l'utiliser pour lutter contre la malaria. Comme le problème ne se pose pas chez nous, nous l'avons à toutes fins pratiques interdit. Il existe donc un mécanisme législatif permettant de traiter le problème des POP.

L'autre volet du problème des POP ou des produits de première catégorie concerne les sous-produits indésirables, c'est-à-dire essentiellement les dioxines et les furanes. Comme l'a dit quelqu'un d'Environnement Canada, l'un des sous-ministres adjoints, ce sont des «méga-horreurs», ce dont tout le monde convient. Cela les décrit bien. Nous devons faire tout notre possible pour minimiser le rejet de ces substances, mais nous devons le faire en tenant compte des coûts, de la technologie disponible et des risques qu'ils posent. Plus on descend vers des quantités infinitésimales de rejet, plus les risques diminuent. Nous pensons que ce type d'approche suffira pour régler cette question.

Je pense que la manière dont la législation est actuellement structurée nous permettra d'adopter ce type d'approche. C'est d'ailleurs la même approche que l'on trouve dans le traité international qui a été négocié pour les POP à l'échelle régionale. Cela favorisera l'utilisation de la meilleure technologie disponible et nous fera avancer vers des limites très faibles. Nous n'avons pas ces limites au Canada mais, dans la convention qui sera signée par l'Europe et l'Amérique du Nord, nous finirons probablement par adopter le même type de limites que l'on trouve dans la convention des Nations Unies où l'on parle de contrôler le rejet des dioxines jusqu'à des niveaux égaux à quelques parties par milliard. Comme on l'a dit plus tôt, cela reste largement supérieur à la plus basse quantité mesurable. On peut en effet mesurer des quantités allant jusqu'à quelques parties par billion. Par contre, il n'existe pas de technologie pour aller plus bas. La question est de savoir s'il faudrait la mettre au point. Si les émissions de dioxines continuent de poser des risques à des concentrations de quelques parties par milliard, et que l'on estime qu'il vaut la peine d'aller encore plus bas, il faudra faire un effort global pour développer la technologie requise. En Europe, où l'on a adopté la norme de quelques parties par milliard, on estime que cela est satisfaisant. Ce type de norme a été adopté dans ce traité international. Nous pensons que ce type de norme évoluera avec les dispositions de la LCPE. Nous n'en sommes pas absolument certains car la complexité de ces dispositions est parfois effarante mais celles-ci ne vont pas jusqu'à exiger ce qui constituerait à nos yeux une norme impossible, soit que toutes les sources de combustion aient des niveaux d'émission de dioxines inférieurs au niveau de quelques parties par billion, que l'on peut mesurer.

Pour ce qui est de la source de ces émissions, vous avez parlé, sénateur, de foyers à bois par opposition, si j'ai bien compris, aux moteurs à diesel. L'inventaire dressé par Environnement Canada et par les ministères provinciaux indique qu'il y a au Canada des émissions de dioxines d'environ 200 grammes par an. Les véhicules au diesel en représentent 8,7, les foyers à bois, 36, et l'incinération municipale à Terre-Neuve, environ 75. La question qui se pose est donc de savoir si la société devrait consacrer ses ressources à cela, étant donné que ce sont les sources d'émission les plus importantes. Dans l'industrie des produits chimiques, nous en sommes rendus, je crois, à 0,1 gramme et nous tentons encore de faire mieux.

Le sénateur Spivak: Je dois préciser que la Californie réglemente les barbecues et les tondeuses à gazon. Elle n'a pas le choix car les gens ne peuvent plus respirer.

Nous ne parlons plus maintenant d'interdiction mais de quasi-élimination. Vos changements concernant les parties opérationnelles à l'étape du rapport, qui ramènent tout au paragraphe 65(3), je crois, empêcheraient probablement la quasi-élimination car on devrait aussi tenir compte de facteurs économiques. Or, ces facteurs économiques ne sont pas définis avec précision, tout comme les mesures les plus efficientes, et ils peuvent de toute façon toujours prêter à débat. Ces changements ont fait l'objet d'une note de service, bien que l'on puisse débattre de l'interprétation de cette note. Dans l'un de vos mémoires, vous dites que vous voulez éliminer le paragraphe 65(1), qui exprime l'objectif ultime de quasi-élimination.

Les critiques affirment qu'il sera impossible d'atteindre cet objectif parce qu'il faudra toujours tenir compte de facteurs économiques. Si l'on tient compte des facteurs économiques, bien des choses sont acceptables parce qu'elles sont respectueuses de l'environnement, mais d'autres, non. Voilà pourquoi on demande la quasi-élimination.

M. Paton: Pour bien comprendre, il faudrait prendre l'exemple d'une entreprise faisant face à ce problème.

La difficulté que posait la version d'origine qui est sortie du comité était qu'elle obligeait le ministre à réglementer en dessous de ce niveau de dosage -- sans lui laisser aucune latitude, sans bon sens, sans risque.

Le sénateur Spivak: À l'étape du comité?

M. Paton: Oui. En dessous du niveau de dosage, cela veut dire qu'il faut fixer pour les dioxines et les furanes des concentrations de quelques parties par billion. Quoi que l'on puisse penser, ce ne serait pas une très bonne politique. Cela reviendrait à dire: «Le ministre doit faire ça sans tenir compte de l'incidence. Les facteurs économiques n'ont aucune importance. Ce sont des mauvais produits, on doit complètement s'en débarrasser.» C'est simpliste à l'extrême. Ça ne peut pas marcher. À long terme, cela aurait posé d'énormes problèmes de crédibilité au gouvernement fédéral, par exemple parce qu'il aurait dû essayer d'interdire les foyers à bois, ou qu'il aurait dû expliquer qu'il allait faire cela mais qu'il nous réglementerait à notre niveau de 0,1.

