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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 18 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 15 avril 1999

Le comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 8 h 35 pour examiner, en vue de présenter un rapport, le Budget des dépenses du ministère des Pêches et Océans pour l'exercice terminé le 31 mars 1998 (Rapport sur les plans et les priorités et Rapport sur le rendement) ainsi que d'autres questions concernant le secteur des pêches.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Bienvenue au comité sénatorial permanent des pêches.

Comme les délibérations du comité sont télédiffusées ce matin, je voudrais souhaiter la bienvenue à tous nos téléspectateurs.

Nous sommes ravis d'accueillir ce matin l'honorable David Anderson, ministère des Pêches et Océans. Le ministre Anderson a étudié les sciences économiques et le droit à l'Université de la Colombie-Britannique.

[Français]

Il fut élu pour la première fois au Parlement en 1968. En 1972, il fut élu chef du Parti libéral de la Colombie-Britannique et député de Victoria à l'Assemblée législative.

[Traduction]

De 1975 à 1978, le ministre Anderson a été le conseiller juridique de la British Columbia Wildlife Federation ainsi qu'expert-conseil auprès d'Environnement Canada. Par la suite, il a enseigné le droit à l'École d'administration publique de l'Université de Victoria.

[Français]

M. Anderson a été élu député de Victoria lors des élections fédérales d'octobre 1993. Il occupa tout d'abord le poste de ministre du Revenu national, puis celui du ministre des Transports. Après sa réélection en 1997, il fut nommé ministre des Pêches et océans. Il est aussi le ministre responsable de la Colombie-Britannique au sein du gouvernement fédéral.

[Traduction]

M. Anderson a été membre des équipages d'aviron qui ont gagné la Médaille d'argent aux Jeux olympiques de Rome ainsi qu'aux Jeux panaméricains de Chicago. Il s'est récemment vu décerner le Prix Cal Woods par la Steelhead Society pour avoir joué un rôle de chef de file dans la conservation du saumon du Pacifique des rivières sauvages.

Avant de demander au ministre de faire sa déclaration liminaire, je voudrais tout d'abord présenter les membres du comité, en commençant par les sénateurs qui sont assis à ma droite: le sénateur Robertson, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Robichaud, du Nouveau-Brunswick également; et le sénateur Mahovlich, qui est de l'Ontario. À ma gauche se trouvent le sénateur Butts, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Stewart, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Cook de Terre-Neuve, vice-présidente du comité; et le sénateur Perrault de la Colombie-Britannique. À ma droite se trouvent également Claude Emery, attaché de recherche du comité et à ma gauche, Catherine Piccinin, greffière du comité. Le sénateur Adams, qui représente le Nunavut -- le nouveau territoire du Canada -- arrive à l'instant.

Monsieur le ministre, nous vous invitons maintenant à nous parler des politiques, programmes et nouvelles initiatives du ministère qui vont permettre d'assurer la durabilité des pêches. Nous serions également ravis de connaître vos vues concernant le rapport du comité sur la privatisation et l'attribution de permis à contingent individuel, rapport qui a été déposé le 8 décembre 1998.

Permettez-moi de vous dire en passant que nous sommes heureux de constater que vous vous remettez rapidement de votre accident à Whistler. Je vois que vous ne marchez pas avec une canne.

L'honorable David Anderson, c.p., député, ministre des Pêches et des Océans: Je suis très heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de comparaître devant le comité, et je regrette d'avoir été obligé de reporter à plus tard ma visite en raison de l'accident dont vous venez de parler. Je vous remercie également d'avoir fait allusion aux Jeux olympiques auxquels j'ai participé il y a si longtemps. Le sénateur Mahovlich pourra peut-être me dire si mes souvenirs des événements d'il y a 39 ans sont exacts.

[Français]

Permettez-moi tout d'abord de remercier le comité sénatorial de son travail ardu et de la sollicitude avec laquelle les membres du comité ont examiné les questions reliées à la délivrance au Canada, de permis de pêche, en fonction des quotas. J'aimerais attirer votre attention sur quelques points d'ordre général au sujet des quotas individuels, puis je vous parlerai ensuite de notre vision pour réaliser des pêches rentables et durables sur le plan de l'environnement.

[Traduction]

Sénateurs, les préoccupations que vous soulevez au sujet des quotas individuels, c'est-à-dire les QI, sont tout à fait valables et pertinentes. Nous en avons effectivement tenu compte au moment de prendre des décisions au sujet de programmes précis de quotas individuels. D'ailleurs, nous aurons toujours à l'esprit la question de l'opportunité des quotas en examinant nos diverses politiques, notamment celles qui sont concernent la côte est du Canada.

J'insiste cependant sur le fait que là où la conservation est garantie, les pêcheurs continueront d'avoir la possibilité d'adopter un régime de QI. Ils pourront ainsi pratiquer la pêche de façon responsable tout en gérant correctement leurs opérations en vue d'améliorer la viabilité de leur entreprise et donc de favoriser, indirectement ou directement, la viabilité des localités où ils habitent.

Il faut se rappeler que les QI ont permis d'éliminer la plupart des problèmes qui touchent les pêcheries concurrentielles. Ces problèmes comprennent entre autres la course au poisson; la surcapitalisation; la piètre qualité du produit, qui influe sur la valeur marchande; et la sécurité en mer -- élément que j'aurais peut-être dû mentionner en premier.

[Français]

Les régimes des quotas individuels ne sont pas parfaits et ne sont pas toujours pertinents ni nécessaires dans toutes les pêches. C'est un fait qui est bien reconnu, et les pêcheurs des pêches traditionnelles ne sont pas obligés d'adopter ce genre de régimes. Cependant, ce devrait être aux pêcheurs eux-mêmes de décider, après un examen minutieux des avantages et des inconvénients des quotas individuels d'une part, et les pêches concurrentielles d'autre part, du régime de gestion qu'ils souhaitent adopter. C'est l'essence même de la cogestion dont je vais vous parler un peu plus loin.

[Traduction]

La conservation constitue un impératif mondial. Je suis ravi de pouvoir vous dire d'entrée de jeu que le gouvernement partage l'ensemble de vos préoccupations concernant les pêches canadiennes et le bien-être des localités côtières qui dépendent dans une très large mesure de la pêche.

Comme vous tous, nous voulons trouver l'approche la plus susceptible de créer une industrie durable au niveau écologique et viable au niveau économique.

D'ailleurs, on ne soulignera jamais trop l'importance de la conservation. Si nous ne protégeons pas la ressource, il n'y aura plus de poisson, plus de pêcheurs et plus de collectivités de pêche.

Cela semble être une lapalissade, mais le fait est qu'on m'a reproché par moment de trop m'intéresser au poisson et pas assez aux pêcheurs. Mais les deux éléments sont inséparables. Sans poisson, il ne peut y avoir de pêcheurs.

Les pêcheurs, les transformateurs du poisson et les travailleurs de la pêche ont tous subi les contrecoups de la diminution des stocks de poissons et des rigoureuses mesures de conservation prises pour protéger les stocks restants.

Au Canada, nous avons appris une leçon précieuse à la suite de l'effondrement de nos stocks de morue du Nord et des faibles niveaux de certaines espèces du saumon du Pacifique. Nous avons appris que si nous ne prenons aucune mesure de conservation, nous risquons de dévaster davantage les stocks. Il serait alors possible que certaines espèces ne puissent plus soutenir aucune pêche, quelle qu'elle soit.

Le Canada n'est pas le seul pays à être confronté à cette situation. Dans le monde entier, un trop grand nombre de bateaux de pêche tentent de capturer un trop petit nombre de poissons. La taille des flottilles de pêche du monde est tout à fait disproportionnée au nombre de poissons à capturer.

Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, le versement de subventions annuelles se chiffrant à 74 milliards de dollars a créé à l'échelle internationale une flottille dont la taille est le double de celle que peuvent soutenir les stocks de poisson. De fait, à cause de la surpêche mondiale, 70 p. 100 des espèces du monde sont capturées plus rapidement qu'elles ne peuvent se reproduire. À cause de cela, 11 des 15 principales zones de pêche dans le monde connaissent une baisse très rapide.

[Français]

De concert avec l'industrie, les gouvernements doivent se pencher sur les questions reliées aux pratiques non durables afin de conserver les ressources halieutiques et de permettre aux stocks de se rétablir. Que nous le voulions ou non, la diminution de la capacité de pêche doit faire partie de ce processus, peu importe qu'elle soit sous forme de financement de programme de retraite anticipée ou de promotion de l'autorationalisation de l'industrie. Toutefois, les problèmes au niveau des pêches dans le monde sont tellement aigus que nous devons aller plus loin. Nous ne devons pas tout simplement réduire le nombre de bateaux ou de titulaires de permis; nous devons utiliser des méthodes de pêche plus intelligentes et plus sélectives. On estime que jusqu'à 25 p. 100 de toutes les captures sont des espèces non voulues ou des poissons trop petits.

[Traduction]

Le Canada a l'intention de jouer un rôle déterminant sur la scène internationale relativement aux questions liées à la conservation des ressources marines dans le monde entier. Cependant, nous devons mettre en pratique ce que nous prêchons. Pendant que nous encourageons d'autres nations à favoriser la conservation et à adopter une approche prudente, nous devons chercher à régler nos propres problèmes au Canada, notamment celui de la zone contiguë de 200 milles.

Honorables sénateurs, c'est ce que le MPO et moi-même tentons de faire. Nous tentons de remettre de l'ordre dans les affaires du Canada et de donner l'exemple à d'autres pays. Si les pays du monde sont dans l'impossibilité de relever le défi auquel nous nous trouvons confrontés, nous devrons dire à nos enfants que désormais plus de la moitié de la surface du globe ne sera pas une source de protéine et d'aliments pour la race humaine, et ce sera très dommage.

Permettez-moi maintenant de parler des pêches de l'avenir. Nous faisons tout notre possible pour alléger les difficultés qu'éprouvent les travailleurs de la pêche et les localités durement touchées par les fermetures de diverses pêches. Cependant, nous savons que cette aide ne peut être apportée au détriment de la conservation. Nous mettrons en place des mesures d'aide qui visent principalement à restructurer la pêche tout en permettant aux personnes qui ne peuvent plus dépendre de la pêche pour assurer leur subsistance de quitter ce secteur avec dignité.

