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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 21 - Témoignages du 27 août 1999


OTTAWA, le vendredi 27 août 1999

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, des mines et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-32, loi visant la prévention de la pollution, et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable, se réunit aujourd'hui à 8 h 37 pour étudier ce projet de loi.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bonjour, honorables sénateurs. Soyez les bienvenus. Nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-32.

Ce matin nous accueillons M. Leiss, de l'Université de Calgary.

Merci d'être venu, M. Leiss, et merci de nous avoir fourni votre matériel à l'avance.

M. Bill Leiss, MSRC, faculté de gestion, Université de Calgary, et président élu de la Société royale du Canada: Merci, monsieur le président, de m'avoir invité à me présenter devant votre comité.

J'aimerais commencer par le MMT, en partie parce qu'il s'agit d'un sujet sur lequel je me penche depuis six mois, mais également parce qu'il a un rapport direct avec les délibérations actuelles. Ceux d'entre vous qui ont jeté un coup d'oeil à l'étude de cas que j'ai rédigée auront constaté que j'ai largement utilisé les témoignages reçus par votre comité au sujet de ce projet de loi. J'ai probablement passé plus de temps à étudier le dossier de référence sur le MMT, que quiconque à l'extérieur du gouvernement, et probablement que la plupart des gens au sein du gouvernement. Des questions fondamentales, qui vont droit au coeur du sujet et qui n'ont jamais été abordées ailleurs, ont été soulevées devant votre comité. Cela montre bien ce que l'on peut réussir à faire avec une bonne recherche et un bon questionnement.

Bien des Canadiens se sont dit préoccupés par ce dossier, comme d'ailleurs par toutes les substances toxiques, qui sont au centre de la LCPE. Ils ont dénoncé les risques inacceptables liés à la neurotoxicité. Ce qui est triste, c'est que nous avons une loi qui s'applique aux matières toxiques. Il s'agit de la LCPE. Elle existait déjà en 1991 lorsque le chef de l'opposition de l'époque, M. Jean Chrétien, a adressé ses premières lettres aux ministres conservateurs pour signaler que le MMT était une neurotoxine, et devait donc être interdit. La LCPE existait à ce moment là. La Loi sur les additifs à base de manganèse était en train de suivre le processus qui devait mener à la promulgation de la loi, et à l'embarras du Canada, lorsqu'elle a en fait été abrogée. Pourquoi ne s'appliquait-elle pas au MMT et au manganèse?

Tout ceci devrait servir de leçon lorsque vous examinerez la LCPE, car la nouvelle LCPA ressemble beaucoup à l'ancienne. Elle ne modifie pas la définition de substances toxiques, qui est au coeur de la LCPA. L'ancienne loi n'était pas d'un grand recours pour remédier aux problèmes auxquels nous avons été confrontés, et la nouvelle ne vaut guère mieux.

Après s'être disputés pendant près de six années, les principaux intervenants dans le soi-disant examen de la LCPA ne sont toujours pas d'accord sur des points fondamentaux de cette loi. De nombreux groupes environnementaux ont l'air de dire à présent que l'ancienne loi est meilleure que la nouvelle, et que l'on pourrait donc garder l'ancienne. Ce n'est pas ce qu'ils disaient il y a deux ans, alors que c'était en gros le même projet de loi qui était sur la table. Au début de 1996, l'industrie exigeait des modifications, et puis soudain elle a décidé que le projet de loi était acceptable tel qu'il se présentait.

Le problème est très simple, et il a été exposé au cours d'un témoignage présenté devant votre comité au mois de juin, par Harvey Lerer, d'Environnement Canada. Le sénateur Spivak lui a demandé:

Ai-je raison de croire que cela ...

... la quasi-élimination des rejets ...

... vise les 12 produits chimiques les plus persistants et non les 23 000 qui existent à l'heure actuelle?

M. Lerer: C'est exact. Il y en a maintenant 12 sur la liste, dont 9 sont déjà interdits au Canada. Selon notre meilleure estimation scientifique, d'ici cinq à dix ans, il se peut qu'il y ait une autre douzaine de substances interdites parmi les 23 000 que le projet de loi ordonne de classer et d'évaluer.

Peut-être, mais peut-être pas. Je ne parierais pas là-dessus. Il dit que nous en avons neuf. La LCPA existe depuis 1988. Tout ceci fait référence à l'Annexe 1, qui donne la liste des substances toxiques. La fait est que plus personne ne veut se battre pour la plupart des choses qui aboutissent à l'Annexe 1. C'est déjà fini. Ça n'a plus aucun intérêt. Tout le monde admet que ce sont des choses qui devraient faire l'objet de règles très strictes. Le problème, c'est que cela prend trop longtemps. La loi est compliquée et son envergure est trop limitée. Je crois qu'avec cette loi, on trompe le public, pas délibérément, mais par inadvertance, parce qu'on lui parle de choses comme la quasi-élimination, ce qui fait bien. Pour moi, c'est de la quasi-réalité. «Ça fait bien. On reconnaît qu'il s'agit de substances mauvaises. Et désormais on peut demander aux pollueurs de présenter des plans de prévention de la pollution. Ça a l'air bien.»

Où est le problème? Il tient au fait que la compétence du fédéral en matière de protection de l'environnement, tel qu'elle est interprétée par la Cour suprême du Canada, est étroitement circonscrite. Cela ressort clairement dans l'importante décision prise dans Canada c. Hydro-Québec, en 1997, une cause qui portait directement sur le caractère constitutionnel des dispositions de la LCPA relatives au substances toxiques, les articles 34 et 35. Voilà ce que la cour a examiné.

La cour a pris sa décision à cinq contre quatre, mais pas en ce qui concerne l'interprétation du caractère constitutionnel. Là-dessus, les juges étaient tous d'accord pour reconnaître que la compétence du gouvernement fédéral, qui repose sur le droit criminel, est un pouvoir d'interdire et non pas de réglementer. Tout est là. Cela a été dit, à mon avis, de façon claire et précise.

Qui pourrait ne pas être d'accord avec ce que l'un des tribunaux les plus respectables au monde a décrété de façon unanime? Le problème tient à la répartition des compétences déterminée dans la Constitution.

Le vrai problème, c'est que le fédéral a le pouvoir d'interdire, mais pas de réglementer. En ce qui concerne ce que nous appelons des substances toxiques, il importe généralement de réglementer, et non pas d'interdire. Parce que les substances toxiques sont utiles dans la plupart des cas. Bien sûr elles sont dangereuses à certaines doses, mais si on les trouve en telles quantités, c'est parce qu'elles sont utilisées dans l'industrie et ailleurs car elles sont très utiles.

Mon exemple favori est celui du phosgène, le gaz qui a tué de nombreux soldats durant la Première Guerre mondiale. C'est un produit qui intervient dans le processus de fabrication du chlore. Il est également extrêmement utile, vu qu'il permet de fabriquer environ 10 000 produits de consommation. C'est une substance très toxique, mais également très utile, ce qui veut dire qu'il faut soigneusement réglementer son usage.

Je ne peux pas m'empêcher d'en revenir au MMT. Le manganèse est un métal. Les métaux sont dangereux. En fortes doses, la plupart d'entre eux sont des neurotoxines. Le plomb en est le meilleur exemple. Or beaucoup d'entre eux non seulement ne sont pas toxiques à très petite dose, mais nous en avons grand besoin. Ce sont des éléments nutritifs essentiels pour l'organisme. Je veux parler du cuivre, du zinc, du sélénium et du manganèse. Nous en avons besoin. Les doses de vitamines quotidiennes que l'on trouve couramment dans n'importe quelle pharmacie canadienne contiennent ces quatre métaux. Certaines personnes en consomment tous les jours.

En fin de compte, ce qui à mon avis ne va pas dans la LCPA tient aux limites imposées aux pouvoirs du gouvernement fédéral, qui sont avant tout des pouvoirs d'imposer des interdictions. C'est pour cela que M. Lerer parle d'interdire les neufs substances en question, et non pas de les réglementer. Ce qu'il faut, c'est réglementer leur usage.

Si vous ne pouvez trouver, dans l'autorité qui vous est conférée par la Constitution, le pouvoir juridique de réglementer parce que les tribunaux disent que ce pouvoir est du ressort des provinces, il n'en demeure pas moins que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, entre autres choses parce que les problèmes environnementaux sont des problèmes nationaux, et non pas provinciaux. Très peu sont confinés à l'intérieur des provinces. Nous avons besoin d'une présence fédérale.

Ensuite, bien sûr, il y a la scène internationale, car bon nombre des produits polluants sont internationaux. Nous allons bientôt devoir nous attaquer au problème le plus grave auquel notre génération, ou la prochaine, aura jamais à faire face. Je veux parler du changement climatique, qui exigera la coopération des gouvernements fédéral et provinciaux, et des autres intéressés. Nous devons apprendre comment nous y prendre.

Ma suggestion est fort simple. On ne peut modifier la nature de la compétence du fédéral. Elle est enracinée dans notre tradition constitutionnelle. Et si l'on ne peut forcer les gens, ce que la plupart des gouvernements aimeraient pouvoir faire, il faut négocier. Il faut marchander avec eux. Je suggère que l'on modifie la LCPA pour y ajouter l'autorité générale de conclure ce que j'appelle des cadres négociés. D'autres personnes appellent cela des approches volontaires. Mais c'est un très mauvais terme, et vous ne devriez jamais l'utiliser car «volontaire» peut avoir le sens de «discrétionnaire». Les mesures de protection de l'environnement ne sont pas volontaires au sens de discrétionnaire. Elles sont nécessaires.

Certains prétendent que ce que les gens appellent des initiatives volontaires, ne sont en fait qu'un moyen qui permet à l'industrie de contourner les règlements. Les gens n'aiment pas cela, mais le raisonnement est faux. Le meilleur exemple de ce que j'appelle une auto-initiative est celui du Programme de gestion responsable de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques. Aucun autre secteur industriel national du Canada n'a encore adopté un tel programme. Ils ont peur de le faire parce que c'est vraiment une très bonne chose et que cela exige énormément de leur part. Le programme commence par dire: «Vous êtes tenu de respecter toutes les lois et réglementations. Et ensuite vous devez faire plus encore.» Ce n'est pas un moyen d'éviter ses responsabilités juridiques, mais d'en exiger davantage encore.

Il existe un autre exemple, que l'on ne trouve qu'au Canada, d'une démarche de ce type, en dehors du cadre de ce secteur industriel. Il s'agit de programme ARET. Vous en avez sans doute largement entendu parler. Il signifie Accélération de la réduction et de l'élimination des toxiques. Il a été lancé en 1991. Mais c'est le seul autre exemple. Pourquoi? Parce qu'on encourage très peu ce genre de chose.

Je ne suis pas avocat et je ne rédige pas de textes juridiques. Dans mon document, j'indique dans les grandes lignes comment il faudrait s'y prendre, selon moi. L'annexe 1 de mon document présente une structure législative hypothétique. Dans les notes en bas de page, je renvoie au texte d'une présentation de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques devant le comité permanent de la Chambre des communes, qui remonte au mois d'avril 1998, au cours d'une des innombrables étapes de l'interminable étude de la LCPA. La manière de procéder y est décrite dans un langage plus formel. Je reconnais que cela pourrait me faire passer pour un partisan des vues de l'industrie. Mais regardez la substance et le raisonnement derrière ma proposition. Elle ne diminue en rien les pouvoirs de la LCPA.

Elle les renforce. Elle ne leur enlève rien. Je prétends que c'est la seule façon d'obtenir quoi que ce soit.

Je crois que je vais m'arrêter là.

Le sénateur Nolin: Merci de vous être présenté ce matin. Vous n'êtes pas avocat, mais néanmoins vous comprenez bien notre Constitution. En ce qui concerne la LCPA, bon nombre des dispositions de cette loi correspondent à ce que nous appelons des questions d'intérêt national. Ces termes précis sont utilisés pour une raison précise. Vous savez sans doute que l'article 91 de la Constitution donne au Parlement la compétence de légiférer pour la paix et l'ordre du Canada ainsi que pour son bon gouvernement, et que le gouvernement fédéral s'est servi de cette autorité pour résoudre des problèmes d'environnement.

Nous reconnaissons toutefois qu'il s'agit d'un champ de compétence où nous sommes en concurrence avec les provinces, encore que concurrence ne soit pas le bon terme. Nous devons collaborer avec elles parce que nous partageons avec elles ces questions d'intérêt national.

Le projet de loi dit, dans son préambule, que le gouvernement fédéral devrait coopérer et chercher à réaliser les objectifs de la loi avec la coopération de pratiquement tout le monde.

J'aimerais que l'industrie soit nommée dans ce préambule, mais peut-être pouvons-nous adopter un amendement au projet de loi.

Ceci dit, je comprends votre argument concernant l'autorité d'interdire, plutôt que de réglementer. Mais ne pensez-vous pas cependant que l'on pourrait se servir de l'article concernant la paix et l'ordre, et le bon gouvernement, pour réglementer l'usage de ces substances?

M. Leiss: C'est une bonne question. Il faudra voir, car vous êtes probablement au courant de la décision de la Cour suprême dans la cause Canada c. Hydro-Québec.

Le sénateur Nolin: Mais il y a également la décision de la Cour suprême de 1998.

M. Leiss: Canada c. Hydro-Québec est la décision clé, car elle vise les matières toxiques. Les juges ont dit qu'ils n'avaient pas besoin de prendre en considération l'article sur la paix et l'ordre, et le bon gouvernement, puisque le pouvoir au criminel est suffisant. Il faudra donc voir. Je ne crois pas que l'on puisse régler les questions d'environnement au moyen de cet article sur la paix, l'ordre et le bon gouvernement, mais ce n'est qu'une supposition. C'est très bien, ce nouveau libellé dans le préambule de la loi, mais à mon avis, les préambules contiennent ce que l'on appelait autrefois des pieuses déclarations d'intention. Ce sont de belles paroles, mais elles n'auront aucun effet car on ne leur donne aucune orientation. Pour donner l'autorité de conclure ce genre de cadres négociés, il faut dire: «Voilà comment vous devriez remplir vos obligations.» En d'autres termes, ceci rendrait opérationnelle la déclaration du préambule. Autrement, les mots seront là, mais personne ne s'en servira.

Le sénateur Nolin: Nous pourrions passer la journée à discuter de la signification du préambule. Je pense que ce pourrait être un bon outil d'interprétation pour les tribunaux lorsqu'ils essaieront de comprendre l'intention du Parlement lorsqu'il promulguera la loi.

Je comprends votre argument. Bien sûr, il y aura forcément quelqu'un pour contester cette loi ; nous entendrons parler des tribunaux.

Le sénateur Hays: Merci de votre présentation. J'ai été impressionné par ce que vous avez dit. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur votre proposition de ne pas utiliser le terme «volontaire», mais plutôt «cadre négocié». Je comprends votre argument. Comme vous le savez, nous avons entendu les fabricants de produits chimiques et ceux-ci nous ont décrit les deux programmes dont vous parlez. Ils nous ont dit que pour les gens qui, dans leur association, ou à l'extérieur de leur association n'adhèrent pas ou n'appliquent pas leur programme, il pourrait y avoir, au ministère de l'Environnement ou à un niveau de gouvernement approprié, des lignes directrices concernant les normes à respecter pour l'usage des substances toxiques. Ou peut-être pourrait-on avoir recours à un protocole d'entente.

Il me semble que l'on pourrait trouver à l'article 57, qui est le seul où le terme «volontaire» est utilisé, le langage «musclé» que vous jugez nécessaire pour permettre une approche efficace dans le contrôle des substances toxiques.

M. Leiss: Nous ne devrions pas nous disputer à propos de mots. Je voulais simplement faire comprendre que les mots peuvent être trompeurs si on les interprète mal. Le problème tient en partie au fait que l'initiative volontaire non réglementaire est largement utilisée. Je crois que c'est regrettable, mais nous ne devrions pas nous battre pour les mots. L'ACFPC laisse clairement entendre que la législation, ou la réglementation, sont une base à partir de laquelle on peut construire. C'est l'essentiel. Il faut toujours en faire davantage que la loi ne l'exige. Je crois également que ce qui est unique, dans le cas du code de bonne pratique du Programme de gestion responsable, qui est très élaboré et va au-delà de la loi, c'est qu'il est obligatoire si l'on veut être membre de l'association. Voilà où se trouve le langage «musclé». C'est très inhabituel. Aucun autre secteur industriel n'en a eu le courage. Certains ont pris des demi-mesures, mais elles ne sont pas suffisantes, et il en faut plus.

Il est possible que le libellé de la nouvelle loi encourage ce genre de choses. Personnellement je ne le crois pas. Je suis la situation de très près depuis quatre ou cinq ans. Malgré le succès incroyable du programme ARET -- on a largement rapporté que j'avais dit que ce programme avait fait davantage que tout le reste de la LCPA mis ensemble, et je maintiens cette affirmation -- il demeure le seul exemple. Il a fallu trois années de démarches simplement pour obtenir que le ministre de l'Environnement signe une lettre disant que le programme ARET semble être une bonne chose. C'est ridicule. Il faut être plus exigeant. J'apprécie que l'on ait rajouté ce libellé au préambule, mais le fait d'avoir mis cela à cet endroit ou d'y faire référence une seule fois dans cette énorme loi, à l'article 57, ne suffit pas. Cela ne servira à rien.

Le sénateur Hays: J'aimerais faire une remarque et avoir votre avis. Il est très difficile d'administrer cette loi par le biais du projet de loi.

M. Leiss: Oui.

Le sénateur Hays: Le ministre de l'Environnement et le gouvernement ont des responsabilités, et soit ils s'en acquittent, soit ils ne s'en acquittent pas. Après avoir siégé à ce comité, je dois admettre, avec mes collègues conservateurs ici présents, que la question du MMT dont vous parlez n'est pas un bon exemple de ce qu'il faudrait faire.

Je dis cela notamment parce qu'il y aurait eu des occasions, au cours du travail effectué par notre comité et par le sénat sur cette question, de demander aux entreprises de raffinage et aux constructeurs automobiles de prendre des mesures qu'ils n'ont pas offert de prendre depuis, et qu'ils n'avaient pas offert de prendre auparavant.

M. Leiss: Oui.

Le sénateur Hays: Cela étant dit, c'est ainsi que la loi a été administrée. Tout le monde veut que nous changions ce projet de loi et que nous le réécrivions; on voudrait au fond que nous dirigions le ministère au cours des cinq prochaines années au moyen du libellé de ce projet de loi. Je ne crois pas que ce soit faisable, mais on pourrait prendre note de ce que vous dites, et au moment où le ministère présentera son budget, on pourrait lui demander de se présenter devant notre comité, et examiner avec les fonctionnaires et les ministres le genre de choses que l'on nous dit qu'il faudrait faire, pour vérifier si elles se font ou non.

Vous craignez que le projet de loi n'aille pas assez loin en imposant une réglementation, mais se contente de chercher à interdire ou à quasi-éliminer certaines substances. Cette loi est suffisamment compliquée et suffisamment souple pour se prêter à ce genre de chose. Qu'en pensez-vous?

M. Leiss: Je comprends que l'on puisse être réticent, après tout ce temps, à faire quoi que ce soit qui risquerait de faire dérailler encore une fois ce projet de loi. On l'a bourré de toutes sortes de vilaines choses, et je comprends que personne ne veuille rouvrir cette boîte de Pandore.

Le sénateur Spivak: Mais si.

Le sénateur Hays: Il faudra peut-être s'y prendre autrement.

M. Leiss: Je serais satisfait si on pouvait recourir au processus administratif pour suivre ces questions d'année en année, et vérifier ce qui se fait dans ce domaine. Ce serait mieux que rien. J'espère simplement que l'on trouvera une façon de favoriser ce genre d'approche, que ce soit en modifiant la loi ou par d'autres moyens. Cela me satisferait.

Le sénateur Hays: Vous avez mentionné l'approche du gouvernement en ce qui concerne le problème du changement climatique. Il a un programme d'initiatives volontaires qui ne semble pas avoir produit les résultats que nous espérions.

M. Leiss: Non. Nous ne réaliserons pas nos engagements de Kyoto.

Le sénateur Hays: Pensez-vous que ces dispositions qui portent sur des instruments économiques devraient être dans la loi? Ces dispositions sont-elles satisfaisantes telles qu'elles se présentent?

M. Leiss: Elles sont correctes. On se demande vraiment pourquoi nous n'avons pas eu davantage recours aux instruments économiques au Canada, alors qu'on en discute depuis 25 ans et que le gouvernement ne cesse d'y faire référence dans ses documents de politique générale depuis une dizaine d'années. La loi est suffisante à se sujet. Ce qu'il faut faire, c'est l'appliquer. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de la modifier.

Le sénateur Hays: Au sujet des mesures équivalentes et des relations avec les provinces, vous savez que notre Constitution répartit les compétences d'une façon unique. Sans doute tous les régimes sont-ils uniques dans leur genre, mais nous sommes habitués à notre régime et il semble très difficile de le changer. L'environnement n'est pas une rubrique de compétence au regard de la Constitution, mais nous avons les récentes décisions de la Cour suprême pour nous aider. Cela renforce le fait que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Vous l'avez fort bien décrit.

Que pensez-vous des dispositions de la loi relatives aux dispositions équivalentes? Vous avez dû vous pencher sur cette question. Nous devrons nous entendre entre nous, et cela ne sera pas facile. Avez-vous quelque chose à redire sur le projet de loi en ce qui a trait à ces questions?

M. Leiss: D'un point de vue juridique, ce projet de loi est satisfaisant tel qu'il est. L'expression dispositions équivalentes est très vague. Elle peut susciter beaucoup de méfiance. Le processus devra être très transparent pour que l'on puisse se demander s'il y a vraiment équivalence.

C'est pareil pour l'harmonisation, qui est la manière dont on semble vouloir opérationnaliser la chose. Le système doit être aussi transparent que possible pour que l'on puisse dire oui, cela est vraiment équivalent et voilà pourquoi.

Le sénateur Hays: Merci.

Le sénateur Taylor: Vous avez fait remarquer que le gouvernement peut interdire mais non pas réglementer. Ce n'est pas tout à fait ainsi que j'avais compris la décision de la cour à propos d'Hydro-Québec. Cinq juges ont dit que la réglementation des produits toxiques est possible d'un point de vue juridique et constitutionnel. Cela devrait vous sembler suffisant. Si oui, cela nous amène à ce dont vous parliez avec le sénateur Hays. On entre dans le domaine de la négociation. La LCPE est bonne en elle-même, tout dépendra de sa mise en application.

J'ai une autre question à propos de quelque chose qui vous a peut-être échappé. À l'article 77(6)c), il est stipulé que les ministres de l'environnement et de la santé peuvent préciser les modalités d'élaboration d'un projet de texte, règlement ou autre, concernant les mesures de prévention ou de contrôle à prendre à l'égard de produits toxiques. La LCPA leur permet de proposer des règlements visant les produits toxiques. L'amendement dont vous parliez semble être couvert par cet article.

M. Leiss: Je suis en situation de désavantage parce que le langage juridique m'échappe peut-être.

Le sénateur Taylor: Je ne suis pas avocat non plus.

M. Leiss: Selon mon interprétation, la Cour suprême dit clairement que toute autorité de réglementation fédérale découle de l'autorité d'interdire. Selon moi, vous pouvez réglementer ce que vous pouvez interdire, mais pas de façon très large. Ce message ressort clairement. Ce qui est instructif également, c'est de voir ce qui se passe lorsque le ministère de l'Environnement s'attaque à des problèmes vraiment significatifs comme celui des effluents des usines de pâtes à papier. Ces effluents représentent les rejets dans l'environnement les plus compliqués en ce qui concerne leur composition chimique. Ils contiennent de 30 000 à 100 000 produits chimiques et constituent le problème de réglementation industrielle le plus complexe au Canada. Or le ministère de l'Environnement a recours à la Loi sur les pêches, et non pas à la LCPE.

Le sénateur Taylor: J'ai l'impression, en tant que non juriste également, et quasi-scientifique par rapport à vous, que tout est en place comme vous le souhaitez. Nous pouvons interdire. Nous ne pouvons pas réglementer. La loi dit que nous pouvons nous réunir et que nous devrions réglementer. Ce qui nous ramène à ce que les esprits juridiques redoutent le plus -- l'être humain.

Il me semble que nous dépendons davantage de la compétence, de la volonté et de l'énergie du ministre chargé de contrôler les produits toxiques, que de tout ce qui est écrit dans la loi. C'est un arrangement négocié. Êtes-vous d'accord?

M. Leiss: Oui, d'une certaine manière. On a tous besoin d'un peu d'encouragement. C'est une question de comportement. Le programme ARET et le programme de gestion responsable sont de bons exemples du comportement qu'il faudrait avoir. Comme avec les enfants, il faudrait encourager les comportements positifs, leur donner une motivation, un petit «bonbon». Il faut encourager les autres à faire pareil. En fin de compte, c'est une question de comportement, oui.

La loi fournit un cadre à l'intérieur duquel nous voulons encourager les gens à faire ce qu'il faut, c'est-à-dire protéger l'environnement dans le cas présent. Nous nous demandons si cet encouragement à bien se comporter est suffisamment fort pour faire une différence. J'aimerais un peu plus de dynamisme, mais je crois que nous sommes d'accord sur l'orientation prise.

Le sénateur Kenny: Nous avons besoin de bonbon ministériel.

Le sénateur Taylor: Je suppose que nous nous entendons sur le fait qu'un ministre pourrait, avec la LCPA et avec les moyens appropriés, mentalement ou autrement, négocier ce dont le public a besoin.

M. Leiss: Oui.

Le président: J'ai pratiqué le droit il y a longtemps, mais je ne prétends plus être avocat. Or j'ai lu le jugement et je crois que vous l'interprétez du point de vue minoritaire.