Le sénateur Spivak: Vous parlez de la version du paragraphe 65(3) qui est sortie du comité.

M. Paton: C'est très difficile à expliquer. Comme l'expression «quasi-élimination» est employée au paragraphe 65(1), la même définition s'appliquerait aux articles d'application qui suivent. Comme on parle au paragraphe 65(1) de «niveau inférieur à la limite de dosage», toutes les dispositions d'application signifient qu'il faut atteindre des niveaux d'émission inférieurs à la limite de dosage.

C'est quelque chose de très difficile à faire. Dans un sens, toutefois, c'est une question fondamentale, si l'on en juge par la vigueur des controverses. À certains égards, c'est purement théorique car nous ne croyons pas que les dispositions d'origine qu'avait produites le comité auraient pu être mises en oeuvre, de toute façon, ce qui veut qu'elles n'auraient rien donné à long terme. En outre, toutes les entreprises de notre industrie déploient des efforts considérables en vertu de la loi actuelle car celle-ci autorise quand même le ministre à fixer un chiffre. Elle l'autorise à fixer la limite la plus rigoureuse qu'il veut. Le ministre peut fixer un chiffre extrêmement bas, et celui que nous serions probablement prêts à accepter serait le chiffre généralement accepté à l'échelle internationale. Cela n'élimine aucunement la possibilité pour le ministre de fixer cette limite. Nous disons simplement qu'il devrait aussi tenir compte d'autres facteurs avant de prendre de telles décisions. C'est une question de bon sens.

Je voudrais vous donner un exemple de l'effet qu'aurait pu avoir sur une entreprise l'approche originale par rapport à l'approche indiquée dans ce projet de loi.

M. Rodier: Pour vous donner un exemple, Noranda construit une usine de magnésium au Québec. Nous utilisons un processus exclusif qui permet d'extraire le magnésium des scories d'amiante, ce qui veut dire que nous transformons un déchet en métal.

Comme le magnésium est très léger, soit 60 p. 100 du poids de l'aluminium, dont il a les mêmes propriétés mécaniques, il sera très utile à l'industrie de l'automobile pour réduire le poids des véhicules, réduire la consommation de carburant, s'attaquer au problème des gaz à effet de serre et à d'autres types de problèmes. L'usine coûtera 730 millions de dollars et créera 325 emplois techniques hautement rémunérés. Elle disposera d'une réserve de 200 années de matière première qu'il lui suffira d'aller chercher avec une pelleteuse. L'usine produira environ 18 p. 100 de la production mondiale actuelle de magnésium et elle est prévue pour pouvoir doubler sa capacité dans les cinq prochaines années si le marché le justifie.

Comme nous utiliserons un processus de blanchiment au chlore et un système d'électrolyse saline avec des électrodes au carbone, il y aura une certaine quantité de dioxines ou de furanes en sous-produits. Nous avons des systèmes d'épuration extrêmement rigoureux, comprenant notamment l'incinération des gaz et la capture active du carbone pour bloquer les dioxines. Dans le pire des cas, les émissions totales de cette usine sont évaluées à 0,09 grammes par an, ce qui sera largement inférieur à tout niveau d'émission qui serait autorisé si on parlait de picogrammes au mètre cube. Comme nous l'avons dit, les picogrammes représentent 10 puissance moins 12. Cette usine ne produira aucun effluent. Il y aura 20 grammes par an de dioxines qui seront bloquées et entreposées dans une mare artificielle avec un soubassement de bentonite. Les dioxines seront toujours conservées sous l'eau et, lorsque la mare sera pleine, elle sera recouverte et une nouvelle végétation y sera plantée.

La silice et le fer qui se trouvent dans les scories d'amiante et que nous n'aurons pas extrait représenteront 60 picogrammes par tonne de résidus dans une atmosphère totalement contrôlée et sans effluent, sans perte atmosphérique, sans rien. La norme du Québec pour les terrains industriels est de 750 picogrammes la tonne, ce qui veut dire que nous serons largement en dessous de ce niveau.

Si l'on applique le concept de limite de dosage, nous savons qu'il est aujourd'hui commercialement possible de détecter des niveaux aussi bas que 30 picogrammes au mètre cube, je crois, mais nous savons que les scientifiques, qui sont particulièrement inventifs, réussiront à aller en-deçà de cette limite. Certains laboratoires peuvent déjà descendre jusqu'au femtogramme, soit 10 à la puissance moins 15. Si la quasi-élimination signifie zéro, nous affirmons que ce sera totalement irréaliste, que ça ne correspondrait de toute façon à aucun risque pour quiconque et que ça e serait absolument anti-économique.

Notre projet va nous permettre de sauver une collectivité qui était en voie de disparition parce que les mines d'amiante disparaissent. Nous allons créer un produit qui sera bénéfique à l'environnement puisqu'il permettra de beaucoup mieux protéger l'atmosphère en économisant beaucoup de carburant. Nous allons en outre créer d'excellents emplois, avec toutes les retombées économiques que cela implique. Nous avons tenu des audiences publiques exhaustives qui ont permis à toutes les parties concernées d'exprimer leur opinion et nous avons accepté des compromis en ajoutant d'autres mesures de sécurité, en plus de quoi nous avons un permis.