Grâce à ces mesures, nous nous orientons vers une pêche de l'avenir qui sera écologiquement durable, c'est-à-dire que la conservation constituera la plus grande priorité et la capacité de pêche et de transformation sera en équilibre avec les activités que la ressource peut soutenir. Deuxièmement, nous aurons une pêche économiquement viable, c'est-à-dire que les participants pourront subvenir à leurs besoins sans recevoir d'aide gouvernementale. Et troisièmement, nous aurons une pêche autonome, souple et autorégulée qui soutiendra un noyau de pêcheurs professionnels à plein temps capables de faire face à des baisses périodiques et qui collaborent avec le gouvernement plutôt que de dépendre des allocations qu'il leur verse.

Nous croyons qu'il est possible d'avoir des stocks de poisson viables et qui pourront constituer la base d'une pêche écologiquement durable et économiquement viable, mais seulement si nous réussissons à gérer la ressource de façon appropriée.

L'une des caractéristiques principales des mesures d'adaptation et de restructuration consiste donc à réduire la participation à la pêche sur les côtes est et ouest et à établir un équilibre entre la capacité de pêche et la disponibilité de la ressource. Les collectivités de pêche seront ainsi plus stables, car nous nous éloignerons d'un système dans lequel nous gérons une crise à court terme après l'autre.

[Français]

Depuis 1992, les rachats de permis et d'autres programmes mis sur pied sur la côte est ont permis de diminuer le nombre de titulaires de permis de pêche du poisson de fond de l'Atlantique de plus de 30 p. 100. En 1998, le gouvernement fédéral a annoncé que près de 350 millions de dollars seraient versés pour financer d'autres diminutions importantes de la flottille sur les deux côtes. Au cours des deux premières années d'existence du Plan de revitalisation du saumon du Pacifique, on a pu diminuer la flottille de la Colombie-Britannique de 31 p. 100. Je prévois que nous continuerons de progresser dans l'atteinte du but que nous nous étions fixé, c'est-à-dire diminuer la flottille de 50 p. 100.

Nous adoptons également des méthodes de pêche sélective grâce auxquelles les pêcheurs peuvent capturer des stocks mixtes renfermant des espèces menacées d'extinction. Dans le plan de gestion du saumon de 1998, les pêches au Canada sont à l'avant-plan du niveau des projets de conservation cherchant à donner suite aux préoccupations de plus en plus grandes partout dans le monde au sujet des prises accessoires. Lorsque ce plan a été élaboré, on y a intégré des éléments provenant de plus de 65 propositions faites par des secteurs de pêche et des groupes environnementalistes au sujet des méthodes de pêche sélective.

[Traduction]

D'ailleurs, nous avons apporté certains changements à nos programmes de gestion et modifié la nature de nos rapports avec l'industrie de la pêche, à savoir une pêche plus autonome, plus souple et davantage autorégulée. Ces changements comportent, entre autres, le recours à la cogestion.

La cogestion repose sur un certain nombre d'outils divers qui permettent de l'adapter en fonction de différents besoins. Parmi les outils de cogestion, notons les éléments suivants: d'abord, l'entrée en vigueur de plans de gestion intégrée des pêches ainsi que de mesures de conservation obligatoire et le recours à une approche prudente; deuxièmement, la participation volontaire à des ententes relatives à des projets conjoints permettant au MPO et au secteur de la pêche de collaborer au règlement de problèmes de gestion liés à la pêche; troisièmement, le recours préférentiel aux quotas individuels dans le cadre de pêches où le recours à cette méthode de gestion est tout à fait indiqué -- par exemple, le crabe, la crevette et le pétoncle sur la côte est, et la pêche du poisson de fond au chalut sur la côte du Pacifique; quatrièmement, le recours plus fréquent aux services d'observateurs à bord et de contrôleurs à quai; cinquièmement, la mise en application du Code de conduite canadien sur les pratiques de pêche responsables; et sixièmement, la collaboration avec l'industrie afin d'obtenir et d'examiner des renseignements liés à l'évaluation des stocks.

Ces outils ont été mis au point en collaboration avec l'industrie de la pêche. Ils sont utilisés lorsque l'industrie a besoin d'un régime de cogestion et qu'elle se montre suffisamment intéressée à avoir recours à un tel régime.

[Français]

La cogestion peut se présenter sous de nombreuses formes diverses. Par exemple, une coalition de groupes de pêcheurs côtiers des comtés de Shelburne, de Yarmouth et de Digby ont collaboré avec le ministère des Pêches et des océans pour mettre en place des conseils de gestion communautaire.

Le Conseil de la pêche à engins fixes de la baie de Fundy a permis aux pêcheurs d'avoir recours à leur association pour concevoir des systèmes qui leur conviennent.

Sur la côte ouest, la pêche à la morue charbonnière est cogérée avec la Pacific Black Cod Fishermen's Association, c'est-à-dire l'Association des pêcheurs de morue charbonnière du Pacifique.

[Traduction]

Voilà une traduction intéressante. Sur les menus des restaurants, la morue charbonnière est souvent désignée par le nom «Alaska black cod», pour des raisons qui m'échappent. C'est de cette pêche que je vous parle, et je suis d'ailleurs sûr que bon nombre d'entre vous avez déjà eu le plaisir de consommer ce poisson dans les meilleurs restaurants du Canada.

[Français]

Il existe de nombreuses dispositions de ce genre un peu partout au Canada. La cogestion constitue un changement fondamental dans la façon de gérer les pêches. La cogestion n'est pas obligatoire et elle n'est pas nécessairement la méthode la plus appropriée pour gérer toutes les pêches.

Cependant, dans de nombreux cas, sinon dans la plupart des cas, la cogestion est à la base des rapports nouveaux qu'entretiennent le MPO et l'industrie. Nous nous assurons ainsi de continuer à nous orienter conjointement vers une pêche plus durable sur le plan de l'environnement et davantage viable au niveau de l'économie.

[Traduction]

Nous savons que pratiquement tous les secteurs de l'industrie de la pêche s'intéressent vivement à la cogestion et nous continuerons de collaborer avec différents groupes de l'industrie afin de perfectionner cette méthode. Sur les 140 pêches principales qui sont pratiquées au Canada à l'heure actuelle, plus d'une trentaine intègrent actuellement divers aspects de notre méthode de gestion. La caractéristique fondamentale de ces ententes est la suivante: les pêcheurs et l'industrie acceptent conjointement d'assumer plus de responsabilités et de participer plus activement à la prise de décisions touchant leur industrie.

Monsieur le président, je voudrais parler brièvement de la politique du ministère sur les pêches de l'Atlantique. Pour aider à obtenir la pêche de l'avenir que nous souhaitons, nous formons également un groupe de travail interne qui sera chargé d'examiner la politique sur les pêches de l'Atlantique. Je peux vous garantir, monsieur le président, que nous tiendrons le comité au courant du travail accompli par ce groupe. Par conséquent, moi-même ou différents fonctionnaires nous ferons un plaisir de venir vous parler de ses activités.

Une fois que le mandat précis du groupe aura été fixé, nous demanderons aux pêcheurs et aux représentants des pêcheurs de nous faire part de leurs idées. L'objectif premier du groupe sera de mettre en place un cadre uniforme et cohérent relatif à l'avenir des pêches de l'Atlantique.

J'ai parlé tout à l'heure des aspects internationaux de la question. J'aimerais maintenant aborder l'Accord des Nations Unies sur les pêches.

[Français]

Un gouvernement ne peut pas à lui seul mettre un terme à la destruction des ressources océaniques. Les problèmes sont beaucoup trop complexes. Cependant, les mesures que nous prenons au Canada renforcent notre position lorsque nous incitons d'autres pays à protéger les ressources océaniques.

Par exemple, dans le cadre de nos discussions avec les États-Unis au sujet du saumon du Pacifique, nous pouvons renforcer la position du Canada en faisant valoir les mesures de conservation rigoureuses que nous prenons au niveau de la gestion de nos cours d'eau.

[Traduction]

Sur le plan multilatéral, le Canada travaille aussi d'arrache-pied pour faire ratifier l'Accord des Nations Unies sur les stocks chevauchants et fortement migrateurs. Cet accord, mieux connu sous le nom d'Accord des Nations Unies sur les pêches ou ANUP, a été adopté dans le cadre d'une conférence des Nations Unies tenue en décembre 1995. Le Canada et 59 autres États ont signé l'ANUP. Toutefois, l'Accord n'entrera pas en vigueur tant qu'il n'aura pas été ratifié par 30 États. Jusqu'à ce jour, seulement 19 États ont ratifié l'Accord.

Grâce au projet de loi C-27, qui est actuellement à l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes, le Canada aura sur le plan interne les pouvoirs nécessaires pour remplir ses obligations internationales aux termes de l'ANUP. J'espère que les membres du comité pourront se pencher sous peu sur le projet de loi C-27. Demain, je ferai une déclaration à ce sujet à la Chambre des communes. Lorsque le projet de loi et les règlements d'accompagnement auront été adoptés et proclamés, le Canada pourra ratifier cet important accord des Nations Unies.

Je devrais également mentionner qu'à la réunion ministérielle tenue par la FAO des Nations Unies les 10 et 11 mars, le Canada a lancé un vibrant appel à l'action pour que d'autres États ratifient l'ANUP. Le mois prochain, je communiquerai à New York ce même message aux ministres qui participeront à la rencontre de la Commission du développement durable des Nations Unies pour discuter de questions liées aux océans. Cette commission a été mise sur pied à la suite de la Conférence de Rio, et ce sera la première fois qu'elle se réunit pour discuter spécifiquement de questions liées aux océans.

J'encourage les membres du comité et vos collègues du Sénat à aider à accélérer l'adoption de cette loi. Cela nous aidera certainement à poursuivre nos efforts sur la scène internationale.

En conclusion, monsieur le président, nous sommes confrontés à de nombreux problèmes de taille, mais nous avons pris des mesures pour assurer l'avenir des pêches au Canada. L'an dernier, la valeur des exportations du secteur de la pêche a été la plus élevée jamais enregistrée, soit 3,2 milliards de dollars, ce qui témoigne de l'importance d'assurer à cette industrie un avenir durable. Sur le plan international, nous avons par ailleurs aidé à mettre en place un cadre qui rendra possible une collaboration internationale efficace.

