Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Pêches
Fascicule 14 - Témoignages du 5 novembre 1998
OTTAWA, le jeudi 5 novembre 1998
Le comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 8 h 35 pour étudier les questions de privatisation et d'attribution de permis de quota dans l'industrie des pêches au Canada.
Le sénateur Gérald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte. Soyez les bienvenus. La parole est à vous.
Mme Christine Hunt, première vice-présidente, Native Brotherhood of B.C.: Nous ne sommes pas ici pour parler de rationalisation de la flotte ni d'attribution de permis.
Le président: C'est le mandat du comité, mais nous ne vous contraindrons pas à vous y limiter.
Mme Hunt: J'étais quelque peu préoccupée. Nous sommes ici pour parler des effets sur nos communautés de ce que nous considérons comme la mauvaise gestion de la saison de pêche de 1998 sur la côte ouest. À mes côtés se trouvent aujourd'hui M. Victor Kelly, qui représente neuf chefs, agit comme conseiller et siège au comité des pêches, M. Wadhams, M. Hubert Haldane et M. Alfred Hunt.
Je siège au conseil d'administration du Conseil canadien des pêcheurs professionnels ainsi qu'à celui qui s'occupe du volet canadien du Code de conduite pour une pêche responsable. Je suis également membre du groupe de travail sur le Fraser de la Pacific Salmon Commission. M. Haldane agit comme commissaire à la Pacific Salmon Commission. M. Radosevic est ici, ainsi que M. Henderson, qui représente onze tribus.
C'est le chef John Henderson qui donnera le coup d'envoi de notre exposé de ce matin.
M. John Henderson, Campbell River First Nations: Nous sommes ici aujourd'hui au nom des pêcheurs préoccupés de la côte de la Colombie-Britannique. Vous n'êtes peut-être pas au courant des effets du dilemme auquel nous avons été confrontés cet été et auparavant, et vous n'êtes peut-être pas conscients de l'effet de cette situation sur les enfants de nos communautés. En raison de cette situation, il y a beaucoup de souffrances, beaucoup de familles qui éclatent et beaucoup de tentatives de suicide.
Les souffrances que j'évoque tiennent au fait qu'on a foncièrement privé les personnes concernées de gagne-pain. On leur a interdit l'accès à une ressource dont elles ont tiré leur survie pendant des centaines d'années et des générations. Qu'il s'agisse d'autochtones ou non, ces personnes n'ont désormais plus accès à la ressource.
Je suis autochtone, mais nous ne pouvons faire abstraction du monde non autochtone. Aujourd'hui, nous vivons dans une société urbaine, et il y a beaucoup de mariages interraciaux. Il est important que vous le compreniez. Nous sommes des leaders de nos communautés, mais nous ne pouvons pas avoir de préjugés les uns envers les autres.
En venant à Ottawa, nous espérons que, au moment de repartir, nous aurons une idée de l'orientation que nous souhaitons prendre. Nous aimerions rapporter quelque chose avec nous. Nous ne savons pas quoi. Quels sont nos buts et nos objectifs de notre séjour à Ottawa? Nous ne voulons pas la charité. Nous tenons à ce qu'on reconnaisse l'existence d'un problème -- d'une crise. Qu'offre-t-on en cas de crise? De l'argent ou des fausses promesses?
Au fil des ans, j'ai vu les poissons aller et venir. Il y avait des poissons. On a essentiellement privé les pêcheurs de la possibilité de les récolter. J'y ai réfléchi. Certaines nuits, je n'arrive pas à dormir. Je songe à ce qui pourrait arriver dans trois mois, si aucune mesure d'urgence n'est prise pour venir en aide à ces personnes. Certaines des personnes assises à la table ont été témoins de trente tentatives de suicide en raison de la situation. On tente de se suicider à cause de la honte qu'éprouvent les familles confrontées à l'incapacité de subvenir à leurs propres besoins. C'est une réalité.
La dissolution des mariages s'explique incontestablement par l'absence de revenu. Si vous étiez en proie aux difficultés que rencontrent actuellement les Premières nations, vous non plus ne sauriez pas quoi faire. Voilà pourquoi nous sommes ici. À titre de leaders et de chefs de nos collectivités, nous avons une tâche chaque jour plus difficile à accomplir. Les programmes d'aide sociale ne peuvent durer qu'un temps.
Notre bande a des obligations hypothécaires de plus de 2,7 millions de dollars, et il s'agit uniquement de notre bande. Le long de la côte, toutes les bandes sont probablement dans la même situation, parce que nous avons signé à titre de copropriétaire des maisons dans lesquelles nous vivons jusqu'à ce que les hypothèques aient été réglées.
À Campbell River, nous sommes légèrement en avance par rapport à certaines des nations représentées à la table, mais, sinon, nous sommes tous les mêmes. Je parle au nom de nos pêcheurs, mais aussi au nom de tous les citoyens préoccupés de Campbell River. Bon nombre d'autochtones ont conclu des mariages interraciaux.
Je vous demande d'étudier la possibilité de nous offrir une certaine forme de compensation. Laquelle? Je n'en sais rien. Nous avons étudié la question sous toutes ses coutures pendant toute la journée d'hier. Pour ma part, je n'ai plus rien à dire. J'ignore si je perds mon temps ou non. Je ne vais pas quitter cette salle ni une quelconque autre salle animé d'un tel sentiment. J'aimerais partir en ayant le sentiment que quelque chose est fait.
J'ai ici certains chiffres provenant de notre village qui rendent compte de ce qu'auraient été les attentes des pêcheurs concernés. Certains sont dans une bien meilleure posture que d'autres, mais, en moyenne, ils s'attendent à gagner 10 000 $ pendant la saison de la pêche au saumon. C'est-à-dire que chacun des membres d'un équipage de six gagnerait 10 000 $. Les propriétaires des filets toucheront environ 15 000 $, et les propriétaires des bateaux, environ 50 000 $. Dans notre seul village, on estime à 1,4 million de dollars l'aide dont nos membres auraient besoin pour reprendre le dessus et être de nouveau fiers d'eux-mêmes. Cette aide serait nécessaire pour notre village seulement, et nous sommes l'un des plus petits villages.
Les bateaux sont enchaînés au quai en raison des droits de mouillage et des coûts de l'entreposage des filets. Ils ont augmenté. En ce moment même, la dette des pêcheurs s'alourdit parce qu'ils doivent assumer ces coûts. Il en coûte de 15 000 $ à 18 000 $ par année pour assurer un bateau. Or, ces polices d'assurance doivent être maintenues puisque les bateaux pourraient brûler ou couler pendant qu'ils sont amarrés au quai.
Je pourrais vous parler de la situation toute la journée, mais je ne suis pas ici pour priver les autres de leur droit de parole. Nous voulons tous avoir l'occasion de prendre la parole. À la fin de la réunion, je serai ici pour répondre à vos questions puisqu'il s'agit d'un enjeu important.
M. Richard Morgan, Gitxsan Wet'suwet'en: Je représente environ 70 pêcheurs au filet maillant de la région de la rivière Skeena. L'été dernier, on a donné à nos pêcheurs commerciaux la possibilité de pêcher ou d'y renoncer. Le plan de pêche était déjà en place, et les perspectives n'étaient guère reluisantes. Le temps de pêche était limité. On a offert une subvention de 6 500 $ à ceux d'entre nous qui resteraient à la maison et renonceraient à pêcher pendant la saison 1998.
En 1997, vous savez que les pêcheurs de l'Alaska ont intercepté notre saumon, en particulier celui qui se dirigeait vers les rivières Skeena et Nass. En 1997, notre revenu brut moyen a été de 8 000 $ à 10 000 $. Au cours de la même période et dans la même région, la valeur de nos prises moyennes habituelles est de 40 000 $ à 50 000 $. Vous êtes donc à même d'apprécier l'effet que la saison 1997 a eu sur nous.