Si le projet de loi restait tel qu'il est sorti du comité, cet investissement serait en danger.

Le président: Pourquoi?

M. Rodier: Si l'objectif peut changer en permanence, personne n'investira 750 millions de dollars.

Le président: Mais cela peut toujours arriver. Quelle que soit la loi qui est adoptée, le ministre aura toujours une certaine latitude.

M. Rodier: C'est pourquoi il était important de réintroduire le critère d'efficience.

Le sénateur Spivak: Veuillez m'excuser, monsieur le président, c'est un faux problème. Je m'excuse, monsieur Paton, vous êtes en train de créer un épouvantail.

Si vous lisez le texte qui est sorti du comité, on y dit que ce n'est pas limité aux risques concernant la santé et l'environnement mais que cela englobe tout risque social, économique ou technique pertinent. Il n'y a donc aucune différence entre la forme qu'avait cet article à l'étape du rapport et sa forme à la sortie du comité. La différence concerne les mesures à prendre pour atteindre l'objectif. Cette partie a été éliminée. Partout ailleurs, c'est la quasi-élimination en vertu du paragraphe 65(3).

On ne dit nulle part que la quasi-élimination doit être zéro. Ce sont deux problèmes différents. On peut se demander si la quasi-élimination peut effectivement être réalisée. La quasi-élimination signifie un niveau tellement bas qu'on ne peut pas le mesurer, ou un certain niveau établi par le ministre.

Quel problème cela peut-il vous poser? Dans le cas que vous mentionnez, l'usine peut fort bien être créée comme vous l'avez dit.

M. Paton: Si vous devez investir de l'argent pour construire une usine, vous devez obtenir un permis indiquant le niveau d'émission autorisé. En vertu de la loi, le niveau d'émission sera établi en fonction du plus bas niveau qu'il serait possible d'atteindre avec la meilleure technologie disponible. C'est donc une cible mouvante.

Le sénateur Spivak: Certes, mais il n'y a eu aucun changement à cet égard entre l'étape du comité et l'étape du rapport.

M. Paton: Dans ce cas, pourquoi se plaint-on?

Le sénateur Spivak: Tous les autres articles ont été ajoutés, ce qui veut dire qu'il faut à chaque fois tenir compte de facteurs économiques qui risquent de rendre impossible l'obtention des niveaux exigés, en tout cas selon une note que nous avons reçue. Si je me trompe, vous aussi. Ou c'est impossible à atteindre, ou ce ne l'est pas.

M. Paton: La question est très simple. Le niveau d'émission sera le niveau le plus bas que la technologie permette de mesurer, et il y aura en plus des facteurs économiques et d'autres facteurs comme les risques pour l'environnement et pour la santé. Voilà comment le paragraphe 65(3) s'appliquera du fait des autres articles qui ont été ajoutés.

Le sénateur Spivak: C'est exact.

M. Paton: Je ne pense pas qu'il y ait de désaccord entre nous là-dessus. Tout le monde convient qu'il y a une différence. Le texte produit par la Chambre des communes indique que les niveaux d'émission seront fondés sur ces critères plus généraux. Cela ne veut pas dire que le niveau d'émission ne sera pas fixé au niveau le plus bas possible. Cela veut simplement dire que le ministre aura un choix. Il pourra tenir compte d'autres facteurs.

Le sénateur Spivak: L'exemple qui a été présenté porte à penser que le niveau doit être zéro. Personne n'a jamais dit ça.

M. Rodier: C'est sujet à interprétation. Voilà le problème.

M. Paton: L'incertitude tue l'investissement. Voilà notre message, sous sa plus simple expression.

Je peux vous donner un autre exemple. Dow connaît exactement le même problème, et elle opère en Allemagne dans les conditions les plus rigoureuses au monde.

M. Lachance: Ces exemples ont tendance à être un peu compliqués. Je vais essayer de simplifier.

À Fort Saskatchewan, nous exploitons une usine dont le processus utilise du chlore. Comme il s'agit d'un processus de combustion, l'usine produit des quantités infinitésimales de dioxines. Dow s'est fixé comme objectif global de réduire de 90 p. 100 son niveau mondial de dioxines.

Pour que l'usine de Fort Saskatchewan atteigne cet objectif, il nous a fallu évaluer toutes les incidences possibles sur la communauté de ces niveaux infinitésimaux d'émission de dioxines. Nous avons travaillé avec l'Institute for Risk Research, de Waterloo. Nos études nous ont montré que les niveaux étaient les mêmes que ceux que l'on trouve à Edmonton.

Je ne veux pas dire que les niveaux ne sont pas élevés. Après tout, c'est une région rurale. Nous avons pensé qu'il y avait certaines raisons pour nous de faire des efforts considérables pour réduire nos émissions de dioxines, et nous les avons faits. Nous avons dépensé des sommes considérables pour améliorer la technologie de contrôle, comme je l'ai indiqué tout à l'heure. De ce fait, nous avons réduit nos émissions de 95 p. 100. Au niveau actuel, il n'y a plus d'incidence environnementale ni d'incidence sur la santé. Cela dit, nous restons déterminés à continuer de réduire ces émissions de manière permanente, dans le cadre d'un programme très actif.

Où se situe le point final de cette amélioration continue? Que se passe-t-il quand on arrive dans la zone grise, la zone des ténèbres? À partir de quand doit-on décider que ça suffit? Tel est l'objet du débat entre les niveaux un et trois. Essentiellement, le ministre a maintenant la possibilité d'imposer les normes les plus rigoureuses au monde.