Puisque nous parlons des chiffres, je devrais vous indiquer qu'il y a quelques semaines, le discours du trône de Terre-Neuve a fait état de l'augmentation considérable de la valeur des débarquements dans cette province. Dans la province du Québec, si vous comparez la valeur des débarquements en 1997, la dernière année pour laquelle j'ai des chiffres complets, avec celle de 1989, c'est-à-dire huit ans auparavant, vous verrez que la valeur des débarquements il y a deux ans correspondait à 140 p. 100 de la valeur de 1989. Je vous rappelle que c'est après 1989 qu'il y a eu un moratoire sur la morue. La valeur des débarquements a donc augmenté de façon considérable. J'insiste donc sur le fait que l'avenir du secteur de la pêche est assuré.

[Français]

Nous devons continuer à encourager tous les intervenants qui utilisent les océans et leurs ressources à agir avec prudence et à faire passer le bien-être de la ressource avant tout autre élément.

[Traduction]

Je sais que vous continuerez à vous intéresser aux pêches pratiquées au Canada. J'ai d'ailleurs hâte de connaître vos opinions concernant notre orientation vers une ère de gestion des pêches nouvelle et améliorée.

Le sénateur Stewart: Monsieur le ministre, si je comprends bien, l'objet de la présente réunion relative au Budget de dépenses du ministère des Pêches et Océans est de nous permettre de connaître la réaction du ministre au rapport présenté au Sénat par le comité en décembre 1998.

Ce matin, j'ai trouvé une enveloppe marron qui m'était adressée. J'ai remarqué, en examinant la copie de quelqu'un d'autre, que ce document est en date du 14 avril, alors que je l'ai reçu seulement ce matin. Comme je n'ai même pas eu le temps de le lire, j'ai l'impression que cette réunion ne sera pas tout à fait satisfaisante, en ce qui me concerne. Il va peut-être falloir convoquer une deuxième réunion avec le ministre une fois que nous connaîtrons les vues du ministère.

Le ministre a abordé plusieurs éléments importants, et je songe en particulier à ses remarques au sujet de la nécessité de contrôler l'effort de pêche international. Je voudrais cependant vous parler des préoccupations des pêcheurs de la Nouvelle-Écosse, notamment ceux qui pratiquent la pêche dans l'est de la province.

D'après ce que j'ai pu comprendre, les pêcheurs craignent surtout qu'un système de quotas individuels transférables entraîne une concentration des permis entre quelques mains, de sorte que toute l'opération soit contrôlée par un petit nombre d'acteurs. Ils pensent aussi qu'après l'introduction d'un tel régime, la pêche se pratiquera désormais dans certaines localités seulement et que d'autres perdront obligatoirement leurs moyens d'existence. Voilà ce qui les préoccupe.

Il serait important, du point de vue des pêcheurs et du Parlement du Canada, qui veut s'assurer que la population canadienne est informée des mesures prises par le gouvernement, que nous sachions quelles seront les éventuelles conséquences d'un programme de QIT.

Si j'exprime mes vues à ce sujet avec une certaine véhémence, c'est parce que j'étais membre du comité vers la fin des années 80, c'est-à-dire l'époque où nous nous inquiétions des capitaux investis dans la pêche pratiquée par les petits bateaux, notamment dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Le ministère des Pêches et Océans semblait vouloir contrôler l'effort de pêche en mesurant la longueur des bateaux. Par conséquent, les bateaux sont devenus de plus en plus larges et de plus en plus sophistiqués sur le plan technologique. Il fallait beaucoup plus de capitaux pour pratiquer la pêche et les stocks étaient fortement exploités. Je ne veux pas qu'une telle situation se reproduise.

Essayons de voir ce sur quoi va déboucher ce programme de QIT. Aura-t-il pour résultat d'entraîner une concentration des permis de pêche entre les mains de quelques exploitants ou titulaires? Les problèmes du ministère seront-ils ainsi atténués, puisque ce dernier traitera désormais avec de moins en moins d'entreprises de pêche? Il est possible que les localités de pêche traditionnelle n'aient plus rien à faire, si ce n'est regarder les bateaux se déplacer dans les zones de pêche traditionnelle. Quelles assurances ce comité peut-il donner aux résidents de localités telles que Canso et Louisbourg que nos craintes relatives aux QIT ne s'avéreront pas fondées? Que pouvez-vous nous dire qui convaincra les membres du comité que le travail de ce dernier n'aura pas été futile, étant donné qu'on n'en a pas tenu compte par le passé?

M. Anderson: Merci beaucoup pour vos observations. Permettez-moi de m'excuser de l'envoi tardif de l'enveloppe que vous n'avez reçue que ce matin. Je me ferai cependant un plaisir de revenir ou d'en discuter en privé avec vous, au moment et selon les modalités qui vous sembleront appropriées.

En ce qui concerne les QIT et les problèmes associés à une méthode de contrôle axée sur la longue des bateaux, vous avez parfaitement raison. Nous avons compris que cette méthode posait problème en nous rendant de son incidence sur l'industrie de la pêche. Les bateaux auxquels vous faites allusion, c'est-à-dire les bateaux classiques, sont des bateaux de 45 pieds que l'on qualifie de ventrus. Puisque la limite de longueur était de 45 pieds, les bateaux devenaient de plus en plus larges à mesure que les pêcheurs cherchaient un moyen de contourner le système. Même s'il y a un côté comique à tout cela, le vrai problème est celui de la navigabilité. Des bateaux qui sont conçus ou modifiés en vue de contourner le système sont des bateaux qui finissent par ne plus être navigables. Le taux d'accidents augmente et les collectivités de pêche vivent des situations tout à fait tragiques. Ce n'est donc pas la bonne approche. Bien que la longueur soit limitée, il faut trouver d'autres méthodes.

La création de quotas individuels, d'après ce que nous avons observé jusqu'à présent, n'a pas donné lieu à une forte concentration des permis entre les mains de quelques grandes entreprises. De fait, en Colombie-Britannique, c'est tout à fait l'inverse. Les résultats sont inégaux, mais aucune tendance claire ne se dessine qui puisse être directement reliée à ce système.

La concentration se produit plutôt lorsque des pêcheurs titulaires de quota individuel font partie d'une flottille trop importante. Ceux-ci n'ont pas la souplesse financière requise. Les années de vaches maigres, les entreprises qui ont la possibilité d'obtenir un prêt bancaire peuvent alors leur racheter leur permis. Lorsque les pêcheurs qui font partie de la flottille ont un revenu raisonnable, le problème ne se pose pas, parce qu'ils savent qu'ils ont intérêt à conserver leurs quotas individuels. La difficulté surgit lorsqu'on essaie de gérer la flottille des pêcheurs titulaires de QI de la même façon que les pêches concurrentielles. Il y a alors trop de permis, et par conséquent tout le monde se trouve acculé à la faillite. On retourne alors à l'époque où les gens devaient souvent de l'argent au propriétaire du magasin général de leur localité, si bien que ce dernier menait la barque.

De façon générale, les QIT n'ont pas pour effet d'entraîner une concentration des permis entre les mains de quelques titulaires. Nous suivrons de près la situation et nous avons toujours la possibilité d'imposer d'autres règlements si nous observons une telle tendance. L'un de nos objectifs est de créer une flottille qui soit davantage autorégulée. Dans certains cas, il convient de réduire la taille de la flottille. Lorsque cette dernière est autorégulée, nous nous attendons à ce qu'il y ait un certain échange. Ainsi à certaines périodes, une entreprise voudra peut-être obtenir des permis. À d'autres moments, elle préférera en vendre. Donc, à tout moment, quel qu'il soit, il y aura certaines fluctuations mineures. Mais à notre avis, ce programme n'entraînera pas de concentration à long terme. C'est du moins ce que l'expérience nous a démontré jusqu'à présent.

Évidemment, lorsqu'il y a trop de participants, il est préférable d'en réduire le nombre pour que les pêcheurs individuels tirent un meilleur rendement de leurs capitaux, de même qu'un meilleur revenu pour faire vivre leur famille. Certains changements, peut-être à la suite d'une réduction de la flotte, se produiront forcément. Si l'on attribue trop de QI, certains pêcheurs ne gagneront pas beaucoup d'argent et envisageront de vendre leur permis à d'autres membres de la flotte. Certains membres de celle-ci seront peut-être des entreprises. Il s'agit donc de fixer le bon nombre dès le départ et de permettre ensuite à la flotte de s'autoréguler.

Le dernier point que je voudrais soulever à ce sujet, c'est que les pêcheurs croient fermement en leur propre indépendance et en leur capacité de prendre des décisions. Ils se demandent pour quelles raisons ils ne devraient pas avoir le droit de vendre leur permis à qui ils veulent. Il y a également un élément idéologique par les décisions qui sont prises. Les pêcheurs réclament une liberté qui serait forcément compromise si nous les empêchions de vendre leur permis à une entreprise. Il faut donc en tenir compte.

Le président: J'ajouterais, en passant, que vous devez également tenir compte des désirs des localités concernées en prenant des décisions.

Le sénateur Robertson: Le sénateur Stewart a soulevé plusieurs points importants en vous posant sa première question. Il a parlé de bateaux. Cela me rappelle une discussion précédente concernant la nécessité de ne pas augmenter le nombre de permis de pêche au homard et d'opter à la place pour de plus grands casiers. Mais je n'aborderai pas cette question ce matin.

Ma question concerne plutôt un récent article de journal que j'ai trouvé assez surprenant. On disait en gros titre que le mandat du MPO devrait englober la conservation des stocks de poissons et des collectivités de pêche. Je me doutais bien que vous seriez frappé par ce genre de titre.

Une chose est certaine: il attire l'attention sur une attitude qui est très répandue dans la région de l'Atlantique -- à savoir qu'il existe un écart culturel entre ceux qui habitent les villages de pêche et les bureaucrates et scientifiques du ministère de la Pêche. La grande majorité de ces derniers vivent dans les grands centres -- c'est-à-dire qu'ils ont une vie on ne peut plus différente de celle que mènent les gens dans les villages de pêche.

La question qui m'intéresse ce matin est celle de savoir comment on peut combler l'écart culturel entre les responsables de votre ministère, qui sont si loin, et les petits villages de pêche? Les pêcheurs de la baie de Fundy aimeraient que le MPO bloque le transfert des quotas et adopte un système de gestion communautaire.

Permettez-moi donc de citer un éditorial paru dans le Telegraph Journal du Nouveau-Brunswick, intitulé «Preventing a Fundy fishing catastrophe» [«Prévenir une catastrophe dans l'industrie de la pêche de la baie de Fundy»];

Des groupes de gestion communautaire, tels que le Conseil de gestion des engins fixes du sud-ouest du Nouveau-Brunswick, commencent déjà de leur propre chef à abandonner les QIT et à mettre en commun leurs quotas, à fixer leur limite quotidienne et à décider eux-mêmes de ne pas exploiter la totalité de leurs contingents afin de conserver les ressources halieutiques.