En 1998, le MPO, prétextant une crise, a offert 6 500 $ aux pêcheurs. La quasi-totalité des pêcheurs de la rivière Skeena -- environ 70 bateaux dans notre région -- ont accepté. Ils ont empoché les 6 500 $ simplement parce qu'ils savaient que, en raison du temps de pêche qui leur était alloué, ils n'auraient pas la possibilité de gagner autant.
Cette somme de 6 500 $ leur a à peine permis de payer l'assurance de leur bateau. Certains ont eu la chance d'acquitter les droits de mouillage et les frais d'entreposage de leurs filets. La somme de 6 500 $ a tout juste suffi. Ainsi, le MPO contrôle désormais les mouillages à Port Edward. Après deux mauvaises années, nombreux sont les pêcheurs qui n'ont pas acquitté les droits de mouillage.
Au printemps dernier, soit avant le début de la saison, le ministère des Pêches et des Océans a enchaîné aux quais environ une douzaine de nos bateaux. Les pêcheurs n'ont pas pu bouger, de sorte qu'ils ont été contraints d'accepter les 6 500 $. Nombreux sont ceux qui ont vu leurs filets vendus aux enchères, faute de pouvoir acquitter les coûts d'entreposage.
Certains pêcheurs avaient cinq ou six filets valant 2 000 ou 3 000 $ chacun. Ils ont été vendus aux enchères pour 200 ou 300 $, et les pêcheurs n'ont pas touché un sou. Le peu d'argent tiré de la vente des filets a servi au paiement des frais de location. Vous voyez dans quelle situation se trouvent nos pêcheurs. Je parle de la rivière Skeena, mais les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui vous diront la même chose.
Pour couronner le tout, aucun d'entre nous n'a droit à l'assurance-emploi. Nous ne pouvons pas invoquer la somme de 6 500 $ que nous avons reçue pour faire établir notre admissibilité à l'assurance-emploi. Nous devrons presque tous faire appel à l'aide sociale. Nous n'avons pas d'autre revenu. J'ignore si vous le savez, mais, dans notre réserve, une personne célibataire reçoit en tout et pour tout une somme de 175 $. J'ai deux fils qui dépendent déjà de l'aide sociale. J'ai vu leur chèque. C'est pitoyable. J'ai vraiment pitié de ces enfants.
Ce que nous essayons de vous faire comprendre, c'est que nos gens sont désespérés. Nous sommes vraiment désespérés. J'ai entendu la même chose aux nouvelles. À Alert Bay, il y a eu quinze tentatives de suicide en un mois, et certaines personnes de cette communauté sont ici aujourd'hui.
À Port Hardy, l'année dernière, deux personnes se sont suicidées. Or, il ne s'agit que de deux villages. Nous sommes en crise, et nos mandants nous ont dépêchés ici pour trouver de l'aide. Nous aimerions rentrer à la maison avec de bonnes nouvelles, quelle qu'en soit la nature, et un peu d'espoir pour nos gens. J'ai beaucoup insisté parce que je voulais qu'on me choisisse pour venir ici et tenter de faire quelque chose pour nos gens.
Je tiens à remercier M. Radosevic qui a organisé ce voyage pour nous, particulièrement pour les autochtones, parce qu'il sait, je crois, que le syndicat compte des autochtones parmi ses membres. Le syndicat sait de quoi nous parlons, et il a organisé ce voyage pour nous: autrement, jamais nos conseils n'auraient eu les moyens d'assumer les coûts de notre voyage. Ils devaient se cotiser et assumer une partie des coûts, mais ils en ont été incapables. La situation s'est détériorée à ce point.
Je vous laisse sur ces mots. Nous espérons rentrer à la maison avec certaines bonnes nouvelles pour nos gens. Nos prières vont en ce sens.
M. Alfred Hunt, chef, Kwaitul First Nation: La situation est la même dans chacune de nos communautés, et toutes les personnes ici présentes ce matin vous feront le même récit. Nous avons accepté de venir à Ottawa pour tenter de venir en aide à nos gens. Je suis membre des Aboriginal Vessel Owners de la Colombie-Britannique. Il y a quelques années, nous avions environ 70 bateaux. Après l'entrée en vigueur du plan Mifflin, la taille de la flottille a connu une diminution d'à peu près 40 p. 100.
On a maintenant mis en place un nouveau programme de rachat volontaire, mais nous sommes contraints d'y participer. Nous avons travaillé et investi dans l'industrie pendant des années -- pour bon nombre de personnes, il s'est agi d'investissements massifs -- et nous assistons maintenant à la fin de la pêche. Je possède un bateau depuis 1969. Il est difficile d'être témoin de ce qui arrive à la pêche. Il a été difficile de le faire particulièrement en 1998, année au cours de laquelle la ressource était abondante et où on ne nous a donné la possibilité de pêcher que pendant 15 heures seulement. Le seul fait de nos octroyer deux brèves ouvertures aurait été très avantageux pour nous gens. Le prix du saumon sockeye était à la hausse, et nous avons dû nous contenter de regarder le poisson nous passer sous le nez.
J'ignore quels sont les projets du MPO, mais, pour le moment, il ne fait rien pour les pêcheurs. J'ignore même s'il a un plan d'avenir pour nous. Je ne veux pas quitter l'industrie, mais les départs ne sont pas volontaires: nous sommes contraints de participer au programme de rachat.
Le chef John Henderson a évoqué les saisons 1999 et 2000. Il n'y en aura pas. Nous n'aurons pas de temps de pêche. Il a également fait allusion à l'assurance des bateaux et aux dépenses. Pour mon bateau, je dois payer 8 000 $ en assurance. Les frais d'entretien annuels sont de 20 000 $ -- il s'agit de dépenses qui ont uniquement trait au bateau. Chaque année, six personnes travaillent sur mon bateau. Jusque là, nous vivions plutôt bien de la pêche, mais, tout d'un coup -- soit depuis l'entrée en vigueur du plan Mifflin --, la situation se dégrade.
Dans notre seul village, nous avons 12 personnes. La plupart d'entre elles sont des pêcheurs en passe d'être évincés parce qu'ils sont incapables de payer leur loyer. John Henderson en a aussi parlé. Notre bande a garanti un prêt à la SCHL. Nous n'avons pas d'argent pour effectuer ces paiements à la SCHL, de sorte que nous sommes sur le point de fermer notre bureau de bande.
Nous avons rencontré des représentants du MAINC. Un des fonctionnaires de Vancouver est venu dans notre village, et je lui ai demandé s'il pouvait faire quelque chose pour nous aider un peu. Il a répondu que non, qu'il y avait eu des compressions. Je lui ai demandé si le ministère pourrait nous consentir un prêt, et il a répondu qu'il n'y avait pas d'argent. Nous sommes donc en très mauvaise posture.
Nous allons tous vous dire la même chose. Les mariages se brisent, faute d'argent. Comment peut-on subvenir aux besoins d'une famille avec 15 heures de pêche pendant l'été? Nous avons actuellement droit à une montaison abondante du saumon kéta, mais les acheteurs se font rares. Le prix de ce saumon a diminué de quinze cents la livre. L'industrie de la pêche est vraiment malade.
Tout au long de ces années, nous avons tenté de travailler avec le MPO. À titre de pêcheur, nous connaissons -- et les anciens de la côte connaissent -- la montaison du sockeye et le fonctionnement du cycle, et nous savons que le saumon revient chaque année. Il y a eu une bonne montaison en 1998. Je l'ai dit hier. Le poisson sera probablement électrocuté à l'embouchure du Fraser. Autant de ressources de perdues. Dans nos villages, la plupart d'entre nous vivons sur la plage. De nos maisons, nous avons été témoins du passage du poisson. C'était comme des signes de dollar qui traversaient notre région, et nous avions les mains liées.