Je précise en passant que nous ne disons pas qu'il ne devrait pas avoir ce pouvoir mais simplement qu'il devrait s'en servir en faisant preuve de bon sens.

Je souligne aussi que la Politique de gestion des substances toxiques, pour ceux d'entre vous qui l'ont lue, est fondée sur le bon sens. C'est une politique du gouvernement fédéral et celui-ci s'est engagé à l'intégrer au nouveau projet de loi.

Peut-on réglementer ou légiférer le bon sens? Ce n'est pas simple. Nous disons que le texte qui est sorti du comité n'était pas réaliste. Si on ne peut pas le mettre en oeuvre, il ne répond pas au critère du bon sens.

Nous pensions que les amendements apportés à l'étape du rapport donnaient au ministre le pouvoir d'imposer les normes les plus rigoureuses au monde. J'insiste beaucoup là-dessus -- les normes les plus rigoureuses au monde. Nous pensons qu'il faut faire cela tout en conservant la possibilité de faire preuve de bon sens du point de vue du point final.

D'aucuns contestent cette approche, ce qui est parfaitement leur droit. Ils estiment que nous devrions purement et simplement éliminer ces substances. Dans ce cas, c'est le processus politique qui doit nous dire où se situe la limite.

Le président: Je veux comprendre. Vous ne dites pas qu'il faut ôter au ministre le pouvoir de fixer les limites, n'est-ce pas?

M. Paton: Non. En fait, c'est le contraire qui nous causait un problème. Dans le projet de loi remanié par le comité, le ministre était obligé de fixer la limite au dosage le plus bas possible permis par la technologie existante. Si quelqu'un arrivait en disant que l'on peut maintenant mesurer jusqu'aux parties par billion, le ministre serait obligé de fixer la norme à ce niveau.

Cela ne tient absolument pas debout si le niveau est déjà tellement faible qu'il n'y a plus aucune incidence environnementale. Pourtant, le ministre n'aurait eu aucune latitude. Il aurait dû imposer cette norme.

Le président: Monsieur Paton, dans n'importe quelle loi, partout au monde, on donne au ministre la latitude nécessaire pour tenir compte de l'évolution des technologies et des connaissances, vous ne croyez pas?

M. Paton: Je suis d'accord mais cela n'a pas toujours été le cas avec cette législation.

Le président: Je comprends. Pour ce qui est des investissements dans vos usines, vous êtes toujours confrontés à des possibilités de changement qui peuvent influer sur vos opérations, n'est-ce pas? Ça existe partout au monde.

M. Paton: Avec le projet de loi tel qu'il a été révisé, c'est le cas.

Le président: Je parlais d'un point de vue général. L'une des caractéristiques fondamentales de la législation environnementale est qu'il y aura toujours une certaine latitude ministérielle pour faire face à l'évolution des choses.

M. Paton: Sénateur, je tiens à insister sur ce point. Le projet de loi qui est sorti du comité n'offrait pas cette latitude.

Le président: Je comprends.

M. Paton: Je ne peux donc convenir avec vous que c'est généralement le cas puisque ça ne l'est pas avec ce texte. Évidemment, c'est préférable. Toute bonne loi et toute bonne politique comportent une certaine marge de manoeuvre.

Le président: La question qui se pose dans le cas présent est la détermination de l'efficience par le ministre pour l'exercice de son pouvoir.

M. Paton: C'est plus que cela. Je suppose que vous pouvez parler d'efficience de manière très générale.

Le président: C'est votre point de vue.

M. Paton: Cela englobe l'incidence environnementale. Un sénateur a donné un excellent exemple au sujet d'une mine. En réalité, toutes les entreprises consacrent beaucoup d'argent à l'amélioration environnementale. Nous voulons que nos entreprises dépensent l'argent nécessaire pour réduire le plus possible les effets nocifs pour l'environnement. Si l'on met en place un système qui nous oblige à viser une limite qui est sans cesse repoussée, à dépenser des centaines de millions de dollars pour arriver à quelques parties par billion, on finira en fin de compte par nuire à l'environnement car il n'y aura plus assez d'argent pour régler les autres problèmes.

Le président: C'est précisément pour cela que le ministre jouit d'une certaine latitude. C'est pour cela que vous pouvez discuter avec lui pour exposer votre point de vue.

M. Paton: Exactement. Il faut tenir compte des risques touchant la santé économique et la santé environnementale.

Le président: Du point de vue des politiques visant à régler le problème des substances toxiques qui peuvent produire des effets nocifs à long terme pour l'environnement, n'est-il pas préférable de viser l'élimination de ces substances toxiques plutôt que simplement leur contrôle, tout en tenant compte des pouvoirs discrétionnaires, de la réduction progressive, et cetera.

Je parle maintenant d'objectifs que l'on n'atteindra peut-être jamais. Le paragraphe 65(3) parle de contrôle et de rejet plutôt que d'un objectif d'élimination. Si je comprends bien votre mémoire, c'est ce que vous contestez. Que reprochez-vous à cette approche?