Selon ma lecture du jugement, votre argument est fondé sur la minorité et non pas sur la majorité. A mon avis, la majorité a dit que le Parlement peut, en vertu de son pouvoir au criminel, adopter des dispositions contre des lois spécifiques dans le but de prévenir la pollution. Elle dit que cela ne constitue pas une ingérence dans les compétences législatives des provinces et que le recours du fédéral au pouvoir que lui confère le droit criminel n'empêche nullement les provinces d'exercer leurs pouvoirs.

Auparavant, elle dit que la protection de l'environnement au moyen d'interdictions visant des substances toxiques constitue un objectif public tout à fait légitime.

C'est la minorité qui a fait observer que les substances énumérées, toxiques dans le sens ordinaire du terme, sont celles dont l'usage d'une manière «contraire à la réglementation de la loi interdisent en fin de compte» et cetera, et elle a ensuite poursuivi en prenant la position dont vous parlez.

Je vous demanderais de reconsidérer votre position, parce que je crois que vous citez le jugement minoritaire plutôt que le jugement majoritaire. Vous avez certainement lu le jugement.

M. Leiss: Dans le document plus long que j'ai rédigé, qui s'intitule: «Le roman-feuilleton de la LCPA», je cite à la fois l'opinion minoritaire et l'opinion majoritaire. Ce que vous venez de lire, c'est le pouvoir d'interdiction. Et souvenez-vous que la majorité a fondé l'autorité du fédéral sur le droit criminel, une approche qui est toujours très restrictive.

Quoi qu'il en soit, il peut y avoir divergence d'opinion sur ce sujet. Selon moi, la majorité et la minorité s'entendaient sur le fait que le fédéral a le pouvoir d'interdire et non pas de réglementer.

Le sénateur Nolin: Mais ils n'ont pas dit que c'était son seul pouvoir en matière d'environnement.

M. Leiss: En matière de substances toxiques.

Le président: J'ai du mal à comprendre votre position, parce que la partie 5 me dit que l'on peut réglementer l'usage des produits chimiques toxiques sans les interdire. Lorsque la loi détermine les dosages acceptables des produits chimiques toxiques, cela veut dire qu'elle réglemente leur utilisation, et non pas qu'elle les interdit.

M. Leiss: Cela s'applique aux substances qui figurent dans la liste de l'annexe 1.

Le président: Non, pas seulement les substances de l'annexe 1. Selon moi, la loi dit que le ministre peut imposer des limites à toute substance qui correspond à la définition du terme «toxique» donnée à l'article 64, ainsi qu'à la liste des 23 000.

M. Leiss: Seulement s'il a été déterminé qu'une substance est toxique au titre de la loi. Le ministre ne peut intervenir que si la substance a été évaluée et classée dans la liste de l'annexe 1. C'est également ce que Harvey Lerer vous a dit au mois de juin. D'abord il faut suivre le processus. Les substances sont d'abord placées sur la Liste intérieure des substances. Ensuite on trie celles qui vont figurer dans la Liste des substances d'intérêt prioritaire, ou LSIP. Aujourd'hui on a la LSIP no 2. Ensuite elles sont évaluées et, s'il est déterminé qu'elles sont toxiques au sens de la loi, elles sont classées à l'annexe 1 et alors on peut réglementer leur utilisation.

Le président: J'ai peut-être mal compris. D'après ce que j'avais entendu jusqu'à présent, j'avais compris que l'on pouvait intervenir une fois qu'elles étaient sur la liste des substances d'intérêt prioritaire, qui comprend non pas neuf ou dix substances, mais un nombre considérable.

M. Leiss: Ce sont celles qui sont candidates, mais il faut d'abord les évaluer. Vous ne pouvez pas intervenir pour les substances de la LSIP no1 tant que vous n'avez pas fini de les évaluer. Une fois qu'elles sont classées à l'annexe 1, vous pouvez prendre des mesures, mais pas avant.

Le président: Votre précision est utile, parce que je n'avais pas compris cela. Vous dites que les dispositions concernant la quasi-élimination, à l'article 65 notamment, ne permettent au ministre de prendre des mesures pour fixer la limite de dosage que lorsque la substance a été évaluée, et que les seules qui ont été évaluées sont ces quelque 12 substances?

M. Leiss: Oui.

Le président: Certains font signe que non.

M. Leiss: Elles doivent figurer à l'annexe 1, dont la liste comprend actuellement 26 substances. M. Lerer parlait d'un sous-groupe des 26 lorsqu'il parlait de 12 et 9 substances. L'annexe 1 comprend 26 substances ou catégories de substances. C'est à ces substances que le ministre peut appliquer l'article concernant la quasi-élimination, mais seulement à ces 26 substances.

Le président: Ce n'est pas ce que je comprends.

Le sénateur Taylor: Est-il possible de rappeler des fonctionnaires du ministère à ce sujet?

Le président: La situation est inhabituelle, mais il y a parmi nous quelqu'un du ministère. Peut-être peut-elle nous aider à éclaircir cette question.

Mme Nadine Levin, conseillère principale en politique, Bureau de la LCPA: La liste comporte très exactement 46 substances. Dix-huit ou vingt nouvelles ont été rajoutées au mois de mai 1999.

Le ministère de la Justice et nous-mêmes sommes d'avis que la décision majoritaire de la Cour suprême nous donne l'autorité de réglementer l'usage des substances toxiques, car la Cour a fait clairement remarquer que les substances toxiques entrent dans un univers restreint, qu'en fait nous respectons la définition de l'article 11 de l'actuelle LCPE, qui a été incorporé à l'article 64 par la Chambre des communes, avec certaines modifications, et que la réglementation des substances toxiques est possible du point de vue juridique et constitutionnel.

M. Leiss: Si elles figurent à l'annexe 1.

Mme Levin: Oui, si elles figurent à l'annexe 1. Le seul autre recours à la disposition du ministre en ce qui concerne les substances toxiques, c'est-à-dire les substances qui ne sont pas encore sur la liste de l'annexe 1 mais qui de l'avis des ministres de l'environnement et de la santé présentent un danger important qui exige la prise de mesures immédiates, est ce que nous appelons un arrêté d'urgence. L'autorité conférée par l'article 93(1) s'applique également dans ces cas-là

M. Leiss: À ma connaissance, cela ne s'est jamais fait.

Mme Levin: Ce n'est pas vrai.

M. Leiss: On aurait pu utiliser ce recours dans le cas du MMT, mais on ne l'a pas fait.

Mme Levin: L'arrêté d'urgence a été utilisé plusieurs fois, notamment pour l'exportation des déchets de BPC.

M. Leiss: C'était un vrai désastre.

Mme Levin: Le professeur Leiss a droit à ses opinions.

L'arrêté d'urgence a également été utilisé pour les importations au Canada de carburants qui étaient pollués par des substances toxiques comme les BPC, et à d'autres occasions également. Il est donc faut de dire qu'il n'a jamais servi.

Le sénateur Taylor a mentionné l'article 77(6)c), qui stipule que les ministres peuvent proposer un projet de texte -- règlement ou autre. Ce pourrait être un instrument économique, une directive ou un plan de réduction négocié. L'expression règlement ou autre est très large.

Selon les conseils qui ont été donnés au ministère, le libellé «règlement ou autre» donne un certain nombre de possibilités concernant les substances toxiques.

M. Leiss: Dans la version la plus récente du projet de loi que je possède, il n'y a que 26 substances sur la liste

Mme Levin: La version la plus récente du projet de loi est celle qui a été adoptée par la Chambre des communes, et au moment de son impression, il était trop tard pour faire tous les rajustements. Le ministère vous fournira cependant volontiers la liste.

M. Leiss: J'aimerais rappeler que le Canada est en train d'être poursuivi en vertu de cette interdiction d'exportation des BPC et nous allons probablement perdre cette cause également.

Le sénateur Spivak: Hier, l'industrie chimique a demandé des modifications à l'article 65. Je leur ai demandé pourquoi ils étaient contre l'interdiction et l'élimination. Ils ont répondu qu'ils n'étaient pas contre car l'article 93(1) peut être utilisé. Ils ont soutenu que bien que ce passage du projet de loi parle de fixer les dosages autorisés, on pourrait invoquer cet article pour interdire quelque chose.

Est-ce exact?

Mme Levin: L'article 93(1) comporte un paragraphe, le paragraphe (l), qui permet de prendre des règlements pour l'interdiction totale, partielle ou conditionnelle de fabrication, de transformation, de vente, de mise en vente, d'importation ou d'exportation d'une substance ou d'un produit qui en contient.

C'est vrai.

Le président: Mais cela ne s'applique qu'aux substances toxiques classées à l'Annexe 1.

Mme Levin: C'est exact. Comme je l'ai dit, si le ministre juge nécessaire de recourir à l'arrêté d'urgence parce qu'il existe un danger qui exige que l'on intervienne immédiatement, il pourrait en fait invoquer ce paragraphe.

Le sénateur Hays: Pour finir sur ce sujet, en ce qui a trait aux substances nouvelles, d'autres ministères également sont concernés lorsqu'il s'agit de semences, d'engrais, de produits alimentaires, de produits pharmaceutiques, et ainsi de suite. Nous avons longuement discuté pour savoir si tout cela devrait être regroupé sous un seul ministère ou si la situation actuelle est satisfaisante. C'est ce que je comprends.

Par rapport à la situation actuelle en ce qui concerne les nouvelles substances, je crois comprendre que le projet de loi C-32 a plus de force que la LCPA de 1988, dans ce sens que les nouvelles substances ne prendront probablement pas le chemin de la liste de quasi-élimination. Je parle de nouvelles substances créées au Canada ou y entrant pour la première fois.

Mme Levin: Vous dites que ce projet de loi est plus fort?

Le sénateur Hays: Ou est-ce la même chose?

Mme Levin: Dans l'année qui a suivi la promulgation de la LCPA, une politique fédérale de gestion des substances toxiques a été élaborée. C'est cette politique qui traite de la quasi-élimination, qui est opérationnalisée dans le projet de loi C-32. Le concept de la quasi-élimination n'est pas mentionné dans la LCPA actuelle. L'idée de la création d'une liste de quasi-élimination et de la fixation des limites de dosage, permet au ministre d'exiger des intéressés la préparation d'un plan de quasi-élimination indiquant comment ils vont atteindre le niveau fixé. Cela donne au ministre la possibilité d'établir un règlement ou autre instrument sur la base de ces plans. Ce genre de chose n'existe pas dans la LCPA actuelle.

Le président: Est-ce tout pour Mme Levin? Elle n'est pas vraiment venue pour témoigner. Merci beaucoup de nous avoir aidés sur ce point. Nous vous en sommes reconnaissants.

Revenons au professeur Leiss.

Le sénateur Spivak: Professeur Leiss, je dois remettre en cause une de vos affirmations. Vous dites que l'on s'entend sur la suppression graduelle et l'interdiction de certaines substances, or les témoins que nous avons entendus hier étaient contre. Ils ont dit notamment que l'on ne peut pas éliminer ou interdire la fabrication de dioxines car elles sont produites au cours d'un processus. Des gens de la Colombie-Britannique également nous ont dit que bien qu'il y ait eu des changements dans les effluents des usines de pâtes à papier, ceux-ci continuent à poser un problème épouvantable.

M. Leiss: Qui a dit cela?

Le sénateur Spivak: Les témoins de la Western Canada Wilderness Association nous ont dit que les effluents des usines de pâtes à papier continuent à poser un problème de taille. Ils habitent là-bas et ils disent que la situation est grave.

Le fond du débat est de savoir si la quasi-élimination peut signifier la suppression graduelle et l'interdiction de l'utilisation et de la fabrication de certaines substances. Ce libellé a été retiré à la suite d'amendements réclamés par l'industrie, et proposés par le gouvernement.

Je ne pense pas que l'on soit d'accord sur ce point. En fait, on n'est pas du tout d'accord. Tout le problème est là.

Je ne sais pas si l'article 93(1) permet toujours cela. Je ne vois pas pourquoi l'industrie aurait tant insisté pour que les expressions «éliminer progressivement» et «interdire la production de» soient retirées du préambule et du concept de la quasi-élimination, si cela n'était pas un point important.

M. Leiss: Je ne parle pas au nom de l'industrie. Je me base sur la façon dont je comprends la position gouvernementale. Pour moi, le terme «production» est ridicule, parce qu'il ne précise pas combien. L'approche utilisée dans l'évaluation des risques nous dit que tout dépend de combien, que le problème n'est pas de savoir si l'on a ou non une molécule, mais s'il faut s'en inquiéter. Ne vous en faites pas pour les dioxines. Nous avons réglé le problème des dioxines.

Le sénateur Spivak: Vous dites que nous avons réglé ce problème?

M. Leiss: Oui.

Le sénateur Spivak: Je ne suis pas d'accord avec vous, mais je ne peux pas argumenter avec vous.

M. Leiss: On ne connaît aucun accident mortel qui ait été causé par une exposition aux dioxines. Il y a eu des cas de maladie grave à la suite de taux élevés d'exposition, surtout attribuables à du pétrole contaminé, au Moyen-Orient. Vous trouverez un chapitre complet sur ce sujet dans mon livre précédent.

Le sénateur Spivak: Je vous entends bien. Je ne vais pas discuter avec vous. J'essaie juste de vous expliquer mon point de vue.

J'ai une autre question qui concerne le MMT. Il se peut que j'aie tort, mais si nous n'avons pas utilisé la LCPA dans le cas du MMT, c'est parce que la LCPA, de même que le projet de loi proposé, ne s'applique pas aux produits, ou quel que soit le terme utilisé, qui font l'objet d'autres lois existantes. Il y a donc toutes ces autres lois auxquelles la LCPA ne s'applique pas.

Je n'ai pas lu votre document, je le regrette. Mais j'ai l'intention de le lire dans l'avion, en rentrant chez moi.

M. Leiss: Ce que vous dites est exact dans le cas des pesticides et autres produits, car ils sont contrôlés par la législation. Le manganèse ne faisait pas l'objet d'une autre loi. Nous aurions pu invoquer la LCPA. Si cela ne s'est pas fait, c'est pour une raison bien simple. C'est parce que Santé Canada avait déjà procédé à l'évaluation des risques. Il n'aurait pas été possible de le déclarer toxique au titre de la LCPA, vu l'évaluation des risques effectuée par Santé Canada, qui a fait une très bonne évaluation des risques. Le Canada avait donc déjà fait ce qu'il fallait faire et démontré qu'il ne posait pas de problème pour l'environnement. Nous avons quand même agi.

Le sénateur Spivak: Ma troisième question porte sur l'approche volontaire. J'ai examiné les deux programmes et je conviens avec vous que ce sont d'excellents programmes. Vous avez fait remarquer que dans le cas du changement climatique, le programme volontaire a été un piteux échec puisque nous dépasserons de 19 p. 100 les niveaux de 1990. Il n'a servi à rien.

Je pense qu'il faudra préciser dans quels cas on aura recours aux programmes volontaires. Je ne pense pas que ce type d'approche puisse être utilisée de manière générale dans ce genre de situation.

M. Leiss: Premièrement, il ne s'agit pas d'une panacée. Deuxièmement, tous ceux qui connaissent un peu ce que nous appelons des approches volontaires, et que j'appelle des approches négociées, savent qu'elles sont inutiles si on ne leur donne pas un peu de «muscle». Le programme de gestion responsable a cette qualité puisqu'on ne peut être membre de l'ACFPC si on n'y adhère pas. Il faut être plus persuasif. Les gens peuvent dire: «Je prends ces engagements.» Et vous pouvez dire: «Si vous ne les respectez pas, on vous imposera des pénalités.» C'est du gâteau. C'est faisable.

Le sénateur Spivak: J'ai un dernier commentaire. L'affaire du MMT illustre les faiblesses de la procédure d'évaluation des risques.

M. Leiss: Non, c'est l'inverse justement.

Le sénateur Spivak: De nombreuses substances exigent d'être examinées durant une longue période de temps, et la procédure de l'évaluation des risques ne convient donc pas à leur cas.

M. Leiss: Si, elle convient.

Le sénateur Spivak: Ensuite il faut tenir compte du principe de prudence, qui signifie que ce n'est pas à nous de prouver qu'une substance est dangereuse, mais à la personne qui la vend de prouver qu'elle est sûre.

M. Leiss: Ce n'est pas possible.

Le sénateur Spivak: Alors pourquoi avons nous besoin de la substance?

M. Leiss: Parce qu'elle est utile.

Le sénateur Spivak: Pas toutes les substances.

M. Leiss: Allez dire cela à l'industrie de l'acier. Il y a du manganèse dans l'acier.

Le président: À la page 5 de votre mémoire, vous dites au dernier paragraphe que l'obligation de fonctionner en fonction des risques, et non des dangers, signifie que le pouvoir conféré au gouvernement fédéral par la Constitution canadienne est pratiquement inopérant lorsqu'il s'agit de gestion de l'environnement. Je ne suis pas d'accord avec vous, et je ne crois pas que la Cour suprême du Canada soit d'accord avec vous.

M. Leiss: Nous ne sommes pas obligés d'être d'accord sur ce point. Le terme utilisé est «gestion de l'environnement» À mon sens, dans sa décision, la Cour suprême limite la compétence fédérale à un domaine très étroit. C'est de cela qu'il s'agit.

Ce que «gestion de l'environnement» veut dire, c'est que nous devons gérer toutes les substances qui peuvent entraîner des risques inacceptables. Ceci va bien au-delà de la liste des substances de l'annexe 1. La compétence du fédéral, telle qu'elle est interprétée par la Cour suprême, ne nous permet pas de faire cela de manière très efficace. Nous avons besoin de meilleurs cadres pour la gestion de l'environnement. C'est de cela qu'il s'agit.

Le président: Vous en concluez que la nouvelle LCPA est très semblable à l'ancienne.

M. Leiss: Oui. Nous pourrons peut-être mettre cinq ou dix substances de plus sur la liste d'ici les dix prochaines années. C'est très bien. Mais ça n'aura aucune importance.

Le président: Donc on n'a rien gagné?

M. Leiss: Non, dans ce sens que l'on aurait eu l'occasion, entre la première et la deuxième LCPA, de faire des progrès. À mon avis nous n'avons fait aucun progrès.

Le sénateur Taylor: Nous nous sommes concentrés sur les substance toxiques. Et que vous soyez d'accord ou non, M. Leiss, cela semble être une amélioration par rapport à l'ancienne loi. Et il y a d'autres choses dans ce projet de loi. Le projet de loi donne au ministre l'autorité d'établir un bureau central d'information sur la prévention de la pollution. C'est le genre de chose que quelqu'un comme vous utiliserait, n'est-ce pas? Vous et d'autres scientifiques ne saisiriez-vous pas cette occasion pour apporter votre contribution?

M. Leiss: Il faudra que je voie ce que cela comporte.

Le sénateur Taylor: Ça vous donne davantage de possibilités que l'ancienne loi.

M. Leiss: Peut-être. Il faut voir.

Le sénateur Taylor: Des échéances sont prévue pour les substances toxiques, qui ne figuraient pas dans l'ancienne loi. De manière générale, la participation du public et l'apport d'informations de gens comme vous, M. Leiss, sont bien meilleures que dans l'ancienne loi.

M. Leiss: Oui.

Le sénateur Adams: Professeur, le ministre nous a dit qu'il ne voulait pas que notre comité apporte d'amendement au projet de loi, car cela signifierait la mort de ce projet de loi. Il nous a dit également que la loi serait réexaminée tous les cinq ans. Ce réexamen se fera-t-il avec la participation du public et d'associations comme celle des fabricants de produits chimiques, ou la Chambre des communes s'en chargera-t-elle seule?

Je pose la question parce que dans le cas du projet de loi C-68, la loi visant le contrôle des armes à feu, avec laquelle je n'étais pas d'accord, le ministre a établi un comité de 14 membres venant de tout le Canada pour réexaminer la loi. Mais à ce que je sache, il ne s'est rien passé, et cela fait plus de quatre ans déjà. Le processus sera-t-il le même dans le cas du présent projet de loi? Les gens sauront-ils comment le projet de loi C-32 les protège contre la pollution tous les cinq ans?

M. Leiss: Il est bon d'avoir des périodes de réexamen. Ce qui est ironique dans le cas présent, c'est que les choses ont traîné en longueur et que l'on a eu affaire à de nombreuses divergences d'opinions. Lorsque le ministre a dit qu'il ne voulait plus le changer, certains groupes d'écologistes, des gens que je connais, ont dit: «C'est très bien, parce que nous préférons l'ancienne.»

À mon avis, peu importe que ce projet de loi soit adopté ou non, car il ne représente pas un progrès suffisamment important par rapport à l'ancien projet de loi pour faire une différence.

Le sénateur Adams: L'ancien projet de loi a toujours force de loi.

M. Leiss: Oui. L'important dans ce projet de loi, ce sont les substances toxiques, or rien n'a changé à ce propos.

Le sénateur Adams: Préférez-vous l'ancienne loi?

M. Leiss: Cela n'a aucune importance. Vous pouvez adopter la nouvelle, cela n'a aucune importance.

Le président: C'est tout ce que nous avions à vous demander, M. Leiss. Au nom de mes collègues, je vous remercie de votre présence.

Nos prochains témoins représentent l'Inuit Tapirisat et si je ne m'abuse, c'est Mme Watt-Cloutier qui va nous présenter ses opinions.

Je vous en prie.

Mme Sheila Watt-Cloutier, présidente de la Conférence circumpolaire inuit du Canada (CCC); vice-présidente de l'Inuit Tapirisat du Canada: Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Nous sommes heureux de pouvoir vous exprimer nos opinions aujourd'hui.

[Mme Watt-Cloutier s'exprime dans sa langue maternelle]

Je suis accompagnée de mon personnel technique, Terry Fenge, de la Conférence circumpolaire inuit (CCI); Stephanie Meakin, conseillère technique sur la question des POR; et Scot Nickels, de l'Inuit Tapirisat du Canada.

Merci de nous avoir invités. Nous tenons également à souligner la reconnaissance accordée aux peuples autochtones dans la loi. Nous sommes heureux de participer à cette révision de la LCPA. Nous nous sommes présentés devant le comité permanent de la Chambre des communes de l'environnement et du développement durable au moment où il entamait sa révision de la LCPA, et encore une fois en 1998 lorsqu'il a entrepris son étude article par article du présent projet de loi. La protection de l'environnement est une question internationale également, et c'est pourquoi nous collaborons avec la Conférence circumpolaire inuit du Canada.

Le Canada est un récepteur net de polluants organiques rémanents comme l'aldrine, le chlordane, le DDT, les BPC et le HCB, qui nous parviennent depuis l'Europe, l'Asie, et l'Amérique centrale et du Nord. La vaste majorité des contaminants que l'on trouve dans le Nord canadien proviennent de pays lointains où ils sont utilisés dans le cadre d'activités industrielles et agricoles. Ils parviennent jusqu'à l'Arctique canadien transportés par l'air et par les courants marins. C'est pourquoi le Canada intervient activement sur la scène internationale pour encourager les pays à mettre fin à l'utilisation de ces POR qui contaminent notre chaîne alimentaire et menacent notre santé en pénétrant dans les précieux aliments que nous consommons.

La CCI du Canada a pris part aux négociations du protocole des POR de la Convention de la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies, sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance. Nous sommes en train de participer, en collaboration avec les Dénés, les Métis, les Premières nations du Yukon et d'autres peuples autochtones, à des négociations internationales qui ont lieu dans le Nord de la Scandinavie et en Russie sous l'égide du Programme des Nations Unies pour l'environnement, et qui visent à établir une convention définitive sur les POR d'ici à l'an 2000.

Les polluants de l'Arctique, surtout ceux que l'on retrouve dans le réseau trophique marin, qui constitue notre principale source d'alimentation, sont une grave menace pour notre mode de vie. Selon le type et la quantité des produits de la nature consommés, certains Inuit ont dans leur organisme des taux de POR qui dépassent largement les niveaux considérés inquiétants par Santé Canada.

Des études réalisées à l'automne 1997 auprès de femmes inuit dans les régions de Kivalliq -- Keewatin -- et de Qikiqtani -- Baffin -- ont révélé que 59 et 65 p.100, respectivement, des femmes examinées avaient dans leur sang des quantités de BPC de jusqu'à cinq fois supérieures à ce niveau. Ceci nous inquiète sérieusement.

Comme vous le savez, beaucoup de POR entraînent des troubles endocriniens qui provoquent des dysfonctionnements des organes reproducteurs, du système nerveux et du système immunitaire. Des recherches effectuées aux États-Unis révèlent des défauts d'apprentissage et des troubles du comportement chez les enfants nés de mères qui ont de forts taux de POR dans leur organisme. La plupart de ces polluants ont des effets transgénérationnels car ils traversent le placenta.

Le Fonds mondial pour la nature vous a signalé hier que l'on avait fait le même genre de constatation auprès de femmes qui avaient consommé, durant de longues périodes, d'importantes quantités de poissons du lac Michigan contaminés par des POR. Et il faut préciser que les taux de POR trouvés dans les organismes de ces mères et de ces enfants sont bien inférieurs à ceux enregistrés chez les mères inuites du Nord canadien.

Les produits chimiques qui sont rémanents, toxiques, volatiles et bioaccumulables dans notre chaîne alimentaire constituent une menace directe pour notre alimentation, notre sécurité, notre santé et notre mode de vie. La nouvelle LCPA, comme élément central de l'arsenal législatif fédéral visant la production, l'utilisation, la fabrication et le rejet de ces produits chimiques toxiques est le principal outil dont notre pays dispose pour garantir la sécurité de notre alimentation, nos écosystèmes et notre santé.