À mon sens, cela prouve bien que les pêcheurs savent qu'ils doivent gérer les pêches locales et bien les gérer parce que, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, l'alternative serait catastrophique.

Voilà où je veux en venir: à votre avis, la gestion communautaire permettra-t-elle de combler l'écart culturel que j'ai décrit et une politique ministérielle sur la gestion communautaire des pêches ne correspondrait-elle pas en réalité à une politique de conservation des collectivités de pêche?

Monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous me dire ce que vous pensez de la gestion communautaire des pêches en tant qu'outil permettant éventuellement de combler cet écart culturel et de renforcer les relations entre le MPO et les résidents de nos collectivités de pêche et côtières. Il semble exister une certaine animosité entre les responsables ministériels et les petites localités de pêche.

M. Anderson: Sénateur, vous soulevez une question particulièrement épineuse. En réalité, le ministère n'a pas de véritables responsabilités envers les collectivités. Comme vous le savez, une décision du Conseil privé en 1929 prévoyait que tout poisson débarqué devient automatiquement la responsabilité du gouvernement provincial. Évidemment, le gouvernement fédéral participe beaucoup aux programmes de ressources humaines dispensés dans les localités côtières. Mais il reste qu'au ministère, nous pouvons difficilement assumer la responsabilité des ressources halieutiques dans leur intégralité pour toute la durée du processus. Les usines continentales sont réglementées par la province. Voilà justement l'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

Je ne cherche pas à me cacher derrière la Constitution. Mais à la question de savoir si le ministère des Pêches et Océans est responsable non seulement de la conservation des ressources halieutiques mais aussi de la protection des collectivités de pêche, notre réponse serait de dire que la Constitution prévoit que nous accordions la priorité aux ressources halieutiques.

Il y a d'autres paliers de gouvernement et d'autres ministères qui ont des responsabilités envers les collectivités. Cela dit, les titulaires de permis habitent bien ces collectivités. Quand nous prenons des mesures pour aider les titulaires de permis, comme nous l'avons fait en Colombie-Britannique et sur la côte est, eh bien, ces derniers profitent de crédits fédéraux se chiffrant à plusieurs centaines de millions de dollars.

Il est possible que certains résidents de petites collectivités côtières décident de s'établir en Floride ou à Hawaï. C'est possible. Je n'en sais rien. Et je ne prétends pas non plus que ce soit le cas. À moins d'être convaincu qu'ils vont faire preuve d'irresponsabilité à l'endroit de leurs collectivités -- et je ne suis pas de cet avis -- la plupart des gens seraient prêts à reconnaître que les crédits supplémentaires que nous leur versons sous forme d'aide ou par l'entremise de programmes visant à aider les membres d'une collectivité vont nécessairement bénéficier à la collectivité dans son ensemble.

Ne pas établir de programmes communautaires -- certains membres de la collectivité reçoivent des chèques importants, qui se chiffrent à plusieurs centaines de milliers de dollars dans certains cas; la somme moyenne est de 84 000 $ sur la côte est et sur la côte ouest, pour les pêcheurs au chalut et au filet maillant et d'environ 450 000 $ pour ceux qui pratiquent la pêche à la seine. Il s'agit, dis-je, de crédits fédéraux qui sont versés aux particuliers et que ces derniers dépensent surtout dans les localités où ils habitent.

De plus, les autres personnes qui habitent dans les collectivités côtières ont de bien meilleurs revenus étant donné que le nombre de pêcheurs a baissé. Les ressources halieutiques disponibles n'ont pas changé -- elles sont contrôlées par des phénomènes biologiques et par le total des prises admissibles.

Ce n'est pas comme si le programme visant à réduire le nombre de pêcheurs ponctionnait les ressources financières de la collectivité ou compromettait son dynamisme. Ce n'est pas le cas. Ces programmes permettent au contraire de verser des sommes importantes à certains membres de la collectivité et d'offrir des salaires plus intéressants à d'autres membres.

Certains d'entre eux quitteront peut-être leur localité, auquel cas cette dernière pourrait en subir les conséquences. Je ne sais pas. Il faudrait examiner chaque cas individuellement. À mon avis, ces gens-là ne sont pas irresponsables. Voilà donc à mon sens le rôle du MPO dans tout cela et son impact sur la collectivité.

Permettez-moi de soulever un autre point. Sur les 750 millions de dollars réservés pour les pêches de la côte est et annoncés en juin dernier -- il y a moins d'un an -- 250 millions de dollars devaient financer le retrait d'un certain nombre de permis. Les autres crédits annoncés dans le cadre de cette initiative serviront à créer des programmes de ressources humaines et de développement économique à l'intention des collectivités côtières concernées.

Au risque d'être accusé de contredire mon analyse constitutionnelle d'il y a quelques minutes, quand nous avons examiné la situation en Colombie-Britannique, nous avons décidé qu'en plus d'établir des programmes de diversification des pêches et de créer de nouvelles pêches ainsi que des pêches sélectives, nous créerions un fonds de 18 millions de dollars qui serait destiné aux collectivités côtières. Les maires de ces collectivités se chargeront d'administrer le fonds, qui servira à favoriser le développement économique de secteurs autres que celui de la pêche dans les collectivités côtières.

Nous avons donc essayé de régler ce problème malgré les restrictions constitutionnelles. Ce sur quoi je veux surtout insister, c'est que le fait de limiter le nombre de permis ne nuit pas aux collectivités côtières. Ce qui leur nuit, c'est l'appauvrissement d'un nombre grandissant de pêcheurs. Voilà ce qui a amené M. Smallwood à s'intéresser vivement à la situation sur la côte de Terre-Neuve. C'est donc un problème dont on reconnaît la gravité depuis plusieurs décennies. Ça ne peut plus continuer, car sinon nos pêcheurs, leurs familles et nos collectivités côtières vont dépérir et disparaître.

Le sénateur Cook: Dans votre exposé, vous avez dit, en abordant la question de la conservation, qu'il y a trop de bateaux à la recherche de trop peu de poissons. Mais à Terre-Neuve, nous sommes aux prises avec un problème d'un tout autre ordre. Il y a trop de phoques à la recherche de tout le poisson. C'est une vraie crise. Les gens sont préoccupés par la situation. Je ne prétends pas être un expert, mais je viens d'un petit port isolé. Je peux imaginer la réaction d'un pêcheur qui a subi les contrecoups du moratoire, tout en bénéficiant d'une certaine aide financière du gouvernement fédéral, et à qui on a enlevé le droit de pêcher, en constatant que les phoques dévorent des milliers de poissons sous son nez.

Ma question est donc celle-ci: qu'allons-nous faire pour redresser la situation? Comment faire comprendre à ces pêcheurs que leur situation nous tient à coeur, et que nous sommes conscients du fait que ce n'est pas une situation normale? Quel message le gouvernement veut-il leur communiquer ce matin?

M. Anderson: À titre d'information, je me permets de vous indiquer que le total des prises admissibles cette année est de 275 000, soit le même chiffre que l'an dernier. L'an dernier, nous l'avons légèrement dépassé; nous avons capturé 282 000 phoques. Les pêcheurs de Groenland en capturent entre 70 000 et 100 000.

D'après ce qu'on nous a donné à entendre, la population de phoques n'est pas à la hausse, ni maintenant ni depuis les deux dernières années. Elle est plus ou moins stables. Nous procédons cette année à une étude très coûteuse, avec photographie aérienne, de la population de phoques afin d'établir une comparaison avec les données recueillies il y a six ans.

Il y a six ans, nous avons calculé que la population de phoques était d'environ 4,8 millions. Nous avons organisé un rassemblement de 75 pêcheurs et scientifiques à St. John's le mois dernier dans le cadre de notre programme permanent d'analyse de l'activité des phoques. Ces 75 personnes, qui sont des chasseurs de phoques, des pêcheurs et des scientifiques, on fait leur petit calcul. Ils ont établi un chiffre approximatif avant de recevoir les résultats d'une nouvelle étude établissant la population à 5,4 millions de phoques.

Même si le nombre de phoques a augmenté de 600 000 sur six ans, il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'une véritable explosion. Nous suivons de très près la situation, et nous avons investi quelque 9 millions de dollars dans des analyses de la population de phoques et de leur prédation.

Si je suis préoccupé par la demande de certains qu'on procède rapidement à la destruction d'un certain nombre de phoques, c'est d'abord parce que les chasseurs de phoques de Terre-Neuve s'y opposent; deuxièmement, la Société d'histoire naturelle de Terre-Neuve a fait remarquer que d'autres facteurs sont également à l'origine de ce phénomène; et troisièmement, à l'université Memorial de Terre-Neuve, les avis sont tout à fait partagés sur la question.

Je me permets d'ajouter qu'à ma connaissance, chaque fois qu'on a essayé d'éliminer des prédateurs ou d'en réduire le nombre, il y a eu des difficultés écologiques par la suite. Il est vrai que nos expériences à cet égard concernent surtout les gros animaux carnivores, tels que le loup, le grizzly, le carcajou, le lynx roux et le coyote. Mais par le passé, ces tentatives ont souvent donné lieu à d'autres difficultés.

Il faut se rappeler qu'en plus de manger la morue, les phoques sont des animaux «opportunistes» du point de vue de leur habitude alimentaire; ils mangent tout ce qui leur tombe sous la dent. Par conséquent, ils ne mangent pas la même chose tous les jours. Ainsi il est difficile de savoir avec précision ce qu'ils mangent, et à quelles époques de l'année, et l'incidence de leur alimentation. Nous pensons également qu'ils ont un important impact sur certaines autres espèces de poissons, qui sont des prédateurs d'alevins de morue. L'encornet en est un autre exemple. Nous ne sommes pas certains que l'élimination de la population de phoques aurait vraiment une incidence très positive sur les populations de morue.

Il y a d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte. Il n'est pas un seul maillon; il fait partie de toute la chaîne alimentaire. Voilà pourquoi il est si important de consacrer 2 millions de dollars dans cette étude des populations, à la photographie aérienne que cela suppose et aux autres études qui sont actuellement en cours. Nous tenons à travailler en étroite collaboration avec les chasseurs de phoques et les pêcheurs.