M. Lloyd: Il y a deux problèmes à ce sujet. Le premier concerne l'objectif, et le deuxième, ce que l'on doit faire. En vertu de ce projet de loi, les entreprises devront dresser des plans de quasi-élimination, et le gouvernement devra adopter des règlements. Quels seront les buts visés par ces plans et règlements? Qu'essaiera-t-on vraiment de faire? Essaiera-t-on d'atteindre le niveau inférieur à la limite de dosage dont on parle au paragraphe 65(1), ce qui serait selon nous le niveau le plus proche possible de zéro, étant donné que c'est presque ce que l'on peut mesurer? Ou la norme doit-elle être fixée en fonction du risque réel, de ce qui est techniquement possible, des facteurs sociaux pertinents et des facteurs économiques? Il s'agit là en dernière analyse de décisions d'ordre politique. Du point de vue de l'industrie, cependant, nous pensons qu'il est important que les normes soient fixées en fonction des facteurs de bon sens établis au paragraphe 65(3) et qu'elles ne soient pas déterminées uniquement en fonction de la technologie de mesure, comme l'indique le paragraphe 65(1).

Il y a une autre question qui se pose: quel devrait être notre but? Le projet de loi sous sa forme actuelle nous cause des problèmes dans ce contexte parce que le but est irréaliste. Dire au public que l'on devrait réduire les niveaux d'émission à un niveau inférieur à celui que l'on peut mesurer créera des attentes qui seront toujours excessives par rapport à ce que l'on pourrait faire. Après tout, la technologie de mesure dépassera toujours les capacités de l'industrie et la nécessité pour l'industrie de descendre aussi bas d'après le facteur d'incidence.

Même si l'on parvient à résoudre le problème, c'est-à-dire qu'il n'y a plus aucune incidence environnementale, on devra se demander s'il est légitime, du point de vue des politiques publiques, de fixer un objectif qui n'est aucunement relié à ce qu'on essaie de faire, soit éliminer les dommages causés à l'environnement.

De ce fait, nous souhaitons que cette partie du projet de loi soit améliorée en parlant d'objectif fondé sur le risque. Une fois que cet objectif est atteint et qu'il n'y a plus aucun danger résultant des émissions de dioxines, pourquoi devrait-on continuer à y consacrer de l'argent? Par contre, s'il y a encore des dangers, il faut continuer à y consacrer de l'argent.

Le président: Mais est-ce que -- aucun ministre ne vous imposerait ça.

M. Lloyd: À moins qu'il n'y soit obligé par la loi. Avant les amendements proposés en troisième lecture, le projet de loi aurait obligé le ministre, même contre son gré, à faire exactement ce que vous dites, à juste titre, qu'il ne devrait pas faire.

Le président: Vous confondez deux choses, ici. À mes yeux, il y a une grosse différence entre la quasi-élimination et la réduction ultime. Il ne faut pas définir la quasi-élimination en parlant de réduction ultime. Si votre préoccupation est que le ministre ne soit pas obligé d'agir de manière déraisonnable, je vous comprends. Vous avez donné quelques exemples à cet égard, par exemple en allant en dessous de zéro. Il serait absurde que le ministre vous impose cela. Je ne pense pas qu'un ministre raisonnable pourrait le faire. Après tout, quel serait l'intérêt? Il y a beaucoup d'autres problèmes à résoudre. Les ministres que j'ai eu l'occasion de connaître au cours des années étaient généralement des gens raisonnables, des personnes éduquées qui ne vous auraient jamais imposé ce genre de chose. Cela ne m'inquiète donc pas du tout.

Ce qui m'inquiète, c'est comment on peut envisager la réduction ultime pour vous envoyer à vous et au public le message que ce sera suffisant. Nous parlons ici d'essayer d'éliminer ces substances. Donc, quand vous parlez de réduction ultime des émissions dans l'environnement, je ne suis pas sûr que cela suffise.

Je m'inquiète de ce que disent ces deux dispositions car c'est le coeur même de ce projet de loi.

M. Lloyd: Le paragraphe 65(1) fixe comme objectif d'aller en dessous du niveau minimum que l'on peut mesurer. En termes simples, c'est de cela qu'il s'agit.

Le président: C'est-à-dire en dessous de ce que le ministre aura indiqué dans sa liste. Ai-je tort?

M. Lloyd: Le ministre fixe la limite de dosage, qui est le niveau le plus bas que l'on puisse mesurer. Si l'on tombe en dessous du niveau le plus bas qu'on puisse mesurer, je ne vois pas très bien quelle différence il peut y avoir entre ce niveau et zéro. Ça devient purement théorique.

Le président: Je comprends.

M. Lloyd: Ça veut dire que le niveau sera continuellement abaissé puisque la technologie de mesure s'améliore constamment.

Le problème que nous pose cet objectif, c'est qu'il n'est pas fondé sur le risque. Il est irréaliste. Il s'agit d'un objectif que l'on sera fort peu susceptible d'atteindre et qu'il ne sera de toute façon pas nécessaire d'atteindre si le but est de résoudre les risques pour l'environnement. Voilà notre problème. Cela crée des attentes excessives dans la population.

Le texte clé à ce sujet est le paragraphe 65(3) qui indique quelle limite de rejet sera établie. C'est en fonction de ce paragraphe que les règlements du gouvernement et les plans des entreprises seront fixés. Cette limite de rejet permettra certainement au ministre de fixer les normes les plus rigoureuses au monde, et c'est ce à quoi nous nous attendons. Elle donne au ministre le pouvoir de fixer le chiffre qui lui semble raisonnable. En vertu de cette disposition, le ministre pourrait fort bien fixer un chiffre qui soit inférieur à la limite de dosage. Cela dit, c'est lui qui devra faire le choix. Les facteurs que le ministre prendra en considération seront techniques. Il se demandera s'il est réaliste d'aller en dessous de la limite de dosage, si la technologie permet de le faire, s'il y a des risques pour la santé humaine et pour l'environnement qui justifieraient que l'on aille en dessous d'un certain nombre de parties par milliard. Après avoir tenu des consultations, le ministre pourra prendre sa décision s'il estime qu'il est raisonnable d'aller en dessous de la limite de dosage. Il pourra aussi décider que nous sommes allés assez loin. Sous sa forme actuelle, le projet de loi donne au ministre la latitude requise pour faire ce qui est nécessaire. Il ne se trouve pas dans un carcan.