En dépit des graves inquiétudes que ces contaminants inspirent aux Inuits, d'après ce que nous savons à l'heure actuelle, les avantages que la consommation de ces produits de la nature représentent sur le plan alimentaire, culturel et spirituel, sont supérieurs aux risques liés à la consommation de produits contaminés par des POR. C'est ce que nous savons aujourd'hui. Les problèmes de société qui se posent lorsque les chasseurs ne peuvent plus nourrir leur famille, la rupture de la relation entre les mères et leurs enfants qui survient lorsque celles-ci ne peuvent plus les nourrir au sein, et le manque de nourriture de remplacement ne donnent pas grand choix aux Inuits. On ne peut forcer notre peuple de choisir entre notre santé et notre patrimoine culturel, et notamment notre mode d'alimentation.

La seule façon de protéger notre culture, notre écosystème et notre santé est d'éliminer ces produits chimiques qui représentent un risque. La seule vraie solution, c'est la prévention -- il faut cesser de les fabriquer, de les produire et de les utiliser.

Au cours des négociations internationales sur les POR, la CCI a soutenu que l'élimination devait être l'objectif ultime de toute convention. De même, l'élimination des produits chimiques les plus dangereux doit constituer un objectif clé et un principe de notre LCPA.

La délégation canadienne qui a participé aux négociations sur les POR nous a clairement dit que ce sont nos lois et politiques nationales qui déterminent les limites de ce que nous pouvons obtenir sur la scène internationale.

Les dispositions du projet de loi C-32, par exemple, sont fondées pour une large part sur la politique du gouvernement fédéral en matière de gestion des substances toxiques, qui doit servir de base à la position de notre pays sur ce sujet lors des discussions et négociations avec la communauté internationale.

La position des Inuit dans les négociations internationales est axée en grande partie sur l'élimination des substances. Or à notre avis, les modifications apportées à l'article 65 du projet de loi C-32 à l'étape du rapport rendent cet objectif irréalisable.

À ce propos, le mémoire de l'Association canadienne du droit de l'environnement nous a fort impressionnés. Il importe absolument pour notre santé que le principe de l'élimination des POR soit un élément déterminant à la fois dans la LCPA et dans la convention internationale sur les POR.

Nous dépendons du gouvernement fédéral pour défendre notre santé au cours des négociations internationales. Lors de la dernière négociation de Nairobi, à laquelle nous avons tous assisté, le négociateur en chef du Canada a affirmé que le Canada était en faveur d'une action ferme concernant les POR. Tout cela est très bien, mais pour avoir du poids sur la scène internationale, le Canada doit pouvoir faire valoir aux autres pays qu'il a une législation nationale qui incorpore le principe de l'élimination dont il est question dans les cercles internationaux.

On a déjà indiqué à votre comité que la production et l'utilisation, au Canada, de neuf des douze produits chimiques actuellement sur la liste des produits auxquels l'ONU entend appliquer la Convention internationale sur les POR proposée, ont déjà été éliminés. Le régime de quasi-élimination incorporé au projet de loi C-32 fera en sorte, malheureusement, qu'il ne sera pas possible d'éliminer les trois autres substances -- les dioxines, les furans et les HCB.

Et bien que l'on ait pris des mesures pour ces neuf substances, et bien que nous ayons bon espoir de pouvoir éliminer leur production et leur utilisation dans le monde entier, nous en garderons dans notre organisme pendant des générations à venir.

Il importe de noter que d'autres substances à éliminer feront l'objet de la convention internationale à mesure que la science continuera à progresser. La LCPA doit prévoir le moyen de répondre à ces besoins futurs. Nous avons besoin de votre aide, cela ne fait aucun doute. C'est notre peuple qui est le plus menacé par les produits chimiques dangereux qui aboutissent dans l'Arctique.

Nous sommes ici aujourd'hui pour faire une recommandation à propos du principe de quasi-élimination dont l'Association canadienne du droit de l'environnement a si éloquemment parlé hier. Nous vous prions de reprendre, dans le projet de loi C-32, le principe de quasi-élimination tel qu'il avait été formulé par le comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes.

Nous, les Inuits, recherchons le consensus. Dans nos prises de décisions, nous nous efforçons autant que possible de ne pas faire de division entre «gouvernement» et «opposition», car on peut transformer ce faisant de petites différences en importants désaccords, et ainsi créer et exagérer la désunion. Les parlementaires discutent de la LCPA depuis de longs mois déjà. Au cours des derniers jours, on vous a vu vous diviser largement en fonction de vos appartenances politiques. Cela nous inquiète énormément, car une mésentente entre vous pourrait aboutir à l'adoption d'une loi qui ne protégera pas la santé des Inuits de l'Arctique. Nous vous avons suggéré d'incorporer le principe de l'élimination des POR dans la LCPA, et nous irons jusqu'à dire que ceux qui ne le feront pas auront le devoir de nous expliquer, à nous les Inuits, pourquoi ils ne peuvent le faire.

Le sénateur Adams: Merci d'être venue aujourd'hui. Je suppose que vous avez fait une présentation semblable devant le comité de la Chambre des communes, surtout en ce qui a trait à vos inquiétudes concernant les produits de la nature dont vous vous nourrissez.

Même les gens du sud disent que ces produits sont contaminés, comme dans les territoires; bien sûr, dans le sud il s'agit surtout de chevreuil, d'orignal et de poisson alors que dans l'Arctique nous nous nourrissons de phoques, de morses, de caribous et de poissons. Ce qui m'inquiète surtout, c'est que tandis que dans le Sud la saison de chasse est très courte, dans l'Arctique et dans le nord du Québec nous consommons ces produits douze mois par ans; et nous savons que notre alimentation traditionnelle souffre depuis de nombreuses années, car on a étudié l'ampleur de la contamination chez les mammifères, et la pollution qui vient de partout dans le monde.

De quelle utilité sera le projet de loi C-32 si seul le Canada est prêt à réduire l'utilisation des produits chimiques et la pollution alors que l'Europe et la Russie et les autres pays continuent à polluer l'eau? Vous avez assisté à d'autres réunions et entendu les inquiétudes au sujet de l'environnement mondial. Comment faire pour améliorer la situation? Avez-vous une idée de ce qu'il faudrait faire pour réduire la pollution?

Peut-être finira-t-on par nous dire un jour que nous ne pouvons plus chasser et que nous devons acheter du boeuf en provenance du sud, et que ce sera désormais la seule façon de vivre. Je ne veux pas imaginer la chose, mais quel est l'avenir de nos produits de la chasse et de la pêche? Comment allons-nous faire pour réduire les dangers que présente la consommation de ces produits?

Mme Watt-Cloutier: Le sénateur Adams a soulevé un problème important. Pour l'instant, nous disons que les avantages sont supérieurs aux risques, mais combien de temps cela va-t-il durer encore? Quand le jour arrivera-t-il où nous serons obligés de faire le choix inverse, même si nous, les Inuits, ne voulons pas faire cet autre choix? Nous qui vivons dans l'Arctique, quels autres choix avons-nous?

La nourriture coûte extrêmement cher dans le Nord. Il ne s'agit pas simplement d'aller au supermarché. L'environnement est notre supermarché et notre mode de vie. La question ne se limite pas au problème des contaminants physiologiques qui pénètrent dans notre organisme, c'est tout notre patrimoine culturel, dont j'ai parlé il y a quelques instants, qui est en jeu. Nous ne pouvons assez insister sur l'importance de tout ceci. Cela n'a peut-être pas de rapport direct avec le projet de loi C-32, mais on parle du mode de vie d'un peuple qui risque d'être compromis. Tout cela est très important. Comme le sénateur Adams vient de le demander, quel choix aurons-nous lorsque ce jour arrivera?

M. Terry Fenge, conseiller, Inuit Tapirisat du Canada: Le gouvernement canadien a lancé un certain nombre de programmes de recherche innovateurs pour tenter de constituer la base de données nécessaire pour prendre les décisions appropriées. On peut dire que les connaissances scientifiques du Canada sur les sources et trajets des contaminants dans l'Arctique sont parmi les meilleures au monde. Mais il nous manque encore beaucoup d'informations sur les effets des contaminants sur les humains dans l'Arctique. Il est donc très difficile de prendre les bonnes décisions et de peser les avantages et les inconvénients.

Mais comme il a été dit, vu l'importance extraordinaire que représentent les produits de la chasse et de la pêche, les informations dont nous disposons actuellement nous portent à penser que le mieux est de continuer à encourager les gens à consommer ces produits.

J'aimerais soulever un autre point, et je ne dis pas cela à la légère. Si l'on trouvait les mêmes niveaux de contaminants que ceux des gens qui consomment des mammifères marins, chez les gens qui consomment du saumon de Colombie-Britannique, chez les gens qui mangent du boeuf en Alberta, chez les gens qui mangent du poulet en Ontario, ou chez les gens qui se nourrissent de homard à l'Île-du-Prince-Édouard, nous pensons que le genre de projet de loi dont nous parlons serait fort différent et que nous ne serions peut-être pas en train de tenir ce débat plutôt compliqué et difficile sur le principe de la quasi-élimination.

Le sénateur Adams: Les Inuits ne sont pas des mécaniciens, ni des producteurs d'objets mécaniques; tout ce que nous voulons, c'est vivre de la nature; nous aimons ce genre de vie.

Quoi qu'il en soit, certains témoins nous ont dit qu'il n'aiment pas le projet de loi sous sa forme actuelle. Certaines entreprises n'aiment pas le projet de loi. Et pourtant il y a plusieurs années que l'on y travaille, et la Chambre des communes a passé beaucoup de temps à l'étudier article par article.

Le projet de loi C-32 mentionne l'autonomie gouvernementale des autochtones à plusieurs reprises. Je ne sais pas au juste ce que l'on entend par là, mais certains articles parlent de l'autonomie gouvernementale des autochtones. On ne dit pas comment le projet de loi C-32 va améliorer l'environnement. Êtes-vous d'accord avec les articles qui parlent d'autonomie gouvernementale des autochtones et avec le rôle qui nous sera donné si le projet de loi C-32 est adopté?

M. Fenge: Les modèles d'autonomie gouvernementale que les Inuit ont choisi sont assez différents des modèles de gouvernement retenus par les autres peuples autochtones. Je crois qu'il est important que vous sachiez cela.

Le gouvernement du Nunavut, par exemple, est un gouvernement populaire et fonctionne entièrement sur les principes de la démocratie libérale que nous connaissons tous. L'opinion des Inuits à ce sujet sera probablement quelque peu différente de celle d'autres peuples autochtones.

Mme Stephanie Meakin, conseillère, Inuit Tapirisat du Canada: Certaines dispositions du projet de loi C-32 reconnaissent deux points importants pour les Inuits et autres peuples autochtones, à savoir le rôle de l'autonomie gouvernementale et les rapports de gouvernement à gouvernement entre les peuples autochtones et le gouvernement fédéral du Canada. D'ailleurs les gouvernements autochtones sont officiellement représentés au comité consultatif national.

Le projet de loi reconnaît également par ailleurs la valeur des connaissances écologiques traditionnelles et les incorpore dans certaines dispositions, notamment celles visant l'exécution de la loi; il est précisé qu'il faudra en tenir compte dans l'application de certains passages de la LCPA.

Ce sont ces deux points que nous apprécions dans le projet de loi, en dépit de notre hésitation et de notre réticence à l'égard des articles concernant la quasi-élimination.

Le sénateur Adams: J'aime bien aller à la chasse lorsque je retourne dans l'Arctique. Dans notre communauté, une famille moyenne consomme entre 20 et 30 caribous par an. Moi-même j'en ai eu cinq ou six il y a un mois. Je pense que ce serait une bonne idée si les gens qui rapportent du caribou chez eux pour nourrir leur famille, en gardaient une partie pour la faire examiner par des biologistes du ministère de la Santé. Tout ce que nous consommons dans le sud est inspecté par le gouvernement et porte son tampon. Cela ne se fait pas dans l'Arctique. Le projet de loi devrait contenir une disposition prévoyant le prélèvement d'échantillons de la nourriture que nous consommons. On pourrait les envoyer dans un laboratoire du sud.

Le foie d'un des caribous que j'ai attrapé avait l'aspect de papier de verre. C'était probablement dû à la pollution. Si quelque chose n'a pas l'air normal, il devrait y avoir une politique qui permet de faire faire des tests dans un laboratoire. Qu'en pensez-vous?

Mme Watt-Cloutier: Au fil des années, nos régions se sont affirmées et nous avons développé nos propres services de recherche scientifique. La Makavik Corporation fait tester ses produits continuellement. Je crois que beaucoup d'autres régions également sont en train de développer leurs propres capacités de recherche.

Mais comme vous dites, monsieur le sénateur, il faut faire bien plus de recherches encore. À la CCI du Canada, nous faisons notre possible également. Mais avant de faire démarrer ce genre de projets de recherche, il faut rédiger un nombre incroyable de propositions et trouver le financement.

Mme Meakin: Ce qui nous ramène à notre principale recommandation, qui revient à dire que nous croyons que ce projet de loi ne cherche pas à savoir si les produits chimiques ont utiles à notre société ou non. Nous admettons tous qu'ils le sont. Je crois que nous admettons tous que les minéraux dans nos vitamines sont nécessaires. Il est question de certaines substances qui, compte tenu de nos connaissances scientifiques actuelles et du principe de prudence, sont jugées trop dangereuses pour notre société.

Nous savons que ces substances se trouvent en grande quantité dans la nourriture que les gens consomment dans le Nord. Nous savons que ces produits chimiques pourraient avoir des effets sur les générations à venir. Ils traversent le placenta. On les retrouve dans le lait maternel. C'est un problème qui n'est pas pris à la légère dans le Nord. Ni dans le sud.

Nous estimons que ces produits chimiques doivent être éliminés de notre société. Et même si on arrête leur production aujourd'hui, il faudra attendre des générations avant de pouvoir éliminer ces substances de l'environnement. Nous ne disons pas qu'elles ne sont pas importantes. Nous disons que si nous avons une disposition qui stipule que certaines substances doivent être éliminées, la société et l'industrie seront forcées de trouver d'autres solutions. Les neuf substances qui ont été retirées ou supprimées au Canada ont été éliminées parce qu'elles ont été remplacées par d'autres.

Nous ne prétendons pas qu'il faut retirer des substances utiles ou importantes de notre société. Nous disons que nous avons des responsabilités vis-à-vis des générations à venir; et les Inuits du Nord pourraient bien être les canaris dans les mines de charbon. Nous avons des niveaux élevés de ces substances, mais nous n'avons pas vraiment la preuve des leurs effets. Ce genre d'études coûte des millions de dollars. Le gouvernement canadien n'a pas le temps ni l'argent qu'il faudrait investir pour nous affirmer hors de tout doute que tel niveau dans le lait maternel cause tel effet. Mais les faits sont là qui nous le laissent supposer. Il faut faire appel à notre bon sens, et appliquer le principe de prudence. Ce sont des substances qui ont toutes été conçues pour tuer. Pourquoi ne feraient-elles pas de tort?

Si vous voulez parler de soumettre nos aliments à des tests, il y a bien des gens, bien des organismes différents et bien des ministères qui essaient de régler cette question. Nous savons qu'il y a des contaminants dans la nourriture des Inuits. Nous savons que les laboratoires ont détecté les effets de ces produits chimiques. Nous savons qu'un grand nombre des produits chimiques dont nous parlons ont des effets même à des doses extrêmement faibles, mais ce sont des questions que la réglementation ne peut résoudre. Il se peut que ce soit une seule exposition à une petite dose à un moment donné du développement du foetus qui entraîne l'effet.

Ce sont des problèmes difficiles à résoudre. Si nous avons suffisamment d'informations, nous devons nous efforcer d'éliminer ces produits chimiques dangereux.

Le sénateur Adams: M. Fenge, qu'avez-vous à dire à propos du présent projet de loi et des conséquences qu'il a pour les gens qui vivent dans l'Arctique?

M. Fenge: Je ne vis pas dans l'Arctique. C'est le genre de question générale qui peut plaire ou non selon les témoins. Nous avons observé le pénible processus auquel vous avez été soumis. Nous somme restés dans le fond de la salle pour suivre le débat et écouter les témoins. C'est à cause des problèmes complexes auxquels vous faites face et à cause des difficultés politiques auxquelles êtes confrontés que nous avons mis le dernier paragraphe de notre mémoire. C'est pour cela que nous avons limité nos importantes recommandations à un seul point.

Bien des gens qui se sont présentés devant vous ont dit: «Mon Dieu, il y a un tas de choses que nous aimerions modifier, si nous pouvions, mais nous savons qu'il est un peu tard à présent, et nous allons donc nous limiter aux choses les plus importantes.»

C'est ce que nous avons fait. Nous ne vous avons présenté qu'une seule recommandation demandant la réinsertion d'une définition détaillée et la mise en application du principe de la quasi-élimination. Nous avons confiné notre recommandation à ce principe de base, parce qu'il est ce qu'il y a de plus important pour nous. De fait, nous menons exactement le même combat, et nous fournissons exactement les mêmes informations, sur les scènes circumpolaire et internationale, qu'ici aujourd'hui.

Je crois que des représentants de l'industrie vous ont parlé au cours des derniers jours de la convention internationale sur les POR en cours d'élaboration. Il est important que vous sachiez que cette convention pourrait bien exiger l'élimination des POR. C'est en tous cas ce que nous visons, et ce que divers autres organismes essaient d'obtenir. Le débat que vous êtes en train de tenir ici reflète celui qui a lieu au niveau international.

Enfin, j'aimerais dire que nous tenons particulièrement à ce que vous réalisiez et compreniez bien que le genre de débat qui a lieu ici, de façon informelle et formelle, servira aux instructions de négociation qui seront données à la délégation canadienne lorsqu'elle ira à Genève pour exposer la position du Canada. Si vous adoptez une LCPA affaiblie, le Canada aura une position difficile à défendre sur la scène internationale. Nous avons dit dans notre mémoire que le problème du Nord est en fait un problème international. C'est à ce niveau que nous menons une bonne partie de notre action politique et technique.

Le sénateur Adams: C'était la première fois hier, depuis que je siège à ce comité, que j'ai vu des environnementalistes s'opposer à un projet de loi sur l'environnement. Généralement, ils nous demandent de cesser de tuer les phoques et de ne plus tuer les caribous ou les poissons, et ainsi de suite. Mais hier ils sont venus ici pour manifester leur opposition à ce projet de loi. Lorsque le Sierra Club est venu nous parler de la création du parc national de Tuktut Nogait, ils se sont opposés, pour des raisons écologiques et autres, au transfert des terres à la société minière. Or hier, Mme May nous a dit qu'elle était contre ce projet de loi. Comme dit, c'était la première fois que je voyais des environnementalistes s'opposer à un projet de loi comme celui-ci. Je suis étonné d'entendre qu'ils ne veulent pas que le sénat adopte ce projet de loi.

M. Fenge: Nous avons décidé que notre devoir était de nous présenter devant vous pour tenter, par tous les moyens, par des cajoleries s'il le fallait, de vous persuader d'apporter cette modification fondamentale au projet de loi. Nous ne voulons que vous aider à améliorer ce projet de loi. Nous ne sommes pas venus pour vous demander de l'abandonner ou de l'adopter. Nous avons circonscrit notre objectif de manière relativement étroite.

Le sénateur Chalifoux: Je crois, M. Fenge, que vous avez partiellement répondu à ma question. J'observe depuis longtemps déjà les extraordinaires efforts que vos organisations dans l'Arctique ont mis en oeuvre en ce qui concerne la pollution circumpolaire et la chaîne alimentaire, et d'autres questions semblables. On sait parfaitement que par le biais des courants circumpolaires atmosphériques et marins, d'autres pays ont une influence sur notre atmosphère et notre environnement dans le Nord. Ce projet de loi améliorera-t-il votre pouvoir de négociation lorsque vous irez à Genève et que vous commencerez à travailler au niveau international?

Mme Watt-Cloutier: C'est précisément de cela qu'il s'agit. Si nous nous dotons d'une LCPA forte, qui vise l'élimination, la position de la délégation canadienne en sera indéniablement renforcée à Genève et tout au long du processus qui nous amènera jusqu'à l'an 2000, au moment où nous espérons avoir une convention sur les POR définitive.

Le sénateur Chalifoux: Mais ce projet de loi vous aide-t-il par rapport à l'ancienne LCPA?

Mr. Fenge: Une LCPA forte nous aidera franchement. D'ailleurs il est important que le comité sache que le Canada a joué un rôle de chef de file, à diverses occasions, dans les discussions internationales. C'est le Canada qui s'est servi des données sur l'Arctique qui avaient été publiées par des scientifiques canadiens du gouvernement fédéral et d'autres organismes, pour persuader le conseil d'administration du Programme des Nations Unies pour l'environnement, de mettre l'idée d'un traité international sur les POR à l'ordre du jour de la communauté internationale. Cela remonte à quelques années. Nous avons trouvé curieux et tout à fait étrange de constater que cet enthousiasme initial, cet engagement initial, soit quelque peu retombé au cours des dernières années.

Nous avons remporté quelques succès sur la scène internationale. Prenons par exemple le protocole des POR de la Convention sur le TGDPA de la Commission économique pour l'Europe de l'ONU. Comme c'est le cas pour bon nombre de ces traités, c'est un document plutôt ennuyeux et ampoulé, mais si vous jetez un coup d'oeil aux dispositions du préambule, vous y trouverez des références pertinentes et concrètes aux populations autochtones et à l'Arctique. Elles y sont parce que nous, et d'autres peuples autochtones, nous battons sur la scène internationale. Nous recommencerons lors des négociations internationales sur les POR. Nous réussissons assez bien. Le Canada, en tant que peuple arctique important, est considéré comme un des pays chefs de file dans ce débat, et nous espérons qu'une LCPA faible ne nous coupera pas l'herbe sous les pieds.

Le sénateur Chalifoux: Je vous demande encore une fois si ce projet de loi aura pour effet de renforcer ou d'affaiblir votre position par rapport à la loi actuelle.

Mme Meakin: Lorsque nous assistons à ces réunions internationales, il est de plus en plus évident que certaines factions majoritaires aimeraient que ce projet de loi devienne un outil de gestion permanent des produits chimiques. Mais il y a un autre groupe de gens qui aimeraient qu'il devienne une convention internationale pour l'élimination des substances les plus dangereuses de la société. Ce qu'il faut dans la nouvelle LCPA, c'est une disposition à l'article 65 qui stipule que ces substances les plus dangereuses seront éliminées -- et non pas ces dispositions transitoires qui sont énoncées dans cette nouvelle LCPA et qui permettraient essentiellement aux producteurs de s'arranger pour que le rejet ou l'utilisation d'une substance devienne acceptable.

Ce n'est pas la politique internationale qui détermine la politique nationale. C'est l'inverse. Si nous allons à Genève alors que nous avons une loi nationale qui dit que peu importe le degré de toxicité d'une substance, celle-ci peut être rejetée dans l'environnement en une quantité acceptable fixée par le gouvernement ou par le ministre, nous n'aurons vraiment pas obtenu sa quasi-élimination. Alors comment pourrons-nous, lors de discussions internationales, demander à des pays où il existe des solutions de rechange appropriées, de cesser d'utiliser une substance qui nous inquiète?

Ce qu'il faut dans ce projet de loi, c'est le libellé de l'article 65 tel qu'il se présentait à l'étape du rapport, et qui rendait possible la quasi-élimination. Voilà ce que nous espérons obtenir.

Le sénateur Chalifoux: Mais à votre avis, ce nouveau projet de loi vous aide-t-il davantage que l'ancienne LCPA? Vous donne-t-il davantage de poids? Je sais qu'il ne vous plaît pas, mais est-il pire que la LCPA de 1988?

Mme Meakin: Non, c'est pareil. En ce qui a trait à l'article sur la quasi-élimination, c'est à peu près pareil.

Le sénateur Spivak: J'aimerais être absolument certaine de ce que vous dites. On a modifié non seulement le préambule du projet de loi, mais également le passage qui se rapporte à la quasi-élimination pour ne pas parler du but ultime, soit l'élimination progressive de l'utilisation. C'est le problème de ce projet de loi.

Vous nous dites que sur la scène internationale, nous devons nous assurer que quasi-élimination signifie la suppression progressive de l'utilisation et de la production de certaines substances. Or le projet de loi actuel dit que certaines limites de dosages sont acceptables Soyons bien clairs. Pour faire ce que vous nous demandez, il faudra apporter un amendement au projet de loi.

Vous dites que de nombreux POR provoquent des troubles endocriniens qui entraînent des dysfonctionnements des organes de reproduction, du système nerveux et du système immunitaire. Les États-Unis sont en train de tester 15 000 substances pour vérifier leurs effets sur le système endocrinien. Le Canada ne fait pas de tests; nous en sommes encore au stade de la recherche. Qui plus est, nous avons mis dans notre projet de loi la notion d'évaluation des risques.

L'évaluation des risques n'est pas une bonne stratégie, d'après ce que je comprends. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet. Les effets de certaines substances sur le système endocrinien n'ont été découverts que récemment et ils sont très troublants. L'évaluation des risques est une approche qui exige beaucoup de temps. Il se peut que ce genre de dommages ne puisse être évalué sur une courte période de temps. Et ces études reviennent très cher également.

Le concept de l'évaluation des risques est donc en opposition ou en contradiction avec le principe de la prudence, qui devrait être appliqué à ce type particulier de substances

Encore une fois, je suis contente que vous confirmiez que nous ne parlons pas des 23 000 substances. Nous comprenons que certains produits chimiques sont toxiques mais que nous en avons néanmoins besoin. Il ne s'agit que d'un nombre très restreint de substances.

Pouvez-vous me dire si vous avez examiné cet aspect du projet de loi? Les substances qui provoquent des troubles endocriniens ne peuvent figurer dans la liste, car on a à peine commencé à les étudier. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du principe de prudence en ce qui a trait aux substances qui provoquent des troubles endocriniens, par rapport au concept de l'évaluation des risques?