Dans la région de Port Hardy, on pose beaucoup de questions -- des questions au ministre au sujet du programme de rachat et de l'attribution aux pêcheurs commerciaux. Il n'y a pas si longtemps, j'ai lu dans le journal un article où le ministre disait que plus de poisson allait être alloué aux pêcheurs autochtones et aux pêcheurs sportifs. Nous ne savons pas de quels autochtones il parlait. La situation est la même tout le long de la côte.
Le ministre doit répondre à beaucoup de questions. Comment pouvons-nous planifier notre avenir après le rachat si lui-même n'a pas de plan?
M. Victor Kelly, conseiller, porte-parole des Allied Tribes Tsimshian Nation: Je représente neuf chefs de ma nation. La communauté d'où je viens compte 2 500 habitants. La nation tout entière compte 10 000 habitants. Je viens témoigner de la crise que traverse notre nation.
Dans les communautés, il y a une conserverie de poisson, de sorte que nous n'avons reçu aucun appui financier de la part du gouvernement fédéral. Notre usine de transformation du poisson n'a bénéficié du soutien d'aucun gouvernement parce que nous avons tenté de nous en occuper nous-mêmes.
Les effets de la crise sur chacune des communautés nordiques ont provoqué la fermeture de notre usine. Il n'y a plus rien pour les travailleurs à terre. Il n'y a plus rien pour les hommes de pont, et il n'y a plus grand-chose pour les pêcheurs.
À titre de pêcheur, je suis moi-même témoin du déclin radical de l'industrie de la pêche depuis un certain nombre d'années, et le phénomène est imputable aux politiques adoptées par le MPO. Ces politiques ne répondent pas aux besoins des résidents de la côte ouest.
Vous avez entendu les témoins qui m'ont précédé. Dans ma communauté, le taux de chômage est de 95 p. 100, et c'est ce qui explique les suicides, les dissolutions de mariage, l'alcoolisme et la toxicomanie. Il nous est très pénible de nous répéter de la sorte. Notre problème se pose en Colombie-Britannique depuis 1997, mais nous en parlons encore aujourd'hui. Ce sont les mêmes enjeux. Nous espérons avoir des réponses avant notre départ.
C'est le dernier endroit où nous pouvons nous adresser pour obtenir certaines réponses. Après tout, le gouvernement fédéral a une responsabilité de fiduciaire non seulement envers les autochtones, mais aussi envers les pêcheurs commerciaux de la côte ouest. Nous devons respecter les politiques qu'il met en place, et ces politiques nous acculent à la faillite. Elles nous placent dans une situation impossible.
Il y a un surplus de 20 milliards de dollars dans la caisse de l'assurance-emploi. Où l'argent ira-t-il? Notre communauté a demandé une aide financière. Nous avons fait parvenir un certain nombre de lettres à David Anderson. Nous l'avons également rencontré à Prince Rupert, et nous l'avons invité dans notre communauté. Il a dit qu'il était prêt à s'asseoir avec nous, mais le problème, c'est qu'il ne nous a pas dit en quelle année. Il est très frustrant d'être confronté à un ministre qui vous fait part de son intention de vous rencontrer en juillet, sans préciser de quelle année il s'agit.
Nous avons également fait parvenir des lettres à James Stewart, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, mais elles sont demeurées sans réponse.
Les dirigeants que j'ai mentionnés sont ceux avec qui nous devrions traiter, et non avec des subalternes. Après tout, ils nous ont ramenés au bas de l'échelle. Il est temps que le bas et le sommet de l'échelle se rejoignent et qu'on nous donne certaines réponses.
Mes collègues et moi pêchons depuis un certain nombre d'années. J'ai dit à des représentants du MPO qu'ils allaient dans la mauvaise direction, mais ils ne veulent rien entendre. Ils délivrent de trop nombreux permis de pêche -- non seulement pour le saumon, mais aussi pour le hareng et pour la quasi-totalité des pêcheries. Dans les années 60 déjà, nous leur disions qu'ils allaient dans la mauvaise direction.
Ils sont allés dans la mauvaise direction. Ils n'ont jamais écouté. Que faudra-t-il faire pour que le MPO comprenne enfin que les autochtones étaient les premiers habitants, et que nous sommes ici pour rester? Nous connaissons le cycle du saumon et de toutes les ressources de la mer. Prenez l'oreille de mer, par exemple: dès qu'on a commercialisé cette espèce, elle a été décimée, malgré nos mises en garde.
Hier, un témoin a évoqué des prises accessoires. Avec l'aide du gouvernement provincial, nous en avons fait l'essai dans notre usine de transformation, et nous avons tenté de nous diversifier dans des espèces autres que le saumon. Lorsqu'on dispose de ressources limitées pour tenter de lancer une nouvelle pêcherie, comment peut-on parvenir à ses fins? C'est plus facile à dire qu'à faire.
J'aimerais partir d'ici porteur d'un message quelconque pour les gens de mon peuple. J'aimerais pouvoir leur dire: «Oui, ils ont écouté, et des solutions seront apportées.»
Si on veut assurer la viabilité de la communauté, on devra régler un certain nombre de problèmes. Le premier ne date pas d'hier -- il s'agit de la route qui va de Port Simpson à Prince Rupert. Elle a été aménagée à l'aide de fonds provenant de nos propres exploitations forestières. La participation totale de tous les gouvernements confondus a été de 600 000 $. Notre communauté a investi dans la route 10 millions de dollars à même les revenus tirés de ces exploitations forestières, et nous demandons toujours aujourd'hui qu'elle soit mise à niveau avant qu'un accident majeur ne survienne. À ce jour, nous n'avons reçu aucune réponse directe, à ceci près que le gouvernement provincial fera une annonce «bientôt». Nous voulons entendre quelque chose de positif de la part du gouvernement fédéral. Nous ne voulons plus de promesses. Nous voulons de l'action directe.
Notre demande émane de la base, comme il se doit; d'habitude, on nous laisse sur la brèche. Nous écoutons les nouvelles. Nous savons ce qui se passe. Des étrangers et des immigrants viennent s'établir au pays, et ce sont les premiers à bénéficier d'aide financière. Les Premières nations viennent en dernier lieu. On nous oblige à venir ici, à Ottawa, pour faire part de nos préoccupations, parce que nos peuples sont en crise.
La situation est si désespérée que nous ne savons pas ce qui va se passer au cours des deux ou trois prochains mois. Il est temps que les gens qui ont droit à des chèques de paie plantureux -- nous n'avons rien -- de commencer à nous écouter et à agir. Vous tous qui êtes assis ici touchez un chèque de paye confortable. Pas nous, et on doit nous financer. Je remercie M. Radosevic, ici présent, d'avoir rendu possible notre visite. Nos bandes n'en avaient pas les moyens. La situation s'est dégradée à ce point.
Chacun d'entre nous vous fera part des mêmes problèmes. Il n'y a pas de différence.
M. Greg Wadhams, conseiller, Namgis First Nations: Je viens du beau milieu des détroits de Johnson, en Colombie-Britannique, où passent les principales montaisons de saumon.
Je veux parler aujourd'hui de la frustration que nous éprouvons, de la crise que nous connaissons et du processus en cours en ce qui a trait à la politique. Bon nombre de ces questions ont été soulevées et débattues à la table ronde, à l'époque où MM. Tobin et Mifflin mettaient en place les plans, et nous avons évoqué la crise et les effets qu'elle allait avoir sur nos communautés.
Comme dans toutes les autres tables établies par le gouvernement, cependant, les autochtones qui siégeaient avaient pour seule fonction d'approuver les décisions prises par les grandes sociétés, les MPO et d'autres intervenants.
Nous avons discuté avec eux. Du point de vue du maintien de la ressource pour l'avenir, qu'arrivera-t-il aux communautés autochtones? Nos communautés ont acheté des bateaux du conseil des pêches, et ces bateaux étaient des bateaux usagés financés par le gouvernement et les sociétés de la Colombie-Britannique. Ils nous ont donné quelques millions de dollars pour faire l'acquisition de ces bateaux. Ce sont les mêmes bateaux qu'ils rachètent maintenant parce qu'ils ne sont pas concurrentiels au sein de l'industrie.