Voilà comment nous interprétons le projet de loi. Nous pensons que ce texte est différent de celui qui est sorti du comité.

Le projet de loi du comité avait le même objectif ultime que le paragraphe 65(1). La différence clé était que les dispositions opérationnelles qui s'appliquaient à l'article 79 aux plans des entreprises et aux règlements du gouvernement formulés en vertu de l'article 91 étaient reliées à la quasi-élimination. Cette notion était définie au paragraphe 65(1) dans le contexte du paragraphe (2) et aussi de l'article 65.1 exigeant que ces plans et que ces règlements aillent en dessous du niveau le plus bas que l'on puisse mesurer. Nous pensions que ce n'était pas réaliste et je crois que les exemples donnés au sujet de Dow et de Noranda, qui étaient des exemples concrets et réels d'entreprises qui font tout leur possible pour faire face au problème, ont confirmé que ce n'était pas réaliste.

Ce n'est pas comme si le Canada était largement en retard sur les autres pays. Les autres pays admettent qu'une solution fondée sur la meilleure technologie disponible et tenant compte des risques et des paramètres économiques est parfaitement acceptable. Notre position est conforme à cela. Nous adoptons une approche réaliste qui exige que l'on réduise les émissions de dioxines mais qui ne nous oblige pas à nous mettre à la chasse de la dernière molécule existante. Je répète que la politique de gestion des substances toxiques, qui constitue la fondation même de ces dispositions, était une politique de bon sens, qui ne nous obligeait pas à nous mettre à la chasse de la dernière molécule, et nous pensons qu'elle se retrouve dans le texte actuel.

Le président: Je vous remercie beaucoup de cette explication. Beau travail.

Le sénateur Spivak: Une remarque. Les substances dont vous parlez figureraient sur la liste de quasi-élimination. Si vous examinez le processus par lequel des substances sont inscrites sur la liste de quasi-élimination, vous voyez certains processus très complexes, ce qui n'est pas déraisonnable. Quand vous dites qu'un objectif est irréaliste ou ne pourra pas être atteint, c'est toujours ce qu'on dit quand on annonce une décision importante comme celle-ci mais, pour les produits de la liste, qui ne sont probablement pas encore très nombreux pour le moment, je l'imagine, il faut envisager la réduction ultime. Parlons par exemple des endocrinoperturbateurs. Les États-Unis font actuellement des tests sur des substances endocrinoperturbatrices. À des niveaux infinitésimaux, bien que les données scientifiques ne soient pas complètes, les substances endocrinoperturbatrices peuvent avoir des effets très graves à certaines étapes de la gestation des embryons. On a identifié de tels effets chez des animaux et des oiseaux, vous le savez.

Si les substances endocrinoperturbatrices peuvent produire des effets aussi fondamentaux qu'endommager le système de reproduction, système dont dépend la survie même de l'espèce humaine, je trouve tout à fait normal qu'on veuille les éliminer.

Je n'arrive pas à imaginer qu'un ministre ayant tous ses esprits décide qu'il faille réduire jusqu'à la dernière molécule les 23 000 substances de cette liste. Cela n'arrivera jamais. On parle seulement de choses qui peuvent être nocives, le facteur important étant que nous n'en connaissons pas complètement la nocivité pour le moment. Monsanto disait que les BPC et les dioxines nous feraient du bien. C'est seulement plus tard qu'on a découvert que tel n'était pas le cas. C'est la même chose ici. Il ne s'agit pas d'adopter des règles absolument irréalistes et ridicules qui entraîneraient la paralysie de l'industrie. Ce n'est absolument pas le problème.

Le sénateur Taylor: Mais vous ne pouvez pas supposer que les Libéraux formeront toujours le gouvernement.

Le sénateur Spivak: C'est exact, et éliminer les dangers éventuels ne serait donc pas une très bonne chose dans ce contexte. Nous n'avons pas encore parlé des produits issus de la biotechnologie. Il y a là aussi toutes sortes de choses que nous connaissons encore mal pour le moment. Il n'est donc pas mauvais d'indiquer dans la loi que certaines substances inhabituelles devraient faire l'objet d'une réduction ou devraient être réduites à un niveau inférieur au niveau de dosage.

M. Lloyd: Je pense que vous avez raison en ce qui concerne le processus prévu dans la loi et dans la politique du gouvernement pour identifier ces substances de catégorie un. Ce sont -- je reprends l'expression que j'utilisais tout à l'heure -- les méga-horreurs. Lorsqu'on a proposé d'inscrire la dioxine sur cette liste, il n'y a certainement eu aucune contestation. Ce que vous dites que l'on devrait faire dans ces cas relève de la latitude du ministre, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par ce projet de loi. Si la substance en question se trouve être un produit, le paragraphe 93(1) permettra d'interdire la fabrication ou l'importation de ce produit. S'il se trouve que c'est un sous-produit de rejet, comme la dioxine, dont nous avons parlé, le ministre pourra fixer la norme de contrôle au niveau qu'il juge approprié. Je répète ce que je disais tout à l'heure: le ministre détient les pouvoirs requis pour faire ce qui est nécessaire.

Le sénateur Cochrane: Je voudrais poser quelques questions aux représentants de l'Association minière qui n'ont pas beaucoup contribué au débat.