Mme Meakin: Je crois que ces quelques questions pourraient aisément faire l'objet de plusieurs thèses de doctorat. Mais je vais m'efforcer de vous répondre.

Je ne crois pas en fait qu'il y ait de rapport entre l'évaluation des risques et le principe de prudence. L'évaluation des risques est une démarche fondée sur des critères techniques et scientifiques précis qui ont été établis au moyen d'un processus très particulier. Le principe de la prudence est une démarche moins scientifique. Certaines substances, par exemple, ont été créées pour détruire les systèmes neurologiques des insectes. Aujourd'hui nous les retrouvons dans les organismes des enfants inuit, et nous observons une plus grande incidence des troubles du système immunitaire et des otites. Il y a peut-être un rapport entre ces deux faits.

Jamais, au grand jamais, nous n'aurons suffisamment d'informations pour satisfaire à l'évaluation des risques et à la gestion des risques. Mais il arrivera un moment où notre société devra décider, compte tenu des données dont nous disposons et des alternatives possibles, que nous pourrions et devrions peut-être agir différemment. Cette décision ne doit pas forcément être prise sur la base de toutes les informations que nous pourrions obtenir au moyen de toutes les études possibles, elle peut être fondée sur notre bon sens qui nous dit qu'il y a d'autres solutions et que nous devrions les utiliser.

Quant aux substances qui entraînent un dérèglement du système endocrinien, peut-être devrions-nous voir la définition de toxicité intrinsèque. Peut-être devrions-nous dire que l'utilisation de certaines substances révèle déjà des relations de cause à effet. Nous pourrions alors accélérer le processus de l'évaluation pour ces substances. Peut-être n'est-il pas nécessaire de soumettre ces substances à deux années d'études scientifiques, puisque nous avons déjà constaté les causes et les effets.

Le sénateur Spivak: L'évaluation des risques vise à démontrer qu'il y a préjudice, n'est-ce pas? Il faut prouver les dommages. Dans le principe de prudence, ce sont les fabricants du produit qui doivent prouver qu'il est sûr. Les responsabilités sont inversées. Ce concept est également valable dans le domaine des sciences, n'est-ce pas?

Mme Meakin: Qui voulons-nous protéger? Les produits chimiques ont-ils davantage de droits que les gens? Quand prenons-nous cette décision? Dans une société parfaite, on ne pourrait même pas utiliser une substance sans avoir prouvé qu'elle est inoffensive.

Nous disons que nous avons en place un système qui veille à cela. Le système en place est un très bon système, mais nous avons de nouvelles preuves que certaines substances comme les produits chimiques qui agissent sur le système endocrinien peuvent avoir des conséquences même après une exposition unique, et une seule dose. Cela n'entre pas dans le cadre de notre système d'évaluation de la santé. Nous savons qu'un foetus en plein développement, peut, s'il est exposé à certains produits chimiques à un moment donné, en souffrir les effets. Nous savons cela. Ces expositions uniques ne font pas encore partie du processus d'évaluation que je connais.

C'est là qu'entre en jeu le principe de la prudence. Nous faisons appel à notre jugement. Nous envisageons des solutions de rechange et nous encourageons la société à développer et utiliser ces autres solutions. Nous ne cherchons pas à faire continuellement dépenser de l'argent pour réduire les rejets ou les utilisations de substances.

Le sénateur Taylor: J'aimerais féliciter votre groupe. Vous nous avez fait une présentation claire et bien centrée. J'aimerais vous parler de l'un de vos objectifs précis, concernant la quasi-élimination. Vous semblez très bien informés. Certains disent que la quasi-élimination est une cible mouvante, mais techniquement, elle signifie qu'une substance existe en des quantités tellement infimes que l'on ne peut même pas les mesurer. Mais comme les techniques de mesure évoluent sans cesse, l'industrie a besoin de savoir, avant de prendre des décisions d'investissement, quelle cible on vise.

N'avez-vous pas lu l'article 93(1)? Il y est stipulé que:

... le gouverneur en conseil peut, sur recommandation des ministres, prendre des règlements

l) l'interdiction totale, partielle ou totale de fabrication, de transformation ou d'utilisation de la substance ou d'un produit qui en contient;

En d'autres termes, vous voulez savoir si le ministre a les moyens nécessaires pour le mettre en application. Il a déjà l'autorité d'éliminer une substance sans avoir à passer par le charabia de la quasi-élimination. Qu'en pensez-vous?

Mme Meakin: Cela ne change pas notre évaluation du projet de loi, et notamment du fait que l'article 93, tel qu'il est formulé, n'oblige pas le gouvernement à faire appliquer le principe de la quasi-élimination. Le mémoire de l'ACDE portait sur ces questions. Nous estimons qui si l'article 65 donnait une définition plus précise de ce que l'on entend par «quasi-élimination», les articles suivants qui énoncent la marche à suivre pour obtenir la quasi-élimination en découleraient.

Même si l'article 93 dit ce que vous venez de lire, nous ne croyons pas qu'il soit possible d'obtenir la quasi-élimination, peu importe cet article.

Le sénateur Taylor: Le tout est donc de savoir si vous croyez que l'on sera suffisamment forts pour accomplir la chose.

Le président: Il s'agit d'un point important qui doit être clarifié. D'après ce que je comprends à propos de la question soulevée par le sénateur Taylor, aux termes de l'article 90, le ministre doit être convaincu que la substance est toxique. Ensuite il faut suivre tout le processus et faire l'évaluation des risques dont on nous a tant parlé, et cela n'a pas de fin.

Au début, sénateur Taylor, j'avais conclu que l'autorité était là, mais l'article 90 dit qu'il faut avoir la conviction qu'une substance est toxique, et cela nous renvoie directement à l'autre problème. Ai-je raison?

Le sénateur Taylor: Je ne suis pas certain de pouvoir vous aider.

Le président: C'est pourtant un point important.

Le sénateur Taylor: Tous vos collègues de la Chambre des communes ont voté unanimement en faveur de ce projet de loi. Je ne sais pas où vous vous situez.

Le président: Merci, sénateur Taylor, cela nous aide énormément.

Le sénateur Spivak: C'est très scientifique comme démarche. «Tout le monde a voté pour.»

Le sénateur Taylor: Comme on dit, nous ne pouvons nous en prendre qu'à nous mêmes.

En ce qui a trait à l'information, le projet de loi C-32 contient deux nouveautés par rapport à l'ancienne LCPA. Elles concernent tout particulièrement nos populations nordiques. Le gouvernement du Canada a l'obligation de tenir compte des «connaissances autochtones traditionnelles». Autrement dit, vous avez une influence que vous n'aviez jamais eue auparavant. D'autre part le ministre de l'environnement est habilité à conclure des ententes administratives avec les peuples autochtones. Ces ententes peuvent porter sur la surveillance de la qualité de l'environnement par les peuples autochtones, la réalisation des travaux de recherche, le partage de l'information, ou la mise en application d'une ou plusieurs parties du projet de la loi. Seriez-vous prêts à conclure ce genre d'arrangements avec le ministre afin d'être aux premières loges?

M. Fenge: Nous avons dit tout à l'heure que le gouvernement du Canada a lancé des programmes de recherche, et je suis très heureux de pouvoir vous dire que ces programmes, surtout ceux qui portent sur les contaminants dans le Nord, sont réalisés en collaboration avec Inuit Tapisarat, la CCI, la nation dénée, le Conseil des Premières nations du Yukon et la nation métisse des Territoires du Nord-Ouest. D'autres lois également, notamment la Loi canadienne sur les océans, prévoient que le gouvernement du Canada a la responsabilité de prendre en considération et d'utiliser ces connaissances écologiques traditionnelles. Nous apprécions ce genre de chose, mais il ne faut pas vous imaginer qu'il s'agit de quelque chose d'extraordinairement inhabituel.

Le sénateur Taylor: Encore une fois, la LCPE prévoit le genre de consultation dont il a été question dans la décision de la Cour sur le Québec. Elle établit le processus avec nos populations autochtones du Nord afin que vous ayez un meilleur contrôle de la situation et que vous soyez informés dès le début.

M. Fenge: Oui, mais dans le Nord ce genre de chose se fait principalement par le biais des ententes sur le règlement de la revendication territoriale signées par le gouvernement du Canada et les peuples autochtones concernés.

Le sénateur Taylor: Jusqu'à présent, c'était l'inverse, mais à mon avis cette loi élargit cette base, pour que nous n'ayons pas besoin d'attendre qu'une mine de diamant apparaisse pour nous forcer à trouver une solution.

M. Fenge: Excusez-moi?

Le sénateur Taylor: Êtes-vous méfiant?

M. Fenge: Ce n'est pas une question de méfiance; la question est de savoir ce qui a préséance. Les droits entérinés dans une entente de règlement des revendications territoriales ont préséance sur les lois fédérales ou territoriales. C'est à ce niveau que se sont produits les changements importants, grâce aux droits entérinés dans les ententes sur les revendications territoriales. Prenez l'entente concernant le Nunavut, elle contient des dispositions spéciales sur la surveillance de l'environnement. C'est cela qui a vraiment changé les choses. La loi que vous avez devant vous ne fait que suivre une voie déjà tracée.

Le sénateur Taylor: Ce que je veux dire, c'est que, peu importe la raison, vous avez du mal à croire aux cadeaux du père Noël, et pourtant les cadeaux sont bien là, sous l'arbre, et nous progressons dans ce sens.

Le sénateur Cochrane: Je vous remercie du temps que vous avez consacré à cette question, et de l'effort que vous avez fait pour venir jusqu'ici pour nous faire part de vos connaissances et de vos préoccupations sur le projet de loi C-32.

Le 16 août, j'ai reçu une lettre du sénateur Adams. Il y exprimait un certain nombre de préoccupations également. Il disait que les niveaux de BPC dans le lait maternel des femmes du Nunavut et du Nord du Québec sont de dix fois supérieurs à celui des femmes d'autres régions du Canada. Il disait en outre qu'à long terme, il voulait protéger la santé des habitants du Nord et d'ailleurs, contre les dangers croissants liés à l'utilisation et à l'abus de produits chimiques. À son avis, c'est dans le Nord que les problèmes de santé et d'environnement sont les plus graves au pays. Il estime que ce projet de loi devrait stipuler clairement l'intention de supprimer complètement ces produits chimiques. Il disait avoir l'intention de proposer plusieurs amendements, qui selon lui renforceront à la fois l'intention et l'exécution du projet de loi C-32, et qu'il ferait cela au moment approprié.

Je suppose que vous avez discuté avec le sénateur Adams, et je suis certain qu'il comprend vos points de vue, car vous avez une entité commune ici pour tous vos problèmes.

Aimeriez-vous que le projet de loi C-32 soit identique à celui qui a été rédigé par le comité de la Chambre des communes? Aimeriez-vous que nous apportions cet amendement?

Mme Meakin: Ce que nous recommandons, c'est de prendre la définition de «quasi-élimination» qui avait été utilisée à l'étape du rapport.

Le sénateur Cochrane: Si j'ai bien compris, vous avez assisté à toutes les audiences, et vous avez exprimé vos réserves sur la composition de notre comité et ainsi de suite. Nous savons, et vous le savez également, que le sénateur Taylor a présenté une motion qui restreint le nombre de témoins que nous pouvons entendre et fixe la fin des audiences au 1er septembre. Ce qui veut dire que tout amendement sera impossible, car notre comité a un rapport de sept à quatre, à moins que le sénateur Adams et d'autres sénateurs ne souhaitent proposer l'amendement que vous demandez.

Je ne sais pas quoi vous dire. Je sais que vous avez passé beaucoup de temps ici, et j'espère que cela finira par servir à quelque chose. Que ressentez-vous aujourd'hui? Vous sentez-vous un peu mieux parce que vous nous avez présenté vos arguments?

Mme Watt-Cloutier: Je ne crois pas que vous voulez une opinion scientifique ou technique, ce n'est pas ce que vous demandez. Lorsque la voix des Inuits est entendue et que les gens y prêtent attention d'une manière ou d'une autre, c'est toujours une bonne chose. En soi, cela est positif.

Néanmoins, depuis que j'ai été élue à ce poste au niveau international, ce dossier est l'un des plus importants que j'aie eu à traiter, et je dois dire que ça a été un défi énorme pour moi, pas tellement de faire entendre notre voix, mais d'obtenir des actions concrètes et efficaces, et d'avoir l'assurance que notre gouvernement canadien nous appuie à 100 pour cent dans ce dossier.

Quiconque connaît un peu le monde des Inuits comprendra que les défis auxquels notre peuple fait face sont énormes. Nous faisons des efforts quotidiens, compte tenu des bouleversements qui ont eu lieu chez nous au cours des 50 à 60 dernières années, pour récupérer les restes pour nos enfants, pour créer des institutions solides qui reflètent la sagesse et tout le reste. En ce qui concerne nos enfants, la dernière chose dont nous ayons besoin, c'est nous préoccuper de ces polluants qui attaquent le système endocrinien et agissent sur l'intellect de nos enfants que nous encourageons à s'affirmer afin que nous puissions survivre culturellement.

Tout revient à cela. Il ne s'agit pas simplement de produits chimiques qui pénètrent dans notre organisme. C'est tout un mode de vie qui est en jeu. Je ne peux pas vous dire cela de manière plus convaincante. Nous avons besoin de votre aide. Nous apprécions que vous nous écoutiez, mais c'est tout notre mode de vie qui est en jeu. Il ne s'agit pas uniquement de la nourriture que nous consommons. Il s'agit de spiritualité. C'est toute notre vie. Nous vous demandons de nous entendre.

Le sénateur Cochrane: Que Dieu vous bénisse, et bonne chance.

Le sénateur Hays: Notre comité peut proposer des amendements. Nous pouvons renvoyer le projet de loi en disant qu'il ne devrait pas être adopté, ou qu'il devrait être amendé. Il faudra voir avec le temps, ce que va se passer. Il est probable qu'il sera adopté. Mais ce n'est pas une certitude, et cela ne pourra se faire tant qu'il n'aura pas été adopté par le sénat. Le sénateur Cochrane n'a pas raison de dire que cela est impossible à cause de la motion proposée par le sénateur Kenny. Elle a son opinion, et j'ai la mienne.

J'ai le sentiment que vous seriez là de toutes façons, même si le projet de loi était tel qu'il était libellé à la sortie de la Chambre des Communes, après l'étape du rapport, car en vertu de l'article 65(3), le ministre peut prendre des mesures prolongées en vue de la quasi-élimination.

Le sénateur Spivak: Non. Cela a été supprimé.

Le sénateur Hays: Vraiment?

Mme Watts-Cloutier: Mais nous sommes d'accord que c'est ce que nous voudrions.

Le sénateur Hays: Alors je suppose que je comprends mal le libellé de ce document, «avant et après l'étape du rapport».

Le projet de loi, qui a passé à travers les diverses étapes, semble laisser une certaine discrétion soit au ministre, soit au gouverneur en conseil, en ce qui concerne le temps accordé pour obtenir la quasi-élimination, et aussi, bien sûr, l'inscription de la substance sur la liste des substances qui doivent être quasi éliminées.

Ce que vous nous dites, essentiellement, et je vous comprends bien, c'est qu'avec le temps, on a vu s'accumuler des polluants organiques particulièrement persistants dans les organismes de gens qui consomment des aliments qui se trouvent très haut dans la chaîne alimentaire ou qui vivent de cette nourriture pour des raisons culturelles ou autres. À toutes les étapes, le projet de loi a toujours prévu cette discrétion. Le ministre n'est pas obligé de mettre la substance sur la liste. Il y aura des gens du milieu de l'environnement ou de la communauté qui voudront utiliser ou qui créeront une substance qui nous inquiète. Peu importe ce que nous mettrons dans cette loi, cela arrivera. Il me semble que cela faisait partie de tous les libellés successifs de l'article 65.

Je crois, comme je l'ai dit à un témoin précédent, que le problème tient essentiellement à la manière dont nous administrons la loi. Ce n'est pas tellement le libellé de la loi, vu le projet de loi qui nous a été présenté, et les différentes façons dont il a été formulé. Le libellé que j'ai devant moi est celui qui a été retenu après l'étape du rapport à la Chambre des communes, qui ressemble beaucoup à celui du projet de loi C-32. On m'a dit que le libellé postérieur à l'étape du rapport n'était pas vraiment pertinent.

Mme Meakin: Je ne sais pas s'il y a une réponse à votre question.

Le sénateur Hays: Pour vous, c'est le libellé du projet de loi qui constitue le fond du problème, pas tellement la manière dont il est administré. Vous voulez que tout le processus soit prévu dans la loi.

Mme Meakin: Nous voulons que la quasi-élimination soit le but ultime, pas le processus.

Le sénateur Hays: Pour vous, que veut dire quasi-élimination?

Mme Meakin: Cela veut dire l'élimination progressive ou la cessation de la production et de l'utilisation.

Le sénateur Hays: Prenons simplement l'exemple des fabricants de produits chimiques et des moteurs diesel, certaines substances sont des sous-produits de la combustion. Je ne connais pas de sous-produit de l'essence. Nous pourrions passer du carburant diesel à l'essence, ce qui aurait d'autres conséquences. On nous a dit que nous avons besoin d'une certaine souplesse, d'un certain temps pour éliminer progressivement les moteurs diesel, pour éliminer progressivement la combustion du bois, et autres choses du genre, si nous voulons éliminer toutes ces substances de l'environnement. Quelqu'un devra prendre ces décisions difficiles, et dire: «Finis les moteurs diesel, finis les feu de bois», et ainsi de suite.

Êtes-vous en train de me dire qu'il faut supprimer la discrétion que permet ce projet de loi, que ce genre de chose devra être fait d'ici sept, ou cinq années? Veuillez nous expliquer votre position à ce sujet.

M. Fenge: Au sujet de votre première question, nous sommes d'avis, et je crois que c'est aussi l'avis de toutes les organisations inuit avec lesquelles je travaille depuis de nombreuses années, que les politiques gouvernementales devraient être fondées sur les lois approuvées par le Parlement. Nous comparaissons devant un certain nombre de comités parlementaires, et nous sommes tout à fait en faveur du principe de l'examen et de la surveillance parlementaire. Mais nous nous méfions, si je puis utiliser ce terme, de pouvoirs discrétionnaires excessivement larges qui seraient accordés à l'exécutif. Voilà ce que nous croyons de manière générale.

C'est ce qui explique pourquoi les ententes de règlement des revendications territoriales sont des documents largement détaillés, pas du tout comme les anciens traités numérotés du XIXe siècle qui parfois tenaient en une seule page. Notre principe a été le suivant: si quelque chose bouge, il faut l'attacher; le définir. Voilà comment nous voyons le monde.

Ceci dit, permettez-moi de réitérer ce que Mme Meakin vous a dit tout à l'heure. Nous reconnaissons certains principes liés au bon sens, qui ne sont peut-être pas définis dans le projet de loi et qui sont difficiles à définir. Nous ne cherchons pas à désindustrialiser notre société ou à prendre des décisions stupides. Bien sûr, il doit y avoir une certaine discrétion, qui doit être fondée sur le bon sens.

Le sénateur Hays: Mais n'est-il pas vrai que ce bon sens sera bon ou mauvais, utilisé ou non, quelle que soit la version du projet de loi retenue parmi les trois qui existent? Ne sera-t-il pas déterminé par le même principe? Le rôle d'un comité parlementaire est de veiller à présenter au gouvernement la meilleure loi possible en fonction des informations recueillies, comme celles que vous nous donnez aujourd'hui. Ensuite, il a la responsabilité de s'assurer que la loi est respectée, et puis, périodiquement, il y a des élections à l'occasion desquelles les députés de la Chambre des communes doivent rendre des comptes. Voilà essentiellement ce qui sous-tend les résultats que vous attendez de nous aujourd'hui.

Ce que vous voulez, c'est un environnement meilleur pour les gens du Nord, et un projet de loi qui élimine ou identifie, dans le cas des substances nouvelles, toute situation créant un problème d'accumulation, d'exposition à des produits chimiques que nous voulons éliminer de notre environnement.

M. Fenge: Je crois que de manière générale, nous sommes fondamentalement d'accord. Les organisations inuites sont d'avis que l'examen et la surveillance des parlementaires sont des principes extrêmement importants. C'est pourquoi nous disons, dans les deux dernières phrases de notre mémoire que, vu l'importance de ce dossier pour la santé des Inuits, qu'à notre avis chacun de vous aura le devoir, lorsque vous voterez, de nous expliquer pourquoi vous ne pourriez donner votre adhésion à nos recommandations concernant la quasi-élimination.

Le sénateur Hays: J'ai une dernière observation à faire, monsieur le président. Je suis en train de regarder la copie du sénateur Spivak.

Le sénateur Spivak: Elle vient du bureau du ministre.

Le sénateur Hays: Mes références à la loi se rapportaient au document du comité de la Chambre des communes, et on y dit que, en vue de la quasi-élimination d'une substance, les ministres fixent, et cetera. Il me semble que c'est la formule «en vue de», qui dérange. On veut être sûr que les choses vont se faire. Mais vous reconnaîtrez en même temps qu'il faut prévoir une certaine souplesse dans la façon de faire. La question est de savoir combien, et vous semblez penser que la version antérieure de ce projet de loi laissait moins de souplesse que celle retenue par la Chambre des communes. Je crois que je comprends votre position, et votre objectif. Je suis d'accord avec vous et on verra ce qu'il adviendra de ce projet de loi.

Mme Meakin: J'aimerais préciser encore notre position. La mise en oeuvre du principe de la quasi-élimination est importante également. Si la démarche est en place, dans les articles du projet de loi que vous êtes en train d'examiner, on insiste en revanche très peu sur la réalisation de ce but ultime. L'emphase est mise sur les étapes intermédiaires qui ont été établies. Il est évident que ce sont des amendements appuyés par l'industrie qui ont donné lieu à la modification de ces articles, non pas que cela me rende méfiante, mais ce sont les étapes intermédiaires qui me dérangent.

Le sénateur Hays: Je comprends cela. Dans des groupes comme le nôtre, nous écoutons tout le monde, y compris l'industrie, et nous essayons de trouver un juste équilibre. J'espère que c'est ce qui ressort du travail que nous faisons ici.

Le sénateur Adams: Le ministre est venu un peu plus tôt dans la semaine. Il a été mentionné que le projet de loi pourrait, si nous l'adoptons, faire interdire les tondeuses à gazon et les motoneiges. Partout dans le Nord, les gens se déplacent en motoneige. Si nous les interdisons, comment les gens du Nord se rendront-ils dans les territoires de chasse pour trouver de quoi nourrir leurs familles?

Mme Meakin: Nous sommes en faveur des solutions de rechange lorsqu'on peut en trouver. Je crois que l'industrie est capable de tout. Je crois que cela ressort clairement des progrès qu'elle a réalisés. Si nous pouvons trouver le moyen de réduire les émissions des motoneiges et des tondeuses à gazon, je crois que nous devrons encourager cela. Nous reconnaissons que les produits chimiques sont utiles et nécessaires dans le monde industriel dans lequel nous vivons.

Le sénateur Adams: Il a également été question du problème posé par la pollution des moteurs diesel. Toutes les communautés du Nord ont des génératrices diesel, et c'est le même problème. Nous devons trouver un moyen de les améliorer de manière à ne pas polluer l'atmosphère. Je sais que par certains beaux jours, j'aperçois la fumée des usines et génératrices qui fonctionnent au diesel, dans le ciel de nos communautés. Il faudra un certain temps pour changer tout cela.

Le sénateur Hays: Il y a beaucoup de vent là-haut.

Le sénateur Adams: Peut-être pourrions nous installer des éoliennes.

Le président: Je n'ai pas vu les amendements que le sénateur Adams a l'intention de proposer, mais je peux vous garantir que nous allons proposer des amendements qui porteront sur les points que vous avez soulevés. Je ne crois pas que ces amendements seront ceux que vous attendez, car je ne crois pas que le comité de la Chambre vous donnerait ce que vous voulez dans son libellé. L'article 65 parle de la réduction définitive d'une substance à des niveaux de concentration qui peuvent être mesurés. Si nous voulons obtenir la quasi-élimination d'une substance, nous ne devrions pas parler de réduction définitive, je crois que nous devrions parler de quasi-élimination définitive. L'article 65 fixe simplement les niveaux des substances qui peuvent être rejetés. Si je vous comprends bien, vous voulez l'élimination définitive, et non pas la réduction définitive fondée sur des niveaux qui peuvent être mesurés.

Je sais que les amendements qui seront proposés par mes collègues auront trait à ce que vous dites. Ce qu'il en adviendra, évidemment, dépendra de notre comité et, en fin de compte, du Sénat, mais je peux vous assurer que certains d'entre nous sommes tout à fait d'accord avec ce que vous venez de nous dire, et j'espère que les choses fonctionneront bien pour vous.

Merci beaucoup de votre présentation.

Nos prochains témoins représentent le Métis Provincial Council de la Colombie-Britannique.

Allez-y, je vous prie.

M. Jody Pierce, Métis Provincial Council of British Columbia; Ralliement national des Métis: Nous remercions votre comité d'avoir invité le Ralliement national des Métis à se présenter devant vous à l'occasion de votre examen du projet de loi C-32.

Le Ralliement national des Métis a été fondé en 1983, après la reconnaissance des Métis en tant que peuple ayant des droits ancestraux, dans la Constitution de 1982. Le Ralliement national des Métis regroupe cinq organismes de gouvernement membres: la Fédération des Métis du Manitoba; la nation des Métis de Saskatchewan; la nation des Métis d'Alberta; le Métis Provincial Council of British Columbia, ainsi que la Nation des Métis de l'Ontario.

Le conseil d'administration est constitué des dirigeants démocratiquement élus de ces organismes de gouvernement, par voie de scrutin secret. Chaque organisme de gouvernement a une structure régionale et un réseau de sections locales implantées dans les collectivités.