Dans l'industrie de la pêche, ce sont les autochtones qui sont le plus durement touchés. Le nouveau programme de rachat aura pour effet d'exclure les autochtones de l'industrie de la pêche dans la quasi-totalité des communautés littorales.
Lorsqu'il s'agit de travailler en collaboration et d'obtenir un statut égal par rapport à d'autres, les autochtones font preuve d'une très grande fierté. Ils aiment travailler. Ils sont fiers, comme en témoignent ceux qui travaillent dans l'industrie de la pêche, comme nous avons eu le privilège de le faire pendant quelques décennies. Nous avons fait la preuve de nos capacités et de notre connaissance des ressources que recèle notre territoire.
Selon Delgamuukw, les titres de propriété sur la ressource et la responsabilité de cette dernière dans notre territoire nous appartiennent toujours, jusqu'à preuve du contraire. Le principe s'applique à tous les autochtones de la Colombie-Britannique, et non seulement à la poignée d'autochtones dont le MPO s'occupe actuellement. Que fait-on de l'obligation de consulter les autochtones que renferme Delgamuukw? Que fait-on des autochtones qui travaillent dans l'industrie de la pêche? Avec l'avènement de toutes ces nouvelles politiques, de quoi leur avenir sera-t-il fait?
L'ancienne politique a donné lieu au même problème. Toutes les politiques adoptées ont porté directement atteinte aux autochtones et profité aux grandes sociétés. Je ne sais pas comment nous pourrons empêcher les sociétés et le MPO de nous manipuler. Nous sommes les premières personnes à qui ils se sont adressés, et nous avons été les premiers à aider les grandes sociétés de pêche à se matérialiser. Aujourd'hui, ils nous manipulent au point où nous ne sommes plus rien. Pourtant, nous vivons toujours dans des communautés littorales, et les poissons sont à nos portes. Nous avons besoin de possibilités.
À la table ronde, on nous a promis qu'on n'allait pas toucher aux allocations du secteur commercial. À l'instar de M. Mifflin, M. Tobin nous l'a promis. Ils ont également affirmé que le changement de politique n'allait pas avoir une incidence trop grande sur les communautés littorales. Le nouveau ministre a transformé la politique du tout au tout, et il tient maintenant un tout autre discours au sujet de l'attribution.
Nous ne savons pas de quels autochtones il parle parce qu'il refuse de venir consulter les Premières nations qui vivent le long de la côte. Avant de priver les autochtones de quelque ressource que ce soit, il doit, en vertu de sa responsabilité fiduciaire, mettre en place un processus de consultation, mais il n'en fait rien.
Le 19 juin, on a fait état d'un montant de 400 millions de dollars, et la somme aurait été réservée pour la côte ouest. Cependant, les intéressés n'ont pas touché un sou. J'ignore à qui l'argent est destiné, ou même si cet argent existe bel et bien, mais il ne rejoint pas les personnes qui ont été directement touchées. Certains des propos que tiennent les représentants du MPO et d'autres personnes à Ottawa ne sont qu'un tissu de mensonges.
En tant qu'autochtones de la côte, nous sommes très déçus par le traitement qui nous est fait dans les nouvelles politiques, le processus de consultation et l'aide aux communautés, lesquelles vivent actuellement une crise beaucoup plus grave que l'un ou l'autre des stocks de poisson. Nous souhaiterions que l'on s'engage envers les communautés locales à reconstituer les stocks de saumon. Partout où nous sommes allés, nous avons dit: «Accordez-nous du financement, les occasions sont là.»
Nous vous demandons d'agir avant que le MPO ne compromette la gestion et ne détruise toutes les ressources dont nous disposons. L'occasion de reconstruire s'offre toujours à nous. Le saumon viendra pour peu qu'on nous donne les moyens de le ramener. Il est tout à fait crucial qu'on nous écoute et qu'on diffuse le message pour nous. Voilà pourquoi nous sommes ici à Ottawa.
On doit garantir la participation des autochtones à l'avenir. On doit optimiser l'utilisation des ressources naturelles disponibles afin de garantir des entreprises et des emplois viables aux autochtones et aux communautés littorales, et on doit également y créer de nouveaux emplois à temps plein. On doit venir en aide aux endroits où les gens vivent, et non aux grandes sociétés. Dans ce dossier, j'ai le sentiment que les grandes sociétés sont de mèche avec le MPO et que, ensemble, ils cherchent à détruire le mode de vie des communautés littorales.
On doit mettre des débouchés à la disposition des personnes qui souhaitent continuer de pêcher et de vivre sur la côte, dans le respect de la tradition et en prévision de l'avenir. On doit s'engager envers des résultats à long terme pouvant être mesurés ainsi qu'envers la coopération et la participation de l'ensemble des secteurs et des particuliers que préoccupent l'avenir des communautés, en particulier les secteurs autochtones.
En pourcentage, nous occupions une petite place dans l'industrie de la pêche. Avec l'avènement des nouvelles politiques, nous occupons une place encore plus petite. Les nouvelles politiques et les programmes de rachat entraîneront notre élimination pure et simple. Je ne pense pas que les pêcheries aient la responsabilité fiduciaire d'agir ainsi.
Nous devons bénéficier d'une certaine forme de viabilité et d'avenir, en particulier au vu des propos que le gouvernement tient au sujet des partenariats, notamment en ce qui concerne les traités et l'avenir. Nous devons travailler en partenariat. Nous ne voulons plus participer à un processus à sens unique dans le cadre duquel on nous demande simplement d'approuver tout ce qui se fait au Canada. Nous voulons être parties prenantes du processus.
M. Hubert Haldane, chef, Commission des pêcheurs Laxgal'Sap Nisga'a: Je suis commissaire au Traité sur le saumon du Pacifique. Je préside également la Société des pêcheurs autochtones du Nord, en plus d'agir comme conseiller pour le gouvernement du village de Greenville.
Parmi les nombreuses raisons à l'origine des problèmes que nous éprouvons aujourd'hui, on doit citer les politiques et les plans mis de l'avant par le ministre. Ces plans et politiques remontent au plan Davis et aux ministres qui ont précédé. Ils ont mis en place des programmes qui semblaient pouvoir améliorer la situation, mais, de notre point de vue, les choses se sont détériorées depuis l'adoption du plan Davis.
Le plan Davis et tous les plans arrêtés par d'autres ministres ont coûté cher à nos peuples. Pour changer d'engin, il faut de l'argent, et ce changement s'est révélé très coûteux. Le plan Davis a notamment eu pour effet de nous priver de nos permis de catégorie «A». Avant le plan Davis, nous pouvions utiliser ces permis pour pêcher le flétan, la morue et d'autres espèces. Avec l'avènement du plan Davis, ce droit nous a été enlevé. Nous n'étions plus autorisés qu'à pêcher le saumon.
Le plan Mifflin a fait la même chose. Il a privé nos gens du droit de pêcher -- par exemple ceux qui exploitent des bateaux de pêche à la traîne à fins multiples. Grâce à ce matériel mixte, les pêcheurs du Nord étaient en mesure d'ajouter au poisson capturé à l'aide de filets maillants le poisson capturé à la traîne -- ce qui n'est plus possible aujourd'hui.
Maintenant, le plan Anderson va nous porter le coup de grâce. Dans le cadre de ce plan, en effet, on va céder au secteur commercial ou au secteur sportif le poisson qui nous était historiquement alloué, sans compensation.
Je représente également quelque 284 titulaires de permis réunis au sein de la Société des pêches autochtones du Nord. Les plans adoptés au cours des dernières années nous ont également placés dans l'embarras sur le plan financier. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien nous a donné quelques millions de dollars pour lancer cette société de même que pour acheter certains bateaux, ce qui nous a permis de venir en aide à nos pêcheurs et à nos gens. Cependant, personne n'est venu en aide à la société pour lui permettre de continuer d'exister.