Quand j'ai annoncé qu'on autoriserait cette année la destruction d'un maximum de 275 000 animaux, la réaction des médias à Terre-Neuve a été très positive. Par souci de modestie, je ne devrais pas vous parler de manchettes comme celle d'un journal en particulier, qui annonçait ceci «Anderson prend la bonne décision». Le ministère des Pêches de Terre-Neuve a dit qu'il était «ravi» et «très enthousiaste» en apprenant la bonne décision que j'avais prise. L'Association canadienne des chasseurs de phoques a également dit que le ministre avait pris la bonne décision. Elle n'était pas en faveur d'une augmentation, craignant l'éventuel effet dévastateur sur le marché.

Je comprends très bien la frustration des pêcheurs. Moi-même je suis frustré devant mon incapacité de leur donner des données tout à fait sûres. Mais ce serait une erreur d'agir immédiatement.

Le dernier point que j'aimerais soulever concerne la décision prise il y a longtemps par le ministre fédéral des Pêches, qui représentait une circonscription électorale à Terre-Neuve, de mettre un terme à la chasse aux phoques à cause de la menace de boycott étranger. Quatre-vingt pour cent de nos produits de la pêche sont exportés -- et la valeur de ces exportations se monte à environ 2,2 milliards de dollars. C'est le cas pour la côte ouest, la côte est et le Nord. Nous savons fort bien que la destruction de deux millions de phoques -- comme l'ont signalée les médias de Terre-Neuve -- serait catastrophique pour l'industrie canadienne du point de vue des relations publiques.

Il s'agit évidemment d'une question tout à fait hypothétique. À titre d'élu, je vous rappelle que le plus important don fait au Parti travailliste britannique avant les dernières élections était celui du Fonds international de protection des animaux.

Boston constitue notre principal marché pour les produits de la mer. Boston se trouve dans l'État du Massachusetts. Le plus important sénateur représentant cet État est le sénateur Edward Kennedy, et il en faveur de l'abolition de la chasse aux phoques. Il y a un certain nombre de problèmes auxquels il convient de réfléchir longuement en ce qui concerne la commercialisation et d'autres aspects de la question.

Le sénateur Cook: Je ne parle pas d'une opération d'éclaircissage; je ne parle pas du quota établi pour cette année. Je parle d'un phénomène que les pêcheurs de la côte Nord-Est n'ont encore jamais connu, c'est-à-dire la morue qu'ils trouvent sur la plage en plein hiver, un peu comme le capelan en mai et juin. Voilà ce qui me préoccupe. Si ce n'est pas à cause des phoques, pourquoi observons-nous ce phénomène? C'est préoccupant parce que nous parlons d'une espèce qui fait actuellement l'objet d'un moratoire. Eh bien, les poissons qu'on trouve sur la rive n'ont plus ni ventre ni foie. On nous dit que les phoques sont à l'origine de ce problème.

Donc, ma question ne concernait ni une opération d'éclaircissage ni le quota établi pour cette année. Je vous demande de m'expliquer l'origine de ce phénomène écologique que nous observons sur nos rives?

M. Anderson: Pour le moment, nous n'en savons rien. La Société d'histoire naturelle de Terre-Neuve fait remarquer que ce même phénomène a déjà été observé par le passé. Elle a mentionné l'année 1920. Un débat est actuellement en cours à ce sujet à Terre-Neuve.

Nous savons tous que l'eau froide des baies de Terre-Neuve a déjà tué et continu à tuer le poisson. Nous savons que le poisson a tendance à flotter au départ parce qu'il contient de l'air, mais qu'il finit par couler. Nous savons également qu'il y a des crabes sur le fond qui vont attaquer la partie la plus molle du corps, c'est-à-dire le ventre. C'est là que nous observons beaucoup de dégâts.

Cela ne veut pas dire que tous ces dégâts sont causés par les crabes. Les phoques mangent la morue. Nous le savons d'ailleurs depuis longtemps, depuis avant même l'arrivée de Jean Cabot sur les rives de Terre-Neuve il y a 501 ans. Il reste que nous n'avons pas de réponse scientifique définitive à vous offrir à ce sujet.

Je vais vous communiquer les résultats de la réunion rassemblant 75 scientifiques, pêcheurs et chasseurs de phoques à Terre-Neuve le mois dernier. Je vais également vous envoyer l'information complète sur la réunion que nous tenons le mois prochain, c'est-à-dire la réunion de suivi à laquelle nous allons procéder à des analyses en essayant de tirer des conclusions définitives. Les scientifiques ne sont pas tous d'accord, et le débat qui est actuellement en cours à ce sujet est tout à fait légitime.

Je ne suis pas là pour vous dire que c'est l'un ou l'autre. Des gens tout à fait honnêtes ont des points de vue différents sur la question. Le ministre de Terre-Neuve a comparu hier devant le comité des pêches de la Chambre des communes. Aujourd'hui, nous allons entendre le point de vue de Tina Fagan, directrice de l'Association canadienne des chasseurs de phoques, qui a une opinion totalement différente.

Je voudrais être en mesure de vous donner une réponse plus définitive. Je m'engage cependant à vous fournir toute l'information que je vais recevoir. Peut-être pourrions-nous en discuter, car pour le moment, aucune position définitive n'a été prise.

Le sénateur Butts: Monsieur le ministre, j'apprécie vos réponses concernant les collectivités côtières. Mais ce que vous décrivez ne correspond pas à la perception là-bas. Vous avez parlé de chiffres. Mais dans les collectivités où moi j'ai travaillé, c'est DRHC qui s'occupe de ces chiffres, et non le MPO. Le MPO n'a pas de véritable image là-bas. C'est peut-être d'ailleurs l'un des aspects du problème.

Le maire d'une municipalité a déclaré devant ce comité que le Canada cherchait à éliminer l'article 618 du Code de conduite des Nations Unies sur les pratiques de pêche responsables. Cet article du Code concerne les droits des pêcheurs et des travailleurs de la pêche dans les pêches d'importance limitée. Voilà la perception qu'avait cette municipalité-là. Êtes-vous en mesure de nous affirmer que ce n'est pas vrai?

M. Anderson: Sénateur, je ne prétends aucunement que les collectivités côtières ne connaissent pas actuellement de graves difficultés. En parlant des crédits versés au titre du programme de retrait de permis, je disais simplement que cette initiative devrait permettre d'améliorer la situation de ces collectivités. Je vous signale cependant qu'environ les deux tiers des crédits réservés pour le programme annoncé en juin dernier pour le Canada atlantique sont passés par des ministères autres que le MPO. Nous avons assumé la responsabilité des permis seulement. Le ministère du Développement des ressources humaines et d'autres ont administré les crédits destinés aux programmes de diversification, de développement économique, et cetera. J'appuie d'ailleurs la position du gouvernement à cet égard.

Il ne fait aucun doute qu'il y a beaucoup de mécontentement. Ce mécontentement existe parce que nous n'avons pas pris les mesures qui s'imposaient précédemment pour faire correspondre le nombre de pêcheurs à la quantité de poisson disponible ou plutôt à la valeur de ce poisson. Par conséquent, les pêcheurs s'appauvrissaient de plus en plus et il en restait toujours beaucoup. En fait, lors de l'établissement de la zone exclusive de 200 milles dans les années 70, le nombre de pêcheurs et de travailleurs de la pêche a augmenté considérablement à Terre-Neuve et ailleurs, car chaque collectivité a voulu avoir sa propre usine, pour constater ensuite qu'il n'y avait pas suffisamment de ressources pour tout le monde. Deux problèmes ont caractérisé cette époque: un excès d'optimisme et l'expansion démesurée de l'industrie de la pêche.

Pendant nos vies -- c'est-à-dire celles des personnes ici réunies -- l'industrie de la pêche sur la côte est aura pris énormément d'expansion. Nous cherchons à présent à réduire la taille de cette industrie. C'est une tâche extrêmement difficile qui entraîne nécessairement des difficultés. Nous essayons d'atténuer les difficultés des gens, mais à mon sens, il n'est pas possible de réaliser cet objectif sans que certaines personnes aient des problèmes.

Je comprends très bien la position des maires des collectivités concernées. C'est justement pour cette raison que nous avons voulu faire participer les maires à l'exécution de nos programmes. Cependant, ni les maires ni les collectivités s'en sortiront s'il existe une forte population de personnes pauvres, car le gouvernement municipal devra fournir des services à beaucoup de gens qui ne paient pas de taxes municipales.

Nous voilà donc devant un vrai dilemme. Toute période de transition est forcément douloureuse. Il y a toujours des gens -- ce qui est tout à fait compréhensible et pardonnable -- qui diront que la situation doit rester inchangée parce qu'ils s'imaginent que tout ira mieux à l'avenir. Il reste que nous avons décidé d'apporter un changement au régime et nous comptons poursuivre nos efforts dans ce sens.

Il est clair que les flottes étrangères ne dominent pas nos pêches, pas plus que les grandes entreprises, d'ailleurs. Nos pêches au Canada atlantique appartiennent essentiellement aux pêcheurs individuels. Mais les ressources halieutiques ne sont pas suffisamment abondantes pour que toutes les collectivités s'enrichissent. Il n'y a tout simplement pas suffisamment de poisson. Il va bien falloir trouver d'autres activités économiques; on ne pourra plus dépendre exclusivement des pêches. À moins que quelque chose de tout à fait imprévu ne se produise au niveau du volume de poisson disponible, les ressources continueront d'être limitées et nous ne nous en sortirons pas.

Le sénateur Butts: Dans le Budget des dépenses de votre ministère pour l'année qui vient, vous dites qu'une question prioritaire sera la mise sur pied de conseils de gestion coopérative pour les pêcheurs autochtones. Est-ce qu'on part du principe que les autres en ont déjà?

M. Robichaud: Nous délivrons des permis de pêche communautaires aux collectivités autochtones. Ces dernières administrent les permis qui leur sont délivrés. Elles se chargent de choisir les pêcheurs qui pourront exploiter les ressources aux termes de ce permis. Voilà donc une forme de gestion des permis.

Une autre forme de gestion existe au Nunavut, où un conseil est mis sur pied pour se charger de toute activité liée aux revendications territoriales. Ce conseil a la responsabilité d'étudier et de gérer les prises fixées pour les diverses espèces. Il communique au ministre son plan d'exploitation ainsi que les prises qu'il compte autoriser. Le ministre dispose d'un certain délai pour donner son aval. Il peut refuser ce qui est proposé pour des raisons de conservation, mais il doit justifier son refus.