Le Ralliement national des Métis est l'organisation nationale qui représente le peuple métis du Canada. Selon le recensement de 1996, il y a plus de 210 000 Métis au Canada. La plupart d'entre eux vivent dans l'ouest du Canada, à la fois dans des localités éloignées et dans les centres urbains. Il existe plus de 300 communautés exclusivement métisses dans tout le pays.

Malheureusement, la personne chargée des questions d'environnement dans notre organisme, M. Morin, n'a pas pu venir ce matin. Sur la scène nationale, M. Morin a participé activement au groupe de travail sur la stratégie du Canada en matière de biotechnologie, qui est un groupe de travail ad hoc pour l'inventaire national des rejets de polluants, le Service canadien de la faune concernant les espèces en danger et l'Accord canadien sur l'harmonisation environnementale.

La nation métisse possède de riches connaissances sur les problèmes écologiques qui touchent les communautés dans tout le pays. Les Métis sont des gens pleins de ressources, qui peuvent vous fournir des renseignements historiques sur des régions géographiques spécifiques au Canada, de même que sur les conséquences des problèmes actuels pour les écosystèmes et sur le gagne-pain et le style de vie des familles métisses.

À mesure que le nombre d'organisations consacrées à l'environnement augmente sous la pression du public, les Métis font des efforts pour s'assurer d'être entendus dans tout le pays. Nous avons entrepris de protéger nos terres. Les Métis ont le devoir de contribuer aux connaissances nécessaires à la protection et à la gestion de l'environnement canadien.

Ce texte de loi reconnaît l'importance des connaissances autochtones traditionnelles dans le processus décisionnel lié à la protection de la santé environnementale et humaine. Il est essentiel de former des partenariats et de satisfaire les besoins des autochtones et des non-autochtones. Mais pour être de véritables partenaires dans la gestion environnementale, il faut donner aux Métis cette capacité.

Pour le moment, le Ralliement national des Métis n'a aucun moyen d'assurer notre participation et notre représentation aux différents aspects du renouvellement et de l'élaboration de la stratégie environnementale canadienne et d'autres processus gouvernementaux. Le gouvernement fédéral a la responsabilité fiduciaire d'accorder aux organisations des Premières nations les ressources suffisantes pour participer à ces importants processus environnementaux.

Les Métis, qui constituent un peuple autochtone reconnu dans la Constitution, doivent être pris en compte et participer aux processus de consultation et d'élaboration, sur un pied d'égalité avec les Premières nations et les Inuit. Je veux dire par là, honorables sénateurs, que les Métis ne sont pas traités équitablement. Nous devons être aussi des partenaires du Canada.

Le Ralliement national des Métis a besoin d'établir un réseau environnemental. Ce réseau aura deux fonctions principales. Ce sera un moyen de réunir, de stocker et de diffuser de l'information. Il évaluera également les ressources humaines et les besoins en gestion environnementale et coordonnera la formation des Métis afin qu'ils puissent assurer les services essentiels nécessaires pour garantir la longévité de l'environnement canadien.

Le Ralliement national des Métis propose actuellement à Environnement Canada la création d'un réseau environnemental et demande au comité de le soutenir au sujet de notre proposition de contribution aux politiques, aux lois et aux processus environnementaux.

Bon nombre des questions traitées dans ce texte de loi concernent la nation métisse. Nous vous remercions de nous donner la possibilité de présenter nos recommandations au nom du peuple Métis du Canada. Le projet de loi C-32 prévoit que les ministères établissent un Comité consultatif national composé de représentants gouvernementaux et de six représentants des gouvernements autochtones choisis sur une base régionale. La définition de «gouvernements autochtones», figurant dans le texte de loi, exclut l'organe de gouvernement des Métis. Au cours de vos premiers débats, on a reconnu que seuls environ 15 gouvernements autochtones seraient visés par cette définition et que les Métis seraient exclus.

Les Métis du Canada seront-ils suffisamment représentés au comité consultatif proposé? Compte tenu du libellé actuel, le Ralliement national des Métis se doit d'exprimer ses préoccupations à ce sujet.

Les Métis ont des expériences concrètes, des perspectives et des connaissances dont ils peuvent faire bénéficier notamment les secteurs des mines, de la foresterie, de l'agriculture et de la santé. Même si un nombre croissant de Métis vivent dans des centres urbains, la majorité continue de vivre dans le Nord et dans les régions rurales.

Il y a 30 ou 40 ans, les Métis étaient autosuffisants. Beaucoup d'entre eux ne dépendaient pas de programmes gouvernementaux pour leur survie. Ils gagnaient leur vie à même les ressources de la terre: foresterie, chasse, piégeage, guidage, exploitation minière et collecte traditionnelle des baies et des herbes médicinales. Mais les projets de développement économique s'intensifient, et c'est l'industrie qui extrait les ressources, au détriment de la terre et de l'environnement.

L'intensification de la production industrielle s'accompagne d'une augmentation des polluants. Il n'y a presque plus de poisson dans le fleuve Fraser. On peut toujours pêcher le long de la côte du Lower Mainland où le saumon était abondant autrefois, mais où il n'en reste presque plus. Il est difficile de gagner sa vie de cette façon.

Je pourrais nommer un certain nombre de projets qui affectent nos terres et nos communautés. Il y a les projets de gaz et de pétrole dans le nord-est de la Colombie-Britannique, les projets d'entreposage de déchets nucléaires en Saskatchewan et les déchets nucléaires près du Lac des Esclaves, qui se retrouvent également dans le Petit Lac des Esclaves. Les anciens me disent qu'ils ne mangent plus le poisson de ces lacs car ils craignent les polluants qui y sont déversés.

À cause d'une mauvaise gestion de l'environnement, les modes de vie transitionnels sont perturbés, ce qui engendre la pauvreté. Nous sommes à la croisée des chemins; nous devons changer notre rapport à l'environnement et la façon dont nous abordons le développement. Le Ralliement national des Métis croit que nous pouvons jouer un rôle majeur dans ce changement

La définition des «terres autochtones» préoccupe également le Ralliement national des Métis. Les règlements associés à ce projet de loi s'appliquent aux terres autochtones. La définition de terres autochtones comprend les réserves, les terres cédées relevant de la Loi sur les Indiens, ainsi que les terres faisant l'objet d'ententes sur les revendications territoriales globales ou spécifiques ou à d'ententes sur l'autonomie gouvernementale.

Rien n'est prévu pour nous, les Métis, pour tenir compte de nos aspirations, de nos revendications territoriales et des questions d'autonomie gouvernementale. Le projet de loi exclut les terres traditionnelles des Métis. Le Ralliement national des Métis croit que le peuple et les communautés Métis sont des intervenants clés et doivent être représentés et participer à ces questions.

Nous vous remercions de la possibilité qui nous est donnée de vous parler aujourd'hui. Nous aimerions conclure par des recommandations précises. Nous recommandons que le gouvernement du Canada assure notre participation au projet national d'harmonisation en matière d'environnemental, dans un contexte de nation à nation, en insistant sur le principe de partenariat. Nous recommandons que le comité consultatif national proposé soit restructuré pour assurer une participation adéquate des Métis; que le gouvernement du Canada fournisse les ressources nécessaires pour établir le réseau environnemental du Ralliement national des Métis, qui permettra notre participation utile aux processus environnementaux. Nous recommandons également que les Métis soient dotés des ressources nécessaires pour renforcer leur capacité en matière de protection environnementale, notamment la formation dans les domaines des urgences environnementales, de la surveillance, des essais, de l'analyse et de l'exécution de la loi. De plus, nous recommandons que les accords négociés entre le gouvernement du Canada et les Métis comprennent des dispositions visant à établir des régimes de protection environnementale et accordent les pouvoirs et les ressources suffisantes pour la mise en oeuvre de certains régimes lorsque les Métis veulent assurer la protection environnementale de leurs terres, en particulier les sites d'enfouissement des déchets nucléaires dans le nord-ouest de la Saskatchewan.

Il n'existe pas de programme global de gestion environnementale dans le contexte des ententes de revendication territoriale et d'autonomie gouvernementale pour les Métis. Nous voulons pouvoir travailler en tant que partenaires à part entière à la coordination des points de vue et des régimes de gestion environnementale.

M. Bob Stevenson, conseiller, Espèces menacées d'extinction et récolte, Rallliement national des Métis: Comme les sénateurs Adams et Chalifoux le sauront, puisque je les connais depuis de nombreuses années, je ne travaille pas seulement avec le Ralliement national des Métis sur des questions environnementales et autres, mais également avec le comité des chasseurs et pêcheurs de l'Assemblée des Premières nations et, de temps à autres, avec les Inuits sur des questions de piégeage, etc. Nous nous sommes rencontrés maintes fois à diverses réunions. Je suis heureux de les voir ici.

Les Métis devraient être considérés à égalité avec les Inuits. Nous ne sommes pas reconnus comme une première nation ayant une assise territoriale, et nous ne sommes pas reconnus non plus dans de nombreux domaines, y compris l'environnement. La plupart des peuples autochtones essaient de travailler avec tout le monde. Beaucoup d'entre nous montrent que tous les pays du monde sont importants pour nous en portant un macaron aux couleurs jaune, noir, rouge et blanc. Comme vous le savez, le Canada est composé de gens qui viennent de tous les pays du monde. Il est important que nous fassions bien comprendre au gouvernement que l'on ne doit pas nous exclure, car nous essayons de collaborer avec tout le monde en ce qui concerne la protection environnementale.

La question de l'inclusion dans ce projet de loi de ce que l'on appelle les connaissances autochtones traditionnelles me préoccupe. Il semble que les connaissances scientifiques soient le seul type de savoir reconnu dans de nombreuses tribunes, même si l'on constate quelques progrès.

Je fais également partie du Secrétariat des peuples autochtones de la Convention sur la biodiversité, que dirige Environnement Canada. Il renferme une composante autochtone, et de nombreux groupes autochtones y travaillent.

La semaine dernière, on m'a demandé de présider une réunion d'environ 30 peuples autochtones de tout le pays au sujet de la Loi sur les espèces en voie de disparition. Cette réunion a eu lieu au centre d'accueil ici à Ottawa.

Comme les sénateurs Adams et Chalifoux le savent, je défends depuis longtemps les trappeurs autochtones, l'industrie de la fourrure, etc. Je travaille dans ce domaine depuis 13 ou 14 ans.

Je travaille beaucoup avec les écoles et j'enseigne un cours de connaissances pratiques qui comprend l'enseignement sur le terrain, la sensibilisation aux autochtones, la survie dans les bois et les questions d'environnement autochtone. J'enseigne ces sujets dans une perspective métisse et autochtone.

Je ne saurais assez souligner mes préoccupations au sujet des trappeurs autochtones.

J'entends beaucoup parler de déchets nucléaires. Cette question nous inquiète beaucoup. Elle fait partie des négociations entamées par les Métis de la Saskatchewan en vue d'obtenir une assise territoriale. Les seules communautés métisses foncières reconnues se trouvent actuellement en Alberta, mais elles ne sont pas reconnues par le fédéral. J'aimerais qu'elles finissent par l'être. Elles sont assimilées à des réserves, mais se sont des établissements métis.

Ces personnes ont assisté à la réunion sur les espèces en voie de disparition et veulent participer et contribuer davantage dès le début. Même les établissements métis, qui sont reconnus au niveau provincial, ont eu de la difficulté à se faire entendre en ce qui concerne les questions environnementales.

Le sénateur Chalifoux: Je vous remercie de votre présence. Je suis heureuse de vous voir ici, car je connais le travail que vous faites depuis des années sur les questions environnementales.

J'aimerais avoir votre opinion, monsieur Pierce, sur le contenu de ce texte de loi, ce que vous aimeriez ajouter et ce qui a été omis.

M. Pierce: Je ne suis pas un expert législatif, mais je pense que nous devons revenir à l'essentiel en ce qui concerne les effets sur notre peuple. Je vous donnerai simplement des exemples.

Kelly Lake est la plus ancienne communauté métisse en Colombie-Britannique. Lorsqu'elle a été établie, des gens du gouvernement sont venus installer des conduits d'égout directement dans le lac. Aujourd'hui, il n'y a plus de poisson.

C'est le genre de problème dont je veux parler. Nous devons être consultés et nous devons faire partie du processus, si nous voulons changer les choses.

Je ne peux que m'en tenir à l'essentiel. Il y a certainement de nombreux domaines visés par la loi pour lesquels les membres de nos communautés pourraient participer et être utiles, en partenariat avec le Canada, pour que cette loi soit bonne et positive.

Le sénateur Chalifoux: L'article 3(1) du projet de loi se lit comme suit:

gouvernement autochtone: l'organe dirigeant constitué ou fonctionnant sous le régime de tout accord conclu entre Sa Majesté du chef du Canada et un peuple autochtone et ayant le pouvoir d'édicter des règles de droit portant sur

a) la protection de l'environnement ou

b) pour l'application de la section 5 de la partie 7, sur l'immatriculation des véhicules ou moteurs

Il définit ensuite les «terres autochtones».

J'aimerais avoir votre opinion. Dans quelle mesure ce libellé inclut-il les Métis?

M. Stevenson: Comme vous le savez, ce projet de loi est très long, et c'est un des sujets de préoccupation que nous avons soulignés.

Comme nous l'avons dit pour les processus de revendication territoriale, cela n'inclut pas les Métis, même ceux de l'Alberta où il existe des communautés. J'aimerais que le mot «Métis» soit inclus. Cela a pris de nombreuses années, mais nous figurons maintenant dans la Constitution, et les Métis sont reconnus comme un peuple autochtone.

Je pense que des négociations de revendication territoriale devraient être engagées dans les diverses communautés, villes ou régions adjacentes pour les Métis. C'est ce que j'ai voulu dire lorsque j'ai parlé d'assise territoriale pour les Métis. Ils doivent être mentionnés précisément. Chaque fois que l'on inclut un Indien ou un Inuit, il faut que cela s'applique aux Métis également.

Le comité que nous avons mentionné, dirigé par Alan Morin, n'a pas reçu les ressources suffisantes pour lui permettre d'examiner un projet de loi comme celui-ci ni aucun autre texte élaboré par le gouvernement du Canada, comme celui sur les espèces en voie de disparition. Nous avons eu un peu d'argent pour tenir une réunion rapide afin de travailler sur certaines de ces questions. Ils appellent cela une consultation. Nous voulons être vraiment consultés, comme le sont les Premières nations.

J'ai lu la présentation que Phil Fontaine a faite l'an dernier. Bon nombre des sujets qui préoccupent les Premières nations préoccupent également les Métis.

Pour ce qui est de la définition de «terres autochtones», je pense en effet que les Métis devraient être inclus.

M. Pierce: J'aimerais parler des «terres autochtones». À mon avis, cette définition ne comprend pas les Métis. Elle ne prévoit certainement pas le processus nécessaire pour régler ces questions. Notre peuple est souvent exclus. Lorsque l'on parle des Inuits, des Métis et des Premières nations, il me semble que bien souvent, le troisième partenaire, les Métis, sont traités comme des gens du Tiers-monde ou même des extraterrestres. Nous ne faisons pas partie du processus. Nous sommes inclus dans la définition, mais sommes-nous réellement consultés ou sommes-nous réellement engagés dans le processus?

Nous avons parlé du milliard de dollars accordé aux communautés des Premières nations, ce qui est tout à fait normal, mais la vraie question est celle des 9 millions de dollars accordés aux Métis et aux personnes hors-réserve et non inscrites. Ces autres partenaires ne sont pas consultés. Lorsqu'on parle de terres, comme je l'ai dit dans ma présentation, rien n'est prévu pour notre participation.

M. Stevenson: Je suis heureux que les Inuits et les Premières nations soient inclus dans le projet de loi. Ne vous méprenez pas, nous louons le gouvernement de les avoir inclus. Tout ce que nous voulons, c'est d'y figurer aussi. L'article sur les gouvernements autochtones devrait également être modifié. Que veut-il dire?

Comme nous l'avons dit, ceux d'entre nous qui vivent dans les provinces qui dépendent du Ralliement national des Métis sont tous élus. En Alberta il y aura bientôt une élection. Il s'agit d'un système par boîtes de scrutin. Nous aimons nous vanter de temps à autre d'avoir maintenant un processus électoral. Il y a des années, nous avions seulement la possibilité d'avoir une petite délégation de gens qui se rendait à Ottawa ou ailleurs pour revendiquer nos droits. Maintenant, nous pouvons élire nos représentants.

Le sénateur Adams: Je suis heureux de voir mon ami Bob Stevenson ici aujourd'hui.

Je me souviens du temps où l'on parlait du gazoduc et de l'exploration dans le Haut Arctique et l'Arctique de l'Ouest. À l'époque, le gouvernement n'avait pas de politique sur la pollution pour les Inuits. Cela leur était pourtant nécessaire au début car ils s'inquiétaient des dommages causés à leurs terres. M. Stevenson et moi-même avons participé à ce processus et à celui sur le gouvernement territorial et nous avons parlé avec toutes les entreprises en cause. Nous ne pouvions rien faire sans le gouvernement. Tom Berger a lancé le processus au cours des audiences sur le pipeline du Mackenzie.

Des gens sont venus dans nos collectivités pour dire que l'on allait construire des gazoducs jusque dans le Haut Arctique.

Les tuyaux étaient de 48 pouces de diamètre. On leur a demandé comment ils allaient s'y prendre. Ils ont dit qu'ils avaient un gazoduc qui traversait le Canada d'est en ouest. Nous leur avons dit que notre terre n'était pas la même qu'ailleurs. Nous leur avons demandé s'ils allaient le placer en sous-sol ou en surface. Ils nous ont répondu qu'ils avaient la technologie nécessaire et qu'il n'y avait pas de risque de rejet et ainsi de suite. Mais notre terre n'est pas la même qu'ailleurs. Nous le savons car c'est là où nous vivons.

Nous avons demandé comment ils prévoyaient de traverser les îles et la mer. Ils nous ont dit qu'ils avaient la technologie nécessaire. Nous leur avons posé des questions sur les phoques, les poissons et les baleines. On a commencé alors à se rendre compte que le gouvernement n'avait pas de politique. Ce sont nos préoccupations qui ont permis de lancer le processus.

Nous avons tiré des leçons de la situation en Alaska. À l'époque, la plupart des gens ne se préoccupaient pas des Inuits et des Indiens qui habitaient en Alaska. Les travaux ont commencé pendant l'été, avec les bulldozers et tout l'équipement, jusqu'à Prudhoe Bay et la mer de Beaufort, en brisant la couche supérieure du sol. Deux ans plus tard, tout est remonté par la rivière.

Nous sommes inquiéts pour l'environnement. Je me rappelle des propositions de pipeline dans la vallée du Mackenzie. Les Dénés ont fait du bon travail, et Tom Berger a réussi à retarder le projet pendant dix ans. On prévoyait de construire une ligne de chemin de fer et d'amener le gaz vers le Sud ou même de le transporter par ballon. Les gens des collectivités ont dit que c'était dangereux.

M. Stevenson: Le pipeline est un bon exemple. J'étais vice-président des Métis dans les Territoires du Nord-Ouest, et je suis finalement devenu président avant de m'installer ici il y a 15 ans.

Le sénateur Adams donne un bon exemple. Nous savons tous comment ces compagnies minières et d'autres s'installaient et ne consultaient pas les peuples autochtones du Nord. Bon nombre d'entre elles ont fermé les mines et sont parties. On découvre maintenant que les autochtones meurent de la pollution laissée par ces entreprises. Pine Point et Uranium City en sont de bons exemples. Ils sont venus et sont repartis sans faire participer les autochtones de la région.

Nous disons simplement que nous voulons travailler avec tous ceux qui viennent travailler dans cette région pour mettre en place un processus approprié, qui sera utile à tous.

Le sénateur Adams: Vous avez raison. Les compagnies minières ont laissé beaucoup de matériel, y compris des barils. Cela doit être pris en compte dans le projet de loi C-32, tout comme la façon dont ces régions seront nettoyées. Les gens du Nord ont dit qu'il était impossible de forer dans le Haut Arctique pendant l'été et, finalement, le gouvernement fédéral a adopté un règlement interdisant l'exploration l'été en raison des dommages causés à la terre. Les gens du Nord comprennent ces choses.

Le sénateur Hays: Je trouve intéressant d'entendre le sénateur Adams nous rafraîchir la mémoire au sujet de l'étude sur le gaz dans l'Arctique canadien et l'abandon du projet de la vallée du Mackenzie. Je suppose que les prix du gaz naturel étant de nouveau à 3$ et bientôt à 5$, nous pourrions avoir un autre problème du même genre avec ce gaz polaire.

C'est un exemple intéressant en raison du résultat final. Ce projet était probablement autant de nature économique qu'autre chose, mais finalement rien ne s'est produit. Nous avons la ligne sud de Norman Wells pour le pétrole, mais aucune autre activité industrielle.

On avait alors bien réussi à cerner les problèmes, et la contribution des Inuits et des autres communautés autochtones a joué un rôle important à cet égard. Espérons que nous n'allons pas oublier tout ce que nous avons fait à l'époque.

J'aimerais maintenant vous demander si vous souhaitez que le Ralliement national des Métis, ou l'équivalent dans chacune des provinces, joue un rôle au comité consultatif national, par exemple. Si les Métis avaient une entente, ils deviendraient un gouvernement autochtone, et dans la province de l'Alberta, ils pourraient voter par le biais de représentants autochtones au conseil consultatif national. Si c'était le cas dans chaque province, ce serait un moyen de procéder.

L'autre moyen serait de suivre l'exemple des Inuits qui ont un représentant élu par tous les Inuits. Ils sont donc assurés d'une contribution. Si les Métis avaient des gouvernements autochtones dans chacune des cinq régions, même s'ils n'étaient pas assurés d'une place à la table, ils pourraient au moins contribuer à désigner les membres qui y siégeraient, ce qui tiendrait compte des intérêts des entités métisses. Il faudrait qu'il y ait une entente et qu'il y ait un rôle environnemental à jouer. Je comprends cela. Autrement dit, ce n'est pas seulement un gouvernement autochtone, mais un gouvernement autochtone ayant fait l'objet d'une entente, qui a le pouvoir d'édicter des règles de droit portant sur la protection de l'environnement.

Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. Pierce: D'abord, le Ralliement national des Métis est le seul représentant légitime des Métis du Canada. Selon moi, puisque nous avons un processus électoral en place, les Métis peuvent voter et peuvent donc désigner leurs dirigeants.

En ce qui concerne les établissements, je ne vois pas de problème dans un partenariat avec les établissements sur le territoire qui les touche.

Notre président national est Gerald Morin. Nous avons un processus démocratique. Qu'il s'agisse de région à région ou de province à province, nous pouvons nous exprimer à la table nationale. Les rapports nous reviennent et les affiliées savent ce qui se passe sur cette question.

Nous estimons que le Ralliement national des Métis devrait siéger à cette table, tout comme le Inuit Tapirisat du Canada.

Le sénateur Hays: Il me semble évident que les Métis sont suffisamment assimilables à une Première nation pour que votre argument soit convaincant. Je ne suis pas sûr que vous ayez suffisamment défini le mécanisme pour que je le comprenne bien. Cela pourrait se faire dans cette structure ou en ajoutant autre chose. Merci de vos commentaires.

M. Pierce: Pour les détails techniques, nous avons besoin d'un processus pour ouvrir le dialogue.

Le sénateur Hays: Tout ceci est lié. Les membres du comité ont un rôle environnemental à jouer dans le contexte de la gouvernance. Vous avez décrit le conseil. Je connais l'établissement d'après la description du sénateur Chalifoux. Cela pourrait être plus proche d'une entité ayant ou pouvant avoir un aspect environnemental de façon à s'intégrer dans les catégories qui sont visées maintenant par la loi. Je ne crois pas que vous ayez indiqué si l'organisation nationale ou les associations provinciales ou régionales participent déjà.

J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet. Pensez-vous que c'est un critère important? C'est le critère de participation au conseil consultatif national pour tous les autres autochtones. Pensez-vous que ce devrait être le même pour les Métis? Si cela n'existe pas actuellement, il faudrait le créer. C'est possible.

M. Stevenson: Nous avons un président chargé des questions environnementales et qui assiste à de nombreuses réunions dans le monde entier, au nom des Métis, pour parler de questions nationales et internationales. Le problème est que le Ralliement national des Métis n'a pas les fonds nécessaires pour établir un comité de représentants en environnement de chaque province.

C'est la façon dont les Premières nations sont organisées. Leur chef national et leurs chefs régionaux participent au sein de leur structure. Le Ralliement national des Métis a le même type de structure, mais le problème tient au financement. Comme vous le savez, le ministère des Affaires indiennes est là pour les Indiens mais pas pour les Métis. L'interlocuteur des Métis n'a pas d'argent. Le gouvernement canadien doit assumer une plus grande responsabilité dans l'octroi des fonds, puisque les Métis sont reconnus dans la Constitution, tout comme les Inuits et les Premières nations.

M. Pierce: Je sais ce que nous aimerions. J'ai parlé brièvement de ce qui touche la région que je représente en Colombie-Britannique. Les problèmes seraient différents pour d'autres représentants dans des provinces différentes.

Nous aimerions siéger au comité, cinq membres du Ralliement national des Métis représentant chacune des provinces siégeant à cette table.

Le sénateur Hays: Tous les autres gouvernements autochtones n'ont qu'une demi douzaine de représentants. Je me demande quel serait le rapport. Il faudrait préciser les détails. Le comité doit être de taille réaliste et refléter réellement son mandat, qui est de protéger les intérêts provinciaux, en tenant particulièrement compte des gouvernements autochtones. C'est prévu dans le projet de loi, mais les Métis ne sont pas représentés autrement que par le biais de leurs gouvernements provinciaux. Théoriquement, vous avez le même droit de participer que n'importe quel citoyen d'une région.