On a donné à un bon nombre de nos pêcheurs la possibilité de demeurer à la maison. Ils s'en sont prévalus, conscients du fait qu'ils n'allaient rien pouvoir gagner cette année. Comme vous le savez maintenant, la pêche est une activité très coûteuse. La seule mise en service d'un bateau de pêche à filet maillant coûte de 10 000 $ à 30 000 $ par saison. Nombreux sont ceux qui arrivent mal à comprendre pourquoi il en coûte aussi cher, mais c'est la réalité.
J'apprécierais au plus haut point que vous défendiez la Société des pêcheurs autochtones du Nord auprès du MAINC et que vous nous aidiez à faire en sorte qu'elle soit rayée de la liste noire, histoire de lui permettre de continuer d'aller de l'avant. Nous avons les mains liées. Personne ne nous aide. Je demande respectueusement que l'un d'entre vous parle à Jane Stewart et à ses fonctionnaires, de façon que la société puisse reprendre ses activités et venir en aide aux pêcheurs.
M. John Radosevic, président, United Fishermen and Allied Workers Union: On vient de vous faire un récit tragique, et on peut convenir du fait que la situation est encore plus précaire dans les communautés autochtones que dans les autres. Cependant, les similitudes sont nombreuses. Dans les collectivités non autochtones, la situation est grave. Pour venir à Ottawa à la rencontre de ceux qui contrôlent leur vie, comme c'est le cas du MPO, les intéressés doivent parcourir de grandes distances. À mon avis, il est relativement humiliant de venir ici pour tenter d'organiser des rencontres avec le comité sénatorial permanent des pêches et avec Jane Stewart et David Anderson pour se faire dire qu'ils refusent ne serait-ce que de vous entendre. Je tiens à remercier les comités du Sénat de l'occasion qu'ils nous donnent de prendre la parole devant le comité sénatorial permanent des peuples autochtones ainsi que devant le comité sénatorial permanent des pêches.
À mes yeux, le refus d'entendre ne serait-ce que l'exposé du problème, sans même parler de le résoudre, est tout à fait inacceptable. En votre qualité de membre d'un comité du Sénat, vous serez peut-être en mesure d'user de votre influence pour changer les choses. Nous ne nous attendons pas à ce que le Sénat adopte une loi -- ce pouvoir appartient à d'autres. Si vous êtes en mesure d'user de votre influence sur vos groupes parlementaires respectifs au Parlement peut-être serez-vous en mesure de changer des choses.
Même si vous n'êtes pas d'accord avec ce que nous avons dit et que vous avez toujours des questions et des demandes d'éclaircissement à présenter, nul ne saurait nier que le législateur a tout au moins l'obligation d'écouter ceux que les lois qu'il adopte affectent. Or, telle n'est pas la réalité.
On a envoyé des lettres, et vous en trouverez des copies dans votre cahier. Nous distribuerons certains documents d'information. Vous y trouverez une lettre provenant de toutes les associations de pêche importantes de la Colombie-Britannique -- tous les grands employeurs l'ont signée, sans exception. Elle date du 11 septembre, et nous n'avons toujours pas reçu de réponse.
Ce qui devait être dit l'a été. Peut-être pourrez-vous user de votre influence pour obtenir en notre nom des rencontres avec des personnes d'influence, de façon que nous puissions faire part de notre situation à ceux qui font les lois. Même s'ils décident de nous liquider, nous voulons les obliger à en payer le coût en écoutant ce que nous avons à dire et en prenant connaissance des effets des lois qu'ils adoptent.
Le président: Nous allons nous pencher sur notre mandat actuel pour déterminer si les questions que vous avez soulevées ce matin s'y rapportent. À première vue, je n'en suis pas certain, mais vous nous donnez une excellente occasion de commencer à étudier la possibilité de pousser la réflexion bien au-delà des limites de notre mandat actuel. Je vais discuter avec les membres du comité pour déterminer s'il s'agit là d'une question que nous pourrions étudier plus en profondeur.
Si vous avez suivi les travaux que nous avons effectués dans le cadre de notre mandat actuel, vous savez que nous sommes à tout le moins très méticuleux dans l'examen d'une question. Notre mandat actuel nous occupe depuis 18 mois. Nous nous sommes assurés d'aborder la question sous tous les angles et sous toutes les coutures. Nous allons prendre votre suggestion très au sérieux, et nous allons en débattre plus en profondeur.
Ce matin, vous avez soulevé certaines questions qui exigent la prise de mesures rapide, et les membres du comité vont aussi en parler. On doit aborder ce problème sous deux angles: la prise de mesures immédiates, et une étude à plus long terme des effets des plans qui ont été mis en place.
M. Radosevic: J'ai moi-même rédigé deux ou trois documents sur les QIT, et je me suis penché sur la question. Si vous avez pour mandat d'étudier les QIT, la privatisation des pêches ou la location de permis ou de quotas, un lien existe entre la santé économique des personnes à qui vous parlez ici et les changements qui ont été apportés.
Le plan Mifflin s'inspire du plan antérieur relatif à l'octroi de permis de zone pour la pêche au hareng, lui-même lié au problème des QIT. Si vous cherchez un lien, je ne pense pas que vous aurez du mal à établir un lien entre ce problème et la situation actuelle.
Le président: Le 17 novembre, nous allons entendre deux groupes. Nous allons accueillir un représentant de la British Columbia Aboriginal Commission, et M. Roy Alexander et son groupe seront accompagnés par certains groupes autochtones qui souhaitent débattre de cette question avec nous. Ils veulent discuter de l'impact de certaines de ces mesures sur les villages de la côte, en plus de nous faire certaines recommandations qui s'inscrivent directement dans le cadre de notre mandat.
Nous allons passer toutes ces questions en revue au cours des prochaines semaines. Je tiens également à mentionner que le ministre des Pêches et des Océans comparaîtra devant nous le 26 novembre. Je suis certain que les membres du comité auront certaines questions à lui poser à ce sujet.
Les documents que vous vouliez soumettre aux membres du comité ont été distribués, et nous les étudierons plus en détail.
Mme Hunt: Je vous envie de pouvoir rencontrer M. Anderson. Les personnes ici présentes ont tenté désespérément de le faire -- à l'instar de nombreux autres intervenants de la côte ouest --, mais il n'a rencontré personne.
En fait, le désespoir a contraint des pêcheurs des détroits de Johnson à menacer de bloquer la passe Seymour, afin de pouvoir rencontrer le ministre. Le ministre a refusé de le faire même dans ces conditions, mais nous avons tenu une manifestation pacifique, et nous n'avons pas bloqué la passe Seymour. Au moment où nous nous préparions à partir dans les 40 bateaux qui devaient participer à la protestation, nous avons vu des agents des pêches et de la Garde côtière charger leurs armes à bord de leurs bateaux. Je me suis dit: «Depuis quand utilise-t-on des armes au pays? Que croient-ils que nous allons faire?»
Des fonctionnaires de M. Anderson sont venus à Campbell River, et ils ont loué une chambre d'hôtel à trois milles de l'endroit où nous étions réunis. Environ 600 pêcheurs les attendaient, mais ils ont loué une chambre et se sont dits prêts à accueillir une délégation de 10 personnes. Des gardes armés de la GRC les accompagnaient. Je me demande bien de quoi ils avaient si peur.
Pour vous donner une idée de la frustration éprouvée par nos pêcheurs cet été -- non seulement dans le sud, mais aussi dans le nord -- le ministre Anderson a conclu avec les Américains une entente leur garantissant 25 p. 100 des saumons sockeye du Fraser. Il l'a fait sans consulter la Pacific Salmon Commission, dont M. Haldane et moi faisons partie. Il l'a fait sans consulter les groupes autochtones, même si la mesure a eu un impact considérable sur eux. Or, je crois comprendre que nous devons être consultés lorsque la politique fédérale a un impact sur notre mode de vie.