Pourriez-vous nous donner une idée de l'incidence qu'aurait le projet de loi C-32 sur le projet de Voisey's Bay? Devrait-on faire une nouvelle évaluation environnementale? Quels seraient les coûts supplémentaires? Est-ce qu'Inco déciderait probablement de renoncer au projet et d'aller investir ses ressources ailleurs?

M. Fraser: Il n'y a pas de représentants d'Inco parmi nous et nous ne pourrions nous exprimer en leur nom. Peut-être que la société concurrente dans le secteur du nickel pourrait vous donner une réponse? Pour ma part, je ne me sens pas compétent pour ce faire.

Mme Laurie-Lean: Je ne peux vous parler de Voisey's Bay en particulier, je préférerais laisser Inco vous répondre. De manière générale, le projet de loi C-32 ne devrait pas avoir d'incidence directe sur le processus d'évaluation environnementale et je ne pense donc pas qu'une nouvelle évaluation serait exigée. Il y a une protection offerte par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale dans la mesure où, lorsqu'une telle évaluation est effectuée, il n'est pas nécessaire de la recommencer si un deuxième facteur de déclenchement est créé. De ce point de vue, une nouvelle évaluation ne serait donc pas nécessaire. Je soupçonne aussi que cela n'influerait pas sur la décision d'investir pour construire une fonderie à Terre-Neuve, en Ontario ou ailleurs. Cela pourrait affecter l'ordre de priorité relatif du Canada par rapport à d'autres pays. Il se peut que de nouvelles fonderies risquent de connaître des problèmes de dioxines et de furanes. Certaines des technologies les plus avancées utilisent des processus sans combustion. Elles n'utilisent pas de températures élevées mais plutôt des procédés liquides à basse température. Ces technologies pourraient peut-être produire des dioxines et des furanes en petites quantités mais elles offrent l'avantage de ne pas produire d'anhydride sulfureux ni d'émissions particulaires. C'est leur gros avantage. Certaines des technologies les plus avancées produisent peut-être aussi des dioxines et des furanes -- c'est un facteur qui est encore inconnu car on vient tout juste de découvrir que c'est peut-être un problème. Considérant le projet de loi actuel, il est probable qu'il n'aurait pas d'influence déterminante sur la décision d'investir à Voisey's Bay. Comme vous le savez, il y a beaucoup d'autres facteurs qui entrent en jeu, avec les gouvernements et les groupes autochtones, par exemple.

Je suis sûre qu'il y a d'autres questions. Toutefois, à la marge, le projet de loi C-32, surtout lorsque nous saurons quels sont ses effets concrets, pourrait avoir une incidence sur le climat des investissements, et c'est une préoccupation.

Le sénateur Robichaud: Vous disiez en réponse à la question du sénateur Cochrane qu'il existe d'autres procédés qui produisent probablement de très petites quantités de dioxines et de furanes mais pas de SO2. Si le ministre n'avait aucune latitude pour prendre sa décision, ces nouveaux procédés seraient donc hors de question, n'est-ce pas?

Mme Laurie-Lean: Exactement.

Le sénateur Robichaud: Vous n'auriez pas la possibilité de choisir le moindre des deux maux.

Mme Laurie-Lean: C'est cela. J'hésite à être plus précise à cette étape car les données scientifiques ne sont pas complètes. On a surtout étudié la production de dioxines et de furanes dans les procédés utilisant le chlore ou les procédés utilisant le plastique comme intrant. Nous réalisons maintenant que le problème est plus celui des conditions de procédé que de savoir si l'on ajoute ou non quelque chose -- des conditions comme des températures plus basses, ce qui dépasse complètement mes compétences. Il se peut que ce soit exactement les choses que l'on fait pour réduire les pluies acides, les émissions de SO2 et la formation particulaire pour refroidir les gaz qui créent des conditions favorables à la formation de dioxines et de furanes. Les quantités sont très petites. Toutefois, quand on en arrive à quelques parties par billion ou quadrillion, et cetera, ça devient vite important. Nous n'en savons pas assez à l'heure actuelle pour former un jugement définitif et nous espérons que ce projet de loi permettra de prendre des décisions de sagesse à l'avenir, en tenant compte de tous les facteurs.

Le président: Nous allons malheureusement bientôt manquer de temps. Nous vous demanderons peut-être de revenir devant le comité, si vous en avez la possibilité. Je m'en excuse à l'avance. Vos mémoires nous ont été très utiles, tout comme vos explications. Nous devons cependant tenir compte aussi des délais qui ont été impartis au comité.

Je voudrais aborder un dernier sujet. Nous avons parlé du préambule. On a recommandé le texte suivant: «Attendu que le gouvernement du Canada reconnaît et apprécie l'utilisation d'approches volontaires pour protéger l'environnement et assurer le développement durable». Je vais vous laisser le texte en vous demandant de nous dire si vous pensez qu'il est acceptable. Je vous demande de nous répondre le plus vite possible.

Le sénateur Buchanan: Considérant mes antécédents en politique provinciale, je pense moi aussi que la LCPE représenterait une ingérence dans les compétences provinciales sur les questions civiles. Je vous renvoie à Hydro-Québec, qui ne constitue peut-être pas le dernier mot en l'affaire mais où l'on trouve une analyse et un avis sur les compétences provinciales et fédérales.

Ma question concerne votre recommandation 4.5, à la page 20 de votre mémoire. Que voulez-vous dire par rendement et intention des dispositions provinciales?