Vous n'êtes pas d'accord et vous dites que vous devez vous placer du côté des autochtones puisque vous êtes autochtones. Admettons, mais ce serait peut-être beaucoup demander que d'avoir cinq représentants régionaux à ce comité. C'est peut-être ce qui arrivera. Je ne connais pas les populations relatives en cause.

Il me semble que toute personne qui siège à ce comité, qu'il s'agisse d'un représentant provincial nommé par les régions ou d'un représentant autochtone, doit venir d'une entité dont les responsabilités juridiques comprennent la protection de l'environnement et qui détient le pouvoir de faire quelque chose à ce sujet. Cette exigence doit être satisfaite d'une façon ou d'une autre avant qu'un Métis puisse siéger à cette table.

Le président: Accepteriez-vous un siège à la table?

M. Pierce: Le sénateur Hays a parlé des gens qui peuvent siéger au comité et combien ils pourraient être. Nous parlons ici d'équité. Le Ralliement national des Métis doit pouvoir s'exprimer à cette table. Qu'il s'agisse de 15 ou de 20 personnes, il nous faut un processus où l'on puisse établir des partenariats et atteindre des objectifs.

Le sénateur Nolin: Soyons pratiques. À la page 12, l'alinéa 6(2)c) comprend une liste de six régions ou groupes qui enverront des représentants à ce comité national. Seriez-vous d'accord pour modifier le projet de loi et ajouter un septième alinéa, parallèle aux six premiers, traitant seulement des Métis? On aurait ainsi un représentant de tous les gouvernements autochtones métis.

La question est la suivante: vous considérez-vous comme un gouvernement? Je suis sûr que la réponse est oui.

Le projet de loi vous considère-t-il comme un gouvernement? Le projet de loi peut apporter une solution à ce petit problème.

À la même page, le paragraphe 6(3) se lit comme suit:

Si aucun gouvernement autochtone inuit n'est constitué ou aucun gouvernement autochtone n'est constitué dans l'une des régions visées aux sous-alinéas...

Nous pourrions ajouter ici «ou gouvernement autochtone métis». On pourrait ensuite rédiger un règlement pour décrire comment votre représentant serait nommé. Si nous sommes d'accord, le comité peut le faire.

Le sénateur Taylor: Je ne suis pas sûr que les Métis le souhaitent.

Le sénateur Nolin: C'est pourquoi je pose la question. Est-ce une solution?

M. Stevenson: Cela nous aiderait car on airait un projet de loi que les gouvernements provinciaux devraient respecter, du moins nous l'espérons.

Le sénateur Nolin: Ils ont déjà parlé de cette question avec le gouvernement fédéral au moment de préparer la loi.

M. Stevenson: Pas nous.

Le sénateur Nolin: Il vaut mieux un que pas du tout, n'est-ce pas?

M. Stevenson: Nous sommes très prudents en ce qui concerne la façon dont les gouvernements provinciaux traitent les autochtones en général, y compris les Métis, pour toutes sortes de choses. Ils veulent nous contrôler. Ils veulent nous inclure avec les nouveaux arrivants. Dans les nombreuses tribunes auxquelles nous assistons, nous essayons de changer cette situation, comme nous essayons de le faire avec ce projet de loi. Nous essayons de changer les lois ou d'influencer les gens qui font les lois pour pouvoir être inclus.

M. Pierce: Je pense que nous pourrions l'accepter, à condition d'avoir les ressources nécessaires pour créer le réseau environnemental. Actuellement, nous n'avons pas du tout cette capacité.

En ce qui concerne les termes «gouvernements autochtones», je veux être sûr que cela n'est pas exclusif, que cela ne dit pas que nous ne sommes pas un gouvernement. L'article 6 ou l'article 3 mettrait en place un processus qui nous permettrait de participer.

Le sénateur Nolin: C'est à vous de décider. Cela répondrait-il à votre seconde recommandation?

M. Pierce: Oui.

M. Stevenson: Ce serait un bon début, oui.

Le sénateur Nolin: Nous allons y travailler.

Le sénateur Chalifoux: Lundi, j'ai demandé aux responsables ministériels quelle était la définition de «autochtone». On m'a dit que l'on avait utilisé la définition de la Constitution, mais ils ne sont pas allés assez loin et je les ai contestés là-dessus. Dans la Constitution, autochtone signifie trois nations séparées et distinctes d'autochtones: les Premières nations, les Inuits et les Métis.

Si cette définition avait identifié les trois nations autochtones, tout ceci serait inutile, mais ce n'est pas le cas, et c'est pourquoi cette question est si importante. Le Ralliement national des Métis a été établi après l'adoption de la Constitution, car dans la Constitution, nous étions reconnus comme une nation autochtone. M. Pierce a raison de dire que le Ralliement national des Métis est notre gouvernement. C'est ainsi que nous le considérons. Nous devons être inclus en vertu de l'article 35 de la Loi sur les Indiens.

En ce qui concerne l'environnement, M. Pierce a dit qu'ils avaient un haut fonctionnaire métis au portefeuille de l'environnement, mais pas de ressources. Nous devons aborder cette question des ressources.

L'article 44 du projet de loi parle des ressources. On y précise que le ministre doit -- et non peut -- «constituer et exploiter un réseau de contrôle de la qualité de l'environnement». C'est peut-être là où l'on peut trouver les ressources.

Les Métis sont vraiment le Tiers-monde de ce pays. Pour régler cette question, nous devons fournir des ressources. J'aimerais que les sénateurs du comité étudient cela très attentivement. S'il y a des gens dont il faut tenir compte, ce sont les Métis. Comme je l'ai dit hier, la majorité d'entre nous vit dans le corridor du Canada médian. On se préoccupe du sud et du nord de ce pays, mais la majorité des Métis qui vivent dans le Canada médian sont ignorés. Nous devons inclure tous les Canadiens autochtones, et c'est peut-être une façon de trouver le financement nécessaire.

Le sénateur Spivak: L'article 44(2) se lit comme suit:

le ministre peut collaborer, pour la constitution du réseau visé à l'alinéa (1)a) avec... ou les personnes ayant établi ou projetant d'établir un tel réseau;

Et ce système est un système de surveillance de la qualité de l'environnement. Est-ce l'article auquel vous pensiez, sénateur Chalifoux?

Le sénateur Chalifoux: Oui.

Le président: Le financement sera toujours à la discrétion du ministre. Le comité ne peut rien faire à ce sujet. Il serait logique de vous inclure comme vous l'avez demandé. Je pense que nous vous soutiendrions ici en vue d'un amendement de ce genre, mais le financement est bien entendu de nature discrétionnaire. Mais une fois que vous auriez le pied dans la porte, vous auriez plus de possibilités.

Le sénateur Chalifoux: C'est pourquoi j'ai souligné cette partie du projet de loi.

Le sénateur Nolin: Lorsqu'un ministre parle de son Budget des dépenses principal, vous pouvez demander pourquoi il n'y a pas de fonds prévus pour des groupes particuliers.

Le président: Vous semblez avoir un soutien autour de cette table.

M. Pierce: On met souvent en place des processus qui ne comportent pas de mécanisme réel de participation. Nous voulons être inclus comme partenaires. Nous ne voulons pas être là comme un emblème pour que l'on puisse dire que les Métis sont présents, en oubliant le vrai travail à faire. Pour bien travailler, nous devons être des partenaires à égalité et disposer des ressources qui nous permettent de faire du bon travail.

Le président: Vous devez être des participants à part entière.

Le sénateur Taylor: J'aimerais aborder quelques autres sujets.

En ce qui concerne votre idée d'ajouter les Métis dans une autre catégorie, vous devriez peut-être bien vérifier auprès des Métis. Actuellement, c'est une représentation par région géographique. Vous pourriez avoir de la difficulté à Terre-Neuve, à l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse, mais je pense que vous seriez en bonne position au Québec et peut-être en Ontario. En Saskatchewan et en Alberta, vous n'auriez aucune difficulté, de même qu'en Colombie-Britannique et au Yukon. Je ferais très attention de ne pas accepter un seul siège, car si vous êtes regroupés avec les autres gouvernements, vous obtiendriez peut-être trois sièges au conseil. N'abandonnez pas vos droits de négociation maintenant.

Le sénateur Spivak: Comment en arrivez-vous là?

Le sénateur Taylor: Ils seraient inclus comme un peuple autochtone et dans deux ou trois de ces régions, ils pourraient dominer le vote. Tout ce que je dis, c'est qu'il faut faire très attention avant de regarder la bouche d'un cheval donné. Celui-ci est un vrai cadeau.

Je connais assez bien le Ralliement national des Métis. J'ai l'impression qu'il ne veut pas se limiter au Canada médian ou de l'ouest. Le sénateur Spivak se rappellera que nous avons rencontré une organisation métisse à Timmins, en Ontario, au sujet du bois. Ils ont des droits légitimes. Il y a un groupe métis au Québec qui a des droits très légitimes. Je pense que l'on aurait affaire à une organisation métisse nationale. Le nom «Métis» est un nom de l'Ouest qui l'emportera. Ici, on utilise plutôt le terme «sang-mêlé».

Puisque nous parlons de gouvernements nationaux, j'aimerais savoir si vous envisagez un Ralliement national des Métis recouvrant tout le Canada plutôt que, oserais-je dire, de Winnipeg à Vancouver.

M. Pierce: En ce qui concerne vos premières observations sur les sièges, je crois profondément qu'il y a trois peuples autochtones au Canada et trois gouvernements autochtones.

Le Ralliement national des Métis est démocratiquement élu par scrutin. Au début de l'été, nous nous sommes rencontrés au Québec où la population métisse a besoin de notre attention.

Le sénateur Taylor: Qu'en est-il au Nouveau-Brunswick?

M. Pierce: Certainement, le Ralliement national des Métis, grâce aux élections, représente la terre d'origine des Métis.

Le sénateur Taylor: Travaillez-vous à cette idée?

M. Pierce: Oui.

M. Stevenson: Vous dites que cela vient de l'Ouest, de Winnipeg, mais en fait cela vient de l'ouest de l'Ontario. La nation métis de l'Ontario n'a été créée qu'il y a quelques années. Comme M. Pierce le dit, tout ceci a commencé dans l'Ouest il y a de nombreuses années et se propage dans le reste du pays.

Le sénateur Taylor: Le préambule du projet de loi comporte 14 «attendus» et quatre d'entre eux mentionnent les peuples autochtones. C'est équitable. Je pense que le gouvernement est sur la bonne voie.

Le sixième «attendu», en haut de la page 2, se lit comme suit:

Attendu que le gouvernement du Canada reconnaît que tous les gouvernements du Canada...

C'est un petit «g», de sorte que cela reconnaîtrait le gouvernement métis. On dit tous les gouvernements. Cela comprend même les gouvernements municipaux. Comme le sénateur Nolin l'a dit ce matin lorsqu'il parlait de la décision du Québec, ce projet de loi n'est pas exécutoire. Il fixe un cadre dans lequel on peut travailler, et la Constitution est telle que vous devez travailler avec d'autres gouvernements, en particulier les autorités municipales. C'est ce que l'on mentionne, et je pense que les Métis seraient inclus.

En dessous, on reconnaît l'importance de collaborer avec les provinces, les territoires et les autochtones. Là encore, en lettres minuscules ont dit les «autochtones». On ne dit pas «Inuits» ou «Premières nations» ou «Métis», on dit «autochtones». Compte tenu de la tradition des Métis qui vivent aussi près de l'environnement et de la terre que possible, le gouvernement aurait bien tort de ne pas établir des relations très étroites avec eux.

Un peu plus bas, et je pense que c'est assez important, en particulier pour des gens comme M. Stevenson, on dit:

Reconnaît le rôle naturel de la science et le rôle des connaissances autochtones traditionnelles...

Comme vous le savez, il n'y a rien de pire qu'un surdiplômé qui vient expliquer aux trappeurs ce qu'est la faune. Vous avez là l'occasion de vous faire entendre. Vous avez des choses à dire qui ne viennent pas du ministre responsable de la faune et des bureaucrates, et je ne dis pas que les bureaucrates sont inutiles, car nous avons besoin d'eux.

Le deuxième «attendu» de cette page se lit comme suit:

Est déterminé à faire en sorte que les opérations et activités sur le territoire domanial et les terres autochtones...

Je pense qu'il y a un problème ici. Je ne suis pas sûr de la définition de terres autochtones. C'est un sujet important sur lequel je pourrais être d'accord avec le sénateur Nolin et quelques autres. Je pense que la définition de terres autochtones est plutôt vague. Les terres métis sont reconnues comme des terres autochtones en Alberta. Est-ce que cela peut être transféré? Je ne suis pas avocat, mais il y a suffisamment de gens autour de cette table qui sont avocats ou qui ont des avocats dans leur famille qui pourraient vouloir faire de l'argent en essayant de prouver devant les tribunaux que les terres métisses sont des terres autochtones.

Cette partie du projet de loi incorpore précisément des gens comme vous et M. Stevenson dans le processus décisionnel.

M. Stevenson: Vous avez parlé des «attendus» du préambule, mais nous aimerions que cela figure dans la loi elle-même.

Le sénateur Spivak: Je regarde cette belle solution que le sénateur Taylor a présentée, selon laquelle les Métis pourraient avoir trois représentants au comité. Si vous regardez l'article 2.2 de la page 12, vous verrez qu'il dit ceci:

le représentant de gouvernements autochtones est choisi par le gouvernement autochtone qu'il représente.

Cela veut-il dire qu'un gouvernement autochtone est un gouvernement qui a été établi par traité avec le gouvernement?

Le président: C'est défini dans l'article 3. Le sénateur Hays en a déjà parlé.

Le sénateur Spivak: Il faut donc qu'il y ait une entente, c'est-à-dire un traité. Je me demande si en vertu de l'article 2.2, vous pourriez être choisi comme représentant avant d'avoir une entente. On dit:

Sous réserve du paragraphe (3), le représentant des gouvernements autochtones est choisi par ces gouvernements...

Si l'on regarde la définition de «gouvernement autochtone», il faut qu'il y ait eu une entente.

Le président: Il faudrait modifier l'article 3 pour que «gouvernement autochtone» comprenne le gouvernement métis.

Le sénateur Spivak: C'est bien mon avis. Ce n'est pas aussi simple que ce qu'a dit le sénateur Taylor.

Le président: Cela implique un autre amendement.

Le sénateur Taylor: Je ne parlais pas ex cathedra. Je lançais simplement une idée.

Le sénateur Spivak: L'idée doit être réaliste et viable avant que nous puissions l'accepter. Ce n'est pas un point majeur quant à moi, et j'aimerais poser une question qui n'est pas directement liée au projet de loi, si vous le permettez.

M. Stevenson est trappeur. Le sénateur Taylor et moi-même nous nous sommes rendus au lac Mistassini. Nous avons entendu des histoires plutôt tristes au sujet de la dévastation de ces terres de piégeage. La même chose se produit également dans ma province. Pourriez-vous nous parler de la situation du piégeage?

M. Stevenson: À moins que vous ne connaissiez un trappeur -- et puissiez prouver qu'il est à l'origine de votre manteau de fourrure, n'achetez pas de manteau de fourrure. C'est tout ce que j'ai à dire.

En ce qui concerne les terres, vous avez raison. De nombreuses régions et de nombreux trappeurs du Nord ont été très affectés par les dommages environnementaux causés par les centrales électriques et autres installations industrielles.

Nous avons parlé du pipeline de la vallée du Mackenzie. À la suite du moratoire de 10 ans dans cette région, les compagnies pétrolières sont venues consulter les organisations autochtones, les Dénés et les Métis, et ont commencé à négocier une collaboration pour la construction du pipeline. Je continue à me vanter d'avoir participé à ce processus, ainsi que George Erasmus et Jim Burke.

Nous avons pu négocier avec les compagnies pétrolières pour que personne ne soit engagé dans le cadre de ce projet à moins d'être passé par un bureau établi par les Métis, les Dénés et par Esso. La première personne choisie a été un Métis. On l'a installé dans un bureau à Norman Wells. Toute contractant ou sous-traitant avec Esso devait passer par notre bureau pour être engagé, quelle que soit sa provenance. C'est un exemple où la collaboration peut donner de bons résultats.

Autre exemple, les trappeurs eux-mêmes ont été désignés comme agents de surveillance. Si une compagnie arrivait avec un bulldozer pour travailler sur le pipeline, le trappeur avait l'autorité d'arrêter les travaux. Il ne se contentait pas de se plaindre, comme nous le faisons maintenant.

Nous aimons dire que nous, les trappeurs, sommes les antennes de cette terre. Nous vivons ici. Si quelque chose arrive à l'environnement, nous sommes les premiers à donner l'alerte, mais qui nous écoute? Les compagnies peuvent faire ce qu'elles veulent.

Pour ce projet en particulier, nous avons réussi à négocier que les trappeurs eux-mêmes puissent surveiller le sous-traitant qui construisait le pipeline. Cela a bien fonctionné car les compagnies savaient que les travaux pouvaient être arrêtés par un trappeur. Elles ont donc écouté. Les trappeurs connaissaient les meilleurs itinéraires. Ils savaient comment éviter qu'un bulldozer détruise un barrage de castor ou une hutte de rat musqué, en particulier en hiver, lorsque la neige et la glace recouvrent tout. Les trappeurs les ont orientés le long des crêtes de cette région. Les trappeurs étaient heureux de le faire puisqu'ils disposent maintenant d'une meilleure route pour se déplacer. Cela marche dans les deux sens.

Le sénateur Spivak: J'ai vu une carte du nord du Manitoba, de The Pas vers le nord, indiquant les territoires de piégeage, qui existent depuis des milliers d'années. Le gouvernement du Manitoba a des cartes de cette région qui ont l'air vides. Est-ce la même chose dans d'autres régions? Nous avons demandé aux trappeurs dont les territoires sont complètement exploités, jusqu'à leurs cabines, pourquoi ils ne se déplaçaient pas dans une autre région qui n'était pas exploitée. Ils nous ont dit qu'ils ne pouvaient pas parce que toutes ces zones sont réservées et appartiennent à divers trappeurs depuis des années et des années.

M. Stevenson: Nous avons vu que la province «abandonne les terres» aux compagnies. Nous avons vu les cartes qui montrent les régions que revendiquent les compagnies pétrolières comme Shell et Esso pour pouvoir les exploiter.

Le sénateur Spivak: Dans bien des cas, aucune revendication territoriale n'a été réglée dans ces régions. Cela nous ramène à l'idée des connaissances autochtones. Des gens qui habitent dans une région comme celle-ci depuis des milliers d'années en savent certainement beaucoup plus que tout nouvel arrivant.

M. Stevenson: Quelqu'un a eu la bonne idée de dresser une carte du Canada qui montrerait tous les habitats d'espèces en voie de disparition, puis de superposer une carte de toutes les terres et réserves des Premières nations et finalement, de superposer les territoires inuits. J'ai dit que ce qui resterait, ce serait les terres des Métis.

Le président: C'est ce que l'on fait aux États-Unis pour la biodiversité. Mon neveu travaille à ce projet dans l'État du Kentucky. Les cartographes indiquent presque tous les arbres, toute la faune et tous les oiseaux. Tout l'écosystème est cartographié pour des raisons importantes. J'espère qu'un jour, nous enteprendrons des programmes semblables au Canada pour protéger nos écosystèmes.

M. Pierce: J'aimerais parler de l'exploitaiton du gaz et du pétrole et des effets sur le caribou des forêts. Il reste moins de 3 000 caribous des forêts aujourd'hui à cause de la migration et du pipeline. Les Métis sont particulièrement touchés par cette perte.

M. Stevenson et le sénateur Adams parlaient des problèmes causés par le gaz et le pétrole. Dans le nord-est de la Colombie-Britannique, les compagnies américaines installent des pipelines et des routes à travers des régions qui sont dévastées. Nos collectivités, notre environnement et nos emplois sont compromis. Qui bénéficie des projets de pétrole et de gaz?

Nous avons parlé aujourd'hui de la définition des «terres autochtones». Imaginez de siéger autour d'une table avec des représentants des sociétés pétrolières et gazières pour leur faire comprendre ce même terme. Ils interviennent uniquement du dehors.

Parlons aussi des emplois dans l'industrie du gaz et du pétrole pour les Métis? Nos noms apparaissent ici comme Inuits, Métis et Premières nations. S'il existe un échappatoire pour exclure les Métis et éviter de traiter avec nous, il sera utilisé.

Les compagnies gazières et pétrolières détruisent la terre et les pièges. Ils détruisent l'environnement pour la chasse et pour les aînés. Ma grand-mère n'a jamais mangé de boeuf de toute sa vie. Je n'ai que 35 ans, ce n'est donc pas si vieux. Elle prenait un seau et descendait au bas de la colline pour chercher de l'eau dans le ruisseau. Bon nombre de vos parents ont vécu de la même façon.

Nous sommes aussi touchés par les problèmes de santé. Les problèmes de diabète affectent les Métis aussi.

Les gazoducs et les oléoducs passent par nos terres. Qui obtient les emplois? Nous faisons le gros du travail avec les pelles. Ne pouvons-nous pas être techniciens? Ne pouvons-nous pas apprendre à faire fonctionner les machines? Participons-nous réellement au processus à ce niveau? Nous pouvons voyager au Canada en troisième classe, mais y a-t-il des pilotes métis sur ces avions?

Nous devons faire partie du processus. Nous voulons nous faire entendre sur un pied d'égalité. Vous avez parlé du Québec et des territoires du Nord-Ouest. Le Ralliement national des Métis est le gouvernement des Métis, tout comme le gouvernement provisoire de Louis Riel.

Nous ne sommes pas ici pour exclure. Ma mère est blanche. Mon père est Métis. Il est Métis de coeur, mais il a une carte des Premières nations pour pouvoir survivre. Il n'avait pas d'assurance-maladie et il était malade. Il avait besoin de la carte pour se faire soigner.

Que fait-on quand on a une mère blanche et un père indien? Si je chasse avec mon père, selon le mode de vie traditionnel, et s'il tue un orignal mais que je le transporte, je vais en prison parce que je suis Métis. Comment pouvons-nous construire des familles de cette façon? Comment peut-on construire le Canada en excluant les gens?

Je ne suis pas un juriste. Je laisserais l'aspect technique aux techniciens. Je suis venu aujourd'hui pour parler des questions essentielles pour les Métis. Je sais ce que c'est que d'être Métis. Vous pouvez voir un Inuit, un Métis et un membre des Premières nations marcher dans la rue et ils ont l'air semblables. Quand le moment vient d'aller en prison, ils vont tous en prison. Au moment d'obtenir un emploi, les Métis n'en obtiennent pas. Au moment de recevoir des services, les Métis n'obtiennent rien. Lorsqu'il est question d'égalité, les Métis sont comptés avec les autochtones, mais les choses s'arrêtent là.

Nous utilisons les services sociaux. Nos enfants nous sont enlevés. Nos jeunes hommes vont en prison. Nous utilisons tous les services. Quel sera l'effet de la nouvelle Loi sur les armes à feu pour ceux d'entre nous qui possédons des fusils dans nos granges? Qu'arrive-t-il si la GRC trouve une arme qui n'est pas enregistrée? Un ancien ira en prison et aura un casier judiciaire. Nos gens sont pris au piège dans un système lamentable.

Il nous faut un meilleur processus. Je ne suis pas technicien, mais je connais ma communauté et je sais ce qui est important pour elle. Nous devons participer, nous devons disposer des ressources nécessaires pour faire notre travail et assumer nos responsabilités en tant que Canadiens. Que serait le Canada sans les Métis? Il n'y aurait pas de Canada sans eux.

Le président: Merci, monsieur Pierce. Voilà qui était bien dit. C'est une déclaration importante. Nous vous remercions de nous faire part de vos idées.

Nous avons un dernier groupe de témoins, M. Michael Anderson et M. Francis Fleet, de la Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc.

M. Michael Anderson, directeur de la recherche, Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc.: Merci de votre invitation à comparaître devant vous aujourd'hui. Je suis très heureux d'être ici, en particulier au sujet d'une question aussi importante.

Dans la région de la MKO, c'est-à-dire la partie du Manitoba située au nord du 52e parallèle, les premières lignes tracées sur la carte indiquant l'intérêt du gouvernement l'ont été au cours des négociations du traité entre 1871, dans la région du sud, et 1910. L'importance de ces lignes, en dehors du fait que c'était la première fois que les terres des Premières nations étaient divisées, réside dans le fait qu'elles constituent un lien solennel entre le gouvernement de Sa Majesté et les Premières nations dans le nord du Manitoba, dans le cadre des traités 4, 5, 6 et 10. Pour les Premières nations de notre territoire, ce lien est solennel et éternel. C'est sur la base des liens établis entre le gouvernement de Sa Majesté et les Cris du nord du Manitoba que je vais faire mes commentaires aujourd'hui.

Avec la création du Manitoba par étape, entre 1912 et 1930, la province a acquis sa forme actuelle. Pour le nouveau gouvernement du Manitoba, ce territoire était bien entendu un arrière pays plein de ressources dans une zone susceptible d'être exploitée, de la vallée de la rivière Rouge jusqu'à la frontière des Territoires du Nord-Ouest. Ce faisant, le gouvernement n'a pas vu que dans ce même territoire, il existait un grand nombre de Premières nations. Aujourd'hui, il y a 27 Premières nations membres de la MKO, dans les territoires traditionnels combinés qui couvrent presque les trois-quart de la province du Manitoba, au nord du 52e parallèle.

Ce qui est important pour nous, c'est que sur les 47 000 membres de la MKO, environ 70 p. 100 habitent toujours dans nos collectivités. Vous savez sans doute que la population autochtone de Winnipeg augmente, mais dans notre région, 70 p. 100 restent sur place.