Aucune entente n'a été conclue dans le Nord, de sorte que les pêcheurs de l'Alaska ont pêché à satiété. Le village de M. Kelly se situe à deux ou trois milles de la frontière, et il a vu les pêcheurs de l'Alaska pêcher, au moment même où il leur était interdit de le faire pour assurer leur propre subsistance. Voilà le genre de frustrations auxquelles nos gens ont été confrontés, lorsqu'ils ont été témoins, de la plage, des effets des ententes conclues par M. Anderson avec les Américains. C'était très frustrant.
Les problèmes sociaux exercent une ponction colossale, non seulement sur la population autochtone, mais aussi sur la population non autochtone. On vous a parlé des suicides. Je connais un homme qui a pêché toute sa vie. Cette année, il a été incapable de subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants, et il a sombré dans la folie. Toute sa famille participait à l'industrie de la pêche. Au terme d'une réunion de famille, on a dû demander l'institutionnalisation de cet homme. C'est un peu comme si on me demandait de chasser mon père -- qui est à mes côtés aujourd'hui.
Le président: Je sais que vous devez partir bientôt parce que vous avez une autre rencontre à 10 h. Avec votre permission, les membres du comité aimeraient vous poser une ou deux questions.
Mme Hunt: Je voulais conférer un visage humain à la situation. Sur la côte ouest, l'utilisation des ressources en santé mentale a fait un bond prodigieux.
L'un des récits les plus tristes que j'aie entendus concerne une femme de Prince Rupert qui n'avait que du colorant à café et de l'eau à donner à son bébé. C'est très triste.
En venant ici, nous poursuivons trois objectifs. Le premier est le plus urgent, et il a trait à l'octroi d'un financement d'urgence à nos communautés littorales. Le deuxième a trait à l'obligation du MAINC de s'attaquer aux problèmes sociaux qui s'aggravent de jour en jour -- la violence familiale, le suicide, la dissolution des mariages, et cetera.
Le troisième tient au fait que le Canada a conclu avec la Colombie-Britannique un protocole d'entente sur les pêches, lequel a été signé il y a 12 ou 16 mois. Le Canada ne respecte pas les modalités de ce protocole d'entente. Nous aimerions que ce problème soit corrigé. Nous voulons que le premier ministre Chrétien rencontre notre premier ministre le plus rapidement possible, afin de remettre le protocole d'entente sur les rails et de s'attaquer au problème du Traité sur le saumon du Pacifique conclu avec les Américains. Voilà les deux demandes que nous vous adressons aujourd'hui.
Le sénateur Stewart: Les témoins auront noté que la quasi-totalité des sénateurs ici présents ce matin viennent du Canada atlantique, à l'exception du sénateur Adams. Voilà qui devrait vous donner une idée des travaux que le comité a accomplis. Nous nous sommes penchés sur la question des QIT. Même si, dans les journaux, nous avons lu des articles au sujet des grandes difficultés qui se vivent sur la côte ouest, en particulier dans le secteur de la pêche au saumon, nous avons très peu de détails à ce sujet.
Avez-vous comparu devant le comité de la Chambre des communes dans le cadre de ses travaux récents?
M. Radosevic: Oui.
Le sénateur Stewart: Estimez-vous avoir eu droit à une audience équitable?
M. Radosevic: Oui. Le mémoire du comité de la Chambre des communes figure dans notre cahier, et nous l'appuyons.
Le sénateur Stewart: On a fait allusion à la possibilité que les grandes sociétés et le MPO soient de mèche. Puis, vous avez fait référence à votre propre société. Qu'entendez-vous par «grande société»? Je tiens pour acquis que l'expression ne s'applique pas à votre propre société.
M. Anderson: Nous faisons référence aux grandes sociétés qui dominent l'industrie de la pêche, par exemple les trois principales que compte la Colombie-Britannique -- Ocean Fish, B.C. Packers et Canadian Fish.
Le sénateur Stewart: Avez-vous des preuves de la collusion qu'il y aurait entre ces sociétés et le MPO?
M. Henderson: À titre d'exemple, je vais vous parler d'un événement qui a eu lieu cette année. À l'occasion d'une conférence téléphonique, on a indiqué que le poisson n'était pas encore prêt pour la capture. L'indication est venue des sociétés. Ce sont elles qui ont ouvert la pêcherie, et le MPO l'a fermée sur leur recommandation. Les sociétés ont dit: «Nous n'allons pas pêcher cette semaine; nous allons pêcher la semaine prochaine.»
Le prix du poisson était bon, et il y avait un marché. C'est comme si elles avaient jugé bon de nous empêcher de pêcher parce que, dans le cas contraire, elles n'allaient plus pouvoir racheter nos permis. Il s'agit d'une situation sans issue.
M. Radosevic: On ne peut répondre à la question de façon définitive. Les grandes sociétés prient le ministre chaque fois qu'il fait une annonce, et il les soutient à l'occasion de diverses annonces, mais ce n'est pas là une preuve suffisante. Nous n'avons pas de preuve, mais le résultat est là: lentement mais sûrement, les grandes sociétés s'emparent des permis et du contrôle de la ressource.
Nous ne sommes pas en mesure d'établir de façon certaine si elles agissent de façon délibérée ou accidentelle. On leur cède de plus en plus de permis et de quotas, cependant, et elles prennent le contrôle de la ressource au moyen d'accords financiers. Tout le monde a dû consentir des investissements plus considérables pour se conformer aux plans Mifflin et Anderson, ce qui a entraîné un déplacement vers les sociétés qui ont de l'argent -- nommément les grandes sociétés. On constate que les sociétés exercent une mainmise sur les projets de pêche sélective mis de l'avant au cours des six derniers mois environ. Ce sont là des preuves circonstancielles, et non des preuves directes.
Le sénateur Butts: Nous avons vécu des moments très émouvants. Je veux en apprendre le plus possible et faire tout ce que je peux.
Êtes-vous certains de la présence de la ressource? Est-elle de moins en moins abondante, ou son importance varie-t-elle d'année en année?
M. Hunt: J'ai pêché toute ma vie. Dans les années 60, il fut un temps où la ressource paraissait plutôt rare, mais nous bénéficiions malgré tout d'ouvertures. D'après ce que je peux voir, le poisson est de retour le long de la côte, et non seulement dans le fleuve Fraser. Le long de la côte, on note une importante montaison de saumon kéta, qui va jusqu'en Alaska. Il n'y a pas de pénurie de poisson. Le seul problème, c'est que nous ne pouvons pas le capturer parce qu'on nous l'interdit. Notre situation est tout à fait différente de celle qu'on connaît sur la côte est. Il y a toujours du poisson à nos portes.
Le sénateur Butts: Êtes-vous d'accord avec le principe du rachat? Les programmes de rachat sont-ils à proscrire dans tous les cas?
M. Radosevic: Nous sommes tous d'accord avec les programmes de rachat, mais ce sont les pêcheurs qui doivent les administrer. Ils doivent s'assortir d'un objectif. Or, aucun plan ne chapeaute ces programmes. On s'est contenté de mettre un paquet d'argent sur la table. On n'a établi aucun plan pour le nombre de bateaux, le nombre de bateaux de pêche au filet maillant, le nombre de pêcheurs qui acquerront le statut de pêcheur commercial. On n'a établi aucun objectif compréhensible. Nous nous opposons à ce type de programme de rachat, et nous voulons faire partie du processus de planification devant précéder tout programme de rachat. Voilà ce que nous demandons.
M. Kelly: Moi aussi, j'ai pêché toute ma vie. Lorsqu'on est contraint de se prévaloir d'un programme de rachat, que met-on dans la balance? Son gagne-pain.