Ces conseils sont mis sur pied au fur et à mesure que les revendications territoriales sont réglées. Les négociations sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador vont bon train. Si leurs revendications territoriales devaient déboucher sur un règlement, ils mettraient sur pied un conseil qui serait chargé de gérer les pêches sur certains territoires -- c'est-à-dire sur une certaine distance. Voilà le type de conseil qui peut exister.

Le sénateur Butts: Serait-il possible d'en faire autant dans les collectivités non autochtones?

M. Robichaud: Je pourrais justement vous donner un exemple d'un conseil non autochtone. Il existe un certain nombre de collectivités -- par exemple, Shelburne, où les titulaires de permis se regroupent pour former un conseil qui se charge ensuite de gérer la pêche.

M. Anderson: Nous essayons d'être souples. À notre avis, il est très important que les collectivités locales prennent elles-mêmes l'initiative. Nous ne voulons pas leur imposer quoi que ce soit. La meilleure solution est d'attendre que les diverses localités prennent elles-mêmes l'initiative. L'exemple cité par M. Robichaud concerne une initiative locale à laquelle nous avons ensuite réagi.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Monsieur le ministre, je vous communique à l'instant ma vive déception envers la décision que vous avez fait connaître vis-à-vis le crabe des neiges. Je ne vous surprends pas parce que vous connaissez bien ma position sur cette pêche.

Les pêcheurs côtiers du Nouveau-Brunswick et de la Gaspésie avaient fait des demandes qui étaient tout à fait sensibles pour des zones côtières qui leur permettraient d'accéder à un certain stock du crabe des neiges. J'en profite aussi pour dire que le Nouveau-Brunswick est la seule province qui n'a pas de zone côtière pour la pêche au crabe. Les côtiers sont alors exclus, excepté pour les quelques années où ils ont reçu un quota et où cela a été une expérience tout à fait positive. Les pêcheurs en parlent encore. D'ailleurs, lorsqu'on demande aux pêcheurs côtiers ce que cela leur a donné d'aller pêcher le crabe des neiges, ils sortent une carte et ils sont très fiers. Ils vous disent que cela leur a donné un régime d'assurance-maladie pour eux et leur famille, lequel a été mis en place à cause de cette pêche dont ils ont pu bénéficier.

Je suis d'autant plus déçu que le ministère des Pêches et des océans n'a pas su trouver une façon d'inclure ces gens dans une pêche si on ne pouvait pas leur donner une zone côtière. Je comprends que cela peut comporter bien des problèmes, ce ne serait pas mon option préférée. Il serait préférable de leur donner un pourcentage du quota total permanent qui irait aux pêcheurs côtiers bon an mal an.

Ce n'est pas un secret de dire que la pêche au crabe a été une pêche très lucrative. Les pêcheurs de crabe ont acheté des usines de transformation et se sont mis dans une position où ils contrôlent cette pêche, au moins dans le secteur en question.

Comment se fait-il qu'on ne puisse pas trouver une façon d'inclure ces côtiers? Vous dites que nous allons arriver à un groupe de pêcheurs à plein temps. Je suis d'accord avec cela mais chez nous, la pêche aux homards dure dix semaines. Ceux qui ont d'autres permis vont compléter par une pêche de deux ou trois semaines, soit la pétoncle ou peut-être le hareng. Il y a justement un pêcheur qui me disait qu'il n'allait plus tendre ses filets de maquereau parce que les phoques passent en file et les mangent tous. C'est aussi un problème chez nous.

Est-ce que vous pouvez me donner un certain espoir que les pêcheurs côtiers pourront accéder à cette pêche et qu'on finira par trouver un moyen? On a augmenté le quota cette année, mais ce sont encore les mêmes pêcheurs qui l'ont. On a dit qu'on donnait une certaine augmentation pour s'assurer que ceux qui font tout l'argent seront en moyen de contribuer à la caisse pour les travailleurs. C'est bien noble, mais je serais prêt à mettre de l'argent sur la table que les gens qui vont gagner le plus, ce sont ceux qui vont le transformer. Je ne veux pas vous faire des remontrances. C'est un sujet qui me tient à coeur.

Les pêcheurs côtiers auraient principalement pêché dans une zone où il y a du crabe mousseux qui demande beaucoup plus de transformation lorsqu'on le débarque, ce qui aurait aidé la cause des personnes qui travaillent dans les usines de transformation. Allez-vous me donner espoir qu'on va trouver une façon d'inclure ces gens?

[Traduction]

M. Anderson: Merci pour votre question. Elle suggère bien la complexité des questions de gestion. Aucune espèce ne peut être examinée isolément, et il en va de même pour les régions.

La question fondamentale que vous posez est celle de savoir pourquoi il n'existe pas de zones côtières exclusives. L'année dernière, j'ai demandé aux responsables ministériels de se pencher sur la question je voulais connaître les vues de tous les participants avant de procéder à une analyse complète de la situation. Après avoir fait cette analyse, nous avons décidé -- et en fin de compte, c'est moi qui ai pris la décision -- qu'il ne serait pas utile de créer une zone distincte. Les raisons de cette décision étaient fort simples. Il n'existait aucun consensus à ce sujet. Il existait une grande divergence d'opinion parmi les différents intéressés. À part les gens qui pratiquent la pêche le long de la côte, la plupart des autres intervenants -- c'est-à-dire les gens habitant à proximité -- étaient contre l'idée de créer une telle zone. Les provinces étaient également contre. Quand vous créez une zone exclusive, vous excluez forcément certaines personnes. Des gens qui se contentaient de pêcher dans cette zone auraient été exclus du fait de ne pas vivre à proximité. Et par le passé, nous avons justement connu le problème de gens qui étaient perdants lorsqu'on crée une zone de ce genre.

L'autre problème concernait le fait que la pêche mi-hauturière du crabe et la pêche de la crevette dans le golfe étaient visées par un accord de cogestion de cinq ans, et nous n'étions qu'à la troisième année de cet accord. Je suis devenu ministre il y a deux ans. Cet accord était déjà en vigueur et je l'ai justement examiné pour voir s'il convenait ou non de l'abandonner. J'ai décidé qu'une telle décision aurait des conséquences ailleurs, conséquences qui n'auraient pas été souhaitables. Les pêcheurs devraient pouvoir compter sur le ministère des Pêches et Océans pour respecter un accord conclu pour une période de cinq ans.

Il y avait également d'autres éléments. Il a déjà été question du fonds. Le vérificateur général me reproche d'avoir outrepassé les limites de ma compétence législative en créant ce fonds. J'ai l'intention d'en discuter avec lui. Il reste que je crois fermement en l'utilité de ce fonds, quelle que soit la nature de ses critiques.

Je vais demander à M. Robichaud de répondre aux autres éléments de votre question concernant les autres espèces, mais je voudrais tout de même que vous sachiez que j'ai étudié de près la possibilité de créer une zone côtière. Cela n'était pas possible à cause de l'opposition de différents groupes et intervenants clés, surtout qu'il aurait fallu revenir sur l'engagement pris par mon prédécesseur envers les pêcheurs. J'estimais que cette idée n'était pas à retenir.

M. Robichaud: Je voudrais répondre à un élément de votre question concernant la possibilité de partage. Nous en sommes à la troisième année, ce qui veut dire qu'il n'y a pas eu de partage pendant deux années successives. Cependant, il y a eu partage au cours de la première année. Les perspectives de la ressource à partir de l'année prochaine -- étant donné que c'est cyclique -- sont meilleures. Nous espérons par conséquent qu'il sera possible de partager la ressource dans les années qui viennent.

Il a également été question de la capture de crabes plus matures. Il n'est pas possible de capturer seulement les crabes les plus matures. Il faut également exploiter les jeunes crabes pour être sûr d'avoir un bon mélange. Une pêche axée uniquement sur la capture de crabes plus mûrs n'est pas viable. À partir de cette année, ce crabe ne sera plus disponible au-delà de 1999. Nous intensifions nos efforts de vérification en mer et à quai, et des mesures énergiques seront prises si un pêcheur ne débarque que du bon crabe alors qu'à côté d'autres ont un bon mélange de crabes de différents âges.

Le sénateur Adams: Par le passé, le Canada avait un accord avec d'autres pays pour assurer la protection des mammifères marins. Mais dernièrement, le Canada s'est surtout intéressé au règlement des revendications territoriales visant le Nunavut. Hier, j'ai assisté à une séance du comité des pêches de la Chambre des communes. Nous avons entendu les propos de représentants du Nunavut et d'une association du Labrador. Pendant les audiences d'hier, les témoins parlaient surtout de la façon dont leurs efforts de promotion des peaux et de la viande de phoques à des fins d'exportation vers d'autres pays avaient permis de redresser leur économie.

Le Canada a conclu un accord avec d'autres pays -- entre autres les États-Unis et divers pays européens -- mais il est difficile de négocier l'exportation des peaux de phoques et de l'ivoire. Nous n'avons pas le droit d'exporter ces produits vers les États-Unis ou d'autres pays étrangers.

Que peut faire le Canada en vue de renégocier ou de modifier sa politique, notamment du point de vue de ses conséquences pour les peuples autochtones? Selon l'information que nous avons reçue hier, les gens gagnent environ 20 000 $ par année grâce à la vente de peaux de phoques. Il n'en va pas de même pour Terre-Neuve. Parfois les phoques sont capturés et la famille aimerait pouvoir vendre les peaux mais ces dernières doivent être vendues à des gens à North Bay et en Colombie-Britannique. Ceux qui fréquentent les ventes aux enchères sauront qu'on y vend chaque année environ 7 000 peaux de phoques. Elles se vendent environ 30 $ l'unité. Que peut-on faire pour éliminer ce problème et garantir que cette activité sera économiquement viable pour les membres des diverses localités qui vivent de la terre et de la vente de peaux de phoques?

M. Anderson: Les représentants du Nunavut ont participé à la réunion des ministres de l'Atlantique à Québec il y a deux jours ainsi qu'à la réunion nationale tenue il y a trois jours. Nous étions ravis de pouvoir les accueillir à titre de participants.

Pour ce qui est de la vente des peaux de phoques, je crois fermement en l'utilisation intelligente des mammifères marins, y compris les phoques. Cela me semble tout à fait normal et même nécessaire, dans certains cas. Ces marchés sont donc très importants. Je ne vais pas répéter ce que je disais tout à l'heure concernant les risques liés à ces marchés. Ils revêtent une très grande importance pour la population du Nord et il faut que les autres Canadiens gardent cela à l'esprit.