Sur les 32 545 membres qui vivent dans les collectivités dans tout le territoire, environ 46 p. 100, soit 15 000 personnes, vivent dans des collectivités isolées qui ne sont accessibles que par avion, route glacée ou chemin de fer. Dans bon nombre de ces villages, 80 à 90 p. 100 de la population est sédentaire.

Dans les collectivités éloignées en particulier, les eaux, les terres et les ressources naturelles environnantes permettent de pratiquer les récoltes traditionnelles et commerciales qui restent la base de notre subsistance et de notre économie.

Pour vous donner un exemple de ce que représente l'économie fondée sur les ressources et les récoltes traditionnelles dans la région, je dirais qu'en 1992, le programme de recherche pour l'Évaluation de la technologie dans l'Ontario subarctique a procédé à une analyse de l'économie de subsistance traditionnelle le long des basses terres de la Baie d'Hudson, en Ontario. Bon nombre de nos collectivités, en particulier dans cette région éloignée, ont non seulement de la famille dans le nord de l'Ontario mais pratiquent également la pêche, la chasse et le piégeage.

Si on applique les résultats de cette recherche à un certain nombre de membres de la MKO vivant dans les collectivités éloignées, on verrait que la valeur annuelle de l'économie traditionnelle est de 21,8 millions de dollars. Si l'on applique les résultats de cette recherche à tous les membres de la MKO qui résident dans leurs collectivités aujourd'hui, on verrait que la valeur de toutes les ressources récoltées: gibier, poisson, baies et plantes médicinales, représentent 45,1 millions de dollars. Il est intéressant de souligner que la valeur des récoltes commerciales du poisson et du gibier représente moins de 15 p. 100. La valeur de remplacement en espèces du gibier et du poisson représente 85 p. 100. Par conséquent, l'économie traditionnelle dans nos collectivités éloignées reste très importante. C'est une des raisons pour lesquelles nous nous intéressons tellement à la législation sur la protection et l'évaluation de l'environnement et à la gestion et à la planification de l'environnement.

Bien entendu, ces valeurs ne tiennent pas compte des aspects intangibles de l'économie traditionnelle comme la poursuite des pratiques de chasse traditionnelles, le maintien des langues autochtones, le renforcement de la famille et des liens communautaires, les avantages pour la santé associés à ces activités et l'accès à une alimentation de grande qualité.

Comme beaucoup d'entre vous le savez, l'incidence du diabète chez les adultes et d'autres formes de diabète dans nos collectivités augmente très rapidement. Les anciens l'expliquent en grande partie par le fait que l'on ne mange plus l'alimentation locale, par l'absence d'activité et de l'entraide communautaire, tout ce qui est associé à une bonne santé.

Les Premières nations de la MKO ont vu une longue période de développement au cours des dernières décennies, qui a commencé avec l'ouverture de la mine de Flin Flon en 1926-1927 par la Hudson Bay Mining and Smelting. Sur cette diapositive, vous pouvez voir qu'aujourd'hui, le bassin de résidus est au plein milieu de la ville. Bien entendu, à l'époque, il s'agissait d'un territoire des Premières nations et personne ne nous a consultés ou informés au moment de l'exploitaiton. La personne qui a trouvé ce dépôt était un trappeur cri. On l'a récompensé par un sac de farine, un sac de thé et quelques haricots. Aujourd'hui, sa tombe minuscule est à moitié enterrée sous l'accès à la route au sud de la ville.

Vous pouvez voir ici comment le paysage a changé.

Les lignes suivantes qui ont été tracées sur la carte visaient en partie à aider les Premières nations. Il s'agit de la création du système des territoires de piégeage enregistrés au Manitoba.

Dans les années 30 et par la suite, lorsque l'Association du rétablissement agricole des Prairies éloignait les gens du triangle Palliser, beaucoup ont suivi la ligne de chemin de fer vers le nord du Manitoba et le nord de la Saskatchewan. Ces colons ont fini par être en concurrence avec les Premières nations pour l'utilisation des terres et des ressources. Le gouvernement du Canada, craignant fortement que les Premières nations soient dépossédées par la province du Manitoba, a accordé de vastes territoires aux migrants. C'est ainsi qu'a été créé le système des territoires de piégeage enregistrés, en partie pour fournir aux Premières nations des territoires exclusifs pour l'exploitation des ressources.

Bien des années après l'établissement du système des territoires de piégeage, à partir des années 60 et 70, a commencé l'exploitation des ressources hydroélectriques du Manitoba. Voici les lignes de transport de l'électricité et les barrages d'Hydro-Manitoba. Comme vous pouvez le voir, la plupart des grands barrages -- en fait, tous les plus grands -- sont sur le territoire de la MKO, à commencer par Grand Rapids, Kelsey, Jenpeg, Kettle, Long Spruce et Limestone. Aujourd'hui, ces projets hydroélectriques ainsi que les lignes et les systèmes de transport, que l'on voit par l'imagerie par satellite, Kettle Rapids Dam, Long Spruce et Limestone, s'étendent tout au long de la partie supérieure, de Split Lake vers Limestone Rapids sur la rivière Nelson.

Bien entendu, toute cette région était d'un grand intérêt sur le plan des ressources, parfaite pour la pêche et la chasse. Il y avait plusieurs camps et villages dans ce territoire car la rivière Nelson, comme vous pouvez le voir, passe par un chenal très important lorsqu'elle quitte ce district. Aujourd'hui, la Première nation de Fox Lake vit à l'ombre de trois grandes stations hydroélectriques et n'a signé aucune entente, accord ou conciliation avec les gouvernements du Canada ou du Manitoba.

L'importance de cette réalité par rapport aux éléments que l'on pourrait ajouter ou limiter dans les listes de la LCPE, est que l'on utilise depuis de nombreuses années toute une variété d'herbicides sur ces lignes de transport de l'électricité. On continue de répandre des herbicides dans toute cette région. Ces lignes traversent des lacs, des cours d'eau, des marais et certaines des plus importantes terres humides d'Amérique du Nord. Jusqu'à présent, il n'y a pratiquement pas eu de réglementation.

En plus de l'aménagement hydroélectrique, il y a eu également de très importantes allocations forestières. Cette diapositive montre la société qui y exerce ses activités aujourd'hui. La raison pour laquelle nous vous montrons cela, c'est que la province du Manitoba a alloué 108 000 kilomètres carrés de forêt boréale à une seule société. Là encore, cela s'est fait sans que l'on consulte les Premières nations, sans étudier les effets sur les 38 franchissements de cours d'eau, qui ont été construits depuis 1890, et les 2 000 kilomètres de routes. Un seul franchissement de cours d'eau a fait l'objet d'une vague évaluation environnementale, et même cela a été porté devant la Cour fédérale. Je parle de l'affaire Sullivan, appelée maintenant «Tolko». On a enlevé une partie de la frontière sud.

Le sénateur Spivak: Pourriez-vous nous décrire brièvement cette affaire, c'est-à-dire ce qui fait l'objet ou non d'une évaluation environnementale.

M. Anderson: Lorsque Repap Manitoba a acquis les droits de coupe sur ce territoire le 4 mai 1999, on lui a accordé non seulement 108 000 kilomètres carrés de terres au Manitoba mais le droit de couper 3 235 millions de mètres cubes de bois par an. On leur a également permis de construire toutes les routes. Entre le 4 mai 1989 et 1997, la société n'a été assujettie à aucune forme d'évaluation environnementale, ni pour les plans annuels, les plans quinquennaux et les plans de 20 ans. À la demande des Premières nations, et surtout de la MKO, une commission d'examen conjointe fédérale-provinciale a été mise sur pied en 1991. Mais du fait que les plans d'aménagement de la scierie ne se sont pas matérialisés, il n'y a pas eu de suite. Pour le moment, il y a une scierie de papier kraft écru d'une capacité de 385 métriques tonnes séchées à l'air par jour qui produit du papier kraft XPX, c'est-à-dire la catégorie la plus élevée en Amérique du Nord. Ce n'est pas que cette usine fasse le meilleur produit, mais c'est la même catégorie. C'est une activité rentable. On voulait passer le bulldozer sur cette petite usine et la convertir en deux autres usines, une de 500 tonnes métriques séchées à l'air et une de 1 200 tonnes métriques séchées à l'air, soit une opération combinée de 1 700 tonnes métriques blanchies.

À l'époque, c'était la façon dont le Manitoba concevait le développement durable pour les forêts du Nord.

Le président: Quelle est la date de cette concession?

M. Anderson: L'accord d'achat des actions et la licence de gestion forestière a été accordée à Repap Manitoba le 4 mai 1989.

Il vous intéressera peut-être de savoir également qu'en raison de l'importance évidente que cela aurait pour les 14 Premières nations de la MKO, dans cette région de coupe, nous avons demandé des exemplaires de l'accord d'achat des actions au gouvernement du Manitoba. Nous avons fait valoir que nous avions des droits issus de traités, que des obligations constitutionnelles étaient en jeu, que le gouvernement devait aux Premières nations tout au moins de discuter des impacts possibles de cette énorme opération sur les trappeurs et autres membres des Premières nations qui utilisaient la région, et en particulier notre intérêt pour une planification du développement économique, compte tenu du taux élevé de chômage dans toutes les collectivités. Cela, malgré le fait que la Loi sur les forêts prévoit spécifiquement que le bois ne peut être alloué pour des raisons de développement économique.

On nous a refusé cette demande. Le ministre des Finances a déclaré que c'était un document commercial. Nous sommes le groupe de recherche du Conseil des chefs du Nord. Je savais que Repap Manitoba possédait des biens corporels à Kimberley, au Wisconsin. Par conséquent, la société était réglementée par la Securities and Exchange Commission des États-Unis. La SEC avait été privatisée avec toutes ses données. Nous avons donc téléphoné et avons acheté aux États-Unis le document secret que l'on nous refusait au Canada, car nous en avions désespérément besoin pour une réunion du comité ce soir-là à la législature. C'est un très gros document de plusieurs centaines de pages. Nous avons demandé à la SEC de nous en envoyer la moitié sur un télécopieur et l'autre sur un autre. Et nous avons fait la même chose pour l'envoyer à Winnipeg.

Ce document secret que la province ne voulait que personne ne voit, pas même les députés provinciaux, est arrivé et vous connaissez la suite.

C'est l'attitude adoptée de façon caractéristique par la province du Manitoba à l'égard des Premières nations pour l'exploitation de ressources massives comme celles-ci. Nous devons aller aux États-Unis pour savoir ce que notre propre gouvernement fait.

Le résultat c'est le paysage que nous voyons maintenant à la suite de la planification provinciale des forêts. Nous avons la capacité de traiter des données géographiques ainsi que des images par satellite. Pour couvrir une région qui représente les trois quarts du Manitoba, c'est la seule façon de collecter l'information sur les ressources.

La diapositive suivante montre les effets du développement hydroélectrique et de la foresterie. La zone en jaune montre la baisse des eaux due à la centrale hydroélectrique de Jenpeg. Vous avez peut-être vu des photographies de Cross Lake et de ces passerelles qui s'étendent sur des centaines de mètres dans la rivière car il ne reste plus que de la vase. Sur cette même image, la couleur magenta indique les activités de coupe qui se sont déroulées.

Si vous combinez les impacts des lignes de transport, de la coupe, de l'hydroélectricité, etc., vous voyez que la Première nation de Cross Lake a subi des dommages énormes au coeur même de son territoire traditionnel.

L'image suivante montre les incendies de 1989. C'est la National Aeronautics and Space Administration qui nous l'ont donnée car cet organisme connaît notre intérêt pour l'imagerie par satellite et naturellement notre intérêt pour les incendies de 1989.

L'image suivante montre la côte de la Baie d'Hudson, du lac Winnipeg et du lac Manitoba. Vous voyez que presque toute la région du Nord, surtout les territoires utilisés par les Premières nations, sont en flamme. Vous pouvez voir également que la région exploitée par Repap est loin d'être aussi endommagée car c'est là où les bombardiers à eau et les hélicoptères sont concentrés. Ils ont laissé le territoire traditionnel des Premières nations partir en fumée tout en protégeant le bois commercial.

Sans trop exagérer, on peut dire que cette image illustre l'analyse de rentabilité que fait le gouvernement. C'est également un problème pour le territoire du sénateur Adams, où la planification de la lutte contre les incendies pour protéger les caribous est une question critique pour la population. Voilà un exemple de décision du gouvernement du Manitoba en matière de gestion environnementale rentable.

Dans cette image, on voit la partie nord du lac Winnipeg. Voilà la rivière Nelson. Les zones en bleu sur cette image étaient jaunes dans celle que je viens de vous montrer. Ces zones vert-émeraude sont les zones brûlées en 1989 lorsque l'on a laissé l'incendie se propager. Ces régions qui ont l'air dévorées représentent les activités de foresterie. Si l'on regarde ici en bas, voici les zones que j'avais dans la première image. Elles sont tellement grandes qu'elles ressemblent à des fermes.

Si on associe les lignes de transport de l'électricité, les routes, les incendies, la coupe et l'hydroélectricité, vous pouvez voir que les territoires du Nord dans notre région sont très endommagés. D'où notre intérêt pour les lois sur la protection de l'environnement. Les membres de notre communauté considèrent que les mesures gouvernementales pour protéger l'environnement dans le territoire sont pratiquement non existantes, que ce soit au niveau fédéral ou provincial. L'Institut des eaux douces compte de nombreux scientifiques et chercheurs éminents et d'autres qui font du très bon travail, mais ils n'ont pas l'autorité d'appliquer les lois ou de surveiller les conditions qui découlent de ce genre de perturbation des terres.

Les Premières nations de la MKO ont observé que les gouvernements et les exploitants des ressources considèrent le Nord comme un endroit où les normes de protection environnementale s'appliquent différemment que dans le sud et où les droits, les intérêts et les terres des Premières nations sont balayés, littéralement, pour faciliter l'exploitation et l'extraction des grandes ressources. Plus récemment, même face à des menaces évidentes et importantes pour la qualité de l'environnement et la santé humaine dans cette région, le gouvernement du Canada a souvent semblé paralysé face à la résistance des provinces et des sociétés à toute intervention fédérale dans les questions environnementales, en particulier pour ce qui est de la protection de l'environnement du Nord et des Premières nations au sud du 60e parallèle.

En plus des effets directs évidents sur les membres de notre communauté, les membres des Premières nations sont au courant d'une bonne partie de la recherche en cours. Cela suscite de graves préoccupations. En 1979 et 1984, le ministère de la Santé du gouvernement fédéral a réalisé une étude sur la contamination au mercure dans les collectivités autochtones du Canada. Cette étude a révélé que 20 p. 100 des échantillons dépassaient les niveaux de mercure normaux. De nombreuses collectivités inuit souffrent de ce problème de même que des Dénés, Cris et certains peuples de la côte ouest. Dans des régions où 50 p. 100 des échantillons dépassaient les niveaux de mercure, il y a des communautés inuit, cries et dénés, qui consomment beaucoup de poisson. Pour les Cris de la Baie James, ce n'est pas un mystère, voici Island Falls et Flin Flon. Il s'agit des anciennes mines d'or de la région de Island Lake et des papeteries dans cette région. Rien de cela n'est un mystère.

Mais nous nous inquiétons des collectivités dans lesquelles 80 p. 100 des échantillons dépassent la norme. Il s'agit surtout de collectivités inuit et de trois communautés cries, dont deux sont des Premières nations de la MKO. L'autre sont les Cris de la Baie James.

Cette collectivité est Pukatawagan, qui veut dire «l'endroit où l'on pêche avec des filets». Il n'est pas surprenant qu'ils consomment leur voisin le plus proche. La raison de la présence de la ligne de chemin de fer, c'est Flin Flon, et Lynn Lake se trouve vers le nord. Dans la région de Island Lake, il y avait des mines d'or dans les années 40.

Cette question du mercure n'a jamais été résolue. Pratiquement aucune recherche sur les résurgences de mercure dans cette région n'a été effectuée depuis 1984. Cela nous préoccupe beaucoup puisque dans deux collectivités, on a trouvé 80 p. 100 d'échantillons supérieurs à la normale.

Pour ce qui est de notre résolution de ces questions, nous associons normalement les connaissances traditionnelles et la science. J'aimerais vous expliquer comment nous procédons. Dans une région qui se trouve sur le territoire de la nation Crie de Nisichawayasihk, à l'est de la mine Ruttan de la Hudson Bay Mining and Smelting, se trouve ce lac appelé Doughnut Lake par les trappeurs. Cette île se trouve au centre du «doughnut». Vous pouvez voir qu'il y a des terres humides qui s'étendent à proximité du lac. Il s'agit d'une région plutôt intacte et qui n'est pas touchée par la réglementation.

Nous avons commencé à nous inquiéter lorsque les trappeurs qui utilisent ce lac nous ont dit: «Nous ne buvons pas l'eau. Nous ne faisons pas de thé avec cette eau. Nous n'utiliserons pas le thé du Labrador parce que les feuilles se recourbent. Nous ne mangerons pas le poisson ni le castor de ce lac.» Ce qui nous inquiétait, c'est que le lac Doughnut ne se trouve pas dans les alentours de la mine Ruttan, bien qu'il soit à proximité. Le lac n'avait rien à voir avec l'orientation des rejets autorisés du bassin d'accumulation de résidus de Ruttan. Les résidus de Ruttan sont orientés puis envoyés dans la rivière Vermillion avant de disparaître vers la rivière Churchill.

Nous avons parlé avec les trappeurs et en particulier avec Joseph Linklater, maintenant décédé, qui nous a remis ses cartes et ses données sur l'utilisation des terres. Voici des gens de la baie d'Hudson et une personne d'un laboratoire d'essai environnemental du secteur privé que nous avons dû aller chercher en Ontario pour pouvoir nous fier aux résultats. Nous avons utilisé les cartes des trappeurs pour identifier les sites d'essai. Voici les images des résidus qui ne se trouvent pas à l'intérieur des bassins de résidus. Ils ne se trouvent pas près de la mine; ils sont au sud-est, vers la communauté de Nelson House. Ce grand banc de sable est au milieu d'un marais. Voici des photographies des résidus qui s'écoulent du site de résidus de Ruttan. Il y a également des nappes d'hydrocarbure sur les étangs voisins. Nous avons amené une équipe de la nation Crie de Nelson House.

En remontant le banc de sable, le mystère s'est dissipé. Nous avons découvert, comme vous le voyez, que le bassin d'accumulation de résidus s'est vidé et qu'une grande quantité des résidus s'échappe et se dirige vers le sud-est pour contaminer le lac Doughnut.

À notre connaissance, ni Pêches et Océans Canada, ni Environnement Canada, ni Environnement du Manitoba, ni personne n'ont jamais confronté la Hudson Bay Mining and Smelting à ce sujet. Dans cette zone, les trappeurs ne peuvent plus utiliser les camps qu'ils avaient établi depuis des générations. Cela ne fait pas partie des processus d'octroi de licence, de surveillance, d'échantillonnage et d'exécution de la loi, car tout cela se produit dans la zone de rejet du nord vers la rivière Vermillion. Tout l'échantillonnage est effectué dans ce chenal. Lorsque l'on prend des échantillons des rejets du bassin de résidus de Ruttan, c'est à cet endroit.

Voici une photo de D'Arcy. Son père nous a donné les cartes. Dans cette photo, il portait sous son bras la carte de son père. Il a du mal à croire ce qui s'est produit dans cette région.

En plus d'associer la science, la technologie et même nos liens avec les sociétés, nous identifions également pour le Grand Conseil des Cris du Québec les territoires des Premières nations de la MKO. Cette région blanche n'est pas vide. C'est le territoire de trois Premières nations indépendantes.

En établissant des cartes plus détaillées, on peut voir certains des territoires utilisés, même en chevauchement avec certaines de nos Premières nations. Plus loin, on peut voir des territoires, notamment des noms en langues crie et déné.

Nous travaillons avec toutes nos collectivités pour faire un inventaire des questions environnementales pour chaque parcelle de terre relevant des Premières nations. Puis nous codons les préoccupations des collectivités. Nous avons mis sur pied la première base de données numériques des terres de réserve au Manitoba.

Nous faisons également de la recherche sur l'utilisation traditionnelle des terres, en particulier pour la partie la plus au sud de notre région. Nous n'avons utilisé que huit entrevues ici; voilà un résultat provisoire pour cette Première nation. On voit des régions de coupe, de pêche, de chasse, de déplacement et des pistes.

On peut superposer ce genre d'information avec l'exploitation. On peut ensuite commencer à incorporer les effets sur l'environnement et les ressources des coupes proposées, notamment la coupe envisagée par les Premières nations elles-mêmes.

Nous avons réussi à faire des recherches dans la plus grande partie de notre territoire, et nous y travaillons encore.

Notre travail est lié à bien des égards à l'importance d'inclure dans cette nouvelle version du projet de loi C-32 la reconnaissance des droits autochtones. Mais la formulation utilisée pour les gouvernements autochtones et la structure du projet de loi ne prennent pas en compte le travail que nous faisons. Nous n'avons pas de statut ni de capacité officiels dans le projet de loi actuel. Nous ne pouvons pas utiliser tout ce travail. Toutes ces connexions, ces liens et ces partenariats devraient contribuer à la protection de l'environnement dans la région de la MKO.

C'était l'objet de ma présentation. Le gouvernement a l'obligation, en vertu des traités, de protéger les terres des Premières nations. Cette obligation n'apparaît pas dans le projet de loi.

Il y a souvent de grandes divergences entre les points de vue des Premières nations et ceux des gouvernements. La Loi constitutionnelle de 1982 et la décision de la Cour suprême dans l'affaire R. c. Sparrow ne font qu'accentuer ces différences.

Certaines actions autorisées par le gouvernement empiètent sur l'exercice des droits autochtones. Dans le contexte de la LCPE, ces actions comprennent l'autorisation accordée par le gouvernement de rejeter dans l'environnement des substances qui empêchent l'exploitation traditionnelle des ressources dans l'écosystème.

Les images de Ruttan sont désolantes. Cette situation est le résultat d'un rejet autorisé. Une des substances rejetée et mentionnée à l'annexe 1 est le mercure. Pourtant, on voit là l'effet sur les pratiques traditionnelles des Premières nations d'une autorisation gouvernementale, contraire non seulement aux conditions des traités, mais de la Loi constitutionnelle et de la décision de la Cour suprême dans R. c. Sparrow.

Cela nous amène aux difficultés que présente le projet de loi actuel et à la structure des consultations avec le comité en ce qui concerne la reconnaissance des gouvernements des Premières nations.

J'ai été très intéressé par la discussion que vous avez eue avec les témoins du Ralliement national des Métis au sujet des «attendus». Celui qui porte sur les obligations internationales est très proche de celui qu'il faudrait incorporer et qui énoncerait que le gouvernement du Canada doit respecter ses obligations constitutionnelles à l'égard de l'environnement des peuples autochtones du Canada.

Je sais qu'il y a de nombreux passages qui parlent de partenariat et de l'utilisation des connaissances traditionnelles, mais les «attendus» au début du projet de loi ne confirment pas que le Canada a l'obligation de par les traités de protéger les terres et l'environnement afin de permettre, par exemple, l'exploitation traditionnelle des ressources.

Nos données sur le mercure montrent que les gens prennent des risques en consommant du poisson, en particulier les femmes enceintes et leurs enfants à naître. Nous savons d'après les trappeurs de Ruttan qu'ils peuvent sentir le goût de substances qui ne sont pas mesurables scientifiquement. Le projet de loi fixe des normes pour la quasi-élimination des substances à des niveaux qui sont à peine mesurables. On sait bien que les humains peuvent sentir le goût de substances, en particulier les métaux, à des niveaux qui sont bien en-dessous des niveaux mesurables par la technologie actuelle. Il existe des machines qui peuvent tester n'importe quoi. Le chromatographe gazeux en est un. En plus du matériel d'essai utilisé couramment à Ruttan, par exemple, les trappeurs nous ont dirigés directement à la source du mal avec leur palais.

Je crains que le projet de loi ne reconnaisse pas cette obligation de protéger les terres pour la poursuite et la protection des activités traditionnelles. En chiffres, il s'agit de l'activité la plus importante des Premières nations dans notre région. Les Premières nations, les Inuits et les Métis ont travaillé très fort avec le gouvernement du Canada pour protéger ce qui reste du commerce de la fourrure avec l'Europe. Ce n'est pas l'argent du piégeage pour la fourrure qui importe en forêt, ce qui est important c'est la nourriture que l'on apporte à la maison.

Cette reconnaissance comporte une implication. Si l'effet d'autoriser le rejet de substances dans l'environnement est tel que les récoltes ne sont plus possibles, il s'agit d'une violation prima facie de la Constitution susceptible de faire l'objet d'un recours en utilisant les principes de R. c. Sparrow.

Le président: Qu'en est-il des dommages qui en découleraient? Existe-t-il une obligation légale?

M. Anderson: Dans la décision Sparrow, la Cour suprême a soulevé la question des limites de l'autorité réglementaire du gouvernement en matière de consultation et la nécessité de tenir compte des pratiques traditionnelles des Premières nations. Ce concept a été réitéré dans Delgamuukw, ce qui suscite beaucoup de remous. La Cour suprême a décrété que l'on ne pouvait plus se rendre sur le territoire des Premières nations et faire ce que l'on a fait au Manitoba et en Colombie-Britannique.

Le sénateur Spivak: On continue de le faire.

M. Anderson: Un conseil est mis sur pied pour négocier les 15 millions de dollars du ministère des Affaires indiennes et du Nord destiné à préparer les gens à négocier avec les exploitants des ressources.