Le sénateur Butts: Dans ce cas, vous ne vous opposez pas à tous les programmes de rachat. Vous ne vous y opposez pas dans la mesure où vous avez votre mot à dire. Ai-je bien compris?
M. Kelly: Ce n'est pas tout à fait vrai.
Le sénateur Butts: Je veux la vérité.
M. Kelly: Nous sommes contraints de participer aux programmes de rachat en raison de la situation financière dans laquelle nous nous trouvons -- la crise.
Le sénateur Butts: Vous voulez participer aux programmes de rachat, à condition que ce soit votre choix.
M. Kelly: Il y a les paiements à effectuer à la banque, et il y a les frais de mouillage. Les coûts sont considérables.
M. Henderson: Nous faisons référence aux cas de participation forcée. M. Hunt a la réputation d'être l'un des meilleurs pêcheurs de la portion supérieure des détroits de Johnson. Pendant la période d'interdiction de la pêche dans les détroits de Johnson, son bateau a été l'un de ceux qui ont été utilisés pour la pêche expérimentale. En ce qui concerne les niveaux de prises, il s'agit de l'une des montaisons les plus importantes des annales. Jamais une pêche expérimentale n'a révélé la présence du niveau de captures comparables, non seulement dans les détroits supérieurs, mais aussi dans les détroits inférieurs. Il s'agit de la septième pêche en importance de l'histoire.
Nous n'avons pas abordé ici cette question parce qu'il n'y a pas suffisamment de représentants de ce secteur pour que nous puissions leur faire connaître avec exactitude notre façon de penser. J'aurais souhaité avoir ici une audience plus large; j'aimerais bien que ces personnes prennent la parole et clarifient la situation. J'ai été témoin du phénomène. Je suis pêcheur, moi aussi. Je représente également les Premières nations.
Le sénateur Butts: Voulez-vous un quota fixe?
Mme Hunt: Non.
Le sénateur Butts: Je vais parler au ministre Anderson en votre nom. Y a-t-il autre chose que vous souhaitiez lui communiquer précisément?
M. Henderson: Nous aimerions recevoir de l'aide et des secours d'urgence.
Le sénateur Butts: J'aimerais pouvoir lui communiquer des choses précises, par exemple que vous ne voulez pas de quotas, mais que vous accepteriez peut-être le rachat, à condition qu'on vous consulte au préalable.
M. Wadhams: Nous voulons également connaître l'avenir de la participation des autochtones à l'industrie de la pêche.
Le sénateur Butts: De façon plus précise, vous souhaitez prendre part au processus décisionnel.
M. Wadhams: Nous voulons qu'on mette au point un programme pour nous.
M. Henderson: C'est là le principal enjeu. Il a fait l'annonce d'un programme de rachat, mais quelles sont les politiques qui l'accompagnent? Ce n'est pas clair aux yeux des membres des Premières nations, mais, dans les journaux et en public, il a fait part de sa volonté d'établir un programme de rachat.
Il souhaite une participation plus grande des Premières nations dans l'industrie, mais que cela signifie-t-il? S'agit-il de priver quelqu'un de son gagne-pain, comme c'est le cas pour nous? Est-ce cela qu'il veut dire? Faut-il comprendre qu'il entend priver quelqu'un de la possibilité de se départir d'un navire qui vaut 2 millions de dollars et d'un permis qui en vaut la moitié? Si vous avez une politique en place et que le ministre souhaite obtenir la participation des Premières nations, qu'on nous le dise. Y aura-t-il une nouvelle équipe chargée des permis pour présenter une personne comme Alfred Hunt?
Le sénateur Adams: Je vous ai rencontrés hier soir au comité sur les autochtones. Vous avez évoqué la route que vous avez construite. Votre situation financière pour l'avenir m'intéresse. Il y a quelques années, vous avez aménagé une route. Le gouvernement a apporté une contribution de 800 000 $, et vous dites avoir fourni 10 millions de dollars.
Voilà maintenant que le ministre vous a interdit de pêcher. L'exploitation forestière en question vous appartient-elle? Comment tout se passera-t-il à l'avenir? Maintenant que vous n'avez plus le droit de pêcher, vous devez créer certains emplois dans la communauté. La prochaine fois que nous rencontrerons le ministre, j'aimerais obtenir plus de renseignements à ce sujet. J'aimerais savoir ce que vous pensez du secteur forestier où vous avez aménagé la route.
M. Kelly: Vous voulez connaître le genre d'initiatives forestières que nous avons? Dans notre communauté, nous avions une société forestière, et nous avons aménagé cette route avec l'argent qui en provenait. Nous avons reçu 600 000 $ et 386 000 $ du gouvernement fédéral et 300 000 $ du gouvernement provincial. Pendant la période d'exploitation, le MAINC a saisi notre bois, ce qui nous a empêchés de procéder aux nouveaux travaux de réfection qui devaient être effectués sur la route.
Nous avons une usine de transformation du poisson, et nous utilisons cette route pour transporter les produits de notre conserverie. Et ce n'est pas tout: notre société forestière investissait dans notre usine de transformation du poisson. Tout a pris fin avec la saisie de notre bois. Nous n'avions plus de ressources financières pour continuer à fonctionner.
J'ignore quelle a été la part du gouvernement fédéral dans le projet pilote visant l'établissement d'une nouvelle pêcherie pour notre usine de transformation du poisson. Le financement était insuffisant, de sorte que nous avons dû fermer notre usine en septembre. Nous n'avions plus les moyens de continuer. Nous nous efforçons de soutenir des initiatives de ce genre au sein de notre communauté, mais nous sommes incapables de le faire avec les ressources limitées dont nous disposons. Nous nous heurtons sans cesse aux barrages érigés par divers organismes gouvernementaux, et ils nous empêchent d'aller de l'avant.
Notre société forestière était des plus prospères. Elle avait de l'argent à la banque, mais, dès que les saisies ont débuté, nous avons été acculés à la faillite. Nous avons dû vendre notre matériel. De sa création à sa fermeture, notre société forestière a investi environ 10 millions de dollars dans cette route, sans financement gouvernemental, jusqu'à il y a quelques années. Le phénomène n'est pas unique à ma communauté; d'autres ont connu le même phénomène.
Le sénateur Adams: Entre-temps, le ministre vous a promis 450 millions de dollars en contrepartie de l'interdiction de pêcher. Hier soir, j'ai appris que les pêcheurs sportifs, les pêcheurs locaux et tous les autres avaient cessé leurs activités. Vous ne pouvez rien faire parce que vous n'avez plus de clients. L'interdiction de la pêche s'applique aussi à la pêche sportive du saumon. Les personnes ainsi touchées seront-elles dédommagées ou seront-elles admissibles au programme de rachat? Comment le système fonctionnera-t-il?
M. Kelly: Nous ignorons quelles sont les politiques précises. Nous jouons aux devinettes. Voilà pourquoi nous sommes ici. Nous voulons obtenir certaines réponses concrètes quant à l'orientation que l'industrie prendra. Nous savons que le problème existe. Nous l'avons vécu. Nous étions là les premiers, et nous sommes là pour rester. À titre de personnes de la base, nous sommes au courant de l'état des ressources et de leur fluctuation -- les moments où elles sont considérables et de ceux où elles sont limitées. Nous tentons d'en faire part au MPO, mais ses représentants ne veulent rien entendre.
Le sénateur Adams: Le MAINC a-t-il imposé certaines frontières à la zone de pêche?
Mme Hunt: Nous pêchons tous ensemble, à l'exception de quatre bandes qui participent à des projets de vente pilotes en Colombie-Britannique, mais aucun d'entre nous n'y a partie liée. Voilà un autre exemple de la division des autochtones causée par la politique gouvernementale. On accorde des projets de vente pilotes à quelques élus, et les autres sont laissés de côté.