M. Lloyd: Cela renvoie aux alinéas 10(3)a) et b). L'article 10 est souhaitable. Il permet au gouvernement fédéral de dire: «Vous vous comportez fort bien en vertu des exigences provinciales et vous pouvez donc continuer dans ce contexte, plutôt qu'en vertu des exigences fédérales, puisqu'elles sont équivalentes.» La question qui se pose est celle-ci: qu'est-ce que l'équivalence dans ce contexte? Nous aimerions des précisions.

Hier, quand M. Guimont, d'Environnement Canada, a parlé de cette question, il a parlé de critères d'équivalence. Toutefois, notre examen du projet de loi nous porte à conclure qu'il n'y a en fait pas de critères. Nous craignons que l'on finisse par penser que équivalent veuille dire absolument identique. Nous pensons qu'il y aura des cas où les lois provinciales traiteront des questions tout aussi efficacement que la loi fédérale, mais de manière relativement différente. Il pourrait y avoir des définitions légèrement différentes de certaines choses.

Le sénateur Buchanan: Ce ne sera jamais parfait.

M. Lloyd: Non, mais nous voulons nous assurer que le projet de loi ne sera pas interprété de façon à exiger que ce soit identique.

Le sénateur Buchanan: La même chose vaut-elle pour les dispositions fédérales touchant le rendement et l'intention? Pourquoi serait-ce différent?

M. Lloyd: Je ne comprends pas.

Le sénateur Buchanan: Vous dites que les dispositions seraient satisfaisantes si quelqu'un pouvait examiner le rendement et l'intention des dispositions provinciales.

M. Lloyd: Oui.

Le sénateur Buchanan: Mais s'il n'y a pas de rendement? L'intention sera certainement la même au fédéral et au provincial.

M. Lloyd: Si la question est de savoir si la réglementation provinciale est équivalente à la réglementation fédérale, en fonction de quels critères va-t-on juger? Nous pensons que la loi ne dit pratiquement rien à ce sujet et qu'il faudrait des précisions.

Le sénateur Buchanan: Il me semble -- mais peut-être suis-je trop jaloux des prérogatives provinciales -- que c'est humiliant pour les gouvernements provinciaux.

M. Paton: Nous pensons exactement le contraire.

Le sénateur Buchanan: C'est ce que je voulais comprendre.

M. Paton: C'est exactement le contraire. Notre préoccupation est que le gouvernement fédéral risque d'utiliser des arguments spécieux en disant: «Ce n'est pas équivalent, vous ne calculez pas les chiffres de la même manière que nous.»

Le sénateur Buchanan: Vous êtes d'accord.

M. Paton: Nous sommes totalement d'accord. Nous disons qu'il faut se concentrer sur les résultats et sur ce que l'on essaie de faire, en conservant les détails au minimum. L'harmonisation ne doit pas être un vain mot.

Le sénateur Buchanan: Ce n'est pas là mais, voyant comment ce comité fonctionne, cela ne changera probablement pas.

Le sénateur Adams: Je vis au Nunavut. Vous dites que vous ne voudrez peut-être pas à l'avenir ouvrir de nouvelles mines si les règles environnementales sont trop strictes. Y a-t-il quelque chose qui vous préoccupe en particulier à ce sujet? Dans ma région, l'avenir est aux mines.

M. Fraser: Les remarques, recommandations et propositions que nous faisons dans ce mémoire s'appliquent aux mines de tout le Canada. Il n'y a aucune différence à cet égard entre Voisey's Bay, à Terre-Neuve, et une mine de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest ou une mine de potasse en Saskatchewan. C'est la même chose pour toutes les exploitations minières. Nous représentons toutes sortes de sociétés minières et nous pensons qu'il est important d'assurer la survie de cette industrie au Canada. Il ne fait aucun doute qu'il existe d'excellentes possibilités dans votre partie du monde.

J'aimerais faire quelques suggestions avant de finir, monsieur le président.

Nous sommes tout à fait prêts à venir de nouveau devant votre comité. La délégation ne comprendra pas nécessairement les mêmes personnes mais lui donnerons les informations nécessaires pour assurer la continuité.

Deuxièmement, si vous avez d'autres questions, nous serons très heureux de répondre par écrit.

Troisièmement, si vous constatez que vous avez besoin d'informations particulières au sujet de l'industrie minière, Mme Laurie-Lean travaille à environ une rue de la colline parlementaire et elle connaît parfaitement ce projet de loi. Elle s'exprime en notre nom.

Voilà, nous vous offrons ces trois options complémentaires pour obtenir d'autres renseignements.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Fraser. Je vous en suis reconnaissant.

M. Telewiak: Sénateur Adams, Falconbridge exploite une mine dans la région qui se situe le plus au nord du Québec, et elle l'exploite avec beaucoup de succès. Nous sommes très heureux des résultats, aussi bien environnementaux que sociaux. Le Nunavut serait donc certainement une région attrayante pour que des sociétés comme la nôtre aillent ouvrir de nouvelles mines. Nos préoccupations, comme l'a dit M. Fraser au sujet de ce projet de loi, comportent plusieurs éléments. J'insiste surtout à nouveau sur la quasi-élimination et sur la définition de cette notion dans le contexte du projet de loi, étant donné que cela risque d'affecter les possibilités d'exploitation de mines et d'investissement non seulement au Nunavut mais dans tout le pays.

Le président: Je vous remercie tous et toutes. Il était très important pour nous de connaître votre point de vue. J'espère que nous pourrons poursuivre le dialogue.

La séance est levée.


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