Vous me demandez ce que l'on peut faire face à l'embargo américain visant l'ivoire et les peaux de phoques. À mon avis, la seule façon est de continuer à faire pression sur les États-Unis. Les Américains sont intraitables à cet égard. Nos adversaires sont très actifs. Ils veulent à tout prix réduire le marché. Ils veulent faire en sorte que la chasse aux phoques ne soit plus viable. Ils ne veulent surtout pas que quiconque cherche à créer une industrie viable qui, tout en étant limitée, revêt une très grande importance pour les résidents des côtes du Canada atlantique et du Nord. Nous voulons nous assurer que cette activité pourra continuer. Nous avons intensifié nos efforts de marketing et de promotion ailleurs dans le monde, mais les Américains sont particulièrement intransigeants.

Pour ce qui est de l'ivoire, les sculpteurs du Nunavut et du reste de l'Arctique ne peuvent pas exporter vers les États-Unis des sculptures utilisant des vestiges d'os de baleines tuées voilà plusieurs siècles qui ont été récupérés sur la plage. Ils refusent catégoriquement et prétendent que le fait d'exporter des sculptures contenant des morceaux d'os d'une centaine d'années menace l'actuelle population de baleines. Jamais on aura entendu un argument plus absurde, à mon avis. Il y a bien des choses ridicules qu'on découvre quand on s'intéresse à la gestion des pêches et des mammifères marins, mais cet argument-là est le comble de l'absurdité. L'idée, c'est de s'assurer que nous ne pourrons pas exploiter avec succès les mammifères marins, si bien que nous nous découragerons et finirons bien par abandonner cette activité.

Dans de nombreuses régions du pays, il existe peu de débouchés. Vu l'existence de cette ressource naturelle et les talents artistiques du peuple de l'Arctique et du Nunavut, j'avoue que cette restriction me met hors de moi. Je rencontre fréquemment les responsables américains pour discuter d'autres questions. Je rencontre des gens qui travaillent à tous les niveaux et je m'empresse toujours de répéter à quel point leurs politiques sont injustes et discriminatoires envers les peuples du Nord du Canada et que cela suscite un vif ressentiment. J'espère que nous réussirons un jour à les faire changer d'avis. D'ailleurs, cette perception et cette restriction qui nous est imposée sont tout à fait inconséquentes, vu la situation en Alaska.

Je termine en vous disant que je continuerai de porter avec fierté le drapeau et de mener cette bataille, même si je n'ai pas nécessairement bon espoir que nous arriverons à faire reculer le moindrement la volonté irréductible des Américains dans cette affaire.

Le sénateur Adams: Même si vous participez directement?

M. Anderson: Oui, sénateur, cela ne change pas grand-chose. Je ne peux pas vous dire à quel point mes discussions avec les Européens concernant la crevette transformée à Terre-Neuve et dans d'autres parties du Canada atlantique, de même que la crevette débarquée plus au nord, sont une source de frustration. Lorsque j'étais à Londres l'avant-dernière fois, j'ai rencontré tous les ambassadeurs des pays européens afin de discuter du boycott et de l'interdiction visant les mammifères marins. Ce n'était guère encourageant. Les Européens se sont montrés très fermes et, si je peux me permettre d'employer ce qualitatif sans offusquer personne, tout à fait irrationnels.

Le sénateur Perrault: J'apprécie beaucoup la présence du ministre ce matin de même que sa grande franchise. C'est la preuve que le ministre maîtrise son portefeuille et fait bien son travail.

Je m'intéresse à la situation sur la côte ouest. Le ministre pourrait-il nous donner son pronostic relativement à l'éventuel développement des ressources du Pacifique? Nous avons déjà parlé des problèmes de la région de l'Atlantique, mais y a-t-il des signes encourageants dans l'Ouest?

M. Anderson: Oui, sénateur, il y a effectivement des signes encourageants. Nous avons enregistré un meilleur rendement de saumon coho dans la partie supérieure de la rivière Thompson ainsi que dans la rivière Skeena que n'aurait été le cas normalement si nous n'avions pris aucune mesure. La destruction de poissons due à l'activité de pêche, c'est-à-dire de poissons qui sont remis à l'eau après avoir été capturés, a pu être réduite à environ 2 p. 100 dans la partie supérieure de la rivière Thompson. Rappelons-nous que c'était 80 p. 100 il y a quatre ans. Là il s'agissait de saumon coho; c'était différent pour le saumon rouge.

L'année dernière, le saumon rouge s'en est bien tiré, notamment à cause de l'accord conclu avec l'État de Washington, que tant de gens ont critiqué. Le résultat s'est révélé extrêmement positif, étant donné que les conditions naturelles étaient fort difficiles. Le niveau d'eau du fleuve Fraser était faible et la température de l'eau dépassait 20 degrés Celsius, c'est-à-dire bien au-delà de la limite, qui est normalement de 16 à 18 degrés. Nous avons observé un taux de mortalité de 40 p. 100 dans le fleuve, par rapport à un taux de mortalité de 4 à 6 p. 100 l'année précédente. Les poissons n'arrivaient pas à remonter jusqu'à la frayère, et ceux qui y arrivaient étaient tellement épuisés qu'ils mourraient avant de frayer. Malgré tout, grâce à l'accord conclu avec les Américains, dans le cas de la plupart des stocks de saumon rouge, les nombres étaient suffisants.

La pêche cette année sera plutôt médiocre. Je n'ai pas encore communiqué les plans de pêche et les analyses détaillées, mais je peux vous dire que de façon générale, ce ne sera pas très positif. Nous allons devoir limiter la pêche commerciale dans certaines zones de la côte, en raison des faibles stocks de saumon quinnat et coho. De même, dans certaines zones de la côte, l'exploitation du saumon rouge fera l'objet de restrictions.

Il y a néanmoins un certain nombre d'éléments positifs. Le tableau n'est pas entièrement sombre, mais la prochaine année s'annonce difficile en ce qui concerne le saumon. D'autres pêches prospèrent, même si nous avons tendance à toujours parler du saumon. Je ne peux que répéter, comme je l'ai fait lors de la dernière réunion, que la reconstitution des stocks de poissons sur la côte ouest demandera entre six et huit ans. Il ne sera pas possible de le faire en moins de temps, car pour reconstituer les stocks, il faut au moins deux cycles biologiques complets dans le cas du saumon coho, et l'équivalent pour les autres espèces. Une fois que nous aurons reconstitué ces stocks encore faibles, nous serons en très bonne posture.

De plus, si nous espérons réussir à reconstituer ces stocks, il est essentiel que nous travaillions avec nos collègues américains de la région du Pacifique. Ce serait impossible autrement. La frontière a beau être une ligne de démarcation tout à fait artificielle, elle est devenue une autre cause de l'effondrement des stocks de poissons. Avec mes homologues américains, j'espère arriver au point où cette ligne de démarcation, invisible dans l'eau, le sera également sur le plan de la conservation. Les choses vont bon train. Les discussions techniques sur le traité du saumon du Pacifique tenues ces deux derniers mois ont été productives.

Les gouverneurs des États de l'Oregon, de Washington et de l'Alaska et le président du American Council of Environmental Quality se réunissent à Seattle aujourd'hui même. J'ai parlé à ces quatre messieurs au cours des trois derniers jours et eux, aussi, sont optimistes. Ces discussions déboucheront sur une entente que certains Canadiens de la côte ouest qualifieront certainement d'insuffisante.

Les gens qui veulent tout avoir et qui ont toujours des jugements absolus vont découvrir que des compromis s'imposent si on veut conclure un accord satisfaisant. Si nous parvenons à un accord, ce sera forcément un compromis, et à ce moment-là, certains protesteront en disant que ce résultat est insuffisant. Six années de pêche sans accord, à part celui conclu l'année dernière, ont affaibli notre position et nos capacités. Ceux qui prétendent qu'il vaut mieux se passer d'accord tant qu'on n'a pas l'accord parfait se leurrent. Un programme de conservation cohérente ne sera pas possible en l'absence d'un accord cohérent avec les Américains. Ce n'est tout simplement pas possible.

Le sénateur Perrault: Comme vous le savez, nous organisons des rencontres chaque année avec des élus américains. L'année dernière, nous nous sommes réunis à Nantucket pour une discussion très franche sur les pêches. Cette année, nous nous réunirons à Québec. La question des mesures de conservation du saumon et d'autres espèces canadiennes sera certainement à l'ordre du jour de ces réunions. Ce serait utile, à mon avis, que les membres de cette délégation canadienne de députés et de sénateurs qui assisteront à ces réunions soient bien informés de la situation.

M. Anderson: Je m'en voudrais de ne pas vous féliciter de l'excellent travail que vous avez fait à Nantucket. Le sénateur Stevens de l'Alaska, président du comité des crédits, est certainement un acteur important. C'est lui qui décide si la fonction publique et les militaires américains seront rémunérés. C'est également lui qui fixe le niveau des dépenses par l'entremise du comité des crédits. Nous avons donc besoin de son aide et de celle des autres sénateurs de l'Alaska, de l'Oregon, de Washington et des autres États. Il ne s'agit pas d'un problème purement local; cela touche tous les aspects des relations canado-américaines.

Le sénateur Perrault: Juste avant notre départ, les sénateurs américains ont proposé que nous nous assoyions ensemble pour régler nos problèmes politiques au cours des prochains mois. J'aimerais justement que nous le fassions.

M. Anderson: C'est déjà en cours. Bien entendu, les experts techniques travaillent très fort, mais il y a toujours une distance à franchir. C'est rare que les experts techniques arrivent à conclure une entente. Il faut la volonté politique du Sénat américain. Ni le président, ni les membres du Cabinet, ni le Council of Environmental Quality ni le National Fisheries Service ne sont en mesure de le faire. Ce sont les élus américains qui doivent s'en charger, notamment les sénateurs qui représentent Washington, D.C.

Le sénateur Stewart: J'ai deux questions à poser, dont l'une s'adresse directement au ministre. J'aurais besoin d'un éclaircissement.

Dans la réponse que le ministre m'a faite tout à l'heure, il a parlé d'autres règlements visant les quotas. Je voudrais cependant en revenir au sujet de la réunion de ce matin. Comme je viens de le mentionner, il a dit qu'il y aurait peut-être d'autres règlements. Certains prétendent qu'on a tenu compte par le passé de l'effort de pêche des entreprises et des particuliers au moment d'attribuer les quotas, si bien que ceux qui ont exploité abusivement les ressources halieutiques par le passé reçoivent les plus importants quotas étant donné leur participation antérieure.