Dans la décision Sparrow, la Cour suprême a indiqué que dans les cas d'expropriation, une compensation juste est possible. Pour nous, l'expropriation comprendrait la contamination autorisée d'un écosystème par une substance qui en empêche en fait l'utilisation ou l'accès. C'est une expropriation. Si on place un bassin de résidus sur un territoire de piégeage de quelqu'un, vous l'expropriez. Si vous libérez du mercure dans une rivière et qu'il devient dangereux de manger le poisson, de facto, cette ressource a été expropriée par l'autorisation du gouvernement, et une compensation est exigible.

Ce principe juridique est établi dans Sparrow. Cela n'a pas encore été bien mis à l'épreuve, mais a fait certainement l'objet de négociations en Colombie-Britannique. Ce principe de contrôle est établi en partie dans la Loi sur le Nunavut et l'Accord de règlement des revendications territoriales du Nunavut, qui sont des documents remarquables en ce qui concerne la protection des ressources foncières.

Le Canada est légalement obligé de protéger et d'honorer les droits issus de traités. L'environnement est un indicateur intéressant de la façon dont la Couronne honore ses obligations. Dans le nord du Manitoba, à l'aide des images satellites, on peut voir à quel point cela a été oublié.

Il est essentiel que dans ce projet de loi, nous commencions à revenir à ce que le ministre a décrit comme une réconciliation et un renouvellement, à honorer ce que le Canada, dans sa réponse, intitule «Rassemblons nos forces».

On ne peut pas continuer comme avant--les herbicides, le mercure et les autres contaminants qui sont rejetés dans l'environnement et qui ne font l'objet que d'une surveillance minime.

L'autre question dont j'aimerais parler est la clause d'interprétation, 3(1).

Du point de vue des gouvernements des Premières nations, cela indique clairement que le gouvernement du Canada n'inclut pas les bandes, telles qu'elles sont définies dans la Loi sur les Indiens, comme des gouvernements de Premières nations. Cela signifie clairement qu'il s'agit d'un accord de revendication territoriale, comme celui du Nunavut, ou quelque chose comme le projet de loi C-49. J'ai été fasciné d'apprendre qu'il n'y a pas de lien entre ce projet de loi et le projet de loi C-49, une loi qui prévoit la ratification et l'entrée en vigueur de l'accord cadre sur la gestion des terres des Premières nations. Les Premières nations touchées par le projet de loi C-49 sont habilitées, selon cette définition, à adopter des règlements sur la protection de l'environnement.

Par conséquent, nous en sommes à signer des accords cadres et des règlements de revendication territoriale avec le ministre.

Je vais utiliser l'exemple de la partie 9. L'article 209(3) porte sur les règlements touchant les terres des Premières nations. La partie 9 porte sur les terres réservées aux Indiens et administrées en vertu de la Loi sur les Indiens par les bandes reconnues dans la Loi sur les Indiens. La consultation dont il est question au paragraphe 209(3) ne répond pas à ces exigences. Cela ne respecte pas les engagements que les ministres ont pris par le passé de ne pas adopter de règlement touchant les terres de réserve sans le consentement de chaque chef et conseil. Je reconnais que le ministre Irwin a été terriblement déçu de l'abandon de la Loi sur les modifications facultatives à la Loi sur les Indiens, mais c'est ce qui s'est produit. Le ministre a essayé d'adopter des règlements changeant la Loi sans consulter d'abord chacun des chefs et conseils des Premières nations, et le projet de loi est mort au feuilleton, même après avoir été renommé.

Du point de vue de la MKO, même en tant qu'organisation régionale représentant 27 Premières nations -- 47 000 personnes, soit plus des trois quarts de la province du Manitoba -- nous ne donnerions jamais autre chose que des conseils comme celui-ci sur les règlements touchant les 27 Premières nations membres. Seules nos Premières nations peuvent prendre des décisions sur leurs propres terres. C'est le principe qui figure dans le protocole d'entente entre nos grands chefs et le ministre des Ressources naturelles sur l'initiative des zones protégées du Manitoba.

Je pense que les consultations par le biais d'un comité sur les règlements touchant les terres de réserve ne donneront aucun résultat. Je ne pense pas que cela fonctionnera. Dans la région de la MKO, même le grand chef n'envisagerait pas de donner des conseils sur les règlements pour nos membres. Ce comité national qui donnera des conseils sur les divers articles du projet de loi et sur des règlements de fond causerait de grands problèmes et pourrait faire l'objet de contestations juridiques.

Lorsque les règlements touchent les terres de réserve des Premières nations, les chefs et les conseils des Premières nations ainsi que les bandes, telles qu'elles sont reconnues dans la Loi sur les Indiens, doivent être consultés. Vous pouvez certainement demander des conseils au comité, tout comme à la MKO, mais finalement, les règlements doivent être approuvés par le chef et le conseil.

Le principe d'équivalence nous préoccupe particulièrement. Au Manitoba, il n'y a pas d'équivalence; c'est illusoire. Si ce projet de loi dépend de l'équivalence entre les provinces et les territoires, sans que le Canada ait l'intention de faire appliquer une norme nationale de protection environnementale, il n'y aura pas de protection environnementale. Il n'y a pas de norme d'équivalence au Manitoba.

À notre avis, les responsables du gouvernement fédéral semblent passer leur temps à changer la loi et à trouver des raisons de ne pas s'impliquer, plutôt que de prendre des mesures concrètes pour protéger l'environnement.

La partie 9 est une fascinante distillation de l'ensemble du projet de loi. Il semble que ce soit la seule partie que le Canada ait l'intention de conserver. On a beaucoup travaillé, à ce projet de loi et j'en reconnais l'intention, mais sans une autorité fédérale pour le cimenter, je m'inquiète vivement de l'avenir de nos écosystèmes au Canada. Pour ce qui est de l'équivalence, je sais que seulement trois provinces ont signé l'Accord nord-américain de coopération économique. Le Canada ne peut même pas cimenter cette obligation internationale avec les provinces. Je crois que cela est dû en partie au fait qu'il existe un mécanisme de traitement des plaintes en vertu de l'article 14 de l'accord dont la Colombie-Britannique et d'autres se prévalent déjà. Les plaintes contre B.C. Hydro et d'autres ont déjà été entendues dans cette tribune internationale.

L'équivalence doit être formulée de façon à pouvoir en faire des analyses de fond et d'évaluation. Excusez-moi, mais cela ne doit pas être une présomption de validité de la part du ministre ou du personnel du ministre. Pour que cette structure fonctionne, il faut une étude, une évaluation et une analyse de l'équivalence ainsi qu'une réimposition de l'autorité fédérale au besoin.

Le sénateur Hervieux-Payette: Au Québec, il existe de nombreux projets en cours. Le projet des chutes Churchill oblige certainement les gouvernements du Québec et de Terre-Neuve à consulter les autochtones. Ce projet de plusieurs milliards de dollars en est probablement à son étape la plus critique.

Je faisais partie du groupe d'ingénieurs travaillant au projet Limestone lorsqu'on en parlait. J'ai participé au projet de la Baie James. Je faisais partie de l'équipe qui a négocié l'accord de compensation pour les communautés autochtones. C'était un nouveau processus au Canada, avant l'amendement constitutionnel. Même si elles étaient limitées par rapport à aujourd'hui, nous avons tenu des discussions avec les peuples occupant le territoire.

Récemment, au Québec, le tribunal a accordé une injonction au sujet d'une importante ligne électrique. La loi en a interrompu la construction.

J'ai parfois l'impression que ce sont d'autres lois qui devraient être modifiées. C'est pourquoi j'aimerais des précisions de votre part. J'ai l'impression que c'est la Loi sur les Indiens ou d'autres lois qui devraient être modifiées ou changées pour préciser qui possède quoi et qui est responsable de quoi. Le projet de loi sur l'environnement en lui-même n'est pas nécessairement le principal problème.

Vous avez parlé du projet Repap en 1988. C'était après 1982. Pourquoi n'y a-t-il pas eu une injonction comme celle accordée Québec récemment lorsqu'un projet a été interrompu en raison de l'absence d'une évaluation suffisante?

Je me rappelle lorsque M. Bouchard, le premier ministre du Québec, a refusé une évaluation par une commission conjointe sur l'impact du projet Grande Baleine. À l'époque, l'autorité fédérale avait dit qu'elle voulait une commission conjointe. Celui qui aujourd'hui veut se séparer du Canada disait alors que le gouvernement fédéral avait une tâche à accomplir, et il s'agissait d'une étude d'impact sur certains oiseaux. Nous parlons des autochtones; ils sont un peu plus importants que les oiseaux. À l'époque, nous participions à l'évaluation de l'impact. Pourquoi ce processus ne serait-il pas possible aujourd'hui pour de grands projets afin que ces évaluations d'impact conjointes puissent avoir lieu? Est-ce parce que du point de vue de la responsabilité constitutionnelle, le gouvernement fédéral ne peut pas aller assez loin? Le projet de loi semble être rédigé de façon à respecter la compétence provinciale. Pour moi, qui vient du Québec, vous comprendrez que le problème est plus compliqué. Une fois que nous avons reconnu le pouvoir des provinces dans les domaines environnementaux, on ne peut pas tout simplement leur dire qu'elles ne font pas leur travail et que nous allons reprendre la responsabilité.

Où établissez-vous la limite entre la compétence fédérale et la compétence provinciale et entre la Loi sur les Indiens et la LCPE?

J'aimerais que vous nous le précisiez. Quelle loi traite de quel domaine? Par exemple, dans votre territoire, quelle loi définit le droit de propriété ou l'instance qui doit intervenir? Est-ce la province, le gouvernement fédéral, les sutochtones qui recevront certains droits?

Vous avez fait une magnifique présentation. J'ai déjà travaillé sur cette technologie de l'imagerie, mais ce que j'ai du mal à comprendre, c'est où se situe le projet de loi sur l'environnement dans tout cela.

M. Anderson: En ce qui concerne les terres, j'allais proposer un amendement précis, en ajoutant l'alinéa d) à la définition de «terres autochtones» pour correspondre au changement dans le préambule. Cela ajouterait une nouvelle définition de manière à inclure une surveillance fédérale au besoin et assurer la protection en vertu des traités. L'alinéa d) porterait sur les terres, y compris l'eau, qui sont utilisées de façon traditionnelle par les Autochtones conformément à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

En fait, cela reflète une partie de l'article 2 de la LCEE, qui exige que chaque fois que le fédéral examine un effet environnemental, il doit tenir compte des effets environnementaux sur les utilisations traditionnelles des terres par les autochtones. Dans le cas de la Cour fédérale du Canada, la cour a décrété que c'était une erreur de la loi de ne pas tenir compte des impacts sur l'utilisation traditionnelle des terres dans les évaluations environnementales. Nous essayons donc de rejoindre la réflexion qui a donné lieu à la LCEE en ajoutant cette définition des terres auxquelles le projet de loi pourrait s'appliquer, tout en sachant qu'il y a toutes sortes d'autres dispositions d'exemption et d'équivalence.

Les provinces n'ont rien à craindre. Le Canada dit simplement: «Si vous ne vous occupez pas des terres utilisées par les Premières nations pour leurs besoins traditionnels conformément aux traités et à la Loi constitutionnelle, nous le ferons à votre place.» Personne ne le fait actuellement.

Dans notre document, nous avons souligné que dans l'affaire Tolko et les audiences Louisiane-Pacifique, les droits, les intérêts et les terres des peuples des Premières nations ont été complètement négligés. Le Manitoba a dit qu'il ne voulait pas assumer cette responsabilité alors que le Canada estimait qu'il devait le faire. Le Canada et le Manitoba se montraient mutuellement du doigt. Par conséquent, les intérêts des Premières nations n'ont pas été évalués, c'est pourquoi il y a des causes devant les tribunaux actuellement.

Ces droits n'ont effectivement pas été évalués. Même les fonctionnaires des gouvernements provinciaux informaient le ministère de l'Environnement qu'il y avait d'importantes lacunes et omissions et des choses qui n'allaient pas du tout, mais le gouvernement, qui voulait accélérer l'examen de la licence, n'a fait aucune modification, n'a fait état d'aucun problème et n'a pas demandé d'autres renseignements.

Pour ce qui est de la Loi sur les Indiens, j'ai parlé de la partie 9. Le fédéral a pour politique de consulter directement les gouvernements des Premières nations, les bandes telles qu'elles sont reconnues dans la Loi sur les Indiens, au sujet des règlements qui les touchent. C'est une politique qui date de longtemps et qui est acceptée. Dans le cadre du Manitoba Framework Agreement Initiative, le FAI, ce serait une infraction à ce règlement de ne pas le faire. Un des derniers résultats du processus de la FAI est de changer la Loi sur les Indiens et d'établir des règlements pour la protection environnementale des terres. En fait, l'article 5.9 de la convention FAI dit clairement que pour ce qui est des obligations fiduciaires, la condition des réserves avant la signature de l'accord relève du ministre, du Canada, et que la condition des réserves lorsque le pouvoir décisionnel n'est pas entravé par l'autorité fédérale, relève des Premières nations.

Sans vouloir semer la confusion, je dois dire que le Canada a pris de nombreux autres engagements à l'égard des gouvernements des Premières nations, c'est-à-dire au niveau de la bande, que l'on ne retrouve pas dans la LCPE. J'ai souligné cette question de la partie 9, car c'est celle qui m'a le plus frappé, en pensant à ce qui s'est produit lorsque d'autres lois ont été proposées sans consultations suffisantes, et les règlements ont le même effet sur les réserves.

Le président: À ce sujet, je poserais la question suivante: L'obligation n'incombe-t-elle pas au gouvernement fédéral de toute façon, avec ou sans la LCPE?

M. Anderson: Absolument, en vertu de l'article 91.24 de la Loi sur l'Amérique du Nord britannique.

Le président: Pourquoi avez-vous besoin de la LCPE? Il me semble que les obligations dont vous parlez sont des obligations que le gouvernement fédéral doit honorer et qui existent déjà de toute façon.

M. Anderson: Je tiens compte en partie de l'intention du gouvernement dans ce projet de loi, c'est-à-dire d'intégrer les Premières nations à un régime national de protection environnementale.

Le président: Vous aimeriez une déclaration plus explicite d'un engagement qui existe probablement déjà.

M. Anderson: Le droit inhérent à l'autodétermination fait partie des droits dont nous pensons qu'ils figurent dans l'article 35 de la Loi constitutionnelle.

Le président: Merci. D'autres questions?

Le sénateur Cochrane: Pourriez-vous nous donner un bref aperçu de vos antécédents?

M. Anderson: Je suis le directeur de la recherche du secrétariat des ressources naturelles de la MKO. Nous travaillons sur tout ce qui vole, nage, rampe, croît, coule sur et sous la terre dans les trois quarts de la province du Manitoba. Nous traitons des projets d'exploitation des ressources forestières par nos premières nations. Nous faisons par exemple de la planification de gestion forestière. Nous participons également à des procès à l'appui de nos premières nations. Je participerai aux interrogatoires préalables pour l'affaire Louisiane-Pacifique, le 13 octobre. Nous aidons également à négocier des partenariats entre les sociétés, le gouvernement et les Premières nations. Nous avons contribué à la négociation d'un accord entre les chefs et le gouvernement du Canada sur les initiatives des zones protégées.

Le sénateur Cochrane: Êtes-vous employé par les Premières nations?

M. Anderson: Je suis directeur du Secrétariat des ressources naturelles de la Manitoba Keewatinowki Okimakanak, Inc., oui.

Le sénateur Cochrane: Êtes-vous membre des Premières nations du Canada? Êtes-vous né ici?

M. Anderson: Non. Je travaille pour le MKO depuis 11 ans et j'ai contribué à établir le Secrétariat des ressources naturelles, littéralement à partir de quelques boîtes de référence pour en arriver à ce que nous sommes aujourd'hui.

Le sénateur Spivak: L'article 217 contient un exemple frappant d'exécution de la loi par une province. Dans cet article, on dit que le ministre peut désigner des agents de l'autorité ou des analystes pour l'application de tout ou partie de la loi proposée. Je ne vois pas jusqu'où cela va. C'est une question que j'ai déjà posée et j'aurai la réponse prochainement.

Que pensez-vous de la désignation d'agents de l'autorité qui soient des administrateurs ou les fonctionnaires provinciaux? Cela vous gêne-t-il? Je ne sais pas combien d'agents de l'autorité il y a au ministère de l'Environnement du Manitoba.

M. Anderson: Le ministère fédéral de l'Environnement n'a pratiquement pas de personnel au Manitoba. Bon nombre des inspections environnementales sont effectuées par la Direction de l'environnement des Affaires indiennes dans la région du Manitoba.

Nous avons rédigé un document, dans le cadre des discussions sur ces mêmes questions, intitulé: «Fiduciary Obligation and the Environmental Management of First Nations Lands.» Une des études de cas dont nous parlons porte sur l'entente entre la région du Manitoba et le gouvernement provincial visant à envoyer des gens dans les réserves pour inspecter les réservoirs de carburant. Les inspecteurs du gouvernement du Manitoba écrivaient aux bandes et donnaient des avis aux chefs et aux conseils pour qu'ils fassent des réparations, bien que ce domaine relève clairement du fédéral.

De nombreux cas de chevauchement n'ont pas été officiellement négociés. En général, la position est que la relation est bilatérale.

Le sénateur Spivak: On dit également que le ministre «peut». Si le ministre désigne une personne dans une région donnée, la province est-elle obligée de s'exécuter? S'il n'y a pas d'agent de l'autorité, à quoi cela sert de désigner?

M. Anderson: La question de la délégation de l'autorité entre le Canada et les provinces sur les questions environnementales pourrait faire l'objet d'une étude propre. Il y a des agents des ressources naturelles au Manitoba qui sont des agents désignés du ministère des Pêches et des Océans. Les agents des ressources naturelles à Churchill avaient l'habitude de délivrer des permis de pêche dans les Territoires du Nord-Ouest. Maintenant ce sont des permis du Nunavut. Tout le monde fait le travail de quelqu'un d'autre, c'est pourquoi la question de l'équivalence me préoccupe tellement.

Lorsque j'ai demandé à Pêches et Océans de qui relevaient le fonds océanique et la mer aux larges de la Baie d'Hudson, le conseiller juridique a répondu, indirectement par l'intermédiaire des fonctionnaires de Pêches et Océans à Winnipeg, qu'il ne le savait pas. Personne ne sait vraiment.

Le sénateur Spivak: Je suis sûre que les fonctionnaires des ministères peuvent accomplir de nombreuses tâches, il n'y a pas de mal à cela. Mais lorsqu'il s'agit d'évaluation environnementale et, en particulier, des obligations énoncées ici concernant la biodiversité, ou lorsque l'on s'occupe des produits de la biotechnologie, ce n'est pas sérieux. Soyons sérieux.

M. Anderson: Je suis d'accord. La question est simplement que pour bon nombre de ces questions, nous surveillons une évaluation et une évaluation est effectuée. Quelqu'un doit assumer une autorité.

Mme Levin: Je dois expliquer que cet article permet au ministre de nommer des gens à titre d'agents de l'autorité ou d'analystes, mais uniquement aux fins de l'exécution de la LCPE.

Le sénateur Spivak: Je comprends.

Mme Levin: Ce n'est pour aucune autre fin. Ces personnes, sénateur Spivak, n'iraient pas par exemple déterminer quel est l'impact environnemental d'un produit de la biotechnologie. Ces gens ne sont pas nécessairement des scientifiques. Ils sont là pour faire exécuter la loi, effectuer des inspections, faire des essais et des mesures, procéder à des enquêtes d'infraction soupçonnée et des inspections et des essais pour vérifier la conformité. Le Ministère n'est pas obligé de faire ce genre de nomination.

L'autre explication au sujet de l'équivalence est que premièrement, la province doit le demander. Par exemple, elle pourrait dire ceci: «Nous avons un règlement sur les fonderies de plomb de seconde fusion. Il existe un règlement en vertu de la LCPE sur les rejets de plomb des fonderies de plomb de seconde fusion. Nous pensons que notre règlement et le même que le vôtre. Nous avons des limites d'équivalence, des procédures d'essai, et cetera.» Cela serait évalué. De plus, une province, ou tout autre gouvernement d'ailleurs, qu'il soit territorial ou autochtone, doit avoir les mêmes droits que n'importe qui pour demander une enquête.

Il ne faut pas oublier que l'équivalence ne veut pas dire que le gouvernement fédéral abdique quoi que ce soit. Quelqu'un doit demander l'équivalence. Cela doit faire également l'objet d'un décret en conseil. Un accord d'équivalence proposé doit être publié en vue de consultations et de commentaires.

C'est un processus complètement transparent. Il n'est pas automatique, mais généralement associé à une disposition.

Le sénateur Spivak: Je comprends parfaitement. Mais le fait est que l'autorité en matière de réglementation et d'exécution de la loi est floue. La plus grande partie est exemptée de ce projet de loi. La plus grande partie se trouve aux mains des provinces. Ce que l'on demande ici, c'est un leadership fédéral afin d'établir des normes nationales imposant une obligation juridique pour faire tout le nécessaire pour protéger l'environnement. C'est ce que j'ai cru comprendre, peut-être à tort.

Le sénateur Adams: Monsieur Anderson, nous avons entendu les producteurs de produits chimiques hier matin nous dire que la LCPE de 1988 leur convenait. Quelles sont vos préoccupations au sujet du projet de loi C-32? La foresterie et les mines causent de la pollution. Qu'en pensez-vous? Le projet de loi devrait-il être amendé ou adopté sans amendement?

M. Anderson: Je pense que les propositions que je présente aujourd'hui renforceront le projet de loi. L'adopter aujourd'hui, en particulier sans modification, provoquera de grandes difficultés s'il n'est pas restructuré. Je suis persuadé qu'il est important de restructurer le projet de loi pour reconnaître l'obligation du Canada à l'égard des Premières nations en vertu des traités et pour intégrer les autres changements que j'ai proposés.

C'est un texte de loi très important qui comprend de nombreuses facettes et objectifs. Il est clair que l'on y a beaucoup travaillé. Nous avons également suivi les divers processus des versions précédentes. Mais je crois que des changements s'imposent pour qu'il soit fonctionnel. S'il est adopté et que certaines des difficultés structurelles ne sont pas résolues, il pourrait avoir l'effet complètement inverse de ce que le gouvernement voulait, c'est-à-dire faire participer directement les Premières nations à un régime national de protection environnementale.

À ce sujet, lorsque nous parlions de demander des enquêtes, et je serai bref, il s'agissait d'un gouvernement représenté par une bande. La Cour suprême du Canada a convenu avec la Cour d'appel du Manitoba que les bandes des Premières nations avaient des intérêts spéciaux suffisants pour poursuivre les sociétés d'État dans les provinces voisines au sujet de lois qui ne sont pas appliquées. L'invitation à demander une enquête renverse ce que la Cour suprême a déjà accordé aux Premières nations reconnues à titre de bandes en vertu de la loi. Elles n'ont pas besoin de la permission du procureur général du Canada ou du Manitoba, dans notre cas, pour poursuivre les sociétés d'État dans d'autres provinces lorsque des intérêts spéciaux sur les réserves sont touchés. Autrement dit, voilà un autre secteur où les bandes indiennes ont un statut reconnu pour entamer des poursuites afin de protéger leurs intérêts qui a été modifié dans ce projet de loi par l'obligation de suivre un processus.

Les gouvernements autochtones définis dans ce projet de loi sont ceux qui ont fait l'objet d'ententes de revendication territoriale et de choses comme le projet de loi C-49. Je crains que les bandes telles qu'elles sont reconnues dans la Loi sur les Indiens, c'est-à-dire la grande majorité des gouvernements des Premières nations au Canada, n'ont pas été suffisamment intégrées à ce projet de loi. Je crains que la Couronne ne puisse plus rien faire une fois que le projet de loi sera adopté. C'est certainement dans l'intérêt de personne.

Le sénateur Adams: Avez-vous comparu devant le comité de la Chambre des communes comme témoin pour le projet de loi C-32?

M. Anderson: Non, nous n'avons pas comparu devant le comité de la Chambre au sujet de ce projet de loi.

Le sénateur Taylor: Même si tout ce que vous dites est vrai, et je ne suis pas d'accord avec vous, nous en venons à la question fondamentale suivante: Si ce projet de loi n'est pas adopté, vous êtes assujetti à l'ancienne loi. Les bandes indiennes sont-elles en meilleure position avec l'ancienne loi qu'elles le seraient avec la nouvelle loi proposée?

M. Anderson: Je dirais que chaque texte de loi exige un examen et une modification et c'est précisément ce qui s'est produit avec ce projet de loi.

Le sénateur Taylor: Vous n'en êtes pas sûr.

M. Anderson: L'ancienne loi comportait les mêmes difficultés. Il n'y avait aucun rôle pour les bandes en tant que gouvernement pour ce qui est du régime national de protection de l'environnement. Ce projet de loi fait l'effort d'inclure les peuples autochtones et les gouvernements des Premières nations mais, je crains seulement que cet effort n'aille que dans cette direction.

Le sénateur Taylor: Nous faisons un effort.

M. Anderson: Ces lacunes structurelles pourraient en fait aller à l'encontre de l'intention de la Couronne.

Le sénateur Taylor: C'est une amélioration par rapport à la LCPE de 1988. Merci.

Le président: Ce n'est pas ce qu'il a dit.

Le sénateur Taylor: C'est ce qui se rapproche le plus de «oui» de la part d'un recherchiste.

M. Anderson: Ce projet de loi comporte des changements qui intègrent d'autres intérêts des gouvernements des Premières nations pour qu'ils paticipent directement au régime de gestion de l'environnement et à la protection de l'environnement. Il est évident qu'il est structuré pour reconnaître les règlements de revendication territoriale et les accords comme le projet de loi C-49, surtout parce qu'il s'agit de gouvernements que le Canada reconnaît comme tels. Le projet de loi ne reconnaît pas une bande indienne comme un gouvernement.

La séance est levée.


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