M. Henderson: Le favoritisme dont bénéficie l'industrie de la pêche sportive irrite au plus haut point les Premières nations. À titre d'autochtones, nous avons le sentiment de bénéficier d'un droit historique de pêche dans certains secteurs. L'industrie de la pêche sportive bénéficie de zones jaunes et de zones rouges où nous ne sommes pas autorisés à pêcher. Les zones jaunes sont réservées exclusivement aux pêcheurs sportifs -- il s'agit de zones visées par des permis spéciaux pour des camps de pêche sportive. Le secteur se trouve à l'extérieur de la zone de pêche autochtone, et les droits de pêche qu'on y exerce sont supérieurs aux nôtres. Il y a là quelque chose qui cloche.
Le sénateur Robichaud: Je vous remercie d'être venu et de nous avoir fait part de votre message. Vous pouvez avoir l'assurance que les autres membres du comité et moi-même allons le faire passer à qui de droit.
Dans le domaine des pêches, la situation n'a jamais été facile. Elle n'est pas facile, et elle ne le sera jamais parce que les parties qui souhaitent accéder à la ressource sont nombreuses, et qu'on doit, d'une façon ou d'une autre, trouver un équilibre.
Vous avez dit qu'il y a du poisson à vos portes. Pour l'essentiel, vous représentez les communautés littorales. Êtes-vous d'accord avec les communautés des Premières nations de l'intérieur, qui tiennent également à ce qu'on protège leur part du gâteau, parce qu'elles se trouvent à l'extrémité de la chaîne? Je ne veux pas créer de conflit entre les communautés, mais il s'agit simplement d'une question que je me pose. Les intérêts sont si nombreux, particulièrement en ce qui concerne le saumon.
Mme Hunt: Les Indiens de l'intérieur vivant en amont des cours d'eau qui souhaitent avoir leur part des poissons visés par l'article 351 à des fins de subsistance ne nous posent aucun problème. Nous n'y voyons aucun inconvénient. Nous sommes dans la même situation. On alloue à notre tribu un certain nombre de poissons à des fins alimentaires, sociales et cérémoniales, de sorte que nous n'avons aucune objection.
C'est la question des projets de vente pilotes qui nous divise. En fait, on a autorisé certaines personnes à vendre du poisson capturé à des fins alimentaires. Certaines personnes comme mon père ont investi 2 millions de dollars dans l'industrie de la pêche commerciale, et une personne qui appartient à une bande participant à un projet de vente pilote peut se procurer un bateau pour 1 500 $ et un filet pour 500 $. La signature des ententes relative à ces projets pilotes s'est soldée par l'établissement de règles du jeu inégales.
Nous n'avons pas fait de vagues parce que, en règle générale, nous sommes polis et que nous hésitons de dire du mal des uns et des autres. Cependant, la situation s'est gâtée lorsque nous avons dû laisser le poisson traverser notre territoire pour que les groupes participant aux projets de vente pilotes bénéficient de leur allocation garantie de poisson pour le vendre sur le marché public. Ce droit, nous ne l'avons pas.
Le sénateur Robichaud: Vous voulez dire que vos communautés ont été dépossédées, n'est-ce pas?
M. Wadhams: Le MPO essaie de nous monter les uns contre les autres. Avec cette petite politique concernant les projets de vente pilotes, il cherche à nous jouer les uns contre les autres. Il s'agit d'un autre exemple de mauvaise gestion en Colombie-Britannique.
Le sénateur Robichaud: Je ne suis certainement pas d'accord avec vous pour dire que le MPO cherche à monter les nations les unes contre les autres. Dans le dossier des projets de vente pilotes, certaines communautés demandaient leur part du gâteau. La façon dont elles l'obtiennent -- il s'agit de savoir si les droits des uns s'exercent au détriment de ceux des autres -- demeurera, dans le secteur des pêches, un problème interne éternel. Dès qu'on donne à l'un, les autres ont moins à se partager. La question n'est pas facile.
Je ne veux certainement pas favoriser la division entre communautés autochtones -- ni d'ailleurs entre les pêcheurs. Nous parlons du partage d'une ressource qui n'est pas suffisamment abondante pour tous.
Mme Hunt: À l'époque où il était ministre des Pêches, M. Tobin a déclaré que les projets de vente pilotes n'allaient faire l'objet d'aucune extension -- qu'aucun groupe n'allait être admis, au-delà des quatre ou cinq qui l'étaient déjà. Depuis lors, les projets n'ont fait l'objet d'aucune expansion.
À mon avis, ils ne savent pas quoi faire de cette situation. Elle a causé de nombreux problèmes dans la collectivité non autochtone, dont les membres se sont regroupés et ont constitué une coalition. Au sein de notre propre communauté, les pêcheurs commerciaux qui ont investi massivement dans l'industrie ne bénéficient plus désormais de la même possibilité de mettre à profit leur matériel coûteux. Leur accès à la ressource diminue, mais on garantit 650 000 poissons au groupe visé par les projets de vente pilotes, aux termes de l'article 35.1. Dans la gestion des pêches, rien ne les arrête -- rien n'arrête le MPO.
Sur la côte ouest, deux règles s'appliquent: la première concerne les pêcheurs commerciaux, et la deuxième, les groupes visés par les projets de vente pilotes. C'est injuste. On crée ainsi de nombreux problèmes entre les groupes. Habituellement, nous sommes très polis, et nous évitons de dire du mal d'autres groupes autochtones. La situation s'est détériorée au point où nous devons maintenant contre-attaquer.
M. Wadhams: Historiquement, les nations comme la Nation haïda ont toujours bénéficié d'un accès aux stocks du fleuve Fraser. Nous ne voulons pas créer de confusion, mais, si le MPO se contente de privilégier quelques communautés sélectes parmi toutes celles de la Colombie-Britannique, on se retrouvera en pleine confusion. Nous allons en rester là.
M. Henderson: Je me demande si on nous entend. La politique a été adoptée pour susciter la division. C'est ce qui se produit, et c'est ce que vous mettez en doute. S'il s'agit d'un message clair lancé aux Premières nations, à savoir que des buts et des objectifs seront arrêtés, quels sont-ils? Si nos permis de pêche commerciale autochtone ne sont plus valides, qu'allons-nous devenir? Nous jouissons de ce droit depuis des centaines d'années.
Nous nous sommes adonnés à la pêche commerciale, et nous en avons tiré notre subsistance. On nous a cédé des bandes de terre de roche; nous n'avons pas reçu des milles et des milles de territoire. On nous a cédé des ressources, et on en a la preuve. On a ici affaire à une politique au sujet de laquelle je dois élever la voix et m'unir à mes homologues non autochtones, en raison de l'importance des investissements que nous avons consentis. Nous sommes des pêcheurs commerciaux. Nos gagne-pain passent en premier.
Le doit de pêche des autochtones m'est très précieux. Lorsque des mesures portent préjudice aux gagne-pain et aux familles qui ont toujours survécu grâce à la ressource, je dois, en ma qualité de leader de ma communauté, élever la voix. J'en ai la responsabilité, et c'est à moi qu'il incombe de faire en sorte que ces problèmes soient portés à l'attention des résidents de tout le pays.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Le comité étudie la possibilité d'aller se rendre compte lui-même de la situation sur la côte ouest. Nous n'avons pas encore arrêté de décision. Nous aimerions nous rendre dans des communautés littorales -- sans tambours ni trompettes. Essentiellement, nous aimerions nous rendre dans vos villes et villages pour nous faire une idée précise de la situation. Pour les parlementaires, il est parfois plus utile de constater la nature des impacts sur les édifices, les villes, les villages et ainsi de suite. Nous y songeons, et nous espérons être en mesure de le faire dans les prochains mois. Le cas échéant, nous serons heureux de vous rencontrer.
Mme Hunt: Chacun d'entre nous vous aidera dans cette tâche. Si vous faites appel à nous, nous serons là pour vous venir en aide.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.