Dans ces autres règlements, comptez-vous prendre des mesures pour corriger ce problème?

M. Anderson: Sénateur, nous appliquons d'autres règlements, par exemple ceux qui prévoient que certains quotas doivent rester entre les mains d'un particulier ou parfois d'une famille. Il y a d'autres façons de s'assurer que les quotas ne peuvent être transférés. C'est pour cela que nous avons des quotas individuels de même que des quotas individuels transférables. On n'a pas besoin d'un quota transférable lorsqu'on est titulaire d'un quota individuel. Il y a donc diverses façons de régler le problème que vous décrivez.

En ce qui concerne l'activité historique des participants, je viens de passer deux jours avec les ministres provinciaux à débattre cette question. Le Québec et le Nouveau-Brunswick insistent pour que toutes les pêches reposent là-dessus. Je n'arrête pas de faire remarquer au Québec que si j'avais fait ça, et que si mes prédécesseurs avaient adopté cette méthode durant la période de 1989 à 1997, le Québec aurait eu une augmentation moins importante étant donné qu'il a largement dépassé sa part historique dans de nombreuses espèces. L'un des secteurs qui a connu une augmentation est celui du hareng, où ils sont passés de 100 tonnes à 1 500 tonnes. Si on avait limité le Québec à sa part historique, il aurait eu droit à un quinzième du poisson capturé l'année dernière.

La notion de parts historiques est sacrée pour certains mais non pour d'autres. Le Nunavut en particulier, dont les représentants sont arrivés sur la scène 10 jours après avoir créé un nouveau territoire, estiment que la notion de parts historiques ne tient pas debout. C'est assez ironique, dans un sens, car personne n'a une part plus historique, à titre de résidents des collectivités côtières du Canada, que le peuple inuit. Mais les Inuits estiment qu'un système axé sur la part historique serait limitatif.

Le sénateur Stewart: Monsieur le ministre, je ne parlais pas des parts détenues par les provinces, mais plutôt par les pêcheurs, y compris les entreprises de pêche.

M. Anderson: Il y a un certain nombre d'exemples -- comme la flotte des titulaires de QIT de Scotia-Fundy ou la zone de pêche du crabe no 19, où les transferts ont été limités à 2 p. 100 du contingent de poisson de fond de 1991 de la flotte des titulaires de QIT de Scotia-Fundy ou à 1,75 p. 100, dans la zone de pêche du crabe no 19. Autrement dit, on a prévu certaines limites à l'époque.

Nous essayons d'interdire les personnes qui ont commis des infractions -- c'est-à-dire exploitation abusive des ressources halieutiques, comme vous le disiez -- de pratiquer la pêche. Le problème, c'est que les tribunaux nous disent ensuite que s'ils approuvent une sanction, nous ne pouvons alourdir la peine infligée par le juge en prévoyant des sanctions administratives. Si nous n'avons pas de preuves suffisantes pour un tribunal, à ce moment-là, il s'agit de traitement discriminatoire, puisque nous ne leur réservons pas un traitement adéquat.

Il reste que nous tenons compte de nombreux autres facteurs, en plus de la part historique, c'est-à-dire la viabilité de l'entreprise, l'accessibilité ou la proximité. Et bien entendu, nous assurons la protection des droits des peuples autochtones, qu'il s'agisse de droits en vertu de la Constitution ou de l'article 35. Donc, il y a toutes sortes d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte en plus des antécédents historiques. Ce système ne marche pas toujours et donne lieu parfois à une justice sommaire.

Le président: Nous n'avons plus de temps. Au nom de tous les membres du comité, je remercie le ministre d'avoir accepté de nous rencontrer. Il a un horaire très chargé, mais malgré tout, nous n'avons jamais eu de problèmes chaque fois que nous l'avons invité à comparaître. J'ai remarqué tout à l'heure que le ministre disait qu'il serait tout à fait disposé à revenir une fois que nous aurions eu l'occasion d'examiner la réaction du ministère à notre rapport du 8 décembre.

Je voudrais vous poser une très brève question avant que vous nous quittiez, monsieur le ministre.

Au cours de la dernière année, nous avons entendu dire qu'à la suite de l'écrasement de l'avion de Swiss Air, auquel le Canada a réagi, comme il se devait, en y envoyant la Garde côtière, le budget normalement réservé pour les activités de surveillance avait dû être réduit; il semble que les activités de surveillance prévues ont dû être réduites, ce qui a peut-être pu causer certains ennuis à l'industrie canadienne de la pêche.

Est-il vrai qu'on a dû réduire les activités de surveillance? Et dans l'affirmative, est-ce que ces dépassements de budget vont être imputés au budget de cette année? Autrement dit, est-ce que la décision a été prise de ne pas mener ces activités de surveillance?

M. Anderson: Vous avez raison de dire que les activités de surveillance, ainsi que d'autres activités du ministère des Pêches et Océans, ont dû être réduites à cause du personnel que nous avons envoyé à Peggy's Cove. Nous n'avions tout simplement pas suffisamment de personnel dans la région de Scotia-Fundy, au Nouveau-Brunswick ou ailleurs pour effectuer ces activités. Quand nous manquions totalement de personnel formé pour faire ce travail, nous avons procédé à des mutations. Mais tout cela est terminé maintenant.

Sur la question du financement, la réponse est non. Nous nous attendons à récupérer la totalité des frais engagés, mais les ministres qui croient les organismes centraux lorsqu'ils disent qu'ils vont vous rendre tout l'argent que vous avez dépensé ont tendance à oublier que ces mêmes organismes prétendront que le ministre aurait été obligé de mener certaines de ces activités de toute façon. Donc, je sais que je vais devoir me battre pour m'assurer de recouvrer toute la somme que nous avons engagée. D'ailleurs, j'aurai peut-être besoin de votre aide à cet égard.

Le président: Avec plaisir.

Merci infiniment au nom de tous les membres du comité; nous espérons vous revoir très bientôt.

Le sénateur Stewart: Je pensais que nous saisirions cette occasion pour entendre la réaction du ministre à notre rapport. Mais nous avons décidé d'aborder toutes sortes d'autres questions. La situation n'est cependant pas sans espoir, puisque le ministre a déjà indiqué qu'il serait prêt à revenir.

Les membres du comité peuvent-ils m'assurer que nous allons consacrer notre temps et celui du ministre à une discussion de la question principale que nous souhaitions aborder aujourd'hui, à savoir la réaction du gouvernement au rapport du comité. Autrement, ça ne sert à rien de l'inviter à revenir pour parler du Budget des dépenses, à moins que nous nous en tenions à la raison même de sa présence devant le comité.

Le sénateur Robichaud: Voulez-vous parler exclusivement du rapport? Ma question au sujet du crabe concernait l'attribution de quotas aux pêcheurs. À mon avis, ça cadrait tout à fait avec le thème de la discussion, étant donné que l'une des recommandations concerne l'effet de la répartition des quotas. Faut-il vraiment poser des questions d'une telle spécificité?

Le sénateur Stewart: J'ai l'impression que dans le domaine de la pêche, si vous commencez à parler de quotas, vu la complexité de cette industrie, vous pouvez aborder à peu près n'importe quelle question et prétendre qu'elle est pertinente. C'est une question de jugement.

À mon avis, nous avons rédigé un très bon rapport et je disais au ministre tout à l'heure que je veux surtout éviter que ce rapport connaisse le même sort que d'autres préparés par ce comité sous la direction du sénateur Marshall. Le comité préparait des rapports qui étaient aussitôt oubliés, et entre-temps, l'industrie de la pêche périclitait.

Nous avons des préoccupations qui n'ont peut-être pas été parfaitement explicitées. Peut-être que nos préoccupations sont déplacées. Mais c'est l'occasion pour nous de les exprimer en présence du ministre et de nous assurer que le ministre est au courant de ces préoccupations. Sinon, nous faisons perdre l'argent des contribuables.

Le sénateur Robertson: Je suis d'accord avec vous, sénateur Stewart, pour dire que nous devons avoir l'occasion de réagir à ses observations concernant notre rapport.

Le sénateur Stewart: Nous avons reçu le document ce matin seulement.

Le sénateur Robertson: Nous avons reçu le document à 17 h 06 au bureau. C'est l'heure à laquelle il a été livré.

J'essayais d'aborder les questions qui inquiétaient beaucoup le sénateur Butts, le sénateur Stewart et d'autres membres du comité, questions que nous avons justement abordées dans notre rapport en précisant la nature de nos préoccupations. Je ne m'attendais pas à recevoir un cours magistral sur les programmes gouvernementaux, programmes que doivent connaître de toute façon les gens assis autour de cette table.

Nos petites localités de pêche ne se sentent pas en sécurité. Il y en a beaucoup au Nouveau-Brunswick qui se posent des questions sur la viabilité future de leur localité si la politique n'est pas modifiée. Nous savons que DRHC et d'autres ministères fédéraux exécutent divers programmes, mais vu les résultats, il semble clair que l'argent ne suffira pas pour régler le problème. Il faut une certaine collaboration entre les ministères. On a l'impression qu'un ministère ne sait pas ce que fait l'autre.

Voilà donc les questions que nous allons devoir aborder, sénateur Stewart. Ne me parlez pas des bourses et des programmes dont peuvent se prévaloir les pêcheurs du Canada atlantique. Nous les connaissons déjà. Nous sommes membres de ce comité depuis aussi longtemps que le sénateur Stewart. C'est tout simplement insultant.

Le président: Nous avons pris bonne note de vos remarques. S'il n'y a plus d'interventions, je vais m'assurer de rappeler à tous les intéressés, en prévision de la prochaine visite du ministre, que nous devrons nous en tenir à la question précise que nous voulons explorer. Comme le disait le sénateur Stewart, nous avons rédigé un rapport qui nous semble très important qui contribue grandement à la discussion sur l'avenir des politiques d'attribution de permis et de quotas au Canada. Nous aimerions que le ministre tienne compte de nos observations, et si les responsables ministériels ne comprennent pas bien nos recommandations, nous nous assurerons de bien les expliquer.

Le sénateur Perrault: Le ministre a déjà dit qu'il est tout à fait disposé à revenir. Invitons-le à revenir une fois que nous aurons examiné le rapport ministériel. Cela va certainement faciliter notre travail.

Le président: Très bien. S'il n'y a plus d'intervenants, je déclare la séance levée.

La séance est levée.


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